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Vers le monde hyperindustriel Notre problème n’est pas de sauver à toute force l’ industrie manufacturière . Il est encore moins de la protÊger des effets transformateurs de l’informatique ou de la concurrence fondÊe sur le service. Il s’agit au contraire de construire une base  hyperindustrielle  solide, capable de proposer au monde des ensembles de biens et de services compÊtitifs et, plus prÊcisÊment, de se situer aux articulations stratÊgiques des rÊseaux qui conçoivent et produisent ces ensembles. Telle est l’essence du monde hyperindustriel.
Si nous avons intitulĂŠ cet ouvrage, L’Industrie, notre avenir, c’est parce que nombreux sont ceux, dans notre pays – dans le grand public et malheureusement aussi parmi les ĂŠlites dirigeantes – qui pensent que l’industrie est chose du passĂŠ. C’est aussi parce que, de fait, la chute rapide des emplois manufacturiers et la baisse de notre compĂŠtitivitĂŠ crĂŠent un doute sur notre capacitĂŠ Ă garder des usines sur notre sol. Et ce doute semble d’autant plus Œ—•–‹Ď?‹¹ “—‡ǥ †‡’—‹• —Â?‡ †¹…‡Â?Â?‹‡ǥ Žƒ ”ƒÂ?…‡ •‡ †‹•–‹Â?‰—‡ ’ƒ” —Â?‡ ÇźÔœÂ†ÂąÂ•Â‹Â?†—•–”‹ƒŽ‹•ƒ–‹‘Â?ÔœÇ˝ ’ƒ”–‹…—Ž‹°”‡Â?‡Â?– Â?ÂƒÂ”Â“Â—ÂąÂ‡ ‡– …‘Â?–‹nue. Depuis 2010, le recul industriel français perdure, alors que, dans l’ensemble de l’Union europĂŠenne, l’emploi du secteur manufacturier est stabilisĂŠ, et la valeur ajoutĂŠe produite par ce secteur, Ă nouveau en hausse (Veugelers, 2013). Mon propos, dans cette partie introductive, ne sera pas toutefois de reprendre ce diagnostic morose, parfaitement posĂŠ par nombre de travaux rĂŠcents (Pisani-
‡””›ǥ Í´Í˛ÍłÍśÔœÇ˘ ‘Â?–ƒ‰Â?Âą et al.ÇĄ Í´Í˛ÍłÍśÔœÇ˘ ÂƒÂŽÂŽÂ‘Â‹Â•ÇĄ 2013). Avec Thierry Weil et tous ceux et celles qui ont prĂŠparĂŠ cette publication, nous souhaitons surtout prendre du recul, interroger les fausses ĂŠvidences (Ă commencer par celles portĂŠes par le vocabulaire), adopter une vision internationale et prospective. Une telle approche passe d’abord par le refus de deux images bien ƒÂ?…”¹‡•Ǥ ƒ ’”‡Â?‹°”‡ ‡•– …‡ŽŽ‡ †— ”‡Â?’Žƒ…‡Â?‡Â?– †‡ Žƒ •‘…‹¹–¹ ÇźÔœÂ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÂŽÂŽÂ‡ÔœÇ˝ ’ƒ” —Â?‡ •‘…‹¹–¹ ÇźÔœÂ’Â‘Â•Â–ÇŚÂ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÂŽÂŽÂ‡ÔœÇ˝Ç¤ ƒÂ?• …‡––‡ vision, le recul du secteur manufacturier serait une sorte d’Êvolution naturelle, les emplois de services, caractĂŠristiques de Žƒ •‘…‹¹–¹ †‹–‡ ÇźÔœÂ’Â‘Â•Â–ÇŚÂ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÂŽÂŽÂ‡ÔœÇ˝ÇĄ •—……¹dant aux emplois manufacturiers comme ceux-ci ont succĂŠdĂŠ aux emplois agricoles †ƒÂ?• Ž‡• ’Šƒ•‡• ƒÂ?–¹”‹‡—”‡•Ǥ ‡––‡ –Š°•‡ Â?‡ rĂŠsiste pas Ă l’analyse, sauf Ă considĂŠrer “—‡ Ž‡• •›•–°Â?‡• Â?ƒÂ?—ˆƒ…–—”‹‡”• Â†ÂąÂ˜Â‡ÂŽÂ‘Â’Â’ÂąÂ• ƒ— …‘—”• †— •‹°…Ž‡ †‡”Â?‹‡” …‘Â?•–‹–—‡Â?– l’alpha et l’omĂŠga de ce qu’on peut appeler ÇźÔœÂ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÔœÇ˝Ç¤ ƒ †‡—š‹°Â?‡ ‹Â?ƒ‰‡ “—‡ Œ‡ ’”‘-
Saint-Nazaire, port(e)L’industrie ouvert(e) sur et les l’industrie gens ordinaires du futur
pose de refuser est celle qui voit le secteur manufacturier comme une sorte de citadelle assiĂŠgĂŠe, dont il faudrait dĂŠfendre la place dans l’Êconomie contre la montĂŠe des services et du numĂŠrique. Ă€ l’opposĂŠ de ces images, je parlerai de •‘…‹¹–¹ ÇźÔœÂŠÂ›Â’Â‡Â”Â‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÂŽÂŽÂ‡ÔœÇ˝ÇĄ “—‹ ‡•– Â? Žƒ fois en rupture mais aussi en continuitĂŠ profonde avec les mondes industriels du passĂŠ et qui se caractĂŠrise prĂŠcisĂŠment par la convergence entre la production des biens et celle des services, profondĂŠment renouvelĂŠes l’une et l’autre par l’informatique.
Sortir de l’opposition industrie/service ƒ ˆƒÂ?‡—•‡ †¹Ď?‹Â?‹–‹‘Â?ÇĄ •‡Ž‘Â? Žƒ“—‡ŽŽ‡ ‘Â? ”‡…‘Â?Â?ÂƒĂ Â– —Â? ÇźÔœÂ„Â‹Â‡Â?ÔœÇ˝ †ǯ—Â? ÇźÔœÂ•Â‡Â”Â˜Â‹Â…Â‡ÔœÇ˝ ’ƒ” l’effet produit lorsqu’il vous tombe sur le pied, fait partie de ces aphorismes de ’•‡—†‘ „‘Â? •‡Â?• “—‹ ‡Â?–”ƒ˜‡Â?– Žƒ ”¹Ď?Ž‡š‹‘Â? plus qu’ils ne la facilitent. En rĂŠalitĂŠ, biens ‡– •‡”˜‹…‡• ‘Â?– ’ƒ”–‹‡ Ž‹¹‡ †‡’—‹• –”°• Ž‘Â?‰temps, y compris Ă l’âge d’or de la production de masse. Quand McCormick envoyait ses machines agricoles en kit aux fermiers
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amĂŠricains, ou quand Singer fondait la diffusion de ses machines Ă coudre sur la Â“Â—ÂƒÂŽÂ‹Â–Âą †‡ ÂŽÇŻÂƒÂ’Â”Â°Â•ÇŚÂ˜Â‡Â?–‡ǥ ˜‡Â?†ƒ‹‡Â?–nj‹Ž• †‡ Žǯ‹Â?†—•–”‹‡ ‘— †— Â•Â‡Â”Â˜Â‹Â…Â‡ÔœÇŤ Â—ÂŒÂ‘Â—Â”Â†ÇŻÂŠÂ—Â‹ÇĄ ‹Â?dustrie et services ne sont plus seulement complĂŠmentaires, mais inextricablement Ž‹¹•Ǥ ǯ‹Â?†—•–”‹‡ ’”‘’‘•‡ †‡• ÇźÔœÂ•Â‘ÂŽÂ—Â–Â‹Â‘Â?Â•ÔœÇ˝ ’Ž—• “—‡ †‡• ÇźÔœÂ‘Â„ÂŒÂ‡Â–Â•ÔœÇ˝Ç¤ ‡ –‘—”Â?ƒÂ?– •‡”viciel de l’industrie est au cĹ“ur des nouvelles formes de compĂŠtition qui se sont dĂŠveloppĂŠes depuis les annĂŠes 1980. Les packages „‹‡Â?Â•ÇŚÂ•Â‡Â”Â˜Â‹Â…Â‡Â• •‘Â?– Žƒ ”°‰Ž‡Ǥ – Žƒ production des services, sous de multiples aspects, ne cesse de s’industrialiser.
Aujourd’hui, industrie et services ne sont plus seulement complĂŠmentaires, mais inextricablement liĂŠs. Cette imbrication se lit dans les statistiques. Le recul du secteur manufacturier (en termes relatifs car, en volume, la pro†—…–‹‘Â? †‡ „‹‡Â?• ‡Â? ”ƒÂ?…‡ ƒ †‘—„Ž¹ †‡ 1970 Ă 2008) s’explique essentiellement ’ƒ” –”‘‹• ÂˆÂƒÂ…Â–Â‡Â—Â”Â•ÔœÇŁ —Â?‡ ÂąÂ˜Â‘ÂŽÂ—Â–Â‹Â‘Â? „‡ƒ—…‘—’ plus rapide de la productivitĂŠ que dans les Â•Â‡Â”Â˜Â‹Â…Â‡Â•ÔœÇ˘ Žǯ‡š–‡”Â?ƒŽ‹•ƒ–‹‘Â? †‡ Â?‘Â?„”‡—š services prĂŠalablement assurĂŠs par les Ď?‹”Â?‡• Â?ƒÂ?Â—ÂˆÂƒÂ…Â–Â—Â”Â‹Â°Â”Â‡Â•ÔœÇ˘ Žƒ †‹˜‹•‹‘Â? ‹Â?–‡”nationale des tâches qui concentre dans les pays dĂŠveloppĂŠs les tâches de conception, de design, de R&D, de marketing, souvent exercĂŠes sous un label statistique ÇźÔœÂ–Â‡Â”Â–Â‹ÂƒÂ‹Â”Â‡ÔœÇ˝1. Quant Ă l’informatique, au-delĂ de l’apparition de secteurs nouveaux massivement dominĂŠs aujourd’hui par les États-Unis, l’effet essentiel en est bien sĂťr la pĂŠnĂŠtration progressive dans les secteurs dits –”ƒ†‹–‹‘Â?Â?‡Ž•Ǥ ÇźÔœ ‡ Ž‘‰‹…‹‡Ž ˜ƒ Â?ƒÂ?‰‡” Ž‡
Â?‘Â?Â†Â‡ÔœÇ˝ÇĄ …‡––‡ ƒ””‘‰ƒÂ?–‡ ’”‘…ŽƒÂ?ƒ–‹‘Â? de Marc Andreesen (Andreesen, 2011) semble bien, en effet, dĂŠcrire l’irrĂŠsistible avancĂŠe vers un univers industriel de plus ‡Â? ’Ž—• ÇźÔœsoftware-centricÔœÇ˝ÇĄ ‘Î Ž‡• –Â&#x;…Š‡• les plus rebelles en apparence Ă l’inforÂ?ƒ–‹•ƒ–‹‘Â? –‘Â?„‡Â?– Ž‡• —Â?‡• ƒ’”°• Ž‡• autres. Dans le mĂŞme temps, la gestion des donnĂŠes devient une des industries les plus capitalistiques que l’histoire ait connue. Et, autour de la notion de plateforme telle que la dĂŠveloppent les grands du Net mais aussi d’autres secteurs plus traditionnels, la distinction industrie/ service finit de se dissoudre (Colin, Verdier, 2012). Apple ou Amazon sont-ils de Žǯ‹Â?†—•–”‹‡ ‘— †— Â•Â‡Â”Â˜Â‹Â…Â‡ÔœÇŤ Il est donc grand temps d’abandonner cette distinction biens/services, et de cesser de †¹Ď?‹Â?‹” Žǯ‹Â?†—•–”‹‡ ’ƒ” Žƒ ’”‘†—…–‹‘Â? †‡ „‹‡Â?• ’Š›•‹“—‡•Ǥ ‘–”‡ ’”‘„Ž°Â?‡ Â?ǯ‡•– ’ƒ• †‡ •ƒ—˜‡” Â? –‘—–‡ ˆ‘”…‡ Žǯ‹Â?†—•–”‹‡ ÇźÔœÂ?ƒÂ?Â—ÂˆÂƒÂ…Â–Â—Â”Â‹Â°Â”Â‡ÔœÇ˝Ç¤ ÂŽ ‡•– ‡Â?…‘”‡ Â?‘‹Â?• †‡ Žƒ ’”‘tĂŠger des effets transformateurs de l’informatique ou de la concurrence fondĂŠe sur le service. Il s’agit au contraire de …‘Â?•–”—‹”‡ —Â?‡ „ƒ•‡ ÇźÔœÂŠÂ›Â’Â‡Â”Â‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÂŽÂŽÂ‡ÔœÇ˝ solide, capable de proposer au monde des ensembles de biens et de services compĂŠtitifs, et, plus prĂŠcisĂŠment, de se situer aux articulations stratĂŠgiques des rĂŠseaux qui conçoivent et produisent ces ensembles.
ÂŽ Â•ÇŻÂƒÂ‰Â‹Â– †‡ …”¹‡” ‡– †‡ Ď?‹š‡” Ž‡• ‡Â?’Ž‘‹• correspondants (dĂŠlocalisables), de haute “—ƒŽ‹Ď?‹…ƒ–‹‘Â? ‡– †‡ Šƒ—–‡ Â’Â”Â‘Â†Â—Â…Â–Â‹Â˜Â‹Â–Âą2, dans l’industrie comme dans les services, et non pas seulement des emplois nondĂŠlocalisables, supposĂŠs compenser les emplois perdus dans la crise industrielle. Â?Ď?‹Â?ÇĄ ‹Ž Â•ÇŻÂƒÂ‰Â‹Â–ÇĄ „‹‡Â? •ð”ǥ Â†ÇŻÂƒÂ?…”‡” …‡• ‡Â?’Ž‘‹• stratĂŠgiques et nomades dans le territoire,
ͳǤ ˜ƒÂ?– ʹͲͲͲǥ Ž‡• ‡ˆˆ‡–• Â’Â”Â‘Â†Â—Â…Â–Â‹Â˜Â‹Â–Âą ‡– ‡š–‡”Â?ƒŽ‹•ƒ–‹‘Â? •‘Â?– Â? ’‡— ’”°• †‡ Â?²Â?‡ ƒÂ?’Ž‡—”ǥ ÂŽÇŻÂ‡ÂˆÂˆÂ‡Â– ‹Â?–‡”Â?ƒ–‹‘Â?ƒŽ ÂąÂ–ÂƒÂ?– Â?‡––‡Â?‡Â?– ’Ž—• ˆƒ‹„Ž‡Ǥ ’”°• ʹͲͲͲǥ ÂŽÇŻÂ‡ÂˆÂˆÂ‡Â– Â’Â”Â‘Â†Â—Â…Â–Â‹Â˜Â‹Â–Âą †‘Â?‹Â?‡ –”°• ˆ‘”–‡Â?‡Â?–ǥ Žǯ‡š–‡”Â?ƒŽ‹•ƒ–‹‘Â? Â?‡ Œ‘—‡ ’Ž—• “—ǯ—Â? Â”Ă˜ÂŽÂ‡ Â?‹Â?‡—”ǥ ÂŽÇŻÂ‡ÂˆÂˆÂ‡Â– ‹Â?–‡”Â?ƒ–‹‘Â?ƒŽ †‘—„Ž‡ǥ Â?ƒ‹• ”‡•–‡ –”°• ‹Â?ÂˆÂąÂ”Â‹Â‡Â—Â” Â? ÂŽÇŻÂ‡ÂˆÂˆÂ‡Â– Â’Â”Â‘Â†Â—Â…Â–Â‹Â˜Â‹Â–Âą Č‹ ‘Â?–ƒ‰Â?Âą Ǥǥ op.cit. ’Ǥ͚ǥ Í´Í˛ÍłÍśČŒÇ¤ ʹǤ ‘‹” ƒ—••‹ •—” …‡ ’‘‹Â?– ÂŽÇŻÂƒÂ”Â–Â‹Â…ÂŽÂ‡ †‡ ‹‡””‡nj ‘´Ž Â‹Â”ÂƒÂ—Â†ÇĄ ’Ǥ ;ͲͲǤ
Vers le monde hyperindustriel
Silk mill, Shanghai, 1870.
ƒ—–”‡Â?‡Â?– “—‡ ’ƒ” †‡• ƒ”–‹Ď?‹…‡• …‘ð–‡—š ‡– ‹Â?•–ƒ„Ž‡• ȋ•—”‡Â?…Š°”‡ Ď?Â‹Â•Â…ÂƒÂŽÂ‡ÇĄ ’”‘–‡…–‹‘Â?• juridiques ou capitalistiques ad hoc), en comprenant que seule l’intĂŠgration dans †‡• ¹…‘•›•–°Â?‡• ˆ‘Â?†¹• •—” Ž‡• …‘Â?Â’Âątences humaines en garantit la stabilitĂŠ et le dĂŠveloppement futur.
L’industrie : une aventure de longue haleine et mondiale Avant de dÊcrire les principales caractÊristiques du contexte hyperindustriel, il est utile de rassembler quelques arguments pour appuyer l’idÊe selon laquelle l’industrie, dans sa forme dominante actuelle, n’est qu’une Êtape transitoire au sein d’une histoire beaucoup plus longue, marquÊe à la fois par de grands basculements mais aussi par des continuitÊs profondes. Cette forme dominante actuelle est nÊe, grosso
modoÇĄ ƒ—š 2Â–ÂƒÂ–Â•ÇŚ Â?‹• †ƒÂ?• Žƒ ’”‡Â?‹°”‡ Â?‘‹–‹¹ †— •‹°…Ž‡ †‡”Â?‹‡”ǥ ƒ˜‡… Ž‡ Â†ÂąÂ˜Â‡ÂŽÂ‘Â’Â’Â‡ment de la production de masse. Elle s’est dĂŠployĂŠe en Europe et au Japon surtout ƒ’”°• Žƒ ‡…‘Â?†‡ —‡””‡ Â?‘Â?†‹ƒŽ‡Ǥ ŽŽ‡ ƒ bouleversĂŠ nos sociĂŠtĂŠs en permettant des gains de productivitĂŠ sans prĂŠcĂŠdent. Mais l’industrie a connu bien d’autres formes ƒ˜ƒÂ?– …‡––‡ …‘Â?Ď?‹‰—”ƒ–‹‘Â? “—‡ Â?‘—• Ž‹‘Â?• ƒ—š Â?‘Â?• †‡ ÂƒÂ›ÂŽÂ‘Â”ÇĄ ‘”†ǥ ŠÂ?‘Ǥ ‡ Â?‘Â?†‡ hyperindustriel s’inscrit dans des mouvements de longue durĂŠe.
Le monde hyperindustriel s’inscrit dans des mouvements de longue durĂŠe. Notons d’abord que ces mouvements longs de l’industrie se sont exprimĂŠs Ă travers des imaginaires puissants, des utopies mul–‹’Ž‡• Č‹ —••‘ǥ Í´Í˛ÍłÍľČŒÇ¤ ƒ ÇźÔœÂ”ÂƒÂ–Â‹Â‘Â?ÂƒÂŽÂ‹Â–ÂąÔœÇ˝ †‡• ingĂŠnieurs a toujours ĂŠtĂŠ nourrie de pas-
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Le rôle de la mode : manufacture de tissus des frères Wetter à Orange, peinture de Rosetti.
sions et d’idéologies. Le saint-simonisme ǯ ǯ longue histoire des imaginaires industriels. ±ǡ ǯ ǡ ± ϐ la modernité occidentale, de son hubris Ԝǣ ǯ ǼԜ Ԝǽ incarnant la volonté de plier la nature aux ϐ Ǥ ǯ± ǡ ° ± ǡ ǯ mondiale s’éloignant de l’européocentrisme montre que la plupart des formes productives et des pratiques gestionnaires ± ± ± ϐ ment occidentales trouvent leurs exacts homologues en Chine et en Inde, depuis ± Ǥ ° ͳͻͻǡ ǡ ± ° ° ǯ nalisme du capitalisme occidental et de
ȋ ǡ ͳͻͻȌǤ grandes scansions historiques ne sont pas moins discutées que les grands partages géographiques. Certaines accélérations sont spectaculaires, comme celle que connaît le Royaume-Uni entre 1770 et 1830, avec le machinisme cotonnier. Mais de nombreux chercheurs insistent aujourd’hui sur les continuités temporelles et les diversités géographiques des trajectoires, en prenant distance par rapport à la vulgate de la ǼԜ ± ԜǽǤ ǡ ǡ ± ° ǼԜ Ǧ Ԝǽ ȋ ǡ ͳͻͻȌǤ Ø ± ǯ ǡ les chercheurs soulignent l’ancienneté et la progressivité incrémentale des dispositifs techniques et organisationnels, souvent depuis le Moyen Âge. D’autres, comme Jan de Vries, insistent sur les profondes transformations de la demande qui se déve-
Vers le monde hyperindustriel
loppent depuis le milieu du XVIIe •‹°…Ž‡ǥ marquĂŠes par le rĂ´le de la mode3, dĂŠmocratisant l’usage de biens jusqu’alors rĂŠservĂŠs ƒ—š …‘—”• ’”‹Â?…‹°”‡• ‡– –”ƒÂ?Â•ÂˆÂąÂ”ÂƒÂ?– †ƒÂ?• Žƒ •’Š°”‡ †— Â?ÂƒÂ”Â…ÂŠÂą †‡• …‘Â?Â?‘†‹–¹• relevant jusqu’alors de la production domestique (de Vries, 2008). Ce processus ’ƒ”ˆ‘‹• Â„ÂƒÂ’Â–Â‹Â•Âą ÇźÔœÂ”ÂąÂ˜Â‘ÂŽÂ—Â–Â‹Â‘Â? ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡Â—Â•Â‡ÔœÇ˝ Â?ǯ‡•– Â†ÇŻÂƒÂ‹ÂŽÂŽÂ‡Â—Â”Â• ’ƒ• ’”‘’”‡ Â? ÂŽÇŻ ……‹†‡Â?–Ǥ ÂŽ trouve ses ĂŠquivalents en Asie, au Japon et en Chine (Pomeranz, 2000). Quid enfin du rĂ´le de la science, de la technologie et de la singularitĂŠ supposĂŠe †‡ ÂŽÇŻ ……‹†‡Â?– Â? …‡– ÂąÂ‰ÂƒÂ”Â†ÔœÇŤ ”‡„‘—”• †ǯ—Â? ‹ƒŽŽ ‡”‰—•‘Â?ÇĄ ƒ—••‹ „”‹ŽŽƒÂ?– “—‡ Â”ÂąÂƒÂ…Â–Â‹Â‘Â?naire, continuant d’expliquer l’avance oc…‹†‡Â?–ƒŽ‡ ’ƒ” …‡ “—ǯ‹Ž ƒ’’‡ŽŽ‡ Ž‡• ÇźÔœkiller appsÔœÇ˝ †‡ ÂŽÇŻ —‡•–ǥ ƒ—š ’”‡Â?‹‡”• ”ƒÂ?‰• †‡•quels il place la rĂŠvolution scientifique Č‹ ‡”‰—•‘Â?ÇĄ Í´Í˛ÍłÍ´ČŒÇĄ Â†ÇŻÂƒÂ—Â–Â”Â‡Â• Š‹•–‘”‹‡Â?• Â?‘Â?ÇŚ –”‡Â?– “—‡ ÂŽÇŻÂąÂ…ÂƒÂ”Â– •…‹‡Â?–‹Ď?‹“—‡ ‡– –‡…ŠÂ?‹“—‡ ne peut pas ĂŞtre l’explication centrale de Žƒ ÇźÔœÂ‰Â”ÂƒÂ?†‡ †‹˜‡”‰‡Â?Â…Â‡ÔœÇ˝ “—‹ǥ Â? ’ƒ”–‹” †— XVIIe •‹°…Ž‡ǥ ƒ …”‡—•¹ ÂŽÇŻÂąÂ…ÂƒÂ”Â– ‡Â?–”‡ Ž‡• ¹…‘nj nomies asiatiques et europĂŠennes, jusÂ“Â—ÇŻÂƒÂŽÂ‘Â”Â• –”°• …‘Â?’ƒ”ƒ„Ž‡• ‡Â? –‡”Â?‡• †‡ techniques, de productivitĂŠ et de prospĂŠritĂŠ. Comparant minutieusement les rĂŠgionscĹ“urs du dĂŠveloppement europĂŠen et chinois (grosso modo, le bassin de la mer du Nord et le delta du Yangzi), Kenneth Pomeranz montre que ni la dynamique de la consommation, ni les diffĂŠrences de dĂŠveloppement technologique ne peuvent expliquer le creusement rapide des inĂŠgalitĂŠs entre la Chine et l’Europe. Son arguÂ?‡Â?– …‡Â?–”ƒŽ ‡•– “—‡ ÂŽÇŻ —‡•– ƒ ’— „¹Â?ÂąĎ?‹…‹‡” †ǯ—Â?‡ ÂąÂ?‡”‰‹‡ Â?‘‹Â?• …Š°”‡ ȋŽ‡ …Šƒ”„‘Â? •‡ substituant au bois) et surtout de capacitĂŠs Â†ÇŻÂ‡ÂšÂ’ÂƒÂ?•‹‘Â? ˆ‘Â?…‹°”‡• …‘Â?Â•Â‹Â†ÂąÂ”ÂƒÂ„ÂŽÂ‡Â• ‰”Â&#x;…‡ aux colonies dans le Nouveau Monde, alors que des rĂŠgions comme le delta du Yangzi s’enfonçaient dans une impasse ĂŠnergʖ‹“—‡ ‡– ˆ‘Â?…‹°”‡ Č‹ ‘Â?‡”ƒÂ?ÂœÇĄ Í´Í˛Í˛Í˛ČŒÇ¤
Il y a une industrie avant Watt et Boulton, et bien avant Taylor et Ford. Il y a une industrie chinoise et indienne avant la rĂŠvolution anglaise. Dans le rĂŠcit canonique de l’histoire industrielle, tout n’est donc pas faux, loin de lĂ . Mais ce rĂŠcit ne raconte qu’une partie de ŽǯŠ‹•–‘‹”‡Ǥ ÂŽ › ƒ —Â?‡ ÇźÔœÂ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÔœÇ˝ ƒ˜ƒÂ?– ƒ–– ‡– ‘—Ž–‘Â?ÇĄ ‡– „‹‡Â? ƒ˜ƒÂ?– ƒ›Ž‘” ‡– ‘”†Ǥ Il y a une industrie chinoise et indienne ƒ˜ƒÂ?– Žƒ ÇźÔœÂ”ÂąÂ˜Â‘ÂŽÂ—Â–Â‹Â‘Â? ƒÂ?Â‰ÂŽÂƒÂ‹Â•Â‡ÔœÇ˝Ç¤ ÇŻÂƒÂ”Â•Â‡Â?ƒŽ de Venise, la proto-industrie fondĂŠe sur les grandes nĂŠbuleuses du travail Ă domicile ‡– Žƒ Â”ÂąÂ˜Â‘ÂŽÂ—Â–Â‹Â‘Â? ÇźÔœÂ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡Â—Â•Â‡ÔœÇ˝ †—
e •‹°…Ž‡ ƒ’’ƒ”–‹‡Â?Â?‡Â?– Â? ŽǯŠ‹•–‘‹”‡ †‡ Žǯ‹Â?†—•trie au mĂŞme titre que Manchester, Detroit ou Toyota City.
Des fils conducteurs : mĂŠmoire, normes, propriĂŠtĂŠ intellectuelle, organisation ƒÂ?• …‡––‡ Š‹•–‘‹”‡ Ž‘Â?‰—‡ǥ ‹Ž › ƒ †‡• Ď?‹Ž• conducteurs. Ils tissent la continuitĂŠ d’une aventure extrĂŞmement complexe et variĂŠe, mais dont on ressent aussi intuitivement Žǯ—Â?‹–¹Ǥ —‡Ž• •‘Â?Â–ÇŚÂ‹ÂŽÂ•ÔœÇŤ Â? †‡Š‘”• †‡ ŽǯŠ‹•toire, les disciplines acadĂŠmiques n’offrent ‰—°”‡ †‡ ”¹’‘Â?•‡Ǥ ǯ¹…‘Â?‘Â?‹‡ǥ ‡Â? Â’ÂƒÂ”Â–Â‹Â…Â—ÂŽÂ‹Â‡Â”ÇĄ ’ƒ••‡ ’”‡•“—‡ ‡Â?–‹°”‡Â?‡Â?– Â? Â…Ă˜Â–Âą †— •—Œ‡–Ǥ ŽŽ‡ Â?‡ •ǯ‡•– ‰—°”‡ ‹Â?–¹”‡••¹‡ ƒ—š ˆ‘”Â?‡• …‘Â?…”°–‡• ’ƒ” Ž‡•“—‡ŽŽ‡• Žǯ‹Â?‰¹Â?‹‘•‹tĂŠ humaine s’est appliquĂŠe Ă amĂŠliorer ses procĂŠdĂŠs, Ă jouer avec les rĂŠsistances et les aides de la nature, pour inventer et diffuser de nouveaux objets, de nouvelles utilitĂŠs. ”°• Â?‘†‡•–‡Â?‡Â?–ǥ Œ‡ Â?‡ „‘”Â?‡ ‹…‹ Â? ÂąÂ˜Â‘quer ici quatre thĂŠmatiques qu’on pourrait considĂŠrer comme constitutives du champ ÇźÔœÂ‹Â?Â†Â—Â•Â–Â”Â‹Â‡ÂŽÔœÇ˝ †ƒÂ?• •ƒ Ž‘Â?‰—‡ †—”¹‡Ǥ
3. Que souligne aussi Armand Hatchuel dans sa contribution p. 37.
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La mĂŠmoire, l’accumulation La transmission et la formalisation des savoirs et des savoir-faire, le rĂ´le des ¹…‘Ž‡• ‡– †‡• —Â?Â‹Â˜Â‡Â”Â•Â‹Â–ÂąÂ•ÔœÇŁ …‡• •—Œ‡–• •‘Â?– au cĹ“ur, et non Ă la pĂŠriphĂŠrie, de l’histoire industrielle. L’industrie est une immense mĂŠmoire matĂŠrielle de l’humanitĂŠ. Chaque machine, chaque usine est d’abord une extraordinaire concentration d’intelligence accumulĂŠe, sans commune mesure avec celle qui ĂŠtait cristallisĂŠe dans les outils de l’artisan. Ce que Marx ƒ’’‡Žƒ‹– Ž‡ ÇźÔœÂ–Â”ÂƒÂ˜ÂƒÂ‹ÂŽ Â?Â‘Â”Â–ÔœÇ˝ ‡•– —Â?‡ Â”ÂąÂƒÂŽÂ‹Â–Âą vivante, qui aujourd’hui ĂŠchappe de plus en plus Ă ses concepteurs. Au cours des †‡”Â?‹°”‡• †¹…‡Â?Â?‹‡•ǥ ‡Â? Â‡ÂˆÂˆÂ‡Â–ÇĄ Žǯ‹Â?Â–ÂąÂ‰Â”ÂƒÂ–Â‹Â‘Â? †‡• ‘—–‹Ž• ¹Ž¹Â?‡Â?–ƒ‹”‡• ‡Â? •›•–°Â?‡• a considĂŠrablement progressĂŠ, les ren†ƒÂ?– ’Ž—• ‡ˆĎ?Â‹Â…ÂƒÂ…Â‡Â•ÇĄ Â?ƒ‹• ƒ—••‹ ’Ž—• ˆ”ƒgiles et plus opaques, labyrinthiques. La sĂŠdimentation des couches logicielles est venue s’ajouter aux couches physiques, ’Ž—• ‹Â?•‘Â?†ƒ„Ž‡ “—‡ Ž‡ ÇźÔœhardÔœÇ˝ Ž—‹njÂ?²Â?‡Ǥ La relation entre les deux mĂŠmoires, celle des hommes et celle des machines, a changĂŠ profondĂŠment. La technique est dĂŠsormais un milieu environnant et enve-
loppant, plus qu’une collection d’outils. ‡ Â?‘—˜‡ŽŽ‡• “—‡•–‹‘Â?• •—”‰‹••‡Â?Â–ÔœÇŁ “—ǯ‡Â? sera-t-il, dans l’avenir, d’une mĂŠmoire informatique qui pourrait perdre en traçabilitĂŠ et en durabilitĂŠ ce qu’elle gagne ‡Â? Â…ÂƒÂ’ÂƒÂ…Â‹Â–Âą ‡– ‡Â? ’—‹••ƒÂ?Â…Â‡ÔœÇŤ – “—‹†ǥ †ƒÂ?• des structures de travail de plus en plus mouvantes, de la continuitĂŠ des mĂŠmoires Š—Â?ƒ‹Â?Â‡Â•ÔœÇŤ
Les standards et les normes
”°• Â–Ă˜Â–ÇĄ Žƒ ’—‹••ƒÂ?…‡ †‡ Žƒ •–ƒÂ?†ƒ”†‹•ƒtion est apparue, d’abord pour rĂŠgler les ĂŠchanges, puis pour accĂŠlĂŠrer les processus productifs eux-mĂŞmes. La prĂŠĂŠminence de Venise repose sur les capacitĂŠs productives sans pareilles de l’arsenal, ’”‡Â?‹°”‡ ÇźÔœÂ—Â•Â‹Â?Â‡ÔœÇ˝ †— Â?‘Â?†‡ǥ †°• Ž‡ e •‹°…Ž‡Ǥ ‡ •‡…”‡– ‡•– …‡Ž—‹ †‡ Žƒ Â•Â’ÂąÂ…Â‹ÂƒÂŽÂ‹Â•Âƒtion des tâches et de la standardisation des ’‹°…‡•Ǥ ‡ƒ—…‘—’ ’Ž—• Â–ÂƒÂ”Â†ÇĄ —Â? ’ƒ• Â†ÂąÂ…Â‹Â•Â‹Âˆ ‡•– ˆ”ƒÂ?…Š‹ Ž‘”•“—‡ Ž‡• ’”‘‰”°• †‡ Žǯ—•‹Â?ƒ‰‡ ’‡”Â?‡––‡Â?– Žǯ‹Â?–‡”…ŠƒÂ?Â‰Â‡ÂƒÂ„Â‹ÂŽÂ‹Â–Âą †‡• ’‹°…‡• dans les productions mĂŠcaniques complexes, comme les armes, en sĂŠrie. Hounshell Č‹ÍłÍťÍşÍśČŒ Â?‘Â?–”‡ Ž‡ Â”Ă˜ÂŽÂ‡ Â†ÂąÂ…Â‹Â•Â‹Âˆ †‡ …‡ •—Œ‡– dans le dĂŠcollage de l’industrie amĂŠricaine.
Construction de rames à l’Arsenal de Venise (Êcole vÊnitienne, XIVe siècle).
Vers le monde hyperindustriel
Aujourd’hui, la question de l’interopÊrabilitÊ des standards et du choix des normes est plus que jamais une question centrale. Car elle est au cœur des formes dominantes de concurrence du monde hyperindustriel, fondÊes sur la recherche de monopoles dans des marchÊs de niche – j’y reviendrai.
Les rĂŠgimes de propriĂŠtĂŠ intellectuelle LĂ encore, on pourrait dire que l’industrie commence lorsque les modes de protection des savoirs du vieux monde corporatif explosent, pour donner naissance aux formes modernes de la propriĂŠtĂŠ intellectuelle (notamment sous la forme des brevets et des marques). Le sujet est au cĹ“ur des enjeux Š›’‡”‹Â?†—•–”‹‡Ž•Ǥ ‡ •›•–°Â?‡ †‡• „”‡˜‡–• ‡•–nj‹Ž ‡Â?…‘”‡ –‡…ŠÂ?‹“—‡Â?‡Â?– Â‰ÂąÂ”ÂƒÂ„ÂŽÂ‡ÔœÇŤ Ž—• Â‰Â”ÂƒÂ˜Â‡ÔœÇŁ ‡•–nj‹Ž ‡Â?…‘”‡ ’‡”–‹Â?‡Â?– †ƒÂ?• •‘Â? principe, ou devient-il un obstacle majeur Ă l’innovation, dans un contexte dominĂŠ par l’Êconomie des idĂŠes et le principe de ÇźÔœÂ?‘Â?ÇŚÂ”Â‹Â˜ÂƒÂŽÂ‹Â–ÂąÔœÇ˝ “—‹ Žƒ ˆ‘Â?Â†Â‡ÔœÇŤÍś
Les formes d’organisation
Â?Ď?‹Â?ÇĄ ‘Â? Â?‡ ’‡—– ÂąÂ˜Â‹Â†Â‡Â?Â?‡Â?– ’ƒ• †‹••‘…‹‡” la question de l’industrie des formes d’organisation du travail et des entreprises, immenses expĂŠrimentations sociales qui ont façonnĂŠ notre monde et ses valeurs, bien au-delĂ de l’usine et du bureau. Les formes de rationalisation du travail industriel, longtemps limitĂŠes Ă des enclaves marginales dans les sociĂŠtĂŠs traditionnelles, •‘Â?– †‡˜‡Â?—‡• †‡• ’ƒ”ƒ†‹‰Â?‡• •—ˆĎ?‹•ƒÂ?ment diffus pour qu’on saisisse au premier coup d’œil, en arrivant dans un aĂŠroport ou un restaurant, si on se trouve dans une sociĂŠtĂŠ Ă culture industrielle ou non.
La division du travail : usine textile en Chine, 2013.
Ces formes n’ont cessĂŠ d’osciller entre de ‰”ƒÂ?†• Â’Ă˜ÂŽÂ‡Â•ÔœÇŁ …‡Ž—‹ †‡ Žƒ †‹˜‹•‹‘Â? †— –”ƒ˜ƒ‹Ž ‡– …‡Ž—‹ †‡ Žƒ Â…Â‘Â‘Â’ÂąÂ”ÂƒÂ–Â‹Â‘Â?ÔœÇ˘ …‡Ž—‹ †‡ la hiĂŠrarchie stricte et celui de la coordination nĂŠgociĂŠe. Le monde industriel du •‹°…Ž‡ †‡”Â?‹‡” ƒ Â?ƒ••‹˜‡Â?‡Â?– Â’Â”Â‹Â˜Â‹ÂŽÂąÂ‰Â‹Âą Žƒ division du travail sur la coopĂŠration et la hiĂŠrarchie sur la nĂŠgociation. En AmĂŠrique comme en Europe, il fallait en effet gĂŠrer une ĂŠnorme expansion avec des individus sans expĂŠrience industrielle prĂŠalable. Mais Ž‡ ÇźÔœÂ–Â”ÂƒÂ˜ÂƒÂ‹ÂŽ ‡Â? Â?Â‹Â‡Â–Â–Â‡Â•ÔœÇ˝ Â—ÂŽÂ–Â”ÂƒÇŚÂ•Â’ÂąÂ…Â‹ÂƒÂŽÂ‹Â•Âą ‡– la militarisation des organisations ne sont ’ƒ• …‘Â?•—„•–ƒÂ?–‹‡Ž• Â? Žǯ‹Â?†—•–”‹‡ԜǨ ‡• †‡”Â?‹°”‡• †¹…‡Â?Â?‹‡• ‘Â?– †— ”‡•–‡ Â?‘Â?–”¹ Ž‡• Ž‹Â?‹–‡• †‡ …‡• Â?‘†°Ž‡•ǥ †ƒÂ?• †‡• •‹–—ƒ–‹‘Â?• de concurrence plus complexes et de sophistication technique accrue. La performance industrielle repose dĂŠsormais principalement sur la qualitĂŠ de la coopĂŠration et sur la capacitĂŠ de nĂŠgociation inhĂŠrente aux organisations5.
͜Ǥ Â?Â?‡Â?•‡ ‡– …‘Â?’Ž‡š‡ Â•Â—ÂŒÂ‡Â–ÇĄ ‘„Œ‡– †ǯ—Â?‡ ÂŽÂ‹Â–Â–ÂąÂ”ÂƒÂ–Â—Â”Â‡ ÂąÂ‰ÂƒÂŽÂ‡Â?‡Â?– ‹Â?Â?‡Â?Â•Â‡ÔœÇ˘ ’‘—” —Â?‡ •›Â?–Š°•‡ǥ ˜‘‹” Ž‡• –”ƒ˜ƒ—š de Lawrence Lessig (2001). 5. Voir sur ce point l’article d’Yves Lichtenberger, p. 129.
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OUVERTURES
Â? ˜‘‹– ƒ—••‹ ’‘‹Â?†”‡ —Â?‡ ˆ‘”Â?‡ †‡ Â”ÂąÂ˜Â‘ÂŽÂ—Â–Â‹Â‘Â?ÇĄ “—‹ ‡•– …‡ŽŽ‡ †‡ Žƒ ÇźÔœÂ†ÂąÂ•Â‹Â?–‡”Â?ÂąÂ†Â‹ÂƒÂ–Â‹Â‘Â?ÔœÇ˝ …”‘‹••ƒÂ?–‡Ǥ ‡–‡” ”—…Â?‡” ƒ Â?‘–¹ “—‡ le miracle de l’organisation au XXe •‹°…Ž‡ ƒ˜ƒ‹– ¹–¹ †‡ ÇźÔœpermettre Ă des hommes ordinaires de faire des choses extraordinairesÔœÇ˝Ç¤ ”ǥ †‡ ’Ž—• ‡Â? ’Ž—•ǥ ‰”Â&#x;…‡ Â? Žǯ‹Â?ˆ‘”Â?ÂƒÂ–Â‹Â“Â—Â‡ÇĄ l’agrĂŠgation de tâches individuelles en produits collectifs complexes peut se passer de la mĂŠdiation organisationnelle classique, …‡ŽŽ‡ †‡ Žƒ Ď?‹”Â?‡Ǥ Â‘Â‘Â’ÂąÂ”ÂƒÂ–Â‹Â‘Â? Š‘”‹œ‘Â?Â–ÂƒÂŽÂ‡ÇĄ production peer-to-peer, production colÂŽÂƒÂ„Â‘Â”ÂƒÂ–Â‹Â˜Â‡ÇĄ …‘Â?•‘Â?Â?ƒ–‹‘Â? Â…Â‘ÂŽÂŽÂƒÂ„Â‘Â”ÂƒÂ–Â‹Â˜Â‡ÔœÇŁ autant de perspectives fascinantes, dont Ž‡ ’‘–‡Â?–‹‡Ž ‡•– ‡Â?…‘”‡ †‹ˆĎ?‹…‹Ž‡ Â? ‡•–‹Â?‡”ǥ mais qui pourraient progressivement dis•‘…‹‡” Žǯ‹Â?†—•–”‹‡ †‡ Žƒ ‰”ƒÂ?†‡ Ď?‹”Â?‡ǥ ‡– Â?²Â?‡ †‡ Žƒ Ď?‹”Â?‡ ‡Â? ‰¹Â?ÂąÂ”ÂƒÂŽÇ¤
Industrialisation du monde, mondialisation de l’industrie En quoi le monde hyperindustriel se distingue-t-il du monde industriel dont nous •‘”–‘Â?Â•ÔœÇŤ ƒ’’‡Ž‘Â?• Â†ÇŻÂƒÂ„Â‘Â”Â† Ž‡ ˆ‘Â?† †‡
tableau, qu’on peut rĂŠsumer en deux ’‘‹Â?Â–Â•ÔœÇŁ ‹Â?†—•–”‹ƒŽ‹•ƒ–‹‘Â? †— Â?‘Â?Â†Â‡ÔœÇ˘ Â?‘Â?dialisation de l’industrie.
Industrialisation du monde L’industrialisation du monde, c’est d’abord le grand rattrapage de l’Asie. Sur longue pĂŠriode, les historiens estiment que les salariĂŠs du secteur manufacturier reprʕ‡Â?–‡Â?– —Â?‡ ’ƒ”– Â? ’‡— ’”°• •–ƒ„Ž‡ †‡ Žƒ ’‘’—Žƒ–‹‘Â? Â?‘Â?†‹ƒŽ‡ ȋ‡Â?–”‡ ͜ǥ͡ Ψ ‡– ͡ Ψǥ •‘‹– ‡Â?˜‹”‘Â? ͳͲ Ψ †‡• ÂƒÂ…Â–Â‹ÂˆÂ•ČŒÇ¤ ƒ‹• …‡ •‘Â?– ‡—š qui tirent la croissance et la prospĂŠritĂŠ. De 1800 Ă nos jours, la population mondiale a ƒ—‰Â?‡Â?–¹ †ǯ‡Â?˜‹”‘Â? Ͳǥ͝ Ψ ‡Â? Â?‘›‡Â?Â?‡ ƒÂ?Â?—‡ŽŽ‡ǥ Žƒ ’”‘†—…–‹‘Â? †‡ Í´ Ψ ‡– Žƒ ’”‘†—…–‹‘Â? ‹Â?†—•–”‹‡ŽŽ‡ †‡ ʹǥ͸ Ψ Č‹ ÂƒÂ”Â•ÂŠÇĄ Í´Í˛ÍłÍ´ČŒÇ¤ Écarts considĂŠrables et qui se sont accompagnĂŠs d’une redistribution gĂŠographique massive. Le barycentre de l’Êconomie mondiale se situait encore quelque part au nord de la Chine au dĂŠbut du XIXe •‹°…Ž‡ Č‹ Â… ‹Â?•‡›ǥ Í´Í˛ÍłÍśČŒÇ¤ ÂŽ „ƒ•…—Ž‡ ”ƒ’‹†‡Â?‡Â?– ˜‡”• ÂŽÇŻ –ŽƒÂ?–‹“—‡ ‘”† ƒ— …‘—”• †— •‹°…Ž‡ †‡”Â?‹‡”Ǥ Il revient aujourd’hui vers l’Asie. En 1800,
Dynamique du barycentre de l’Êconomie mondiale 2000
1960 1980 1970
1990
1950 1940
1913
2010
2025 1820 1500 1000
Â‘Â—Â”Â…Â‡ÔœÇŁ Â… ‹Â?•‡›
1 CE
Vers le monde hyperindustriel
Colombo, Sri Lanka.
Ž‡• ’ƒ›• Â†ÂąÂ˜Â‡ÂŽÂ‘Â’Â’ÂąÂ• †‡ ÂŽÇŻ —‡•– …‘Â?…‡Â?–”ƒ‹‡Â?– ‡Â?˜‹”‘Â? ;Ͳ Ψ †‡ Žƒ ’”‘†—…–‹‘Â? Â?ƒÂ?—ˆƒ…–—”‹°”‡ Â?‘Â?Â†Â‹ÂƒÂŽÂ‡ÇĄ …‘Â?–”‡ ͚Ͳ Ψ ’‘—” la Chine, l’Inde et le reste du monde. Un •‹°…Ž‡ ’Ž—• Â–ÂƒÂ”Â†ÇĄ Ž‡• ’”‘’‘”–‹‘Â?• ÂąÂ–ÂƒÂ‹Â‡Â?– ”ƒ†‹…ƒŽ‡Â?‡Â?– ‹Â?Â˜Â‡Â”Â•ÂąÂ‡Â• ȋͺ͚ Ψ …‘Â?–”‡ ͳ; Î¨ČŒÇ¤ Aujourd’hui, la part de la Chine, de l’Inde et †— ”‡•–‡ †— Â?‘Â?†‡ ‡•– ”‡Â?‘Â?–¹‡ Â? ͜Ͳ Ψ ‡– elle croĂŽt rapidement. La redistribution de la demande est moins forte que celle de l’offre, mais le moteur principal de la croissance mondiale est l’expansion rapide des classes moyennes †‡• ’ƒ›• ÂąÂ?‡”‰‡Â?–•ǥ –”°• Ž‹¹‡ Â? ÂŽÇŻÂ—Â”Â„ÂƒÂ?‹sation. En 1950, les classes moyennes du Â?‘Â?†‡ ÂąÂ–ÂƒÂ‹Â‡Â?– ‘……‹†‡Â?–ƒŽ‡• Â? ͚Ͳ Î¨ÔœÇ˘ ÂƒÂ—ÂŒÂ‘Â—Â”Â†ÇŻÂŠÂ—Â‹ÇĄ ‡ŽŽ‡• •‘Â?– Â? ͸Ͳ Ψ ƒ•‹ƒ–‹“—‡• (Bhalla, 2007).
En 1950, les classes moyennes du monde Êtaient occidentales à 70 % ; aujourd’hui, elles sont à 60 % asiatiques.
Ceci dit, beaucoup d’idĂŠes fausses circulent quant aux modalitĂŠs de cette redistribution des cartes. Ainsi, malgrĂŠ la croissance ĂŠnorme de la Chine, les taux d’exportation nets des pays dĂŠveloppĂŠs Â?ǯ‘Â?– ‡Â? Â?‘›‡Â?Â?‡ ‰—°”‡ Â„ÂƒÂ‹Â•Â•Âą ƒ— …‘—”• †‡ Žƒ †‡”Â?‹°”‡ †¹…‡Â?Â?‹‡Ǥ ‡—”• ‡š…¹†‡Â?–• commerciaux sont restĂŠs stables et ĂŠlevĂŠs †ƒÂ?• Ž‡• •‡…–‡—”• ÇźÔœÂ‹Â?–‡Â?•‹ˆ• ‡Â? …‘Â?Â?ƒ‹••ƒÂ?Â…Â‡Â•ÔœÇ˝ Č‹ÂƒÂ—Âš ‡Â?˜‹”‘Â?• †‡ Í´ Ψ †— ČŒÇĄ ˆƒ‹•ƒÂ?– ’Ž—• “—‡ …‘Â?’‡Â?•‡” Ž‡• †¹Ď?‹…‹–• dans les secteurs intensifs en travail (de Žǯ‘”†”‡ †‡ Íł Î¨ČŒÇ¤ ‡• †¹•¹“—‹Ž‹„”‡• †‡• „ƒlances commerciales sont essentiellement Â? ‹Â?’—–‡” ƒ—š ”‡••‘—”…‡• ’”‹Â?ƒ‹”‡•Ǥ Â?Ď?‹Â?ÇĄ les ĂŠchanges relatifs aux biens high tech sont ceux qui progressent le plus vite Ă l’Êchelle mondiale, environ 1,3 fois plus rapidement que la moyenne des ĂŠchanges, contrairement Ă l’image rĂŠpandue qui voit la mondialisation essentiellement Ă travers la redistribution des emplois peu “—ƒŽ‹Ď?‹¹•Ǥ
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OUVERTURES
Mondialisation de l’industrie Ces chiffres du commerce extĂŠrieur sur des bases nationales doivent toutefois ĂŞtre interprĂŠtĂŠs avec prudence, en raison des formes nouvelles de mondialisation de l’industrie, c’est-Ă -dire de l’Êmergence †‡ •›•–°Â?‡• ’”‘†—…–‹ˆ• –”°• ˆ”ƒ‰Â?‡Â?–¹•ǥ distribuant les ĂŠlĂŠments de la chaĂŽne de valeur sur de nombreux sites mondiaux. Pour de nombreux produits industriels et, †‡ ’Ž—• ‡Â? ’Ž—•ǥ †‡ Â•Â‡Â”Â˜Â‹Â…Â‡Â•ÇĄ Ž‡ ÇźÔœÂ?ƒ†‡ ‹Â? Â?‘Â?Â†Â‡ÔœÇ˝ †‡˜‹‡Â?– Žƒ ”°‰Ž‡ Č‹ ‡”‰‡”ǥ Í´Í˛Í˛Í¸ČŒÇ¤ ƒ logistique, jadis fonction servante, devient un ĂŠlĂŠment central de la stratĂŠgie et de la …‘Â?Â’ÂąÂ–Â‹Â–Â‹Â˜Â‹Â–Âą †‡• Ď?‹”Â?‡•Ǥ ‡ Â?‘—˜‡Â?‡Â?– ‡•– ’ƒ”ˆ‘‹• “—ƒŽ‹Ď?‹¹ †‡ ÇźÔœÂ‰ÂŽÂ‘Â„ÂƒÂŽÂ‹Â•ÂƒÂ–Â‹Â‘Â? Â? ‰”ƒ‹Â? Ď?‹Â?ÔœÇ˝ÇĄ …‘Â?–”ƒ•–ƒÂ?– ƒ˜‡… Ž‡• ’Šƒ•‡• ƒÂ?–¹”‹‡—”‡• ‘Î Ž‡ •›•–°Â?‡ Â?‘Â?†‹ƒŽ Â•ÇŻÂ‘Â”Â‰Âƒnisait autour de conglomĂŠrats d’activitĂŠs concentrĂŠs Ă l’Êchelle nationale ou rĂŠgionale. Il est axĂŠ sur ce que certains appellent
Ž‡ ÇźÔœÂ…Â‘Â?Â?‡”…‡ †‡• –Â&#x;Â…ÂŠÂ‡Â•ÔœÇ˝ÇĄ “—‹ ‘”‰ƒÂ?‹•‡ Žƒ mise en concurrence de blocs de tâches plus ou moins ĂŠlĂŠmentaires, en jouant des ’‘••‹„‹Ž‹–¹• ’—‹••ƒÂ?–‡• †‡ ÇźÔœÂ†ÂąÂ‰Â”Â‘Â—Â’ÂƒÂ‰Â‡ÔœÇ˝ Â“Â—ÇŻÂ‘ÂˆÂˆÂ”Â‡ Žǯ‹Â?ˆ‘”Â?ƒ–‹“—‡ Č‹ ƒŽ†™‹Â?ÇĄ Í´Í˛Í˛Í¸ÔœÇ˘
”‘••Â?ƒÂ? ‡– ‘••‹nj ƒÂ?•„‡”‰ǥ Í´Í˛Í˛ÍşČŒÇ¤ ƒ Â”ÂąÂƒÂŽÂ‹Â–Âą †‡• •›•–°Â?‡• ’”‘†—…–‹ˆ• ‹Â?–‡”Â?ƒ–‹‘Â?ÂƒÂŽÂ‹Â•ÂąÂ• ‡•– ƒŽ‘”• •‘—˜‡Â?– –”°• Â†Â‹ÂˆÂˆÂąÂ”Â‡Â?–‡ des apparences. Ainsi, l’importation des ’”‘†—‹–• ’’Ž‡ǥ ƒ••‡Â?„Ž¹• Â? Š‡Â?œ‡Â?ÇĄ ’°•‡ dans les importations amĂŠricaines en provenance de Chine. Mais, en rĂŠalitĂŠ, les re˜‡Â?—• ‡– Ž‡• ’”‘Ď?‹–• †ǯ ’’Ž‡ •‘Â?– Â?ƒ••‹˜‡Â?‡Â?– ƒÂ?ÂąÂ”Â‹Â…ÂƒÂ‹Â?•ԜǨ Â? ʹͲͲ͸ǥ Žƒ ’”‘†—…–‹‘Â? †‡ Žǯ‹ ‘†ǥ ’ƒ” ‡š‡Â?’Ž‡ǥ ‡Â?’Ž‘›ƒ‹– ͳ͜ ͲͲͲ Â•ÂƒÂŽÂƒÂ”Â‹ÂąÂ• ƒ—š 2Â–ÂƒÂ–Â•ÇŚ Â?‹• ‡– ’”°• †— †‘—„Ž‡ Â? l’Êtranger, dont la moitiĂŠ en Chine. Mais la proportion des salaires versĂŠs ĂŠtait exac–‡Â?‡Â?– ‹Â?˜‡”•‡ ȋ͚͜͡ Â?‹ŽŽ‹‘Â?• †‡ †‘ŽŽƒ”• aux US, 318 dans le reste du monde, dont •‡—Ž‡Â?‡Â?– Í´Íś ‡Â? Š‹Â?Â‡ÔœÇ¨ČŒÇ¤ ‘—” ‘„–‡Â?‹” —Â?‡ ‹Â?ƒ‰‡ Â”ÂąÂƒÂŽÂ‹Â•Â–Â‡ †‡• Ď?Ž—š ‹Â?–‡”Â?ƒ–‹‘Â?ÂƒÂ—ÂšÇĄ
Vers le monde hyperindustriel
il faut donc mesurer les Êchanges en valeur ajoutÊe. Et cette mesure donne des rÊsultats sensiblement diffÊrents de ceux des balances commerciales traditionnelles͸.
Pour de nombreux produits industriels et de plus en plus de services, le ÂŤ made in monde Âť devient la règle. Ce mouvement est qualifiĂŠ de globalisation Ă grain fin. Ce processus de fragmentation des chaĂŽnes †‡ Â˜ÂƒÂŽÂ‡Â—Â”ÇĄ ‹Ž ‡•– Â˜Â”ÂƒÂ‹ÇĄ †‹ˆˆ°”‡ •‡Â?•‹„Ž‡Â?‡Â?– d’un secteur Ă l’autre, et parfois d’une Ď?‹”Â?‡ Â? ÂŽÇŻÂƒÂ—Â–Â”Â‡Ç¤ ‹Â?•‹ǥ ’‘—” †‡• „‹‡Â?• ¹Ž‡…troniques modulaires, dĂŠcomposables en constituants qui, de plus, voyagent facilement, l’Êclatement est ĂŠvidemment plus facile que pour des biens issus de process lourds (agro-alimentaire, ciment, etc.). Une typologie prĂŠcise des secteurs, au regard de leurs potentialitĂŠs de dĂŠgroupage, ou •‹ Žǯ‘Â? Â’Â”ÂąÂˆÂ°Â”Â‡ÇĄ †‡ Ž‡—” ’”‘’‡Â?•‹‘Â? ƒ— Â?‘Â?ĠܥÂ?‡ǥ ‡•– †‘Â?Â… –”°• —–‹Ž‡Ǥ ŽŽ‡ ‡•– ‹Â?dispensable pour informer les politiques publiques, si l’on accepte l’idĂŠe que cellesci ont pour objectif central de capter et de •–ƒ„‹Ž‹•‡” Ž‡• ‡Â?’Ž‘‹• ÇźÔœÂ?‘Â?ÂƒÂ†Â‡Â•ÔœÇ˝ Â? ˆ‘”– potentiel de productivitĂŠ7.
Quatre lignes de rupture Cette redistribution des cartes change en profondeur le contexte dans lequel les Ď?‹”Â?‡• Â?ƒ‹••‡Â?–ǥ …”‘‹••‡Â?– ‡– Â?‡—”‡Â?–Ǥ ‡• changements sont par ailleurs ĂŠtroitement
corrĂŠlĂŠs, non seulement avec la rĂŠvolution informatique, mais ĂŠgalement avec la montĂŠe des exigences environnementales et avec les mutations des contextes sociĂŠtaux (ĂŠlĂŠvation du niveau de formation gĂŠnĂŠrale †‡ Žƒ Â?ƒ‹Â? Â†ÇŻĂ Â—Â˜Â”Â‡ÇĄ ƒ––‡Â?–‡• ‡Â? Â?ƒ–‹°”‡ d’autonomie, montĂŠe de l’individualisme). Si l’on veut synthĂŠtiser les contrastes du monde hyperindustriel ĂŠmergent avec le Â?‘Â?†‡ ‹Â?†—•–”‹‡Ž †— •‹°…Ž‡ Â’ÂƒÂ•Â•ÂąÇĄ “—ƒ–”‡ aspects me paraissent essentiels.
Synchronisme technologique planĂŠtaire et fin des rentes gĂŠographiques La distance, les coĂťts de transport et de transmission des informations, ont longtemps protĂŠgĂŠ les foyers d’invention, crĂŠant des rentes qui ont jouĂŠ un rĂ´le central dans les dynamiques relatives des rĂŠgions du monde. Il a fallu attendre le XVIIe •‹°…Ž‡ ’‘—” “—‡ Žƒ ƒš‡ ”¹‹Â?˜‡Â?–‡ Žƒ ’‘”…‡laine, dont la Chine n’avait jamais livrĂŠ le secret. Et Venise punissait de mort ceux qui tentaient de dĂŠrober les savoirs verriers de Murano. Les diffĂŠrences de potentiel ainsi crĂŠĂŠes entre rĂŠgions lointaines ont longtemps alimentĂŠ les couches les plus ĂŠlevĂŠes du capitalisme marchand, seules capables de les exploiter (avec risques ĂŠleÂ˜ÂąÂ• ‡– •—’‡”nj’”‘Ď?Â‹Â–Â•ČŒÇ¤ ‡• ‰”ƒÂ?†‡• †‹˜‹•‘Â?• gĂŠographiques perdurent sous d’autres formes au XXe •‹°…Ž‡Ǥ ƒÂ?• Ž‡• †¹…‡Â?Â?‹‡• •—‹˜ƒÂ?– Žƒ ‡…‘Â?†‡ —‡””‡ Â?‘Â?Â†Â‹ÂƒÂŽÂ‡ÇĄ Žƒ –Š¹‘”‹‡ †— ÇźÔœÂ…Â›Â…ÂŽÂ‡ ‹Â?–‡”Â?ƒ–‹‘Â?ƒŽ †— Â’Â”Â‘Â†Â—Â‹Â–ÔœÇ˝ †¹…”‹– ’ƒ”ˆƒ‹–‡Â?‡Â?– —Â? Â?‘Â?†‡ ‡Â? …‘—…Š‡•ǥ ‘Î Ž‡• Â?Â‘Â—Â˜Â‡ÂƒÂ—Â–ÂąÂ• Â?ƒ‹••‡Â?– †ƒÂ?• le pays-cĹ“ur (les États-Unis), puis migrent
͸Ǥ ÂŽ ‡š‹•–‡ ÂƒÂ—ÂŒÂ‘Â—Â”Â†ÇŻÂŠÂ—Â‹ —Â?‡ „ƒ•‡ †‡ †‘Â?Â?¹‡• ‹ “—‹ ’‡”Â?‡– †‡ •—‹˜”‡ …‡• ÂąÂ…ÂŠÂƒÂ?‰‡• ‡Â? Ǥ Č‹ ÇŚ Statistics on Trade in Value Added). ͚Ǥ Â… ‹Â?•‡› ƒ ’”‘’‘•¹ —Â?‡ –‡ŽŽ‡ –›’‘Ž‘‰‹‡ †ƒÂ?• —Â?‡ ¹–—†‡ †‡ ʹͲͲʹǤ ‡• –›’‡• ”‡–‡Â?—• •‘Â?Â–ÔœÇŁ global innovation for local market Č‹ÂƒÂ—Â–Â‘Â?‘„‹Ž‡ǥ Â?ƒ…Š‹Â?‡• ¹Ž‡…–”‹“—‡•ǥ Â‡Â–Â…Ç¤ČŒÔœÇ˘ regional processing (caoutchouc, imprimerie, ƒ‰”‘ƒŽ‹Â?‡Â?Â–ÂƒÂ‹Â”Â‡ČŒÔœÇ˘ energy-ressource-intensive commodities ȋ„‘‹•ǥ Â’ÂƒÂ’Â‹Â‡Â”ÇĄ ÂƒÂ…Â‹Â‡Â”ÇĄ Â’ÂąÂ–Â”Â‘ÂŽÂ‡ČŒÔœÇ˘ global technologies/ innovators ȋ‘”†‹Â?ÂƒÂ–Â‡Â—Â”Â•ÇĄ ¹Ž‡…–”‘Â?‹“—‡ǥ Â?ÂąÂ†Â‹Â…ÂƒÂŽÇĄ Â‘Â’Â–Â‹Â“Â—Â‡ČŒÔœÇ˘ labor-intensive tradables (textile, jouets, meubles, Â‡Â–Â…Ç¤ČŒÇ¤ Â?‘–‡” “—‡ Ž‡• †‡—š †‡”Â?‹‡”• ‰”‘—’‡•ǥ •—” Ž‡•“—‡Ž• •‡ …‘Â?…‡Â?–”‡ Ž‡ Â†ÂąÂ„ÂƒÂ– ’—„Ž‹… ‡Â? ”ƒÂ?…‡ǥ Â?‡ ”‡’”¹•‡Â?–‡Â?– ”‡•’‡…–‹˜‡Â?‡Â?– “—‡ Íť Ψ ‡– Íš Ψ †‡ Žƒ ˜ƒŽ‡—” ÂƒÂŒÂ‘Â—Â–ÂąÂ‡ ‹Â?†—•–”‹‡ŽŽ‡ ‰Ž‘„ƒŽ‡ԜǨ
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OUVERTURES
vers l’Europe, avant d’atteindre, avec un dĂŠcalage temporel substantiel, les pays ‡Â? Â†ÂąÂ˜Â‡ÂŽÂ‘Â’Â’Â‡Â?‡Â?– Č‹ ‡”Â?‘Â?ÇĄ ÍłÍťÍ¸Í¸ČŒÇ¤ ” Â?‘—• •‘Â?Â?‡• Â†ÂąÂŒÂ? †ƒÂ?• —Â? Â?‘Â?†‡ –”°• Â†Â‹ÂˆÂˆÂąÂ”Â‡Â?–ǥ ‘Î Žƒ Â‰ÂąÂ‘Â‰Â”ÂƒÂ’ÂŠÂ‹Â‡ Â?‡ ’”‘–°‰‡ ’Ž—• rien. Les courbes nationales d’adoption des nouveaux produits ou des nouveaux process ont des amplitudes diffĂŠrentes selon les pays, mais elles sont largement synchrones. Cela oblige tous les acteurs Ă entrer dans une ĂŠpuisante course-poursuite Ă l’innovation. De plus, la capacitĂŠ de Â?‘Â?–‡” –”°• ”ƒ’‹†‡Â?‡Â?– ‡Â? ¹…Š‡ŽŽ‡ Č‹Â•Â…ÂƒÂŽÂƒÂ„Â‹ÂŽÂ‹Â–ÂąČŒ ‡– †‡ ˜‹•‡” –”°• ˜‹–‡ †‡• Â?ÂƒÂ”Â…ÂŠÂąÂ• ‰Ž‘baux devient cruciale dans le lancement †‡ Â?‘—˜‡ƒ—š „‹‡Â?• ‘— •‡”˜‹…‡•Ǥ ‡ Â?‘†°Ž‡ canonique d’une start-up qui commence ’ƒ” ’‡ƒ—Ď?‹Â?‡” •‘Â? ’”‘†—‹– •—” †‡• Â?ÂƒÂ”Â…ÂŠÂąÂ• locaux avant de se lancer dans le grand „ƒ‹Â? ‡•–ǥ ’ƒ” ‡š‡Â?’Ž‡ǥ „ƒ––— ‡Â? „”°…Š‡ ’ƒ” celui de la lean start-up8ÇĄ ƒŽŽƒÂ?– –”°• ˜‹–‡ vers des marchĂŠs globaux, en amĂŠliorant Ž‡ ’”‘†—‹– †‡ Â?ƒÂ?‹°”‡ Â‹Â–ÂąÂ”ÂƒÂ–Â‹Â˜Â‡ ’ƒ” Ž‡• retours des clients (Ries, 2012).
Des coĂťts fixes supĂŠrieurs aux coĂťts variables ‡ †‡—š‹°Â?‡ ƒ•’‡…– Â?ƒŒ‡—” ‡•– Ž‡ „ƒ•…—Ž‡Â?‡Â?– ˜‡”• —Â?‡ ¹…‘Â?‘Â?‹‡ ‘Î Ž‡• …‘ð–• Ď?‹š‡• Žǯ‡Â?’‘”–‡Â?– •—” Ž‡• …‘ð–• ˜ƒ”‹ƒ„Ž‡• ‡– ‘Î Žƒ Â?Â‘Â†ÂƒÂŽÂ‹Â–Âą ’”‡Â?‹°”‡ †‡ Žƒ …‘Â?…—””‡Â?…‡ est celle de monopoles sur des niches. La concurrence par l’innovation coĂťte cher en R&D, en protection des marques, en contrĂ´le des rĂŠseaux de distribution. Dans de nombreux secteurs (tĂŠlĂŠcommunications, santĂŠ...), elle mobilise des ‹Â?ˆ”ƒ•–”—…–—”‡• –”°• Ž‘—”†‡•Ǥ ÇŻÂƒÂ—Â–Â‘Â?ƒtisation, comme rĂŠponse Ă la concurrence des pays Ă bas salaires, augmente ĂŠgaleÂ?‡Â?– Žƒ ’ƒ”– †‡• …‘ð–• Ď?‹š‡•Ǥ ƒ Â…ÂƒÂ’ÂƒÂ…Â‹Â–Âą Â? ’‘”–‡” …‡• …‘ð–• ƒÂ?–‹…‹’¹• †‡˜‹‡Â?– †°• Ž‘”• plus importante que la capacitĂŠ Ă rĂŠduire
les coĂťts variables d’exploitation, obsession du management depuis l’origine de l’industrie moderne, en particulier sous l’angle de la rationalisation Ă outrance du travail d’exĂŠcution. Ce dĂŠplacement des ‡Â?Œ‡—š •ǯ‡•– ƒÂ?‘”…¹ †°• Ž‡• ƒÂ?Â?¹‡• ͳ͝ͺͲ dans les grandes industries matures. Les oligopoles nationaux ont commencĂŠ Ă ĂŠclater, la concurrence s’est durcie et est devenue multiforme. La qualitĂŠ, le service, la rĂŠactivitĂŠ et l’innovation en sont devenues des composantes cruciales. Et on s’est aperçu qu’elles ne relevaient pas du tout des mĂŞmes logiques gestionnaires et organisationnelles que la rĂŠduction des coĂťts de main d’œuvre en fabrication.
Les firmes sont poussĂŠes vers des stratĂŠgies concurrentielles visant la crĂŠation de monopoles sur des niches plus ou moins ĂŠtroites – c’est ce que font de nombreuses firmes allemandes, et cela explique leur succès. Dans l’automobile, par exemple, la capacitĂŠ de maĂŽtriser les coĂťts de conception et de rĂŠduire les temps de mise sur le marchĂŠ est devenue un ĂŠlĂŠment dĂŠcisif de compĂŠÂ–Â‹Â–Â‹Â˜Â‹Â–ÂąÇ¤ ‡• …‘ð–• Ď?‹š‡• ƒÂ?–‹…‹’¹• ‘Â?– ƒ‹Â?•‹ ÂŒÂ‘Â—Âą —Â? Â”Ă˜ÂŽÂ‡ …”‘‹••ƒÂ?–Ǥ ” …‡…‹ ‡•– ‡Â?…‘”‡ ’Ž—• Ď?Žƒ‰”ƒÂ?–ǥ ÂƒÂ—ÂŒÂ‘Â—Â”Â†ÇŻÂŠÂ—Â‹ÇĄ †ƒÂ?• †‡• •‡…–‡—”• …‘Â?Â?‡ Ž‡• ÇĄ ‘Î Ž‡• …‘ð–• Â†ÇŻÂ‡ÂšÂ’ÂŽÂ‘Â‹Â–ÂƒÂ–Â‹Â‘Â? •‘Â?– –”°• ˆƒ‹„Ž‡• ƒ— ”‡‰ƒ”† †‡• …‘ð–• d’investissement, ou dans les industries †‡ Žƒ •ƒÂ?–¹ǥ ‘Î Ž‡• †¹’‡Â?•‡• Â’Â”ÂąÂƒÂŽÂƒÂ„ÂŽÂ‡Â• Â? Žƒ Â?‹•‡ •—” Ž‡ Â?ÂƒÂ”Â…ÂŠÂą ‡š’Ž‘•‡Â?–Ǥ ‡• Ď?‹”Â?‡• sont donc logiquement poussĂŠes vers des stratĂŠgies concurrentielles visant la crĂŠation de monopoles sur des niches, plus ou moins ĂŠtroites – c’est ce que font de Â?‘Â?„”‡—•‡• Ď?‹”Â?‡• ƒŽŽ‡Â?ƒÂ?†‡•ǥ ‡– …‡Žƒ
8. Voir aussi sur ce point l’article de StÊphane Distinguin, p. 71.
Vers le monde hyperindustriel
‡š’Ž‹“—‡ Ž‡—” •—……°•Ǥ ‡––‡ Ž‘‰‹“—‡ ‡•– puissamment favorisĂŠe lorsque le secteur ’”¹•‡Â?–‡ †‡• ‡š–‡”Â?ÂƒÂŽÂ‹Â–ÂąÂ• †‡ Â”ÂąÂ•Â‡ÂƒÂ— –”°• fortes, comme c’est le cas pour les industries maĂŽtresses des grands serveurs du –›’‡ Č‹ ‘‘‰Ž‡ǥ Â?ƒœ‘Â?ÇĄ Â‹Â…Â”Â‘Â•Â‘ÂˆÂ–ÇĄ Â’Â’ÂŽÂ‡ČŒÇ¤ Â? ˜‘‹– ƒ— ’ƒ••ƒ‰‡ ’‘—”“—‘‹ǥ dans ce contexte, l’Europe joue perdante lorsqu’elle reste arc-boutĂŠe sur la dĂŠfense †ǯ—Â? Â?‘Â?†‡ …‘Â?…—””‡Â?–‹‡Ž Â? ÂŽÇŻÂƒÂ?…‹‡Â?Â?‡ǥ ‘Î le monopole est l’ennemi principal‌
Le rĂ´le croissant des ÂŤ ĂŠcosystèmes Âť ǯ‹Â?†—•–”‹‡ †— •‹°…Ž‡ Â’ÂƒÂ•Â•Âą ƒ ’”‘‰”‡••‹˜‡ment construit un monde fermĂŠ sur luimĂŞme. L’usine s’est isolĂŠe de la sociĂŠtĂŠ environnante. Elle a crĂŠĂŠ sa propre discipline. Et elle a demandĂŠ Ă des populations de plus en plus ĂŠduquĂŠes de laisser au
vestiaire leurs attentes de responsabilitĂŠ et d’autonomie. La recherche de productivitĂŠ par routinisation et standardisation a, d’autre part, permis des formes de division •’ƒ–‹ƒŽ‡ †— –”ƒ˜ƒ‹Ž ‘Î Žƒ ’”‘š‹Â?‹–¹ ‡Â?–”‡ unitĂŠs, entre centres de conception et sites d’exĂŠcution, par exemple, n’importait ’Ž—• ‰—°”‡Ǥ ‡ ˆ—– Ž‡ …ƒ• †ƒÂ?• Žƒ ”ƒÂ?…‡ †‡• ”‡Â?–‡ Ž‘”‹‡—•‡•ǥ “—‹ ƒ …‘Â?Â?— —Â?‡ Â•ÂąÂ’ÂƒÂ”Âƒtion spatiale croissante entre les bureaux d’Êtude, restĂŠs dans les grandes villes et surtout Ă Paris, et les usines, migrant massivement vers les zones rurales. Il n’en avait pas toujours ĂŠtĂŠ ainsi. La proto-industrialisation ignorait la coupure entre espace domestique et espace industriel. Et les industries modernes naissantes ÂąÂ–ÂƒÂ‹Â‡Â?– ‘”‰ƒÂ?‹•¹‡• ‡Â? ÇźÔœÂ†Â‹Â•Â–Â”Â‹Â…Â–Â•ÔœÇ˝ ‘Î Ž‡• externalitĂŠs, la circulation des savoirs, †‡• ‘—–‹Ž• ‡– †‡• Š‘Â?Â?‡• ‡Â?–”‡ Ž‡• Ď?‹”Â?‡•
Les hubs industrialo-universitaires : campus de l’universitÊ de Harvard.
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OUVERTURES
j‘—ƒ‹‡Â?– —Â? Â”Ă˜ÂŽÂ‡ …‡Â?Â–Â”ÂƒÂŽÇĄ ‘Îǥ …‘Â?Â?‡ ƒ”•ŠƒŽŽ Ž‡ ”¹•—Â?‡”ƒ †ǯ—Â?‡ ’Š”ƒ•‡ …¹Ž°„”‡ǥ ÇźÔœle secret de l’industrie ĂŠtait dans l’airÔœÇ˝Ç¤ Aujourd’hui, le dĂŠsenclavement revient Ă l’ordre du jour. Les outils mobiles crĂŠent une permĂŠabilitĂŠ sans prĂŠcĂŠdent entre les espaces du travail et les univers domestiques. L’innovation sort des silos des firmes et des disciplines pour devenir ÇźÔœÂ‘Â—Â˜Â‡Â”Â–Â‡ÔœÇ˝ÇĄ Â’ÂƒÂ”Â–ÂƒÂ‰ÂąÂ‡ÇĄ ’Ž—”‹nj•‡…–‘”‹‡ŽŽ‡Ǥ La proximitĂŠ entre pĂ´les de conception et pĂ´les de fabrication rĂŠapparaĂŽt comme enjeu crucial dans le maintien des capaci–¹• Â?ƒÂ?—ˆƒ…–—”‹°”‡• ‡ŽŽ‡•njÂ?²Â?‡• Č‹ ‡”‰‡”ǥ 2013). Ă€ l’amont des processus d’innovation, les grands hubs industrialo-universitaires jouent un rĂ´le dĂŠterminant. Bref, on rĂŠalise que les externalitĂŠs relationnelles ne sont plus seulement des adjuvants •‡…‘Â?†ƒ‹”‡• †‡ Žƒ …‘Â?Â’ÂąÂ–Â‹Â–Â‹Â˜Â‹Â–ÂąÔœÇŁ ‡ŽŽ‡• ‡Â? deviennent des composantes majeures.
L’hyperpolarisation Dans l’histoire ĂŠconomique, chaque ĂŠtape d’ouverture des ĂŠchanges s’est accompagnĂŠe de concentration. Le chemin de fer a favorisĂŠ la croissance des mĂŠtropoles. L’ÊlectricitĂŠ a permis Ă la fois la diffusion des usines et favorisĂŠ le regroupement des grands sites industriels. La sociĂŠtĂŠ hyper…‘Â?Â?‡…–¹‡ ’‘”–‡ Žƒ Â?²Â?‡ ƒÂ?„‹˜ƒŽ‡Â?…‡Ǥ Â? peut monter une entreprise mondiale dans la Creuse, mais ce sont, pour l’essentiel, les mĂŠtropoles qui gagnent. La nouveautĂŠ, toutefois, n’est pas la concentration. C’est la tendance Ă l’hyper-concentration. °• ͳ͝͝͸ǥ ”ƒÂ?Â? ‡– ‘‘Â? ƒ˜ƒ‹‡Â?– ÂƒÂ–Â–Â‹Â”Âą l’attention sur ce processus, en parlant de ÇźÔœwinner-take-all societyÔœÇ˝Ç¤ ƒÂ?• —Â?‡ •‘…‹¹–¹ ƒ—••‹ Ď?Ž—‹†‡ “—‡ Žƒ Â?Ă˜Â–Â”Â‡ÇĄ ÂŽÇŻÂąÂ…ÂƒÂ”Â– •‡ …”‡—•‡ †‡ Â?ƒÂ?‹°”‡ •’‡…–ƒ…—Žƒ‹”‡ ‡Â?–”‡ Ž‡• stars et les autres. Pourquoi suivre le cours †ǯ—Â? ’”‘ˆ‡••‡—” †‡ „‘Â? Â?Â‹Â˜Â‡ÂƒÂ—ÇĄ •‹ ÂŒÇŻÂƒÂ‹ ƒ……°• aux vedettes des plus grandes universiÂ–ÂąÂ•ÔœÇŤ ‘—”“—‘‹ǥ •‹ Œ‡ •—‹• ”‡•’‘Â?•ƒ„Ž‡ †‡ Žƒ R&D d’un groupe et que je cherche Ă me
rapprocher des ressources universitaires, disperser mes capteurs sur une multitude de sites, si les grands hubs dĂŠjĂ ĂŠvoquĂŠs me ’‡”Â?‡––‡Â?– Â†ÇŻÂƒÂ˜Â‘Â‹Â” ƒ……°• ƒ—š Â?Â‡Â‹ÂŽÂŽÂ‡Â—Â”Â•ÔœÇŤ
Dans l’histoire ĂŠconomique, chaque ĂŠtape d’ouverture des ĂŠchanges s’est accompagnĂŠe de concentration. La nouveautĂŠ n’est pas la concentration. C’est la tendance Ă l’hyper-concentration. Cette logique est extraordinairement puis•ƒÂ?–‡ǥ †°• Ž‘”• “—‡ Ž‡• ‡ˆˆ‡–• †‡ Â”ÂąÂ•Â‡ÂƒÂ— ’‡”Â?‡––‡Â?– Â? †‡• Â†Â‹ÂˆÂˆÂąÂ”Â‡Â?…‡• ”‡Žƒ–‹˜‡• Ž¹‰°”‡• de crĂŠer des avantages absolus considĂŠrables. Dans une usine de mĂŠcanique, un ĂŠcart de productivitĂŠ d’un salariĂŠ Ă l’autre, d’un atelier Ă l’autre, a un impact limitĂŠ. Â? ”‡˜ƒÂ?…Š‡ǥ —Â? …‘†‡ Ž¹‰°”‡Â?‡Â?– Â?‡‹Žleur, mais diffusĂŠ Ă des millions d’exemplaires, pourra creuser des diffĂŠrences gigantesques et dĂŠcider du sort d’une entreprise. Le monde industriel ĂŠtait gaussien. Les performances et les revenus s’y distribuaient selon une courbe en cloche. Dans les rĂŠseaux, chaque nĹ“ud commandait un nombre de liens centrĂŠs autour d’une moyenne. Le monde hyperindustriel ‡•– ÇźÔœÂ’ÂƒÂ”ÂąÂ–Â‹Â‡Â?ÔœÇ˝Ç¤ ‡• ˜ƒ”‹ƒ–‹‘Â?• †‡ ’‡”ˆ‘”Â?ƒÂ?…‡• ‡– ”‡˜‡Â?—• ‘„¹‹••‡Â?– Â? —Â?‡ ÇźÔœÂŽÂ‘Â‹ †‡ ’—‹••ƒÂ?Â…Â‡ÔœÇ˝Ç¤ ‡”–ƒ‹Â?• Â?à —†•ǥ Ž‡• hubs, commandent beaucoup plus de liens que les autres (Lanier 2013).
Quels enjeux pour la France ? Le monde hyperindustriel est donc riche de promesses mais aussi lourd de menaces. Quel avenir offre-t-il aux dĂŠtenteurs †‡ “—ƒŽ‹Ď?‹…ƒ–‹‘Â?• Â?‘›‡Â?Â?‡•ǥ ‡– ƒ—š …Žƒ••‡• Â?‘›‡Â?Â?‡• †‡ Â?ƒÂ?‹°”‡ ‰¹Â?ÂąÂ”ÂƒÂŽÂ‡ÇĄ ƒŽ‘”• “—‡ toutes les ĂŠtudes montrent la polarisation †‡• “—ƒŽ‹Ď?‹…ƒ–‹‘Â?• ƒ—š ‡š–”²Â?‡• Č‹ …‡Â?‘‰Ž—
Vers le monde hyperindustriel
et Autor 2011, Lanier 2013, Brynjolfsson ‡– Â… ÂˆÂ‡Â‡ÇĄ Í´Í˛ÍłÍśČŒÔœÇŤ ‘Â?Â?‡Â?– ‡Â?‰”ƒÂ?‰‡” Ž‡• „¹Â?ÂąĎ?‹…‡• †‡ Žƒ ’‘Žƒ”‹•ƒ–‹‘Â? •ƒÂ?• Žƒ‹•ser des territoires et des groupes sociaux pĂŠriphĂŠriques s’enfoncer dans l’impasse ‡– Ž‡ Â†ÂąÂ•Â‡Â•Â’Â‘Â‹Â”ÔœÇŤ ‘Â?Â?‡Â?– …‘Â?„ƒ––”‡ Žƒ baisse d’allĂŠgeance citoyenne des grandes Ď?‹”Â?‡• “—‹ ˜‘‹‡Â?– Â•ÇŻÂ‘Â—Â˜Â”Â‹Â” Ž‡• „‘—Ž‡˜ƒ”†• †‡ Žƒ •¹…‡••‹‘Â? Ď?Â‹Â•Â…ÂƒÂŽÂ‡ÔœÇŤ ‘Â?Â?‡Â?– Â”ÂąÂƒÂ”Â–Â‹Â…Â—ler positivement le monde industriel et le Â?‘Â?†‡ Ď?‹Â?ƒÂ?…‹‡”ǥ †‘Â?– Žƒ ’ƒ”– †ƒÂ?• Ž‡ Â?‘Â?†‹ƒŽ ‡– Ž‡• ”‡˜‡Â?—• ƒ …”𠆇 Â?ƒÂ?‹°”‡ dĂŠmesurĂŠe, sans contrepartie sensible en •‡”˜‹…‡• ”‡Â?†—• Č‹ Š‹Ž‹’’‘Â? Í´Í˛ÍłÍľČŒÔœÇŤ ‘Â?ment combiner les enjeux de long terme de la transition ĂŠcologique, du climat et de la biodiversitĂŠ avec la vitesse du monde Š›’‡”…‘Â?Â?‡…–¹ ‡– †‡• •‘—”…‡• †‡ ’”‘Ď?‹– Â—ÂŽÂ–Â”ÂƒÇŚÂ”ÂƒÂ’Â‹Â†Â‡ “—ǯ‹Ž ’‡”Â?Â‡Â–ÔœÇŤ
Notre avenir est liĂŠ Ă notre capacitĂŠ Ă entrer dans l’Êconomie de mouvement, Ă fixer les activitĂŠs et les emplois connectĂŠs et pas seulement les emplois abritĂŠs. Ces questions sont prĂŠoccupantes. Mais, comme l’explique excellemment le rĂŠcent ”ƒ’’‘”– †‡ ”ƒÂ?…‡ Â–Â”ÂƒÂ–ÂąÂ‰Â‹Â‡ Č‹ ‹•ƒÂ?‹nj ‡””› Í´Í˛ÍłÍśČŒÇĄ Â?‘—• Â?ÇŻÂƒÂ˜Â‘Â?• ’ƒ• Ž‡ …Š‘‹šǤ ‘–”‡ avenir est liĂŠ Ă notre capacitĂŠ Ă entrer dans l’Êconomie de mouvement, Ă fixer Ž‡• ÂƒÂ…Â–Â‹Â˜Â‹Â–ÂąÂ• ‡– Ž‡• ‡Â?’Ž‘‹• ÇźÔœÂ…Â‘Â?Â?Â‡Â…Â–ÂąÂ•ÔœÇ˝ ‡– ’ƒ• •‡—Ž‡Â?‡Â?– Ž‡• ‡Â?’Ž‘‹• ÇźÔœÂƒÂ„Â”Â‹Â–ÂąÂ•ÔœÇ˝Ç¤ Pour cela, la dimension collective de la compĂŠtitivitĂŠ, la capacitĂŠ Ă crĂŠer des pĂ´les de croissance Ă fortes externalitĂŠs, Ă promouvoir les valeurs partagĂŠes comme la …‘Â?Ď?‹ƒÂ?…‡ǥ Ž‡ †¹…Ž‘‹•‘Â?Â?‡Â?‡Â?– ‡Â?–”‡ Ž‡• mondes, universitaires, industriels, culturels, politiques, sont les enjeux dĂŠcisifs. L’Êtude rĂŠcente du MIT sur l’avenir de Žǯ‹Â?†—•–”‹‡ Â?ƒÂ?—ˆƒ…–—”‹°”‡ ƒ—š 2Â–ÂƒÂ–Â•ÇŚ Â?‹• ‹Â?•‹•–‡ •—” Ž‡• †‹ˆĎ?‹…—Ž–¹• †‡• Ď?‹”Â?‡• Ž‘…ƒŽ‡• dispersĂŠes sur le territoire et coupĂŠes des
¹…‘•›•–°Â?‡• “—‹ Ž‡—” ƒ’’‘”–‡Â?– †‡• ”‡•sources indispensables en compĂŠtences, en vision des marchĂŠs et des technologies (Berger, 2013). Elle souligne a contrario le rĂ´le essentiel que ces structures collectives jouent dans la compĂŠtitivitĂŠ allemande. Ce sujet est, Ă mon avis, le sujet central ’‘—” Žƒ ”ƒÂ?…‡Ǥ ‡• ”‡Â?–‡ Ž‘”‹‡—•‡• Â?‘—• ont lĂŠguĂŠ des groupes dynamiques qui continuent Ă tirer l’Êconomie française. Mais, allant Ă la rencontre de leurs marchĂŠs internationaux, ces groupes ont cessĂŠ depuis longtemps d’investir sur le territoire national. Et ils sont dĂŠsormais largement ’‘••¹†¹• ’ƒ” †‡• ˆ‘Â?†• ÂąÂ–Â”ÂƒÂ?‰‡”•Ǥ ”Â&#x;…‡ Ă des outils comme le crĂŠdit d’impĂ´t recherche, ils ont encore une base nationale importante en R&D. Mais on peut penser que leur rĂ´le est dĂŠclinant dans l’innovation, ne fĂťt-ce qu’en raison des restrictions Â•ÂąÂ˜Â°Â”Â‡Â• Â†ÇŻÂ‡ÂˆÂˆÂ‡Â…Â–Â‹ÂˆÂ• “—ǯ‹Â?’‘•‡ Ž‡—” …‘Â?Â’ÂątitivitĂŠ. De nombreuses PMI travaillent en sous-traitance pour ces groupes. D’autres PME n’ont pas engagĂŠ les rĂŠformes de modernisation nĂŠcessaires et affrontent aujourd’hui une concurrence accrue (Europe du Sud, Asie) qui lamine un peu plus leurs –”°• ˆƒ‹„Ž‡• Â?ÂƒÂ”Â‰Â‡Â•ÇĄ ƒ— Â?‘Â?‡Â?– Â?²Â?‡ ‘Î il faudrait investir. Cette rĂŠalitĂŠ est inquiĂŠtante. Mais les rĂŠserves de compĂŠtence et de crĂŠativitĂŠ sont ĂŠnormes. Elles doivent ĂŞtre mobilisĂŠes pour rebâtir un nouveau cycle, renouveler l’ancrage des groupes ƒ—–‘—” †‡• ¹…‘•›•–°Â?‡• Â?ÂąÂ–Â”Â‘Â’Â‘ÂŽÂ‹Â–ÂƒÂ‹Â?•ǥ booster l’Ênergie latente des PME innovantes, valoriser nos atouts exceptionnels dans la science et la culture, inventer des formes de co-dĂŠveloppement entre groupes et start-up, notamment dans le numĂŠrique, pour permettre aux premiers, mal armĂŠs, de prendre les virages nĂŠcessaires, avant qu’il ne soit trop tard.
Ä•ÄŽÄŠÄ—Ä—ÄŠ ěĊđęÄ&#x; Paris-Saclay, AcadĂŠmie des technologies
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OUVERTURES
Pour en savoir plus Andreesen M., « Software is Eating the World », site du WSJ, 20 août 2011. Acemoglu D., Autor D. « Skills, Tasks and Technologies: Implications for Employment and Earnings », Handbook of Labor Economics, 2011. Baldwin R., « Globalisation: the Great Unbundling(s) », Economic Council of Finland, 2006. Berger S., Made in Monde, Seuil, 2006. Berger S., Making in America: From Innovation to Market, MIT Press, 2013. Bhalla S., The Middle Class Kingdoms of India and China, Oxus, Dehli, 2007. Brynvolfsson E., McAfee A., The Second Machine Age, Norton, 2014. Colin N., Verdier E., L’Âge des multitudes, Armand Colin, 2012. De Vries J., The Industrious Revolution: Consumer Behavior and the Household Economy, 1650 to the Present, Cambridge University Press, 2008. Ferguson N., Civilization: the Six Killer Apps of Western Power, Penguin, 2012. Fontagné L., Mohnen P., Wolff, « Pas d’industrie, pas d’avenir », Notes du CAE, juin 2014. Frank R.H., Cook P. J., The Winner-Take-All Society, Penguin, 1996. Gallois L., Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, La Documentation française, 2012. Goody J., The East in the West, Cambridge University Press, 1996. Grossman G.M., Rossi-Hansberg E., « Trading Tasks: A Simple Theory of Offshoring » American Economic Review, vol. 98, N° 5, 2008. Hounshell D., From the American System to Mass Production, 1800-1932, John Hopkins University Press, 1985. Lanier J., Who Owns the Future?, Simon and Schuster, 2013.
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