Lettre Hebdomadaire n°114 Semaine n°02 du 8 au 14 janvier 2008
Présidentielles Américaines 2008 Le scrutin de l’Iowa a mis en relief des enseignements qui constituent des tendances lourdes de l’opinion américaine. La volonté de sensationnalisme ou la distance avec certaines réalités électorales ont conduit tout dernièrement à des appréciations parfois éloignées de certaines réalités électorales. Par ce numéro spécial de notre lettre hebdomadaire, nous avons cherché à mettre en relief les 7 enseignements de tendances structurantes de l’opinion pour la présidentielle 2008.
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La logique même des primaires. La multiplication des candidatures à la candidature est un phénomène incontournable dans toutes les démocraties modernes. Elle traduit l’éclatement des groupes de la société comme la décroissance de l’autorité des partis politiques. Cette concurrence doit trouver des moyens de régulation. La vie politique américaine est habituée à ce cycle incontournable de sélection qui est une campagne dans la campagne et qui obéit à des contraintes spécifiques. En réalité, chaque primaire comprend deux étapes successives à l’esprit très différent. Dans un premier temps, pour faire la différence au sein de son parti, chaque candidat doit pratiquer un discours assez «intégriste» pour séduire les militants. Dans un second temps, il doit chercher à rassembler le plus largement possible. Ces deux étapes vont produire des contradictions redoutables à gérer. Les «effets de campagne» à usage interne au parti risquent en effet d’être des boulets pour le passage devant le suffrage universel. Il y là un problème majeur de communication. Le candidat qui participe dans l’objectif de gagner l’élection ultime doit résoudre l’équation suivante : que les conditions de victoire de la primaire dans son camp politique ne soient pas de nature à marquer son profil au Lettre 114 - www.exprimeo.fr
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Présidentielles Américaines 2008 point de l’handicaper pour la victoire finale. Par ailleurs, le cœur de la culture de la primaire américaine est marquée par la notion de «retour à la base» sans situation acquise bien au contraire. La primaire est en effet le moment où le candidat entame son «parcours initiatique», montre sa capacité à «mouiller la chemise», à parcourir des kilomètres dans le froid, sous la pluie ou la neige, à faire la différence sur le terrain... Barack Obama, John Edwards sont ceux qui ont le mieux accepté cette culture de la primaire. Dès l’origine, sur ce terrain, Hillary Clinton est handicapée par son statut d’ex First Lady qui impose des mesures très rigoureuses de protection. Il lui faut «changer de statut» et se prêter à toutes les contraintes les plus ingrates de ce parcours initiatique. Dans l’Iowa, petit Etat, la prime au contact de proximité a joué en faveur d’Obama et d’Edwards. C’est un facteur déterminant dans l’explication du résultat dans cet Etat.
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Le profil des candidats performants. Ils doivent désormais remplir trois qualités majeures. Tout d’abord, avec l’impact déterminant des clips publicitaires payants (ads), les candidats doivent être très télégéniques. Ces clips constituent souvent l’outil privilégié de communication. En réalité, si le site Internet est devenu le support généraliste de communication, le clip publicitaire est l’outil de la communication évènementielle. Ensuite, les candidats doivent organiser des «campagnes de proximité», une sorte de porte à porte dans chaque territoire des circonscriptions électorales. Enfin, pour répondre au besoin de simplification de l’opinion, chaque candidat doit transformer son offre en un référendum sur un thème. Cette simplification est une obligation redoutable parce que, par définition, elle est réductrice. Le choix stratégique de ce cap conditionne désormais une grande partie de l’efficacité de la candidature.
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Leur capacité à simplifier leur offre. Ce dernier volet compose la 3ème caractéristique des candidats performants : leur capacité à simplifier leur offre non pas à partie de propositions détaillées mais en mettant en scène leur histoire personnelle. Barack Obama est la figure emblématique de cette «nouvelle génération». Cette génération n’entre pas dans les frontières classiques d’opposition entre les républicains et les démocrates. Ils revendiquent la rigueur de gestion. Ils se présentent comme animés par une forte foi religieuse. Ils sont sortis des chemins classiques des leaders démocrates pour aller chasser sur des thèmes longtemps considérés comme réservés aux républicains et réciproquement. Ils ne sont pas «lisses». Ils ont tous connu des parcours compliqués parfois difficiles. Les difficultés sont reconnues, assumées, embellies. Par cette transparence, ils sont perçus comme honnêtes, intègres, frais, neufs. Leurs difficultés montrent qu’ils sont «comme chacun» avec des hauts et des bas. Bien davantage, comme s’il avait voulu rompre avec les schémas classiques, l’électorat a manifestement choisi l’impertinence. Dès les élections du mid term en novembre 2006, il fut question de la génération «Tiger Woods». Un noir qui est champion de golf ! L’opinion aime produire maintenant des schémas nouveaux voire iconoclastes. Les élections de novembre 2006 avaient consacré cette «nouvelle génération» consacrant déjà des inconnus à l’exemple de l’actuel Gouverneur du Massachusetts qui était, deux ans auparavant, à la direction juridique d’une grande société américaine ... Les mœurs de Washington ont maintenant tellement «mauvaise presse» que l’ancienneté semble un défaut comme si le temps avait permis d’être contaminé par des mauvaises «habitudes» ... Voilà donc un contexte entièrement nouveau qui s’est dessiné dès novembre 2006. Dans cette nouvelle génération, ce sont tous d’excellents orateurs. Mais là aussi le style est nouveau. Il ne s’agit pas de «grands discours conceptuels » maniant des valeurs générales mais des extraits de vies. Deval Patrick, premier Gouverneur Noir du Massachusetts, a souvent arraché des Lettre 114 - www.exprimeo.fr
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Présidentielles Américaines 2008 larmes à ses auditeurs lors de ses réunions publiques quand il a parlé de ses propres embûches mais aussi de la connaissance qu’il a pu acquérir des difficultés de ses semblables. C’est là le mot magique actuel «ils sont des semblables», des «gens normaux connaissant la vie quotidienne». Si cette ambiance perdure, elle devrait emporter tous les leaders anciens des partis immédiatement frappés par une terrible crise de mode et d’ancienneté. Ce climat est un lourd handicap pour Hillary Clinton, John McCain, Rudolph Giuliani.
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Obama joue le mieux sur cette mode. 4ème constat, Obama, et Huckabee dans une moindre mesure, est le candidat qui incarne et joue le mieux sur cette mode. Il est Sénateur mais Sénateur depuis 2004 seulement. Le fait d’être Sénateur n’est pas un avantage. Il faut remonter à l’élection de 1960 pour voir un Sénateur être élu à la Présidence. La dernière campagne de J. Kerry en 2004 a constitué un caricature du «chemin de croix» d’un Sénateur. La campagne présidentielle n’était plus l’objet du bilan du Président mais du bilan aussi, voire surtout, des votes du Sénateur, de ses absences, des votes contradictoires ... Mais le fait d’être Sénateur depuis moins de quatre ans seulement limite ce risque pour Obama. L’absence d’ancienneté devient actuellement un formidable atout. Ce d’autant plus que l’opinion américaine aspire à du neuf et à une «vision nouvelle». Mais surtout, l’opinion américaine attend un nouveau rapport à « on c an did at ». Un rapp ort intimiste, égal, quasi-familial. C’est la grande clef de la réussite de Barack Obama. Il invite chaque citoyen américain à entrer dans sa vie. Il en est de même des reportages actuellement publiés qui portent de plus en plus souvent pour titres «soyez Barack Obama» et qui constituent des reportages dans le quotidien du candidat démocrate que l’on suit tirant son pilot case à roulettes le lendemain matin d’une réunion publique, montrant le brouillon d’un discours ... Une nouvelle communication est en train de naître. A certains égards, elle rappelle le saut connu dans les années 60 avec la campagne de JF Kennedy. Obama, c’est la génération des «copains du quotidien» auxquels il est possible de s’identifier. Ceux qui partagent chaque heure de leur vie sans cérémonial et que l’on souhaite ensuite Lettre 114 - www.exprimeo.fr
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Présidentielles Américaines 2008 rencontrer lors de la venue dans la géographie de proximité pour les voir «en vrai».
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La dernière vague dominante. La 5ème caractéristique concerne l’identification de la dernière vague dominante. Le vrai ultime clivage devrait résider dans la différence entre optimisme et morale. Si l’optimisme marque le «retour de l’Amérique», Obama bénéficiera d’un courant porteur majeur. Le dernier obstacle à franchir dans son propre camp sera sa capacité à montrer qu’il est un bon candidat pour la «finale» contre le Républicain. Cette performance du second tour est à ce jour le meilleur atout de John Edwards. Si la morale domine dans le cadre d’un repli sur soi et d’une réaction protectionniste, Huckabee ou Romney seront redoutables bénéficiant par ailleurs probablement dans la dernière ligne droite de reports d’Etats de l’Amérique profonde où des électorats ne sont pas «encore» prêts pour un Président métissé.
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Internet : colonne vertébrale. La 6ème caractéristique concerne l’installation d’Internet comme colonne vertébrale de toute communication. Joe Trippi, ancien manager de la campagne Internet d’Howard Dean en 2004 et actuel collaborateur de John Edwards, a introduit une nouvelle distinction entre les campagnes «open source» par opposition aux campagnes traditionnelles organisées selon les modes hiérarchiques classiques. La «nouvelle campagne de communication» présente cinq caractéristiques : 1) Elle intègre Internet comme un outil de communication à part entière au même titre que les journaux, la radio, la télévision. 2) Internet est une source d’information avec une double vocation : savoir et comprendre. Ce dernier volet (comprendre) a beaucoup quitté les médias traditionnels qui montrent mais qui expliquent de moins en moins. Sur le site Internet du candidat, il faut expliquer. 3) Internet doit être un support de synthèse. Il doit conjuguer l’écrit, l’image, l’image activée et le son. 4) Parce qu’il est un support d’information à part entière, Internet suppose une démarche cohérente, professionnelle à l’exemple des précautions prises dans la Lettre 114 - www.exprimeo.fr
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Présidentielles Américaines 2008 gestion des relations avec les autres médias. 5) Le facteur clef tient à ce jour à l’actualisation fréquente des contenus. La logique «live» doit être assumée à fond. Internet est à la campagne électorale 2008 ce que la télévision a été aux campagnes du début des années 60 où des surprises électorales considérables sont nées de cette révolution. Avec Internet, chaque candidat communique désormais de façon au moins quotidienne sans intermédiaire à destination d’un public de masse. C’est une nouvelle donne considérable.
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Accélération de la désignation des candidats. Le «super Tuesday» du 5 février devrait conclure la désignation des candidats pour chaque camp. Ce calendrier signifie donc que l’espace temps dégagé pour la finale présidentielle s’allonge beaucoup. C’est une nouvelle donnée qui va créer un contexte neuf quant au choc ultime entre les deux camps.
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