ARTS DE FAIRE ESTUAIRE DE LA LOIRE, TERRITOIRE EN MOUVEMENT Chérif Hanna, Éric Chauvier, Saweta Clouet
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes
Ecole Nationale SupÊrieure d’Architecture de Nantes
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Estuaire de la Loire, territoire en mouvement Équipe Cordemais : Héloïse Gevrey Camille Bresteau Arthur Barbara Edouard Eriaud Yaman Razouk
Équipe Donges - Lavau : Adèle Bertrand Delphine Charnacé Hélène Guillemot Cyrille Merlet Tiphaine Sirio
Équipe Couëron : Adeline Boulaire Nicolas Bodet Alice Khaled Margot Moison
Équipe Bouguenais : Manuel Bertrand Cécile Foucreau Edouard Moulin Lucien Pigeard
Équipe enseignante :
Chérif Hanna, Architecte Urbaniste Eric Chauvier, Anthropologue Saweta Clouet, Architecte
Intervenants :
Jennifer Aujame, Réalisatrice Flore Grassiot, Architecte - Urbaniste Antoine Mialon, Architecte - Urbaniste Ricardo Basualdo, Artiste et Scénographe Urbain Marine Leroy, Architecte Pierre Cahurel, Designer
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Équipe Paimboeuf : Charlotte Boyard Kévin Chesnel Juliette Lempereur Nicolas Padovani Tifenn Taillandier
“Paradoxalement, les critiques les plus violentes sont venues de l’interprétation de ces espaces compris comme des lieux incomplets et l’on m’a accusé pour cela d’être ‘incapable de terminer’. En réalité, la préoccupation portait sur la morphologie de l’ensemble, qui s’est avérée bien vivante puisque les lieux ont commencé, effectivement, à être occupés... Seul celui qui prétend avoir une lecture immédiate et définitive de la ville, et surtout ne sait pas lire entre les choses, peut croire Malagueira incomplète avec ses quelques parties qui restent, indéfinies ou oubliées” . Avaro Siza , Imaginer l’évidence, Marseille, Parenthèses, coll. architectures, 2012.
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ESTUAIRE DE LA LOIRE, TERRITOIRE EN MOUVEMENT
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ESTUAIRE 2029
ARTS DE FAIRE ChĂŠrif Hanna, Eric Chauvier, Saweta Clouet
www.artsdefaire.org 5
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INTRODUCTION L’ANTHROPOLOGUE ET L’ARCHITECTE Chérif Hanna
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STUDIO DE PROJET «ESTUAIRE 2029» Éric Chauvier
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« HABITER, NÉGOCIER, BÂTIR »
Margaux Vigne
SUR LA PLACE PUBLIQUE
Elisa Dumay
ACCOMPAGNER LA DIVERSITÉ DE L’HABITER DANS SON DEVENIR ARCHITECTURE
Ricardo Basualdo
TRAVERSÉES URBAINES FILMÉES
Jennifer Aujame
ARTS DE FAIRE
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ESTUAIRE DE LA LOIRE, TERRITOIRE EN MOUVEMENT
Les étudiants réalisent sur le terrain un travail « en profondeur ». Ils réalisent avec les habitants et ceux qui interviennent à titre divers sur le site, un travail d’écoute et de repérage. Tout au long de leur intervention, Ils confrontent leurs analyses et projets avec leurs pratiques et avis, sans oublier l’approche des programmes et décisions qui recouvrent les différentes échelles de l’Estuaire de la Loire. 8
Le dialogue avec chaque partenaire et collectifs concerné est, du début à la fin, partie prenante de la construction du projet. L’équipe enseignante associe à chaque étape de participation et/ou de négociation une démarche anthropologique à la construction et la programmation d’un projet d’aménagement. Les projets ne sont pas élaborés ici en circuit fermé (enseignants/enseignés). Ils sont adressés et présentés à ceux qui, sur le terrain, ont été sollicités et ont participé à leur élaboration. Des ouvrages retraçant la démarche et les propositions énoncées sur chaque territoire investi sont édités et distribués à la fin de cette investigation. Ces livres, parce qu ‘ils sont une reconnaissance de « l’art de vivre » et « art de faire » sur chaque espace abordé, sont des documents ressources pour aider chaque communauté à réfléchir et élaborer des propositions qui valorisent la singularité des différents lieux et mobilisent les potentialités reconnues lors de cette première « enquête-participation », présentant un repérage et de libres propositions. Ces livres sont consultables sur artsdefaire.org. Ce livre trace l’actualité du studio de projet de l’année 2015 - 2016. La première actualité de cette année est l’arrivée d’Eric Chauvier, anthropologue, à l’école. Il a rejoint notre équipe d’Estuaire en 2015. Nous avons également remis en place une séquence de conférence et atelierdébat ouverte à l’ensemble des étudiants de l’école et animée par Margaux Vigne, paysagiste et doctorante au Crenau. A cette occasion, nous avons invité Elisa Demay, fondatrice du collectif De l’Aire, et Alexandre Malfait, paysagiste, pour partager leur expérience au Teil. Nous avons expérimenté des traversées urbaines filmées avec Jennifer Aujame, cinéaste. L’association Arts de Faire, installée à l’Ensa Nantes prépare un grand débat sur « Architecture, Ville et Politique » au sein de l’école. Ces expériences nouvelles sont relatées dans ce livre. 9
L’ANTHROPOLOGUE ET L’ARCHITECTE Chérif Hanna
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Parler du studio de projet Estuaire, c’est comme raconter l’histoire du Renard et du Petit Prince. C’est une affaire d’apprivoisement ! L’histoire d’une rencontre entre deux champs disciplinaires, l’architecture et l’anthropologie. Comment diable faire un projet avec les habitants ? Que faire des concepts ? Que faire du projet ? Que faire finalement de l’architecte ? Ce sont là les problèmes de l’architecte. Ma formation, mon expérience en agence et ensuite en profession libérale en tant architecte-urbaniste, ont construit un homme de projet qui obéit aux règles classiques de la profession, héritées certainement du modernisme et de la typo-morphologie, dont on a toujours un mal de chien à se débarrasser ! L’architecte, chef d’équipe et concepteur, dans sa solitude créative était la posture. J’étais entouré de Grand Prix Nationaux, en architecture, urbanisme et art urbain, et paysage; un environnement certainement très formateur. Mais l’habitant dans tout cela? Je travaillais essentiellement sur des marchés publics: grands ensembles et interfaces ville-port pour le plus important. C’était il y a vingt-cinq ans. Pendant quinze ans, je n’ai cru qu’aux trames foncières, aux règles d’implantation, à l’attitude spatiale et aux concepts architecturaux. Quinze ans de posture dominante. Mon seul rapport à l’habitant était ces grandes présentations publiques en présence des élus. Des « shows » avec « slides » et discours construits et savants. Le terrain n’était qu’un simple lieu de collecte de l’information. La rencontre s’est faite progressivement. J’enseigne à l’école architecture de Bretagne à Rennes, lorsque je rencontre Jean-Yves Petiteau. Il parlait hébreux. Il réveille chez moi un sentiment: celui que j’avais quand j’ai fait mes études 11
d’architecture: être architecte, c’est servir à quelque chose dans ce monde. Mon projet de diplôme était construit sur les réflexions d’Hassan Fathy: un ensemble de logements inachevé et évolutif… pour le peuple. C’était très drôle ces histoires d’itinéraires! et surtout raconter avec cette voix douce mais déterminée de ce petit bonhomme. Je garderai toujours le souvenir de la gentillesse timide de son savoir. À Rennes, on faisait une séquence d’itinéraires juste pour sensibiliser les étudiants à une démarche anthropologique. On ne savait pas trop quoi en faire! On s’amusait bien. C’était juste pour savoir que l’anthropologie existe, mais quand on faisait les projets, là, on passait aux choses sérieuses. Je me souviens de ce déjeuner dans un café de la rue du faubourg Saint Antoine à Paris, lors duquel je lui proposais de monter un studio de projet. C’était en 2006. Mon idée, sur les traces de Bernardo Secchi, était de travailler sur cette ville ‘hors les murs’, cet entre-deux : la métropole de l’estuaire entre Nantes et Saint Nazaire : Fragments Métropolitains était né. Il deviendra Estuaire 2029 ensuite. L’idée était de travailler sur cette ville qu’on a oubliée, et surtout de tenter de faire se rencontrer l’anthropologue et l’architecte, de faire se croiser les hommes et les récits. Cet enseignement n’a cessé d’évoluer. Nous avons appris l’un de l’autre. Une relation de complicité permanente qui a mélangé l’amitié, la vie et un enseignement en commun, aussi bien pour nos étudiants que pour nousmêmes. Dix ans de débats, d’hésitations et de prises de positions. Dix ans de voyages et de rencontres avec des personnalités marquantes, Ricardo Basualdo, Simone et Lucien Kroll et Michel Marié. Mais, nous avons tout négocié. Jean Yves Petiteau ne faisait pas semblant. C’était un anthropologue dur à cuire, formé d’une manière hybride et incrémentale, il savait construire sa 12
posture basée sur l’écoute et la reconnaissance de l’autre. Et bien, on va loin avec ces choses là. Chacun défendait sa position, et avec acharnement, et même parfois devant nos étudiants. Il a fallu inventer des nouveaux outils méthodologiques, s’efforcer de les faire se croiser pour ré-inventer un territoire avec ses habitants. Comprendre qu’on construit parmi les autres (B. Plisson), et pas pour soi. Comprendre que l’architecte garde la compétence sur l’espace et qu’il met en construction les désirs des autres, mais aussi garde son autorité (L. Kroll). L’attitude et le savoir-être de l’architecte, la posture du projet ont été négociés dans un univers ouvert et toujours en déplacement. Il y a eu aussi ces étudiants, désireux de décalages et d’autres chemins de traverses. Les voyages aussi… les conférences à l’école… mais aussi les ajustements, les disputes, les incompréhensions, les temps calmes d’explications, les mots de passe, les tentatives avortées, et j’en passe. Et puis les outils méthodologiques: les interviews non directifs, l’itinéraire, le carnet de bord, les traversées filmées, le collage, si cher, et maintenant, après Jean-Yves , et avec Eric, le dispositif littéraire,… leurs inventions, évolutions… L’échange se fait toujours à la frontière de notre savoir. C’est le lieu d’une négociation. Le potentiel de ressourcement de la réflexion menée, est lié à cette redécouverte à travers la révélation des échanges et de l’expérimentation. Le studio de projet Estuaire se construit progressivement au fil des expériences. L’habitant ? Nous le cherchons, il nous trouve, il n’est pas une catégorie figée, surtout pas. 13
STUDIO DE PROJET « ESTUAIRE 2029 » Eric Chauvier
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Apports et expérimentations J’ai rejoint le projet Estuaire 2029 en septembre 2015 en tant qu’anthropologue . Mes apports ont d’abord concerné la méthodologie de l’enquête ethnographique. Au-delà d’une présentation de l’entretien nondirectif, j’ai cherché à sensibiliser les étudiants aux différentes situations et pièges inhérents au terrain. De façon plus approfondie, l’enjeu était de leur faire percevoir la dimension heuristique des dysfonctionnements communicationnels propres à l’enquête, en particulier les situations qui les étonne, les trouble, les scandalise, etc. Ces détails troublants ont été présentés comme autant de possibilités de questionnements, comme une exigence de mise en mots qui conditionne le déroulement de l’enquête sur le terrain. La plupart des étudiants se sont saisis de ces éléments méthodologiques en questionnant ces états de « trouble psychoaffectif » (Georges Devereux). D’autres sont allés plus loin dans cette démarche en incorporant leur trajectoire autobiographique dans leur projet. Le deuxième apport, les « dispositifs littéraires », est une méthode permettant idéalement aux étudiants de ‘‘transformer’’ leur expérience de terrain en geste architectural. Dans la lignée d’Exodus ou de Delirious New-York, de Rem Koolhas, il s’agit de concevoir une structure textuelle qui porte en elle l’ébauche d’une structure architecturale. Après une immersion de type ethnographique, les étudiants ont pu ainsi traduire leur vécu de terrain (émotif et intuitif) par le biais d’un texte spontané. Les communes situées sur l’estuaire de la Loire ont servi de cadre expérimental à cette démarche. Un premier enjeu était de concevoir un projet d’aménagement en cohérence avec l’expérience vécue sur le terrain. Les étudiants ont ainsi pu identifier les différentes étapes qui mènent de leur intuition première à la projection finale. Un autre enjeu était de leur montrer l’importance de se doter d’un paradigme pour porter leur projet. Sur ce point, les dispositifs littéraires ont favorisé l’émergence d’une prise de position par rapport aux thèmes 15
urbains et sociaux identifiés sur le terrain : l’histoire de la ville, les territoires péri-métropolitains, les villes post-industrielles, l’écologie, la culture comme divertissement ou comme prise de conscience, l’exercice citoyen de la démocratie… De façon plus pratique, un premier axe méthodologique consistait, pour les étudiants, à relater leur expérience de terrain « à la façon de… », autrement dit en reprenant les façons d’écrire d’écrivains de leur choix. Un autre axe prévoyait de constituer un carnet d’enquête intégrant de façon spontanée des formats divers (textes, dessins, photographies, collages, etc.). Dans les deux cas, ces mises en forme traduisaient la posture des étudiants et leur futur geste architectural. Elles leur ont servi de fondements et les ont guidés tout au long de leur projet. Un troisième apport s’est fait par le suivi des projets des étudiants à la lumière des questions de l’anthropologie urbaine : l’habiter, les territoires périurbains, péri-métropolitains, la société post-industrielle, l’interculturalité, la notion ambivalente de culture (divertissement, ou loisir ? Tourisme ou prise de conscience ?), celle d’interstice, de ruse, de contre-usage. Ces thèmes ont été étayés par des références théoriques liées aux penseurs critiques de la « grande ville moderne » : Michel De Certeau, Walter Benjamin, Théodor W. Adorno, etc. Des questions subsistent… À l’issue de ce semestre, j’ai identifié certaines questions concernant mes apports au studio de projet, nécessitant peut-être de les reconfiguer, de les redimensionner ou de les recontextualiser afin de les optimiser dans les années à venir. C’est en premier lieu une tendance à l’usage par les étudiants des dispositifs (littéraires, mais pas seulement) comme des « recettes », sans toujours comprendre qu’ils sont impliqués et que leur propre expérience peut être judicieusement mobilisée. Un risque tient aussi à la submersion du projet architectural par l’analyse 16
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sociale : immergé dans son enquête de terrain, l’étudiant en vient à faire passer son geste d’aménagement au second plan. Ce risque a fait l’objet d’un retour à demi-formulé par les étudiants et appelle une vigilance concernant la continuité entre l’immersion et le projet : comment ce dernier peut-il respecter l’intégrité de l’expérience ? Comment, en retour, l’enquête peutelle guider la projection architecturale ? Il faut aussi admettre une légitime frustration, de la part des étudiants, résultant de la durée relativement courte de la phase d’immersion. Les expériences participatives menées par le collectif De l’aire ou par Lucien et Simone Kroll montrent en effet, à l’instar de l’anthropologie, la nécessité de rester durablement sur le terrain. Apparaît alors la possibilité de transformer l’habitant en le dotant d’une conscience politique active, cela par des mises en situation qui ont été approchées par les étudiants et dont ils ont cependant senti le potentiel. Enfin, l’acquisition d’un paradigme, d’une posture, par les étudiants, reste minoritaire. Des questions leur ont été clairement posées tout au long du projet : comment se positionnent-ils, par exemple, par rapport à un territoire péri-métropolitain ou post-industriel ? Par rapport à la société de consommation ? À la culture du divertissement ? Aux nouvelles formes d’évènementiels urbains ? À l’habitat précaire ? Nous – enseignants - avons insisté sur le fait que l’affermissement de leur posture ne peut que favoriser la force de leurs futurs projets. J’ai senti en retour une certaine frilosité, que je peux bien sûr comprendre au vu de la société actuelle. Il me semble important cependant d’insister sur ce point (et de se poser la question de cet apprentissage) dans une époque où le métier d’architecte est traversé de questions nouvelles.
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Mon ressenti… J’ai éprouvé un grand plaisir et un vif intérêt à enseigner le rapport au terrain, condition idéale pour un anthropologue dans cette configuration de projet qui s’apparente par bien des aspects à une recherche-action. Outre des échanges agréables avec les étudiants, j’ai ressenti une grande stimulation intellectuelle en expérimentant avec eux des pistes de recherche relativement à la place de l’enquête dans leur projet. Qu’ils en soient ici remerciés. De façon plus large, je trouve que ce studio de projet, porté par les réflexions de Chérif Hanna, s’inscrit au cœur de questions inédites touchant aux mutations actuelles du métier d’architecte. Il concerne en particulier la pertinence d’une telle démarche par rapport aux projets décontextualisés proposés par l’ingénierie. Une réponse me semble résider dans la capacité de l’architecte à intégrer dans ces projets la négativité du monde social : le désarroi des nouvelles périphéries urbaines, la société post-industrielle, la dépolitisation citoyenne, etc. Sur ce point, par son attention portée à la vie sociale (même celle des angles morts), le studio de projet « Estuaire 2029 » constitue un laboratoire idéal pour tester et formaliser des réponses en ce sens. Il amène en effet les étudiants à penser en contexte leur geste d’aménageur au cœur de territoires marqués par l’histoire plus ou moins traumatique de la fin des industries. Au final, la force de ce studio de projet me semble résider dans sa dimension innovante et professionnalisante. Sur ce point, je suis persuadé que les élus locaux sont preneurs de ce type de projets dans un contexte de crise politique où redonner la parole aux citoyens péri-métropolitains est devenu difficile. Reste, dans l’avenir, à formaliser les modalités d’une réponse en ce sens.
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« HABITER, NÉGOCIER, BÂTIR » RETOURS SUR DES EXPÉRIENCES DE COPRODUCTION DE LA VILLE Initier un nouveau cycle de conférences et d’ateliers-débats : le projet entre initiative citoyenne et commande publique. Margaux Vigne
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Paysagiste et doctorante au CRENAU (l’équipe de recherche intégrée à l’École d’architecture de Nantes), je m’intéresse à des projets alternatifs dans l’espace public et aux dynamiques contradictoires d’expérimentation et d’institutionnalisation qui les animent aujourd’hui. La question du « projet entre initiative citoyenne et commande publique » est donc très proche de mes propres recherches. Nouvellement débarquée à l’ENSAN, fraichement enseignante dans divers contextes, j’ai précédemment accumulé une familiarité complice avec le contexte nantais, tant territorial qu’humain et professionnel. Quand Chérif Hanna m’a proposé de l’accompagner dans la relance d’un format de conférence associé au studio de master Estuaire 2029, c’était donc une évidence pour moi de dire oui. Comment coproduire la ville ? Comment repenser la place de l’habitant dans la fabrique de la ville ? Comment repenser le projet avec une vision anthropologique ? Comment évolue le rôle de l’architecte ? La conférence qui sera désormais organisée chaque année a pour objectif d’explorer ces questions en invitant des acteurs à témoigner d’un retour d’expérience sur un projet de coproduction de la ville. L’atelier-débat organisé le lendemain matin a pour objectif de les approfondir en lien avec les travaux des étudiants sur le territoire de l’estuaire de la Loire, et en dialogue avec des acteurs nantais. Plusieurs points ont guidé notre volonté d’expérimenter ce format double : le besoin d’approfondir des retours d’expérience concrets et d’éviter à tout prix l’effet « catalogue » qui donne souvent un aperçu superficiel et consensuel des projets ; l’envie de créer des liens entre la conférence publique et le contexte pédagogique, entre les invités et les étudiants, à travers un moment de travail généreux le lendemain matin ; et enfin le souhait d’ouvrir l’aventure du studio de master Estuaire 2029 à l’ensemble de l’école et plus largement encore. 21
En bref, il s’agissait à la fois de proposer un espace d’exposition et de valorisation de la pédagogie du studio et de construire un temps de prise de recul et de débat critique. Après cette première en 2016, le format est encore en chantier, à améliorer. Même si cela n’a pas été possible cette fois-ci, nous gardons la volonté d’inviter l’année prochaine davantage de personnes. Nous pensons plus que nécessaire de mettre en avant la diversité des acteurs mobilisés autour de telles démarches en n’invitant pas seulement les architectes ou concepteurs comme c’est le plus souvent le cas. L’idée originale était ainsi d’avoir autour de la table trois ou quatre acteurs différents ayant pris part à un même projet : élu, technicien, maître d’ouvrage, association, habitant, médiateur, etc. Janvier 2016 : De l’Aire, Élisa Dumay et Alexandre Malfait « De l’aire est une plateforme culturelle et urbaine, ancrée dans la Drôme et portée sur l’aménagement des territoires, pour un espace public plus partagé, plus créatif, plus coopératif. En milieu rural et périurbain, elle met en œuvre des recherches-actions et élabore des projets sur-mesure avec les acteurs locaux, les collectivités, les populations, pour répondre à leurs problématiques de territoire, de cadre de vie, de dynamique collective et plus globalement de fabrication du commun. » Les 7 et 8 janvier 2016, nous avons reçu Élisa Dumay et Alexandre Malfait. Élisa Dumay a une formation en sociologie, médiation, administration de projets culturels et production artistique ; fondatrice de l’association De l’aire (qui existe depuis 2002) elle en est aujourd’hui la directrice et responsable des projets. Alexandre Malfait est paysagiste DPLG. Après une formation à l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, il a fondé en 2014 avec cinq membres de sa promotion l’Atelier Bivouac, collectif de paysagistes et d’architectes. Il participe avec De l’aire au projet de revitalisation de l’îlot 22
Le Teil, quartier Kléber, photos De l’aire
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Garibaldi en tant que paysagiste associé. Il m’a semblé judicieux d’inviter Élisa et Alexandre car cela nous permettait de « changer de focale » à plusieurs niveaux. D’abord, parce qu’il s’agit de démarches situées en milieu rural et périurbain, alors même que les projecteurs sont habituellement braqués sur ce qui se fait dans les grandes métropoles. Travailler avec des collectivités locales périurbaines ou avec des petites communes rurales, engage à aborder d’autres enjeux de projet, et constitue un cadre de travail différent. Cela me paraissait faire écho aux situations auxquelles sont confrontées les étudiants dans l’estuaire de la Loire : des petites collectivités, des communes semirurales et périurbaines, des territoires parfois distendus (alors même qu’ils sont, ou du moins devraient être, intégrés dans le contexte métropolitain de Nantes-Saint-Nazaire). Ensuite, parce que les projets de De l’aire intègrent et mobilisent des architectes et des concepteurs de manière non conventionnelle : parfois sans architectes, parfois avec, parfois avec des architectes un peu atypiques, et les architectes n’ont pas toujours le même rôle selon les projets. Questionner Élisa et Alexandre sur le rôle du concepteur dans ces projets était justement intéressant parce que « décalé ». Enfin, parce que De l’aire est une structure ancrée depuis longtemps dans un territoire, la Drôme. L’association y mène des projets divers et à plus ou moins long terme. Elle y construit une démarche, une interconnaissance et des habitudes de travail collectives avec des acteurs données, sur un territoire donné et dans la durée, à rebours de nombreuses expériences qui tendent vers le « one shot », le nomade ou l’éphémère. Encore une fois, cela fait écho à l’expérience du studio, qui a amené des groupes d’étudiants à intervenir sur le territoire de l’estuaire depuis huit ans, et qui construit donc une sorte de relation de long terme avec un territoire et ses acteurs. L’îlot Garibaldi : l’histoire d’une programmation urbaine, le projet de vie d’un 24
espace public Élisa et Alexandre nous ont présenté la démarche de concertation développée au Teil, accompagnant un processus de démolition et de réaménagement d’un îlot dans un cœur de ville, l’îlot Garibaldi dans la rue Kléber. Le Teil est une commune périurbaine de 8000 habitants, faisant partie de la « petite banlieue » de Montélimar. L’intervention de De l’aire se déploie sur plusieurs années, au fil de missions successives, l’histoire du projet se construisant de manière itérative au fil de l’évolution de la situation. Je ne vais pas résumer ici tout ce qui nous a été raconté par Élisa et Alexandre, mais seulement en reprendre quelques aspects saillants, en assumant que c’est ma propre subjectivité, mes propres intérêts et questionnements qui ont guidé ma mémoire et mes choix. L’histoire de ce projet c’est d’abord l’histoire d’une programmation urbaine : « On n’était pas face à un appel d’offre mais face à une intuition d’élu, donc comment faire émerger une commande ? ». Avant d’aller « dans la ville », De l’aire a décidé d’aller « dans la mairie » : le « portrait de mairie » a été la première étape du projet. Cette expérience, qui a beaucoup questionné et intéressé le public et les étudiants, répond en effet à des lacunes récurrentes dans les processus de projets : des commandes incertaines, des commanditaires mal identifiés, des services techniques peu impliqués, etc. Une ville ce sont aussi des politiques publiques, un « fonctionnement » à saisir, des « personnes » à identifier. Qui administre la ville ? Qui la gère ? Comment ? Faut-il ainsi apprendre à connaître les commanditaires avant de connaître la commande ? Le « portrait de quartier » a ensuite permis d’aller dans l’espace public, au contact des habitants. Un projet a ainsi émergé au fil d’un long processus, projet qui s’est avéré être finalement plus le « projet de vie » d’un espace qu’un projet d’architecture. Qu’est-ce qu’il en reste ? 25
Portrait de mairie, photos De l’aire
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Quelles conséquences, quels impacts, quelles pérennisations ? Bien que l’aménagement réalisé par De l’aire ne soit pas l’aménagement « final » (et que la question de l’articulation avec ce futur aménagement pérenne reste entière et à travailler), l’expérience a produit d’autres conséquences tangibles, dont une réelle « montée en politique » des habitants participants. Ceux-ci ont créé un comité de quartier, et cela montre bien comment la participation est un processus permanent, avant, après, audelà des espaces-temps de projets spécifiques. Par ailleurs, le projet a permis, dans la continuité logique du portrait de mairie, une réelle coproduction avec les services techniques de la ville et ainsi de mieux lier des enjeux de gestion, d’entretien et de conception : « Les services techniques, c’était la première fois qu’ils étaient « concepteurs » ! ». Bien sûr, la « continuité » est en jeu dans le devenir physique de l’espace dont il est question, mais elle est aussi en jeu dans le devenir de la mobilisation collective des acteurs locaux quand « nous on s’en va ». Le projet du Teil est aujourd’hui toujours en cours. Ce sont des projets qui prennent du temps, qui ont besoin de temps. De l’aire est intervenu sur trois missions successives, une quatrième est en discussion et dans tous les cas, la mairie continue le processus. Encore une fois cela met en exergue « l’au-delà » du projet, ou plutôt l’explosion du cadre temporel trop rigide des projets. Ce travail de lenteur nous décale des habituels impératifs de « livraison » et de « réception » des projets. Comme Chérif Hanna et Jean-Yves Petiteau ont pu l’écrire précédemment, vouloir travailler avec les habitants implique aussi d’accepter d’autres temporalités que les nôtres, qui restent souvent très liées à des impératifs techniques ou financiers, ou encore à des échéances politiques. Il faudrait apprendre à accepter qu’un projet est toujours inachevé, et même apprendre à le penser ainsi, à le souhaiter inachevé et donc ouvert. Mettre en débat les projets des étudiants : enjeux de positionnements 27
Îlot Garibaldi, le Teil, photo De l’aire
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L’atelier-débat du lendemain matin nous semblait complémentaire du format plus classique de la conférence, car il offre un moment plus intimiste, qu’on espérait plus informel et ainsi peut-être propice à approfondir des discussions plus ciblées et/ou plus conflictuelles. Nous avons été très heureux d’y accueillir, en plus de Élisa et Alexandre, plusieurs « acteurs nantais », amis, collègues, connaissances, tous participant à leur manière à la fabrique urbaine locale : Pierre-Yves Péré, architecte membre du Collectif Dérives ; Thibault Barbier, paysagiste membre de l’Atelier Georges ; Wilfried Lelou, architecte membre du Collectif Fichtre ; Matthieu Picot, paysagiste de l’Atelier Campo et membre du Collectif Fertile. La présentation des travaux des étudiants aux divers invités a été un prétexte à l’échange, une occasion d’avoir un « regard du terrain » sur leurs travaux (encore) d’école. Son format reste encore à améliorer, à mieux adapter, mais voir les travaux des étudiants est essentiel car cela nous permet de se confronter à leurs visions, de se mettre dans leurs questionnements, leurs difficultés. La pédagogie du master donne une large part au travail d’immersion : le « relevé permanent » permet d’habiter, négocier et bâtir en même temps, le « terrain » n’est ni une phase préalable, ni le lieu de l’application finale d’une intention, il est présent tout au long du processus de projet. Les étudiants s’immergent littéralement dans le territoire de l’estuaire de la Loire, apprennent à l’habiter, se frottent aux acteurs et à leurs récits : rencontres, entretiens, itinéraires, ateliers publics, nourrissent leur positionnement. Cependant la charnière entre l’immersion et l’intervention n’est jamais évidente. Même si l’on voudrait progressivement arriver à ne plus faire de différence entre des « phases » de travail à tort trop souvent étanchéifiées, le « passage au projet » reste un « pas » difficile. Parfois l’acte de projeter est bridé par une analyse trop présente, et l’étudiant ne trouve pas la capacité 29
Saint-Nazaire, estuaire de la Loire, photo Margaux Vigne
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d’intervenir ; parfois au contraire l’étudiant se replace soudain dans une position trop autonome, où malgré la complicité avec le terrain il redevient artificiellement seul maître à bord. Entre ces deux extrêmes, heureusement pas représentés de manière aussi caricaturale par les étudiants, se déploie une palette de positionnement, à tâtons. Ces décalages sont aussi dus en grande partie à un « mode » de présentation des projets. Quand un architecte présente un projet face à des commanditaires, dans le cadre d’un concours par exemple, il doit convaincre, séduire, « emporter le morceau », « vendre son projet ». Souvent, les modalités de présentation des projets des étudiants en école d’architecture s’inspirent de ce modèle-là. On y raconte le projet comme une histoire cohérente, maitrisée de A à Z, avec un début, une fin, un déroulement logique dont l’apothéose est le projet « final » et sa représentation. Un tel récit est finalement peu révélateur du vécu réel du processus de travail, et il renferme l’expérience dans des mots-clés identifiables et une temporalité bornée, faisant du projet un « aboutissement », clos. Comment raconter autrement les projets étudiants ? C’est un beau défi, une belle question, à laquelle les étudiants se confrontent chaque année et que nous devrons encore travailler. Comment ne pas terminer un projet ? Les étudiants ont exprimé la difficulté à « aller jusqu’au bout » d’un projet étudiant. Comme si la frustration de ne pas faire un « vrai » projet grandissait au fur et à mesure que le processus avançait, et comme si le fait de travailler sur des projets participatifs renforçait encore ce phénomène. En effet, si un étudiant imagine un projet co-construit, évolutif dans le temps, qui devrait être discuté et plusieurs fois remis en discussion avec les acteurs locaux, … alors comment, dans le cadre du « rendu » d’un projet d’école, réussir à communiquer cela ? Cela peutil s’incarner dans une forme, dans une représentation ? Faut-il davantage travailler les dimensions temporelles des projets ? Faut-il davantage travailler par scénarios et s’autoriser à enrichir les projets d’une dimension plus fictionnelle qui « donnerait à voir » ce qu’ils pourraient faire naître si…? 31
Certains étudiants ont transformé leur « rendu » en une (première ?) étape, et s’apprêtaient à revenir confronter leur travail aux acteurs locaux. D’autres, on le sait, ont les années précédentes continuer à travailler sur leurs terrains, vers de « vraies » collaborations. De nombreux autres questionnements ont émergé suite aux présentations des étudiants ; beaucoup de questions concernant le « politique », mais moins concernant « l’économie », qui pourtant gouverne tout autant si ce n’est plus les actuelles dynamiques d’aménagement des territoires. La « nécessité » d’aménager, de « faire un projet » n’est-elle parfois avant tout liée à des intérêts économiques (y compris les « nôtres ») ? Il me semble qu’il faut continuer à questionner la commande, les commandes, pas seulement de chaque projet particulier, mais la commande « globale » faite aux concepteurs, qui recèle de nombreuses injonctions, sous-entendus, mots d’ordre qui peuvent eux aussi être re-questionnés : la métropolisation, la connexion, la mobilité, la mixité, la densité, … des thématiques qui infusent l’ensemble de la « commande » politique jusqu’aux projets des architectes. « On se fait métropoliser » ont dit des habitants rencontrés par un groupe d’étudiants. « La mobilité permet la connexion, l’immobilité permet la rencontre » nous ont dit d’autres étudiants. Comment se positionne l’architecte face à ces dynamiques ? Être « isolé » est-ce forcément négatif ? Faut-il « connecter » les « interstices » ? Faut-il aménager les espaces « en marge » ? Faut-il forcément aménager, « faire un projet » ? Faut-il parfois ne pas faire ? Certains étudiants ont utilisé pour décrire une ville de l’estuaire la notion de « mimétisme » : la petite ville qui singerait la grande. Méfions-nous donc également du « mimétisme » des concepts et préceptes qui guident les projets, ici comme ailleurs, parfois sans qu’on s’en rende compte. Plutôt que de participation des habitants, pourquoi ne pas se demander comment « nous » on participe à la société ? Face à des habitants dont Éric 32
Le port de ChevirĂŠ, estuaire de la Loire, photo Margaux Vigne
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Estuaire de la Loire, photo Margaux Vigne
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Chauvier disait qu’ils étaient souvent « en déprise » (du politique, de leur territoire, de leur ville, de leur propre vie parfois), peut-être faut-il aussi parfois que l’architecte se mette dans cette position de déprise, à l’opposé de la « maîtrise » qui normalement le caractérise. Que voudrait dire se « déprendre » de son pouvoir, de sa maîtrise d’architecte ? D’autres étudiants se demandaient encore « Pourquoi faire un parc paysager à Paimboeuf puisque « le paysage » est déjà partout ? ». Il faut revoir le film de Éric Rohmer, « L’arbre, le maire et la médiathèque ». Le décalage d’époque (1993) aiguise notre regard, et nous saute alors aux yeux l’absurdité d’un projet de « médiathèque » (un des modèles de « commande » très circulant à une certaine époque) dans un petit village qui n’en a vraisemblablement pas besoin, mais dont le maire veut réaliser « son grand projet ». Il faut revoir Arielle Dombasle la parisienne, découvrant avec émerveillement des moutons comme si elle n’en avait jamais vu, mais développant tout un discours sur « l’ennui » que représente la campagne, caractérisée par l’entre soi et le manque d’activités et de perspectives, et défendant l’idée que l’avenir « social » est bien selon elle dans l’urbanité, seule à même d’offrir une dose suffisante de rencontres et d’excitation. Il faut revoir la fille de l’instituteur expliquer au maire qu’il faudrait, plutôt qu’une médiathèque, des espaces verts dans ce village. Le maire ne comprenant pas pourquoi on aurait besoin d’espaces verts au milieu de la campagne, la petite fille lui explique qu’aujourd’hui les campagnes sont devenues impraticables, décousues de clôtures et de barrières en tout genre, privatisées jusqu’au moindre bout de forêt, et que les enfants ne trouvent plus où jouer. Il faut se reposer la question de ce que c’est de vivre dans le rural ou le périurbain, de ce que peut et doit être un espace public ou un équipement dans des villes « petites » et « moyennes », sans y calquer des imaginaires issus des métropoles et des modèles circulant dans les milieux politiques et 35
architecturaux. Qu’est-ce qu’habiter ces territoires ? Pour conclure en reprenant les mots d’Éric Chauvier ce jour-là, il faut « faire de l’anthropologie, c’est-à-dire rester longtemps et apprendre la langue » ; il ne faut pas chercher de méthodologie, il n’y a pas de recettes mais que des mises en situations. Comment en faire un enseignement ? Ces moments d’échanges que nous avons eu sont certainement perfectibles, mais sans aucun doute très fertiles. Comme toujours, il n’y eut jamais assez de temps pour les débats ! Nous sommes déjà impatients de les reconduire avec d’autres invités, d’autres étudiants, d’autres questions. Quelles traces en garder ?
Centrale thermique de Cordemais, estuaire de la Loire, photo Margaux Vigne
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SUR LA PLACE PUBLIQUE FAIRE DE L’URBANISME UNE DÉMARCHE CULTURELLE ET PARTICIPATIVE Elisa Dumay
Introduction à la Conférence-débat et atelier-débat - 7-8 janvier 2016 « Habiter, négocier, bâtir. Retours sur des expériences de coproduction de la ville » à l’auditorium de l’ENSA Nantes: Teil, un ilot en coeur de ville.
Élisa Dumay (De l’aire) et Alexandre Malfait (paysagiste associé) ont présenté la démarche de concertation développée au Teil et accompagnant un processus de démolition et de réaménagement d’un îlot dans un cœur de ville. De l’aire est une plateforme pluridisciplinaire culturelle et urbaine, ancrée dans la Drôme et portée sur l’aménagement des territoires, pour un espace public plus partagé, plus créatif, plus coopératif. En milieu rural et périurbain, elle met en œuvre des recherches-actions et élabore des projets sur-mesure avec les acteurs locaux pour répondre à leurs problématiques de territoire, de cadre de vie, de dynamique collective et plus globalement de fabrication du commun. L’urbanisme est la traduction d’une politique au sens large, d’une organisation du vivre ensemble dans ses aspects les plus techniques (les voieries, les déplacements...) comme dans ses aspects les plus sociaux et culturels (assurer la solidarité dans un quartier, promouvoir des usages évolutifs, penser la place du piéton, des lieux de convivialité, des terrasses, comment 38
on sécurise le déplacement des personnes les + faibles, quelle attention à la mixité, créer de l’emploi et trouver les nouvelles ressources d’une économie sociale...) Quant à la place publique, elle est agora, lieu de débat, d’affrontements, lieu de l’expression des grands conflits sociaux, lieu où le politique exerce une forme de pouvoir ou d’accueil, lieu du partage comme lieu de la domination, lieu de la diffusion des idées comme lieu de l’interdit. La place publique est aussi un lieu d’hospitalité, de fête ou de grands rituels collectifs, de la mixité et de la multi-culturalité qui frotte, qui pique mais qui est encore là vivant dans le quotidien des villes et du péri-urbain. Cependant, depuis des années, à défaut d’être «sécurisant» l’espace public se «sécuritarise» de plus en plus, se referme sur lui même, coupe ses bancs en 2 pour éviter les sdf, parfois même se ferme la nuit ou éteint ses réverbères. L’espace public n’est pas non plus égalitaire pour les femmes et les hommes. Il n’est pas non plus accueillant pour tous, pour les enfants, pour les vieux, pour les sans domiciles, pour les plus pauvres, pour l’étranger qu’il soit d’un autre pays ou du village d’à côté et même pour les plus riches retranchés dans des espaces aseptisés ou fermés sur eux mêmes. Les questions environnementales nous obligent en outre à repenser les interventions urbaines et paysagères, les modalités respectueuses pour l’environnement, notre lien à la nature et la biodiversité, l’espace public ne peut plus être pensé sans cette donnée primordiale. Tous ces constats, rapidement dressés, nous invitent à rêver à une autre société et à de nouvelles pratiques. Cela se pense dans les grandes villes, et de façon différente dans les campagnes et les petites villes, où s’inventent sans cesse et se réinventent des dynamiques locales fortes. 39
Îlot Garibaldi, le Teil, photo De l’aire
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En effet, ce sujet de l’urbanisme participatif et de démarches culturelles associées aux programme d’aménagement a depuis longtemps été activé avec plus ou moins de succès dans les grandes villes, notamment via les politiques de la ville et aujourd’hui l’ANRU 2. Il nous parait important de cibler les territoires ruraux et péri-urbains où ces démarches innovantes ont été moins développées et sont surtout moins connues que dans les grandes villes (il en existe pourtant d’exemplaires dans plusieurs territoires, on pense notamment à plusieurs parcs naturels régionaux qui ont initié des projets pour la revitalisation des centre bourgs par exemple, ou encore au Pays de Combraille, à Bouillé St Paul...). Ces démarches rurales et péri urbaines sont essentielles car elles font face à des problématiques spécifiques telles que le phénomène de résidentialisation, le vieillissement des campagnes, la mobilité, le déclin de l’activité agricole, la mutation des paysages, les nouveaux rapports villescampagnes, les Scot, les métropoles... Il faut évoquer ici la réforme des collectivités territoriales qui aura un impact crucial tant au niveau économique qu’organisationnel sur l’aménagement des territoires et la capacité d’action des collectivités. Face à tous ces enjeux très complexes et insécurisants il faut bien le reconnaître, dans une société hyper connectée, nous avons besoin d’enthousiasme et de lien ! Nous avons aussi besoin de nous resituer ici, là, maintenant, pour comprendre notre lieu de vie et trouver du sens à être ensemble dans son territoire tout en restant hospitalier pour l’autre, attentif au monde. Un besoin de lenteur, la nécessité du temps pour faire ensemble, cela ne se passe pas dans l’urgence. Cela nécessite aussi de vrais moyens techniques et financiers, des dispositifs qui le permettent dans le cadre des marchés publics et de la législation. 41
En résumé, la question de la place publique et de l’aménagement est donc bien autant une question de méthode qu’un sujet de société même si nous avons tous le désir d’être opérationnel, et porteur de transformations concrètes. Nous sommes de plus en plus nombreux à rechercher de nouvelles voies, à explorer de nouvelles méthodologies et oser plus de participation sur les projets pour lier l’urbain et l’humain, faire de l’aménagement des territoires, de l’architecture et de l’urbanisme un acte plus solidaire et plus créatif. Il existe aujourd’hui des injonctions très fortes à la participation des habitants dans de nombreux dispositifs urbains, injonctions plus ou moins portées et mises en oeuvre avec bonheur et efficacité, souvent source d’inquiétude pour les élus en place ou les équipes municipales. Il existe aussi de plus en plus d’acteurs qui portent un réel désir de participation citoyenne : des maitrises d’ouvrages qui osent renouveler le cadre des appels d’offre, des maitres d’oeuvres en aménagement qui explorent des méthodologies pour repenser leurs pratiques, des acteurs culturels et des artistes qui souhaitent s’inventer une nouvelle place dans ces démarches, des acteurs sociaux, des associations, des citoyens qui souhaitent prendre leur part dans ces démarches, des chercheurs qui aident à accompagner ces processus en étudiant leurs enjeux, en en proposant une vision critique. 42
Les écoles d’architecture, d’urbanisme et de paysage s’affranchissent de plus en plus de leur cadre disciplinaire pour aller plus au coeur de la société et renouveler les méthodes. Enfin, si nous avons choisi d’ajouter le terme de «culturel» au terme de «participatif» dans le titre, c’est que nous souhaitons mettre l’accent sur des démarches spécifiques qui proposent une approche sensible, créative et collective de l’aménagement des territoires. Ces démarches laissent une grande place à l’imaginaire pour ouvrir les perceptions. Elles permettent de partager collectivement des représentations à partir de toute la diversité culturelle et sociale qui existe dans chaque commune ou dans chaque quartier. Elles mettent au coeur des processus de travail la création collective. Se faisant, ces démarches culturelles permettent de tester des propositions et d’inventer des projets durables, puisque plus partagés. Ces «nouveaux» acteurs hybrident leurs pratiques pour les réinventer : architectes, urbanistes, acteurs sociaux, paysagistes, sociologues, médiateurs, photographes, musiciens, designers, anthropologues, chercheurs, cuisiniers, constructeurs. Ils ont la capacité de faire sauter les verrous des champs disciplinaires pour oser renouveler les approches classiques.
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ACCOMPAGNER LA DIVERSITÉ DE L’HABITER DANS SON DEVENIR ARCHITECTURE Ricardo Basualdo Il est à souligner que les observations qui vont suivre émanent d’un moment spécifique du processus, à savoir, le travail sur le collage du 13/11 et le workshop intermédiaire du 27/11 accompagnant les étudiants dans l’énonciation de la problématique de leur projet.
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Les présentations de l’année 2015 traduisent un travail de préparation consciencieux. Le travail collectif semble réussi, tant l’exposé des équipes paraît être fait d’une seule main. La quantité d’informations collectées par chaque groupe est impressionnante, tant elle est exhaustive, y compris par les modes de leur représentation (cartographies, carnets de bord, photographies, films…). Cependant, à première vue, j’ai eu la sensation que la méthode des itinéraires est moins présente que d’autres années dans la réflexion globale. Elle est là, certes. Mais elle est moins incisive et moins interactive, vis-à-vis des certitudes apportées par les autres approches méthodologiques. Ainsi, le travail de la vidéo semble avoir glissé. Du suivi des personnes interrogées en 2014 avec la méthode des itinéraires, en 2015, elle s’est limitée1 à enregistrer le premier ressenti des étudiants vis-à-vis de leur territoire d’intervention. De ce fait, la vidéo n’a pas été mise en situation d’apporter une « qualité » de l’habiter vécu des personnes interrogées. Cela reste un chantier pédagogique à approfondir. En revanche, la conscience d’une variation de la perception du territoire par les étudiants apparaît beaucoup plus qu’auparavant. Comme s’il y avait eu un avant et un après lié au travail de production des cartographies, de la vidéo, des itinéraires et des tables publiques. Mais on aurait aimé que cette variation amorçât un mouvement de pondération entre les deux sensations. Comme une sorte de méditation personnelle ancrée dans l’écart ouvert grâce au questionnement d’une sensation par l’autre. Méditation ayant pu jeter une lumière plus claire sur les raisons de la modification du point de vue de l’étudiant. Un processus de signification de cet écart ayant pu avoir des conséquences sur l’énonciation des raisons du choix de son futur parti pris. 1 Ces remarques sont à pondérer en fonction du contexte de la réalisation vidéo : heures de production limitées et conduite du projet vidéo au plus près des expérimentations pédagogiques demandées. Le texte se réfère au visionnage de la première étape de l’approche vidéo du master.
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En effet, comme dans les années précédentes, les présentations laissent trop peu de place aux retournements de sentiments ayant pu prendre leur source dans les écarts de perceptions construits à travers les cartes, les vidéos et les tables publiques. Pour l’instant, l’effort de synthèse des groupes ménage peu ou pas du tout les doutes, les balancements de la pensée ancrés dans les écarts, les contradictions ou les paradoxes labourant les territoires. Comme si ceux-ci n’étaient pas rugueux, brisés, marécageux, opaques. Il ressort ainsi des travaux des étudiants une lecture certes exhaustive mais lisse, où l’avant et l’après semblent sortis d’une main invisible, qui, de surcroit, ne laisse pas d’inerties dans les manières de faire, ni de contradictions dans les représentations de leurs lieux d’observation. Ainsi, dans leurs présentations, il y a encore trop peu de place pour leurs perplexités. Il n’y a quasiment pas d’engagements avec les personnes rencontrées. Les étudiants ne se reconnaissent presque pas de causes communes avec elles. Le projet d’architecture « espace l’espace » Or, cette prise ou pas de responsabilité engage leur écriture d’architecture. Elle donne forme à l’espace bâti, ménageant la diversité des points d’équilibre systémiques énoncés lors des délibérations et négociations du projet d’architecture. Ce sont notamment ces délibérations qui ancreront la responsabilité des étudiants dans le Divers de la Relation (cf. Edouard Glissant, « Introduction à une poétique du Divers », Gallimard, 1996 et « Philosophie de la Relation », Gallimard, 2009) décentrant ainsi les certitudes de chacun. C’est-à-dire, les questions et les enjeux qui semblaient aller de soi. Cet enjeu pédagogique aussi devrait être exploré davantage. Le projet de Renzo Piano pour le Centre Culturel Tjibaou à Nouméa en Nouvelle Calédonie, par exemple, est pour partie issu des négociations 46
Centre Culturel Jean-Marie Tjibaou à Nouméa.
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La MéMé, Woluwé-Saint Lambert, Belgique
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serrées entre la pluralité des positions d’une maîtrise d’ouvrage très composite. Et ce, grâce au travail de médiation d’un membre de l’équipe de Renzo Piano, l’anthropologue Alban Bensa, engagé depuis longue date pour la reconnaissance de la culture kanak. Chaque bâtiment, haut de 20 à 28 mètres, met au travail l’esprit, la forme et les techniques de construction des huttes traditionnelles. Lucien et Simone Kroll ont fait des dispositifs de délibération la clef de voûte durable de tous leurs projets. Ces processus de négociation ont conduit à l’élaboration d’écritures singulières d’architecture (cf. La MéMé, Maison médicale de Woluwé-Saint Lambert, Belgique). Pour eux, « l’habitation est une action et non un objet ». Ainsi considérée, elle est la trace de l’interaction de la pluralité des manières de faire et des raisons d’agir des personnes. La démarche de la parole en interaction des Kroll soulève la question de la forme de la demeure sur terre des personnes en interaction. En effet, la forme des projets co-construits des Kroll, renverse les logiques héritées de la géométrie euclidienne. Leurs projets empruntent les formes fractales, les inclusions, les porosités, les perméabilités, les foisonnements et les flexibilités que l’on observe soit dans les mouvements des galaxies, soit dans les formes révélées par les microscopes électroniques, ou encore, dans la morphologie des forêts tropicales. Formes que Hundertwasser, ami de Lucien Kroll, a transposées dans ses architectures. Comme E. Glissant (« Poétique de la relation », Gallimard, 1990) étudiant les interactions entre la diversité des personnes et des langues, nous aurions pu dire que ces architectures sont issues de processus de créolisation de formes et d’enjeux multiples.
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Du décentrement des perceptions au décentrement des certitudes Toutefois, le vécu des décentrements de perception visuelle des étudiants, semble ne pas se traduire en décentrement de certitudes. La découverte des qualités des lieux, grâce à leurs arpentages et leurs rencontres humaines, ne révèlent pas, comme dans un laboratoire de photographe, des visions du monde en voie de disparition ou des pratiques du monde marginalisées, méprisées, exclues du vivre ensemble dans un projet métropolitain. À l’instar de Lucien Kroll, pour qui et pour quoi prendre parti ? Quels « quadri parti » (cf. Heidegger : « Bâtir habiter penser », conférence prononcée au mois d’août 1951 à Darmstadt, Essais et conférences, Gallimard, 1958) prendre en considération pour énoncer un projet qui, en « mondant le monde » y ouvre une clairière pour les ménager, sous peine sinon d’être hors sol, de bâtir sans l’habiter ? Basculer de l’habitant à la personne L’une des clefs pour engager les dynamiques ci-dessus décrites sera de ne plus parler d’habitants ou de population, mais des personnes. Car « habitants » ou « population » sont des catégories qui effacent ou au mieux, fragmentent, les circonstances et les expériences de vie que les personnes convoquent pour énoncer ou reformuler leurs raisons d’agir et mobiliser les opportunités et les conditions de leur mise en œuvre. En effet, la catégorie de personne considère l’être humain dans la complexité globale des mouvements de son existence. Et c’est bien cela le cœur vivant et la nécessité pédagogique de la méthode des itinéraires transmise par JeanYves Petiteau. L’« habitant » n’est que l’une des appartenances multiples de la personne. Or, c’est l’ensemble de ces appartenances en interaction, qui dessine la 50
WALDSPIRALE ; BURGERPARKVIERTEL ; DARMSTADT, Allemagne ; Friedberger Straße / Bad Nauheimer Straße.
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Enfin chez soi... Réhabilitation de préfabriqués, Berlin-Hellensdorf, Allemagne, 1994 © Atelier Lucien Kroll © ADAGP, Paris, 2015
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complexité et la singularité de l’acte d’habiter. De plus, le sens de ces appartenances se rejoue sans cesse. C’est cela le fil rouge constitutif de la personne : sa capacité d’attachement/arrachement (Cf. A. Renaut, « Un Humanisme de la diversité », Flammarion, 2009). Et c’est bien pour cela qu’il y a inachèvement des formes de l’architecture et, comme le dit Lucien Kroll, incrémentalisme ou « forme de suivi réactif » du projet en train de se faire. Habiter en diginité La personne ne se réalise pas tout seule, mais dans sa rencontre avec autrui. Et cette rencontre, pour qu’elle soit humaine et non réifiante, (cf. Axel Honneth, « La Réification », Gallimard, 2008) doit exister dans une dynamique de reconnaissance réciproque. C’est cela le travail des Kroll. Ce n’est pas un acte d’hospitalité entre des inégaux, mais une reconnaissance engageant les personnes dans l’égalité de leur dignité. Et, dans ce cas, il n’y a plus « participation » au projet d’architecture, mais « parties prenantes » engagées dans le respect mutuel de leur diversité (cf. Ch. Taylor, « Multiculturalisme », Flammarion-Champs, 2009). Ce qui se joue ici, c’est l’habiter en dignité des personnes et non pas une quelconque pluralité fonctionnelle. C’est bien cet habiter en dignité le fond de la démarche pédagogique de Cherif Hanna et son équipe. C’est là que prend également racine la coopération de Simone et de Lucien Kroll. En effet, les jardins de Simone Kroll ne sont pas une fonction. Ils sont en quelque sorte la transposition et la métaphore de l’habiter ensemble en dignité. Et la déclinaison de cela sur leur méthode de travail, sur leur démarche, sera la discussion permanente, la négociation, la palabre entre personnes (cf. JM. Lucas, Culture et développement durable. Il est temps d’organiser la palabre, éd. IRMA, 2012) et non pas des « habitants » lors du processus de leur travail. 53
Une architecture de la capabilité Il y a d’autres catégories qui, en plus de celles de la personne (E. Mounier, « Qu’est-ce que le personnalisme ? », Que sais-je ? Puf, 2001), la reconnaissance (A. Honneth, « La Lutte pour la reconnaissance », Folio essais, Gallimard, 2013), la diversité (A. Renaut, « Pour un Humanisme de la diversité », Flammarion, 2009), la « Relation » et la « créolité » (E. Glissant, « Poétique de la relation » Gallimard, 2008), permettent non seulement d’identifier des tropismes entre le travail des Kroll et la démarche engagée par Chérif Hannah et son équipe. Mais aussi de nous encourager à suivre de nouveaux défis pédagogiques. Par exemple, celle de la « capabilité » (A. Sen, « L’Idée de justice », Flammarion, 2010) : en effet, grâce à leur méthode des interactions, qui reste encore à approfondir pédagogiquement à Nantes, la démarche des Kroll développe les capacités de choix des personnes, leur permettant ainsi de questionner leurs « bonnes raisons de valoriser » les options et les ressources retenues. Ils approfondissent ainsi, leur liberté et leur responsabilité dans l’accomplissement de leur humanité. Dans les négociations du projet d’architecture, c’est bien cette complexité globale que les personnes énoncent, reformulent et cherchent à mettre en œuvre. De l’architecte démiurge à l’architecte compagnon Ces dynamiques d’architecture remettent en question la position habituelle de l’architecte démiurge, surplombant et répondant aux « besoins » et aux « nécessités » des futurs « habitants » grâce aux connaissances techniques de ses équipes et à la force de son écriture. L’architecte deviendra en revanche compagnon des parties prenantes du projet. Il ménagera la qualité de leurs interactions réciproquement reconnaissantes, et veillera aux processus de 54
transformation du « choc » entre la pluralité des manières d’habiter et des raisons d’agir, en « diversité ». Lucien et Simone Kroll rappellent à propos des réunion préparatoires de l’aménagement des Vignes Blanches à Cergy-Pontoise : «Il y a eu au moins cinquante réunions en deux ans. La première a ressemblé à un psychodrame. Les ratés font aussi partie d’un projet. Notre règle était de n’interrompre personne. Le succès de ces réunions, ce n’était pas que tous tombent d’accord, mais qu’au final, ils acceptent leurs différences ». (cf. Libération, 11/10/2013). Pour Lucien Kroll (Libération, 11/10/2013) la notion de «vicinitude» s’y invente, c’est-à-dire, «l’inverse de la solitude», une «copropriété aimable de voisins». Sans candeur quant aux relations humaines : «Chacun a le droit de se disputer avec chacun, mais sans mettre en péril l’habitabilité de l’ensemble.» L’enjeu des Kroll ainsi que de l’atelier de Cherif Hanna et ses collaborateurs, est moins celui d’une « architecture habitée » que celui d’accompagner les habiter (dans toutes leurs complexités) dans leur devenir architecture. Certes, la prise en considération des manières d’habiter et la recherche de leur co- existence harmonieuse, est une des charnières clefs de ces processus. Mais pas la seule. Car ces processus offrent également l’occasion d’engager des transactions ouvrant sur des expérimentations fonctionnelles inédites (flexibles, réversibles, perméables) grâce à des créolisations inespérées voire imprévisibles des manières de vivre. Pour Edouard Glissant, atteindre les rivages de la créolisation supposait l’engagement dans une Relation où chaque personne - respectueuse d’une réciproque dignité - était l’occasion pour autrui de mettre au travail ses certitudes afin de participer à l’énonciation incessante du DIVERS au cœur du Tout Monde. 55
TRAVERSÉES URBAINES FILMÉES Dispositif : «L’architecte en tant qu’auteur : une approche documentaire» Jennifer Aujame
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La voix de Jean-Yves Petiteau résonne : «Je pense qu’une ville existe à partir du moment où l’on peut la découvrir et la réinventer dans son parcours». Ce n’est qu’à partir de ce postulat que le dispositif « L’architecte en tant qu’auteur : une approche documentaire » peut être décortiquée. Rien n’aurait pu être pensé sans cette graine semée. Il ne s’agit pas ici de la méthode des itinéraires qui lui est propre. Nous n’avons donc pas réalisé d’itinéraires filmés. Pas encore. Nous sommes ici dans l’expérimentation d’un dispositif qui pourrait évoluer dans ce sens. Il est possible qu’il évolue aussi vers un tout autre chemin. Une chose est sûre : ce dispositif se nourrit de la recherche, de l’expérimentation et de son accompagnement par différents corps de métiers et leurs interactions. C’est ainsi, que ce master mêle anthropologue, architecte-urbaniste, réalisateur-artiste, tous engagés dans l’idée d’une architecture plus humaniste. Ici, l’outil utilisé est la caméra comme forme de langage pour ouvrir un dialogue entre soi, l’autre et le territoire. Habiter : un processus Partons de ces deux verbes : «découvrir» et «réinventer». Voici une juste mise en abîme de l’aventure de ce master, entre et hors les murs de cette école ! Étudiants, intervenants, enseignants se découvrent, découvrent un nouveau territoire, pour réinventer d’autres formes de langage et de représentation du monde et du rapport à autrui. C’est ce même rapport, ce même lien qui est expérimenté sur le terrain. Comment se découvrir soi ? Comment découvrir l’autre ? Et comment allons-nous créer une nouvelle forme de langage commun pour réinventer ensemble une façon d’appréhender et de ménager notre «habiter». L’outil vidéo comme vecteur Pourquoi l’outil vidéo ? La vidéo est un médium au service d’une idée qui «cherche à faire place à une relation au monde». L’objet vient servir un propos. Si l’utilisation de l’outil est pensé et ménagé, il est aussi un vecteur, 57
Extraits de film : Bouguenais
Couëron
voir un «viatique» selon Ricardo Basualdo. Il est le lien physique entre des êtres. Il est la matérialisation d’une forme de langage. Sa présence permet de cristalliser des pensées, des moments à un instant T, de revenir dans le passé, d’imaginer le futur tout en induisant une sorte d’urgence pour les personnes filmées. Avoir conscience d’être enregistré est troublant. Mais c’est l’occasion de saisir cet espace de liberté pour s’exprimer quand notre parole semble ne pas être entendue, écoutée, voir parfois méprisée. Cet outil permet de reconnaître l’autre dans sa dignité par la position d’écoute qu’il instaure. Cette reconnaissance s’appuie aussi sur l’idée de l’enregistrement et de l’archivage comme trace dans l’éternelle question des conditions du perpétuel passage de l’homme. Habiter en auteur Le réalisateur et théoricien du cinéma John Grierson n’était pas sans rappeler que «Le documentaire est l’interprétation créatrice de la réalité». L’auteur du film vient raconter, transmettre la pensée, le vécu de l’autre avec son propre regard. Dans le cadre de ce dispositif pédagogique, il y a une volonté forte de décloisonner les métiers. L’architecte se fond dans la peau d’un anthropologue, d’un réalisateur, d’un artiste pour retrouver l’essence de ce qui nous anime et de ce qui fait sens avec la conscience dont on s’est doté en tant qu’être vivant et pensant. Quelle question fait sens pour moi et va faire sens pour l’autre ? Passer de l’individu à une universalité. C’est ce que nous allons chercher dans cette démarche d’auteur. 58
Donges - Lavau
Cordemais
Première étape : la carte sensible filmée Dès l’amorce de ce processus en collaboration avec l’architectecte Chérif Hanna, et l’anthropologue Éric Chauvier, nous nous rendons compte de la similitude de cette approche sensible du territoire en images et du dispositif d’entretien non-directif d’Éric. Dans l’étape de cette approche en images, il s’agit du «repérage». En répondant à la question «qu’est- ce qui me touche ? «, les étudiants cherchent, ce que Éric Chauvier appelle aussi : l’élément troublant, le dérèglement psychoactif. «Être réceptif au paysage, à l’autre, et laisser certaines rencontres hasardeuses les guider dans leurs recherches. Faire confiance à la sérendipité. Trouver un paradigme, un point de vue, une façon de décrire la réalité, un élément révélateur porteur de la partie culturelle». Cette consigne s’accompagne d’un temps de marche, d’écoute du paysage, et de prise de note par du texte, des dessins ou des photos. Après avoir choisi quels éléments font sens entre eux et l’environnement, les étudiants prennent la caméra pour les filmer et réaliser un premier montage appelé : la carte sensible filmée. C’est en recherchant cet élément, que l’auteur-étudiant arrivera par la suite à rendre l’invisible, visible en images. Cet invisible est cette émotion impalpable qui rend la personne, la situation, le territoire si singulier et qui est important à préserver et à reconnaitre dans chacun. En image, on dira que le plein correspond à la fonction et le vide, le sens. 59
Repérage à l’aube Photo de Jennifer Aujame
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Mais comment peut-on avancer ensemble sans prendre conscience de l’existence de cet invisible et de composer avec ces invisibles ? Peut-être peut on l’appeler aussi «l’altérité». Celui de reconnaître l’autre dans sa différence. Ce ne sont pas des principes abstraits. Ce sont des principes très concrets. Ce sont des notions pratiques. Comme le précise l’historienne française Sophie Wahnich, entendue lors d’une conférence sur la question de la fraternité, il faut le voir comme un sentiment politique et non pas comme amour nécessaire à l’égard d’autrui. «Quand le prochain est atteint dans ces droits, on atteint le droit qui est aussi le droit qui me protège et on sait que c’est l’ensemble des droits de la société qui n’est plus protégé (…) C’est cet espace de réciprocité qui constitue les sentiments fraternels et c’est l’absence de sensibilité et donc l’apathie politique qui empêche qui l’y ait de la fraternité». Cette carte sensible filmée est la consistance du film dont chaque auteur doit s’emparer, écrire pour la suite du récit. Deuxième étape : création d’un fossé L’invisible n’apparait pas aussi simplement. Pour le trouver, il est important de rentrer dans ce qui nous «habite». Lors de la confrontation du regard de l’étudiant-auteur (dans sa construction du récit du film) aux autres récits de vie des personnes habitantes (lors de l’expérience de la méthode des itinéraires) un fossé se creuse. Ce fossé est le sentiment que les étudiants ont ressenti entre cette carte sensible filmée et le retour sur le «terrain». Ainsi, les auteurs ont frotté, confronté leur ressenti, leur propre vécu avec ceux de l’autre, qu’ils appellent «habitants». Il y a alors différentes singularités qui entrent en interaction. La singularité de l’écriture filmique est cet acte de création avec lequel s’énonce une perception du territoire et qui ménage le fossé avec les perceptions d’autrui. Quel sens veut-on mettre à ce creux ? Comment le ménage-t-on ? Comment le fait-on travailler ? 61
Habiter en architecte engagé Troisième étape : transformer le fossé en écart… Faute d’heures possibles partagées avec les étudiants, cette étape est un plus complexe à analyser. À l’heure de l’écriture du texte, tous les films n’ont pas encore été réalisés mais certaines expériences de groupe ont été très parlantes. Assez pour en imaginer des hypothèses et des pistes de réflexions pour la suite. Cette troisième étape s’appelle donc «transformer le fossé en écart». Pour Ricardo Basualdo, il faut transformer le fossé en écart en passant par une table de délibération. Le travail de «tables publiques» de Flore Grassiot semble avoir permis d’amorcer celle-ci. «Néanmoins, il faudra prendre à bras le corps l’organisation d’un dispositif d’aller-retour permanent, entre le travail de négociation et celui de l’architecte, un peu à la manière de Lucien et de Simone Kroll.» souligne Ricardo. Au cours de leur recherche, les étudiants ont expérimenté ce dispositif filmique au cas par cas. Il leur a été conseillé de diffuser ce premier film «carte sensible filmée» lors des ateliers publics pour faire accoucher des réactions, des réflexions et creuser ainsi davantage le fossé de perception. Pour accompagner ces allers-retours, il a été proposé aux étudiants de filmer les discussions lors de ces ateliers pour continuer à écrire leur récit. ... par le choix des mots. Lors de ces rencontres publiques, notons le choix du vocabulaire. Ne seraitil pas un bon moyen de décloisonner ces rapports ? Les mots font office de marqueurs temporels des pensées. Quand un élu ou un architecte utilise le terme «habitant» et que l’homme se dit «citoyen», tous deux ne sont pas dans la même temporalité de la réflexion. Certains sont plus avancés que d’autres et le choix de ces mots créent un fossé. À quel moment sommes-nous des habitants ? À quel moment sommes-nous des êtres habités ? Pourquoi ne réinventons-nous pas les mots ensemble à partir d’images en mouvement ? 62
À cela Ricardo répond : « la délibération autour de l’écart finit par engendrer des mots partagés, tout en lissant l’écart... Cependant, la délibération permet l’énonciation non seulement des mots partagés, mais aussi des raisons d’agir négociées.» Il ajoute : «C’est peut-être cela le travail de l’architecte engagé et pas seulement auteur : grâce aux processus de reconnaissance réciproque du projet d’architecture l’architecte fait place à la négociation des raisons d’agir (le groupe choisit voire, invente telle valeur ou tel enjeu plutôt qu’un autre). C’est ainsi que le projet d’architecture “espace l’espace”. Ainsi, le surgissement des mots partagés, sera l’effet de cette dynamique d’ouverture d’une clairière dans le monde ménageant des raisons d’agir inédites, négligées voire, méprisées. C’est peut-être cela le travail de l’architecte engagé et pas seulement auteur : grâce aux processus de reconnaissance réciproque. En conséquence, l’une des clefs pour engager cette dynamique sera de ne plus parler d’habitants ou de population, mais des personnes. Car habitants ou population sont des mots qui gomment ou au mieux, fragmentent, les circonstances et les expériences de vie singulières que les personnes convoquent pour énoncer leurs raisons d’agir et mobiliser les opportunités et les conditions de leur mise en œuvre. La catégorie de personne prend en compte l’être humain dans la complexité globale des mouvements de son existence. Dans les négociations du projet d’architecture, c’est bien cette complexité globale que les personnes énoncent, reformulent et cherchent à mettre en œuvre.» Bâtir Et ce n’est que lorsque ce processus de négociation et de délibération autour de l’écart des raisons d’agir et des manières de faire, est libéré que la trame du récit pour le cinéaste va se délier. Ricardo parle alors “d’espacer l’espace” habituel de l’image en mouvement. À méditer ensemble. 63
ARTS DE FAIRE
Qui? Arts de faire prend son envol. En effet depuis un an maintenant l’association s’installe et grandit. Désormais, elle compte plus d’une quinzaine de membres venant d’horizons variés. Nous sommes de nationalités différentes, nous exerçons dans de multiples domaines et la pluralité de nos étiquettes enrichissent nos actions. Étudiants, architectes, jeunes diplômés, chercheurs, enseignants se retrouvent au sein d’Arts de Faire pour croiser leurs regards et leurs compétences. 64
Où? Le cœur de l’activité de l’association se déroule dans le local situé sur le plateau du 1A de l’ENSAN. Les membres d’Arts de Faire s’y regroupent lors des assemblées générales, des réunions mensuelles et des séances de travail hebdomadaires. Des permanences sont assurées chaque semaine par les membres de l’association qui se relaient pour accueillir le public curieux de notre démarche afin de lui apporter les informations sur notre travail. L’année 2016 sonne le lancement de nos activités. Pour commencer cette nouvelle années, Arts de Faire s’engage dans trois projets. Appel à projet du CNRS Les membres de l’association se mobilisent autour de questions qui leurs tiennent à cœur. Lors de nos réunions, nous nous accordons des moments de partage et de dialogue sur des sujets d’actualité qui ont pu nous marquer. À la suite des évènements funestes de novembre 2015 à Paris, qui font écho à ceux qui se sont déroulés au début de cette même année, plusieurs d’entre nous ont été émus par leurs dénouements. Au-delà de l’émotion qu’ont suscité les attentats de Paris, de nombreuses interrogations nous sont apparues sur leurs causes et leurs conséquences. Il a été porté à notre connaissance que le Président du CNRS, Alain Fuchs, dans une lettre ouverte à l’ensemble de la communauté scientifique, a lancé un appel à projets de recherche autour des questions qui résultent de ces violences. Cette demande nous aspire à réfléchir aux enjeux des attentats sur nos sociétés et leurs conséquences afin d’ouvrir la recherche sur de nouvelles voies d’analyse et d’action aussi bien techniques que sociales. Plusieurs membres de l’association ont proposer de répondre à cet appel à idée. En tant qu’architectes-urbanistes, nous souhaitons participer et mettre à profit nos connaissances et nos compétences. Aujourd’hui, notre mission est en cours d’étude. Nous sommes en train de construire des problématiques sur l’espace urbain et les phénomènes sociologiques. Cet atelier reste ouvert à tous et ne demande qu’à être enrichi de nouvelles réflexions. 65
Un débat sur l’architecture et la politique Trois membres d’Arts de Faire ont témoigné leur envie de faire renaitre une expérience vécue lors de leurs études en 2ème année de licence à l’ENSA de Nantes. Il s’agit d’un débat libre invitant tous les étudiants, professeurs et professionnels de l’architecture à venir échanger sur une thématique à l’intitulé simple mais évocateur : Architecture = Politique / Architecture VS Politique. Cette discussion autour d’une table ronde avait été révélatrice de sujet passionnant et ne demandait qu’à être approfondie. Cette future mission d’Arts de Faire devrait être mise en place au cours du second semestre au sein de l’École d’Architecture de Nantes. Aménagement du local : accueil des archives et mise en valeur du local Nous sommes une jeune association en développement. L’aménagement de notre local se fait peu à peu et va prochainement s’enrichir d’une ressource documentaire importante provenant des archives personnelles de JeanYves Petiteau. Un travail d’inventaire puis d’archivage ont été réalisés à partir des données de ce dernier. Elles regroupent des documents sonores, numériques ainsi que des livres, revues, études et manuscrits sur la méthode des « itinéraires ». En complément de cet aménagement, nous souhaitons rendre notre espace de travail dynamique. Le local d’Arts de Faire bénéficie d’une large baie vitrée donnant sur le plateau principal de l’école d’architecture. Cette vitrine est une opportunité pour l’association de communiquer avec le public. L’idée est d’habiller cette surface translucide par un affichage dynamique qui présente l’association et met en avant son identité et ses actions.
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Appel à idée pour un Logo Dans les mois à venir, notre association souhaite lancer un appel à idée ouvert à tous pour définir son logo. Elle aimerait ainsi offrir la possibilité, aux étudiants et professionnels qui le désirent, de participer à la création de l’identité d’Arts de Faire. Cette mission pourrait donner lieu à une exposition au sein de notre local, afin de présenter les différentes propositions et de permettre au public de découvrir l’association et de rencontrer nos membres. Comment fonctionnons-nous ? L’ensemble des membres d’Arts de Faire se réunissent le premier jeudi de chaque mois, de 16h à 18h lors de la réunion mensuelle qui permet de faire l’état des lieux de chaque projet en cours et d’accueillir les nouveaux membres éventuels. Nous organisons également des réunions de travail en comité réduit, autour des projets en cours. Ces groupes sont constitués par des membres ayant la volonté de travailler sur un même projet ensemble mais ils restent toujours ouverts à de nouveaux membres qui souhaiteraient rejoindre l’aventure. Ces séances de travail ont lieu de 18h à 20h dans le local d’Arts de Faire. Prochaine réunion ouverte à tous : le vendredi 26 février 2016 Le prochain rendez-vous important d’Arts de Faire permettra à l’ensemble des membres de l’association et aux nouveaux arrivants de se retrouver pour une réunion exceptionnelle de travail. Il sera l’occasion de réaliser un brainstorming sur les envies et les idées de chacun et de lancer les projets à venir. La réunion se déroulera dans le local du 1A à l’ENSAN, le vendredi 26 Février 2016 à partir de 16h.
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REMERCIEMENTS : Toute l’équipe remercie chaleureusement tous les habitants de l’estuaire de la Loire.
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Ouvrage édité en 60 exemplaires - Achevé d’imprimer en février 2016
ESTUAIRE DE LA LOIRE
Territoire en mouvement Le master « Estuaire » 2016 est la 9ème édition d’une démarche originale centrée sur le même territoire stratégique : l’Estuaire de la Loire. Il est fondé sur l’articulation permanente de la démarche anthropologique et de la conception du projet. Chaque session est l’occasion d’explorer de nouveaux espaces à différentes échelles ; les mobiliser et rendre explicites des arts de faire et des arts de vivre, peu ou pas toujours reconnus par les experts et professionnels de l’aménagement. Après « La métaphore d’une île » en 2013, « Import/Export » en 2014 et « Tirer des bords » en 2015, la thématique retenue pour le projet actuel « Dérives des rives» tente de retourner sur les traces de la mémoire, la dynamique d’un « ménagement » capable d’inaugurer un processus de projétation in-situ. Les territoires sur lesquels les étudiants en fin d’étude à l’Ensa Nantes et les enseignants construisent une démarche et proposent un projet d’aménagement aux personnes qui vivent sur ce territoire ; habitants, élus et différents acteurs, sont situés sur les communes de : Nantes Métropole, Couëron, Cordemais, Donges, Paimboeuf, et les espaces limitrophes.
2016