Notice-Vivre (parmi les vivants)

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TPS-Notice 2021/202

Vivre (parmi les vivants) Vivre est un verbe d’action caractérisant le fait d'être en vie 1 dans un milieu qui est en mesure d’offrir des conditions d’installations favorables. L’architecture fait partie de ces conditions au titre de dispositif tout comme les conditions physiques d’un milieu (présence de ressources, l’eau, le sol, le végétal…) ainsi que les conditions humaines, idéelles (la culture…). Vivre parmi les vivants amène à inclure le dispositif habiter en inter-relations avec l’ensemble de ces conditions. Étymologie : La notion du verbe vivre, du latin vïvere signifie “être en vie”. Les grecs avaient deux mots pour définir cette notion : zôè, exprimant le simple fait de vivre (ne se limitant pas à l’homme) et bios indiquant la forme, la façon de vivre propre à un individu ou un groupe 2 . En biologie, domaine d’émergence de la notion de vivre : Vivre renvoi à l’ensemble des phénomènes qui permettent et maintiennent l’activité des organismes jusqu’à la mort : besoin nutritifs et nutrition, respiration, reproduction, relations avec le milieu. Le contexte comme une composante qui permet de rester en vie. 3 En ingénierie : Couramment l’ingénierie utilise la notion de vivre pour quantifier : la durée de vie d’un matériau par exemple. L’ingénierie tend à la maîtrise de la forme et de l’état de vie en vue de déterminer l’efficacité structurelle. En histoire de l’architecture : Pour ce qui est de l’étude du vivre des humains dans son milieu, un des sens premiers de vivre (une façon de vivre) c’est effacé au fil du temps. Historiquement, vivre avec les vivants était, pour certaines cultures, une nécessité comme les Cases Vernaculaire Caribéenne : l’environnement permettait à la fragilité des Cases de survivre à des aléas cycloniques. C’est à l’époque des modernes que la distinction perd de sa pertinence, les pouvoirs politiques/les technos-sciences prennent en charge la forme de vie. Le projet des Maisons Tropicales, conçu dans les années 1950 par Jean Prouvé en est un exemple. Durant la conception, Jean Prouvé ne dessine pas de plan masse, c’est un projet hors sol, favorisant alors la préfabrication et la standardisation. La condition physique du milieu n’est plus perçue comme une manière d'être en vie. En géographie et urbanisme : L’habitabilité d’un territoire se définit par sa capacité à établir la vie de ces habitants via l’édification d’habitats. La ville a été pensée pour que les hommes puissent être protégés, la nature sauvage constituant un véritable risque. Vivre est donc, autant la projection de l’habitabilité d’un territoire qu’un outil/indicateur : niveau de vie, l’espérance de vie... Vivre parmi les vivants a été abordé en urbanisme avec la notion du mitage ou la relation entre vivant et édifice a été associée à de l’étalement urbain venant détériorer le paysage: une scission entre vivant et architecture s’opère et génère alors, des formes urbaines densifiées. La question est de savoir si le mitage du territoire n’est pas une manière de laisser la place au vivant, si ces espaces ouverts 4 en relation avec le bâti, mais également de manière plus large, avec son territoire, favoriserait des modalités d’habiter un milieu plus résiliente. La place du vivant est de plus en plus questionnée surtout en ville car il génère des qualités spatiales comme celui de la réduction du phénomène des îlots de chaleur. Le projet Parco Dora, à Turin, est un exemple ou le végétal est devenu un matériau de projet. Réduire les îlots de chaleur mais il était question également d'adapter les différentes essences d’arbres afin d’apporter des solutions à des enjeux complexes tels que la stabilité du sol, la gestion de l’aléa inondation ou encore de dépollution. Dans le processus projectuel: Junya Ishigami : L’architecture ce n’est pas seulement construire quelque chose en accord avec ce qu’il y a autour mais c’est développer tous les éléments, toutes les potentialités de cet environnement et j’ai toujours cela à l’esprit quand je conçois un bâtiment.5 [16 min]. Junya Ishigami donne une importance aux éléments (l’eau, le végétal, le ciel) dans ces projets


TPS-Notice 2021/202 l’amenant à une architecture de circonstance selon l’architecte Yves Lion. Vivre parmi les vivants permet de re-questionner les enjeux associés à l’édifice dans sa définition (structurelle, matérielle, idéelle) puisque le vivant permet d’apporter une contribution à ces résolutions, il y a un décentrement de l’édifice en tant que simple objet dont dont sa seule existence permettrait sa légitimité. Cet échange est vecteur d’un potentiel pour l’architecture, aller au-delà de la matérialité par la matérialité afin de définir de nouvelles manières d’habiter, de faire société. La fragilité des Cases Vernaculaires Caribéenne s’exprime puisque le vivant la protège des agressions liées aux vents, à la houle. Cette fragilité est vectrice d’une accroche au monde, résiliente, nourrie par la pensée de système de vie : vivre avec les autres humains (l'implantation de plusieurs Cases permet de couper les vents), vivre avec les autres non humains (le végétale, le sol). Ainsi vivre parmi les vivants génère une pensée architecturale nourrie par les relations et trajectoire comme le définit Michel Foucault.

Bibliographie 1.Dictionnaire CNRTL, 2012. Vivre. consulté le 13.11.2.21, disponible en ligne : https://www.cnrtl.fr/definition/vivre 2.DUBREUIL Laurent, 2005, De la vie dans la vie : sur une étrange opposition entre zôê et bios, Labyrinthe, mis en ligne le 22 juillet 2008, consulté le 23 octobre 2021. URL : http://journals.openedition.org/labyrinthe/1033 ; DOI : https://doi.org/10.4000/labyrinthe.1033 3.POL Didier, 2021, Biologie : définition, mis en ligne par La Fondation La main à la pâte, consulté le 16.11.2021 et disponible sur : https://www.fondation-lamap.org/fr/page/11266/biologie-definition 4.CANKAT Ayşegül sous le parrainage de Monique Poulot Moreau, 2019. L’inédit, Etre architecte, la construction d’une éthique par la compétence spatiale. Mémoire pour l’obtention de l’habilitation à diriger des recherches. Université de Paris-Nanterre.p 245 Vers une architecture appropriée? , 1990, n°3,Colloque, Ecole d’Architecture de Clermont-Ferrand, «Donner l’habiter : architecture - œuvre d’art - existence», Clermont-Ferrand, 1990. pp152. 5.Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2018. Talk Junya Ishigami et Jean Nouvel - Fondation Cartier-28 mars 2018. Visionnée le 16.11.2021 et disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=cBuaH8GdQco 5. BORRUEY René, De CARLO Giancarlo, DESGRANDCHAMPS Guy, PHILIPPE PECKLE Benoît, QUEYSANNE Bruno, 1999. ARCHITECTURE ET MODESTIE, Acte de la rencontre au couvent de la Tourette (centre Thomas More) le 8 et 9 juin 1996. Grenoble Éditions Théétète, coll. Des lieux et des espaces. pp89 PAVIOL Sophie (responsable scientifique), GROSSO Jean-Christophe, DELLINGER Frédéric, CHEVALLIER Laurie, KIRCHHOFF Heidi, LAVALL Laurent, VERNET Estelle, LUCAS Lafont, COSTES Cyril. 2021. LA MODERNITÉ TROPICALE FACE AUX RISQUES SISMIQUES : Histoire d’une modernité située et stratégies d'adaptabilité à partir des groupes scolaires d’Ali Tur en Guadeloupe (1930-1937). Paris, BRAUP, Architecture du XXème siècle, matière à projet pour la ville durable du XXIe. pp 464 VERNET Estelle sous la direction de PAVIOL Sophie. La Résilience, se laisser détruire, Culture du risque cyclonique dans la Caraïbe : histoire, pensées et représentations. 2020. ENSAG mémoire de Master AEdification, Grand Territoires, Villes. pp 79. DESIDERIO G.2013. Transformation of former industrial Land : Parco Dora in Turin, Paesaggio Urbano/Urban Design. Mise en ligne le 15.01.2013, consulté le 18.11.2021.[https://paesaggiourbanoweb.wordpress.com/2013/01/15/transformation-of-former-industrial-landparco---dora-in-turin-g-desiderio/]

Autrice : Estelle VERNET


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