LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
LOUIS ANDRIEUX
LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
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I
PARIS LIBRAIRIE ACADEPAIQUE DIDIER
PERRIN ET Cie , LIBRAIRES-EDITEURS 35,
()CAI DES (PRANGS-AUGUSTINS I
{006 Thus droitx reserves
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EN GUISE DE PRaACE
Le 4 janvier 1903, contre vent et marĂŠe, malgre les ministres, le prOfet, les sous-prgets, les juges de pail, les instituteurs, les fonds secrets, les palmes acaddmiques, le haut et le bas clergy maconnique, la truelle et le tablier, la croix et la banniĂŤre des loges, je fus elu s6nateur du dĂŤpartement des Basses-Alpes. J'entrais au palais du Luxembourg sans grand souci !Tune protestation qui semblait n'avoir d'autre but que de couvrir la &route de mes
adversaires. Je n'avais en effet pris avec les urnes et les
bulletins de vote aucune des privates consacrees par l'usage, et j'avais conscience que nul de mes collegues ne pouvait se pr6valoir d'un mandat plus loyalement acquis.
EN GUISE DE PREFACE
Hdlas I Je mOconnaissais la mentalitd de la haute Assemblee. J'oubliais que sous l'apparence d'un suffrage populaire quoique restreint, et sous pretexte de verifier les pouvoirs de ses membres, le Senat se recrute par cooptation qu'il croit avoir fait preuve suffisante d'impartialite quand it a accord€ une place congrue une opposition decente. Or, par sentence d'un pouvoir secret, inspirateur et dominateur de tous les autres dans notre Republique, fkais clësign6
Fostracisme de l'Assembld sêna-
toriale. Au souvenir d'imprescriplibies outrages venait de s'ajouter une injure plus r6cente j'avais en pour concurrent, et sans 0,-ard pour le camail, insigne de sa dignit6, j'avais battu un thuriferaire important du temple d'Hyram. Oh! ce n'est pas qu'il n'y ait une Justice au S6nat! Mais elle est enfermee au cabinet des questeurs, dans un panneau peint par Boulanger. On la rencontre aussi au salon-ouest,
EN GUISE DE PREFACE
gauche de la Loi, dans le plafond de Decaisne. La Justice siege un peu partout, au Luxembourg, mais toujours en peinture En promenant mes pas perd us dans les couloirs du Senat, je compris le sort qui nf6tait réserv6. Tres des bastes des anciens, confidents discrets des intrigues parlementaires, des groupes se formaient; des inconnus, qui n'en 6taient pas moins des seniateurs, parlaient avec animation sur mon passage ils baissaient la voix leers regards obliques se detournaient de moi, Je surpris « des sigries, des attouchements », des mots mystérieux. Apres quire fours de triturations rituelles, ma cause Rail suffisamment instruite
la
\T euve » inexorable n'avait plus qu'h me choisir un rapporteur. Elle avait sous la main l'homme qui convenait c'était un ancien goupillonneur de b6nitiers. Quand it n'ëtait encore que s6minariste, it avait compos€ de pieux alexandrine pour la
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EN GUISE DE PREFACE
Vierge Marie, it qui ii De pardonnait pas de les avoir d6daignes Protege ton enfant, Et qui ll se place un jour, heureux et triornphant Sur un trOne de gloire, a tes pieds, pros des angel
Plus Lard d'autres pieds avaient gagne ses preferences ; a defaut d'un tame, it avait obtenu un fauteuil, et parmi les veterans qui ont trouve au Sénat la sécurit6 de leurs dernieres ann6es, it figurait 1' invalideur ctt la tote de boix.
Dans la séance du 27 janvier, je défendis mon. election. L'invalideur se mit en frais cr6lopence ; it etit pu se homer a u
signe de
daresse . Quand les ernes circulerent, tous les macons de tout grade et de toute obedience, tous les défroqu6s des divers cultes, tous les klopes du Panama, tous les hommes-canons, thus les evades de la Bolieme, et jusqu'a un decode votèrent contre mon election comme un seul cambrioleur.
EN GUISE DE PREFACE
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lls furent plus de 104 ; its furent 116 contre 109 dans tine assembide de 300 membres, et cette sorte de minorité gulls appellent la majo-
rite relative, sun it briser le libre choix d'un college electoral. Et maintenant FF. • .... 1 er et 2e surveillants, vous etes a couverts sur les deux colonnes du temple ! a Qui s'obstine a rnordre un caillou, a dit mon compatriote de Jussieu, ne reussit qu'it se Gasser les dents. » De Jussieu ëtait, un sage ; j'ai thc116 ("Won pCit en dire au tint de moi je me Buis eloigné du caillou senatorial; j'ai mis profit les loisirs que je lui doffs pour apporter ma contribution a Phistoire d'un temps que j'ai vecu, a Celle des fours tragiques passes a, Lyon du 4 septembre 1870 jusqu'a la chute de la Commune. J'ai fait des fouilles dans ma memoire et dans mes vieux papiers; j'ai recueilli et je d6clie aux survivanismes souvenirs d'un passé lointain oft j'étais procureur de la Republique •
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CHAP1TRE I « LE MIE PRIGIONI ». - UNE AIM BE MAGISTRAT. MES LIBIRATEURS - UN COMPAGNO.N. DE CEIAINES
Le 4 seplembre 1870, j'expiais a Lyon, « sur la paille humide des cachou », les vivacit6s de mon opposition a 1'Empire. Je doffs dire, pour rendre hommage a la v6rite, que « la paille humide » n'est ici qu'une sorte de trope dernocratique, tine figure empruntee
A,
la rhaorique des reunions pu-
Wipes, et que les Menus politiques, autant que j'en ai pu juger par ma propre experience, cueillaient a bon march O les palmes du martyre sous l'administration imperiale. Près de deux mois s'ëtaient 6coul6s depuis que les pones de
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prison Saint-Joseph s'dtaient
ferme;es derriere mes pas, et la vie claustrale
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n'avait 6prouv6 ni ma sante, ni mon liumeur. Je circulars librement du haul en has de mon nouveau logis la coupole de la cliapelle, ornee (Fun peristyle, Mail, mon promenoir habitue]. De là, hien abritë con Ire la pluie, le soleil et le vent, j'avais une large vue sur la vine. L'aumOnier, liomme airnable et disert, venait parfois m'y rejoindre, sans jamais laisser paraitre aucune indiscrete pr&fccupation de prosOlOsme. Je recevais sans entraves ni contrele mes lettres et mes journaux je choisissais mes visiteurs, et, comme je n'avais pas la ressource de faire dire aux importune que faais sorti, la prefecture refusait gracieusement le permis de visite a quiconque n i 6tait pas inscrit sur la p iste dressêe par mes soins. Une seule exception comme par megarde, fut faire en faveur d'un agent secret, qui me t6moignait une sollicitude exhuberante et dont je n'ai connu clue plus Lard la qualitó. J'ai su depuis qui payait sa toilette...
Comme chantait le bon Báranger.
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« LE MIE PRIGIONI ))
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Mais voyez comment les idees sienchainent Le nom de noire chansonnier national, qui n'avait ici rien a faire, me remet en manoire une initiative extraordinaiti prise, aprës nos premiers revers, par son homonyme M. Berenger, aujourd'hui sdnateur inamovible, aloes avocat general a la Cour imp6riale de Lyon. La revolution paraissail, des 'ors tellement inevitable que ce magistrat del parquet, ce gardien des lois, ce propose a la d6fense de la Constitution, ne craignit pas de ceder a ses inspirations de bon citoyen en se rendant, le 20 aoCit, dans les salons du café Casati,
une
reunion oft les hommes les plus autoris6s du parti republicain se rencontraient, avec les reprêsentants de l'opposition
111es invita
se concerter pour prendre la direction des 6venements au cas probable 436, sous la pour-see des malheurs publics, l'administration impériale viendrait a s'écrouler, et sans leur offrir tout A fait une succession qui n'etait pas ouverte, les adjurad'4argner a la vine de Lyon le peril de l'anarchie.
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Dans les grandes villes qui jouissaient du droit commun, on pouvait prdvoir que le Conseil municipal, en majoritë compose de repuhlicains, s'emparerail provisoirement du pouvoir et amortirait le choc de la revolution . Mais, a Lyon, sous le regime (rune commission municipale irnpos6e, aucune autorité ne devait survivre a l'Empire, et le desordre, en l'absence de toute direction, apparaissait plus menacant. Empéch6, par cas de force majeure, d'assister a la reunion du café Casati, j'en avail su les incidents dont le récit m'avait, confirme dans la prevision des effondrements prochains. Aussi ne fus-je pas trop stLrpris iorsque, le dimanche septembre, a mon reveil, j'entendis un tumulte inaccoutumé, des rumeurs confuses qui montaient de la rue jusqu'a ma cellule, oil, par une precaution insolite, j'avais êtê enferme a, double tour de clef. Bient,Ot it me sembla que des soldats entraient dans la prison ; je pelvis des cliquetis d'armes, des bruits de crosses, des command e-
UNE AME DE MAG1STRAT
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ments militaires, des roulements de tambour. Curieux de voir ce qui se passait, j'empilais sur un escabeau la « Collection des Auteurs latins », qui faisait partie de ma petite bihliotheque, et, stir les 6paules de Cic4ron, j'essa):ais en vain d'atteindre jusqu'ii la lucarne croft me venais la lumiêre, lorsque je fus surpris par un gardien qui, entrrouvrant discrêtement ma porte, m'annonca la visite de « M. le procureur imperial » Le personnage long, roux, maigre, osseux et griMe qui entrap dans ma cellule, n'Otait qu'un substitu t du procureur mais le gardien savait sans doute que u le parquet est indivisible ". Je saluai; je mon trai de la main un siege rudimentaire et je dis a mon visiteur inattendu : —
quelle circonsiance, Monsieur, dois-je
l'honneur... ? —
Monsieur Andrieux, interrompit, non
sans que]que embarras, l'honorable magistrat, je n'ai pas eu jusqu'ici l'occasion de vows en faire part, mais j'ai toujours éprouve pour votes la plus sincere sympathie. Vest pourquoi
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LA COMMUNE A LYON EN
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je m'empresse de vous apporter une nouvelle qui ne peut manquer de vous intOresser : la Republique vient d'ètre proclamde a l'hOtel de vine... Le peuple, en marche sur la prison, ne tardera pas a vous ddivrer. Je pourrais devancer sa justice et prendre l'initiative de signer un ordre de mise en liberte. Mais qui salt ce qui peut arriver ?Et ne vaut-il pas mieux laisser
a la foule les responsabilites ? Je donnai a cc substitut l'assurance que je ne d6sirais point gull se compromit davantage je le remerciai de sa d6marche apres maintes effusions, convaincu
prit cong6 avait
acquis des titres a la faveur du nouveau Gouvernement. serait superflu d'insister sur les réflexions que ce court entretien dirt suggérer a un jeune avocat 61ev6 dans le respect professionnel de la magistrature. Aussi hien furent-elles de courte durée, interrompues par de plus graves ev6nements. Les portes de ma bastille venaient de ceder sous la pression de la foule qui se r6pandait
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DES LIBERATEUBS ■•■•■■••■•■■•■■••••■•••■•••.
dans les couloirs a la recherche des daenus politiques. Yentendais des cris, des menaces, des acclamations, parmi lesquelles mon nom souvent rëpetd. Apres une vaine resistance,
cours de
laquelle son sabre lui avai-t 6te enleve, le gardien-chef introduisit dans ma cellule les delëguOs du peuple.
sitotje fus housculé par des
amis enthousiastes que je voyais pour la premiere fois; je dus subir l'etreint,e de poitrines sympathiques, mais inconnues; puffs enleve par des bras vigoureux, je fus hiss sur le siege (Fun liacre a dote de l'automëdon. En vain je demandais tine place plus modeste r l'int6rieur de la voiture j'etais un trophëe je devais servir la decoration du char triomphal et numerote qu'avaient rOquisitionne rues 1ib6rateurs. Deja, le cocker reprenait ses guides et son fouet, quand une clameur s'eleva « Et Lentilion ! Et Lentillon 1 » En eliet nous ne pots vions partir sans Lentalon I ais quel kaitce Lentillon ?Et pourquoi ne pouvions-nous partir sans Lentillon?
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A quelques kilometres de Lyon, dans la commune de Thurins (1.906 habitants, bureau de poste, vins, ar6ales et hestiaux), maitre Lentillon Joseph recevait les testaments et donnait 1'authenticit6 aux conventions. « Je ddie, a dit Frederic Soulie, qu'on me produise un notaire de cinquante ans avant tine id6e. » Maitre Joseph Len tillon pouvait, relever Finsolent deft du romancier: it avait cinquante ans, et son idee
ce tabeltion Malt que la
Republique est le meilleur des gouvernements. Son tort fut de le dire trois semaines trop tot. Lentillon entendait, des voix; dans la matinee I du 13 aoCit, pour leur obéir, sans aucune entente avec les r6volutionnaires lyonnais, quitta ses minutes et ses panonceaux, et s'achemina vers la vine. Arrive au faubourg de lit Croix-Rousse, it monta sur le socle du pieux monument' qui a donne son nom a ce quartier 1. La vieillc Croix, qui compromettait municipalite et offensait la Libre pensée Croix-Roussienne, a éte depuis demolie et rernplacee par une statue tie Jacquard. Mais le quartier conserve son nom.
UN COMPAGNON DE CHAINES
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populeux, s'adossa a la colonne, et de cette tribune se mit
haranguer le people. La fete
haute, le bras droit tendu, le regard de ses yeux clairs et vides perdu dans l'espace, prononca la dech6ance de rEmpire et proclama la Republique. Quelques douzaines de canuts en rupture de mĂŠtiers, des femmes, des enfants Faccompagnerent en chantant la Marseillaise, dans sa marche sur l'hOtel de vine
Alions, enfants de la Patrie, Le jour de gloire est arrive! dais une escouade de sergents de y ule sutra pour interrompre le jour de gloire un agent fut tue dans la bagarre ayec sa, propre epee qui lui avail, ete arrachĂŠe ; deux_ autres furent blesses; l'Empire Testa debout provisoirement la Republique fut remise a trois semaines, et Lentillon, apprehends par la police, fut condarnne a un an de prison par un Conseil de
guerre qui, a travers le deuil de nos premieres
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d6faites, apercevait deja tine lueur de r6volulion 1. . C'est ainsi que le notaire de Thurins,khouant a la prison Saint-Joseph, etait devenu, tots jours au figure, mon « compagnon de chaines ». Lentillon retrouv6 s'etait juché sur limp& riale du tiacre a galeries; peut-titre devrais-je dire sur la rêpublique du nacre, car (NA commencaiL la debaptisation vengeresse et r6generatrice. Debout, tenant h la main un rameau vert, Lentillon embrassait etroitement un horn me du peupie; symbolisant ainsi derriere mon dos la paix, regalité, la fraternit6, en une composition allëgorique dont Felegance echappait, a mon attention. raj su depuis qu'a l'interieur, plus confortablement assis, se prdassait un autre déteriu politique, le tisseur Chanet, condamn6 pour Cris seditieux. Quels roves de justice sociale caressait-il alors? II fie prevoyait pas que sa destinee serait d'être persecute sous la 114u1. Onze accuses cornparurent avec Lentillon devant le Conseil de guerre. Deux d'entre eux furent condamnes con-une lui a un an d'emprisonneinent; les autres furent acquittési
UN COMPAGNON DE CHAINES
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blique phis qu'il ne l'avait Me sous l'Empire et qu'un (1406 socialiste du Rhone se rencontrerait un jour pour lui faire expier
rasile
des alidn6s de Bron tine irrespectueuse opposition .
CHAPITHE 11 EN ROUTE POUR L'HOTEL DE NIUE LE
MITE DE SALUT PUBLIC. - LE DESSUS DU PANIER
Precede de drapeaux et de tambours, grossissant de minute en minute par l'incessante alluvion de l'insurrection victorieuse, le cortège se mit en marche
suivit le quaff du
Rhone, la place Napoleon, aujourd'hui place Carnot, la ci-devant rue Bourbon, devenue rue Victor-Hugo, la place Bellecour, la rue Impériale, promue depuis rue de la Republique, par avancement; — sans aucune opposition de la police ni de 1'arm6e, — et me conduisit jus(Ilea ].'hotel de vale, oii je fus nommé par acclamation « membre du Comité de Salut public ». J'appris ainsi l'existence de ce Comae, dont le titre semblait choisi pour dormer aux conservateurs un avant-gout de la Terreur. Je dus interroger mes amis afro de connaltre son ori-
LE
&mut DE SALUT PUBLIC
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gine, sa composition, les circonstances de son avenement. Les responsabilitës accumulees par l'imprévoyance du Gouvernement, l'humiliation de nos premieres daaites, l'irritation qui se propageait dans toutes les classes de la socia6 avaient reveille pour le parti de la revolution des espërances momentanement dëcouragees par le succes du plebiscite imperial. Prevoyant la fin du regime et resolus a ne pas laisser echapper l'occasion longtemps attendee de mettre la main sur la puissance publique, les revolutionnaires lyonnais preparërent les 616ments d'un gouvernement populaire. Des groupements occultes, formes dans divers quartiers, furent consultës — on n'a jamais hien su par qui, Di comment — et de leurs deliberations sortit Line lisle de commissaires qui pouvaient ainsi se reclamer dune sorte d'êlec. bon. Sur cette Este, mon nom ne figurait pas ; les vieilles barbes, blanchies dans la discipline du parti, trouvaient que je n'etais pas assez dans
20 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871 le rang, et m'eussent volontiers laissé a SaintJoseph. La nouvelle du desastre de Sedan avait et6 connue Lyon dans la nuit du 3 au 4 septembre le lendemain, des huit heures du main, la place des Terreaux, qui s'kend devant la façade principale de l'hOtel de ville, Rail remplie d'une foule compacte, venue surtout, des quartiers ouvriers. L'hOtel de line Mani a la fois la r6sidence du prëfet et le siege de la commission municipale, impos6e a Lyon, comme a Paris, en vertu dune loi d'exception
c'était devant ce
monument que devaient se concentrer les manifestations dirigees contre le regime imperial et contre Fusurpation des pouvoirs municipaux. Les troupes envoyées pour disperser la foule s'etaient retirees peine arrives les cavaliers, après avoir remis le sabre au fourreau ; les fantassins, apres avoir levé la Crosse en Fair. BientOt les plus hardis parmi les instigateurs 4. On projet de loi depose par le ministêre 011ivier, le l er juillet 1870, devait faire rentrer Lyon dans le droit common, sauf les attributions d'administration et de police dont le prëfet restait chargé.
LE COME DE SALUT PUBLIC
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du mouvement populaire, sans se laisser arreter par la resistance des quelques agents de police qui formaient seuls la garde du Praet, ĂŤtaient entr6s t PhOtel de ville et, Landis que Fun d'eux hissait le drapeau rouge sur le dome du vieux palais, les autres se montraient au balcon, cote du pre et Sensier qui, dune voix kouffee par Nmotion, avait vainement essay e de faire entendre ses protestations. Prenant la parole au nom de leers amis, les citoyens Durand et Barodet proclamaient la Republique et faisaient ratifier par les acclamations dune foule confiante la composition d'un Comite de Salut public, dont les membres lui kaient pour la plupart inconn us. Ces meneurs d'ailleurs ne se conformaient-ils pas la tradition lyonnaise, suivie de tout temps par tour les partis? Et cette procedure d'insurrection n'etait-elle pas a peu pros la mane qu'avaient adopt6e les roplistes en 1793, aprĂŞs l'arrestation de Chatier, pour constituer contre la Convention, la ÂŤ Commission r6publicaine de Salut public
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L'inclination de la foule la porte applaudir les amolisseurs heureux de tout gouvernement, surtout quand ils la dominant et lui parlent du haut du balcon. Elle acclame et ratifie, en un }p lebiscite ëbauchd, hommes et choses, tout ce qu'ils lui proposent, sans discuter, Di même discerner. Dans le courant de juillet, a la suite des premiers tumultes, afin d'obvier
l'insuifisance
de la force publique, amoindrie pour le depart des troupes, 1'61ite de la jeunesse conservatrice groupee, sous les auspices de la prefecture, pour assurer le maintien de l'ordre dans la rue. Dans la journee du 4 septembre,
ne
vit pas trace de ces volontaires de la police que la malignit y populaire avail appelés « les gourdins reunis ». Comme Farrivais l'hOtel de vale, et tandis (pie les garden nationaux, s'emparant du fort Lamothe et du fort de la Vitriolerie, y prenaient les fusils qu'on lour avait jusqu'alors refuses, le Comite venait &organiser son bureau et de se partager en trois Commissions, Celle
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des Intërêts publics, Celle des Finances et Celle de la Guerre. Queue que fut mon ineompkence je me fis inscrire cette derniëre, car la preoccupation de la lutte contre l'envahisseur dominait en moi,
cette heure douloureuse, tout
autre sentiment. Tel ne semblait pas ëtre 1'6tat Whine de la, plupart de mes nouveaux collêgues tout enders it la joie d'avoir renversd l'Empire, ils ne doutaient pas que la proclamation de la Republique ne Mt le signal des victoires prochaines nous allions revoir les volontaires de 92 et Pirrésistible élan (nine armëe de citoyens! D'ailleurs Guillaume n'avait-il pas dit qu'il faisait la guerre a I'empereur, non A, la France? Pour quelques-uns, pour le petit groupe des affiliés a l'Internationale, peu importait les Tictoires de l'Allernagne ils ne voyaient dans la disparition de toute force de resistance que la possibilite d'appliquer leur programme « Plus de frontiéres! Plus de patrie La solidaritd des travailleurs de toutes les nationalitës dans la lutte, contre le capital et la propriOtê Parmi les soixante -dix-huit membres qui
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corn posaient le Corn i 1,6 de Salut public, it convient de cater ceux qu'un m6rite relatil, un signe d'originalité, ou le simple caprice des circonsLances distingua du plus grand nombre. Chepid, Fun des presidents, ouvrier tisseur, conseiller prud'hornme, plus Lard depute, decode dans une recette - particuliere qui lui fut octroyee comme compensation aux infiddlit6s du suffrage universel. Esprit plus Mid que cultivê, Chepi6 pr6sidait avec tact et autorite. 11 sut conserver son influence et accroitre sa popularit6, tout en Ies faisant servir
contenir les exaltés et a
ecarter les propositions excessives. La redaction, toujours frivole, ne voulait connattre quo se. outrages a la grammaire et Fart, dont it abusait, de prevenir la cacophonie des hiatus par Fadjonction de consonnes imprévues. Chaverot,
et Ferret, comptable, ne se
recommandaient fatten Lion que puree qu'ils partageaient avec Chepi6 l'honneur de la presidence. Louis Garel, Fun des secretaires 1 , autonomiste 1. Trois autres secretaires plus effaces etaient les ciloyens Maynard, Despeignes et \Tallier.
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, intransigeant, pourfendeur de 1'140, ennemi personnel du capital, avait des idëes et, pour mauvaises qu'elles fussent, savait les exprimer et les defendre. 11 a publiO sur la Rdvolution, Lyonnaise une brochure intëressante a con sulter. Le D r Henon, le plus silencieux des « Ging » a la Chambre des cl6put6s, batter comme trop mod r6 aux elections de 1869 par Bancel dont Pëloquence fougueuse et image contrastait avec sa reserve, fut plus tard maire de Lyon. tiomme simple, juste et bon, it croyait aux vertus rëpublicaines, et souleva les &fiances des rëpublicains en les pratiquant. Varambon, futur sous-secrelaire &Lai, a la Justice, avocat sans clients, mais non sans talent, portait 616gamment des revers conventionnels et des chapeaux rCgicides, prdparant ainsi Lyon, comme Charles Floquet a Paris, la chute du « gouvernement personnel ». Barodet, ancien instituteur, avail, 61,6 aprés le 2 decembre l'objet de persecutions obscures qui ne lui perrnettaient encore d'entrevoir dans ses eves ni la mairie de Lyon, ni le mandat de
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depute de Paris, ni ce recueil parlementaire, confident indiscret des promesses trahies qui devait un jour immortaliser son nom. Le mystique Lentillon, que nous connaissons déjà, et dont nous n'aurons plus a parlor, meWore keint a peine entrevu. Grinand, voyageur de commerce, Gaudissart sans illustration, pr6sida la Commission des Finances. Plus soucieux d'experiences hasardëes que d'6quilibre budgetaire, it orients. (Pun Coeur leger la ville de Lyon vers la banqueroute par la suppression de l'octroi qu'il ne reussit pas a remplacer. Ganguet, tisseur, president de 1' Harmonie
gauloise, society chorale, et du Comit y de la Guerre; bon patriote et bon musicien. Langlade, pharmacien, vendait les produits et propageait les ides de Francois-Vincent Raspail, recemment emu depute du Rhone. Quand le people chantait la Marseillaise, aprês chaque couplet, Langlade, en l'honneur de son grand homme, en tonnail dune voixnasale un supplement de refrain, qui traduisait alors les enthon-
LE
coma
DE SALUT PUBLIC
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siasmes et les haines de la foule lyonnaise 1. Durand, officier de sante, (rasped grave et austere, profond a la surface, si j'ose combiner ces deux mots ; orateur troublant dans les reunions democratiques, ou son regard charge de menaces et de colères, son geste brusquement jete, les vibrations communicatives de sa voix barytonnante venaient en aide a l'insuffisance de son argumentation ;
paralyse d'ail-
leurs par le sentiment exact de son aptitude, quand it fallait parler devant un auditoire plus exigeant, tel que celui du Paris Bourbon, ou l'envoyerent plus tarp ses admirateurs lyonnais. Baudy, cordon nier de son 6tat, chevronn6 dune condemnation politique 2 1 conseiller d'arrondissement sous l'Empire, nomme secretaire general pour la police par le Comit y 3 , fut vie1.
Avant que Raspail, 4 Monte au corbillard 4 On verra sur la paille, c Pourrir les cafards 2. Un an de prison et cinq axis d'interdiction des droits civiques pour delft de societ6 secrete. Tribunal de Paris, 16 jan.vier 1854. 3. Les actes Onianant de Bandy sont signes tantOt « Secretaire general de I'Ordre et de la Securite publics », tantOt « Secrétaire
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time de calm fonction etprit aux arrestations politiques une part que ne comportait, pas l'aménité de son caractere. Recueilli comme une ëpave apres la tempete par la Prefecture de Police, ity finit sa vie publique dans la fonction pacifique de commissa.ire des Poids et Mesures. 11/61.ra, Fun des doyens, colonel de la garde nationale en 1848, reprit, aprés vingt-deux ans, avec le meme grade, sans se prevaloir de ses droits Pavan cement, le même comma ndemen t. Citerai-je encore le citoyen Chapitet que le Comae avait 61eve, avec le citoven Charavay, ã la dignitë d'archiviste? Disgrãcie par la nature, Chapitet semblait s'en prendre la Providence it incarnait en sa gibbositO ('exacerbation des haines qu'engendre parmi ses dévots le culte de la Libre Pens6e. Nul ne pouvait le voir sans songer quelque contrefacon de Quasirnodo pourtant, it detestait les cloches dont it prétendait, que 1'u sage fCti interdit a clerge. general de la s ëcurite publique trIntOt « Seeretaire general du Comité tantAt o Secretaire ›). 11 ne paraissait pas hien fi-xe sur le litre qui lui appartenait.
CHAPITRE III L4 BA1DE DE LA RUE LUIZERNE. - POLICE ET PIQUAGE D'ONCE. 1,ES ARRESTATIONS ARBITRAIRES. L'ENVAHISSEMENT DES COUVENTS.
cote du Comitë de Salut public, urg e hande composee, suivant l'expression de ChallemelLacour, « de ce
y a de Aire dans le mau-
vais », se proclama « Comitë de Suret6 gen6rale » et s'empara de l'hOtel de police,
of elle ren-
conLra et fit prisonniers le commissaire special Jacomet et ses agents. Elle avait pour chef Timon, ancien conseiller d'arrondissement, 116cemment declare en tat de faillite, poursuivi sous l'inculpation de « piquage d'once 1 », d'ailleurs 6,cquitie par la Cour d'assises du RhOne en novembre 1868 mais repris et condamné plus tard
trois ans de prison pour vol de
soieries sir un carrion dans la rue. Cesgens qui thaestaientla police, — ayant pour 1. Piquage d'once, sousti'action frauduleuse de soie, vari6t6 du d lit d'abus de conflanee, spéciale aux fabriques de Lyon et de Saint-Etienne.
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cela de vieilles rancunes et de bonnesraisons, s'empressaient d'en assumer fonction. Retrenches dans l'ëiroit boyau de la rue Luizerne, ddendus par UDC garde prête a toutes les violences, ils s'imposaient par Pintimidation Comite de Salut public, et ne consentirent iti
deguerpir qu'a prix d'argent, lorsque plus
tard Fordre fut tent Bien que mal C'est par ce Comit y de Suret6 gen6rale et par ses séides que furent commis des la premiere beure les plus graves attentats contre la libert6 la responsabilitO desquels n'echappe pas d'ailleurs le Comite de Salut public, car ce Comite maintint, quand it ne les ordonna, pas, les arrestations arbitraires 1. 11 iitsulte de l'examen des registres de la prison quo quatrevingt-huit arrestations ont ete faites par l'ordre de Timon. 11 Taut signaler aussi l'arrestation de MM. Bonnet et Gaubin, en vertu d'un ordre signe Chaverot, dont j'ai conserve la copie : Ordre au Comite des int6rets publics, en la personne do citoyen Baudy, secretaire general, de faire arreter itinnAediaternent le sieur Bonnet, inspecteur en chef de la, voirie municipale de Lyon, ainsi que le sieur Gaubin, tous deux organisateurs de corps non autorisës, et disposes a agir illëgalement. Lyon, k 14 sepkinbTe 1870.
Pour le Comite de Salut public, EMI, des Precidents
« Signe :
CHAVEROT >>.
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LES ARRESTATIONS ARBITRAIRES
Le prefet Sencier, d'abord emprisonnd la mairie de la Croix-Rousse at it passa cinq fours au secret, ses secrëtaires gOnexaux de Lake et Cézan, le chef de division Windrif, le procureur general Massin, M. Baudrier, president de chambre la Cour d'appel, plusieurs membres de la Commission municipale, tous les commissaires de police, un grand Hombre d'agents, des prêtres, des religieux, les Peres Rsuites
ceux-
ci arrWs au moment ou, par un trou perce dans un mur mitoyen, ils s'echappaient de leur convent de la rue Saint-Helene et cherchaient un refuge dans une maison voisine, — furent enfermês dans les cellules de la prison SaintJoseph. Quand les serviteurs de Dieu sont incarc6rés, it est de tradition que le peuple mette en libertê Barrabas. Pour faire de la, place aux nouveaux pensionnaires de Saint-Joseph, la bande Timon leva l'écrou de cinquante malfaiteurs condamne§ pour delft de droit commun, non sans leur avoir fait signer le bon billet d'un engagement pour la durde de la guerre
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LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
11 est supertlu d'ajouter que les arrestations se faisaient en des formes sommaires dont la tradition s'est depuis longtemps perdue en tout pays civilise t. Au moment, de son arrestation et comme
6tait brutalement emmena par les homes de la rue Luizerne, le procureur general Massin rencontra l'avocat general Nrenger, qui, tout bouleversd d'indignation, s'en fat a 1'1-lead de Ville, trouva le Cornice en seance et lui fit entendre une courageuse protestation. C'est par M. Berenger que le Comae apprenait l'arrestation du procureur general, a la-
cluell it
dtranger. S'il n'osa pas ordonner
la anise eel libera te de M. Massin, it dcouta, du moms, sans les interrompre, les reproches y e1. MM. Mellon el Thoinasset, membres de la commission municipale, Debussigny, Conimissaire de police, furent remis en liberte peu apres lour arrestation, et stir J'eugagement sigué par eux de se représenter a toute requisition. Void, le texte de ['engagement signe par le commissaire de police Debussigny « Arrêté sous une inculpation qui nest pas justiliee, M. le secretaire du Comite de Sala public rn'a remis en liberte a condition que je me reprsenterai a toute requisition des membres du Comite. rapprouve et je in'engage a tout ce qui est ecrit ci-dessus. cc
Sigite DEBUSSIONY-D
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LES ARRESTATIONS ARBITRAIRES
h6ments de l'avocat general et eta la sagesse de ne pas s'en montrer irrite. Quand M. Berenger fut sorti de la Salle des s6ances, un garde national l'empoigna par le bras et lui dit Suivez-moi. Mais pourquoi? Et ofi prdiendez-vous me mener? — La ou vous nous avez sisouvent envoy& la prison I A ce moment vent a passer Chepié, run des presidents du ComitO.
apostropha durement
cet homme et lui enjoignit de laisser l'avocat general regagner son domicile. Mais a peine M. Berenger était-il chez lui, que les agents de Timon Arinrent l'y rejoindre el l'emmenerent a pied jusqu'it leur repaire de la rue Luizerne d'oft it fut ensuite transWO
Saint-Joseph dans une voiture cellu-
laire. Timon poursuivait de ses ressentiments les magistrats qui l'avaient livré h la justice criminelle et l'arrestation de M. Wrenger fut la 3
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LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 1871
revanche de l'accusd contre le rdquisitoire de l'avocat general. Plus heureux, au moins confiant, le procureur imperial Choppin d'Arnouville put se soustraire it temps aux recherches de la nouvelle police. Nomme depuis quelques mois a Lyon, oil avait remplacó M. Gaulot, M. le premier president Millevoye, malgrO son clAvouement notoire a 1'Empire, et sa, haute stature qui ne lui permettait pas de sortir inapercu, ne fut jamais inqui6té. D'un patriotisme eclair, d'un liberalisme attenuë par le sentiment tries vif de l'autorit6 nOcessaire, toujours affable, entoure de l'estirne de tons, it êtait Presque populaire dans le quartier ouvrier ou it habitait le chateau de la Buire. J'ai conserve un souvenir reconnaissant de sa constante bienveillance. A dote des attentats politiques contre la libertë des citoyens, it est juste de signaler le Me de la population a proteger l'ordre dans la rue, et prOvenir au a r6primer les ddits de droit commun. Comme en 181E8, le peuple arrèta les
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voleurs et les d6signa au mêpris public par des ecritaux infamants. Mais, quand it s'agissait des hiens affeciés un usage religieux, le souci de la probite s'effacait suivant le fanatisme populaire qui les mettait hors la loi. Les couvents des Carmes, des Rsuites, des Clarisses, les seminaires de Saint-Irenee et des Missions Aftuicaines furent envahis et saccagés,
CHAPITRE IV LA COMMUNE A L'HOTEL DE MLLE LYON CONTRE PARIS. — PREFET OU AMBASSADEUR
La Revolution dtait accomplie a Lyon depuis neuf heures du matin et le 1616graphe r6quisitionne en avait ports la nouvelle a toutes les villes du Midi. Le CornitO de Salut public, assurnant toutes les responsabilit6s, absorbent tous les pouvoirs, gouvernait, administrait, 16gifdrait pêle-mOle, et attendait, non sans inquietude, les nouvelles de Paris Les heures s'ëcoulaient incertaines el menaon les, lorsqu'on apprit tres lard, dans la soil/6e, que Paris s'était enfin decide
a proclamer la Republique et qu'un gouvernement provisoire avait remplac6 le pouvoir cl6chu 4. Vers quatre heures du soir, sur la nouvelle plus Lard reconnue fausse que l'hOtel de vine allait titre attaquè par l'armee, le citoyen Bessiéres recoit la mission de convoquer la hate quelques compagnies de gardes nationaux. A six heures, 5 6.000 hornmes r6pondant a cet appel remplissent /a cour et les abords de l'hOtel de vine, d6cides a ddrendre le Comitè de Salut public. » (Extrait des Procês-verbaux rlt Cornice de la Guerre, seance du 4 septembre.)
LA COMMUNE A L ' ElOTEL DE VILLE
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J'ai dit comment j'avais 6t6 impose au Cornite de Salut public par la poussee populaire, sans avoir brigu6 cet honneur. Entrë l'hOtel de vine, j'y 6tais rest avec l'espoir d'empecher les ekes qu'on pouvait pr6voir et de hater l'effacement de la Commune revolutionnaire levant une autoritd centrale plus r6guliere.
Il convient de titer ici le tdmoignage malveillant, mais equitable, de Garel, Fun des secr6taires du Cornite. Dans sa brochure sur la
Revolution Lyonnaise, it a ecrit (p. 7) Ce fut entre Andrieux et les autres membres du ComitO une discussion incessante. A toute proposition, it objecta la legalite, le Code, etc. ; it dit que les citoyens auraient légarement le droit de s'opposer l'effectuation des mesures arrétëes, et que lui-mere s'y opposerait, comme c'ëtait son devoir. Avocats, caste indecrottable ( 4 ) !
Ce Garel et la plupart de ses collêguescroyaient que leurs decisions allaient avoir
force et la
1. La Revolution Lyonnaise depuis le 4 septefrnbre, par Louis GABEL. Lyon, Regard, editeur.
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durde de ht loi; ils s'indignaient qu'on pelt contester l'avenir de leers (Were's. Si je n'avais c'të de tout temps l'adversaire des idëes de f6(16ralisme et d'autonomie cornmunale qui liantaient les meneurs de la democratic lyonnaise, j'en aurais etc Moignd des le premier jour par le contact du gouvernement local. J'estimais d'ailleurs que les n6cessit,6s de la defense nationale exigeaient plus que jamai un pouvoir fort et par consequent eel-Aralis6. C'est dans cet Mat &esprit pea la séance de onze ileums du soir, le 4 septembre, je proposai au Comae l'envoi au nouveau Gouvernement dune *eche ainsi concue « LaRepublique a 6t6 proelam6e ce matin a neuf Ileums A Lyon. Le Comae r6volutionnaire a pris les mesures d'urgence et attend les instructions du Gouvernement provisoire. Celle redaction d6chaina une tempete. Eh quoi ? Le Gouvernernent issu de la revolution lyonnaise aurait a recevoir « les instructions », c'est-A-dire les ordres, du Gouvernement nd de
LA COMMUNE A L ' HOTEL DE VILLE
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la revolution parisienne ? Et pourquoi Fun serail-il subordonné a l'autre ? Leurs origines n'etaient-elles pas les mènries ? Se prevalant Fun et Pau ire de l'acciamation populaire, source commune de leur légitimite, n'avaient-ils pas les memes droits ? 11 fallut remplacer « les instructions » par « les communications », et ajouter « de Paris » aux mots « Gouvernement provisoire », pour mieux marquer 1'ind6perndance du Gouvernement de Lyon. Le Comit y siegeait en permanence ; it suspendit sa seance a trois heures du matin. Le lendemain septembre, neuf heures, la seance 6tait reprise ; lecture Mall donnee de plusieurs depeches de Paris annongant la composition definitive du Gouvernement provisoire et l'envoi a Lyon du citoyen Challemel-Lacour comme pr get du Rhone. Ce ful un beau tapage qui accueillit cette derriere nouvelle ! 11 y aurait done encore des prdets ? Pourquoi pas des chambelians ? Les reprësentants de la vine qui, la premiere, avait proclamë la II6publique allaient-ils s'effacer
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ET
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devant un fonctionnaire pour le choix duquel ils n'avaient meme pas eta consult& ? Et qui lour &ait impose par quelle autorit6 ? Par un Gouvernement exclusivement compose de deput6s de Paris, un Cornith de bourgeois, wit le nom de Rochefort &Eta le seul gage donne au parti r6volutionnaire ! On proposa de renvoyer le nouveau prat a ses expediteurs. Toutefois, apres une longue discussion et a titre de transaction, on convint de recevoir Challemel-Lacour en qualite de « €161dgu6 du Gouvernement de Paris aupres du Gouvernement de Lyon », quelque chose commie un ambassadeur avec tine qualification plus cirtinocratique, et &est ce titre de « délégue » qui lui sera constamment donne dans les Proces-V er-
baux des seances du Comite 1. Le Ministre de l'Intërieur eut-il le pressentiment des resistances que son Prdet allait rencontrer Lyon ? Toujours est-il qu'il adressa la dépêche suivante au Comit6 de Salut public, 1.. Voir les Procês-verbaux des seances du Comile tie Salut u tic, publics par Regard. Lyon, 12, rue de La Barre, 1870.
LYON CONTRE PARIS
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avec la visible preoccupation de gagner a son reprêsentant la confiance (rune population ardemment r6publicaine: Paris, 5 septeinlwe 4870 1 5 it. 48 in. du soir, Le Ministre de l'Interieur au Comild de Salut public a Lyon Challentet-LaCOUr l VICOUPEUX Itf,l PUBLICAIN, part CC
soir avec les pouvoirs negeessaires. Continuez it maintenir l'ordre.
La, qualification de
Preqet
avait disparu
1 7 6pithete de « vigoureux republicain » qui I'avait remplac6e, et que Gambella avait sans doute consid6rOe comme une trouvaille, manqua, vrai dire, son effet. I1 ne s'agissait pas de savoir si Challemel êtait « vigoureux », mass de connative s'il avail la pretention de substituer son autorite a celle de la Commune de Lyon ? Le telëgramme du Ministre de l'Interieur kait, moms, la reconnaissance implicate des pouvoirs du Cornité de Saint public. Le Ministre 6changeait avec cette Assemblee une correspondance officielle et la charge:lit de mainteriir l'ordre ».
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LA COMMUNE A LYON EN
1780 ET 1871
Les fonctionnaires n'avaient pas attendu cue to
sorte de legitimation pour faire lour sou-
mission a ce Comite de Salut public acceptë avec con fiance par la grande majorit6 des r6publicains, subi par les conservateurs avec une resignation melee de terreur, mais dont personne ne contestait l'autorit6. Des juges de paix, tin substitut, des employës de la prefecture avaient, des la matinee du septembre, failleurs 'Mires de service. D'autres vinrent les fours suivants. Lc late gage de la presse qui
soutenu
l'Empire n'dtait pas fait pour décourager rempressement de ces adhesions. Voici le
requiem que le Salt Public' consa-
crait au regime dëchu dans son num6ropubli6 le 5 septembre L'Empire s'est ëcrouló comme un edifice solide en apparence, mais dont les appuis sont depuis longtemps ronges par les termites. 11 disparaft, tout entier, sans 1. Dans un rapport sur les journaux de Lyon trouvO a l'hOtel de vine aprés le 4 septembre, on lit < Le Salul public, &est le journal de radministration, mais ii affecte une indOpendance plus nuisible qu'utile et qui ne trompe personne. 3
LYON CONTR E PARIS
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laisser aprês lui ni une affection, ni un regret. La Republique le "emplace. C'etait de droit.
Le Courrier de Lyon, passant de I'adulation
a l'injure par un brusque coup de Barre, semHalt vouloir faire oublier un passé de servilit6 L'aventure du second Empire est terminee, écrivait son redacteur en chef, M. A. Jouve. 11 s'esL effondre sous le coup de ses propres erreurs, et par suite dune guerre mal concue, mal prëparée, rn . al menee, et dans la conduite de laquelle ont etc; accumul6es fautes sur fautes, dont les principales doivent etre attribuees Phomme qui hut empereur et qui s'est, jusqu'au dernier moment, obstine a poser de tout le poids de son faste, do ses irresolutions et de sa presomptueuse incapacith sur les operations militaires. Asset sur ce regime, qui déjà n'appartient plus gu'au domaine de l'histoire. La Republique est proclamee. En presence (rune dynastie qui s'engloutit dans rabime, it faut hien reconnattre qu'elle est une necessitê.
Le general Espivent de la Villeboisnet, tout en (:onsignant les troupes el en gardant Yetitude reservee que lui comrnandaient les circonslances, avait envoye un de ses officiers au Comitëde Salut public pour nouer de bons rap-
44 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
ports entre l'autorite militaire et la nouvelle autorit6 civile. Cette autorite nouvelle, devant laquelle chacun semble s'incliner, c'est la Commune. Elle ne sera proclamee a Paris que six mois plus tard mais, a Lyon, des le 4 septembre, c'est la Commune qui gouverne. Quand elle devra bientOt se retirer, en maugrëant, devant un Conseil municipal élu, elle se r gugiera dans les ComitOsrévolutionnaires, (Fon elle menacera le reprOsentant du pouvoir central, provoquera des prises d'armes et, en des retours dphemeres, apparattra, de nouveau a l'hOtel de vine, sans avoir besoin d'y rapporter son drapeau, qui n'aura pas cesse d'y defier les couleurs nationales. Son esprit lui survivra d'ailleurs dans la majorite du Conseil municipal. Elle pout, des le
4 septembre, s'approprier cette declaration de principes qu'on lira le 19 avril 1871 au Jour-
nal 0 fficiel de la Commune de Paris : « La Commune est le pouvoir unique ; son autonomic est absolue ; elle vote le budget communal; elle
LYON CONTRE PARIS
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repartit et peroit l'impOt ; elle choisit les magistrats ; elle organise la defense urbaine, Finstruction publique et Padministration ; elle vote et realise toutes les rëformes administratives et économiquesdestinees a universaliser le pouvoir et la proprietó. »
ClIAPITRE a UN VIGOUREUX RÈPU BLICAIN )). CHALLEMEL-LACOUR DEVANT LE COMITE. – LE PREFET AU SECRET DAMS SA PRaECTURE. – LA PROPOSITION CARLOD.
Le 6 septembre, a dix heures du matin, Challemel-Lacour arrivait a Lyon, avec sa valise, son ami et seeretaire particulier Dionys Ordinaire, et un neveu quelconque, sans emploi determine. Challemel-Lacour Mait a peu presinconnu de ses nouveaux administres; quelques lair& avaient lu de lui dans les revues des etudes philosophiques ou litteraires ; les r6publicains les mieux informs savaient qu'ancien normalien, ancien professeur de philosophie, it avait Ole proscrit aprës le 2 d6cembre ;
avait longtemps habit6 la Belgique, puffs la Suisse, et que, plus recemment, it avait avec Delescluze organise- la souscription pour Ferection (Pun monument a Baudin.
CHALLEMEL-LACOUR ET LE GOMITE
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Introduit dans la salle des fetes, on siOgeait solennellernent le Comite de Salu t, public, le pi-6fet, du Gouvernement de la Defense nationale y fut recu avec les égards dus Diu repr6sentant d'un pouvoir qu'il importe de menager, mail aussi avec une marance voisine de l'hostilite. y subit un long interrogatoire au tours duquel it assouplit sa raideur naturelle, se courba au niveau de son auditoire, s'efforca de gagner sa confiance par des declarations appropriëes aux circonstances, et mit toutes les ressources de sa haute intelligence
a
s'insinuer dans les
sympathies (nine dëmocratie ombrageuse et reveche. J'ai sous les yeux le passage du procès-verbal oil it est sommairement rendu compte de cette premiere entrevue. Je lis Le citoyen Challemel-Lacour est introduit au rein du Conseil. Une longue conversation s'engage avec le citoyen dele.gud. Beaucoup de renseignements lui sont demandes. Le citoyen Chepië Arend acte, au nom du Comite, des declarations du citoyen Challeng e'. On decide qu'une delegation de cinq membres procklera
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l'installation du eitoyen Challemel dans scs pouvoirs. Sont nommOs pour cette mission les citoyens Chepie, G-rinand, Maynard, Vollot, Bergeron 1.
Les cinq commencerent par installer le « citoyen dêlegu6 » dans ses appartements; ils lui attribuerent quatre pieces, basses, mal eclairees, mal aërées, l'entresol de l'hOtel de vine, ayant vue (run cola sur la, rue Puits-Gaillot, de l'autre sur la cour pres du grand thehtre ; on y avait acces par une sorte d'escalier de service stir les marches duquel s'echelonnaient des gardes nationaux,l'arme au pied, ayant pour consigne de ne laisser entree aucun visiteur sans l'autorisalion de Fun des presidents du ComitiO. L'acceptation de Challernel-Lacour en qualite de « delegue rut portee a la connaissance du public par l'affiche suivante : REPUBLIQUE FRANCAISE COMMUNE DE LYON
Le Comfit& de Salut public a recu le citoyen ChallemelLatour delegue du Gouvernement provisoire. De concert avec lui, touter mesures seront prises pour la defense et le salut de la Republique. Les Secretaires, DESPEIGNES: GAREL.
Les Presidents, CIIEPIE, L. CHAVEHOT.
CHALLEMEL-LACOUR ET LE COMITE
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Le premier acte de Challemel-Latour fut de nommer un secretaire general, le titulaire de la, fonction Mani, incarceré ale prison Saint-Joseph. Son choix se porta sur M. Gomot, chef de bureau sous 1'Empire, qui se recommandait aux sympathies de la democratie lyonnaise par sa bonhomie, la Familiarity de ses maniêres, son aspect n6glig, sa qualite de franc-mason et l'affirmation recente de ses opinions r6publicaines. Gomot ajusta sur son nez ses lunettes d'or et prit place aussitOt dans l'entresol affecte au citoyen dëleguê, oudej4 travaillaient, recevaient, fumaient, mangeaient et dormaient Challemel, son never; et Dionys Ordinaire. Le nouveau pr get n'dtait pas seulement d6pouille de son titre et de ses fonctions 6tait prisonnier
l'hOtel de vine. J'ai dit que
personae ne pouvait arriver jnsqu'a lui sans la permission du Comit6; je conserve une autorisation qui me fut accordde (Faller lui rendre visite; elle est signee « Chaverot, president », et Porte le timbre du Comae, orne d'un bonnet 4
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LA. COMMUNE A LYON EN
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phrygien. Pour ne Mien aler, je dois *Liter ciu'au bout de quelques fours Challemel, lui aussi, obtint un laissez-passer qui lui permit de promener en vine son humeur contenue et ses reflexions m6lancoliques. Sa correspondance n'etait pas mieux traithe que -ses visiteurs. Tulles lettres, null grammes, même du ministre de l'Intérieur, ne lui arrivaient sans avoir 6t6 lus et vises par Fun des presidents, Si la correspondance quelque interêt politique, it en Ralt donne connaissance au Comit6, qui en dëlibdrait et decidait .si elle serait livree au destinataire. Par un renversement de toutes les traditions adminis-. tratives, &Rail, contre le prefet que fonctionnait le cabinet noir. Mais le visa du Comité ne salt pas toujours a assurer la transmission du courrier préfectoral : des gardes nationaux tries parmi les plus purl formaient PhOtel de vine une sorte de garde praorienne ; charges du service du Comite, ils ne craignaient pas den reviser les decisions quand elles leur paraissaient entachëes de tiedeur i et d'intercep(er, dans
CHALLEMEL-LACOUR ET LE COM1TE
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t6ret sup6rieur de la Republique, les depAches gulls avaient mission de porter au « del6gu6 ». Challemel voulut s'en ouvrir
citoyen Va-
rambon, membre du Comite, qu'on lui avait reprdsentë comme un esprit sage et ponddrë, fourvoyë dans la bagarre révolutionnaire, mail plot& enclin servir la cause du pouvoir central contre les usurpations de la Commune. Le procës-verbal de la séance du 6 septembre au soir contient le passage suivant Un huissier 1 vient, de la part du prefet, demander le citoyen Varambon. Plusieurs citoyens dOsireraient que le citoyen Varambon ne s'absentat point pour a]ler comrnuniquer avec le GlOgue. 11 est etabli que le citoyen Varambon est libre.
Au risque de tomber en suspicion, Varambon eut le courage d'user de la libert y qui lui reconnue. 11 confera longuement avec Challemel, tandis que le citoyen Barodet lisait un rapport sur 1. La, democratie s'accommodant de tout ce qui pent rehausser la rnajeste du people et la dignite de ses repre4entants, nous avions conserve les huissiers en habits noirs, pares de chatnes &argent;
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« une balle nolo/elle pouvant tuer cinq hommes a la fois », et sur u un plastron en cuir, forme de spirales, capable de rendre inolfensives les balles ». Varambon rentre en séance et le procês-verbal continue Le citoyen Varambon, de retour d'aupres du prefet, expose que le prefet est profondernent peiné de la position quilui est faite; i1 se considere comae prisonnier; ne peut voir personne; ses depeehes lui arrivent ouvertes; it ne peut s'expliqvier ciu'on le laisse dans cette situation. »
En negociateur
Varambon expose que
le praet va publier « urie proclamation vigou-
reusernent rêpublicaine ». Le prefet a vu le general
a obtenu que des le lendemain « la
poudre et les balks seralent distribuees aux gardes nationaux » Varambon estime qu'un 'Rad qui s'emploie combler les desirs de la garde nationale merite la conliance du ComitO; if propose, en consequence, « qu'une delegation lui soft envoyëe
CHALLEMEL-LACOUR ET LE
comiTE ■,...•
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afin d'expliquer qu'un malatendu est cause de ce dont it se plaint ». Puis voila que le citoyen Andrieux, en passe lui aussi de devenir suspect, se m'ele de conseller une politique de conciliation avec le reprdsentant du Gouvernement de la Defense nationale « Le citoyen Andrieux, lit-on au procês-verbal, (16finit le mandat de la Commission de delegation; selon lui, it doit consister a favoriser les bons rapports qui doivent exister entre le ComitO et le prefet. »
La delegation parait avoir rernpli son mandat avec success car, lorsqu'elle rentre en seance, elle expose que « le préfet a compris tout de suite que les inconv6nients dont it s'est plaint provenaient de la nature de la situation que nous traversons ». En vérith, voila un fonctionnaire aussi accommodant que perspicace! Aussi, aprés discussion, est-il decide qu'une lettre Jul sera &rite au nom du Comitë par les presidents pour deli-
nit les pouvoirs de chacun et arrêter tin modus.
4 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
vivendi. Le Comit6 se reserve tout ce qui regarde la commune de Lyon
abandonne
Cliallemel-Lacour le surplus du département du RliOne et promet que « les bureaux rdpondant aux hesoins du departement seront mis sur le pied convenable. 11 est dit en outre : « La media ion entre nous et le Gouvernement provisoire, pour les intdrêts g6n6raux et la defense rationale, votes sera attribuêe au titre de delégue du Gouvernement provisoire. Il va sans dire que
noes
nous corn-
muniquerons réciproquement les dëpêches d'intérAt general. » Pour mince qu'il rot, c'aait, tin progrês; un autre plus important semblait devoir resulter d'une decision prise a la fin de la mme
seance. Uri modOr6, le citoyen Carlod proposa que les 6lecteurs fussent appeles, a tine date prochaine, a nommer un Conseil municipal. L'dlection &lin Conseil municipal, &kali la fin de la Dictature révolutionnaire &kali le rêtablissement des lois et d'un ordre rêgulier.
CHALLEMEL-LACOUR ET LE COMTE
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La proposition Cariod souleva de violentes protestations ; je pris la parole pour l'appuyer; Durand me repondit de sa voix la plus caverneuse, et Flieure avancee de la nuit, la demiobscurité de la salle favorisaient les effets de son genre d'ëloquence. J'entends encore l'accablante apostrophe de son exorde ex abrupto « Jeune homme, s'ecria-t-il, avec un, sourire Amer, eprouvez-vous déjà lit fatigue revolutionnaire? Non! le quousque tandem de Ciaron ne fit pas courir plus de frissons parmi ses sénateurs' romains que le : Jeune homme, 6prouvez-sous dejh », du citoyen Durand parmi ses collegues du Comite!
Et cependant, au grand scandale de ceux qui jugeaient necessaire pour le-salut de la Republique, le maintien du pouvoir révolutionnaire, la proposition Carlod fut, adopt6e. 11 Rait trois heures et demie du matin.
CHAPITRE VI
ALBERT RICHARD ET L'INTERNATIONALE. - LES BatCUES 1W CLUB DE LA 110TONDE. - LE CITOYEN BRIA LOU.
Tout pouvoir excite la jalousie et les convoitises de ceux qui, se croyant aptes l'exercer, considèrent comae une injustice (Fen Ore exclus, et Fetal dknocratique, plus qu'aucun autre, est exposé a subir l'assaut des evinces, parce que plus grand est le nombre de ceux qui peuvent prêtendre y figurer en un bon rang. La composition restreinte du Comit y de Saint public kali loin d'avoir donne satisfaction k toutes les ambitions couvdes par la democralie lyonnaise. Parmi les mecontents se faisait remarquer Albert Richard, jeune ouvrier intelligent, dour d'un certain talent de pallier et d'ecrire, qui avait pris, durant les dernieres
LES DELEGUES DU CLUB DE LA HOTONDE
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années de l'Empire, une part importante l'organisation, a la propagande et au recrutement de I' Internationale a Lyon'. Albert Richard s'élnit present6 des le premier jour a l'hOtel de Nine, et, se r6c1amant de son influence stir les sections de ('Internationale, ii avail d'abord obtenu que son nom fut ajout6 ceux des membres du Comit6 de Saha public; mail tenu en suspicion par un grand nombre de ses nouveaux collegues, qui, malgre la decision d'un jury d'honneur, persistaient a lui attribuer des relations interessees avec le parti bonapartiste, it avait ete presque aussitht rage en execution d'un vote duais en assemble gen6rale. prit sa revanche dans une nombreuse reunion populaire, tenue le S septembre Salle de la Rotonde, en y faisant nommer dix commissaires qui devaient etre « les intermediaires du Albert Richard avait été délegue par les adherents lyonnais de Finiernationaie aux Congres de Bruxelles en 1868 et au Congres de Bale en 1869. Sous son impulsion, 1' Internationale avait fait a Lyon des progrés rapides, lorsqu'il rut compris dans les poursuites exercees contre cette association au moil de mai 4870. 1.
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peuple lyonnais aupres du Comae de Salut public », avec one mission de surveillance et de collaboration mal dëterminee. Trois de ces commissaires êtaient &sign& pour se rendre a Paris, stimuler le zële du Gouvernement de la Defense nationale et lui exposer les vonix du peuple lyonnais. Les derniers feux (rune popularit6 en train de s'eteindre m'avaient yak l'honneur de faire partie de cette delegation avec Albert Richard et le professeur de math ernatiques Jaclard, plus lard adjoint de Mmenceau a la mairie du XVIIP arrondissement. .kiranger a Lyon, Jaclard arrivait de Geneve, oil it s'Otait r6fugi6 a lit suite du procës de Blois, dans lequel it dtait. im0(06. Sa, camaraderie avec Albert Richard et un discours de reunion publique avaient sari h lui conciliar la confiance de ses auditeurs. Les elus du Club de la Rotonde fluent rebus le lendemain par le Comite de Salut public. Albert Richard parla le premier. Usant de peecautions oratoires pour manager les jalouses susceptibilitës du Comité, it exposa d'abord qua
LES DELEGUES DU CLUB DE LA 110TONDE
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-...i.■■•■•■n■Lo.m.r•■•••
Mail le mandat dont it se próvalait, et slabstint de paroler de ses idëes de derriere la tete stir la convocation d'une Convention nationale faire Mire par les grander vines. Aprês lui, un autre d616gud, Plus Lard membre de la Chambre des deputes, qui ré. pondait au nom euphonique de Brialou, et dont le frere exergait la gracieuse profession de dansem- au Grand-Theilre, parla dans le Tame sons, en appuyant, plus lourdement. Le proces-verbal de la séance resume ainsi son discours Le citoyen Megue Brialou explique que c'est seulement a titre d'intermediaire pacifique vis-à-vis du peuple que Fon veut agir, afire de l'ëclairer sur les facons d'agir du Comitë et d'en hien apprëcier les travaux... que leer intention nest pas d'etablir la moindre dualite, mail hien d'augmenter la confiance du peuple en le tenant au courant de ce qui se fait. 11 ajoute que la delegation envoyee au gouvernement provisoire serail utile pour parer a Pisolement oil nous pouvons nous trouver a un moment donne et pour paralyser les craintes qui ne manqueraient pas d'en surgir, tout en contenant des impatiences ou des dOsirs qui peuvent être irréflêchis. ))
60 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
Le citoyen Brialou, en cet dpais galimatias, s'exergait
a marcher sur des mufs, sans les
casser mais sa chor6graphie, moms a6rienne que celle de son frere du Grand-There, parut exercer sur plusieurs membres du Comit6 des diets Out& contondants, et les prolestations un peu g ives des citoyens Soubrat, Alaire et Ychalette, eussent tau d6géndrer en un dangereux conflit, si la courtoisie du president n'eCut clos la discussion en ces termes conciliants u Le President remercie les deleguës de leers patriotiques intentions et les prie de dinner suite leers excellentes dispositions en faveur de la lilëpublique. lis agiront d'apres leur initiative privee et sous leur propre responsabilitó. »
CHAP1TRE VII DEUX JOURS A PARIS. - MA PREMIERE VISITE A LA PREFECTURE DE POLICE. - DE RAOUL RIGAULT A GAMBETTA EN PASSANT PAR CREMIE UX. - COMMENT JE DEVINS PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE.
Estirnant
importait d'appeler au plutelt l'attention du Gouvernement de la Defense nationale sur la gravith de ce qui se passait Lyon, je n'avais pas cru devoir refuser le mandat du Club de la Rotonde. Je partis le 9 septembre au soir, en compagnie de Jaclard et d'Albert Richard, que je me r6servais de piloter de facon a preparer un heureux echouement de leurs encombrantes pretentions. Le lendemain, comme je sortais de dOjeuner dans un restaurant du boulevard, je fus accoste Ares du theatre des Variëtes par un inconnu, correctement vAtu dune redingote, qui, levant son chapeau haut de forme, m'interrogea — Monsieur Andrieux?
6
LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 1871
Oui, Monsieur. Je suis le citoyen Raoul Rigault, commissaire de police. Ce nom ne me disait rien. Le futur « de16gue l'ex-prefecture de police », le futur procureur de la Commune n'avait pas stir les mains le sang des Otages et rien dans son insignifiante physionomie ne faisait presager la sinistre destinee qui lui
reserve.
Je suis charg6, reprit-il, par M. le Garde des Sceaux, de vous prier de venir le voir very deux heures au Ministers de la Justice, et par M. Antonin Dubost, secretairc general de la Prefecture de police, de vous dire
vous
attendra touts la matinee a son cabinet. Sans larder, je me rendis h la vieille prefecture de police qui, adossee au palais de justice, s'ouvrait alors sur la rue de Harlay, l'extremite de la place Dauphine, et s'êtendait du quaff de 1'Horloge au quaff des Orfevres. A travers des couloirs sombres et par de mauvais escaliers, j'arrivai au cabinet du secrkaire general. Nulls administration ❑ 'etait plus mal loge.
DEIJX JOINTS A PARIS
63
Quand je l'avais connu, Antonin Dubost premier clerc chez M e Terme, avouó pre y le tribunal civil de Lyon. Grace a la hienveillance du patron, je plaidais quelquefois pour les clients de l'aude. Jeune, ardent, les cheveux en brosse, le feint color, (rune activitê toujours en 6veil, Antonin Dubost menait comme en tandem la basoche et la politique. 11 avait dans ces deux branches la confiance de Le Royer, avocat distingue du barreau de Lyon, alors Venerable de la, loge le Par fait silence, en attendant , qu'il le devint de Celle du Luxembourg, disons du S6nat, pour les profanes. Mis en vedette par les elections 16gislatives de 1869, son candidat Bancel, qu'il avait ramene; de Belgique, ayant bath] le Dr Henon, Dubost avait accompagn6 le nouvel elu a Paris et s'y rencontrait a point lors des 6v6nements du
4 septembre. Je trouvai Antonin Dubost affaire, entourê de ses secraaires, leer diciant ses ordres, aussi it son wise clans l'exercice de sa rdeente fonclion
i LA. COMMUNE A LYON EN 1870 ET 187i
qu'autrefois en l'etude de Me Terme. Je le remerciai du soin qu'il avait pris de me faire rechercher des mon arriv6e par son collaborateur Raoul Rigault, el je Wmoignai ma surprise d'avoir 6tO si promptement retrouve par ce fonctionnaire. — Raoul Rigault! me dit Dubost, c'est mon meilleur commissaire de police. Nous causarnes de Lyon, des difficultes qu'y rencon trail le nouveau preret, des em.pietements de hi Commune r6volutionnaire, des arrestations arbitraires, de la n6cessit6 de rêtablir l'autoritië du pouvoir central. Dubost insista sur Furgence d'un entretien avec les Ministres de l'Int6rieur et de la Justice ; it me donna rendez-vous chez ce dernier. Je le
quittai apres
m'ait, en passant, pr€sent€
h sonprOfet
c'ëtait le conite de 1{6ratry,
homme aimable, frais 6moulu de Forleanisme. Nsireu. x d'appliquer au pouvoir les principes qu'avait profess6 le parti republicain dans Fopposition, M. de Këratry caressait le reve d'être le dernier preret de police et prdparait
65
DEUX JOUBS A PARIS
meat un rapport dont les conclusions tendaient a la suppression de sa prefecture, sans se douter que cette institution, Ypres avoir etc la plus solide citadelle de l'Empire, deviendrait le plus ferme rempart de la 116publique, disposerait d'un budget et d'un nombre d'agenis que n'avaient jam.ais
connus
les regimes au toritaires
et serait, avec la meme energie, ddiendue contre tous ses, assi6geants par tous les ministres moderds, progressistes, radicaux, Noire meme socialistes que le hasard des combinainaisons de groupes ou la, confiance du Parlement installerait desormais dans Fimmeuble de la place Beauvau. A deux heures j'etais place Vendome, et yentrais au MinistĂŞre de la Justice. Je fus introduit aussitOt dans le cabinet du Ministre. Perdu dans un large fauteuil, sa Ike cr6pue . reposant sur son bureau, un vieillard rabougri somnolait &Rail l'avocat Adolphe CrĂŠmieux, Garde des Sceaux de la Defense nationale. A 651,6 de Jul siĂŠgeait Antonin Dubost qui faisalt 1'int6rim du Ministre endormi. Tout en t'r;
66 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
feuilletant un dossier, it interrogeait un personnage ornd de la rosette d'officier de la Legion d'honneur, et cet interrogatoire semblait celui d'un accuse. S'interrompant a mon arrivĂŤe: Cela suffit, Monsieur, dit-il, Vous pouvez vows retirer. Puis, se penchant vers moi, Landis que s'Oloignait l'homme a la rosette C'est, me dit-il, un premier president. Crdmieux s'etait reveille el levait sur moi des yeux peras a la vrille aux cotes d'un nez camus. .Ares les presentations, j'exposai au Garde des Sceauxl'objet de ma visite; je lui fis le recit des ev6nements qui venaient de s'accomplir Lyon ; j'insistai sur ceux qui devaient particuliĂŠrement retenir son attention ; je ini parlai du cours de la justice interrompu, des arrestations arbitraires, des incararations de magistrats, de son procureur general enfermĂŠ it la maison d'arrk. Et le venerable Cremieux, que le temps de
DEUX JOURS A PARIS
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sa jeunesse paraissait intdresser davantage, rn'interrompait pour me raconter ses souvenirs d'autrefois: Oui! Oui! disait-il; c'est comme en 1848, quand Emmanuel A rago était commissaire de la Republique pour le département du RhOne. Membre du Gouvernement provisoire, j'etais alors pour la premiere fois Garde des Sceaux. Ali x cela De me rajeunit pas! Vous avez encore a Lyon des magistrats dont j'ai signe le dëcret de nomination ! Je compris avec tristesse clue je perdais mon temps chez ce vieillard verbeux et j'allais le quitter pour me rendre chez son collêgue de l i friterieur, quand it me retint pour m'offrir le cIioix entre la fonction de premier avocat supprimëe depuis lors, — et celle de procureur de la Republique a Lyon. — Le Royer,. me
acce pie d'être nomm6
Procurer geméral. Choisissez entre les deux situations que je vous ere; celle que vous laisserez sera pour Millaud. Déja, avant mon depart de Lyon, Le Royer
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LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 1874. ■■■■•■••■=.7•M
m'avait fait part des intentions d u Gouvernement je l'avais pri6 de repondre en cc qui me concernait par un refus ; it me r6pugnait de parattre recevoir le prix de mon opposition h pire. J'exposai au Garde des Sceaux les scrupuies qui m'empechaient d'accepter je cedar toutefois ses instances auxquelles se joignaient celles &Antonin Dubost. Laissant a 1'6loquence de mon confrere Edouard Millaud remploi plus solennel et hierarchiquement plus eiev6 de premier avocatgenéral, j'optai pour la fonction plus militaute de procureur de la Republique, ou je croyais pouvoir rendre quelques services a mes concitoyens.
Bientbt apres je fus regu par Gambeita au Ministére de l'Interieur. L'accueil fut tout different ;
cet orateur savait ecouter. 11 me questionna longuement sur la composition, les tendances, les actes, les pbrojets du Comitë de Salut public, Silt les ]ovens de mettre fin a une anarchic intolerable et de faire prevaloir l'autorite du re-
DEUX JOURS A PARIS
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pr6sentant de la Defense nationals. II me fit le plus vif eloge de Challemel-Lacour
tenait en
grande estime, autant pour l'elevation de son esprit que pour la conception autoritaire qu'il avait de hi liberty. Comme it ne fallait pas oublier la mission du Club de la Rotondo, un peu negligee pendant cette premiere journ6e, je demandai ii Gambetta la permission de luipr6senter mes deux codĂŞlegues. Render-vows fut iris pour le lendemain, avec priers d'abr6ger l'entretien. Le 11 septembre,
l'heure convenue, j'arri-
vais place Beauvau, nanquĂŞ de Jaclard et d'Albert Richard. L'audience fut courts; Jaclard ne dit rien ; Albert Richard grit a peine la parole ; Gambetta nous aspergea dune eau bonito dont mes compagnons, plus accommodants que je ne l'eusse cru, parurent se contenter, et nous primes come, avec le sentiment du devoir accompli.
CRAPITRE V111 LE COMITI DE SALUT PUBLIC L1 ls11;$]RE. — LA IA— 13E1 .111:,1 DE LA PBESSE ET LES
a
COMMUNIQUIS
n. —
LES ABRESTATIONS CONTINUENT.
Le 12 seplembre, au maiin, je m'acheminai vets la gare. De Paris A Lyon le vo yage 1'0 luguhre : cliaque station s'engourfraient dans les wagons des families qui fuyaient rapproche des Allemands; mes regards ne se dOtachaient pas de l'horizon brumeux, oft it semblait h Ample instant qu'allaient paraitre les aigles n p ires et les casques a Pointe des envahisseurs. Yarrivai temps pour communiques au Comitë de Saha public, dans la dernière séance du même "Jour, les impressions que je rapportais de mon voyage : « La revolution a Paris
accomplie sans
violences, sans arrestations, sans corfiscaLions les magistrak de l'Em pi re, voire meme les corn-
LE COMITE DE SALUT PUBLIC LEGIFERE
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inissaires de police, restaient au service de la Republique; parmi ces derniers, ceux-15, seulemerit avaient 61,6 r6voques qui avaient pris part au coup d'Elat du 2 Gcernbre; les preoccupations patriotiques dominant toutes les autres, unissaient les citoyens, sans distinction d'opinions, dans une fraternelle ardeur pour la defense du territoire. J'exprimai Fespoir que l'exemple de Paris serail suivi par Lyon. Le procs-verbal de la séance, apres avoir résumé mon discours, en formule ainsi les conclusions Le citoyen Andrieux terrine en invitant tous les
membres du Comite a s'inspirer des sentiments d'union et de concorde qui, seuls, dans les rapports que Lyon doit avoir avec le Gouvernernent, peuvent assurer le salut de la Republique.
Le Coma to avail continue a légiferer
await
supprim6 l'octroi 1 , qui reprësentait en meme 1. L'octroi fut rdta.bli le 4 juillet 1871, après cue violentes discussions au cours desquelles le conseiller municipal Ducarre await ëcrit c Dans tine de vos rues, la rue Grenette, it y a une grille ronde, en saillie sur la voie publique; &MAU, dit-on, le pilori, oil la Justice commerciale de nos péres exposait les banqueroutiers, coitres du bonnet vert. L'indignation publique y
72 LA COMMUNE A LYON EN 18 0 ET 1871
temps qu'un revenu important du Trêsor public, plus des trois quarts des recettes de la vine, et l'avait remplace par un impot annuel de 60 centimes pour 100 sur la valeur des immeubles et sur le capital de touter les valeurs mobiliêres
avait clecr6t6 que les commis-
saires de police seraient elms au suffrage universel; que les serpents de vale seraient rdvoquës, dêsarn-16s et ex pulses de leurs casernes
iI avait vote Famnistie pour tots les delfts politiques et pour les délits de grove, la suppression des communautes religieuses, la confiscation de leurs biens, une requisition de vingt
millions sur les riches, en attendant l'irnpa trop long a percevoir, et a ddaut dun emprunt
trop difficile L realiser En cas de malheur, avaient dit les ora 1.eurs, l'ennemi ne se gènerait guêre et prendrait plus que nous ne demandons. Les capitalistes et les proprietaires, pour defendre lent avoir, peuvent hien faire un sacrifice mains grand, apres tout, que celui des personnes dont la defense a le droit de démolir les max sons sans indemnite. enverra peat-étre un jour (Tux qui auront eleshonor6 la vile de Lyon ; je TIC veux pas qu'il y alt place pour mot
LE COMITE DE SALUT PUBLIC LÈGIFERE
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J'essayai en vain d'enra)7er les usurpations de la, Commune sur les droits du pouvoir central. Je lis au proces-verbal de la séance du 14 septembre Le citoyen Andrieux dit que nous faisons une oeuvre inutile en decrkant des lois que nous ne pourrons faire executer; que nous empietons sur ]e pouvoir central et que nous creons une dualite funeste.
Mais j'avais cornpth sans la superbe assurrance du citoyen Grinand qui repondait : « Des lois ! Y en a-t-il? N'y a-t-il pas eu une revolution? » Le citoyen Chapitet, venant en aide au precedent orateur, invitait ses collëgues
donner
i'exemple des audacieuses initiatives aux autres communes de la Republique. Le Comae olTrit d'abord i la presse un tómoignage de sympathie en votant la suppression du privilege des annonces judiciaires. Mais, trouble dans la contemplation des principes par les attaques des journaux conservateurs, se demanda si la liberte de la presse, excellente
74 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
pour combattre les regimes monarchiques, ne devait pas Aire tenue en laisse, et muselëe comme dangereuse, clans 11:t at republicain ? II eut le sang-froid de resister aux suggestions de l'amour-propre bless6 et, se 'bona a de sëveres censures contre les journalistes (Fopposition. Le
septembre, &Rail la Decentralisation
et son rOdacteur en chef, Charles Gamier, qui, sur la proposition du el Lovell Vincenti Guillaume, aaient " vigoureusement, blames » pour un article relatir t la convocation d'une Convention nationale devant se prononcer stir la forme definitive du Gouvernement de la France. Le 11 septembre, le citoyen Vale demandait Farrestation de toes les rklacteurs du Salut
Public et du Courrier de Lyon. Mais le Comit6, faisant, appel (( t l'indignation des honnetes Bens », se bornaii
envo)-er r ces deux jour-
naux tine lettre pertmesurde,. ot:i Yon pouvait lire : « Nous balayons !'ordure du passe. Devriez-vous survivl'e ? »
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NOUVELLES AR RESTATIONS
Le citoyen Jeannin, homme modeste, qui parlait peu et ne faisait pas parler de lui, fut €161egu6 pour signifier cetie lettre aux journaux interess6s et 1eur intimer l'ordre de la publier en tote de leurs colonnes. Suspectant les generaux de Umpire et soucieux de downer á, l'arm6e des chefs rOpublicains, le Comae de Salut public avait fait appel a Garibaldi el it Cluseret, dont nous aurons parler bientOt. A ce dernier le president du Comit6 avail. écrit 9 septembre.
Les gëneraux de tour tueraient notre nationalitë. General republicain des, Etats-Unis d'Amerique venez nous airier a fonder les Mats-Unis d'Europe.
Le Comit6 avait offert tin commandement de moindre importance a Gustave Flourens, tandis que je ne sais quel Club lyonnais le riommait son reprësentani une assemblk re
revolution—na
en projet.
Hourens avail répondu
ce double temoi
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LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 1871
gnage de confiance par la leltre suivante en style d'affiche qui est restée en ma possession : 11 septernbre 4810.
Le Peuple lyonnais m'a nornme son dëleguë a une AssemblOe Nationale rëvolutionnaire. De grand cur j'accepte. Le Con-lite de Salut public de Lyon m'appelle au comrnandernent d'un corps franc. De grand cceur j'accepte. Je commanderai ce corps franc en mérne temps que le 63e bataillon de Belleville dont je suis chef, et claque jour nous ferons des sorties, et nous serons les premiers sous le feu de l'ennemi. La grande et noble cite de Lyon me cornble neur. Fespere Bien lui prouver autrement que par des mots que je veux are d igne de cet honneur. A la vie, a la mart, citoyens de Lyon, Tout vOtre, Signe : Gustave
FLOURENS.
Les arrestations con tinuaient et terrorisaient la ville. Tani& dies émanaient du Comite de Silrete gOnerale et de son chef Timon tantOt elles &tient ordonnks par une fraction du
NOUVELLES A RRESTATIONS
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Comit6 de Saint public, la Sous-Commission des Interets publics, dont Baudy dtait l'agent 1 ; souvent elles dtaient Fceuvre de quelques garden nationaux sans autre mandat que celui gulls tenaient de leer civisme, et c'etaient les plus 1. le Bois rendre a Baudy Bette justice qu'il apporta, aux rigueurs dont il 6taitehargë, tour les adoucissements possibles, et gull empécha ou abrëgea, quand ii le put, les detentions arbitraires. J'ai sous les yeux une lettre a lui adressee quatre ans plus Lard par l'abbe de Cosnac, vicaire de Saint-Louis des Fram.,:ais a Moscou : MONSIEUR,
Je ne sais sur qui doit retoniber la, responsabilite de l'inqualifiable arrestation dont fat Ote la victiine a Lyon le 6 septembre 1870. J'ai ere arrètë en pleine rue par une troupe de gees arms, qui malgre 1'exhibition (run passeport parfaitement en régledelivre par M. le Consul general de France a isSoscou m'out conduit l'hOtel de ville, et apri.. ,,s plusieurs longues heures on s'est decide, sans que rale pu en savoir la cause, a me jeter en prison. C'est vous, Monsieur, qui avez éte chargé de me conduire, et je reconnais que vous avez accompli votre mission avec toutes les convenances et les adoucissements possibles. La personne qui vous accompagnait me promit en votre noire que, le lendemain, on viendrait me delivrer parce qu'on voyait Bien qu'on s'etait trompe., Innis qu'il aurait danger pour moi a etre d6livrë le soir mCime. be lendemain en effet, vous 6tes venu dans l'apres-midi me faire smitir de prison et, le même soir, vous avez contresigne mon passeport a l'hOtel de Ville. En terrninant, perinettez a un rare de vous rappeler les enseignements de votre jeunesse. Line seule chose est n6cessaire, servir Dieu, tout finit, tout passe sur la terre, honneurs, plaisirs, richesses, gloire, tout a bientOt fait s'evanouir. Dieu veuille faire pênêtrer de nouveau ces veritës en votre cceur, et quel que soit le sort qui vous attend, vous trouverez toujours en Dieu toutes les consolations que vous refuseront toujours les chases de la terre.
de
Veuillez agreer, etc. Signe DE COSNAC,
vicaire de Saint-Louis.
78 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
nombreuses, ceux-ci voyant partout des Prussiens, des espions et des traitress La circulation n'etail, pas libre ; pour sor'tir de la
fallait un laissez-passer 1., on ar-
retait, aux portes les eitoyens suspects de youloir se soustraire au service militaire, et les biers soupconnes de se d6rober
ou
l'emprunt, force. Ces alientaLs cont,re la libertO n'avaient, pas toujours le caractere dramatique que nous avons renconird Mans les arrestations de magistrais 1'616ment comique s'y melait parfois. Le
septembre, je vis arriver n, l'hOtel de
Mlle, entre quatre garden nationaux, un pacilique citoyen, dont le visage rembruni s'ĂŠclaircit, en me voyant. vous
â&#x20AC;&#x201D; Ali ! Monsieur Andrieux, allez me faire rendre justice !
I. Je retrouve l'autorisation suivante de quitter Lyon, accorRe a. 111011 pore, Corrine une faveur, par le citoyen Grusbois, fabricant de formes et de sabots, run des membres les plus actifs et les plus bruyants de la Commission des Inter is publics Le Comit y; des Int.6r6ts publics autorise le citoyen ler au dehors de Lyon.
Andrienx
eircu-
Pour le Comit6 :
Sind
GROSBOIS.
NOUVELLES AR RESTATIONS
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Et me conta sa mOsaventure. C'eAait M. Pierre Gay, proprietaire d'nn jardin qui se développait en amphiththltre sur la colline de Fourviéres. II fallait autrefois, pour arriver au sanctuaire de la Vierge miraculeuse, poursuivre un long pelerinage
a
travers des rues etroites, mon-
tueuses, durement pav€es de cailloux pointus. En vdritd, apres cette 6preuve, les fidàles avaient Bien m6rité la remission de plusieurs fours de purgatoire. M. Gay avail imagine de leur adoucir le chemin du sanctuaire et celui du parades en
an t
travers son jardin, sous rombre des Brands arbres, un passage en pente douce, mollement sable. Pour ce service, it percevait un droit de pCage, cinq ou di x centimes, je .ne plus. Or, au lendemain du 4 septembre, quelques membres zees de la Commission des Int6r.êts publics avaient prix entre eux tine deliberation ignonle du plus grand nombre, par laquelle « alTranchissaient le passage Gay ». Et comme
80 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
l'infortune proprikaire récalcitrait et continuait percevoir, quatre garden nationaux etaient ads arreter l'homme et saisir sa recette, que Fun d'entre eux portait dans une sacoche. Je conduisis le brave Gay devant le Comitê. Je plaidai sa cause, faisant observer a ses juges n'etait pas equitable d'affranchir le passage Gay, quand ors n'affranchissait pas les raisons de location, les voitures publiques et les bateaux-omnibus. Gay acheva de gagner son prods en s'écriant : « Ali Messieurs, me traiter ainsi, moiqui suis tin embellissernent de Lyon » Pierrb Gay dtait un des meilleurs, mail
a coup stir un des plus
laids parrni les Lyonnais. L'éclat de rire qui accueillit son exclamation acheva de dësarmer le Comite qui lui rendit sa sacoche avec la iiberte. La terreur 6tait, Celle que les magistrats, membres de la Legion d'honneur, revenant du palais, enlevaient de leur boutonniere le ruban qui pouvait les designer aux soupcons comme anciens fonctionnaires de l'Empire.
8!
NOUVELLES ARRESTATIONS
Je rencontrai sur le pont du Palais M. le president Barafort qui tenait, cornrne n6gligemment et par habitude, le phi de sa redingote dans sa main gauche. Que cachet-votes la, Monsieur le president, lui dis-je en plaisantant? Eh Dien ! me rĂŠpondit-il stir le meme ton, je cache ma, decoration. Moi, du moins, je ne l'ai pas enievee
6
CRAP1TRE k LA. PRISON SAINT-JOSEPH LVASIONS OU MISES EN LIBERTE
Le 10 septembre, jour meme of j'avais et6 regu par le Garde des Sceaux, avait elf; signé le dëcret qui me nommail procureur de la Republique a Lyon. Je devenais le chef ou le collegue des magistrats qui, trois mois plus tot, avaient requis ou prononce ma condamnation, et qui d'ailleurs n'ont jamais pare m'en garder ran-cune. Je pouvais me collier (Fun bonnet cercié &argent et dans les solennites ceinturonner de moire bleue ma robe noire ; mais quint
remplir
ma fonction, c'etait une en treprise plus kimeraire. Je n'avais qu'un titre nu, sans autorite relle, sans moyens et sans agents d'ex6cution. Mes plus indispensables auxiliaires, les commisstares de police, talent toils en prison ; les ser-
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LA PRISON SAINT-JOSEPH 1.1•■■•■••••••.1■•■•■•1■11■0.....
gents de y ule r6voquës et disperses ; la police faite par les agents de la Commune et par des gardes nationnaux qui ne reconnaissaient d'autre • autoriteque celle du Cornite de Salut put blic. On comprendra de quel credit jouissait le Parquet quand on sauna qu'un de mes substituts, M. Morin, avait etë arr êi té sur son siege, tan dis requerait en police correctionnelle contre des pr6venus de droit commun. Le plus impérieux de mes devoirs, et fetais impatient de l'accomplir, etait de faire mettre en liberi6 les victimes des arrestations arbitraires mail, la prison Rant surveili6e par les forces r6volutionnaires, tout dargissement d'un Menu politique, dans l i etat de I'opinion, pouvaiL entralner les desordres les plus graves et comprornettre la sëcurité des prisonniers. Quoique ma nouvelle fonction ne parett guère compatible avec cette qualit6, fetais rest6 membre du Comit6 de Said public.
prolitais
de ce cumul pour avoir accés au Comitd, y porter mes doleances et y puiser l'appoint d'autorite qui m'kait necessaire.
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LA COMMUNE A LYON EN
18,0
ET
1871
Gest ainsi que j'avais pu, le 13 septembre, meltre en accusation, devarit, c,ette Assemblee, Timon, le chef redoutó de la bande de la rue Luizerne, et obtenir sa r6vocation, apres que, par tin odieux chantage, if eta emprisonne M. Grizard-Delaroue, syndic de faillite, a qui it avait tents d'extorquer tine somme &argent. Mais rnon insistance pour obtenir du Comil6 une decision qui facilitilt les raises en libert6 restait vaine,"parce que les membres les mieux intentionnês rentraient sous terse des qu'il s'agissait d'affronter les coieres et pout-titre les reprsailles de la rue. Le proeureur gëneral Le foyer, qui avait Bien voulu s 'entendre sur ce point avec le premier avocat general Millaud, et avec le procureur de la cIRe:publique, avait, decide queja cerèrnonie officielle de notre installation serait retardee jusqu'a ce que toes les magistrats Menus eussent quitt6 la prison. Ce n i dtait la qu'une protestation protocolaire don t. le ComitO rye paraissait guere s'&nouvoir. Cependant, le 16 septembre, je me rendis
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LA PRISON SAINT-JOSEPH .,■
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■■••
Saint-Joseph et fen fis ouvrir les porter M. le procureur general Massin, general Nrenger,
M. l'avocat
le substitut Morin, sans
queleur depart eveillAt l'atl.ention. Les difficult6s etaient plus graves pour les lonctionnaires de l'ordre administratif, et surtout pour M. Sencier, l'ancien préfet. Le 17 septembre, je recus au parquet la visite de M me Sencier qu'accompagnait tin arni de sa famille, M. Auhert, agent de change, honora-blement
connu
a Lyon. Les dèmarches qu'elle
vast faites auparavant au lyres de Le foyer et
de Challemel-Lacour pour obtenir la mise en libertê de son ma g i avaient 64,6 accueillies avec sympathie; mail ie procureur general, comme le pr6fet, avait conseille la temporisation et la patience, craignant gu'en ces ,ours d'anarchie la mise en liberte de l'ancien prefet de l'Empire ne fii t aussi përilleuse pour lui-meme quo pour Fordre public. Le general Trochu, qui avail avec Ia famine Sender d'anciennes relations, etait intervene sans plus do succes. Challemel-Lacour telëgra-
86 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
phiait, le 9 septembre,
Garnbetta « Faites
done comprendre au Vnéral Trochu que delivrer d i embide
Sencier, c i est provoquer une
lutte sanglante. Lie veux trainer jusqu'aux elections municipales, dont je fixerai le jour demain. » Mm
Sencier insista au prës de moi avec au tant
de dignitè que d'dmotion ; elle craignail que l'agitation populaire n'aboutit (Fun moment a l'autre t un massacre dans les prisons, et les souvenirs de 1793 remplissaient son coeur dune mortelle angoisse. Je fu proiondknent touché de sa douleur et de ses larmes. Madame, lui dis-je, peut-titre serai-je demain a la place de M. Sencier mais it sera libre des ce soir j'irai moi-même veiller a son dlargissement,
lI s'agissait de presider a tine evasion plu tot qu'à une rnise en liberté • car, si Je pouvais cornpter stir le personnel des gardiens et particuliêrement sur le gardien chef, le brave Pernin, auquel je dois tin souvenir reconnaissant,
LA PRISON SAINT-JOSEPH
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iI importait de dêpister la surveillance des es-
biters de la rue Luizerne et autres malandrins, capables des plus graves violences contre l'ancien préfet, s'il tombait entre leers mains. La connaissance des lieux, que je devais a ma rdcente villégiature a Saint-Joseph, facilita ma Wile. Les Menus politiques 6taient enfermês a la maison d'arriêt, prison neuve, placee sous le vocable de Saint-Joseph; a 616, s'elevait la maison de correction, on prison Saint-Paul, beaucoup plus ancienne. Ces deux prisons n'aaient sdparées que par la largeur de la rue Delandine, sous laquelle avait etO mena ge
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passage souterrain. Je connaissais cette vole de communication et comme la maison d'arret aait, la plus sevêrement gardëe a cause de l'affectation qu'elle avait revue, je me servis du tunnel pour faire exhapper par la forte moms Bien surveillee de la prison Saint-Paul lesprisonniers dont it fallait dissimuler le depart. M. Senvier inaugura ce mode d'êvasion le
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LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 1871
M.M.I.T.IMwelm1911■11MNI,INIMMINE■1■1.1.11,
17 septembre. Je sorbs avec lui
la faveur de
la nuit et je l'accompagnai it la gare de Perrache, ou Fattendait un wagon, prepare par les coins du chef de gare. Les issues de la voie Rant surveilics es,
TIOL1S
passames par une poste d'ordinaire interdite aux voyageurs. LA un garde national 6tait en faction ; son salut nous causa tin moment d'alerte ; mais je fus vite rassurê, en reconnaissant sous le kepi le regard sympathique et le visage ami de M. Mint, run de mes substituts, que les hasards du service avaient place a Penh-tee de ce passage. Aprês le depart du train qui emportail Fancien pr get, je retournai la prison o6, pour la rnArne nuit, je m'ëtais impose un autre devoir. Parmi les fonctionnaires arrèt6s le 4 se p-tembre 6tait M. Chevreuse, commissaire de police du quartier de la Croix-Rousse,plus particuliérement d6signë aux rancunes des republicains par la part
avail prise aux
poursuites politiques dans les derniers moil de l'Empire : on lui reprochait l'exageration de
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LA PRISON SALNT-JOSEPH .1.•■11,•Mw•nwry....
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ses rapports, la partialifd de ses depositions devant les tribunaux de repression ; sans mettre en doute sa bonne foi, j'avais constate moim rême le peer de fiddlité de ses souvenirs dans ses comptes rendus de reunions publiques ; son temoignage avait 6E6 le principal argument du procureur imperial requ6rant, ma condarnnation ti
l'emprisonnement pour outrage envers l'Em-
pereur. D'un temperament nerveux et maladif, le rnalheureux Chevreuse, depuis
6tait
Saint-Joseph, avail, des hallucinations qui n'eussent pas tarde t l'acheminer viers la folie it revait que des handes arm6es Onkraient dans sa cellule
voyait autour de Iui se lever
des poignards sanglants. Le grief personnel clue j'avais contre lui, autant que le souci de son kat de sante, me (Weida it Inettre en libert6 des cette meme nuit le commissaire de la Croix-Rousse. Les mitres levees d'ecrou se succedêrent les fours suivants mail it fut necessaire de les espacer pour les dissimuler
Fattention des
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hommes armës qul surveillaient la prison, et ne pas provoquer des attentals plus graves pent-titre que ceux dont nous voulions faire cesser les diets. Plusieurs fois je suis vent, la null, a la rnaison d i arret j'ai fait monter les prisonniers dans tine voiture amenee pour eux et stationnant, lanternes keintes, dans 1'obscurit6 (rune rue voisine je les ai accompagnés a une gare Ott un domicile oil Us devaient etre en s6reté. Quels que fussent le droit et le devoir de ma fonction, mon role semblait morns celui d'un magistrat mettant, fin a l'injustice (rune arrestation illegale que celui d'un conspirateur, complice dune evasion. Je dois ajouter que, dans l'accomplissement de ma tilde, l'appui et les encouragements du procurers r general et du prefet ne m'ontjamais fait défaut. Le president Baudrier avait ere emprisonn6, moms a raison de sa fonction de magistrat remplissait avec independance, que pour sa qualite de membre de la Commisssion muni-
LA PRISON SAINT-JOSEPH
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cipale durant les derniêres annees de l'Ernre. Les Bens qui vinrent le chercher lui exhibérent un mandat ainsi libelle
REPUBLIQUE FRANCNISE COMMUNE DE LYON
Ordre d'amener devant nous le citoyen Baudrier, membre de la Commission municipale, president de 'chambre a la ci-devant Cour imperiale de Lyon, rue du Plat, 8. Pour le Comitë de Salut public
Approuve par le commissaire special
Anoint dune douloureuse maladie de foie, le president Baudrier obtint, des le 14 septembre, la faveur de quitter sa cellule et de faire sa prison
a domicile, sous la surveillance de deux
sentinelles qui, du reste, disparurentdeux fours aprês. De toes les Menus politiques, it flit le seul qui quitta la prison sur l'ordre direct du nou-
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LA COMMUNE A LYON EN
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vean prefet, encore cet ordre, qui ne lui reedit pas la liberte, 6tait-il entoure de precautions oratoires, destinees t couvrir la responsabi1it6 du prefet vis-a-vis des autorilds rdvolutionnaires et ;:t plaider, pour ainsi dire, les circonstances altanuantes en faveur de lit mesure d'humanite qu i d croyait devoir prendre. Au surplus, en voici le texte : Vu le rapport de M. Medeux, qui consiate que M. Baudrier est dans tin :tat de maladie qui exige des soins particuliers; Vu les pouvoirs du prefet sur les prisons ; Vu ce quo commando l'humanite en cette circonstance Le prefet arrke M. Baudrier est autorise a se faire transporter a son domicile, out it restera a la disposition de la justice, sous reserve des ruesures de precaution jugëes neces. sages. 11 est enjoint a M. le directeur de la prison do rernettre M. Baudrier aux mains du citoyen Couturier, capitaine d'etat-major de la garde nationale.
Le re' 'el CHALLEMEL-LACOUR.
LA PRISON SAINT-JOSEPII
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La justice avant repris son tours r6gulier, le president Baudrier remonta sur son siege. 11 Fut rĂŞvoqu6 de ses fonctions par nu (Neret en date du 19 septembre 1883, en vertu de la loi stir la suspension de Finamovibilite dans
la magistrature. Son arrestation aprOs le 4 septembre semble avoir ete le grief le plus fond que la chancellerie d'alors pUt invoquer contre ce magistrat.
CHAPITRE LES RESPONSABILITES DU PREFET DE L'EMPIRE. UNE LETTRE DE M. SENCIER. - LE PROCUIIELJR A LA SALLE VALENTINO. - UNE NWT AU VIOLON.
L'élargissernent des magistrats de l'ordre judiciaire n' avait pas cause grand émoi, mais la mice en libertë de M. Senvier et celle du Commissaire de police de la Croix-Rousse devaient, des le lendernain, nous titre reproch6es comme des actes de forfaiture. L'opinion etait particuliêrement excitOe con tre l'ancien praet a cause de la decouverte de mandats d'amener redigés contre un grand nombre de republicains et meme contre certains membres de l'opposition liberate la plus mod6r6e, galamrnent invites claque annee aux bats de la prefecture. On yvoulait voir la pr6paration (Fun coup d 1 1;]tat, et ce qui accrêditait cette hypothêse dans l'irnagination populaire, c'etait la hate avec laquelle on avait voulu faire septembre its disparaitre ces mandats le
UNE LETTRE DE M. SENCIER
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avaient eta trouvs a demi-consumes dans une cheminde au moment de l'envahissement de l'hOtel de L'opinion publique en attribuait la responsabilite a M. Senvier, fort injusternent d'ailleurs, s'il Nut en croire la Iettre suivante qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser 94 septembre 1870.
Monsieur, Comme magistrat et comme homme, vous vous étes montré vis-à-vis de moi plein de courtoisie, de courage et de loyaute. Je vous en exprime ma reconnaissance. Cette attitude, Monsieur, m'impose le devoir de vous donner certairies explications. Ti s'agit des projets de mandats d'amener trouvês l'hOtel de vine, et des allegations coutenues a cet egard dans un article rOcernment public par le Progress J'affirme sur nonneur que, lorsque je suis arrive Lyon, ces mandats existaient depuis fort longtemps. Si d s'en est trouvë portant le millêsime de 4870, vela tient sans doute a ce qu'on a - voulu reviser le travail primitivement execute. Ce qui prouve clue les chosen se sont ainsi passees, c'est que les pieces ne portaient ni dates, ni signatures. J'affirme sur l'honneur, que j'attachais si pea d'im-
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portance aux rnandats ou aux notes individuelles qui les accompagnaient que je tie les ai memo pas vus et que, si tout vela m'avait jamais ete soumis, je n'aurais certainement par souffert qu'on mit en suspicion les hommes auxquels le Progrês Nit allusion et qui se trouvaient dans un camp politique autre que le mien, mais dont le caractere et l'honorabilitë mlinspiraient confiance et sympathie. J'affirme sur l'honneur que, sous mon administration, n'a ete, avec mon autorisation, donne connaissance des rnandats ni a l'autoritA militaire ni a Fautorite judiciaire. Elles n'ont done pas en a refuser un concours que personae r y e leur a demande, et le procureur general a (fit vrai lorsqu'il a repondu qu'il ignorait le fait dont on lui parlait. J'affirme, enhin, sur l'honneur, que jamais je n'ai recu &instructions directes ou indirectes pouvant laisser supposer fine la pensêe d'un coup d'Etat quelconque ait ete concue a Paris. Vous pouvez, Monsieur, accueillir toutes ces affirmations. Files Omanent d'un homme qui n'a jarnais menti, qui n'a jamis reci.tle devant la responsabilite de ses actes, qu'elles qu'en dussent are les consequences, et auquel ses ennernis poiitiques eux-mêmes Wont jamais refuse leur estime. Je laisse a votre appreciation le soin de faire de cette lettre I'usage que vousjugerez convenable. Agraez, Monsieur, I'expression de rues sentiments de consideration et de gratitude. Sign : L. SENCIER a
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UNE LETTRE DE M. SENCIER
L'irritation fut grande contre les fonctionnaires accuses par la rumeur populaire d'avoir trahi la Republique, sans qu'on silt hien la part de chacun dans le crime de complicate d'évasion qu'on leur imputait solidairement. Cliallemel-Lacour 6tait, plus particulikrement vise ; cet autoritaire dëguisê en « vigoureux 116publicain » n'avait sans doute 6E6 envoyd Lyon que pour entraver la justice du peuple la clameur publique s'aevait contre lui plus charge de menaces qu'elle ne Fkait con tire le procureur general ou le procureur de la Republique. Une reunion de protestation eCit, lieu le 21 septembre dans Ia salle Valentino, a Ia CroixRousse. 11 6tait dix heures du soar la reunion battait son plein, quand j'appris gu'on y deliberait sur la question de savoir si la Croix-Rousse descendrait sur l'hOtel de ville: it me parut plus simple de monter a Ia Croix-Rousse. J'avais alors une conception particuliere de la mission d'un fonctionnaire dans une d6mocratie; j'estimais que mon devoir n'etait pas de me draper dans la dignitë de ma charge' que 7
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je devais, par un contact frequent avec mes concitoyens, agir sur l'opinion publique. d'ailleurs soutenu par les ressorts d'une foi rOpublicaine toute neuve qui n'avait point encore eté cal-iota dans l'orniere de l'experience. Inu conseiller general de ce mime quartier de de lit Croix-Rousse dans les derniers mois de
1'Empire, j'espèrais, malgrO la defaveur dont m'enveloppait ma nouvelle fonction, y avoir conserve quelque popularitë, et pouvoir faire ecouter des paroles de patriotisme et de bon sens. Ce fu g comme une stupeur lorsqu'entrant dans la salle Valentino, je me dirigeais vers la tribune, et qu'interrompant les declamations furibondes de je ne sais quel orateur, je demandai la parole. Accueilli d'abord par l'unanime murmure de l'Assemblée (wand je revendiquais pour moi seal la responsabilitd (rune mesure que je demandais
a expliquer, je retrouvais peu a peu la sympathie d'une partie des auditeurs en lour parlant de la Republique qui ne pouvait titre définitivement
LE PROCUREUR A LA SALLE VALENTINO
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assise sur la base necessaire du suffrage universel que par ;'adhesion de ses anciens adversaires, majorite de la veille,
et de lit Patric
qu'il n'était possible de sauver après
D OS (Id-
sastres que par l'union de tous ses enfants. Je leer disais comment a Paris la revolution du 4 septembre s'etait accomplie ce que je- venais d'y voir, et l'impression rdconfortante que j'en avais rapportée toes les partis oubliant leers divisions pour se devouer a la defense nationale Pour que la Republique devienne le Gouvernement danitif du pays, ajoutai-je, it ne suffit pas d'avoir renverse un trône. rapergois, pour la fonder, deux methodes opposks : la premiere, et suivant moi la bonne, c'est de la faire aimer l'autre, plus contestable, c'est de la faire craindre, au risque de la rendre odieuse. Encore fact-il choisir entre ces deux politiques, et ne pas faire a Lyon l'essai de la terreur quand, a Paris, c'est la Republique de libertO et de fraternite qui gouverne. Ne vous attardez pas aux mirages de l'histoire, et ne croyez pas que la violence fraye la route a la liberte. Nos 'Ares, pour faire la Terreur, avaient des raisons que nous n'avons pas, et cependant c'est la Terreur qui a. perdu la premiere Republique; & c'est le souvenir sangiant de 1793 qui, depuis pres d'un siècle, a fait ohs-
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tacle a Fetablissement du regime pour lequel nous aeons si longtemps combattu. Le seul moyen d'assurer la duree de la Republique dans notre dOmocratie, c'est de prouver qu'elle repudie toute violence ; qu'elle vent le bonheur de tous, la securitê et la justice pour tous.
Yobtins d'abord quelques timides applaudissernents, vivement r6primés par les cris : « has, la claque » Puis les manifestations approbativet1 devinrent plus nombreuses, et quand je terminai ma harangue, au milieu d'applaudissements nombreux, je crus avoir cause gagnáe. Mais, en sortant par la porte qui s'ouvrait sur la place de la Croix-Rousse, je me trouvais en face dune foule hurlante, qui n'avait pas entendu, et a laquelle je ne pouvais faire scouter mes explications. Ce n'était plus cette population inquiête, ombrageuse, irascible, mais laborieuse et sincere qui rève chin ideal social, tout en tissant la soie au bruit monotone des métiers ; c'êlaient les vagabonds, les repris de justice, les Bens sans aveu, aux faces congestionn6es par l'envie et
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UNE NUIT AU VIOLON ■••■•••
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par la haine, qu'on ne voit rassemblês en si grand Hombre qu'aux jours d'ëmeute, l'Ocume des grandes vines poussee a la surface par Forage. Et les goings se tendaient vers moi, eclair& par la lueur des bets de gaz da p s la nail et la foule criait « A has! A has, Andrieux ! 11 a mis en liberty Sencier, qui voulait envoyer les r6publicains a Cayenne. A l'eau ! reau! » Dans la rue, comme dans renceinte des par-lements, les hommes assemblds sont 'Aches ; Fintensith des sentiments has et vils est en raison directe du Hombre de ceux qui les eprouvent en cornmun.
A Lyon, toujours pros du fleuve ou de la riviére, entre le Rhone et la Saone, le cri « l'eau » c'est le cri de mort, et it eat Re sans doute ma condamnation, suivie d'une execution rapide, si un brave limonadier du coin, plus tard conseiller municipal, le citoyen Ruffin, n'avait eu Fidee de requerir les garden nationaux du poste voisin et de provoquer mon arrestation. Au milieu d'un peloton d'hommes arm6s, je
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rnarchais vers le poste de la mairie de la CroixRousse, et satisfaite de cet acte de justice, la foule applaudissait, tout en continuant ses injures et son charivari. Ruffin m'avait arrache
l'execution som-
maire; rears les gardes nationaux prenaient au serieux leur rOle de justiciers, et, se tenant pour resporisables de leur prisonnier vis-à-vis du people, ils m'eniermèrent dans Line sorte de cave qui, d'ordinaire, sous le norn populaire de violon », servait de lieu de detention provisoire pour les vagabonds et les malfaiteurs jusqu'it rheum de leur transfert au depot du palais de justice.
a salle ou je me trouvais n'avait, pas servi depuis le 4 septembre; elle con servait les traces et les odeurs des Dotes qui m'y avaient precede un peu d'air et tine vague lueur de reverbére y pakraient par one espOce de chatiere, fermee par des barreaux de fer. Celle ouverture ne tarda pas a etre d6couverte par les rOdeurs qui guettaient leur prisonnier. Et par ce trou les huc'es contre mof recommencèrent, et des pierces me
UNE NU1T AU VIOLON
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furent jetties, aux coups desquelles j'ëchappais en me tenant debout, sous la lucarne, le dos contre la muraille. Puis Ines tortionnaires se lasserent; le silence se fit; le r6verhére d'en face s'keignit, l'obscurite fut complete autour de moi. La nuit, sans sommeil, est favorable aux meditations : je me pris a conger que la Republique West pas seulement une philosophie, une religion, mais que sous cette abstraction ity a un substratum, des hommes, unparti, des appkits, des convoitises, des hypocrisies, des lAchetes. Je Wen aimais pas moins la république abstraite mais la concrete m'apparaissait moins desirable ; au rude contact des frêres, la fraternit6 commencait a s'6mousser en moi. 11 devait etre pees (rune heure du matin, quand le One de la serrure gringa sous l'effort (tune lourde clef. Tandis qu'une lanterne t6e par Fun de mes geOliers jetait sa lueur surles murs de ma prison , je vis entrer un matelas 06 en. deux, des cotes duquel pendait, a droite une bouteille de y in, a gauche un panier de rictuailles.
104 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
Quand le matelas tomba par terre, Fen vis sortir la tete souriante du bon Ruffin, qui, des que la foule se fut dispersëe, avait song a m'apporter de quoi manger, boire et dormir. Ce n'ëtait pas de refus ; car, avant de monter a la salle Valentino, je n'avais pas eu le loisir de diner. quatre heures et demie du matin, nouvelle alerte : cette fois c'etaitla libert6 que m'apportail, le citoyen Tetra, colonel de la garde nationale, envoy par le Préfet el par le Procureur general s'inclinant devant ses galons, Ames gardiens lui livrerent leur prisonnier je descendis avec lui la pente ddserte de la Grancl'Cole, eclairde par les premieres lueurs de l'aube, et it m'accompagna jusqu'A la place des Terreaux, oii je le quittai pour rentrer chez moi. J'appris qu'unebande de malandrins, durant la mérne nuit, Rail, allee carillonner a la Porte de Le lover avec le projet de l'arrêter. Mais mon procureur general, qui se maait, s'abstenait, depuis
eiait fourr6 d'hermine, de coucher
son domicile.
CHAPITRE X1 LA FIN DU COMIT8 DE SALUT PUBLIC. - SES ADIEUX AUX LYONNAIS. - CHALLEMEL ET DELESCLUZE. LES ELECTIONS MUNICIPALES.
Ala date de mon arrestation
la Croix-
Rousse, un fait important venait de se produire, qui pr6parait l'avênement (run ordre plus rOgulier
je veux parle y de la substitu-
tion au Comity rdvolutionnaire (rune administration municipale librement 6lue. Pent-titre se rappelle-t-on que Bans la nuit du 6 septembre, appuyant la proposition du citoyen Carlo&
obtenu que le Comite de
Salut public rdsignAt ses pouvoirs et Mt remplace par un Conseil municipal a elire le 18 septembre. Ce -vote de asintAressement ne tarda pas a etre regrettë et considers comme Ferret dune surprise. Des le lendemain la question &ail remise en cidliberation, et le Comitê annu-
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Tait la plus honorable des decisions qu'il efit prises. Les raisons de ce revirement sont, resumees
en ces terries par le seer faire du Comit6, Louis Garel, daris sa brochure sur la Rèvolution
Lyonnazsie La situation du Comae, dit-il, ne pouvait sans doute pas are eternelle; macs ii fallait le prolonger le plus possible, et ce n'ëtait pas a lui a faire prêjuger de son pen de duree et a s'entacher d'impuissance et d'inanitë. Son devoir kali, de maintenir le droit rêvolutionnaire et Wen user; de ne pas refuser la Oche, si lourde qu'elle Mt, et cr assembler toute sa force pour Faccomplir, (poi advint et justement parse qu'il pouvait advenir des Ovenements terribles et des difficullês encore plus grander. Quelle confiance, devait-on avoir dans le suffrage universel? N'est-il pas trornpeur et dangereux dans les moments critiques, et peut-il suffire a leur irnpërieuse exigence? Ne donne-t-il pas, par sa Mgalite mème, un caractere timore et respectueux a ses mandataires, qui ont a tenir cornpte des opinions diverses de leers rnandants, Landis que des rOvolutionnaires non elus, acclam6s, ne tiennent leur mandat que de la situation male qu'ils ont cre6e, ne sont lies par rien, agissent librement et ënergiquement? A cette époque, la France tout entiOre protestait contre l'election pro-
LA FIN DL: COM1TE DE SALUT PUBLIC
4 07
posee dune constituante. Ce qu'on jugeait mauvais en grand, pouvait-il etre bon en petit, et ceux qui y oulaient un conseil municipal n.'etaient-ils pas ceux-la qui refusaient la Revolution et toutes ses consequences?
Cette page merite de retenir noire attention parse qu'elle est !'image exacte de 1'esprit qui dominait au Comité, en neme temps que le miroir fidele oft se peuvent reconnaiire, jacobins ou socialistes, les demagogues de tous les temps ils placent leurs volontes au-dessus .du consentement des majorites, car ils sont le droll, la verite, la justice, et cc droit, cette justice, cette v6rite dont ils sont seals juges, en leur infaillibilite, it leur appartient de les imposer au plus grand nombre pour le bien de l'humanitë; la democratie, c'est leur dictature
ils de-
tiennent la souverainete du peuple en vertu d'un droit revolutionnaire qui se confond avec la force ; le suffrage universel nest plus Forgane respect6 de la volonte nationale, le générateur du droll, populaire c'est un instrument dangereux d'anarchie ou de révolte dont it faut diriger ou corriger les manifestations, qua.nd
108 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
it West pas possible de les suspendre ou de les supprimer. La bourgeoisie lib6rale qui avail salue l'arrivëe
a Lyon de Challemel-Lacour comme une
delivrance, et qui lui demandait impatiemment des actes d'autorith contre le Comae de Salut public, ne se rendait pas compte qu'il n'avait guere que le litre de Prffet, — encore le lui avait-on contests — et que le pouvoir Mall aux mains de la Commune . rêvolutionnaire, dont it ne pouvait ni abattre le drapeau, niannuler les delib6rations. L'amertume gull en ressentait daorde daps cette lettre que Challemel 6crivait, le 13 septembre,
Delescluze et qui a . dte retrouvee
au tours (rune perquisition, quelques fours apres que le diciateur de la Commune expirante fCit tombde sur la barricade du Chateaud'Eau MON CHEF
Am',
Je ne lis pas le Re'veil, quoique je le Passe acheter régulierernent. Depuis cinq heures du matin, et ii est dix ileums du
CHALLEMEL-LACOUR ET DELESCLUZE 1/1■
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soir, je suis occupó, obsède, importune, et savez-vou s cc qui m'occupe? Ce ne sont pas les Prussiens, ce nest pas la defense de Lyon ; non, c'est de m'ingênier empécher a tout prix une collision entre tout le monde (rêpublicains compris), et une bande qui s'est emparáe de la prefecture et fait male sottises, menacantes, tantes, et sans aucun résultat. Cate bande, c'est 1' internationale de Lyon, composde de ce y a de pire dans le mauvais ; que l'invasion ne touche guere, que la Republique n'émeut pas du tout, et qui s'en vante. Sans eux tout irait ici admirablement. La Republique y a des forces etonnantes. Le patriotisme et le courage sont grands. Depuis ce matin, les enrOlements sur l'aulet de la patrie, avec fanfares de trompettes a chaque enredement, me rëjouissent le cceur. dais ces imbeciles, mêles d'anciens mouchards, paralysent tout. Its ont arbord le drapeau rouge, Bien (eil 'fait pour eux aucune signification que d'étre un deli a la Republique, au bon lens, etc. Le collectivisme est leur affaire. Savez-vous cc que c'est que cette bête-14 ?Je ne sais s'ils voudraient me pousser a les ecraser; je n'aurais qu'a lever le doigt pour qu'ils disparussent. Car j'ai pour moi tout le monde ; les republicains, parce qu'ils ont senti Bien vice, j'ose le dire, que yen suis un! les bourgeois, parce qu'aprês ton* suis la seule autoritd sur laquelle ils puissent s'appuyer. Les drOles qui component la force de ('Internationale ont pris le pas dimanche sur les honnètes gees du Comith de Salut public, par l'avantage gulls avaient
110 LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 4871
d'être organises sous l'kendard dune secte, tandis que rêpublicains et revolutionnaires, isoks et strangers les uns aux autres, selon leur louable coutume, ne formaient aucun groupe. cette heure, la susdite serail aneantie, si je n'avais resists a toutes les suggestions de repression qui m'accablent. 11 aurait fallu pour cela un coup de force, donner a l'ëtranger qui est chez nous' et aux autres peuples le spectacle de nos dissensions, et faire encore une fois des vainqueurs et des vaincus entamer la serie des consequences qui se rattachent un coup de force, comme la queue du serpent tient a la tete. Tout cela me paraft horrible. Mais qui Bait si demain les drOles, qui m'ont regards de travers des le premier jour, non a cause de mon nom ou des hommes du Gouvernement qui m'envoie, mais tout simplement, parce que je venais de Paris, parce que je representais Pautorite nationale, destinee a homer celle de Pinternationale, ne me forceront pas a les balayer? Je le ferai, Wen doutez pas, sans barguigner, parce gulls perdent ici la Republique ; mais je le ferai le cceur navrO. Oh! ma rue Fontaine-Saint-Georges, ou êtes-vows? •
Signe CHALLEMEL-LACOU11.
Challemel exagrait rimportance de Inter-
nationale dans le Comae de Salut public, ou" elle ni'dtait reprêsentée que par Sept de ses
CHALLEME1 -LACOUR ET DEL ESCLUZE
111
membres, Beauvoir 1 , Palix, Placet, Tacussel, Doublet, Charvet et Lombail. Mais it est permis de croire que, s'adressant au vieux ,Jacobin du journal le Revell, it ne convenait pas au Prefet de la Defense nationale d'admettre gull avail contre lui le jacobinisme lyonnais; it prêferait rejeter la responsabilite dune situation humiliante sur ces collectivist/es nouveau-venus dans le parti de la Revolution, sur cette Internationale suspecte, dont Delescluze n'avait pas encore accepte l'alliance. Challemel denaturait aussi la signification du drapeau rouge, qui Rail le symbole de la. Commune et de la revolution sociale biers plus que le signe des revendications internationalistes. Challemel eta 6te biers coupable si, n'ayant eu, suivant son expression, « qu'h lever le doigt pour que disparCit la bande qui s'etait emparëe 1. Beauvoir avait obtenu du Comitë l'autorisation de prendre
au greffe du tribunal le dossier des poursuites commencêes contre les membres de l'Internationale. Le greffier, s'inclinant levant l'autoritë du Comite de Salut public, avait livrë cc dossier 6. Beauvoir sur son récëpisse.
112 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
de la prefecture », it s'êtait abstenu de ce geste facile. Mais la verit y , pénible a avouer, c'est que, n'ayant pas la force, it ne pouvait songer un coup de force ; et que, pour « balayer sans barguigner », it fallait attendre d'avoir le manche de son cote. Ne l'ayant pas, it s'attacha a tine politique de temporisation qui ne pouvait satisfaire ni les appetits des violents, ni les impatiences des gens paisibles. Pour obtenir l'abdication. du Comitê de Salut public et Pelection (Fun Conseil municipal, Challemel-Lacour dut ménager le vent contraire, louvoyer avec une habilete laquelle faut rendre justice, el se Greer d'abord un parti l'hOtel de vile. Get eiret, it avail propose et obtenu, en 4144 (rune vive opposition, que le Comae lui designdt une sorte de Conseil de prefecture choisi en majorit y parmi ses membres 1 . ConfOrant chaque matin dans son cabinet avec I. Ce Conseil, ou u Comit y de prdfecture >>, se composa de MM. Baudy, Emile Bonnardel, Chepié, Durand, Josserand, Maynard, Michaud, Reynier.
LES ELECTIONS MUNICIPALES
113
ses nouveaux conseillers, leur e/ommuniquant ses dèpèclies, écoutant leurs avis sans jamais tmoigner d'impatience, les retenant a sa table, flatitant leur vanité, caressant leurs ambitions, exercant sur eux Fascendant d'un esprit supérieur, it avail peu a peu fortifie son. autorite en desagr6geant le bloc du pouvoir rival, si bien qu'il ne rencontra qu'une resistance facilement abattue quand ii convoqua les Mecteurs pour le 15 septembre. Membre du Conseil préfectoral en mere temps que president du Comité de Salut public, Cliepiè se fit Favocat de Challemel auprés du Comite
apaisa les colères de ses collégues
leur donnant l'assurance que « le preret d6clarait cl ue les Mections seraient faites dans en
le seas révolutionnaire, en deliors de toutes les lois antérteures ». Le prëfet ne protesta pas, et son silence, sans rien engager, laissa croire, qu'en efret, les electeurs lyonnais kaient appelés a nommer une Commune autonorne. L'arret6 de convocation des Olecteurs flattait 8
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le vieil instinct d'incidpendance des Lyonnais, visait l'adhésion du « Comitd prëfectoral », rendait au Comitë de Salut public tin hommage plus habile que sincere. Ce morceau de diplomatic administrative merite eare reproduit Le prefet du Rhone, Le Comae prdectoral entendu, Considerant que la commune de Lyon, trop longtemps privee de ses franchises municipales, est impatiente d'exercer ses droits èlectoraux; Considérant que les circonstances prësentes exigent une organisation prompte et energique de l'autorite locale ; Considërant que le Comitê qui a etc constitue le septembre a l'hOtel de et dont le patriotisme, au milieu de difficultês si grandes, West rnontre a la hauteur de la situation, ne pretend point remplacer une autoritë issue du suffrage universe' reguliêrement consutte, ARRi:TE
Les elections pour la nomination (fun Conseil municipal a Lyon auront lieu le jeudi 15 septembre. ARTICLE PREMIER. -
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2. — Le nombre des conseillers municipaux est fixe a cinquante-deux, parmi lesquels seront choisis le maire de Lyon et ses adjoints 1 , ainsi que les officiers d l etat civil et leans adjoints pour les six arrondissements de Lyon, etc... Signs: Le prefer, ART.
CHALLEMEL-LACOUR.
Avant de se retirer, 10 ComitO fit afficher cette proclamation due a la collaboration des citoyens Garel et Chapitet ROUBLIQUE FRANCAISE COMMUNE DE LYON
CITOYENS,
Nous allons remettre au Suffrage Universe' le mandat revolutionnaire que nous tenons de votre acclamation. Nous croyons avoir fait notre devoir. Premiers a la tAche, a cette rude tache de remedier au passé et d'affirmer l'avenir, nous n'avons pa en accomplir 1. Le Comitê de Salut public, lui aussi, avait choisi parmi ses membres et delèguë aux rnairies des divers arrondissements, des officiers de I' tat civil qui avaient cru unir en justes notes pie notnbreux Lyonnais et autant de Lyonnaises. Or ii se trouva qu'aux yeux de la loi ces mariages êtaient nuls. lI fallut que l'Asseniblée nationals, en dèpit des principes juridiques, vota plus tard une loi retroactive, pour valider toutes ces unions et en I6gitimer les suites.
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qu'une partie ; que ceux qui nous suivront la continuent ; que ht Revolution desormais indiscutable, inalienable, l'acheve! Nous sommes prets a rendre compte de nos actes nous n'avons pas menti aux devoirs et aux droits que k Peuple nous a confies. Les mandataires des elections prochaines trouveront devant eux, sure et libre, la voie ouverte par la Revolution du 4 Septembre. La defense nationale s'organise. Les negations et les refus de l'ancien pouvoir, traitre a la patrie, sont dementis et domptás. LAeuvre se complátera. Nous ne pouvons douter que le souffle patriotique qui anime le peuple, qui anima le Comitê de Salut n'anime de mere les nouveaux elus. Qu'ils se souviennent que la population lyonnaise a fete son deli aux hordes insolentes du Nord, que les ennemis, prendraient-ils Paris, gulls ne prendront pas, n'auraient pas par ce seul fait pris la France, se heurtant a la province armee et energique, et que l'ancien drapeau national vaincu, ils verraient encore debout le drapeau de la Commune et de la Federation. Les jours de desastres sont passes, les heures sombres ne cornptent plus que dans le souvenir de isWire qui juge ; la paix reconquise dolt nous trouver mews pour l'ceuvre revolutionnaire qui est de taus les jours, de toutes les heures. Vest la tAche eternelle que nous n'avions pas oubliee, malgrê les brusques exigences du present.
LES ÈLECTIONS MUNICIPALES
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La societê êtiait en danger cornice la patrie. Sauvons la patrie, mail sauvons aussi la societe qui marchait Fabime. Ne retombons pas dans les mémes errements d'etat, d'êglise, de police, &administration, qui nous ont asset compromis et dont Pepreuve est faite. Luttons contre la sanglante barbarie armée et contre une pretendue civilisation sans justice. Citoyens, Deux lois seules survi vent: le dOvouement a la Patrie et le Suffrage Universel. Au combat et au vote ! Et que Fun et l'autre affirment la France et la Revolution ! (Suivent les signatures de tons les membres du Comite, sans en e)u,epter ceux qui ont vote contre cette proclamation, ni ceux dont l'absence est contsatee au proces-verbal.)
C'dtait le testament politique du Comity de Salut public. 11 y 16guait au futur Conseil municipal le soin de continuer son oeuvre. La phrase sur « Pancien drapeau national vaincu », rernplace par le drapeau rouge, sufarail a demontrer que le procureur de la Republique n'avait pas signé pareil manifesto et que,
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si son nom figurait au bas de ce document parmi ceux de tour les autres membres du Comith, sans exception, c'est parce que le president, se croyant suffisamment autorisê par le vote de la majorite, avait coutume de disposer des noms de ses collêgues de la minorite, sans se soucier de leur consentement 1. Le 16 seplembre, les élus de la veille firent leur entrée a l'hOtel de ville et interrompirent brusquement la derniere séance du Comae de Saint public. Les nouveaux conseillers, soft qu'ils eussent fait partie du Comity , soil gulls fussent nouvenus A, l'hOtel de \Tulle, arrivaient en majoritë avec la prêtention de n'etre pas soumis aux lois de PEmpire, tombOes, disaient-ils, avec le regime dechu. Des leur premiere séance, par une acceptation pure et simple de la succession de 1. Le 29 mai 1.872, Varambon, alors procureur general a.
Besancon, m/ecrivait, k 1/occasion d'un procés en diffamation « Je vous remercie d'avoir retabli, pour moi en même temps que pour vous, la vérite relativernent a la deliberation du Comite sur le drapeau de la Commune ; deliberation que nous n'avons signée ni run ni I'autre, que je pouvais d'autant moires signer qu'Ai ce moment fetais retenu au lit malade apres la mud de mon 'Ore.
LES ELECTIONS MUNICIPALES
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leurs préd6cesseurs, ils voterent une resolution aux termes de laquelle « les actes du CornitO de Salut public auraient force de loi pour la Cornmune de Lyon et seraient executes sans 'etre jamais discutes ». Sous peine de perdre le pea d'influence avait pëniblement conquise, le préfet fut contraint de faire cet kat d'esprit de regrettables concessions, parmi lesquelles la plus apparen Le, si non la plus redoutable, fut Celle du drapeau rouge. Neanmoins, le pouvoir dictatorial de la Commune avait pris fin avec l'Assemblk r6volutionnaire l'effet des lois se faisait sentir ceux mèmes qui en niaient 1'autorit6, et ce n'est pas du Conseil municipal elu le 15 septembre, que vinrent les principales difficult6s contre lesquelles, durant de longs mois, les fonctionnaires du Gouvernement de la Defense natio.naie eurent encore a soutenir une lutte de tous les instants.
CHAPITHE XII L'E'CI-IAUFFOUREE DU 28 SEPTEMBRE CLUSERET, BAKOUNINE. - LE PL TRIER SAIGNE. LES PLEINS POUVOIRS DU COMMISSAIRE EXTRA011DINAIRE BE LA 11PUBLIOUE.
Sous Ia. presidence du citoyen navetier, dans tine Salle rise sa disposition par la municipalite, un a Comit6 central fëdOratif )) s'inslanai au palais Saint-Pierre, cOte a cOte avec la faculté des lettres et les musks, it deux pas de l'hOtel de vale. Les plus mauvais elements du Comit6 de Salut evinces par les elections municipales, s'y kaient refugies. Ce Comte reprdsentaitla. fraction ultra-jacobine de la democratie lyonnaise je veux dire Celle qui, plus avide d'autorit6que de réformes, prëoccupee de dormer a laRepublique un air farouche et menatant, prenait pour modeles les jacobins de 1793, professait leurs principes, alfectait leurs allures, plagiait leer langage. Le citoyen Comte et ses amis s'aaient donne
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la mission de « dffendre la Revolution et de maintenir l'esprit populaire
la hauteur des
circonstances ». Ils donnaient des ordres aux ouvriers des cliantiers
adressaient des avis
au Conseil municipal, des manifesies it, la population. Deux fois par semaine, ils tenaient des seances imbliques. C'est ce Comae qui, le lendernain de la reunion de la salle Valentino, par Line invitation d'apparence courtoise, ;Mira le procureur de la R6publique dans un guet-apens, Finsulta, le dëclara coupable de trahison pour avoir mis liberty; les Menus politiques, et prononga contre lui je ne sail queues condamnaLions, pour l'ex6eution desquelles it ne se rencontra pas de hourreau. D'autre part, a l'instigation du russe Bakounine, arrive a Lyon le 18 septembre avec le dessein
fomenter un rnouvement commu-
niste, un Comite central du Salut de la France, dont le titre patriotique disimulait des menees in ternationalistes, tint ses seances d'abord clans tin atelier de la Guillotiëre, puffs dans la salle
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de la Rotonde. II avait a sa tote les principaux chefs de Finternationale, parmi lesquels Albert Richard, et organise des Sous-Comites a SaintEtienne et dans d'autres centres ouvriers. Le Comit y central fed6ratif et le Comit y du Salut de la France, Bien que suspects Pun l'autre et rivaux d'influence, finirent par se rapprocher et s'entendre pour chasser de Nikei de vine « la Reaction », qui relevait la like en hi personne de Challemel-Lacour. 11 fallait recommencer le 4 septembre, dissoudre le Conseil municipal, supprimer le prefet et proclamer la Commune independante dans la Republique fedërale. Les circonstances paraissaient favorables un mouvement insurrectionnel. Les rues de Lyon êtaient encombrees de francs-tireurs aux uniformes fantaisistes, mal nourris, mal payer, attendantle signal du depart, irrii6s de l'apparent (Wain del'autorité militaire qui ne pouvait ou ne voulait pas leer dormer les Armes promises'. 4. 0 Lyon etait le se jour de predilection des corps-francs. Des cotes de la Manche, du fond de 1'Egypte, ils accouraient Lyon,
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D'autre part, des chantiers nationaux avaient t6 ouverts pour les ouvriers sans travail. La, moyennant un salaire insuffisant pour ceux qui en vivaient, quoiqu'onereux pour la vine, plus de dix mine hommes, mal prdpards au m€ tier de terrassiers, travaillaien t aux fortifications. De Tame que les volontaires des corps-francs, les ouvriers des chantiers étaient facilement accessibles aux pires suggestions. cette armêe de mecontents, it manquait un chef militaire. On renouvela l'appel que le Comite de Salut public avait dejh fait h Cluseret, d6sign6 par ses relations d'amitie avec les principaux chefs de l'Internationale, autant que par le prestige du titre de gên6ral qu'il avail conquis en Amêrique, pendant la guerre de secession, au service des ]eats du Nord. Nous l'avons connu plus lard a la Chambre des d6putes, vieilli et fatigue : mail alors sa male figure bronzOe, sa ou ils trouvaient des magasins qui se garnissaient pour eux, une municipalité qui les assiwilait a l'armee francaise, et le voisinage du quartier general de Garibaldi. » (Rapport du conite de Sept a l'Assernblee nationale.)
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taille haute et droite, son allure martiale, sa parole vêtt6mente semhlaient devoir lui assurer 1'autorit6 d'un chef et l'ascendant d'un tribun. Sans emploi a Paris, ou ses merites etaient mOconnus, son ambition suspect6e, Cluseret repondit l'appel des Comitds lyonnais; les chefs
du mouvement Nderaliste l'accueillirent avec transport, le produisirent dans les reunions publiques, lui donnërent l'occasion de faciles triom plies oratoires au club de lallotonde, et l'y
lirent nommer par acclamation « commandant des forces révolutionnaires du département du RhOne ». Le 28 septembre h midi, amende par les chefs des deux Comites, une foule, a laquelle on avait promis des salaires plus elevds, ddbouchait sur la place des Terreaux, sans bien savoir ce qu'elle venaity faire. C'etait la manifestation de la misere, sans Cris, sans armes, sans allures menacantes. Mais ceux qui la conduisaient, se disant de16gruOs du peuple, penetrërent dans l'hOtel de
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ville. A cOtO de Cluseret, c'etait le pit-drier Saigne, president ordinaire des reunions de la Rotonde, l'internationaliste marseillais Bastelica, Albert Richard et Gaspard Blanc, ces deux derniers accuses d'être les agents d'une intrigue bonapartiste l ; au milieu d'eux, se detachaieirit lit haute et massive stature du nihilists Baliounine, ses lourdes 6paules, sa téle impassible, encadr6e de cheveux longs et touffus, sa barbe embroussaill6e. Puis venaient d'autres agitateurs moins connus, et parmi ceux-ci un M. de Boisluisant qui, lorsque je le fis arr'êter, était porieur de cartes de visites, 06 son nom était suivi du titre per comprometlant de u President du Club des Patineurs de ClermontFerrand ». 11 fact ici downer acte t Cluseret de sa protestation contre le role que l'opinion genOrale lui a attribue. 11 a pretendu qu'il ne connaissail. aucundes hommes du 28 septernbre; qu'il I. Albert Richard et Gaspard Blanc ont publië plus Lard, en collaboration, une brochure preconisant tine entente du parts republicain avec le prince Napoleon.
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ignorait leurs desseins; que le hasard seul le mela au mou.vement. Perdu dans la foule oCt 6tait en curieux, it aurait 616 reconnu et pouss6 l'hOtel de vine, ou it n'aurait pris la parole que pour demander le main Lien du Conseil municipal. A l'instar de ceux qui s'etaient emparOs de l'hOtel de vine le 4 septembre, les envahisseurs du 28 montilirent d'abord au bacon, et, sous le regard souriant &Henri IV en has-relief, Fun d'eux, le plâtrier Saigne, homme hirsute et trappu, verbeux et incoherent, harangua le peuple en un interminable discours, dont la foule ne saisissait que les gestes, et qu'elle applaudissait sans l'entendre. Les auditeurs les mieux places comprirent que l'orateur demandait la dissolution du Conseil municipal, Farrestation du general Mazure commandant ParmÍe de Lyon et son remplacement par le general Cluseret. Les chefs de la sedition s'installèrent dans la Salle des seances du Conseil municipal, procearent a la nomination (fun nouveau Gouver-,
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nement, prononcerent la dissolution du Conseil recemment emu, rdvoquêrent le prefet et les principaux fonctionnaires, saris oublier le procureur de la Republique, ordonnêrent des requisitions 1 ,
signèrent des ordres d'arresta-
lions, voterent « la suspension du payement des impOts et des dettes hypothecaires ». Pendant ce temps, Challemel-Lacour 6tait enfermé dans son cabinet de travail; des francstireurs (dont un négre), se qualifiant « volontaires de Cluseret », avaient dt6 places sa
1. Voici l'une de ces requisitions
REPUBLIQUE FRANCAISE COMITF PROVISOIRE DIJ SALUT DE LA FRANCE
POUR LA REGION LYONNAISE.
Ordre est donne au citoven Vernis de se procurer chez les fournisseurs les vivres nécessaires pour alimenter les homilies qui so p t sous ordres.
ses
Les comptes seront presentee par les fournisseurs au Comite du salut de la France. Lyon, le 28 sep tembre 1870J. BrscuoF. BLANC,.
Le capitaine de la legion, Emile BIRTS.
Albert RICHARD. P. VERNIS.
Le sous-lieutenant, POJNCgT.
L'adiudant, B. BRUIS.
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porte et le tenaientprisonnier. Bs me laissérent arriver jusqu'it lui, mais ne me permirent plus de sortir, et je dus rester plusieurs heures enferm6 avec le pr get, auprès de qui se trouvait (16jà le procureur g6n6ral. Yemployai ce temps rth-liger des mandats d'arrêt contre les Bens dont nous étions les prisonniers 1. Par une singuliere rencontre, je signais ti n mandat contre Cluseret, quand it entra dans le cabinet du prefel, accompagne d'un capihine de la garde nationale. 11 se disait anim6 &intentions couciliantes et venait orfrir sa mediation. ChaHemel le repoussa avec hauteur Je ne vous connais pas, Monsieur, dit-ii, et n'ai pas de propositions it recevoir de VOUS.
Challemel-Lacour avail, de grandes qualités d'intelligence et de caractere;
coura-
geux ; on le disait 6nergique mais son 6nergie, ce jour-lit, me parut lourner en (mervemenL; le sang-froid l'abandonnait l'injustice 1. Avec nous se trouvait aussi relenn M. Flotard, qui rut depuis depute du RhOne a l'Assemblée nationale.
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de lit populace l'exasperait
avait hate de sortir de cette atmosphere de haine et de sot-
tises oii étouffait sa délicatesse dephilosophe et de lettr6 parlail de donner sa demission en face de l'ërneute. Tandis que le pude', diait prisonnier de Pinsurrection, celle-ci subissait des fortunes diverses. Ses principaux chefs, successivement arr éi t6s par les officiers de la garde nationale et remis en libert6 par la foule, commengaient comprendre que Ic succés de la journee etait compromis etredoutaient les suites de leur 6quipee. L'opinion publique, celle surtout des guartiers voisins de l'hOtel de vile, se montrait opposee 5,1a tentative des fed6ralistes ; on hattait le rappel de la garde nationale ; les bataillons arrivaient tour a tour, ceux des quartiers du centre hostiles
a
Finsurrection, ceux des fau-
bourgs indecis, mais heureusement influences par rattitude de M. Herron, maire de Lyon, qui monira ce
comme pendant toute la
durëe de sa magistrature, beaucoup de sangfroid et de courage. 9
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II Mail, cinq heures du soir ; la colthe des manifestants perdait patience et se dispersait lenternent.6gus par Fattitude de la garde nationale, dont ils avaienl tem6rairement escompt6 la complicit, et surtout par les cris inattendus de « Vive le Conseil municipal Vive le prdet pousses par les hatailions de la Croix-Rousse en reponse aux exhortations du mire, les chefs
du mouvement s'esquivaient tour a tour, suivant l'exemple de Bakounine, qui s'était enfui Fun des premiers, après avoir ete arrete et avoir subi deux heures de detention. Les « Volontaires de Cluseret », eux aussi, avaient disparu a la suite de leer chef ; le praet, retrouvant sa libert y , en profitait pour dormer la journee du 28 septembre nue conclusion imprevue. Impatient des resistances que l'autorith militaire opposait
ses projets, One par les en-
traves (rune legislation faite pour des temps normaux convaincu ("Won pouvoir dictatorial pouvait seal avoir raison des difficult& au milieu desquelles it se daattait, Challemel-Lacour
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avail demande au Gouvernement de Tours de prononcer a son profit le caveat Consul, et le Conseil municipal s'était joint a ses instances. Le 27 septembre 6tait arrive le d6cret qui lui confiait « les pleins pouvoirs civils et millitaires ». AccompagnO du, maire, des conseillers municipaux et des officiers d'etat-major de la garde nationale, Challemel-Lacour descendit sur la place des Terreaux et y fit lire solennellement le texte de son decret. Cette lecture fut accueillie par les acclamations des gardes nationaux, auxquelles se m6laient, les cris enthousiastes de la foule, et Challernel-Lacour, a peine echappe aux menaces et aux outrages de l'Omeute, connaissait pour la premiere fois Lyon les joies éphemères de la popularit6..
CHANTRE X111 GE DA NT A IIMA TOGYE ARRESTATION DU GENERAL MAZUI1E
Par cluel singulier relour l'o panipotence accord6e a un praeL jusqu'alors tenu en meliance avait-elle pu le transformer en idole dune foule dĂŠlirante ? C'est dans les tendances cornmunalistes, je dirai presque particulai'istes, de la democratic lyonnaise qu'il faut chercher l'explication de cette Cnigme. Celle dCmocratie, qui avast cru pouvoir faire la revolution sociale par la dictature de son Comit6 de Salut public, s'aait lieurtee a la barriere des lois, a la resistance du pouvoir central et de ses fonctionnaires. .Et voila que par d6cret Challe pael-Lacour allait avoir cette tonicpuissance qui await manquĂŠ au Comit6 de Saint public; contre sa volonte, nul dOsormais ne serait adrnis a invoquer les lois de l' Empire
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allait tenir dans sa main l'autorit6 milit ir=e comme l'autorit6 civile ; la confusion des pouvoirs OAR le dernier mot de la libertë revëe, et personne, parrni les revolutionnaires qui l'acclamaient le soir du 28 septernbre, ne doutait que le commissaire extraordinaire de la Republique ne dirt titre aux mains de lit dêmocratie locale Finstrument victorieux de son ind6pendance et de ses aspirations reformatrices. Le premier usage que Challemel-Lacour fit de ses nouveaux pouvoirs sembla darner raison l'interprétation de l'opinion populaire. ChaHemel avait obtenu le thIplacement du general Espivent de la Villeboisnet, que le peuple considërait comme tin ennemi de la Republique. Le Gouvernement de Tours l'avait remplac6, le 12 sepLembre, par le general Mazure. Ancier officier d'artillerie, sorti des cadres de reserve, le general Mazure jusiiiiait la confiance du Gouvernement, par l'élevation de ses _sentiments, la culture de son intelligence, sa bravoure et la haute honorabilit6 de son caractere. Mais l'opinion lyonnaise lui re-
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1......■•■■■•.iii•■•■•■•■•■•■•■1.••■■•
prochait son atiachement aux traditions de l'armée, — on dirait aujournui son milita-
risme, — son marque d'initiative, son inaptitude aux reformes. L'arrnOe allemande marchait sur Dijon ; Lyon ëtait menac€ Firritation grandissait contre l'inertie du commandement militaire elle gagnait taus les partis, et les clubs, exploitant 1'6nervement cause par l'approche de l'ennemi, lanpient des accusations de trahison facilernent 6coutees. Un conflit klata entre le Conseil municipal et le g6néral Mazure, a propos (Pune distribution de cartouches au 2e bataillon de la garde rationale rêpute conservateur. Les r6volutionnaires avaient des cartouches; ils s i en servaient pour d6fendre et au besoin pour attaquer le Gouvernement : c'61.ait dans l'ordre. Mais donne. des munitions aux moddr6s,
parait-il, les
inciter a tirer sur le peuple. On cornptait stir eux les fours crdmeute; mais ieur action devait se homier a de paciliques demonstrations avec des fusils inoliensifs. Le Conseil municipal envoya au gen6ral la
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d6peche suivante « Citoyen gen6ral, l'opinion publique exige im.përieuserne-nt votre demission nous vows la demandons au nom du salut public et de l'ordre menace. Nous comptons sur votre patriotisme pour accepter cette mesure necessaire, afro d'6viter un conflit deplorable, » En mëme temps, le Conseil tëlegraphiait au Gouvernement de Tours pour demander le changement du general. Le telëgramme finissait en ces termer comminatoires
« Sinon,
comme 11011S sommes responsables du sang de nos concitoyens, nous ferons nous-mômes ce changement. » Le praet se rangea du cote de la municipalite ; iI notifia ate general Mazure le d6cret relatif aux pleins pouvoirs et lui demanda sa démission, Le dëcret 6manait des reprèsentants de la politique dans la Delegation de Tours, M. Cremieux et Glais-Bizoin. Le general repondit par la production (tune dépèche datée du même jour, sign6e par le Ministre de la Guerre, l'amiral Fourichon qui, au nom du méme Gouvernement,
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« rnaintenait intacts les attributions et les droits de l'autoritO militaire ». Le préfet et le general se mirent &accord pour tel6graphier Tours et demander une solution it leurs ministres respectifs; les réponses divergentes laissêrent subsister le conflit, dont Facuite s'aggravait d'heure en heure, en même temps quo l'exaspëration de l'esprit populaire. tin Bernier malentendu i Line depèche egarée ou tardivement revue dëtermina l'explosion. Challemiel-Lacour, comme s'il se ffit r is L la rernorque de Saigne le ordonna l'arrestation du general Mazure et porta sa decision a connaissance du public par une affiche, oft on lisait : « Je ne pouvais laisser flOchir l' au clue je Liens du seta pouvoiti régulier et lëgitime qui sort reconnu par la nation. J'ai done ordonne it la garde nationale de s'assurer de la personne d'un chef rebelle a la Republique. Je fa g s appel au patriotisme de Parm6e qu'elle aide la garde nationale h faire respecter la ioi, mars aussi qu'elle respecte la Par quelle Urange contradiction le Prefel
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pouvait-il parler de discipline, au moment oil inviLail 1'arm6e a se prêter a l'arrestation de son chef ? L'ordre d'arrestation avail aer, publie le octobre, a quatre heures du soir; it f t execute .entre dix et onze heures par des cornpagnies empruntées
chaque bataillon de la
garde nationale, comme pour associer a la yesponsabilite du préfet, lit. garde natio-nale tout en Liêre. Arrète k la caserne Bissuel, oft sa presence fut denoncee par les soldats au milieu desquels s'etait, réfugie, le general monta sans r6sistance darts une voiture decouverre, et r1 fut conduit a l'hOtel de y ille au milieu (rune foule qui poussait des huëes et des cris de rnort, et burlait la, Marseillaise, non pas le chant national et solennel que les fonctionnaires 6coutent debout et dOcouverts, mais la, Marseillaise des mauvais fours, 6cumante de rage et de sang impur. De chaque cote de la voiture couraient des porteurs de torches, qui eclairaient cette scene lugubre.
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Onand le general entra a l'hOtel de \Tulle, on n'eut, clue le temps do former derrière lui les grilles, pour en interdir faeces aux miserables qui voulaient massacrer ce vieillard. Cliallemel-Lacour Se prëcipita sa rencontre et l i entoura de ses bras, sans cacher son 6molion, comprenant un peu tard le danger auquel it l'avait expose. Je n'ai pas assisté t cette dramatique arresp6rilleux exode du general jusqu'à talion, ni la place de la Com6die. Yen parle d'apres les récits dont j'ai conserve l'angoissant souvenir. Les manifestations hostiles se proiongerent jusqu'it tine heure avancee de la null, autour de l'hOtel de vale. La foule, soupconnant qu'on avail relachë io general, exigeait qu'on le lui montrAt. Les rassemblements ne se dissipërent que vers les trois heures dit matin. Le Prdet a rendu compte a son Gouvernement de cette journte du Pr octobre dans une depeche qui mdrite de n'être pas oubliëe
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Prefet Lyon a Tours 2 octobre 1870.
Le general Mazure avant refuse deux foil de donner sa &mission, puis d'accepter sa revocation, ce refus s'est repandu. A deux heures, une vivo agitation a eclatá dans plusieurs quartiers, surtout populeux. Ne pouvant empecher le mouvement, j'ai dn m'en emparer pour le diriger. J'ai ordonne l'arrestation. Le genera[ est arrive le soir, entoure par la foule, au milieu des Cris. Elle voulait qu'il fat prornenë de rang en rang, j'ai resistë, non sans peril; j'ai vaincu...
MalgrO les ordres r6pOtes duGouvernement pour gull fCrt mis en libert6, detention du Commandant de l'armee de Lyon se prolongea jusqu'au 14 octobre. Du 1" au 4, fut enfermé dans une chambre de l'ItOtel de vile ; fut ensuiLe d6tenu dans une cent& de la prison Saint-Joseph. p est de lã que le general Mazure adressa Challemel-Lacour cette leare de protestation Lyon, 11 octobre 1870. MONSIEUR LE PIII,FETI
Voila dix fours quo lure ma detention preventive, et j'ignore encore de quel crime ou clClit je suis accuse et si une instruction se poursuit contre rnoi.
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Vous avez pu, en vertu des pouvoirs extraordinaires dont vous étes revau et par mesure d'ordre public faire proceder a mon arrestation. Je ]aisse de 64,6 la forme dans laquelle elle a eu lieu et les mesures quo vous avez negligees pour me soustraire aux insulter et aux manifestations sanguinaires dont j'ai ete l'objet mais je ne pense pas que vos pouvoirs puissent sikendre jusqu'it arrèter le tours de la justice, non plus qu'h modifier les compaences. Si, au lendemain de mon arrestation, alors que m'affirmant clue ma detention no serait que momentanëe, vous me le demandiez, pour ainsi dire, pour la forme, j'ai pu consentir a m'entretenir avec quelques delëguës du Conseil municipal, it nest janciais entre dans ma pensee de reconnaitre la competence de ce tribunal improvise. ce moment, vous me disiez clue, si la deliberation du Conseil municipal n'Otait pas conforme a vos desirs, vous prendriez sur vous d'ordonner, des le lendemain, et de voire propre autorite, mon Olargissernent. Malheureusement, vous subissiez, des l'origine, et vous subissez encore la pression de ce Conseil, dont vous appartient cependant de diriger, de contrOler et d'annuler au besoin les deliberations, et vous n'avez pas ose me rendre la liberte. Quoi gull en soit, vous n l ignorez pas, Monsieur le Prefet, quo je suis militaire et qu'il ce Litre Jo suis et ne puis etre justiciable quo des tribunaux militaires. Alais, cc clue vous ignorez petit-are, c'est que, vu ma qualite de general de division 1 0 au illinistre de hi
ARRESTATION DU GENERAL MAZURE
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Guerre seul appartient le droit de donner l'ordre former contre moi (art. 99 du Code de Justice taire); 2° qu'uue lois l'instruction terminee par les coins du rapporteur pres le Conseil de guerre et les pieces transrnises au general commandant la division, celui-ci doit les adresser au Ministre de la Guerre auquel seul appartient aussi le droit de statuer sur la mise en jugement (art. 108 du mere Code). J'ajouterai que, d'aprês Particle 228, est puni de mart tout militaire qui Arend un cornmandernent sans ordre ou motif lëgitime, ou qui le retient contre l'ordre de ses chefs. Vous reconnaitrez, Monsieur le Pre que, lorsqu'un homme est sous le coup d'une pënalitë si grave, it importe de lui donner des juges au plus tot. J'ai done l'honneur de vous renouveler ma protestation, contre l'abus que vous faites de pleins pouvoirs qui ne vous ont pas Ott') conferós sans doute pour supprimer le droit. Comme j'ai eu l'occasion de vous l'exprimer dans une premiere protestation, votre manière de proceder rappelle les plus mauvais fours du pouvoir absolu. i e me reserve d'exereer contre vous toutes poursuites scion la loi et par toutes voles de droit. En attendant, je dernande des juges. Recevez, etc. Signe MAzuRE, GEneral de division.
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Je me rendis chez le pr6ret, je lui dis que je consid6rais comme trrr devoir d'appuyer auprës de lui la protestation du general. Challernel me rdpondit avec la raideur qui lui
coutu-
miêre vis-h-vis de quiconque contrariait ses vues : it n'admettait pas que le Parquet se permit de juger une mesure de haute police gull avait prise dans l'intëra de la paix publique et en vertu de ses pleins pouvoirs. J'en référai au Procureur general qui avait dt6 saisi dune plainte du Conseil municipal
general Mazure. Il fut convenu que, sans m'arrieter a la question de competence, je contre le
requerrais (Fun juge &instruction tine orlonTrance de ncin-lieu. En cela peut-etre le Parquet a-t-il part outrepasser ses pouvoirs et confondre les juridictions? Mais it estimait qu'aucune consideration n'êtait plus pressa»le que de hater la mise en liberté du general. Le I 4octokre, aprês en avoir rev' Fordre formel de Gambetta, Challemel-Lacour rendait la liberte hson prisonnier et faisaitconnaitre à. ses administr6s les motifs de sa decision parraffiche suivante
ARRESTATION DU GENERAL MAZURE
143
Le Pre'fet du RitOne c ses concitoyens Vu diverses depêches desquelles it resulte que le general Mazure n'a pas regu en temps utile la notification de la concentration des pouvoirs entre les mains du prefet • Vu l'arrét de non-lieu du 13 octobre rendu sur la plainte du Conseil municipal contre le general au sujet dune distribution de cartouches faite sans ordres ; Vu l'ordre signë GAmBETTA 1 en date du 13 octobre, par lequel le Ministre mantle aupres de lui le general Mazure pour lui demander compte de ses actes ; Considerant enfin que, si des rnalentendus regrettables ont fete le trouble dans la ville, le public, qui ne dernande que justice, apprendra avec plaisir que l'enquete n'a revOlê a la charge du general aucune intention coupable; Le prdet du Rhone a Plionneur d'informer ses concitoyens gull a ordonne la mise en liberte du general Mazure et son depart immediat pour Tours. Lyon, 14 octobre 1810.
Sine :
CHALLEMEL-LACOUR.
CHAPITRE XIV IA BATAILLE DE NUITS L'ASSASSINAT DU COMMANDANT ARNAUD
L'acte d'apparente vigueur par lequel Challemel-Lacour venaii d'affirmer la suprematie de son autorite n'etait au fond qu'une capitulation. S'il avait ordonn6 l'arrestation du general commandant l'armee de Lyon, au risque d'accroitre rindiscipline des soldats, d'irriter les soupcons et d'attiser les haines de la foule con tre les chefs de l'armĂŠe; s'ilavait exposĂŠ un brave ofiicier, ern vieillard digne de sympathie et de respect aux plus coupables exces, c'est qu'i1 avait craint de perdre Futile prestige de la diciature, c'est qu'il avait redoutO l'agitation de la rue el les anises en demeure du Conseil municipal. La rue ne lui en sut pas gr6, et, cornme encourage par ce succes dont elle s'aitribuait la meilleure part, elle se pr6para a de nouveaux ddsordres.
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LA BATAILLE DE NM'S •■•••■1•1
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Le 19 decembre, on apprit a Lyon la bataille de Nuits, oil deux legions du .Tone, organisees par les soins de Challernel-Lacour, s'ëlaient, vaillamment hattues, mail krasees par des forces superieures, avaient suhi des pertes considerables. Des rumeurs sinistres se rêpandaient dans la vale ; on pretendait que nos legions avaient 6té entiêrement d6truites; on exagOrait le Hombre des morts. Ces douloureuses nouvelles arrivaient a point pour fa,voriser, dans leur criminelle entreprise, les instigateurs d'un nouveau complot. Le mere jour, 19 decembre, une reunion a lieu a la Croix-Mousse, salle Valentino, oft les orateurs les plus violents (rune basse demagogie, Bruyas, Choi, Denys Brach, Christophe Deloche font appel t i'dmeute et nomment des déldgues pour tiller soulever les sections dans les divers quartiers de la vale. Le 1pndernain mardi, nouvelle reunion dans la mere sane,
oa la population se Porte en
foule. Bruyas preside, Les actes suivent de to
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LA COMMUNE A LYON EN
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ET
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■••••■■•••■10.,
pres les discours. Sur une table, pros de la tribune, des cartouches sont disposees; on les distribue aux hommes armés. Une delegation de quatre hommes et deux femmes est nomm6e pour faire battre la generate dans les rues de la Croix-liousse une mitre pour Bonner le tocsin dans les ëglises du quartier (Saint-Denis, Saint-Augustin, Saint-Eucher). Deloche va chercher les ouvriëres de la cartoucherie de Cuire; elles font leur entrée en habits de deuil ; quelques-unes avec de longs voiles. Avis est donne a la reunion que le commandant Chavant, du 10 6 hataillon (Croix-Rousse), est a la mairie. Une bande va le sominer de faire battre la gen6rale. Chavant est un homme de comr, it r6pond qu'iI n'a pas d'ordres a recevoir de mauvais citoyens, insurgs contre le Gouvernement de la Republique ; la femme Brun se jette sur lui elle lui arrache son kepi et le soufflette. Le commandant est emmene a. Valentino, oh le president Bruyas explique le hut de la reunion qui est « de substituer un Gouvernement r6volutionnaire
celui qui siege
a
ASSASSINAT DU COMMANDANT ARNAUD
l'hOtel de vine
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Chavant s'indigne et -proteste
énergiquement. Vers midi, arrive sur la place le tisseur Arnaud, commandant du 12 e hataillon (Croix-Rousse), r6publicain convaincu,excellenthomme aime et estime de tous ses concitoyens. El a appris Farrestation de son college Chavant veut le secotirir. Lui aussi est somme de faire battre la gOnórale comme
p avan t, iI refuse ;
it est huc aux abords de la Salle une femme
lui crache a la figure it est renverse, roul6 par terre, au moment oCi ii cherche a de gainer son sabre. El se relève et veut s'ëchapper poursuivi, assailli de poings
a
est
coups de pieds, a coups
est atteint de deux coups de halo-
nettes. Tout sanglant, i1 saisit son revolver, moires pour se daendre que pour intimider la meute qui le menace et appeler au secours. Deux coups retentissent qui De visaient, qui Wont atteint personne. —
mort Brie la foule. 11 a tiro sur le peuple
Et lui, faisant face a ses agresseurs, les invective avec mepris.
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Tas de lathes Tas de traltres ! Vous demandez uric Republique et vows ne voulez que le pillage ! Nsarm6 par ses bourreaux, abandon n€ par ceux qul pouvaient lui porter secours, it est entrain6 a la salle Valentino. Qu'on l'emmene Valentino, vocifère pros de lui
tin
energumene, et gull "l i en sorte que
pour titre fusille Qnand it entre dans la salle de reunion, la fureur de la foule ëclate en injtires et devient du Mire. Le cordon nier Choi, ancien commissar re de police du 4 septembre, s'êlance a la tribune et montrant, comme piece a conviction, le revolver qui vient d'être enieve au mallieureux commandant « Le 'ache t dit-il pour tout requisitoire, iI a lire stir le peuple! » Un autre brandit le sabre d'Arnaud. Le commandant demande en vain la parole ; la justice révolutionnaire ne s'embarrasse pas des formali p s de la defense elle frappe ; elle n'êcoute pas. — A mort I A mort I crie la foule.
ASSASSINAT DU COMMANDANT ARNAUD
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Le verdict etait rendu. On condamnait alors comme on élisait, par acclamation. Arnaud est traine hors de la Salle. Lin cortege se forme qui se dingo ver y la place d'armes et le clo y Jouve. La marche est ouverte par cinq gars es nationaux derriere eux tine troupe de femmes polite des drapeaux, les uns rouges, les autres noirs. Un peloton de quarante hommes entoure laviclime. A leer tele s'agile tin individu qu'on remarque pour ses gu6tres blanches et son chapeau a hinges aites &est ce meme Deloche qui est MI6 chercher les ouvrieres a la cartoucherie.
ll tient le commandant par le collet de son uniforme et le pousse vers le lieu de son mart -re par la pente du boulevard de la Croix-Rousse. Le cortege continue sa marche au milieu d'une rot& enorme qui crie: « Fusillez-le! Arnaud est përe de famine ; sans doute, cette heure d6sesperee, it songe t ceuxaime, et qui ant besoin de son soutien; ce n'est,pas sun lui-meme clue son cur viril s'apitoie c'est sun sa pauvre femme, sun ses malheureux enfants.
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Mais voila gu'un basard heureux le raltache respoir de vivre a quelques pas it vient (Farrcevoir en armes la compagnie gull a cornmand6e comme capitaine avant d'él,re elu chef de bataillon. D'un regard, it reconnait des camarades, des membres de ce cercle de la
Ruche 436, durant de longues veill6es, sous l'Empire, ors buvait, ensemble
r la Repu-
blique » — A moi mes amis crie-t-il. A moi — A mort, ! A moi't r6pond la Ionic. El pas un homme de la compagnie ne repond a son appel ; pas un ne se daache du rang. Plus loin c'est le poste de la mairie moi, la garde nationale !
moi crie
urg e derniére lois Arnaud. Le tambour hat aux champs ; les hommes du poste sorbs en acmes rendent les honneurs militaires a
la justice du peuple! »
On est arrive au clos Jouve. L'homme aux guétres blanches commande
fait placer
Arnaud a quelques pas du mur. Quinze hommes se ddtachent du peloton et se mettent en face
ASSASSINAT DU COMMANDANT ARNAUD
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de lui; les au toes s'alignent a droite et t gauche pour con tenir la foule. Alors A rnaud, voyant que tout espoir est perdu, n'a plus qu'un souci : mourir en soldat et en republicain. 11 jette au loin son kepi ; it ouvre sa tunique, decouvre sa poitrine, et, le visage tourne vers ses assassins, melant, clans une derniére au culte de la Republique, le souvenir du gen6ral populaire qui la defend, de tout ce qui lui reste de voix, it crie : « \r ive la Republique Vive Garibaldi! Ce full le signal. Les fusils s'abaissent un feu de peloton reten lit. Arnaud tombe la face core tre terre; mais it West pas wort ; son corps se daat et sursaute dans la poussière et dans le sang. ce moment, un enfant de quinze ans s'avance hors du peloton et raclame l'honneur de « donner le coup de grace ». Cost le jeune Boyer, qui, entendant battre la generale, a pris le fusil de son pere, prês du métier tisser, et s'est rendu a Valentino.
152 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
Deloche saisit I'arme de ce gamin it la recharge et l'approche de la tempe d'Arnaud, la main du mourant, qui s'agite encore, &ark le canon; Deloche ramene le fusil, vise lentement et, d'un dernier coup a bout portant, met fin k cette horrible agonie. Surpris par le bruit loin tain des detonations, j'accourus du palais de justice
l'hOtel de
ville. Sur les marches du person, je rencontrai M. Ganguet, conseiller municipal, ami du commandant Arnaud, qui, avec des larmes dans les yeux eL des sanglots dans la voix, me raconta le drairie
venait d'ap -
prendre. signais aussitOt des ordres d'arrestation contre Deloche, Bruyas, Choi, Gros Denis dit Denys Brack, et contre tons ceux qui m'etaient signal6s comme avant prix part soit au crime meme, soit aux clĂŞsordres qui l'avaient precede. Je confiai l'exdcution de ces mandais a M. Goudchaud, colonel d'aat-major de la garde nationale, car nous n'avions toujours pas de police reguliĂŤre et je montai la Croix-Rousse avec
ASSASS1NAT DU COM M AN ❑ ANT ARNAUD
153
Fun de Ines substituts, 31. Durand, el M. Bonafos, juge d'instruction. Je rencontrai, pros de la Bare du funiculaire, la 4e compagnie du 12° bataillon, l'ancienne corn pagnie d'Arnaud, a laquelie it avait en vain dernande, secours. Ces liommes, l'arme au pied, r deux ra p s, restaient lE comme parifi6s. Lhchement, croyant peut-être au droit du peuple et
a l'application de la Ioi marticle, ils avaient laissO assassinerleur ancien capitaine, leur camarade, leur ami. J'apostrophai -vivement leur officier qui, dans l i alignernent, le sabre au poing, lie trouvait pas Line parole d'excuse ou de regret! La foule Mali menacante : — 11 n'a que ce
m6rite, disait un vieux
canut, en mAchant sa pipe. Si on avait fait, plus tot des exemples, disait un autre, it n'y aurait pas tart de traltres et de vendus. Un peu plus loin, je rencontrai le pharmacien Francfort, et tandis que je recueillais son têmoignage, pros de son officine, nous vim es passer l'affreux cortege qui revenait du clos Jouve, pr6--
i:;4 LA COMMUNE A LYON EN
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chid par les m6geres qui portaient les drapeauK oirs. Sur Fun de ces drapeaux, on lisait l'iroique devise : Liberté! Pgalit6
Fraternité !
Parmi ces femmes qu'on etrt dit dchappées d'un roman de Zola, on me montra la citoyenne Burnier, qui, en 1848, clans une fête civique, avait figur6 « la d6esse de la libert y ». liecouvert, d'un voile, le corps d'Arnaud avail 61.6 transports stir Line civiëre
mairie de la
Croix-Rousse ; l eCti, lieu une scene (1.6chirante. Prêvenue par des voisins, tie pouvant, croire son malheur, n ue rnaud Rait accourue quand ses mains iremblantes eurent soulevO le voile qui le cachait i sa vue, elle tomba6vanouie stir le cadavre de son mari. OR la, porta a son domicile sans qu'elle e it repris connaissance. Le 'Jour mOme ones:lours suivants, nous !Ames proc6der a [was de cinquante arrestations. L'instruction fut commencëe par 1‘.1M. Bonafos t Journel, juges d'instruction l'affaire fut ensuite defer6e a la justice militaire en vertu de Faat de siege, en suite d'un rapport de M. le substitut Clappier.
ASSASSINAT DU COMMANDANT ARNAUD
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Reprise par les juges militaires, l'instruction fationgue et, rninutieuse, et ne put aboutirqu'au rnois de mars 1871. Aprês un 6nergique r6quisitoire du capitaine Barret, commissaire du Gouverriement, et par arrét du deuxiême Conseil de guerre de la Se division militaire, en date du 21 mars 1871,
Deloche (Christophe) rut condamne mort rut execute. D'autres daenas furent I'objet de condamnations diverses aux travaux fora s, la rOclusion, it.l'emprisonnement. Trois uugitifs, Ballas, Bouveret, etias farentcondamnës mort ar conturnace; trois atitres, pour excitation la guerre civile, a la peine politique de la &pot-tation : c'ejaient Bruyas, Choi et Denys Brack, contre lesquels on n'avait pa relever des charges suffisantes de crime de davit coma un. Vers la même dale, la Cour d'assises du Rhone condamnait
aurae Deloche, frére du
precedent, qui avait ten to d'assassiner sa femme avec son fusil de garde national dans son atelier de tisseur. 11 serait injuste de confondre toes les Croix-
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lloussiens dans la r6probation qu'excite Fassassinat du commandantArnaud. Soitqu'ilsfussent descendus en vide l'heure of' les chefs (Fatehiers ont contume de visii.er les fabricants, soil, fussent retenus cliezeux par les exigences de leur travail, la plupart des habitants du quartier tie connurent qu'aprës son aceomplissement l'atienLat dont les peripëties n'avaicnt pas dur6 trois quarts d'heure. Le Conseil. municipal s'inspira
senliment
public en prena nt tine deliberation par laquelle ii decidait que la vale de Lyon adoptaiL les
trois enfants du commandant. Arnaud; qu'elle leur allotiait tine pension, ainsi qu't sa veuve; que les funérailles seraient faites aux frais de la gu'un emplacement de terrain serait cede gratuitement et a perpétuité a la famine. Le dëcembre, la population lyonnaise fit au commandant Arnaud de solennelles fundrailles. Gambetta vint a Lyon, accompagnë de Spuller, attester par sa presence les douloureuses s-ympathies du Gouvernementa Lorsqu'il descendit les marches de l'hOtel de
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.1■•■■■••■■■•■••
vine, avec le prget, le maire, le Conseil municipal, if fut chaleureusement acclama. In spirëes par des sentiments de patriotisme, ces acclamations s'adressaient l'homme qui repr6sentait alors la defense nationale et la lutte i outrauce. Derriere Gambetla, le Conseil municipal, les corps judiciaires et adrninislratifs, le general de la garde rationale et son kat-major, les delegations de tousles corps composant la gardenation ale, les gëneraux et les officiers de l'armee accompagnérent, au milieu d'un concours immense de population, le cercueil couvert de fleurs et de couronnes. Aucun pretre n'assistait ces funérailles.
ClIAPITRE XV ClIALLENIEL-LACOUR ET LA_ DEFENSE NATIONALE L'OEIJVRE MILITAIRE DU CONSEIL MUNICIPAL
L'liorreur repandue dans la vile par l'assassinat d'i-krnaud, l'arrestation des assassins, la solennite des funerailles, la venue de Gambella avaient concouru a tin mouvement de r6action favorable a l'autorite du Gouvernement et de ses reprOsen tants I. Chaliemel en profita pour consacrer ses efforts a Fcenvre d'organisation militaire el de defense iiationale qui fut, durant son s€jour a Lyon, 4. Par arrête du 21 clecembre, le prefet interdit les reunions publiques. « Attendu, dit-il, qu'il est impossible de tolerer des Assemblees factieuses oft des inalfaiteurs travaillent ouverteinent detruire le Gouvernement de Ia. Republique ; — Attendu qu'en face de l'ennemi les bons citoyens doivent vaguer en paix l'ceuvre de la, defense nationale et quo cette couvre ne saurait etre entra,vee par des agitations coupables; Attendu qu'il fart arriAer an pins tit des menees dans lesquelles it est facile du reconnaitre la main des strangers et des ennemis de la France; AluiRTE : Les reunions publiques sont interdites jusqu'a nouvel ordre.
CHALLEMEL–LACOUR ET LA DEFENSE NATIONALE
159
avec le maintien de l'ordre, sa plus haute preoccupation. Souvent it m'a r6pète
« Je suis ici pour
maintenir l'ordre et armer la \Tulle. Je veux empêcher la guerre civile, mettre Lyon en tat de resister, et concourir de mon mieux a la U-Cense nationale. »
.
SecondO par l'elan patriolique de la poputaHon lyonnaise, it contracta de nombreux marches pour armer et, &piper les troupes en formation a. Lyon ou mêmi les corps de passage, auxquels ii ouvrit largement„ trop largement, pea-etre, les magasins de FrAat. 11 cr e a ces vaillantes legions du HhUne, qui se sont battues comme de vieilles troupes a Nuits on la I re legion perdit, avec le tiers de son effectir,
son glorieux chef, le colonel Ci eler 1 , et sous Bourbaki pendant la campagne de PEA. On lui 1. Le colonel Celer est rnort it Nikon quelques jours aprbs sa blessure. On a prélendu avait 616 tale par Lin de ses 16gionnaires : « Ce n'est pas Line balle prussienne qui in'a frappe, A aurait-il tlit lui-même avant de mourir. Mais ce doulouretix soupcon, qui assort brit ses derniOres lieures, a Re dOrnenti par les constatations rnedicales (Voir le rapport du D r A. Aubert, public dans le Courrier de Lyon du 1. " janvier 4871). Des actes graves d'indiscipline s'étaient passes a. Villefranclie,
160
LA COMMUNE A LYON EN 18 0 ET
1871
dolt aussi ces ligions &Alsace-Lorraine, cornpos6es de onze mille Lorrains
ou
des departements envahis, tin
Alsaciens genus un, en trom-
pant la vigilance de rennemi, la nuit, par des chemins de traverse; passant par la. Suisse et se rendant Lyon pour °Nil . au dëcret de mobilisation et donner a la patrie ce gage supreme de fidélit6. loins heureuses que les legions du 1111One, celles d'Alsace-Lorraine ne furent pas prètes temps pour marcher t l'ennerni. La signature de !'armistice vint les surprendre avant que leur armement
ter mine; mais tons les Lyonnais
out pu applaudir, avec un patriotique orgueil, leur belle teiiue, lour martiale allure a la revue du 5 fëvrier, sur la place Bellecour. .le ne puis laissei' passer
nos
ligions sans
donner un souvenir a M. Berenger qui, Landis le lendeniain du depart de la Ire 16gion. Les soldats Pierre Gasmann, Louis liouveron, ]oanny Millon, traduits (levant la Cour martiale et declares coupables a l'unanimite d'insultes et de rebellion envers leurs superieurs, furent passes par les arms en presence des troupes reunies cet of `et. L'opinion testa persuaduee que la rnort du colonel Celer devait être attribude au ressentirnent de ces rigueurs.
CI] ALLEMEL-LACOUR ET LA DEFENSE NATIONALE
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que taut d'autres cherchaient dans les fonctions publiques un refuge contre le devoir militaire, quitta sa robe de mtigistrat pour s'engager dans la 1 re legion du Rhone, fut blessé a la balaille de Nuits, el modestement, sans grade ni galons, pendant cette dare campagne d'hiver, donna I'exemple du pairiotisme et de l'honneur. L'ooeuvre hative de Challemel-Lacour ne fut pas exempte de critiquaes merit6es. L'insuffisance du drag qui habillait nos legions, et que huit fours de campagne mettaient en lambeaux, la qualité non moms defectueuse des souliers, prudente decision qui abandonnait aux chefs de corps le droit de contractor des traites, la malheureuse concurrence et l'advation des prix qui en r6sultait, des grades 61ev6s trop facilement accordes, des revocations trop legérement prononcées, et, dans un autre ordre d'idées, les requisitions d'etablissements religieux, transformes en casernes moms dans Fintéret de la defense rationale que pour la satisfaction (rune démocratie hostile aux congregations, lui ont êtê durement reproches. rn
462 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
Mais en regard de ce passif que les circonstances atidnuent si elles ne le justifient pas, Taut, pour arriver a une jusle balance, porter a l'actif de Challemel-Lacour cing legions du p hone, trois legions d'Alsace-Lorraine, vingtsix mule hommes equipés, en cadres, instruits une bonne artillerie et de bons chevaux donlids
chacune de ces legions ; tine école (Far-
tillerie crdëe dans un moment ou notre armee manquait surtout d'artilleurs, enfin Lyon transforms en un puissant arsenal au milieu d'un camp retranclid. De son cote le Conseil municipal, avec son Co its de defense preside par mon ancien confrere Ferrouillat, plus Lard sênateur du Var et Garde des Sceaux, faisait des achats d'armes et de munitions, cr6ait, des ateliers pour en fabriquer. Mais, plus encore que la prefecture, le Conseil municipal, par cela mere 6manait de l'Oection, subissait la pression de l'opinion populaire qui exigeait des armes avec fr6nésie, donnait sa, confiance aux inventions les plus bizarres et imposait a ses
L CEUVRE NIILITAIRE DU CONSEIL MUNICIPAL
163
êlus les engins de guerre les moins serieux. C'est ainsi que fut adoptë et construct, malgré l'avis d'un eminent officier du genie, le general Serr6 de Riviêre, macs sur la, proposition du Comité municipal de defense, assista d'un Comile scientifique, le camp roulant du gen6ral polonais Mierolawski. Ce héros de l'insurreclion de 1863 Woos apportait un systeme imaginO pour la guerre de partisans. Un mknoire de Finventeur r6sumait les avantages du « camp roulant » dont le systéme reposait principalement sur la resistance des matieres matelassées et sur la propriaë des plans inclines de faire ricocher les projectiles. On y voyait le sac-bouclier qui r6siste aux balles, tient lieu de havresac et de giberne la pelle-visiere qui, portée en tete par le fantassin, Goncourt avec le tablier de toile de tente pile en douze, a le proteger par une armure impenetrable ; la char-mantelet, ou pare-boulets qui fait ricocher les projectiles, et crée une zone de securité dans l'intArieur de laquelle
1.64 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
on peat braver les feux de l'artillerie mail surtout les chars hussites, qui semblent emprunths aux Perses et aux Sarmates : « uls forment, dit Mierolawski, un systême de forti-
fications veloces its sont imp6nëtrables aux balles de fusil, inabordables a la cavalerie; its pënétrent la course dans les masses ennemies et peuvent alors se hAris.ser de lames tran-
Mantes, puffs, au moyen (Fun mouvement de rotation, bala);er tout autour d'eux dans un rayon de soixante metres ; par les temps calmes, ils permettent de passer de petits bras de mer. Mais qu'est-ce aupres de « la fusee-satin ^ , capable de consumer Line armee et dont le secret est °flea a la, vile de Lyon par son inventeur le citoyen Paul, courtier a Marseille,
qui demande deux mile francs pour ses frais de voyage? Qu'est-ce encore aupres de cant d'autres appareils fusants ou detonants, 04 la dynamite, le chromate rouge de potasse, l'acide sulfurique, les hobines Ruhmkorff, seduisaient par leur aspect scientifique tion populaire, et Fignorance de nos conseillers
CEUVRE MILITAIRE DU CONSEIL MUNICIPAL 165
municipaux, et relevaient les courages par fillusion d'ur art militaire nouveau ? Apr& tin tiers de siècle,
nous
ne voyons
plus guere que le cote ridicule de tons ces engins. Mais, pour juger equitablement l'elTort parfois 4'016 de ses representants, it Taut se reporter au milieu de cette population ardente, qui s'attendait aux souffrances (Fun siege prochain ; dont le patriotisme n'etait meld (Paucune forranterie, et qui etait sincêrcment résolue a se d gendre jusqu'h la derniëre extremite t. 1. Dans son rapport a l'Assemblee nationals sur « les marches conclus 5. Lyon », je comte Louis de S6gur a rendu au patriotime des Lyonnais ce ternoignage non suspect « Le IlliOne ete un des foyers les phis ardents de la defense. La population a montre un reel patriolisule. »
CHAP1TRE XVI UN AVENTUR1ER. - LE CORPS DES VENGEURS
lei doit se placer un incident de Ia dictacture de Gambetta, ou j'ai ete mete contre mon gre, et qui, s'il trouve son explication dans le loi.iable dessein de faire sortir de terre des legions, fait moires d'honneur a la ponderation et a la prudence du grand improvisateur de la defense nationale. Verb s Ia fin d'octobre, ou dans les premiers jours de novembre, je reus visite d'un kranger, v
a mon parquet la
(fun costume de franc-
tireur, se disant Polonais et se presentant sous le nom de Malicki. 11 me d6veloppa tin plan fort audacieux de diversion contre Yarn-tee allemande ; it s'exprimait fort Bien en notre langue, it paraissait resolu autant qu'intelligent; je pensais nem'appartenait pas de u Glasser son projet, sans suite Âť, et a daaut dune lettre de recomman-
LE CORPS DES VENGEURS -..■.".•.■-■••••-■••
167 ■■■••••••1•■•
dation gull sollicitait de moi, je me bornai Iui donner un mot d'introduction, priant le Ministre de la Guerre d'examiner quel cas convenait de faire de ses proposition. On juge de mon etonnement quand je vis revenir cet inconnu deux semaines plus lard avec le grade de cher de balaillon, chargé de commander le « Corps des Vengeurs », et porteur d'un decrei date du 14 novembre ainsi concu Le Ministre de la Guerre et de l'Interieur ouvre M. le pr get du Rhone, stir les fonds de l'intërieur, un credit de 300.000 francs. Le pr get deivrera les fonds demands par le chef du Corps des Vengeurs sur ordonnances delivrees par M. Andrieux, procureur de la Republique a Lyon, assistd d'un Comite de notables citoyens de cette vine
I.
» Dans la fiévre de la
lutte, Gambetta, pour former une armee, Somme pour recruter son parti, acceptait tout ce qui s'offrait, sans faire le triage des stories. I. J'etais d'ailleurs avis6 de I sOrange mission qui in' fait confiee, par une lettre signet Jules Cazot, secretaire* general, delegue au dëpartenient de l'Intërieur.
168
LA COMMUNE A LYON EN
Mon premier mouvernent,
1870 ET 1871 je crois Bien que
&Rail, le bon, — fut de re fuser le Omoignage de confiance que me donnait le Ministre de la Guerre et dont j i etais surpris plus encore que flatt6. Je m i en ouvris au préfet j'invoquai mes charges deja tires lourdes, radministration de mon parquet, ma presence a l'audience et mes conclusions nkessaires dans les causes importantes, et surtout la responsabilit6 de veiller incessammen I au main lien de l'ordre en liabsence (rune police reguliëre. Challemel insista
avait
rep l'avis que le Gouvernement voulait confier
a Malieki une mission secrete, et s'en reservait la direction ; it rn i assuraque le genéral commandant la division avail tine estime particuHere pour les con naissa nces militaires dont avail fait preuve Malicki dans un recent entretien me demanda de ne pas me soustraire a une Wile don t ii consid6rai t Facceptation comme un devoir. ne me restait qu'a former un Comit6 de bons citovens, capables d i assis ter le commandant Malicki dans ses achals d'armes et d i equipements, et de con trOler sa gestion.
LE CORPS DES VENGEURS
169
Je mis r leer tote M. Ganguet, conseiller municipal, un fort honnète homme, très pairiote, qui avait acquis quelque experience des questionsd'intendance dans sa fonction de pr6sident du Comite. de la. Guerre Pour le procureur de la République, le ct_llé séduisant du projet de Malicki, c'est qu'll avail promis d'enrOler sous une discipline severe et de conduire bientOt a la frontiere ces francstireurs errants, parrni lesquels beaucoup d'étrangers, venus d'Italie, d'Angleterre, de Gréce, &Egypte, etc., dont Poisivete 6tait une cause de scandale dans la vine et une perpétuelle menace pour l'ordre public. Les lenteurs de son organisation ne tar(Went pas a ebranler
confiance qu'avail
d'aleord inspirée l'ascendant extraordinaire de cet aventlirier sur les hommes de toute natioDeposition de Ganguet devant la Commission d'enquete «Si nous nous chargions de tant de besogne, B l est triste h dire, mais c'est que nous d'avions que peu de monde fL qui nous onions confier ces chores... Aujourd'hui on trouve beaucoup de Bens qui veulent servir, mais alors on n'en trouvait pas. On s'entendait dire : <.( Or: va vous fusilier ››, comme on dit aujourd'hui : « Comment vous portez-vous?»
170 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871.
nalite dont ii prenait le commandement. Tant qu'il ne s'agit que d'acheter des uniformes, des hottes, des fusils, des revolvers, des mitrailleuses, des chevaux, des mulets, des drapeaux, des clairons, des tambours, en un mot de (16penser le montant du credit ouvert par le €16cret du 14 novembre, Maheld fit preuve de beaucoup d'activi16. Mais, quand it fallut marcher a Pennemi, son ardeur se refroidit, et, pour le contraindre au depart, je dus le menacer de mesures de rigueur. 11 quitta Lyon, mail s'arreta a Tarare, cheflieu de canton dares le dêpartement du Rhone, et y 6Lablit son quartier general. 11 s'y attarda sous divers prkextes; pour Fen deloger, hit de nouvelles menaces. Enlin it se dirigea very la frontière de Hsi. Le janvier, les « Yencreurs » eurent tine rencontre a Abbevillers avec un corps prussien. Pendant torte la duree de rengagement, Malicki se tint a distance ; monte sur le Wit- (nine maison, it observa avec sa lunette les mouvements des combattank quand sa troupe se daanda, 6crasëe par
171
LE CORPS DES VENGEURS
des forces plus nombreuses et mieux preparĂŤes,
ii ne chercha pas h rattier ses hommes;
s'en-
Mt en Suisse, sans outlier d'emporter avec lui la caisse du Corps des Vengeurs et le reliquat du credit destine au pavement de la solde. On n'a plus revu Mafield, et son nom n'a plus 61.6 prononce que devant le Conseil de Guerre de la 9e division militaire, siegeant a Besancon, qui l'a condamne par contumace a vingt ans de travaux fords pour desertion en presence de 1 ennemi et vol de deniers appal-tenant a
I Aat. La on a affirme que son veritable nom Rail Geleski et qu'il avail 616 condamn6 en Russie afr six ans de detention pour vol it l'Universii6 de Mew. Je ne puss
11
i confii'mer, Ili dementir cette
imputation, dont je De commis pas l'origine. Dans son discours du 30 janvier 1873 a l'Assembic'e nationale, Cliallemel-Lacour a dit comment Mahal avait carte la confiance du Gouvernement, Celle du general Bressoles, la sienne -rn 'erne, et, it a ajoute u Cet homme trompait tout le monde; it avait Fair (Fun soldat,
un
172 LA. COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
aventurier;
unlache &Rail, un traltre 1.
11 serait injusle de coniondre dans un merne mOpris, avec leur chef', les ofticiers et les hommes du Corps des Vengeurs. Ceux-ci, sous le cornmandement du capitaine Darcy, sourfrant de la fair, le visage fouettĂŞ par on vent de glace, enterres dans la neige jusqu'aux genoux, on', fail courageusement leur devoir. 1. o Le Ministre de la Guerre lui avail donne un chifire et communiquait avec lui par diipeches secretes. > (Rapport du comte L. de Segur l'Assemblee nationale.1
CHAPITRE XVII « FUSILLEZ-MOI CES GEMS-LA )).
CARAYON-LATOUR
ET LES MOBILES DE LA GIRONDE
Parmi les troupes qui séjournerent a Lyon ou dans la banlieue, it faut, a raison (rinddents qui emurent l'opinion, rappeler le bataillon des mobiles de la Gironde, commando par M. de Carayon-Latour. Cantonne provisoirement aVenissieux, dont la municipalite, a I'exemple de cello de Lyon, avail arboré le drapeau rouge, le commandant de Carayon-Latour, des son arriv6e dans ceite commune, faisait abattre ce drapeau par ses hommes sous les yeux du maire courroucé. ce crime de lose-majeste, les Girondins avaient-ils ajoute quelques menus faits de maraude ou quelques exces de galanterie ? Carayon dit « non » le maire de Wnissieux dit « oui ». Toujours est-il que le premier ma-
174 LA COMMUNE A LYON EN 4870 ET 1871
gistrat de la commune adressa au préfet un rapport fulgurant, of it dOpeignait le commandant Carayon et ses mobiles sous les traits d'aventuriers, vivant a Vënissieux comme en pays conquis, et ne respeciant ni les femmes, ni les poulaillers, 'Ili la. Republique. Challemel. partagea l'indignation du maire, et transmit le rapport au general commandant la division, avec cette annotation tracée d'iine plume irralechie
« Fusillez-moi tons ces
Bens-la! » Fort heureusement le general Bressoles connaissait l'humeur de Challemel pour ravoir 6prouvee lui-meme; it ne grit pas au tragique son annotation. Les mobiles d'ailleurs partaient quelques fours aprés pour 1'arm6e de l'Est, its se comportaient vaillamment. Deux annees s'etaient 6coulées devenus cotlégues
l'Assemblk nationale, Challemel y
représentait les Bouches-du-Rhone, et Carayon la. Gironde. Le 30 janvier 1873, Challemel-Lacour fit ses debuts a la tribune dans la discussion du rap-
CARAYON-LA.TOUR, LES MOBILES DE LA GIRO DE
175
port du Comte Louis de Segur stir les marches contracths h. Lyon pendant la guerre. ll repoussa avec une correction de langage peu commune et une 616gante impertinence les attaques dont son administration avait 61.6 l'objet sa parole dégage de toute emphase, de toute hoursouflure, de toute expression triviale ou vulgaire, eclipsa ce jour-la l'éloquence de Gambetta et ses amis le proclamerent le Premier orateur du Marti republicain. Mais it avait eu la fãcheuse inspiration de faire appel au tëmoignage de Fancier' commandant des mobiles de la Gironde, et Carayon ainsi appelé a la tribune y fit la declaration suivante eu l'honneur de commander un hataillon de mobiles. A mon arrivêe a Lyon, j'ai eu la douleur de voir le drapeau rouge sur l'hOtel de vine. Mon bataillon fut envoye dans un village des environs, a Vdnissieux. Mes mobiles n'etaient pas depuis quatre heures dans ce village que le drapeau rouge Mall enlevë. Le maire de Wnissieux adressa un rapport au
176 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
pr6fet coil Ire le commandant, les officiers, sousofficiers et soldats du bataillon. Me trouvant chez le general Bressoles, j'ai vu le rapport du make de Venisseux qui avait 616 envoyd au general. Or en tete j'ai lu
« Faites-moi fusil-
ier tous ces gens-la. Signe: Challemel-Lacour. » Ces paroles fu rent accueillies a droite par des cris &indignation, a gauche avec tine morne altitude. Challemel gravit lentement les marches de la tribune. Tout emu, ayant perdu toute assurance, it dit qu'i1 ne se rappelait plus; qu'il ne doutait pas de raffirmation de M. de CarayonLatour, mais qu'elle devait etre le r6sultat &tune erreur qu'il ëtait indispensable de retrouver la piece. Alors une auLre voix s'ëleva, Celle du comte Rampon, dont l'autoritë êtait grande aupres de tous les partis dans l'Assemblde rationale • — Du moment que M. de Carayon-Latour dit qu'il a vu, it n'y a pas d'enquéte faire. Challemel etait dêsargonne. 11 reprit et com-
CARAYON-LATOUR, LES MOBILES DE LA GIRONDE 177
plka A la sĂŠance du lendernain ses explications ernbarrassks Nest-il pas probable, dit-il, que cette annotation sur an rapport que fai retivoy6 au general commandant la division, ait simplernent voulu dire : ity a la du desordre, de l'indiscipline ; des faits graves me sont signales ; v6rifiez, et s'ils sont vrais, sĂŤvissez avec vigueur. Qui jarnais a pu penser que cette annotation Nit nil ordre? Sans doute La mauvaise foi des partis et l'aveuglement des passions politiques ont pu seuls prendre a la lettre cette annotation, et supposer que le prdet avait mediae de faire dans Wnissieux une hĂŤcatornbe de Girondins. Mais it fact avouer pie cet administrateur, pour ordonner une enquete, avait d'etranges facons.
12
CRAPITRE XVIII LE GENERAL BRESSOLES LA CORRESPONDANCE DU PR2FET
Les pleins pouvoirs furent du g s aux ofliciers places sous la dictature de Challemel-Latour. Apres le general Mazure emprisonné, le gairal Bressoles, plus sou pie el plus desireux de plaire, n'6vita cependant pas la disgrace. Cet officier avait commando le 72° de ligne la bataille de Sedan. 11 s' fait6vad6 t I l ont-itMousson, sans avoir pris aucun engagement avec l'ennemi
puts, .d6guisO en pa)-san,
avait bravement traverse l'arm6e allemande, au risque d'être fusillO, el s'ëtait rendu Tours oil
6LC nornme general de bri-
gade. Le 7 octobre, it 6Lait
Vierzon ou i1 allait
prendre le commandement de la brigade qui
liii avait ete designee, lorsqu'un t616gramme
LE GENERAL BRESSOLES
179
■=a■m.••■■■••■•••
imprevu lui enjoignit (faller a Lyon pour commander la. S e division militaire. Trois fours plus turd, it recevait ce commandement des mains du general de Montfort qui en avait 646 chargé provisoirement. C'est par suite d'une erreur et d'une lacune dans ses souvenirs que le general Bressoles a declare, dans son temoignage devant la Commission d'enquelie qu'a cette date son predêcesseur venait d'être mis erg libertê. La verite est que le general Mature ne quitta la prison Saint-Joseph que le 14 octobre. Arrive avec le €16sir de conqu6rir les tonnes graces de l'autoritê civile, le general Bressoles ne tarda pas a sentir I'amertume (rune subordination rendue plus difficile par le ton imperatif et dódaigneux de hi correspondance pr6fectorale. 11 s'en plaignit aChallem.el-Lacour, et l'avertit qu i d allait en referer an ministre. Challemel prit les devant et adressa aGam1. Deposition du general Bressoles devant la Cornniission d'enquête sur o les marches », presidee par le due d'AuditiretPasquier, 22 juillet 1872.
180 LA. COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
betta, une le tare qui r6surne toes ses griefs, et, fait connaltre 1:6Lat des rapports de l'autorite civile et de l'autorite militaire Lyon, au mois de novembre 1870 CABINET DU PRi:FET DU RHONE COMMISSA IRE EXTRA OIADINAIRE DE LA REPUBLIQUE.
Lyon, le 28 noveinbre 1810.
MONSIEUR LE MINISTHEI
M. Bressoles, general de brigade, chargé du comrnandement de la huitierne division, me fait l'honneur blessó du ton de mes lettres, iI ne pent de m'avertir supporter plus longtemps cette situation et va votis en rgerer. 11 est triste qu'on aille, en vous initiant a ces querelles, vous derober ui temps prêcieux; it serait plus triste encore qu'elles eussent pour effet de compromettre ou d'entraver le service. C'est pourquoi it vous appartient de les apaiser. Je ne saurais vous envoyer copie de mes lettres, dont j'ai le tort, au milieu des affaires qui rn'assaillent, de ne pas toujours garder la minute. J'ai toutefois une asset grande habitude crecrire pour etre Or de n'avoir jamais manqué, rnalgre la rapidite obhgee de cette
LE GENERAL BRESSOLES
correspondence, aux régles de la plus parlaite courtoisie. Si done M. le general Bressoles s'est blesse, c'est qu'il l'a voulu ; et it est a croire, en effet, qu'il l'a voulu. La situation nest pas pour lui, a Lyon, ce qu'il voudrait qu'elle m'a étá facile, des les premiers jours, d'apercevoir ("tie le rOle.subordonnê de ll autorite militaire lui plaisait pelt. 11 y a longtemps qu'au grand peril de la paix publique a Lyon it serait devenu le maitre, si je ne rn'étais d gendu avec politesse, mais avec ferrnetê, contre ses essais repetes d'envabissement. Ebloui peut-titre par le hasard qui, du rang de general de fraiche date, le portait a Fun des premiers cornmandements de France, i1 ne me cachait pas, presque au lendemain de son arrivee, son desir d'être nomm6 ministre de la Guerre, et it ne dédaignait pas de soullciter de ma part un coneours que je n'êtais nullernent en etat de Ixiz accorder. Depuis, par un manege asset adroit, it avait obtenu du Conseil municipal qu'il envoyat aupres de vous une delegation pour demander en sa faveur le grade de general de division; on crut devoir auparavant me demander avis; et cet avis eut le tort, quo M. le general Bressoles n'a pas ignore, de n'kre pas conforme a ses desirs. II y a huit jours, une maladresse insigne de sa part 1, 1. Le 17 novembre, le general Bressoles avait fait enlever un drapeau rouge qui decorait le Fortin des Alerciéres, rècemment acheve", aux chantiers natiorkaux. De IA une grande agitation parmi les orivriers des chantiers, et !'intervention du prefet.
18 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
beaucoup disent une provocation calculëe, a failli faire renaitre le dêsordre et mettre les chantiers en combustion. J'ai du intervenir encore pour assurer la paix. Bref des faits nombreux attestant l'ambition irritêe de cejeune general, l'impatience avec laquelle ii supporte la part faire par la Republique a l'autorith civile, la susceptibilite ridicule qu i ll eprouve ou qu'il affecte en toute circonstance a son ëgard.
Le pre /1a du .hone, CHALLEMEL-LACOUR.
Le general Bressoles fut remplacé le 20 decembre suivant par le g6n6ral Crouzat.
CHAPITRE XIX LE COMITE LYONNAIS DE L'ARMEE DES VOSGES. LETTRES DE GARIBALDI. - LE CARTEL DU COLONEL BORDONE.
Pendant cette p6riode de trouble et de confusion, sous l'autoritè d'un procureur g6neral, dont la confiance s'en rapportait a moi pour touter les initiatives, a cote d'un praet tranger a la vine fonction dont
administrait autant
la
investi, je sty is souvent sorti
de mes attributions de magistrat, ou du moires je les ai cumul6es avec les charges les plus diverses. peine investi par Gambetia du commandement general de « l'armee des Vosges », c'est-hdire d'Ithe arrn6e a former dans un pays envahi, Garibaldi n'imaginait-il pas de s'adresser moi, soit pour le recrutement, soit pour l'equipement de ses volonlaires?
184 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
11 m'êcrivait de Dole le 21 octobre
MON CHER ANDRIEUNI
Nous voulons faire quelque chose et nous sommes entravës par des difficultës infinies. Voulez-vous rre servir de pourvoyeur pour Parmëe que 1'honneur de commander ? Je vous remets une co pie de mes pouvoirs, ernanës du Ministre de l'IntOrieur et de la Guerre, et je vous prie de m'acheter en attendant dix mile couvertures de laine tonnes, d ix mille chemises de laine et dix mille paires de bons souliers. Si on peut trouver des gibernes et des ceinturons confectionnes, ayez la complaisance (Fen ordonner cing mille. Ma lettre vous servira de pouvoir pour ces acquisitions. Votre dêvoué, G.
GARIBALDI.
La piece suivante kali, incluse dans cette lettre. Le Ministre de l'Intêrieur et de la Guerre autorise le general Garibaldi personnellernent a signer les requisitions relatives a l'exëcution de la mission
LETTRES DE GARIBALDI
185
de guerre dont it a êtO chargé et gull a acceptee. Les requisitions devront toujours porter la signature du general Garibaldi. Fait a Besancon, le 18 octobre 4870.
Le Ministre de C Interieur et de la Guerre, Signg : Leon
GAMBETTA,
Je ne connaissais pas Garibaldi; je ne l'avais jamais vu; it m'ecrivait pour la premiere fois, et j'étais d'ernbi6e sacré « son cher Andrieux ». On comprendra quel honneur c'Citait pour
si I'on veut Bien conger h l'exiraordinaire popularite dont Garibaldi jouissait a Lyon. A ppelë comme un sauveur par del iterations successives du Comitd de Salut public et du Conseil municipal, it venait d'etre nomme a ciloyen de Lyon » par cette derniere Assemblee en un ordre du jour vraiment dithyrambique, dont je retiens les dernieres lignes « Consid6rant que l'Ametrique s'est fait un point d'honneur de decerner a ce glorieux soldat de lalibertó, ce redoutable ennemi de loutes les tyrannies, le titre de citoven de la ildpublique am6ricaine
180 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
decerne au general Garibaldi, ciloyen italien et américain, le titre de citoyen lyonnais, et se declare tier de l'attacher ainsi it, la Republique Francaise par cette nouvelle initiative de Lyon. )) Un conseiller municipal, le D r Crestin, ma'ue du Ill e arrondissement de la vine, trouvant sans doute trop platonique cette manifestation de conliance et de sympathie, avait, par surenchére, propose que Garibaldi lilt adjoin I au Gouvernement de la Defense rationale. vrai dire, le Gouvernement Malt loin de s'associer a remballement des Lyonnais. Gambetta avait subi le concours de Garibaldi que lui imposait l l opinion populaire mais it eCit pr6f6r6 que le heros de l'indépendance italienne ne quitta pas sort rocher de Caprera. Qcant a Challemel-Lacour, la depêche suivante, adressee au Ministre de la Guerre, dit asset clairement
pensait
On annonce de tons cotes la venue de Garibaldi a Lyon. Dans les reunions politiques, on decide Tell sera nomme general en chef des armees de la Repu-
LETTRES DE GARIBALDI
187
blique. Plusieurs veulent l'associer a luseret. Sa venue a Lyon serait le signal de l'anarchie. Veuillez dormer des ordres pour gull demeure a Chagny. Le prefer,
LSigne P.
CEIALLEMEL.
Je ne partageais ni l'enthousiasme du Conseil municipal pour l'ancien adversaire de nos 0161-aux a Rome eta entana, ni les apprehensions excessives et la sourde hostilite du praet. J'6tais reconnaissant t Garibaldi de no us avoir apporte le prestige de sa renommée, le concours de son experience et de
SOD
courage,
comme je l'ëtais a M. de Cathelineau d'avoir mis au service de la patrie en danger l'appui des royalistes vendeens. Je fis de mon mieux pour alder dans sa tâche le general en chef de l'armee des Vosges. Nepouvant me charger moi-môme des diverses acquisitions gull me demandait et desirant que la responsabiiite en ft partag6e, je formai sous ma pr6sidence un Comité qui prit le titre de « ComitO lyonnais de I'armee des Vosges ».
188
LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET
t871
Les braves gens qui le cornposaient etaient fort d6sinteressës; mais, en change de leers s p ins et de leur denouement, it leur parut quion pouvait hien leur octroyer quelques-uns de ces pions (For ou r &argent, qui flattent un citoyen d'autont plus gull est moms militaire, et dont le Gouvernement se montrait aloes si prodigtie. ,le ne pus refuser de faire connaltre lour d6sir au general Garibaldi qui me répondit At tinge, 27 octobre 1810. MON CHER ANDR1EUX1
Ignorant comme je suis du personnel du Comitë urganisateur de Lyon, je ne pourrais determiner leur crrade. Ayez done la bontë de reunir ur g e Commission cornpetente a ce sujet; et je demanderai l'approbation du Gouvernement. Faccepte l'offre des medecins pour completer notre ambulance, et je vous prie de les diriger au D r Riboli qui en est le chef. Merci pour tout ce que vous faites et ferez pour nous. Votre devoue, GAIIIBALot.
LETTRES DE GARIBALDI
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Je priai mes collégues de ne pas insister : ifs firent a la Patrie le sacrifice des galons roves. lls !fen furent pas morons 7,616s remplir la mission (p i ns avaient acceptOe, et, dans sa lettre du 8 novembre, Garibaldi m'expi'ima de nouveau sa satisfaction : 1)61e, 8 novernbre 1870. MON cin
AND111EUX,
Merci de eceur pour tout ce que vous avez fait pour nous. Nous allons effectuer un mouvement sur la gauche et aprös, le colonel Bordone (peat-etre domain) ilia. a Lyon pour rêgier toutes chosen avec vous. En attendant, nous vous avons envoye le major Casteliazzo se charger du depot de Lyon. Castellazzo est un officier de beaucoup de merits. Les prisons de l'Autriche et du Pape, desquelles vient de sortir, Pont un pen affeetê moralement et pitysiquement. II. aura done besoin de votre precieuse assistance. Notre dëvouë, G. CARIBALDI.
Le colonel liordone, do tit est question dans cette lettre, êtait le chef d'etat-major de Gari-
190 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871 •■•••
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....r..■••■■■■•■■■■•■■■•■■■■■•■■■••■■•■■•
■••■
•.p.
baldi dont it avait toute la confiance, maigrO quelques antecedents facheux. Alors age de quarante-neuf ans, d'apres les notes que j'ai conservees, ne a, Avignon de Joseph-Antoine Bordone, et de Christine Marchisio, it exergait au chef-lieu du departement de Vaucluse la, profession de pharmacien. ll avait ëchangd le tablier professionnel contre tin bel uniforme, a aiguilleltes (For, qui, sous sa harbe blonde, enfermait une corpulence imposante, voisine de l'obb'site. Quant,
entry chez mol, Bordone
fort,
111'46 contre Challemel-Lacour. Le chef &Matmajor de Garibaldi avail fait, demander des fusils au praet du 111-145ne; it praendait quo Challemel avait repondu « Je n'ai pas de fusils it donner
ces gees-la.; des batons sont bien
bons pour les Garibaldiens! » Bordone, entendant venger cet outrage, me demandait (Faller trouver Cliallemel-Lacour, avec un second IAmoin non encore dësignê, pour exiger, au nom du chef d'etat-major de l'armee des Vosges, Line reparation par les armes.
LETTRES DE GARIBALDI
191
•••■•■•■••■••
J'essayais de faire comprendre au colonel Bordone que la reponse du prefet ne pouvait etre conlorme au texte invraisemblable qu'iI m'en rapportait que, dans totes les cas,
Pap-
proche de l'ennemi, nous avions mieux a faire que d'echanger entre Francais des balles ou des coups d'epée. (le fus assez heureux pour ëviter un choc entre l'exhuhërante indigniaion du pharmacien avignonnais et le froid d6dain de Challemel-Lacour. Le malentendu fiat dissip6 j'imagine biers pie Bordone, en s'adressant ;'t moi pour porter son cartel, avail prevu cette paciGque solution.
CHAP1TRE XX
ENCORE LE PlIARMACIEN D'AVIGNON • L'ARRESTATION D'UN ANCIEN MENISTRE
Quoiqu'il diet bientOt 1'e [ever', sur la priêre instante de Garibaldi, au grade de g6n6ral l , la turbulence brouillonne du chef d'état-major de l'Arniáe des Vosges exasper'ait Gambetta, corn me it rësulte de la d6peche suivante Bordeaux, 2 decembre 1870. Ministre de la Guerre ct clelcigue Freycinet,
Gest Bordone qui toutes les dOpêches &est luti qui commande, taille, traache, fait tout aupres de Garibaldi. « Je Pais d'abord une premiere remarque, Cest que les dëpéches signees Bordone sont &rites dans une forme souvent inacceptable. Nul ne parle et n'ecrit •..
1. 13 janvier 4871. Depeche de M. de Freycinet a Garibaldi : 0 Le Gouvernenient de la Republique vient de nonimer Bordone general. En conferant cc grade a ['bowline que vous honorez de votre confiance, nous aeons voulu vous prouver tine foil de plus notre sympathie et notre respect. )›
ARRESTATION D ' IJN ANCIENT MINISTRE
193
comme lui ; on dirait vraiment gull est omnipotent. 11 donne des ordres aux prefets ; it preserit des mesures; it ordonne des arresta1ions; n'y a rien ne fasse, partout, chez lui, conime hors de chez lui..... Avisez done a reduire les pretentious de M. Bordone. Je n'ignore pas les menagements que la situation comporte; mais ii y a moyen de ramener M. Bordone a son veritable role, et je vous prie, avec votre habiletO accoutumee, de n'y pas rnanquer. « Sigrtê : LioN
GAMBETTA. ))
« 11 ordonne des arrestations », disait ddjh Gambetta et cependant cette d6pêche est anterieure a l'arrestation serisationnelle de M. Pinard, par laquelle le Tartarin de la rhuharbe mit sur les bras de Challemel-Lacour une nouvelle difficultó. Après le 4 septembre, Ernest Pinard, ancien ministre de l'Intdrieur sous 1'Empire, s'dtait refugië aAutun, sa ville natale. 11 y consacrait ses loisirs a faire de la propagande honapartiste. Find, et menu, ce petit homme n'eveillait en rien Fidee qu'on se pent faired'un « ministre a poigne ». Autun aussi Garibaldi avail établi son gnarlier general: Bordone, qui etait un homme 4
194 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
de libert y , ne pouvait tolerer qu'un adversaire politique tint des propos désobligeants pour la Republique et ses fonctionnaires, pour l'armee des Vosges et ses chefs. II fit arreter M. Pinard sous rinculpation pen juridique de « menées bonapartistes » ; et sans se preoccuper de savoir si, ce
problematique avant éte com-
mis Autun, la juridiction d'Autun n'etait pas seine competence, it expédia son prisonnier au prefet du Rhone. Le nom de Pinard eveillait le souvenir des manifestations sur la tombe de Baudin, de la souscription ouverte dans la Revue Politique et des poursuites dans lesquelles ChallemelLacour avait ete impliqu6. Quoiqu'il se trouvai en face d'un adversaire, Challemel ne pent titre soupconne d'avoir obei a de basses rancunes en le faisant 6croner a la prison Saint-Joseph, oil it le tint au secret le plus rigoureux. Challemel estimait que ses pleins pouvoirs lui donnaient toutes les attributions d'un juge (Finstruction et it fautlui savoir gr6 de sa modération puisqu'il n'allát pas jusqu'h se substituer aux
ARRESTATION D ' UN ANCIEN MINISTRE
tribunaux et
t95
prononcer des condarnoations.
La detention d'Ernest Pinard se prolongea puce qu'apres
un
premier interrogatoire auquel
it avait procéd6, Challemel attendit le dossier
accusateur dont Bordone avait annona l'envoi. Notes avons la &Oche par laquelle le Prefet rend compte de ce premier interrogatoire. II parait bien qu'il n'a fait que se conformer aux instructions de Gambetta : 7 janvier. Pre'ret aGambetta. Guerre
« J'ai die interroger l'homme venu d'Autun sur les seules indications contenues dans votre dêpêche, sans lettres, dossier, ni rapport. 11 explique sa presence a Autun par la resolution arretee de rester etranger toute politique et de s'associer comnne garde national dans sa vine natale a la defense du pays. II pretend ne point correspondre, meme avec ses amis qui sont Fetranger. 11 n'a pas voulu les suivre pour n'être pas accuse de conspirer. Quant a la distribution du Drapeau, it affirme y etre complêternent etranger. 11 nie toute participation. Une depeche d'Autun m'annonce un dossier ; s'il arrive, je reverrai ilomme. 11 a Bien pear. Si gne' CIEALLEMEL-LACOUB.
{9€
LA. COMMUNE A LYON EN
1870
1871 ■■•■•■I• ■ -•■•■■•■
ET
..
Le 30 janvier, le dossier est enfin arrive. Nouvel interrogatoire; nouvelle clêpèche
Prdiet Lyon a Gambetta rai enfin reQu de Bordone un volumineux dossier, compose de papiers et de notes de la main de Pinard. ll y en a de toutes dates ; les plus graves sont un recueil de ealomnies toutes prëparOes contre l'armêe garibaldienne et les fonctionnaires rêpublicains. Ce quo je vois trös clairement, dans ce dossier, e'est que Pinard est un parfait imbecile ; mais it n'existe pas le moindre indice (FIT ait recu, distribue ou connu le journal le Drapeau. Totitefois je l'interrogerai tine seconde fois, aprês quoi, ne pouvant le gartier ni Fenvoyer a Geneve pour raison que vous connaissez, je le dirigerai, apres avoir regu votre avis, sur Bordeaux. Ranc le sermonera comme it sait faire. (( Signe' CHALLEMEL-LACOUI L
Quand ii connut cette arrestation, le Garde des Sceaux Cranieux, auquelii Taut rendre cette justice qu'il lit toujours ce gull put Pour Proteger la libertO individuelle, invita le procutTur genera] t faire entendre au prefet les protestations de la. justice. A deficit de Le foyer,
AR GESTATION D UN ANCIENT MINISTRE
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dëmissionnaire et non encore remplace, ce fut le premier avocat general Edouard Millaud qui dut se charger de cette mission. Le 16 janvier, it put enfin tëlOgraphier au Garde des Sceaux que Pancien ministre de l'Empire'avait et6 remis en libertë.
CHAPITRE XXI LES DERNIÈRES MANIFESTATIONS ET LA DEMISSION .DE CHALEMEL-LICOUR.---- LA REVUE DU 5 FEVRIER 1871. - LES UGIONS WALSACE-ET-LORRAINE.
,ie rye me propose pas de voter ici tons les complots, sans cesse renaissants, toutes les tentatives avort6es du parti revolutionnaire pour ressaisir ht direction du gouvernement local. 11
me suffira de dire que pendant toute la
(three du proconsulat de Cliallemel-Lacour, et les premiers moil de l'administration de son successeur, noun avons v(Sciu dans tine perpétuelle alerte; nous avons Re, pour ainsi dire, tons les jours a la Nellie dune én-leute, tour les jours a la merci des dispositions incertaines de la garde rationale, sans avoir les forces militaires on de police ndcessaires pour le maintien de Fordre. A l'enervement cause par ces quotidiennes
DEMISSION DE CHALLEMEL—LA_COUR #
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apprehensions, venait s'ajouter les deceptions de la signature de l'armistice, lorsque Challemel adressa a Gambetta une dépeche aussi injuste pour lui-même que pour ses administres, méconnaissant, A. la finis le patriotisme des Lyonnais et les resultats obtenus par ses propres efforts. 4 fevrier 1871.
Pre let Lyon C ambetta. Guerre
L'arrnistice pouvant titre rompu d'un moment a l'autre, je doffs vous prevenir que Pennemi, s'il marche sur Lyon, trouvera une vile sans troupes, sans provisions, sans courage. Nous n'avons pour nous defendre que six cents marins, dont la moitie sont malades, et une poignëe de r6publicains des faubourgs je serai avec eux, s`ils ne m'6gorgent pas avant, intention q&ils manifestant tour les kiln's. Nous parsons d'alerte en alerte; mais mieux vaut l'invasion jusqu'h Marseille que de signer notre sentence de mort.
C'etait lä du mauvais Challemel ; du Challemel aux emportements et aux defaillances duquel, en face de l'émeute, Favais assistê le 28novembre, du Challemel qui inscrivait en marge du rapport
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du maire de Vdnissieux l i annotation restee c616bre, sans en calculer la portee ; du Challemel fOrninin, en proie a ses 11 a reconnu lui-mème devant 1'Assemb16e nationale, dans la séance du l er février 1873, l'injuste s6vérité de ces appr6ciations: Cette clápêche, a-t-il dit, a êtO &rite le 4 fOvrier, lorsque l'arrnOe de l'Est etait dkruite... Le jour oix etait &rite cette dëpéche, sous une impression sombre, je demandais trop a la population lyonnaise. 11 se peat que j'aie dêcouvert ce jour-lä des signes de decouragement que je n'avais jamais decouverts chez personne Lyon, et c'est alors que j'ai ecrit cette clOpéche, de laquelle je m'empresse de retirer ici loyalement tout ce qu'elle pourrait renfermer d'injurieux pour qui que ce snit parmi rues anciens administrés.
Le 5 fevrier 1871, sur la place Bellecour, au milieu dune population accourue de tous les quartiers de la ville, eut lieu la remise solennelle, aux trois legions d'Alsace-et-Lorraine, des drapeaux offerts par les dames du « Comit6 de formation ». Ces drapeaux portaient la devise « Vaincre
DEN1ISSION DE CEIALLENIÈL-LACOUR
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et rester Francais. » En recevani ceiui qui destine a sa legion, le colonel Millet s'écria Nous les rapp&rterons victorieux Nous le jurons r r6pondirent to us les of& ciers, dans un elan unanime, en agitant leurs epees. Ces explosions de devouement a la patrie et de confiance dans le maintien de son intëgrit6 secouërent profondément Fame de la foule, et P6motion des assistants se manifesta par les cris rép6t6s : « Vive l'Alsace Vive la Lorraine! Vive la France Le prOfet et le general commandant la division passêrent devant le front des troupes, suivis des conseillers municipaux qui paradaient sous leurs dcharpes rouges, frangees d'or, brodées aux armes de la ville. Apres la revue, Challemel adressa la parole aux officiers qui formerent le cercle autour de lul. Avec cette hauteur d'êloquence oCi it savait atteindre quand it Rail, en pleine possession de lui-mere, it fdlicita les Alsaciens et les Lorrains de ieur patriotisme et leer fit entrevoir, dans
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la patrie liberde, la recompense de leur courage et de leurs sacrifices. En terminant son allocution, it leur annonca
allait quitter la pre-
fecture du RhOne. Le 29 janvier, en effet, it avait envoy6 Gambetta les ddpèches suivantes: 29
janvier, 3 h. 45.
Prefet Lyon cGambetta. Guerre MON CRIER Ai I
Je donne ma &mission. 11 ne me reste plus que pris et qui vela a faire. C'est un engagement que
est irrevocable. Qu'on travaille a la paix ou que la revolution commence, je ne puis plus titre utile au poste ou je sues. 29
Prdiet Lyon
janvier, 7 h. 15.
a Gambetta. Guerre
Je ne puis plus vows titre d'aucune utilitê a Lyon. Je n i y servirai pas la politique de capitulation. D autre part, j'ai amasse contre moi trop d'hostilitês dans taus les partis pour servir utilement la politique de revolution. Je ne saurai firer de ce pays ni un homme ni un den de plus. Ur n hornme nouveau, mème inconnu, reussira
DEMISSION DE CHALLEMEL-LACOUR
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mieux clue moi soit a maintenir l'ordre, soit a galvaniser les Males, soit a mater la reaction, soit a s'asmettre en oeuvre les elements socier, a ëpurer, revolutionnaires.
Challemel-Lacourjugeait sainement les sentiments gull inspirait 4l ses administrês. 11 quitia Lyon sans laisser dans aucun parti les regrets qui l'eussent accompagné sans doute si robstacle (fun temperament irritable et (rune sante ébranlëe, en le pendant inaccessible aux conseils, et impatient de toute contradiction, ne Feat isole dans sa prefecture et ne Feta empëchë de se faire mieux connattre. LiWk rateur, artiste, homme d'esprit et d'imagination, it n'eut pas les qualites de calme, d'ordre et d'dquilibre necessaires it un administrateur. Parini tous les préfets de cette epoque, ii eut plus qu'aucun autre le mérite d'avoir donne une vigoureuse impulsion a la defense rationale put s'honorer d'avoir traverse des fours difficiles sans avoir eu recours a des repressions sanglantes mais it n'eutpas la satisfaction d'avoir rétabli le respect des lois et l'autorite du pouvoir central,
204 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
et quand it quitta 111451,e1 de vile, s'il jeta an dernier regard vers le beffroi du vieux palais qui durant cing moss avait abrité ses veilles souvent troublees, i1 y put voir flotter encore cc drape. au rouge dont
dit
deft a la Republique et au bon lens ».
etait « un
CHAPITRE XXII EDMOND VALENTIN PlitFET DU RHONE. LES ELECTIONS DU 8 FE VIZIER.
Au moment de remettre a Emmanuel Arago le portefeuitie de 1'Int6rieur et par ddcret date du 4 fèvrier, Gambetta fit un heureux choix en donnan I pour successeur Challernel--Lacour, Edmond Valentin, ancien prOfet de Strasbourg, qui nous arrivart precede (Tune glorieuse légende de patriotisme et de courage. Valentin avait d'ailleurs eto dësign6 a Gambetta par Challemel-Lacour lui-même qui lui avait telegraphic le 2 f6vrier : u J'ai sous la main l'hommequ'il me faut pour reset du RhOne; Valentin, le praet, de Strasbourg, est ici; it dejeune avec moi. Envoyez-lui 4.616graphiquement sa nomination. 11 accepte. )) .1N6 a Strasbourg en 1823, Edmond Valentin, sorts du rang, ëtait sous-lieutenant aux chasseursi pied, quand, en 1850, ses compatriotes,
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les electeurs du Bas-Rhin, l'envoyerent sieger a l'Assemblóe legislative. Après le coup d'I;]tiat, it se refugia en Angleterre et devini professetir
1'Ecole d'Artillerie de Woolwich. Apeine rendre en France, it fut nomme, le 5 septembre, prèfet du Bas-Rhin. U6tait pendant les fours h6rolques du siege de Strasbourg; Valentin, pour se rendre h son poste, traversa les lignes ennemies et pênetra dans la place en iranchissant ilia nage, sous le feu de l'ennerni, la riviére
rill et le fosse des
fortifications. Emmen6 en Allemagne apres la capitulation de Strasbourg, ii sortait des casemates de la forteresse d i Ehrenbreitstein quand
ii fut nomm6 prefet du Rhone. n'a jamais songd tires vanit6 de ce passé; it aait ire trëpide avec simplicit6; it n'avait ni
la haute culture, ni la sup6riorite intellectuelle de son pr6d6cesseur; mais sa nature loyale et bonne, sa figure ouverte, son regard franc, sa rude et sincere poign6e de main lui conciliaient les sympathies; it fut pour moi un veritable amt.
EDMOND VALENTIN PREFET DU RHONE
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Des son arrivée, Valentin adressa aux Lyonnais une proclamation qui r6pondait aux sentiments de la grande majoritC,1 y aflirmait « sa volonté de maintenir l'ordre et son inalterable attaehement a. la Republique ». Les évenements ne tar Brent pas a rnettre a l'6preuve la sinarite de cette double affirmation. Les elections du 8 Nvrier, faites
la hate,
dans tin pays envahi, stir la question principale de la paix ou de la guerre a outrance, en rel6guant au second plan les programmes politiques, avaient envoy6 a l'Assemblee rationale • une majoritèmonarchiste, qui disposait desdeux tiers des siéges. Dans le RhOne, comme dans la plupart des apartements, on avait pensë que la seule question a debatire demandait avant tout le concours d'hommes honorables et eclair6s, et on avait vote pour la paix sur les nouns de citoyens 6galement estimes, mail se-pares par leurs opinions politiques. La. liste paironnee par les Bl ois journaux conservateurs : le Salut Public, le Courrier de
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Lyon et la Decentralisation, avail passé tout entiére dans l'ordre suivant:Ducarre, Le Royer, Jules Favre, Berenger, Trochu, Morel, Flottard, Glas, Lucien Mangini, Jean-Baptiste Perret, de Laprade, de Saint-Victor, de Mortemart.
n tete arrivaient, avec d'ëcrasantes majorit6s, des hommes dont les noms, sous l'Empire. eilrayaient la bourgeoisie; comme ces oiseaL.lx qui se perchent sur les 6pouvantails eleven us familiers, les conservateurs avaient vote avec ensemb]e pour Jules Favre, pour Le Boyer, pour Ducarre. Apres eux venaient en plus grand nombre des representants de I'opinion liberate, in d6cis entre les seductions du centre droit et les appas du centre gauche ; trois idgitimistes fermaient la marche, 61us pour Fintëgritë de leer vie et la fiertë de leers sentiments patriotiques. Ainsi composee, la liste des journaux conservateurs avait obtenu de 72.314 a 51.474 suffrages. Garibaldi, le plus favorise de la liste radicaie
LES ELECTIONS DU
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echouait avec 48.000 voix i ; le Dr Crestin, conseiller municipal, en obtenait 43.000; puffs venaient le maire Henon avec 38.000, Raspail avec 37.000, l'adjoint Barodet avec 34.000. Les reprësentants de la nation se rëunissaient pour la premiere foil le 16 fëvrier dans la Salle du thdAtre de Bordeaux, et le lendemain, ils nommaient M. Thiers chef du pouvoir executif de la Republique Francaise. 1. Garibaldi fut ëlu dans les Alpes-Maritimes, son pays natal, et dans trois autres departments, la Seine, la Cote-d'Or et
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CHAPITRE XXIII LEDRAPEAU ROUGE A [MOTEL DE VILLE. - LE CLOCHER DE VAUGNERAY ET LE 11:LE D'UN JUGS DE PAIL
Des son arrivee, Valentin avast resolu de rendre au drapeau tricolors la place qu'usurpait encore le drapeau rouge ; mais dans Fint6r61 de l'ordre il avast desire que I'initiative en feit prise par le Conseil municipal. Le Conseil etait d'ailleurs depuis longtemps pr6pare k ce changement dont it prevoyait la necessite prochaine, mais qu'il ajournait toujours. Des son installation it s'efforgait d'attênuer la signification du drapeau rouge; it attribuait a son mail-flier' un caractêre provisoire, et faisait afficher le 24 septembre la d6claralion suivante : a Considêrant que, le 4 se ptembre, err face de la France envahie, la ville de Lyon a proclame la Patrie en danger, et en a arbors le sine; consid6rant que le 'Aril est
LE DRAPEAU ROUGE A L ' HOTEL DE VILLE 211
plus grand que jamais, delibere Le signal de la. Patrie en danger restera arboró sur l'hOtel de ville jusqu'a ce que le peril alt cess6.
A partir de ce jour, le lapin, une fois de plus, est baptise carpe, el l'argument de la Patrie en danger serf
repousser toute
objection contre le drapeau de la Commune. Cependant pen a peu l'intransigeance de la premiere heure faiblit et laisse entrevoir un accommodementprochain. A la seance du 14 f6vrier, le citoyen Benoit propose « de remplacer le drapeau rouge par le drapeau national. Le drapeau rouge sera depose aux archives de /a vale. Le citoyen Baronet exprime le desir de voir les deux drapeaux Hotter Fun a cote de l'autre sur l'hOtel de vine. La solution est ajourn6e ». La municipalitê se rendaitcompteque l'heure kait venue de s'incliner devant les trois conleurs
toutefois, elle attendait une occasion
propice et craignait de dëchainer une nouvelle sdition. Cate occasion fut. Pacceptation des prélimi-
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naives de paix par l'Assembl6e nationale. Les sacrifices impos€s au pays dëpassaient les previsions les plus douloureuses ; le Conseil municipal suspendit sa séance en signe de deuil. Alors l'adjoint Barodet, qui jusque-iii s'était toujours pronona pour le maintien du drapeau rouge, en demanda lui-mkne la suppression, et lit voter la deliberation ci-après, destinëe a l'affichage Le Conseil municipal, Vu Pacceptation des prêliminaires de paix par l'AssernblOe reunie a Bordeaux ; ConsidOrant que le sacrifice et l'humiliation quid s'agissait d'apargner a la France sont maintenant consommés, et que les patriotiques espërances dont le drapeau rouge etait l'emblôme se trouvent, par le fait du traite de paix, ajournees a des temps meilleurs; Considérant d'ailleurs qu'il est bon de faire disparaitre tout ce qui peut etre a tin titre quelconque une cause de division entre tour ceux qui veulent sincerement la Republique; Delibêre Le fier drapeau de la Patrie en danger et de la resistance a outrance ne survivra pas a l'humiliation de la France ; le drapeau rouge de la ARTICLE PREMIER. -
LE 1)RAPEAU ROUGE A L ' UOTEL DE VILLE
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Commune de Lyon tessera de dotter sur le dome de l'hOtel de y ule partir du 3 mars 1871. 2, — Le drapeau noir sera hisse pendant trois ,ours au balcon de rheitel de vale en sine du deuil de la Patrie mutilee, ART.
La deliberation s'enfermait dans un prudent
silence sur le drapeau tricolore; rn.ais, des le lendemain, on le voyait reapparattre sur cc palais municipal dont it 6tait absent depuis de si long mois. Si Pon eat demande r l'adjoint Barodet de quoi pouvait Bien titre tier le drapeau rouge, it ail, sans doute souri dans la belle barbe noire qu'il portait alors, et pent-titre eat-il repondu qu'il Nut tine religion pour le peuple. C'etait sans doute le fond de sa pens6e, grand it 6crivit plus Lard gu'en redigeant la deliberation proposée a ses collégues, it l'avait (( aiguisee en paratonnerre pour d6gager 1161ectricitë populaire et conjurer Forage I . La tempOte rf6clata pas ; mais les prkauBarodet, Eclaircissements historiquel. Lease
D r Crestin.
214 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 187i
Lions oraloires dont le texte kait enguirlandO n'étaient pas inutiles car pour les exalt& des quartiers rdvolutionnaires, la destinOe de laRepublique semblait lice a la couleur du drapeau. J'ai souvenir que, peu de fours apres Farriv6e de Challemel-Lacour, comme je sortais de chez le préfet, un garde national agitant son fusil d'un air .de menace m'aborda dans la tour de l'heael de vine, et me montrant, le dome Citoyen procureur de la Republique, me dit-il, souvenez-vous que le premier qui montera lii-haut pour toueherau drapeau rouge sera descendu avant le drapeau, 'est notre consigne! La, crainte de la guerre civile avait seule 1)&116 Challemel d'ordonner la mesure réparatrice que lui dictait son devoir, et, qui rëpOndait sans nul doute a ses sentiments de patriotisme. Au fond, ses craintes etaient comprises et partages par les lilAraux et par les conservateurs lyonnais, et ce n'est qu'apres son d6part, quand le danger fut passé, qu'on songea, a lui reprocher, comme tine sorte de complicité,
LE DRAPEAU ROUGE A L t HOTEL DE VILLE
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d'avoir si longtemps tol6r6 le drapeau rouge. Une anecdote con tribuera faire comprendre quel
ce sujet l'état d'esprit de nombreux
conservateurs dans les fours qui suivirent le
4 septembre. Beaucoup plus tard, vers le milieu de juillet 1871, et, par consequent, longtemps aprês le retablissement de Fordre, je reps au parquet la visite (Fun venerable prêtre, cure de la commune de Vaugneray. Il venait me demander de faire enlever le drapeau rouge qui insultait la piet6 et au patriolisme des fidèles sur le clocker de son église. Je m'dtonnai d'apprendre que le « haillon de guerre civile » voisinait avec la Croix sur l'église de cette paisible commune. Youvris une enquete j'entendis le juge de paix, M. Perrin de Benëvent, fort attaché aux ides les plus conservatrices, autant par ses sentiments personnels que par ses traditions familiales it me fit cette stupëfiante declaration Après le 4 septembre, me dit-il, dans l'int6r0, de Fordre,
cru devoir Bonner un
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gage d'adhësion au nouveau gouvernement. Je Buis very u moi-mere a Lyon acheter de l'61.offe rouge ; puis j'ai convoqué a mon audience les garden champètres de toutes les communes de man canton, et j'ai donne a chacun d'eux le calicot necessaire pour fabriquer le drapeau de la. Republique, en les invitant a le placer stir le clocker de leer eglise. Je n'ai pas besoin de dire que l'erreur du juge de paix de Vaugneray fut r6paree sans resistance, et que la satisfaction du cure fut partagëe par toes ses paroissiens.
CHAPITRE XX1V L'INSURRECTION DU 22 MARS. - LE PRI;TET PRISONME& BARODET ET LE CITOYEN GAREL. - PROCLAMATIONDE LA COMMUNE.
On salt commentParisr6pondit aux premiers actes de l'Assetnblee nationale et du Gouvernement de M. Thiers par Finsuffection du 18 mars. L'autonomie communale, qui devait servir de programme a la Commune de Paris, trouvait a Lyon tin terrain Bien prepare. Nous l'y avons vue triomphante des le 4 septembre dans ce Cornite de Salut public qui prëtendaitgeuverner la yule sans immixtion du pouvoir central et LI-alter d'egal a égal avec le Gouvernement de la Defense nationale. Depouillée durant F1' Empire de toute representation municipale, avant subi pendant vingt ans le regime des Commissions et l'arbitraire d'un preset-maire, tombee, pour ainsi dire, h l'état de y ule irnperiale, la vine de Lyon, par
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tine naturelle ruction, 6Lait portee vers l'exageration contraire. Elle semblait d'ailleurs encouragëe ii l'essai du regime federalists par Fexemple de sa voisine la Confederation Helvétique. On eCit, dit que, de mime que le Rhone, le NdOralisme nous venait des sommets de la Suisse, en traversant le lac de Geneve. Le philosophe genevois avail ecrit : « Une règle fondamentale pour toute sociëtó hien constitu6e et gouvernée legitimement serail, qu'on pht en assembler ais6ment toms les membres touter les fois qu'il serait necessaire... 11 suit de que l'Etat devrait se bonier a une seals yule tout au plus. » J'imagine que le Contrat Social n'était pas très familier a. nos democrates lyonnais;mail ils sentient d'instinct que le regime federalists, en restreignant q tat, en le placant plus fires du people, donne a la democratie plus d'autorite et la rapproche de son ideal toujours convoité, le gouvernement direct. A la nouvelle de rinsurrection du 18 mars, beaucoup de Lyonnais tournêrent leers regards
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viers le nouveau prefet, qu'une vie de devouement a la Republique et urn long exit designait la confiance des rëpublicains. II s'adressa a ses adminitres en tin langage dont la nettete contrastait heureusement avec la rhetorique équivoque de la prêcèdente administration Habitants du dëpartement du RhOne, leer disait-il dans une proclamation affichëe le '19 mars, — sous le regime du suffrage universal, it ne pout exister qu'une seule autorite, autour de laquelle tous les bons citoyens ont le devoir imperieux de se rallier et dont les decisions doivent titre obeies en toute circonstance, sans hesitation, sans discussion ; c'est cello de l'Assemblëe nationals librement Clue. Tout individu, toute reunion d'individus qui s'aventurerait a mettre cette autoritê en question, sera par moi considers comme rebelle fa nation et traits comme tel.
Cette attitude r6solue ramena les hésitants et exerca, dans l'agarement de la premiere heure, une influence sale faire. Cependant l'insurrection communaliste rencontrait Lyon de nombreuses adhdsions. Ce parti s'appuyait sur les anciens groupements
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organisds sous l'Empire, sur la plupart des anciens membres du ComitĂŠ tie Sara public, sur les ComitĂŠs que nous avoris d6ja vtis l e wuvre Mrs de Fenvahissement de l e heAel de Mlle le 28 septembre
avait des auxiliaires
- influents au Conseil municipal et pouvait y compter sur les s y mpathies plus ou moms avouees de la majorit6. Enfin les bataillons acquis t la cause des gnat-tiers ouvriers etaien t de l e insurrection parisienne, confondue par eux avec Celle de la Republique elle-mere. Tandis qu'a Paris le Cornit6 central de lit garde nationale, installO
l'hOjel de vine,
lixait au 26 mars les elections de la Commune, et (p e a Versailles M. niers, protestant contre Faccusation de vouloir renverser la 116publique, ramassait les debris de rarmee francaise pour le retablissement de Fordre et la defense de funite nationale, tine insurrection 6clatait Lyon le mercredi
mars.
A midi, 350 officiers, sur 1.200 qu e en comptail la garde nationale, s e kaient reunis au palais Saint-Pierre. A cote d'eux on remar-
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quait une ciriquantaine de citoyens en habit civil : c'Raient les membres &Liu « Club central », qui avaient provoqu6 la reunion. tin delëgu6 de la Commune de Paris, Albert Leblanc, y brit la parole et invita les officiers a se prononcer pour la Commune contre le Gouver. nernent de 'Versailles. Aprës une courte discussion, le vole favorable a la sedition eut lieu a mains levees. Une deputation fut, envoyëe au maire elle lui proposa le maintien provisoire de la municipalite, sous la condition que la Commune serait proclamee et le préfet r6voqué. Pour ceux qui le connaissaient, la rëponse de M. Henon ne pouvait 'etre douteuse; les (.1616gues se heurterent a un refus. Ils quitterent le cabinet du maire et descendirent tumultueusement les marches du Perron en criant « Aux armes » AussitOt le rappel fut battu l'hOtel de vine et les rues voisines furent occupès par des hommes appartenant aux bataillons de la Guillohiere et de la Croix-Rousse.
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L'inertie du haul commandment de la garde rationale avast favorisë cette surprise. Les incur es Lentérent c1'arracher au prdel tine adhesion h la cause de 1a Commune. Va lentin, quoique sans appui, leur tint 'Ate et leur fit entendre le langage d'une patriotique indignation. lisle mirent en 6tat d'arrestation, ainsi. clue le secreiaire general Gomot, et placerent des sentinelles aleurs fortes. Le premier avis de ces évenements me fut apportO par un honorable industriel de Lyon, M. Gillet, a la i re chambre du tribunal, oti j'occupais le siege du ministere public et donnais roes conclusions dans Line afraire 'civile. J'avertis M. le president Cuniac qui lev y Eau(Hence aussitOt. je quittai ma robe en toute hate, et je me rendis a FhOtel de vine que je trouvai occupe par les in surges ;le préfet 6tait (Na prisonnier je ne pus arriver jusqu'a lui. Un nouveau Comit6 de Salut public s'installa, vers onze heures du soir, dans la salle des seances du Conseil municipal. 11 Rail, compose
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des citoyens Garel, Perrare, Parraton, Colonna, Ponca, Blanc, Tissot et Micoud. Les citoyens Crestin et Bouvatier, ddsignes pour en faire partie, avaient decline cet honneur. Ce Cornite retablit d'abord le drapeau rouge sur l'édifice municipal, (Foil it avait, étë rëcemmen t enlevé. 11 prononca la decheance du maire et du Conseil municipal, la destitution du prefet, celle du general de la garde nationale proclama la Commune. Les gardes nationaux furent invites a arrèter les ci-devant autorites, d6clar6es coupables de tra p icon envers le peuple. Pendant ce temps, le maire restait dans son cabinet, attendant les 6v6nements qu'il etait impuissant diriger. Avec lui se trouvaient M. Barodet, premier adjoint, et M. Baudesson de Richebourg, general de la garde nationale. Le Comitë (1616gua auprês de M. 1-16non le cito)ren Garel, dont nous avons dej fait, la connaissance quand i1 etait secretaire du premier Comith de Salut public. Barodet a raconté, en nn recit pittoresque, l'entrevue dont it fut têmoin.
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Vest, vers une heure du matin que Garel fit son entrée dans le cabinet du maire. 11 6tait stiivi du citoyen Pirodon, armë (Fun fusil baionnette, marchant militairement, avec gravitë. Ce qui nuisait un peu au s6rieux de cette mise en scene, c'est que le citoyen Garel dtait trop connu de Barodet. u s avaient autrefois rime ensemble des vers faciles et donne la replique, sous les ombrages de Vernaison, aux chansons de leur compatriote et ami Pierre Dupont ; lours calembours, apres les diners sur l'herbe, n'avaient pas moires de succês que les poenries rustiques oft Garel chantait les oiseaux et les fleurs, tandis que Barodet fiêtrissait le 2 decembre et « Napoleon le Petit' . Aussi fut-ce Barodet qui repondit, lorsque Garet cut fait a M. Henon, au nom de la Commune revolutionnaire, summation de lui remettre les sceaux de la mairie. 1. A ceux qui ne connaissent pas le Barodet lyrique, je clènonce le recueil de ses vers, intitulè Les Revenanles. Lyon, imprimerie V" Delaroche, 1899.
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I 1 je cede la parole t) Barodet J'aimais Gar gil, dit-il dans une brochure publiee sous le titre : Eclaireissernents historiques. .retires I. le _D r Crestin. J'avais pitië de cc poëte et doux reveur fourvoye clans de pareilles aventures, et c'est moi qui, le connaissant le mieux, rëpondis a sa sommation. Je le fis sur un ton un peu railleur, mais vêritablement aliectueux. Je rappelai son talent poOtique et ses gouts champétres. Je me moquai de son garde du corps Pirodon et du [Lisa a batonnette. J c lui dis que la Commune insurrectionnelle dont it faisait partie, incapable de Tien administrer, sans consideration et sans appui serieux dans la population, serait dispersee le lendemain et que pas un de ses bons de requisition ne serait remboursë par la Vile. J'ajoutai que les sceaux de la mairie avaient éte mis en stiretë et je rengageai, sun le ton de l'amitie, a rentrer chez lui, s'il ne voulait pas s'exposer davantage aux consequences de la repression de l'insurrection. 11 parut quelque peu dexoncert6, ne parla plus des sceaux de la mairie et, redevenant le bon Garei des champs, se rabattit sur une proposition vrairnent admirable de naïveté : « Eh hien! dit-il, faisons-nous des concessions rëciproques. Rëunissons-nous en un seul corps deliberant. )) On devine la reponse. Garel se retira eomme it etait venu, suivi de l'homme a la baIonnette, toujours solennel et l'arme au bras. 15
226 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
Ces ëvenements, dont Ia plus grande partie s'etait passée dans Ia nuit du 22 au 23, a l'heure qui, pour les Bens paisibles, est Celle de Tinsouciance el du repos, 6taient ignores de la majorite de la population, lorsqu'en s'6veillant. le 23 au math', elle apprit par la proclamation suivante, affichOe sur les mars, qu'elle jouissait (Fun nouveau gouvernement : ... La garde nationale, a bon droit, emue de Fattitude prise par le Gouvernement de Versailles vis-à-vis de la Commune de Paris, a pris flier par le vote de ses ddegues et par une action commune une decision aergique. Fidéle a la tradition du 4 septernbre, elle a rendu a la Commune de Lyon tous ses droits et toute sa force. Nous sentons tous que contre le mouvement de Paris, l'Assemblëe se sentirait forte de noire silence et de notre abstention pour vaincre la I16publique a Paris d'abord, en province ensuite... Le Conseil municipal n'a pas agi ; it s'est avoue mate, vaincu et irnpuissant. La garde nationale a voulu agir et vaincre et a prociamë une Commission provisoire de la Commune. Citoyens, cette Commission provisoire n'accepte que pour le temps le plus court la gerance des affaires... Elle va remettre dans le plus bref delai son pouvoir au suffrage appele a constituer une Commune. Cate Commune doit maintenir pour Lyon le droit d'etablir et de prêlever ses
L ' INSURBECTION DU 22 MARS
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impOts comme it lui plaira, de faire sa police elle-creme et de disposer seule de la garde nationale, maitresse de toes les postes et des forts... Lyon, 23 mars 1811. (Suivaienl les signatures des membres dejet de la Commission provisoire.)
Tine autre afliche êtait appos6e au nom du Comite democratique de la Garde nationale et du Comite central de 1' alliance republicaine. On y lisait, comme sous un verre grossisCi. sant, le recit des êvénements de la veille toyens, la Commune vient d'être proclam6e du haut du halcon de l'hOtel de vile, aux applaudissements fréndtiques de la population entiêre. Notre y ule qui, la premiere, au 4 septembre, a proclam6 la II6publique, ne pouvait Larder d'imiter Paris, etc... La garde nationale avait un general, M. Baudesson de Richebourg qui avait remplacë dans le commandement de notre milice urbaine le vieux colonel Mdtra, promu a l'honorariat t. 1. Entre le colonel Mara et le general Baudesson, notons le court passage du general Alexandre, revoque le 29 novembre par Challemel-Lacour.
228 LA COMMUNE A LYON EN 1870 El' 1871 ..■•■■••■••••
M. Baudesson. de
un etait ancien
commandant du genie, intelligent, distingu6; iI avait sans doute le courage militaire, mais peu fait pour le contact de l'emeute,
n'avait
pas donne sa dmission, it considërait comme valable la revocation dont l'avait frappe la Commune et se tenait a 1'cart. Demissionnaire elait mon procureur general Le Royer qui, depuis l'aection du 8 Nvrier, occupait son siege a l'Assemblée nationale. Enfin, le praet prison vier ne pouvait donner aucune direction. Dans ce dêsarroi general, je dus prendre la part la plus active aux mesures destinées au retablissement de l'ordre.
CHAPITRE XXV LE GÈNF:RAL CROUZAT A LA DARE DE PERRACHE LES OFFECIERS DE LA GARDE NATIONALE
J'allai d'abord me concerter avec le general Crouzat qui, depuis le 20 d6cembre, avait remplace le general Bressoles dans le commandement de la S e division militaire. Je le trouvai, des l'aube du jour, de Perrache,
a la Bare
malgre l'insuffisance des forces
dont it disposait, et dont une partie ëtnit tikessaire pour empêcher le pillage des forts, avail con centre des troupes et de l'artillerie dans tine forte position. Sur son Conseil, j'allai frapper a la Porte de plusieurs chefs de hataillon de la garde nationale : je leur demandai leur contours pour reprendre l'hOtel de y ule et dëlivrer le prefet. Partout je recus une reponse decobrageante les commandants n'osaient compter sur leers hommes, soil, que ceux-ci fussent sympathiques
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LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 1871
l'insurrection, soil qu'ils ne voulussent pas, pour la reprimer l courir les risques &tine collision sanglante. Les insurgës 6taienL hien armes ils s'etaient empare du fort des Charpennes ils y avaient trouvé de l'artillerie avant appartenu a une legion dissoute d'Alsace-et-Lorraine. Ils avaient emmen6 les canons a rhea& de vine et les avaient disposes aux deux entrees, place des Terreaux et place de la Comédie. 6)1,6 des ants, s'illevaient des monticules de howlets symariquement ranges.
J'appris bientOt que leur artillerie ne pouvait leer servir, les boulets n'etant pas du calibre des canons ; mais cot appareil menrtrier n'en intimidait pas moins les honorables negociants, pour la, plupart Ores de famine, qui faisaient saris beaucoup d'enthousiasme leer service de garden nationaux dais les hataillons des guartiers conservateurs. Quand je retournai a Perrache faire part au general Croust de l'insuccês de mes premieres démarches, les canons (101 avait fait placer
LE GENERAL CROUZAT
231
sur la plate-forme de la Bare, deux batteries de 12, venaient den titre retires sur !Intervention de Padjoint Barodet,
« 11 importe, disait
Barodet, de ne pas provoquer la population par d'inutiles menaces, alors que le fantOme de la Commune est sur le point de s i ëvanouir. » Barodet 6tait dans son role, les municipalités avant des devoirs paternels. Mes préoccupaLions 6taient au tries. J'obtins que les canons fussent rernis en batterie, convaincu gulls aideraient mieux que les exhortations municipales a « revanouissement du fanthme ». Pendant que je conferais avec le general, urn dëieguë de la Commune, l'horloger Edouard Fournier eut l'audace de s'empa.rer du tel.& graphe de la gars, a quelques pas des troupes. Je le mis en (Rat d'arrestation et le fis conduire h la prison Saint-Joseph. Ceti liorloger ëtait d'ailleurs urn brave hoinme, venu de Flacon pour remonter la Republique, et son action vraiment cots ragease était an ac to de avouement a des convictions êgar6es, macs sinceres. inforprie que des insurgës se dirigeaient vers
232
LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 4871 ...=■.•■•••■■■■.•■■•■
la maison d'arrèt pour mettre en libert y Deloche et les autres assassins d'Arnand qu'avait condamnds Favant-veille le Conseil de guerre, je courus ilia prison et, je fis 6vacuer, par un train ces dangereux detenus stir la maison centrale de hiorn. Jaune et tremblant comme une feuille d'automne, Deloche croyait sa derniere heure venue. 11 ne reprit un lieu de sang-froid que lorsqu'il vit, les soldats hivouaquant dans les salles d'attenle et qu'il comprit la cause de son d6placemen L. Le 23,
a trois heures, cut lieu, au poste de
Bellecour, uneimporLante reunion des ofliciers de la garde nationale. Tous les chefs de bataillon Incas
Uri
aaient prësents; ils se pronon-
cérent hauternent pour le Gouvernement issu du suffrage, universal et contre les seditions de
Paris et de Lyon. lis nomrnerent Fun d'cux, le cher de bataillon Chapolot, commandant provisoire de la garde nationale, en rernplacement du g6n6ral Baudesson. lassistai cette reunion et :raj eu l'honneur
LES OFFICIERS DE LA GARDE NATIONALE 233
de collaborer au manifesto suivant par l'adoption duquel elle s'est, terminëe C1TOYENSI
Un malentendu regrettable a fait prendre les armes a toute la garde nationale de Lyon et a amene des faits graves qu'elle reprouve Revenus de leur surprise, tour les officiers, en presence de leurs chefs de bataillon, rêunis en une pensêe de dêvouement absolu a la Republique, viennent faire censer, avec ce malentendu, les inquietudes de la population. Le suffrage universel, base unique de nos institutions republicaines, a ete viole en la personne des • mandataires ëlus de la Commune de Lyon. Un Comite, contre le vaeu de la delegation des olliciers de la garde nationale qui vuulait le maintien du Conseil municipal, s'est empare de Fautorite que le purple ne lui a pas conferee. 11 cornprendra qu'il duit, lui aiissi, se ra p ier au sentiment de bonne harmonie et la dffense de la 116publique. En consequence, la garde nationale, par la voix de ses dëláguës, legalement reprësentee, se met A la disposition pleine et entiere du Conseil municipal au de la Commune de Lyon. Elk le conjure de rentrer dares la salle de ses deliberations et de veiller au saint ale la Republique, que nous jurons toes de inaintenir. (Suivaient les signatures des chefs de bataillon et du g(inëral provisoire Chapotot.)
231 LA. COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
La presse nous prèta un utile concours. Unis dans u n m Arne sentiment de patriotisme anonneur, tous les grands journaux signerent et publierent, en tete de leurs colonnes, Un appel common
tous les bons citoyens, et pour la
premiere foil peulretre la signature du Pro-
gres se rencontra avec celles du Saha Public, du Courrier et de la Decentralisation. Durant la nuit du 24 au 25, vers deux retires du matin, je pus penetrer, sans titre reconnu, it,11-tOtel de y ule dans la sane des lions et jusque dans la tour centrale; je constatai que les ,ens de la Commune ĂŠtaient en petit nombre; qu'ils paraissaient dOcourages que beaucoup quelques &entre eux ĂŤtaient ivres, et retries plus lard, faire part au &Oral Crouzat de ma conviction qu'avec tine cinquantaine d'hommes rasolus nous pouvions reprendre l'hOtel de y ille et, en finir avec P6meute.
CHAPITRE XXVI UNE IIEUREUSE DIVERSION, REVIENNENT DE RELF011T.
LES MOBILES DU RHONE
Ell/A.9DX NOCTURNE
DE LA COMMUNE.
urg e heureuse diversion prepar6e Graze pada mairie, nous n'eCtmes pas hesoin de recourir la force. bans la journ6e du 24 mars, on you vast lire stir les mars de Lyon ARRIVf]E A LYON DES MOBILES DE BELFORT
Les mobiles du Rhone qui faisaient pantie de la garnison de Belfort feront demain sa?nedi leer entree solennelle a Lyon. Les dewy bataillons de ce corps seront e'chelonne's SID' le cours de Drosses 4 midi. Le maize de Lyon, entoure ' de son Conseil municipal, ira les recevoir rentre'e du pont de la Guillotire une heure. Toms les bataillons de la garde nationate sont convoquĂŠs pour assisten par de'tachements 4 la reception qui sera faite r ces braÂťes enfants de la cite'. Du COUPS de Brosses, le coriiwe se rendra c l'hOtel de rifle par hi rue de la Barre, la place Bellecour, les (pais des Celestins, Saint-Antothe, Orleans, la rue d genie et la place des Terreaux. Le defile' aura lieu
236 LA COMMUNE A LYON EN 18 7 0 ET 1871
(levant le m aire et le Conseil municipal, place's sat- le perron de Chlitel de Lyon, .2i mars 1871. n
lif:NON.
Pendant la nuit du 24 au 25, sous la protection (rune garde de plus en plus r6duite, de moms en moms confiante, la u Commission provisoire de la Commune en permanence, (101ih6rait. Its kaient sept. Le luxe des plaronds, des boiseries, des tentures faisait avec leur accoutrement urn contraste auquel d'ailleurs la sane Ilenri4V commencait a etre habituee. Accoud6s autour de houteilles vides et de dbris de victuailles, dans la fumĂŤe des pipes, ils Ochangeaient leers r011exions pessimistes sur la prochaine arrive des mobiles, et sur cette impertinente afliche qui rOglait la rnarche du cortege jusqu'h l'hOtel de vile, sans considĂŠralion de rautoritĂŠ nouvelle et tie la revolution qu'elle avait accomplie ! Pour un peu ifs eussent traitO de factieux le maire et son Consoil municipal.
ARFUVEE DES MOBILES DU 11116NE
237
11 n'aait pas douteux que les « Belfortains », comme on les appelait, aprés leur longue absence, leurs souffrances et leur glorieuse participation 5, la Meuse de Belfort, rentrant a Lyon, clairons sonnant, tambours batlant, sous les pus du drapeau tricolore, seraient accompagnes jusqu'a l'hOtel de vine par une foule immense, confondant dans un mere enthousiasme les mobiles du RhOne et la municipalité qui venait de les recevoir dignement. Queue figure allait faire la « Commission provisoire
Allait-elle attendre d'être honteuse-
ment chass6e? Un commissaire,
n'etail-ce pas Garel?
ouvrit l'avis qu'il fallait « s'en alter ». Le souci de la vëritê rn'obligerait peut-titre ameLtre dans sa bouche
une
expression plus energique mail
l'essentiel, &est que sa proposition fiat trouv6e sage et qu'elle fat adoptee par l'unanimith de ses collëgues. Après avoir bourr6 une dernière pipe, ils s'evaderent nuitamment, non sans avoir congedie leur garde prêtorienne et relevO de sa fonc-
238 LA COMMUNE A LYON EN 18 0 ET 1871 1,■••••■•••.
Lion la sentinelle dont la vigilance assurait la detention du prget. Ce citoyen entra dans la cliambre oii Valentin dormait profondément Citoyen prëfet, lui dit-il, en le secouani par Fdpaule, votes 'Res libre Et it lili remettait un pa pier que le Comitë sortant avait laissé sur la table. C6tait la dèmission des citoyens Garet et consorts, ainsicongue: COMMUNE DE LYON
ConsidOrant (pie la Commission provisoire de Lyon, acciamëe par la garde nationale, tie se sent plus soutenue Considdrant quo la garde nationale manquant a ce devoir de soutenir la Commune qu'elle a rdelamOe, les membres de la Commune se dëclarent Mies de leurs engagements envers leurs mandants et resilient les pouvoirs qu'ils avaient rebus d'eux. Pour la Commission :
Signe : BLANC, PAIMATON
Valentin apprenait, quelques heures plus tard, que son collégue et Voisin, le baron de l'Espee, 1. Parraton avait fait partie du Comite de la rue Luizerne, it etait un des sous-ordres tie
ARRIVEE DES MOBILES DU RHONE
939
prget de la Loire, cornme lui prisonnier de Femeute, venait &etre assassins a Saint-Etien ne. Le 25 mars fut une belle journee pour la population lyonnaise. Au Clair soleil du printemps, elle voyait de nouveau flotter, et delinitivement cette fois, les trois couleurs nationales sur son hOtel de \dile ; raven tore de la Commune, qui semblait devoir finir dans le sang, s'ĂŠtait terminee dans le ridicule et dans le vide par tine victoire de l'opinion, et a la satisfaction de ce denouement pacifique venait se joindre la joie de revoir les braves Menseurs de Beffort. Le general Crouzat et son aat-major, la garde nationals en grande tenue, le Conseil municipal avant
sa tete l'adjoint, Barodet, en l'absence
du maire malade, se portĂŠrent au-devant des mobiles du Rhone; la foule les accueillit par
des acclamations enthousiastes et couvrii de fleurs leurs uniformes et leer drapeau. Mais cettejourn6e de joie patriotique, d'union et de conliance devait etre sans lendemain. Le foyer de guerre civile n'ĂŞtait pas encore stein t.
ccl^ PiTi3c XXVII LES DEPECIIES DU CHEF DU POUVOIR EXECUTIF. LA LUTTE CONTRE LA COMMUNE DE PARIS RACONTEE PAR M. THIERS,
Le mois d'avril se d6rou1a en une suite d'alarmes incessantes. Nous suivions avec angoisse les 6v6nements de Paris ; le moindre succes des u communards » pouvait avoir tine redoutable repercussion parmi lours partisans a Lyon. Nous lisions avidement les dêpeches circulaires que M. Thiers adressait Presque chaque jour aux prgets, aux procureurs gneraux, aux procureurs de la Republique, aux gén6raux commandant les divisions et subdivisions milltaires. En voici quelques-unes que je retrouve parmi mes papiers dies sont l'histoire sornmaire des °Orations militaires, &rites par cclui qui les
LA LUTTE CONTRE LA COMMUNE DE PARIS
24i
decidait le plus souvent lui-rnerne et en surveillait de Fes l'exkution. Versailles, 2 avril 1811.
Depuis deux jours des mouvements s'kant produits du cote de Buell, Courbevoie, Nanterre, Puteaux, et le pont de Neuilly arrant ëtë barricade par les insurges, le Gouvernement n'a pas voulu laisser ces tentatives impunies et it a ordonne de les rëprimer sur-le-champ. Le general Vinoy, apres s'être assure qu'une demonstration, qui 6tait faite par les insurges du cOté de Chatillon n'avait rien deserieux, est parti a six heures du matin avec la brigade Daudel de la division Faron, la brigade Bernard de la division Bruat, eclairë a gauche par la brigade des cliasseurs du general de Galliffet, a droite par deux escadrons de la garde republicaine. Les troupes se sont avancees stir deux colonnes, l'une par Rueil et Nanterre, l'autre par Vaucresson et Montretout elles ont opere leur jonction au rond-point des Bergeres. Quatro bataillons des insurges occupaient les positions de Courbevoie, teller que la caserne et le grandrond-point. De la statue, les troupes ont enleve ces positions barricadees, avec un élan remarquable. Lea caserne a ete prise par les trots pes de marine ; la grande barricade de Courbevoie par le ine. Les troupes se sont ensuite jetties stir la descente qui aboutit au pout de Neuilly et ont enleve la barricade qui fermait le pont. Les insurges se sont enfuis precipitamment, laissant un cer16
242 LA COMA1UNE A LYON EN 1870 ET 187i
lain nombre de moils, de blesses et de prisonniers. L'entrain des troupes hatant le rásultat, nos pertes ont ete presque nulles. L'exaspOration des soldats ëtait extreme et s'est surtout manifestOe con tre les d6serteurs qui ont ete reconnus. quatre heures, les troupes rentraient dans leur cantonnernent, après avoir rendu A la cause de l'ordre un service dont la France leur tiendra grand compte. Le general Vinoy n'a pas un instant quitte le commandement. Les miserables que la France est rêduite a combattre ont commis un nouveau crime. Le chirurgien en chef de l'armee, M. Pasquier, s'6tant avancO soul et sans armes trop pros des positions ennemies, a etc indignenient assassins. Signd A. TIERS.
Le 3 avril, avant hate de venger ce premier .6chec, l'armée de la Commune ten to l'epreuve de la sortie en masse si souvent reclam6e pendant le siege. Dans les deux d6pêches yantes, M. niers nous fait, avec la competence rnilitaire dont ii se ilattait, le récil de la defile des 1.6(16r6s Versailles, 3 avril.
Excites par le combat d'hier, les insurges ont voulu revenir sur Courbevoie, et ils se sont portës en masse
IAA LUTTE CONTRE LA COMMUNE DE PARIS
243
sur Nanterre, Rued et Bougival. En mere temps une colonne descendait du nord sur Bezons, Chatou et Croissy. Le moat Valerien, des le point du jour, a ouvert son feu sur les colonnes, et claque o p us qui tombait sur elles mettait en fuite les groupes atteints. Les insurges ont cherchO alors un refuge dans Nanterre, Rued et Bougival, et ils ont essaye d'attaquer nos positions. Les brigades Garnier, Daudel, Dumont, avec deux batteries de reserve de 12, les ont vivement canonnes et les ont bientOt obliges a lâcher prise. Le general Vino* qui s'etait porte sur les lieux et qui avait a sa droite la cavalerie du general Dupreuil, avant menace de les tourner, ils se sont disperses en desordre et ont laiss6 en filyant le terrain couvert de leurs moils et de leurs blesses. C'êtait une affreuse deroute. Au même instant, a l'extremite opposee de ce champ de bataille, les insurges attaquaient vers Sévres, Meudon et le petit Bicetre, en nombre considerable. Its ont rencontre sur ces points la brigade La Mariouse et l'infanterie du corps des gendarmes. Ces derniers sont entrës dans Meudon fusilles par les fenetres et se sont comportes avec une admirable valeur. Ils ont délogë les insurges qui ont laisse un grand nombre de morts dans les rues de Meudon. A droite, les marins du general Bruat et la brigade Derojat de la division Faron ont enleve le petit Bicêtre sous les yeux de Famiral Pothuan qui s'etait porte en cet endroit et les dirigeait. La journee s'est terminee par la fuite dësordonnëe des insurges
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LA COMMUNE A LYON EN
1870
ET
1871
vers la redoute de ChRaton. Leur dispersion et leur fuite prëcipitêe sont cause qu'il y a eu plus de morts que de prisonniers. Cette journee qui aura coittë de grandes pertes a ces aveugles, menós par (les maifaiteurs, sera decisive pour le sort de l'insurrection. ne sera pas longtemps senTout fait esperer tir son impuissance et a debarrasser Paris de sa presence. Signd : A. THIElls.
Les f6d6rés s'etaient, leurr6s dune victoire. Gustave Flourens, dans la nuit du 2 au 3, tO16graphiait, « qu'il fallait titre a Versailles le soir mere que la victoire et lit certaine », et pendant la &route, refugie dans une maison de Buell, it etait to t,1 d'un coup de sabre par un capitaine de gendarmerie. Exalté jusqu'it la folie, mail intrOpide, sincere et gen6reux, Gustave Flourens m6ritait une meilleure destit-16e. Sa mdmoire se rattache a notre hisWire lyonnaise par le souvenir du commandement clue lui avait ollert le ComitO de Salut •
public. La matinee du 4 avril compinait la dëfaite des fédéres et
Triers en achevait le r6cit,
LA LUTTE CONTRE LA COMMUNE DE PARIS
245
V ersailles, 4 avril.
Les operations de la journ6e d'hier ont (ice terminees ce matin avec la plus grande vigueur. Les troupes Otaient restees devant la redoute de ChAtillon ot:t des travaux considërables avaient etC faits contre les Pruscing lieures du matin, la brigade Derojat et la siens. division Pelle etaient en face de cet ouvrage important. Deux batteries de 12 êtaient chargees d'en éteind re le feu. Les troupes dans leur ardeur n'on t pas voulu attendre que ces batteries eussent accompli leur Oche. Elles ont enleve la redoute au pas de course. Elles ont eu quelques blesses et elles ont fait 1.500 prisonniers. Deux góneraux improvises par les revolters, Pun appelé Duval a ete tuO, et l'autre appele Henry a ete fait prisonnier. La cavalerie qui escortait les prisonniers a eu la plus grande peine, a son entrée a Versailles, a les proteger contre Firritation populaire, jarnais la passe demagogic n'avait offert aux regards affliges des honlikes Bens des visages plus ignobles. L'armee poursuit sa marche sur ChAtillon et Clamart. Le brave general Pelle, l'un des meilleurs ofliciers de l'armëe, a ete blessë a la cuisse d'un éclat d'obus. Les troupes rOunies aux pontes de Marseille pour y faire censer la triste parodie de la Commune de Paris se sont emparées ce rnatin de la Bare du Chernin de fer et sont en marche vers la prefecture Signe: A. TI-wens. I. La Commune avait etc proclamee le 23 mars r). Marseille. Les désordres y furent reprimés par le general Espivent de la Villeboisnet, aprês douze jours d'anarchie et de terreur.
46 LA COMMUNE A LYON EN 18Th ET 1871
A partir de ce moment la Commune renonce aux sorties et soutient la lotto derriere les remparts. M. niers continue nous tenir informes; attache une importance particuliere k la dépêche suivante, dont ilordonne railichage dans toutes les communes de France : Versailles, 12 avril.
Ne vous laissez pas inquiker par de faux bruits. L'ordre le plus parfait regne en France, Paris, seul excepte. Le Gouvernement suit son plan et agira que lorsqu'il jugera le moment venu. Jusque-la les ëvënements de nos avant-posies sent insignifiants. Les rëcits de la Commune soot aussi faux clue ses principes. Les acrivains de l'insurrection pretendent qu'ils ont remporté tine victoire du cute de ChAtillon. Opposez un dêmenti formel a ces mensonges ridicules. Ordre est donne auxavant-postes de ne depenser inutilement ni la poudre, ni le sang de nos soldats. Cette nuit, les insurges vers Clamart ont canonnO, fusille dans le vide, sans que nos soldats levant lesquels ils fuient a toutes jambes, aient daigne riposter. Notre armëe tranquille et confiante attend le moment dëcisif avec une parfaite assurance, et si le Gouvernement la fait attendre, &est pour rendre la victoire moins san&rite et plus certaine. L'insurrection donne plusicurs
LA LUTTE CONTRE LA COMMUNE DE PARIS 2-17
signes de fatigue et d'ëpuisernent. Bien des intermediaires sont venus a Versailles porter des paroles, non pas au nom de la Commune (sachant qu'a ce titre ils n'auraient pas mere ete rect.'s), mais au nom des rópublicains sinceres qui demandent le maintien de la liëpublique et qui voudraient voir appliquer des traitements modërës aux insurgës vaincus. La reponse a ëte invariable. Personne ne menace la Republique, si ce West l'insurrection elle-meme. Le Chef du Pouvoir exëcutif perseverera loyalement dans les declarations gull a faites a plusieurs reprises. Quant aux insurges, les assassins exceptás, ceux qui deposeront les armes auront vie sauve. Les ouvriers mallieureux conserveront pendant quelques semaines les subsides qui les font vivre. (( Paris jouira comme Lyon, comme Marseille, d'une representation municipale Blue, et comme touter les autres villes de France, fern litre rent les affaires de la cite; mais pour les villes comme pour les citoyens, it n'y aura qu'une Ioi, une seule, et it n'y aura de privilege pour personne. Toute tentative de secession essayee par une partie quelconque du territoire sera energiquement reprimee en France ainsi quelle l'a ëtë en Amerique. Telle a etê la reponse sans cesse repetee, non pas aux representants de la Communeque le Gouvernement ne saura it admettre aupres de lui, mais a taus les hommes de bonne foi qui sont venus a Versailles s'informer des intentions du Gouvernernent. Signe': A.
THIEBS.
248 LA COMMUNE A LYON EN 1870 Err 1871 1.■,■■•••1■1■•■•■.a
Personne ne menace la Republique » disait M. Triers. 11 est curieux de rapprocher de cette aflirrnation la lettre suivante que Le Royer nri'6crivait de Versailles le 27 avril :
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Jo crois que le Gouvernement s'est decide a frapper un grand coup. Depuis ce matin vers cinq lieu res les troupes se dirigent en nombre considerable du cOté de Paris. Je viens de voir passer sous mes croisees trois bataillons de marins. Cette lutte impie devient un veritable cauchernar. Vous savez si j'ai l'horreur du sang; mats j'en arrive a souhailer ardemment une solution coilte que coke, car je suis convaincu qu'en se prolongeant cette situation donne touter les chances au Bonaparte, en condamnant peut-titre definitivement la Republique. Hier au soir, on assure it que la fusion orMano-legitimiste Otait conclue ; que le . Chambord 1 adoptait le comte de Paris, et queN1M. les royalistes allaient arhorer franchement les fleurs de lys. Je n'en crois pas un mot ; cependant la rage des royalistes contre Triers sl accentue dune fawn a rendre vraisemblable, sinon un accord entre les deux fractions, au moires un plan common pour tuer la Republique. 1. Le Chambord, le Bonaparte etaient des formes farniliêres
sous lesquelles le Royer airnait, i affirrner son rëpublicanisme.
LA LUTE CONTRE LA COMMUNE DE PARIS 2i9
Qui m'aurait dit qu i un jour ,fie soutiendrais do ones vceux et de mes votes M. niers i ? Mes amities a toes vos substituts.
Parrni les porteurs de paroles de conciliaThiers, venus a Versailles tion, dont parlait mains « pour s'informer des intentions du Gouvernement » que pour peser stir ses resolutions, devaient se rencontrer naturellement les délegués du Conseil municipal de Lyon. bans sa séance du 10 avvil, le Conseil avait nommó une delegation « ayant, pour mission d'amener les bellig6-ants a Line conciliation ". Elle Raft composëe des eitioyens Vallier, Crestin, Barodet, Outlier* et Ferrouillat. Quelques fours avant, le Conseil avait vote tine adresse l'Assetnblëe rationale ou it Raft dit « Vous n'avez laissO passer aucune occasion de
VDUs
-montrer hostiles a la Republique...
Lorsque vous vous Otes obstin6s a refuser 1. Quoique Le Royer eilt etO élu le 8 ftvrier stir la lisle des
journauxconservateurs, i1 passait sous l'Empire pour titre a Lyon le chef du parti radical. II avait appuyó la candidature intransigeante de Bancel contre celle du D r llénon, jugêe trop modérée. 11 raillait volontiers Paristocratie rëpublicaine, mil se distinguaient ses confreres, Ferrouillat et Varainbon.
250 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 187i
Paris la satisfaction qui lux est due, a ne pas entrer clans la vole tie la conciliation, nous avons 6prouvO tine lien douloureuse surprise 1 . » On comprend
pr6c6des par cette irres-
pectueuse manifestation, les delëgués lyonnais d uren t recevoiraVersailies urn accueil refrigerant. ils ne furent pas heaucoup mieux re us a Paris on l'approche Wan tragique denouement exaltait
le lanai isme des membres de la Commune. Lk, Wind ne disait-it pas « Quiconque pane de conciliation est tin traitre ! » A leur retour, dans la seance du 25 awn, Perrouillat donnait lecture du rapport des de16guês, Echo lamentable de leurs deceptions « Nous avons demandé, disait le rapporteur, I. Procê-verhaux des seances du Conseil municipal. Séance l'Assemblée nationale, du 2S mars. — A lire aussi l'adresse votee dans la, séance du 5 avrit ...11 est de notre devoir tie dire a l'Assemblee nationale que le vote de la loi municipals on projet, aurait pour résultat inevitable de provoquer la resistance des vines de (O'Q il[nes et au-dessns. D'ailleurs en restreignant, comnie elle semble voutoir le faire. les pouvoirs des municipa!Res, l'Assernble prejugerait la Constitution et outre-passerait son manthtt. C'est done sur else que retontherait toute la responsabilite, des redoutables (venclnents qui pourraient en etre Ia. consequence. — Sur la proposition du citoyen Menard, le Conseil vote l'impression de ladite adresse et son envoi ft toutes les communes de 6000 habitants et au-dessus.
LA
LUTTE CONTRE LA COMMUNE DE PARIS 251
une entrevue a la Commune. Nous avons trouvé la, nous devons le dire, le mere parti-pris qu'a Versailles, la, meme r€sisLance aux iciëes de conciliation. Les d6p6ches de M. Tiers 6taient de plus en plus ernpreintes (Futile confiance communicative. Aujourd'hui, nous telegraphiait-il le 17 avril, nos troupes out execute un brillant fait d'armes. Du cOth de Courbevoie, la division Montandon dirigree par son Labile general a fait la conquete du chateau de Becon. A prós une vive canonnade, le jeune colonel Davoust due d'Auerstadt s'est lance a la tête de son regiment et a enlevO le chateau. Nos troupes du genie se sont liAtees de commencer un epaulement avec des sacs a terre et d'Otablir une forte hatterie. La position d'Asnieres ainsi contrebattue ne pourra plus. inquiêter notre tate de pont de Neuilly. Nous n'avions pas d'autre objet, persistant toujours a éviter les petites actions jusqu'a Faction decisive qui rendra definitivement force a la loi.
Sine A. THIERS.
CHAPITRE XXVIII LYON DERNIER ESPOIR DE LA COMMUNE.- LE COMPLOT DE GENEVE. - L'AMIESTATION DES EMISSARIES
II West plus possible aux moins clairvoyants de ry e pas prêvoir prochaine et fatale de Faction decisive » annoncee par M. Thiers. Chaque jour, le siege devient plus etroit; l'artillerie de l'armde nationale reconstituee ecrase les forts et menace le mur d'enceinte. La solennelte intervention de la franc-maconnerie, qui Plante sur les remparts les banniéres des loges, n'arrete pas le hombardement. 11 reste a la Commune un espoir c i estle soulevement des vines du Midi, la marche de lours ren forts au secours de Paris, la necessité pour le Gouvernement de diviser ses forces. Lyon domino la vallée du Rhone: Lyon est acquis au programme d'autonomie communale et de revolution sociale; c'est a Lyon clue lit Commune en vole ses delegues thins la seconde quinzaine d'avril pour provoq uer une derriere insurrection .
LE
COMPLOT DE GENEVE
Les 16 et 17 avril, la generate est plusieurs foil battue dans les quartiers de la rive gauche du RhOne par ordre des Comités revolutionnaires. .l'ai sous les yeux Lin ordre portant le timbre (Fun a Comité central ». 11 est ainsi congu Ordre est donne au citoyen Granger de faire battre la gênerale et de mettre en armes la garde nationale dans son quartier, a la Guillotiere. Pour le Corrine revolutionnaire (le salut de la France : Pour le Président:
Etal des seere'laires, (Signature illisible).
Ces appels aux armes son t r6itérés sans succés. Mais Line tentative plus serieuse nous est 116v6I6e par des correspondances saisies et par les renseignemen Es du communard X..., au service de la prefecture, dont composait, je crois Men, toute la police secrete. Aides par des Lyonnais rdrugi6s It Geneve aprés les ërneutes des 28 septembre et 22 mars, les emissaires de la Commune enrOlaient dans Bette y ule des soldats prison niers et des habi-
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LA COMMUNE A LYON EN
1870 ET 1871
tani.s de la Haute-Savoie Venus pour vendre leurs denrees. line troupe de cing cents hommes, arm6s de lusils chassepots, devait marcher sur Lpn, en recrutant des adherents sur son passage t . On proclamerait la Commune ; on arrĂŤterait, comme au septembre, les principaux fonctionnaires et magistrats; on prendrait des Mages. Au besoin, Lion servirait
a la Com-
mune de Paris, et soutiendrait un siege, grace aux munitions et i taus les approvisionnemenls accu mules pourPOven Waffle (run investissemen par l'armOe allemande. Le 29 avril, deux complices de cette machination furent arrUes au palais de justice, i la porte de mon cabinet, c'atliti Pavet, dĂŠsignO pour occuper apres le succes le poste de directeur de la SCirete, et Coctex auquel on attribuait de noirs desseins core tre ma personne, parce avait dans sa poche, au moment de son arrestation, une lame triangulaire, grossiere1. Annales de 1' Assemblee nationtile. Rapport de Ducarre, depute du Rhone, sur le rOle de rinterna,tionale dans ['insurrection du 18 mars.
LE COMPLOT DE GENEVE
255
...■■••1,••=.1m•
ment emmanch6e, dont la pointe, protegee pas un houchon de liege, Rail, aiguisée avec soin. Ces Bens étaient munis de mandats de la Commune provisoire. Dans is soirOe du mOme jour, je us arreter plusieurs ëmissaires dont le depart de Geneve m'avaitétê annona ; Fun d'eux, AlbertLeblanc1, delëgue de la Commune, adult porteurdiaffiches devait faire placarder dans la nuit du 29 au 30. J'ai conserve un exemplaire de chacun de ces documents, dont je reproduis le texte. Cdtait d'abord la proclamation suivan Le de la Commune de Paris IIMBLIQUE FRANCAISE LA. COMMUNE DE PARIS AUX DI'ITARTEMENTS
CITOYEN 51
L'heure de la Revolution definitive a sonnë et claque coup de canon qui se tire a Paris est un appel a la 1. Nous avons déja. constat6 'Intervention de ce meme Albert Leblanc, dans une reunion d'officiers de La garde nationate qui avaient pr6pare 'insurrection du 22 mars,
.236 LA COMMUNE A LYON EN 1870 El' 1871
grande revendication des peuples, au soulêvement dernier, nous l'esperons,de ceux qui souffrent contre ceux qui oppriment. L'instant est solennel, it vows faut choisir. Los ennemis de la Revolution ont pose la question eux-mêmes. Avec eux. c'est la Reaction, c'est-h-dire le retour au passé, l'exploitation du travail et de rintelligence par le capital; la pens6e cornprimde et sournise a la ferule Jásuitisme vos Ills enrágirnentes malgrë eux pour pre ter main-forte a vos tyrans eta vos bourreaux; c'est la misere pour vos families; c'est la mort ou la deportation pour quiconque a ose ou osera lever la tOte pour protester encore contre vos maitres rentres en possession de lour puissance et de leurs privileges. Avec noun c'estl'avënemen t de la Liberte, qui donne a chacun l'entiëre extension de toutes sos facult6s, c'est 1'Egalite qui assurera a tons des droits egaux, c'est la Fraternite qui unira l'humanitê entiere dans un effort cornrnun cl i oil sortira le rêgne de la justice universelle. Choisissez! it est temps encore. Malgre lours proclamations mensongeres, nos ennemis tremblent dans Versailles. Levez-vous et 'Els tomberont, ne laissant derriere eux dans l'histoire que le souvenir de leurs assassinate et la trace lugubre de leurs devastations. A votre poste, citoyens des departe' ments ; nous sommes au nOtre, prêts a mourir pour vows et pour la
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cause trois Lois Sainte, de la Raison, de la Justice et du Progrés universels. VIVE LA RkPUBLIQUE DEMOCRATIQUE, SOCIALE ET UNIVERSELLE Signe: P/1 1,1X PYAT, VAILLANT, DELESCLUZE, COURNET, VARIAN, TRIDON, MALON, RANVIER.
Pour copie conforrne
^ igne : Ch. DUMONT, A.
LEBLANC,
I, Dëlégues de in Commune de Paris.
CAULET DE TAYAC
La seconde affiche Malt ainsi concue COMMUNE DE LYON CiTOYENSI
L'heure est venue ; la cite lyonnaise, la premiere qui, le 4 septembre ait revendique ses droits a la Commune, ne peut pas plus longlemps laisser 6gorger sa scour, l'hêrolque cite de Paris. Les traitres de Versailles ont dêpasse leur mandat ; aprés avoir accepte pour la France, sans discussions, touter les conditions faites par l'ennemi, ils veulent encore s'imposer a nous comme gouvernernent constituant, servant &echelon a une royautê. 1. Caulet de Tayac avait 6te seerëtaire de Raoul Rigault. 11
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La population lyonnaise a voulu voir jusqu'a irait leur audace, mais sa patience est a bout, et elle ne pert souflrir plus longtemps qu'une Assemb16e factieuse agite en France le drapeau de la guerre civile. Les elections municipales etatent le dernier coup porte a la Republique ce sera le signal de hi chute de nos oppresseurs. En consequence : Les revolutionnaires lyonnais, tous d'accord, se sont assembles et ont nomme une Commune provisoire, ayant ]es pouvoirs les plus etendus. Cate Commune, sans se faire connaitre, a prepare la Revolution qui s'accomplit aujourd'hui et restera (140sitaire de tous les pouvoirs jusqu'd ce que, dans un bref (Mai, des elections logiques et opportunes soient faites. La situation actuelle est ditlicile, citoyens, et nous comptons sur votre contours energique mais les rnembres qui composent la Commune provisoire sont resolus a employer tous les elements de succês qui sont en leur pouvoir, et ils sont surtout resolus, plutüt que de se voir raver la victoire, a ne faire qu'un monceau de mines d'une y ule asset rache, pour laisser assassiner Paris et la Republique. Vive la Republique democratique, sociale et universelle. La Commune provisoire RIvoIRE, BERGERON, BRUGNOL,
G. BLANC, BOU-,
itET I TACUSSEL, PELT A, VELAY, AUDOUARD.
LE COMPLOT DE GENEVE
259
Ces noms etaient ceux d'hommes obscurs, mais par la mere ne portaient pas umbrage aux farouches égalitaires, et inspiraient confiance aux ouvriers socialistes, comme paraissant, etre ceux de citoyens sortis du peuple et de.vou6s a la cause populaire. Quant a la menace de destructions et de ruines, qui terminait leer séduisante proclamation, les incendies de Paris dëmontrérent bientOt qu'elle n'aait pas une vaine jactance 1
CHAPITRE XXIX L'INSURRECTION DU 30 AVM. - LES BARRICADES A LA GUILLOTI g RE. -VALENTIN BLESSE. LA MPRESSION.
l'heureux effet des arrestations du 29 avril ? Toujours est-il que la colonne annoncde ne partit pas de Geneve. Nous devions craindre, n6anmoins, des désordres pour le lendemain. Le 30 avril, avaient lieu dans toutes les communes de France des Elections municipales, en execution de la nouvelle loi, vote le 14 avril par l'Assemblee nationale. C'est contre ces elections que protestait raffia-le de la « Commune provisoire », comme n'êtant ni « logiques
ni
« opportunes », et comme deviant etre « le Bernier coup porte a la Republique ». Elles avaient le tort d'être ordonnees par l'Assemblëe nationale, en vertu dune loi qui n'acceptait pas le principe d'autonomie. et sur-
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tout de devoir tourne y , selon toute apparence, contre le parti de la Commune. Je vis le prefet le 30 avril au matin it me fit connaitre ciu'au cis d'emeute, le canon du fort Saint-Just donnerait le signal du rassemblement des troupes sur la place Perrache, oiz luimème retrouverait le general Crouzat. J'allai a la maison d'arrAt me rendre compte de l'importance des arrestations de la veille et interroger les prisonniers. Sur l'invitation. du direcieur, j'y restai dejeuner. Nous avions quitt6 la table et j'avais repris mon interrogatoire, lorsque des coups de canon r6petés retentirent longuement et me serrêrent le cceur c'était le signal des 6vénemerits redoutês. Je me rendis en hate a l'hOtel de vale j'y arrivai au moment oft le prelet parfait pour rejoindre le general ; je montai dans la voiture de Valentin et, durant le trajet de la place des Terreaux a La place de Perrache, j'appris de sa bouche ce qui s'etait passé depuis que je l'avais quittê.
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Quand les êlecteurs s'dtaient pr6sent6s le matin pour voter a la mairie de la Guillotière, ils avaient trouvO la salle occup6e par des bandits en armes qui les avaient repouss6s, aprês avoir (While, au nom de la Commune de Lyon, clue les elections n'auraient pas lieu. Une trentaine d'entre eux formaient un demicercie de sentinelies devant la forte vetus presque toes d'uniformes de gardes nationaux, ids comptaient dans leers Tangs trois déserteurs de l'armëe. Le general Crouzat avait envoyë, pour retablir Fordre et faire respecter le. scrutin, deux bataillons du 38e de ligne. C'est toujours une grave imprudence de metire en contact des troupes d'infauterie avec une foule ameutee sans les faire prëceder par des forces de cavalerie, de gendarmerie ou de police, surtout en des temps ou l'autorite du Gouvernement est contestée, le devoir iricertain, la discipline chancelante. Ce qu'il fallait prévoir arriva ; le 3S e fut accueilli aux cris de
a Vive la ligne! ) Des
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AVR11,
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gardes nationaux se glissérent dans les rangs les femmes, qui ont toujours un role dans les emeutes, entourerent les soldats,.leur criant Vou g ne tirerez pas stir vos frOres Les soldats levérent-ils la Crosse en Fair! Des témoins Font affirme; Valentin
ce
moment le croyait. Depuis, les officiers du 3813 ont assure qu'on avail calomnió leurs hommes; que des crosses asset nombreuses en effet avaient 6tO levees, mais par des gardes nationaux entr6s dans les rangs des soldats pour y jeter le desordre et la confusion. faut tenir compte de la protestation des officiers, inspiree par le souci de l'honneur du regiment. Mais it est certain que la discipline de ces bataillons, noyes dans la foule, confondus avec elle, Mail, compromise et que les officiers prirent le bon parti en ramenant le 38e vers la place Perrache, Landis qu'il en Rait temps encore. Depuis, des barricades avaient 6te Olevées aux abords de la mairie les insures avaient fait de nombreuses recrues, venues de tour
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col, as; ils occupaient tout le quartier et s'6taient fortement retranchës a la mairie et dans les rues voistnes. Nous ne pouvions compter pour la repression que sur l'armëe, et raventure de la jour. née disait asset sous quelles reserves. ii fald'ailleurs agir sans retard. Fière du succês de ses previsions dans l'affaire du 22 mars, la municipalitê avail insist6 pour 6viter tine foes encore tine intervention militaire; mais chaque heure augmentait les forces de l'insurrection en mOme temps que sit conliance et son audace. Les ërneutiers etaient armes de chassepots et pourvus abondamment de cartouches, des armes et des munitions provenant encore du pillage des forts dans la journee du 4 septembre. Ayant re joint le general Crouzat, nous tinmes avec lui et ses principaux of(iciers tin conseil (roil sortit une prompte decision. Les troupes furent divisêes en deux colonnes la principale, commandde par le general, devait
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s'avancer avec le prefet, qu'accompagnait M. de Gourlet, commissaire central, par les quais de la rive droite du RhOne, traverser le fleuve au pont de la Guillotiëre, et déboucher en face de la mairie. L'aud'e, moins importante, comprenant une demi-batterie d'artillerie, commandée par le capitaine Nicolas, deux batailions du 38 e de ligne, sous les ordres du lieutenant-colonel Courtot, et quelques cavaliers, traverserait le Rhone, en sortant de la place Perrache, par l'ancien pont Napoleon, suivrait les quais de la rive gauche, puffs la rue de Marseille, jusqu'aux barricades. Je marchais en téte de cette seconde colonne; j'avais dans le dos les hataillons inquiétants du 38e, si malheureux dans leer pr6cedente tentative. Je devais faire les sommations. A peine en route, l'officier qui commandait la batterie me dëclara qu'il se bornerait faire tires blanc. J'insistai vivement, lui demandant de faire firer deux coups a blanc, mais ensuite, quand lit foule plus ou moins inoffensive serail ainsi avertie et écartde, de r y e pas hesiter
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canonner sërieusement les barricades et leers dérenseurs. Les ofticiers des autres corps m'entourërent et m'appuyèrent, rappelant que le general Crouzat venait de me confier le s p in de diriger l'attaque et que j'en avail la responsabilité que ROLLS n'allions
pas a une parade ; que nous ne
serious pas ménages par les balles des insurgês que nous avions le devoir de rétablir l'ordre. L'artilleur me demanda un ordre &Tit, voulant, disait-il, ddgager sa responsabilit6, au cas apres Faction, le procureur de la Republique ne serait plus lã pour lui prier son t6moignage. Je (16ebirai une page de mon carnet, et j'écrivis en ces termes, au crayon, Fordre qui m'Oait demand6 Après les summa lions legales, deux coups a bland; apres quoi firer sërieusement, Le Procureur de la Republique, ANDRiEux,
fle reproduis textuellement ce document parse que l'orficier
l'avait rect.' me Fa renvoye de
CINSURRECTION DU 30 AVRIL
67
Dijon, avec sa carte, ity a quelques anrides. Quand nous fumes en haut de la rue de Marseille, je fis, a la tete des troupes, trois sommations, accompagnees de roulements de tarnhours. Les insurgs répondirent par des coups de fusil; ce sont eux qui ont commence le feu ; un tambour du 38° tomba, gravement blessë, pres de moi. Puis ity eut comme
1111 moment
d'hesitation.
Croyant encore a. la popularite dont j'avais joui, l'ascendant de ma parole auprès de ces republicains lyonnais qui, sous l'Empire, m'avaient si souvent acclarne, et préoccup6 d'6viter, s'il était possible, reffusion du sang, je m'avancai en parlementaire et, faisant signe que je voulais parler, j'essayais de haranguer les insurges. J'avais ob6i l'impulsion (rune confiance insensee : je fus saisi, enlev6 par ces hommes, et spare des soldats qui Bien vice me perdirent de vue dans l'obscuritd de la nuit tombante. A ce moment je me ems perdu; ma poitrine
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ëtait menacêe par les balonneties des gents a la merci desquels je me trouvais; Fun d'eux, bout portant me rnettait en joue je doule qu'il eat tir6 ; car it ne le pouvait sans risquer d'atteindre ses complices je Wen Buis pas moires reconnaissant a un tisseur, nornme Fuzier, qui releva le canon du fusil. Instinctivement Favais mis la main sur le revolver qui, depuis mon arrestation a la Croix-Rousse, ne me quittait pas ; mail le souvenir du commandant Arnaud éiait trop pros de moi pour que je fusse tenth de me servir de cette arme et je dissimulai Bien vice un geste a peine commence. Aid 6 de quelques boutiquiers du quartier, le brave Fuzier chercliait a gagner du temps. Je Fentendais qui disait x II Nut le faire passer devant un Conseil de guerre On ne peut pas l'exkuter sans jugement Je me daattais sans violence et sans prOtendre me degager, cherchant seulement a me rapprocher des troupes, d'oa pouvait venir le salut. Tous ces faits, rapides, pr6cipites, prirent
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moins de temps gull ne m'en faut pour en krire le rëcit. Tout a coup je semis une violence secousse je tombais pile-mele avec les Bens qui me tenaient par le collet et par les bras. Une charge de cavalerie venait de balmier la chauss6e. Je me relevai, mes vètements en lambeaux, avec de douloureuses contusions. Sans m'attarder a regarder les insurgs qui grouillaient autour de moi, parmi leurs armes eparses, craignant de ne pouvoir rejoindre ma colonne, je m'echappai par une petite rue perpendiculaire au quai du Rhone et h la rue de Marseille. Ddbouchant par le pont de la Guillotiere, la colonne de Valentin venait d'ouvrir le feu contre la mairie, et quoique je fosse fort a droite de la direction du tir, des banes 6gar6es sifflaient de mon cote. Je gagnai, en me baissant, le, parapet du quai du RhOne, et, sous la protection de cet abri, j'arrivai jusqu'à l'entrée du pont, oft je me lis reconnoitre.
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Dans quel Mat vows a-t-on mis? me dit Valentin en me tendant la main. lielas! ii ne devait pas Larder â etre lui-même plus gravement atteint. Suivant le cours de Brosses (aujourd'hui cours Gambetta), nous marchions ver g la mairie, point de jonction des deux colonnes, quand Valentin tomba a cote de moi, en poussant une exclamation qui . paraissait trahir plutOt de la surprise que de la douleur. II venait d'etre blessë a la jambe par une balle qui, avant traverse le mollet de bas en taut, n'altait pu Mire tirée que de l'int6rieur dune cave. J'aidai
relever Valentin et a le trans-
porter dans une voiture du train des equipages, of' sa jambe êtendue reposait sur une banquette faisant face a celle sur laquelle ii Rail asses. Déjà clans cette mere voiture avait etë recueilli un insure, dont les arcades sourciliéres avaient die bris6es et le front horriblement laboure par une balle. Inconscient de ce qui se.
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AVRIL
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passait autour de lui, ce malheureux hissa retomber sa (Re sur l'épaule du- prefet dont, le manteau fut couvert de sang et d'immondices. Je voulus délivrer Valentin de cet imporLun voisinage et repousserl'insurg6 vers l'autre extr6mile de la voiture; mais, avec tette exquise bonte dont it ne se dêpartit jamais au milieu. des sëvdrités que lui imposêrent les circonstances et ses fonctions, Valentin, oubliant sa propre blessure, exigea qu'on ne &rangeal pas l'homme qui tout a l'heure n'etit point hësite le tuer
continua a lui servir d'oreilier jus-
qu'it
militaire, coa je laissai Fun et
l'autre aux s p ins 6galement devou6s des tonnes Sceurs. J'allai de
l'hOtel de vale, ou j'appris
qu'a, deux pas du palais municipal, dans une brasserie de la rue Puits-Gaillot, entour6s de leers amis, les delêgues de la Commune de Paris attendaient Tissue de la lutte. Je requis quelques gardes nationaux, parmi
lesquels M. Chaumer, negociant, M. lialin, ancien agent de change, M. Radisson, raftineur, et
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avec eux lentrais dans une salle enfurnde deux des signataires de l'affiche de la Commune, attabl6s devant des hocks a cots de soucoupes amoncel6es, Dumont et Caulet de Tayac, se laisserent arreter et dëpouiller de leers revolvers sans resistance. Puis, accompagn6 jusqu'au pont par M. Crozier, secrétaire du parquet, je retournai
la
Guillotiere. La troupe avait enfoncê les pontes de la mairie et avait fait ses defenseurs prisonniers; le combat Otait Presque termin6; cependant on entendait encore le sifflement prolong des balles, que de temps en temps nous envoyaient les emeutiers, hasardant leer coup de fusil l'angle dune rue, dans l'obscurité de laquelle
ifs disparaissaient aussitOt. Leers balles traversaient le Riteine et firent des victimes parmi les passants inoirensirs qui longeaient le quaff de l'HOtel-Dieu. Quelques coups de feu partaient aussi des fenêtres chaque fois la troupe ripostail, mail ces fusillades se faisaient de plus en plus espacdes. pie passai le reste de la nuit pres du general
L ' INSURRECTION
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AVRIL
Crouzat qui, dans la repression de cette ĂŞmeute, montra autant de sentiments d'humanitĂŤ que d'energie et de resolution'. 1. Un incident cUplorable de la journee du 30 avril fut la
debandade (Pun peloton du train des equipages qui fraternisa avec les eineutiers. Les hommes qui le composaient furent arrOties et conduits a l'etat-major de la place par des garden nationaux.
18
CHAPITRE XXX UN LENDEMAIN D'ÈMEUTE. M. THIRIOT PROCUREUR GENERAL. - LA CROIX-ROUSSE DEMOL IT SES PROPRES BARRICADES.
Aux premieres lueurs du jour, it n'y avait plus de combattants en face de Parmde des vitres bris6es, des portes, des devantures de boutiques trouees par les projectiles, du sang sur les paves, quelques cadavres
ramassés dans
les rues et provisoirement ranges prês du pont de la Guillotiëre dkelaient seals les sinistres ev6nements de la nuit. On se montrait avec curiositë les trots ronds et nets dans les vitres, perces comme r Fern porte-piéce par les banes des chassepots. La mairie, qui avait etê le principal objectif de la luLte, cribl6e de banes et d'obus, 6tait comme ëtoilee de cicatrices blanches. Les blesses furent envoyês
l'hOpital mili-
taire urg e trentaine de prisonniers furent con-
LENDEMAIN D ' EMEUTE
275
duits a la maison d'arrèt, sous bonne escorle. Les pertes de la troupe s'elevaient a trente homrnes environ, morts ou blesses. Parmi les morts, le chef de bataillon Jean Goujon, des mobiles du Rhone,
apres avoir ëchappO aux
obus de l'ennemi pendant le siege de Belfort, s'aait mis t la disposition du general Crouzat et venait de se faire tuer la Guillotiere par une balle francaise. On ëvaluaii, a cinquante-deux morts ou blesses les pertes des insurgës ; mais ils avaient emporte et cache la plupart de lets rs blesses par crainte du Conseil de guerre. J'allai quitter mes vètements déchirOs, ëponger mes ecchymoses, prendre un pen de nourriture et de repos. Puis, me sou venant quej'avais un procureur general, dont j'avais peat--titre trop nOgligê de prendre les instructions, je me rendis very onze heures du matin au palais de justice. M. Thiriot, ancien procureur general pi kes la Cour de Colmar, avait sucadé a Le Royer'. Bon 1. Neret du Chef du Pouvoir exêcutif en date du24 mars 1871.
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LA. COMMUNE A LYON EN
1870
ET
1871
jurisconsulte, procklurier consomme en matiére criminelle, n' ignorant rien de ce qui concerne l i administration d.'un parquet, it cachait, sous une apparente neutralitê politique, son 6loignement pour les institutions nouvelles c'était un magistrat correct, tel gull en fallait au regime défini par M. Thiers « la Republique sans les rëpublicains ». Je trouvai M. Thiriot a son parquet, feuilletant Dalloz et Sirey, compulsant les textes et les arrets, en vue de Finstruction a ouvrir et des poursuites
exercer contre les auteurs et
complices des êvënements de la veille. 11 m'adressa des eloges trop flatteurs, puis ajouta gravement : « Toutefois, Monsieur le procureur de la 116publique,
un reproche a vous
faire. Vous ne m'avez pas inform de ce qui se passait, pendant la journëe
Veuillez
ne pas outlier qu'h l'avenir, en pareille occurence, je veux titre a cote de vous. » Je m'inclinai et j'exprimai l'espoir que nous ne verrions plus de pareils evdnements. Je m'abstins d'ajouter que, pr6venu moi-meme par
LA CROIX-ROUSSE DEMOL1T SE S BARRICADES
277
les canons des forts, j'avais juge superilu et peut-être indiscret tout attire avertissement. Dans tons les quartiers autres que la Guillotiêre, les elections du 30 avril s'etaient passëes r6gulierement. Cependant a la Croix-Rousse, quoique les electeurs n'eussent pas ete empêches de voter, ity avait en des d6sordres. Les insurgs avaient occupe la mairie aprês le depouillement du scrutin. Le nouveau commandant de la garde nationale, le general Bourras, qui s'y trouvail, avait failli rester leer prisonnier et n'avait dci son salut qu'à la vitesse de son cheval. Deux barricades s'ëlevaient dans la GrandeRue, plus solider que celles de la Guillotiere, parce qu'elles avaient ete construites avec moins de hate. Elles étaient faites de paves, de barriques et de sacs remplis de terre. Je montai a la Croix-Rousse ; l'opinion Mail. surexcita ; on parlait avec colere a du massacre de la Guillotiere »; mail, la 'eon de la veille aidant, personne ne prenait les acmes, et les barricades étaient ddlaissees.
278 LA COMMUNE A LYON EN 1870 ET 1871
Je fis appel au bon sons et a l'interĂŠt des
boutiquiers du voisinage ils remirent euxmernes les paves en place ; I'ordre et la circulation furent rĂŤtablis sans autre intervention.
CHAPITRE XXXI VERS LA PAIX
-- LE DESARMEMENT DE LA
GARDE NATIONALE.
LE SAPEUR-POMPIER DE
L'HOTEL DE VILLE
L'echec de Finsurrection lyonnaise eut un retenlissement salutaire dans les vines du Midi. Ce fut la fin des tentatives de soulêvement dans toute cette region. A Lyon meme, des le lendemain de la repression, it nous fut possible de proader au desarmernent partiel de la garde nationale. Le preret grit un arrète aux termes duquel, consid6rant que les i9 e . 2O P , 2P, 22e bataillons s'etaient rendus complices de l'insurrection par Finaction des uns, par la presence des autres dans les rangs de l'emeute », it déclarait ces balaillons dissous
donnait aux gardes
nationaux qui en faisaient partie, un Mai de quarante-huit heures pour deposer leers acmes a la mairie; les menagait de 1'application des
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lois, si, passe ce
its -etaient trouvés pot--
teurs d'armes de guerre. Quelques jours aprés, ii prenait un nouvel arrete contre un autre bataillon , des rings duquel etaient, partis des Cris de « Five la Commune! )) Le d6sarmement se fit sans difficultës. A vrai dire, quand les premiers gardes nationaux, le fusil sur repaule, la mine confuse, descendirent thins la rue pour ob6r .aux injonctions prëfeetorales, les femmes de lout's quarliers, la rage dans le occur, les insulterent et, leur mettant le poing pros du visage, leur adresserent les epi the tes habituelles de « ladies et de feignants ». Mais l'exemple fret suivi; ceux qui ne se decidaient pas h porter eux-mémes lours armes la mairie, en chargeaient lours enfants et, pendant deux jours, on vit dans les rues des garconnets et des fillettes trainer sur le pave des fusils troplourds pour leurs petites epaules. De rigoureuses perquisitions complOtèrenL rceuvre des restitutions volontaires. On trouva jusqu'à trois et quatre fusils entre les mains &tan méme garde national qui les ddienaient
DESARNIEMENT DE LA GARDE NATIONALE
281
11!
depuis le 4 septembre, alors que nous man= quions d'armes pour nos soldats. La perpOuelle insecurite oft nous nous agilions deimis huit rnois, eiait favoris6e par cette circonstance que bus les bataillons de la garde nationale faisant a tour de vole le service de l'hOtel de vale, les conspirateurs n'avaient qu'it choisir pour le succ-es (rune surprise, le jour oft ils . savaient qu'ils
DC
rencontreraient que
des complices parmi les prëpos6s A la garde du prOfet. A parlir du moment of i les hommes d'ordre fill-eat en majorite dans les seals bataillons qui etissent conserve leers acmes, la vine put s'endormir sans crainte (rune revolution pour le lendemain. Les derniêrés apprnensions de troubles civils disparurent tout
a
fait quand la loi du
25 aoCit eut supprime la garde nationale dans touter les communes de France. Cette institution, qui &Rail montree egalernent impuissante dans ses manifestations contraires, soit pour retablir l'ordre, soit pour ren-
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verser les pouvoirs êtablis, commencait fatiguer, par le temps perdu pour un service inutile, les citoyens dOsireux de reprendre Line vie normale et un travail regulier. Cependant le prdjuge qui l'avait rendue populaire, la cro-yance que son existence Otait Hee a Celle de la Republique, qu'elle ótait la garantie nécessaire de l'état dernocratique, le gait enfin, que Arend le peuple, comme les enfants, jouer au soldat, Brent craindre Firritation qu'allait, soulever la suppression de la garde nationale. La municipalitO se preoccupa de jeter un man teau sur la nouvelle blessure file 5, la democratie et le palliatif qu'elle imagina fut de remplacer le garde national de faction a l'entree de l'hOtel de vine, non par une sentinelle en-tprunUe a l'armée, dont Funiforme eCit rappelé le temps de l'Empire, mais par un sapeurpompier, soldat municipal. Le pornpier de l'hOtel de vine 6gaya la ruction aux depens de Barodet, qui en revendiqua la paternite mais sa tunique bleue, ses grenades enfiamm6es brod6es sur le velours du collet,
DESARMEMENT DE LA GARDE NATIONALE
283
son pantalon a bandes écarlates, son casque sympathique contribuêrent a l'apaisement en sauvant les apparences qu'une sage politique a .4. souci de menager.
CHAP1TRE XXXII POUR CONCLURE
Nous venons d'assister aux dernières convulsions de la Commune lyonnaise, devancant, de pros (Fun rnois l'agonie de la Commune de Paris. A Lyon le desordre commenca plus tot et se prolongea plus longtemps qu'en aucune autre Mille de France. Et cependant, en dëpit (rune sorte d'exaltatiori m)r stique, particuliëre aux Lyonnais et capable de les porter, dans la sincerile de ses entrainemen is, jusqu'aux Aires vioknees, nous aeons fail, sans d'irr6parables avaries, la perilleuse travers6e du 4 septernbre 1870 au
l er mai 1871.
Sans doute, aucune circonstanee attenuante West,
plaider ni pour les arrestations et les
detentions arbitraires qui ternirentles premiers jours de la Republique, ni pour l'envahissement et le pillage des Couvents et des sCminaires, ni pour la Tolle gestion des finances municipales,
CONCLUSION
285
encore moins pour les èmeutes en face de 'invasion allemande et pour l'horrible assassinat du commandant Arnaud. Mais qu'est-ce au Ares des massacres et des incendies qui désolërent Paris et jetérent Npouvante dans le monde entier? L'indignation souievêe par les crirnineis attentats dont on a lu le r6cit ne doit pas nous faire
oublier les perils plus graves auxquels nous aeons échappO. El pour R ye equitable, ne fautil
reconnaltre, sans oublier les fautes corn-
mises, que la politique cunctatrice, les transactions de Challemel-Lacour avec le dOsordre, et les resolutions plus viriles de Valentin eurent les unes et les autres leer heure et leur raison d'être pour le maintien ou pour le raablissement de paix publique? Peut-titre même sans les karts de son intransigeanceautonomiste, le Conseil municipal, perdant la con fiance de ses commettants, pu remplir Futile office de tampon qui lui permit d'amortir le choc de l'insurrection contre
l'auLorité reguliére?Ainsi, comme par un secret
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dessein, 'Imperfection des hommes et des chosen tourne parfois au Bien de la communautA. Je n'irai pas jusqu'à pr'êter urn rule providentie! au Comité de Salut public. L'ombre de Chapitet ne me le pardon nerait past Mais it me sera permis de penser qu'au lendemain d'une rvolution it y a quelque chose de Aire qu'u n mauvais Gouvernement &est l'absence de toute direction; c'est l'anarchie. Ces conclusions dtaient peut-titre n6cessaires pour qu'aprés avoir sans faiblesse distribue le blame aux auteurs du drame lyonnais, yeusse le droit de finir par oil commenait Montaigne Crest icy, lecteur, un livre de bonne foy.
FIN
INDEX DES NOMS CITES
A
Alexandre (general de la garde nationale), 227. Allut (substitut), 88, Andrieux, passim. Arago (Emmanuel), 61, 205, Arnaud (commandant), 444 et suiv. 152 et suiv. 15S. — 232, 26S, 285. Arnaud (Min.), 154, 156. Aubert (agent de change), 85. Aubert (D r A.), 159. Audiffret-Pasquier (duc d'), 179. Audouard, 258. Auerstadt (due d'), Voyez Davoust.
B
Baudin, 46, 108, 194. Baudrier (president), 31, 90, 91, 92, 93. Baud •, 21, 28, 75, 76, 112. Beaudesson de Richebourg (general de la garde nationale), 223, 227, 222, 232. Beauvoir, Ili. Bellon (mernbre de la Commission inunicipale). 32. Bénevent (Perrin de), 204, 205. Benoit, 211. Beranger (chansonnier national), 8. Berenger (avocat general, senateur, etc.), 9, 32, 33, 85, 160, 161, 208. Bergeron (du cornice de Salut Public), 48. Bergeron 1 (de la Commune provisoire), 258. Bernard (general), 241. Bessieres, 36. Birts, 128. Bischof, 128. Bissuel (caserne), 137.
Bakounine, 421, 425, 130. Ballas, 155. Bancel, 25, 63, 249. Barafort (president), 80. Barodet, 21, 25, 51, 209, 212, 213 211, 223 et suiv. 231, 239, 282. Barrabas (Menu de droit cornmun), 31. 1. Ces deux Bergeron detaient Barret (capitaine), 455. peat-are qu'urL seul et merue BergeBastelica, 125.. ron?
288
INDEX DES MOMS CITES 4•••■.■■■••■•
Blanc, 223, 238. Blanc (Gaspard), 425, 258. 13oisluisant (de), 125. Bonafos (juge d l instruction), 153, 154. Bonaparte. 248. Bonnardel (Emile), 112. Bordone (general), 189 et suiv. 192 et suiv. Bordorie (Joseph-Antoine), 190. Boulanger, 2. Bourbaki (general), 159. Bourret, 258. Bourras (g6neral), 211. Bouvatier, 223. Bouveret, 155. Bouveron (Louis), 160. Boyer, 1M. Brack (Denys), 145, 152, 155. Bressoles (general), 1'74, 174, 116, 118 et suiv. — 182, 229. Brialou (futur depute), 9, 60. Brialou (danseur), 59. Bruat (general), 241. Brugnol, 258. Bruis, 128. Brun (femme), 146. Bruyas, 145, 152, 155. Burnier (citoyenne, deesse de la, Liberte), 154.
Central federatif ,:coniite), 120 et suiv. Cezan (secrétaire general), 31. Chalier, 21. Challemel-Lacour, 29, 39 et suiv., 46 et suiv., 85, 90, 92, 97,108 et suiv., 112 et suiv., 127 et slily., 132 et suiv., 144, 458 et suiv., 168, 171, 114 et suiv., 118 et suiv., 186,190, 191, 104 et suiv., 199 et suiv., 205, 214, 285. Chambord (cowte de), 248. Chanet, 16, 17. Chapitet, 234, 73, 115. 286. Chapotot, 232, 233. Charavay, 28. Charpennes (fort des), 230. Charvet, 111, Chaurner, 271. Chavant (commandant), 146, 1'47. Chaverot (president du Comae vie Salut public), 24, 48, 49. Chepie (president du Comite de Salut public), 24, 33, 47, 112. 113.
Chevreuse (commissaire de police), 88, 89, 94. Choi, 145, 148, 152, 155. Choppin d'Arnouville (procureur imperial), 34. Ciceron, 11, 55. Clappier, 154. C Clarisses (les Sceurs), 35. Carayon-Latour (Joseph de), 173 C1(5,menceau, 58. et suiv., 176. Cttiseret, 75, 123 et suiv., 428. Carrnes (les P. P.), 35. Codex, 254. Colonna, 223. Carlod, 54, 105. Casati, 9, 10, commune (Cornmission provisnire de lit), 226, 221, 238. Cacitellazzo (major;. 18S. Cathelinean (comte de), 187. Comte (navetier), 120. Caulet de Tayac, 251, 212. Cosnac (abbe de), 16, 17. Cournet, 257. Cazot (Jules), 167. Celer (colonel), 159, 160: Courtot (L t-colonel), 265.
INDEX DES NONIS CITES
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-.......■•■.■1•■■■•■■■•■1■■■
Cowrie? . de Lyon (journal le), 43. Durand (substitut), 153. Couturier (capitaine d'etat-major Duval (general de la Commune), 243. de la garde nationals), 92. Cremieux (Adolphe), 65, 66, et suiv., 135, 196. Crestin (D r -maire de la Guillotiers, etc.), 186, 209, 213, 249. Ehrenbreitstein (forteresse d'), 206. Crouzat (general), 182, 229 et Espee (baron de prefet de la suiv., 239, 261 et suiv., 273. Loire), 238. Crozier, 272. Espivent de la Villehoisnet (geCuire ( cartoucherie de), 146. nér al), 245 . Cuniac (president) 1 222. D
F
Faison (geml ral), 241, 243. Dalloz, 216. Favre (Jules, depute du RhOne), Darcy, 112. 208. Daudel (gfk neral), 213. Ferrouillat (avocat, conseiller Davoust, due d'Auerstadt (genemunicipal, depute, etc.), 62, ral), 251. 249, 2 5. 0 Debussigny (commissaire de poFloquet (Charles), 25. lice), 32. F'lottarcl (depute du Rhone). 128, Decaisne, 3. 20. Decentralisation (journal la),14, Flourens (Gustave), 75, '76, 244. 208, 234. Fourichon (a.miral), 135. Delaroche (veuve), 221. Fournier (Eclouard), 231. Delescluze, 46, 108 et suiv., 257. Franefort (pharmacien), 153. Deloche (Westin), 155. Francs-masons, 4, 252. Deloche (Christophe), 145, 146, Fuzier, 268. 149, 152, 155, 232. Derojat (general), 243, 245. Despeignes, 24, 48. Doublet, III. Gallitret (general de), 241. Gambetta, 68, 69, 156, 157, 158, Ih'apeau (journal le), 195, 496. Dubost (Antonin), 62, 63 et 167, 479, 180, 183, 485, 186, 192 suiv., 68. et suiv., 199, 202, 205. Ducarre (depute du Rhone), 71, Ganguet, 26, 452, 169. 208, 254. Garet (Louis;, 24, 25, 37, 106, 107, Dumont (general), 243. 115, 223 et suiv., 237. Dumont (Ch.), 257, 272. Garibaldi, 75, 123, 151, 183 et Dupont (Pierre), 22i. suiv., 208, 209. Dupreuil (general), 213. Gamier (Charles, publiciste), 74. Durand (medecin), 21, 27, 55. Gamier (general), 243. 19
290
INDEX DES NOMS CITES
eannin, "74. Gassrnann (Pierre), 160. Gaulot (premier president), 34. Jesuites (P. P.), 3:;. Journel (juge &instruction), Gay (Pierre), 18 et suiv. Josserand, 112. Gay (passage), '19. ouve (A.), 43. Gelcski (voir NIalicki), 111. Jouve (clos), 149, 1:4). Gillet, 924. Jussieu (de:, Glais-Bizoin, 135. Glas (depute. du IthOne .â&#x20AC;&#x17E; 208. Gomot (seeretnire gent'kual), K 222. Goudchaud (colonel tretat-major keratry (comte de, prefet de police). 64, V. de la Garde nationale ) , 132. Goujon (Jean, commandant ) , 215. L Gourdins reunis (les), '22. Gourlet (de, counnissaire cenLaire i\ de, secretaire general'. 31. tral), 265. Langlade, 2G. Granger, 253. La Mariouse (general , 243. Guimaild (president de la. comLamothe ! fort), 22. mission des finances .% 26,48. 13. Laprade (Victor de, depute du Grizard-Delaroue, 84. 111-16ne), 208. Gros (Denis), y our Brack (Denys', . Leblanc (Albert ) , 221, 255, 251. Groshois, 18. Legions d 'Alsace-et-Lorraine, 160, Guillaume (i'oi de Prusse1, 23. 162, 200, 201, 230. Henon (D r , maire de Lyon). 2:1, Legions du RhOne, 159, 160,161. 63, 129. Lentillon (Joseph), 13 et suiv., 26. Le Royer (procureur general, dr.H pute du IthOne, etc.). 63, 61, 84, 85, 90, 104, 121, 208, 228, Henri IV, 126. 248, 215. Henry (general de la Commune), Lomball, 111. 245. Luizerne (la hande de la rne'r , 29 H yram , 2. et suiv. I
Internationale (association l' ,5.7. 109, 110, 411, 254. lavalideur (1"), 4. J
Jachtud, :;s, 69. Jacquard, 11. Jas, 155.
Mai re, 60. NIalicki, 166 et suiv. Malon (de la Commune), Mangini (Lucien), 208. Marchisio (Christine), 490. Massin (procureur genera,(`, 31. 32, 85. Maynard, 24, 48, 112.
291
INDEX DES MOMS CITES
Mnzure (general), 126, 132 et Patineurs de Clermont-Ferrand (Club des), In. suiv., 139 et suiv., 144. Paul. (G.), 164. Medeux, 92. Payet, 254. Meillet (Leo), 250. \tetra (colonel de la Garde nor.- Pala, 258. Pelle (general), 245. tionale), 28, 104, 227. Pernin (gardien chef), 86. Michaud, H2. Perrare, 223. Micoud, 223. Mierolawski (general), 163 et Perret, 24. Perret (Jean-Baptiste, depute du suiv. RhOne), 208. Ilillaud (Edouard, avocat gene- ral, depute du RhOne, etc.), 67, Perrin de lienévent (Voir Benévent). 84, 197. Pinard (ancien ministre), 493 et Millet (colonel), 201. suiv. Mil levoye (premier president), 34. Pirodon, 224 et suiv. Millon (Joanny), 160. Placet, 111. Missions africaines, 35. Poincet, 128. Montaigne, 286. Montandon (general), 231. Poncet, 223. Montfort (general de), 179. Pothuau (amiral), 243. Morel (depute du RhOne), 208. Prefecture (Comae de), 112. Morin (substitut), 83, 85. Progrês de Lyon (Journal le), 95, .Mortetnart (de, depute du RhOne), 234. Peat (Felix), 257. 204. N Napoleon (prince), 123. Nicolas (capitaine), 265. Nuits (bataille de), 145. 159.
0
Q Quasimodo, 28.
Radisson, 271. Rafin, 271. 011ivier (Emile), 20. Itampon (comte), 176. Urclinaire (Dionys), 46, 49. Ranc, 196. Outhier, 249. Ranvier, 257. P Raspail (Francois-Vincent), 26, 27, 209. Palix, 111. Regard, 40. Parfait Silence (Loge le), 63. Wveil (Journal le), 108, 111. Paris (comte de), 248. tievue politique (lab 194. Parraton, 223. Pasquier (chirurgien en chef), Reynier, 112. Riboli f, Dr), 188. 242.
292
INDEX DES MOMS CITES
Rhurnkoff, 164. Richard (Albert), 56 et suiv., 61 69, 122, 12:i. Rigault (Raoul), 61, 62, 64, 257. Rivoire, 2:18. Rochefort ', Henri), 40. Rotonde (salle de la), 57, 61, 6 125. Rousseau (Jean-Jacques), 218. Ruche (cercle de la), 150. Ruffin, 101, 102, 104.
Soulie (Frederic), 14. Spuller (Eugene), 1i16. Sfirete generale (Goren to de), 29, 30 et suiv.
T
Ta.cussel, 111. Tartarin, 193. Terme, 63 et 64. Thiers 1 (Monsieur), 209, 211, 220, 240 et suiv., 248 et suiv., 252, 276. S Thiriot (procureur general), 275, 216 Saigne, 125, 126, 136. Thomasset, 32. Saint-Augustin (eglise), 146. Ti aeon, 29 et suiv., 33, 76, 84, 91. Saint-Denis (eglise), 146. Tissot, 223. Saint-Eucher (eglise), 146. Saint-Irenee (serninaire de), 35. Tridon, 257. Saint-Joseph (prison), 1 et suiv., Trochu (general), 85, 86, 208. 31. et suiv., 86 et suiv , 139, 194, 232. V Saint-Just (fort), 261. Vaillant, 257. Saint-Paul (prison), 87. Faille, 74. Saint-Pierre (palais), 120. Saint-Victor (de, depute du Valentin (Edmond, prefet du RhOne, depute, etc.), 205 et RhOne), 208. suiv., 210, 219, 222, 228, 238, Salut de la France (Comité du), 261 et suiv., 270, 271, 279, 280, 121, 122 et suiv. 285. Salut public (Comite de), 18 et suiv., 30, 36 et suiv., 47 et suiv., 56 et suiv., 70 et suiv., 83, 84, I. Iecris " NIonsieur p en toutes 105 et suiv., 115, 286. lettres, eunime it faisait pour ses Salut public (Journal le), 42, cartes de visites. «Monz,ieur n 6tait le titre ins4arable de sa personna207, 234. Segur (cornte Louis de), 122, 123, lit6 bourgeoise. « Monsieur Tillers, ne faites pas le jeunc homnie ,J, lui 165, 172, 175. disait Al me Thiel's, quand, a l'age de Sencier (prefet), 21, 31, 85 et quatre-vingts ans, it s'assey, a, tout suiv., 94 et suiv., 101. en causant de /a loi nuilitaire, dans Sencier (l n"), 85, 86. le salon de la place Saint-Georges? Serre de Riviere (general), 163. sur le bras (Fun fauteuil', d'oll penSirey, 276. daient ses petites jambes qui s'agitaiat dans le vide. Soubrat, 60.
INDEX DES NOMS CITES
93
Valentino (sane), 97 et suiv., 145 et suiv., 151. \T allier (adjoint), 24, 249. Windrif (chef de division', 30. Varawbon (procureur general, Woolwich (t cote d'artillerie de), depute, etc.), 25, 51 et suiv., 206. 118, 249. Varlin, 251. X Velay, 258. Vengeurs (corps des') , 161 et N. (l'agent secret;, 253. suiv., 172. Vernis, 128. Veuve (1a), 3. Ychalette, 60. Vinoy (general), 241, 242, 243. 22. Vitriolerie (fort de Vollot, 48. Volontaires de Cluseret, 121, 130. Zola (Emile;, 154.
.
TABLE DES MATIERES
En guise de preface . CIL\ PITRES. 1. «
Le mie prigioni. » Une awe (le magistrat. :dies libêrateurs. Un compagnon de ehaines. — Le Comae. de — En route pour l'hOtel de 18 panier Salut public. — Le dessus Police et piquage 111. - La blade de la rue Luizerne. Li end'once.—Les arrestations arbitraires. '29 vahissement des couvents — Lyon contre V. — La Commune it l'hOtel de 36 Paris. — Prefet ou ambassadcur V. — << Un vigoureux republicain. » — ChallernelLacour (levant le Comae. — Le prefet au secret dans sa. prefecture. — La proposition i6 Carlo d — Albert Richard et ['Internationale. — Les Megués du Club de Ia Rotonde. — Le citoyen Brialou 56 VII. -- Deux fours a Paris. — Ma premiere visite a la prefecture de police. — De Raoul Rigault Ganibetta en passant par Crémieux. — Comment je devins procureur de la Republique 61 VIII. — Le Comae de Salut public legifere. — La liberte de Ia presse et les a communiques D. — Les arrestations continuent Evasions ou mises IX. — A la prison Saint-Joseph. 82 en liberte X. — Les responsabilites du pi-Wet de l'Ernpire. Une lettre de M. Sencier. — Le procureur a la 9i Une nuit au violon Salle Valentino.
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TABLE DES MATIERES
CEIAPIFRE5.
Pages.
Ses adieux aux Lyonnais. — Chailemel et Delescluze. 105 Les elections municipales X11. — Lechautfouree du 28 septembre. Cluseret ; Bakounine. —Le platrier Saigne.— Les pleins pouvoirs du commissaire extraordinaire de la 120 Republique Xlii. — Cedant anna to x. Arrestation ciu general 132 Manure XIV. — La bataille de Nuits. L'assassinat du coin144 man.dant Arnaud XV. — Challemel-Lacour et la defense nationale. — Li ceuvre niilitaire du Conseil municipal 458 XVI. — Ln aventurier. — Le Corps des vengeurs. 165 XV1L o Fusillez-moi ces gees-la. — Carayon-Latour 113 et les mobiles de la. Gironde XVIII. — Le general Bressoles. — La correspondence du 178 prefet X1X. — Le Cornite lyonnais de I l an-nee des -Vosges. — Lettres de Garibaldi. — Le cartel du colonel 183 Bordone X. — Encore le pharrnacien d'Avignon. L'arrestation 192 dun ancien ministre XXI. — Les dernieres manifestations et la demission tie Chaltemet-Lacour. — La revue du 5 fevrier 1871. —Les legions d'Alsace-et-Lorraine. 198 Les — Edmond Valentin, prelet du RbOne. 205 elections du 8 ........... XXI11. Le drapeau rouge a 116tel de — Le docher de Vaugneray et le zele (furl juge de paix ........ .............. 210 XXIV. — L'insurrection du 22 mars. — Le prefet prisonnier. Barodet et le citoyen Garet. — Pro217 clamation de la Commune XXV. — Le general Crouzat ã la gare de Perrache. — Les officiers de la garde nationale 229 XXVI. — Une heureuse diversion. Les mobiles du RhOne reviennent de Belfort. — Evasion nocturne 233 de la Commune XXVII. — Les d6p8ches du Chef du Pouvoir exdcutif. XI. — La fin du Comitè de Salut public.
297
TABLE DES MATIERES
CHAPITRES.
rages.
La late contre la Commune de Paris racontee par %L 'shiers. 240 XXVIII. — Lyon dernier espoir de la Commune. — Le complot de Genève. L'arrestation des emissaires 259 XXIX, — L'insurrection du 30 avril. — Les barricades ft la Guillotiêre. — Valentin blesse. — La repression 260 XXX. — Un lendemain d'emeute. — M. Thiriot, procureur general. — La Croix-Rousse de-molit ses propres barricades 274 XXXI. — Vers Ia paix civile. — Le dêsarmement de la garde riationale. — Le sapeur-pompier de l'hOtel de ville 219 II. — Pour conclure 284 Index des noes cites
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TOURS IMPHIMERIE DESLIS 6, rue Gambetta, 6