LE GUIDE Onze points-clés pour réussir la mise en place des administrateurs salariés
Le guide : Onze points-clés pour réussir la mise en place des administrateurs salariés
Sommaire
SOMMAIRE Introduction
V
La désignation des administrateurs salariés
VI
Le cas des entreprises internationalisées et la représentation des salariés étrangers
XIII XVI
La formation de l’administrateur salarié
XVIII
L’exercice du mandat d’administrateur salarié
XXII
Les droits et obligations de l’administrateur salarié
XXV
Le droit à l’information de l’administrateur salarié
XXIX
La rémunération de l’administrateur salarié
XXX
Les relations de l’administrateur salarié avec l’organisation syndicale
XXXIV
Le rôle du président du conseil
XXXVII
La distinction des rôles de l’administrateur salarié et de l’administrateur représentant les salariés actionnaires
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INTRODUCTION Onze points-clés pour réussir la mise en place des administrateurs salariés Ce guide apporte des réponses aux interrogations les plus fréquemment posées par les dirigeants d’entreprises, les représentants d’organisation syndicales et les salariés eux-mêmes, relativement à la mise en place d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance prévue par la Loi n°2013-504 du 14 juin 2013. Comme la Note qui le contient, le présent guide a été mis au point par un groupe de travail, sur la base d’une revue de la littérature et d’une série d’auditions d’acteurs, entre l’automne 2013 et le printemps 2014 (voir Remerciements p. 7 de la Note). Les références renvoient à la bibliographie générale de la Note. Les développements qui suivent ne sont pas à proprement parler des recommandations mais plutôt un passage en revue des options et bonnes pratiques disponibles, à la lumière de ce qui a pu être expérimenté antérieurement dans le contexte français ou à l’étranger. En l’absence de décrets d’application, non parus à la date de la présente publication, la Loi laisse aux parties prenantes une grande latitude pour aménager chaque entreprise, sans en trahir ni la lettre, ni l’esprit. Chacun pourra donc faire preuve d’imagination.
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La désignation des administrateurs salariés 1 proposée par le ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social explique de la façon suivante les modalités de désignation prévues par la Loi du 14 juin 2013.
« Les modalités de désignation des administrateurs salariés doivent être statuts). La loi laisse le choix entre quatre modalités : 1. territoire français ; 2. la désignation par le comité de groupe, le comité central d’entreprise ou le comité d’entreprise de la société ; 3. la désignation par l’organisation ou les deux organisations syndicales arrivées en tête des élections professionnelles ; 4. la désignation par le comité d’entreprise européen. des actionnaires) doit intervenir dans les 6 mois, à compter du moment où l’entreprise est assujettie à l’obligation de mettre en place des représentants des salariés. À compter de cette décision, leur élection ou désignation doit avoir lieu dans les 6 mois. »
1 - Fiche pratique « Associer les salariés à la stratégie des grandes entreprises » proposée par le Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur http://travail-emploi.gouv.fr/evenements-colloques,2215/la-loi-de-securisation-de-l-emploi,2288/ les-fiches-pratiques,2305/une-loi-pour-les-droits-des,2307/associer-les-salaries-a-la,16413.html Les argumentaires du MEDEF, Loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, Pôle social du MEDEF, 2013.
La désignation des administrateurs salariés
De son côté, le pôle social du Medef, dans sa note explicative de la Loi2, apporte quelques précisions supplémentaires.
« Après avis, selon le cas, du comité de groupe, du comité central désignation parmi les possibilités suivantes : directes ou indirectes, les candidats étant désignés par les organisations syndicales ; - désignation par le comité de groupe, le comité central ou le comité d’entreprise ; - désignation par l’organisation ou les organisations syndicales, selon qu’il y a un ou deux administrateurs, ayant obtenu le plus de suffrages (au niveau de la société tête de groupe et au niveau du groupe périmètre France) au premier tour des élections permettant de mesurer la représentativité syndicale ; - lorsque le nombre d’administrateurs à désigner est au moins égal à deux, désignation de l’un des administrateurs selon l’une des modalités précédentes et de l’autre par le comité d’entreprise européen s’il existe ou, pour les sociétés européennes, par l’organe de représentation des salariés ou, à défaut, par le comité de la société européenne. »
Aux termes de l’article L.225-18 du Code de commerce, les administrateurs de sociétés anonymes sont nommés par l’assemblée générale ordinaire des associés. Seule exception à ce principe : la cooptation à titre provisoire d’un administrateur par le conseil d’administration, en cas de vacance par décès ou démission, et encore sous réL.225-24, alinéa 1er du Code de commerce).
2 - Les argumentaires du MEDEF, « Loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi », Pôle social du MEDEF, 2013.
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La Loi n°2013-504 du 14 juin 2013, qui crée l’article L.225-27-1 du Code de commerce (voir encadré 5 chapitre 1 de la note), constitue par conséquent une véritable révolution dans le processus de nomination des administrateurs de sociétés anonymes, puisque les administrateurs représentant les salariés ne seront pas nommés par l’assemblée générale des actionnaires, mais seront, en fonction des statuts : soit élus par l’ensemble des salariés (article L.225-27-1 III 1°) soit désignés par une ou plusieurs organisation (institutions représentatives du personnel telles que le comité de groupe, le comité central d’entreprise ou le comité d’entreprise, d’une part ; ou bien organisations syndicales, d’autre part - article L.225-27-1 III 2° et 3°). Que l’on parle d’élection, parce que la nomination résulte d’un vote des salariés (à l’instar d’élections politiques ou syndicales), ou de désignation, parce que la nomination résulte de la décision d’un organe déjà constitué (institution représentative du personnel ou organisation syndicale), le rôle et les pouvoirs des administrateurs ainsi nommés (terme générique englobant les deux modalités) sont strictement identiques – comme ils sont identiques à ceux des administrateurs nommés par les actionnaires. On notera toutefois qu’il revient aux actionnaires, seuls habilités de choisir les modalités de nomination des administrateurs représentant les salariés et d’inscrire ces modalités dans les statuts (faute de quoi l’article L.225-27-1 IV impose l’élection des administrateurs par les salariés). Qui est éligible pour représenter les salariés ? Peuvent être éligibles à la fonction d’administrateur « les salariés titulaires d’un contrat
La désignation des administrateurs salariés
de travail, depuis au moins deux ans (cette condition est supprimée si l’entreprise a moins de deux ans), (directes ou indirectes) »3. La Loi a donc réservé la représentation des salariés à des salariés en exercice dans l’entreprise ; elle a exclu que celle-ci puisse être exercée par des personnes extérieures à l’entreprise, par exemple des syndicalistes, des professeurs d’universités ou des juristes proposés par le comité d’entreprise, comme cela est par exemple le cas en Allemagne (Betriebsrat) ou aux Pays-Bas (Works Council). Concernant les modalités d’organisation de l’élection, la Loi renvoie à l’article L.225-28 du Code de commerce (voir encadré 1 ciaprès). Peuvent être électeurs « tous les salariés de la société et le cas mois à la date de l’élection ». Il prévoit une élection à bulletin secret, au scrutin majoritaire ou proportionnel, auquel cas les listes doivent être paritaires. Les salariés peuvent être divisés en deux collèges, l’un étant réservé aux ingénieurs, cadres et assimilés. Y a-t-il des avantages évidents au choix entre élection et désignation ? La question est d’importance, car elle permet de fonder la légitimité de l’administrateur salarié en termes de représentativité. La légitimité est-elle fondée sur l’appartenance syndicale ou sur le vote de tous les salariés ? Globalement, les membres de notre groupe de travail estiment que l’administrateur élu est plus légitime que celui qui serait désigné. C’est également la recommandation de l’IFA4 qui encourage les entreprises à « s’investir dans ce processus (…) et apporter les son appropriation par les salariés ». L’élection établit un lien direct de
3 - Fiche pratique du Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, op. cit. et article L.225-28 du Code du commerce. 4 - IFA, Les administrateurs salariés dans la gouvernance : une dynamique positive, juillet 2013, p.4.
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représentation entre la communauté salariale et les administrateurs. En outre, l’élection contribue à distendre le lien entre l’administrateur et l’organisation syndicale dont il provient : cela lui confère une certaine autonomie de décision et prévient du risque qu’il ne soit qu’un portevoix. Néanmoins, il convient de noter qu’en application de l’article L.225-27-1 et L.225-28 du Code de commerce, les candidats doivent être présentés par une ou plusieurs organisations syndicales ; il y a donc un monopole de la représentation syndicale. La préférence « intellectuelle » pour l’élection peut donc céder la place, en pratique, à d’autres considérations conduisant à préférer la désignation, selon la situation propre de l’entreprise (équilibre entre les organisations syndicales, taux de participation des salariés à l’élection envisagée, présence de syndicats catégoriels, internationalisation de l’entreprise, etc.). Certaines entreprises ont d’ores et déjà privilégié dans leurs statuts la désignation par une instance représentative du perimportantes.
POINT CLÉ
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Que le mode choisi soit l’élection ou la désignation, l’entreprise veillera tout particulièrement à ce que l’administrateur salarié ne soit pas contestable en matière de représentativité des salariés.
La désignation des administrateurs salariés
Encadré 1 - ARTICLE L225-28 DU CODE DU COMMERCE Les administrateurs élus par les salariés ou désignés en application de l’article L. 225-27-1 doivent être titulaires d’un contrat de travail avec la leur nomination et correspondant à un emploi effectif. Par dérogation, le second administrateur désigné en application du 4° du III de l’article L. 225-27-1 doit être titulaire d’un contrat de travail avec la société ou l’une sa nomination et correspondant à un emploi effectif. Toutefois, la condition d’ancienneté n’est pas requise lorsque au jour de la nomination la société est constituée depuis moins de deux ans.
contrat de travail est antérieur de trois mois à la date de l’élection, sont électeurs. Le vote est secret. Lorsqu’un siège au moins est réservé aux ingénieurs, cadres et assimilés en application de l’article L. 225-27, les salariés sont divisés en deux collèges votant séparément. Le premier collège comprend les ingénieurs, répartition des sièges par collège en fonction de la structure du personnel. Lorsqu’il est fait application du même article L. 225-27, les candidats ou listes de candidats peuvent être présentés soit par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au sens de l’article L. 423-2 du code du travail, soit par le vingtième des électeurs ou, si le nombre de ceux-ci est supérieur à deux mille, par cent d’entre eux. Lorsqu’il est fait application de l’article L. 225-27-1 du présent code, les candidats ou listes de candidats sont présentés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au sens de l’article L. 2122-1 du code du travail. Lorsqu’il y a un seul siège à pourvoir pour l’ensemble du corps électoral, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. Lorsqu’il y a un seul siège
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à pourvoir dans un collège électoral, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours dans ce collège. Chaque candidature doit comporter, outre le nom du candidat, celui de son remplaçant éventuel. Le candidat et son remplaçant sont de sexe différent. Est déclaré élu le candidat ayant obtenu au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés, au second tour la majorité relative. Dans les autres cas, l’élection a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle au plus fort reste et sans panachage. Chaque liste doit comporter un nombre de candidats double de celui des sièges à pourvoir et être composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. En cas d’égalité des voix, les candidats dont le contrat de travail est le plus ancien sont déclarés élus.
Les contestations relatives à l’électorat, à l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales sont portées devant le juge d’instance qui statue en dernier ressort dans les conditions prévues par le premier alinéa de l’article L. 433-11 du code du travail.
Le cas des entreprises internationalisées et la représentation des salariés étrangers
Le cas des entreprises internationalisées et la représentation des salariés étrangers En ce qui concerne les entreprises fortement ouvertes à l’international, se pose la question de la représentation des salariés de l’étranger, parfois plus nombreux que les salariés des établissements situés en France. L’IFA plaide ouvertement pour la représentation des salariés étrangers : « La présence de salariés étrangers au conseil assure un lien important avec les zones, les métiers et les dynamiques de croissance de ces entreprises »5. C’est également la position de l’Institut de l’entreprise6 (antérieure à la Loi) : « Le mode de désignation du ou des reentreprises, dont l’internationalisation est croissante. En toute logique, le ou les représentants devront être élus par les salariés au minimum sur une base européenne et au mieux sur une base mondiale, sans exclusivité de sélection des candidats par les organisations syndicales. Une hexagonale, et des enjeux économiques de plus en plus internationaux ». L’éligibilité des salariés étrangers, qu’ils soient élus par les salariés ou désignés par une organisation (institution représentative du personnel ou organisation syndicale), doit s’envisager dans le respect des dispositions de l’article L.225-28 du Code de commerce : « Les administrateurs [représentant] les salariés doivent être titulaires d’un contrat […]. Par dérogation, le second administrateur désigné en application du 4° du III de
5 - Op. cit., p. 4. 6 - Gounon Jacques, Landier Hubert (dir.), Dialogue social : l’âge de raison, Institut de l’entreprise, mars 2013.
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l’article L. 225-27-1 doit être titulaire d’un contrat de travail avec la ». Sauf lorsqu’il convient de nommer deux administrateurs et que l’un d’eux est désigné par le comité d’entreprise européen ( ), peuvent seuls être nommés comme administrateurs les salariés liés par un contrat de travail avec une entreprise dont le siège social est situé en France. Ni la nationalité du salarié, ni le droit auquel est soumis le contrat de travail unissant le salarié à l’entreprise, ni le pays dans lequel le contrat de travail est exécuté n’entrent en ligne de compte. En particulier, les salariés étrangers dépendant d’une entreprise française peuvent être nommés administrateurs (même si leur contrat de travail est exécuté à l’étranger), alors que les salariés de nationalité française dépendant d’une entité étrangère ne peuvent pas l’être. En revanche, si au moins deux représentants des salariés doivent être désignés, l’un d’entre eux sera choisi selon l’une des trois premières modalités prévues par la Loi, quand l’autre sera désigné par le comité d’entreprise européen ou, pour les sociétés européennes, par l’organe de représentation des salariés ou, à défaut, par le comité de la société européenne. Dans ce dernier cas, le salarié pourra être lié, par un contrat de travail, à une société dont le siège social est situé à l’étranger (à condition que son contrat de travail soit antérieur de deux années au moins à sa nomination). Cette dernière possibilité n’est ouverte que pour le deuxième représentant. Lorsque les statuts retiennent l’élection par les salariés comme mode de nomination des administrateurs, l’article L.225-27-1 III 1° du Code de commerce dispose que l’élection doit être organisée « auprès des
Le cas des entreprises internationalisées et la représentation des salariés étrangers
». À l’instar de l’éligibilité des candidats, le droit de vote des salariés étrangers ne peut pas être établi selon leur nationalité, ni selon le droit de leur contrat de travail, ni selon le pays d’exécution du contrat mais seulement en fonction de la nationalité de l’entreprise dont ils dépendent. contrat de droit étranger participe à l’élection des administrateurs représentant les salariés à la seule condition que son contrat de travail relève d’une société dont le siège social est situé en France.
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Concernant le deuxième administrateur, la méthode de désignation des administrateurs représentant les salariés par le comité d’entreprise européen ou le comité de la société européenne, lorsqu’il est disponible, peut salariés de l’étranger.
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la fonction requiert une bonne connaissance de l’entreprise ou du groupe, et des compétences incontournables (lecture du bilan, stratégie d’entreprise, droit, gestion…). Cela n’implique pas nécessairement on a pu parfois l’entendre. Toutefois, cela pose immanquablement la question de la formation des administrateurs, au-delà de leurs dispositions ou appétences initiales à la fonction. Ce besoin en compétences se double de la nécessité de disposer jugement, une bonne connaissance du groupe, de son personnel et des modalités de prise de décision. Elle requiert professionnalisme et expéégalement l’administrateur à supporter le poids de la responsabilité et De l’avis même des administrateurs salariés, ce mandat est très particulier au sein d’une « carrière » ou d’une trajectoire syndicale. C’est pourquoi dans son Guide7, la CFDT préconise que le mandat d’administrateur salarié soit confié à une personne expérimentée dans l’entreprise ou dans le métier et disposant d’une expérience syndicale substantielle. De trop jeunes militants pourraient manquer du recul nécessaire, considèrent les administrateurs salariés de la CFDT, conscients que la fréquentation sur un pied d’égalité des « grosses pointures » de l’économie peut « monter à la tête ». À l’inverse, il n’est pas non plus recommandé de considérer ce mandat comme une fonction
7 - Op cit, p.7.
Le profil des administrateurs salariés
. Ce n’est pas un « bâton de maréchal » pour militant méritant. lambda. Parce qu’il s’agit d’un mandat exclusif, il n’est pas particulièrement recherché par les militants et peut être jugé moins valorisant que celui de délégué syndical central, secrétaire de comité d’entreprise, plus encore secrétaire de comité central d’entreprise ou de comité d’entreprise européen. Si l’on considère en outre que la mise en œuvre de la nouvelle loi va demander aux entreprises de « trouver » quelque 500 nouveaux administrateurs en un an, les syndicats comme les entreprises risquent d’être confrontés à une pénurie de talents. Le poste non militant.
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Expérimenté (connaissance de l’entreprise et habitude du dialogue social) et compétent (capacité à appréhender et juridiques) sont les termes les plus souvent invoqués pour caractériser
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La formation de l’administrateur salarié L’article L.225-30-2 du Code de commerce prévoit que les adminisadaptée à l’exercice de leur mandat, à la charge de la société ». Un décret d’application devrait apporter des précisions. Cette formation des administrateurs ne vient pas s’imputer sur leur crédit d’heures. Syndicalistes et dirigeants convergent sur le fait que la condition sentants des salariés. On peut distinguer trois niveaux de formation des administrateurs salariés : (i) la formation relative aux compétences mercial, comptabilité, etc.), (ii) la formation relative au métier d’administrateur (droits et risques) et (iii) la formation sur le rôle politique de l’administrateur au sein de l’organisation, qui incombe plutôt aux organisations syndicales. En parallèle, l’acquisition d’une connaissance approfondie de terrain est également importante. Les visites d’usine sont devenues une pratique courante chez les administrateurs salariés ; ils peuvent ainsi obtenir des informations de la part des directions locales, concernant les salariés, le management et le fonctionnement d’autres directions que les leurs. Les administrateurs salariés expriment également une forte attente en matière de partage d’expériences, répondant à leur sentiment effectif d’isolement. Il existe déjà des associations de représentants des salariés actionnaires et des cercles d’échanges d’administrateurs salariés au sein de certaines organisations syndicales. Les organisations syndicales devraient se charger d’élargir et de systématiser ces échanges de bonnes pratiques, idéalement dans une logique intersyndicale.
La formation de l’administrateur salarié
En Allemagne : la formation des administrateurs salariés La fondation Hans Böckler propose des formations aux administrateurs salariés sur les aspects comptables et puisqu’ils proviennent pour moitié de la rémunération des administrateurs salariés et pour l’autre moitié de subventions publiques. Tous les adhérents à un syndicat ont l’obligation de reverser une partie de leur rémunération d’administrateur salarié à la fondation Hans Böckler (10 % jusqu’à 3 500 euros annuels et 90 % au-delà). Les administrateurs salariés nommés par les syndicats qui ne suivent aucune formation sont révoqués. Cette menace dissuasive, couplée à l’évidente nécessité de se former pour participer pleinement aux échanges, fait que les formations sont bien acceptées et reconnues. Les syndicats n’ont pas d’incitation à la formation sur les administrateurs qu’ils n’ont pas proposés.
En France, l’IFA, l’Institut français des administrateurs, propose des formations aux administrateurs. En 2010, l’Institut a créé un salariés, représentant une douzaine de jours répartis en dix mois. La formation est volontairement sélective : les candidats sont sélectionnés à l’entrée par un jury et évalués à la sortie. L’IFA considère les administrateurs salariés comme des administrateurs « comme les autres », ce qu’eux-mêmes peinent parfois à faire spontanément – alors que leur taux de succès est identique à ceux des non salariés. Ils ont parfois besoin d’être encouragés, autant sur des aspects comportementaux que Des formations courtes, sur-mesure, sont également organisées au sein
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des entreprises, pour présenter les rudiments de la fonction. En tout état de cause, la vocation de l’IFA est d’aider l’ensemble des administrateurs à « grandir ». Cela n’exclut pas que les entreprises puissent recourir à d’autres cursus de formation (écoles de management, par exemple).
Encadré 2 - RECOMMANDATION DE L’IFA8 à une formation adaptée à l’exercice de leur mandat en vertu du nouvel article L.225-30-2 du Code de commerce. L’article L.3341-2 du Code du représentant les salariés actionnaires continue à s’appliquer. De manière générale, l’IFA estime que de telles formations, à la mission d’administrateur comme à l’activité de l’entreprise, constituent une bonne pratique et que les autres administrateurs pourraient également trouver MEDEF en son point 139.
On notera que l’internationalisation des conseils, en particulier ceux du CAC40, demandera de plus en plus une maîtrise de l’anglais. Même teur salarié est, selon l’IFA, « en droit d’exiger » la présence d’un traducdu conseil (ce que tous les dirigeants d’entreprises n’envisagent pas positivement), il va de soi que la maîtrise de l’anglais favorisera la parmême que les éventuels moments de convivialité partagée. La formation peut bien sûr venir renforcer cette compétence, mais c’est dès la désignation que ce paramètre mérite d’être pris en compte.
8 - Op. cit., p. 5. 9 - Code Afep-Medef de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées révisé en juin 2013.
La formation de l’administrateur salarié
des « savoir-être » que seule une pratique du fonctionnement du conseil permet d’acquérir : « Il existe des règles du jeu au sein du conseil, indique un administrateur salarié, et l’intervention des administrateurs salariés se conçoit dans ce cadre ». Dans les premiers temps, le salarié ne sait pas spontanément évaluer le risque qu’il prend, s’il s’apprête à dire quelque chose qui sera considéré comme anodin ou s’il s’attaque à un tabou. Au début de son mandat, raconte un administrateur salarié, le conseil votait le salaire du PDG sans le connaître. Il a attendu la seconde année pour poser prudemment la question ; on lui a alors proposé de voir les délibérations du comité des rémunérations. Entre autocensure et « pieds dans le plat », le salarié doit accepter le risque de dire une bêtise de temps en temps pour jouer son rôle et progresser. Les membres du groupe de travail sont favorables à la création administrateurs salariés mais aussi à leur fournir d’autres services, au modèle de la fondation Hans Böckler en Allemagne (voir encadré supra) ou du CIES (Comité intersyndical de l’épargne salariale) en France. Celle-ci pourrait représenter un creuset pour l’échange et le rapprochement des pratiques syndicales. Elle permettrait également de résoudre le problème de l’affectation des jetons de présence (voir La rémunération des administrateurs salariés).
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Il est dans l’intérêt de l’entreprise de mettre à disposition de l’administrateur salarié les moyens, proportionnés à la taille et à la situation de l’entreprise, pour acquérir une formation adaptée à sa mission.
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L’exercice du mandat d’administrateur salarié La charge de travail de l’administrateur salarié En matière de temps passé, l’expérience montre que les situations sont assez différentes d’une entreprise à l’autre. La charge liée directement aux réunions (préparation, déplacements) peut être estimée à environ deux jours par séance, et dépend donc de la fréquence des réunions du conseil. Ce temps direct ne représente cependant qu’une faible partie de l’investissement de l’administrateur salarié. Son temps de préparation personnelle (construction de nouveaux réseaux, lecture de documents, recherche d’informations, veille) est souvent beaucoup plus important. En outre, il ne doit pas négliger le temps passé à entretenir des contacts avec les organisations syndicales. Certains évaluent de ce fait la charge totale à un mi-temps. Certaines entreprises formalisent un temps forfaitaire qui ressemble beaucoup à des heures de délégation, d’autres aménagent le poste de 10 . Il y a des activités qui sont plus conciliables que d’autres avec le mandat et si le poste de travail n’est pas compatible, l’administrateur doit pouvoir demander à en changer. Les postes fonctionnels sont généralement considérés comme plus facilement compatibles avec le mandat d’administrateur salarié que les postes opérationnels ou d’encadrement hiérarchique. L’incompatibilité apparaît parfois en cours de mandat. Selon l’IFA, l’exercice effectif du mandat d’un administrateur salarié implique que « son poste doit être adapté pour être compatible avec le temps nécessaire à son implication, qui dépend de la taille de l’entreprise et de l’intensité de l’activité de l’administrateur »11. Le nouvel article L.225-30-1 du Code de commerce prévoit qu’un décret précisera
10 - L’article 225-30-1 du Code de commerce parle « du temps nécessaire pour exercer utilement leur mandat ». 11 - Op. cit., p. 5.
L’exercice du mandat d’administrateur salarié
le temps dont disposent les administrateurs représentant les salariés pour l’exercice de leur mandat.
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Il semble tout-à-fait déconseillé de faire des administrateurs salariés des permanents. Cela les couperait de leur base et de la vie réelle de l’entreprise, dont la connaissance intime est justement, de l’avis de tous, leur principal atout.
La durée du mandat L’administrateur salarié n’est pas pleinement opérationnel dès le début de son mandat. Le temps d’apprentissage est plus ou moins long mais il existe toujours, s’accordent à dire les administrateurs salariés en place. Il est donc nécessaire que le mandat ne soit pas trop court. « Au bout de 3 ans, je suis loin de maîtriser toutes les questions à traiter, souligne un administrateur salarié. Cela demande de constituer un réseau, de comprendre le groupe tant sur ses technologies que ses produits… C’est important que le mandat ait une certaine durée. »
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maximum. L’administrateur est cependant rééligible, sauf disposition contraire des statuts.
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les statuts est courte (3 à 4 ans), il est souhaitable que l’administrateur salarié puisse effectuer au minimum deux mandats.
Si l’administrateur salarié n’est pas un permanent, il n’y a pas vraimandat : il reprend en principe le cours de sa carrière. Mais, dans la pratique, on constate que le problème se pose assez fréquemment. Ce qui fait dire à la CFDT, que « la réintégration dans ou presque, elle l’est moins dans le cas où il a continué sa carrière »12. De plus, les administrateurs salariés acquièrent souvent une vision de l’entreprise et des compétences nouvelles qui pourraient éventuellement être réutilisées dans un poste différent de celui qu’ils occupaient.
12 - Op. cit., p. 7.
Les droits et obligations de l’administrateur salarié
C’est pourquoi, l’IFA recommande13 que les DRH assurent un suivi régulier de la carrière de l’administrateur salarié, en anticipant une sortie du conseil, dans l’esprit qui préside au traitement des mandats syndicaux. On notera également que la Loi sur la sécurisation de l’emploi étend le statut de salarié protégé aux administrateurs représentant des salariés. POINT CLÉ
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Il convient que la DRH assure un suivi régulier de la carrière de l’administrateur salarié.
Les droits et obligations de l’administrateur salarié Le code Afep-Medef de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées de juin 2013 expose qu’à l’exception des dispositions légales qui leur sont propres (comme, par exemple, le statut de salarié protégé), « les administrateurs représentant les salariés disposent des mêmes droits, sont soumis aux mêmes obligations tialité, et encourent les mêmes responsabilités que les autres membres du conseil »14. C’est également la position de l’IFA : « Ils jouissent du les mêmes conditions et singulièrement dans les entreprises cotées »15. (
).
13 - Op. cit., p. 5. 14 - C’est nous qui soulignons. Code Afep-Medef de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées révisé en juin 2013, article 7-4, p. 6. 15 - Op. cit., p. 4.
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En Allemagne : la confidentialité des délibérations juridiques. Il est notamment interdit de détailler nommément le résultat d’un vote ; le cas échéant, on peut évoquer les préférences de l’ensemble des représentants des salariés ou des représentants des actionnaires. Par ailleurs, le président du conseil de surveillance ne peut décréter qu’un de l’entreprise. Les sujets importants tels que les projets de fermeture doivent être présentés dès le lendemain du conseil de surveillance au Betriebsrat, lui-même tenu par une Différentes sanctions sont prévues en cas de violation (avec une responsabilité solidaire des membres du conseil), révocation par le tribunal ou mise en cause de la responsabilité pénale (avec des peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement). Les cas de sanctions sont très rares. Les syndicats ne proposent pas de candidats risquant de de surveillance d’une entreprise concurrente, par exemple). et sans information. Cet équilibre est un gage de la liberté d’échange des points de vue.
Les droits et obligations de l’administrateur salarié
Comme pour tout administrateur, le mandat social de l’administrateur salarié peut engager sa responsabilité en cas de faute ou d’infraction. Si la faute commise a engendré des dommages pour la société ou pour les tiers, la responsabilité est civile. S’il s’agit d’une infraction ou d’une fraude, la responsabilité engagée est pénale. L’administrateur salarié devra donc souscrire une assurance en responsabilité civile. L’IFA recommande que cette assurance RC soit souscrite par l’entreprise. Il est, de toute manière, souhaitable que l’administrateur quelle est sa couverture et qui prendrait en charge les frais d’avocat, en cas de mise en cause de sa responsabilité au civil comme au pénal. La responsabilité des administrateurs a vocation à s’étendre, dans la mesure où les conseils exercent un pouvoir croissant. Si la Loi, pour garantir leur indépendance, a prévu que les administrateurs salariés doivent démissionner de l’ensemble de leurs mandats syndicaux et de représentation du personnel, ils ne sont cependant pas considérés comme des administrateurs indépendants, au sens des codes de gouvernance, puisqu’un administrateur indépendant n’entretient « aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement »16 un administrateur représentant les salariés n’est pas un administrateur indépendant. Comme tout administrateur, il doit exercer sa mission selon les principes directeurs suivants : (i) il doit être soucieux de l’intérêt social de l’entreprise (au sens de raison sociale), (ii) il doit avoir une qualité de jugement, en particulier des situations, des stratégies et des personnes, qui repose notamment sur son expérience, (iii) il doit avoir une capastratégiques, (iv) il doit être intègre, présent, actif et impliqué. Le code
16 - Op. cit., article 9-1, p. 7.
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Afep-Medef ajoute encore : « Quelle que soit sa qualité ou sa compétence particulière, chaque administrateur doit agir dans l’intérêt social »17. Pour tous les administrateurs, mais plus encore pour l’administrateur salarié, « l’intérêt social de l’entreprise » n’est pas toujours facile à déterminer. Devra-t-il se décider en fonction de l’intérêt des salariés français présents dans l’entreprise au jour du vote, de l’intérêt de tous les salariés du groupe à travers le monde, de celui de l’industrie française et européenne ? Devra-t-il privilégier l’investissement pluL’administrateur salarié devra voter en son âme et conscience, sans tenir compte des critiques ou des injonctions contradictoires qui pourraient émaner de la part des militants de son entreprise, des instances fédérales du syndicat qui l’a désigné ou fait élire, ou du management de l’entreprise.
Encadré 3 - LE REPÈRE DES QUATRE « I » « Un administrateur salarié doit être investi (il est placé là où il est via une organisation syndicale), impliqué (c’est du travail), irrévérencieux (il faut accepter de briser quelques tabous dans la communauté des administrateurs) et intrusif (il doit se constituer de nouveaux réseaux pour obtenir une information de qualité). Dans chaque registre, l’entreprise et l’organisation syndicale peuvent l’aider ». Témoignage d’un administrateur salarié.
17 - Op. cit., article 6-2, p. 5.
Le droit à l’information de l’administrateur salarié
Le droit à l’information de l’administrateur salarié
Comme le précise le code Afep-Medef de gouvernement des sociétés cotées en son article 12, « les administrateurs ont le devoir de demander mission. Ainsi, si un administrateur considère qu’il n’a pas été mis en situation de délibérer en toute connaissance de cause, il a le devoir de ». Cette question se pose particulièrement pour ce qui concerne la participation des administrateurs salariés aux comités spécialisés. Les pas des instances de décision, mais des instances de préparation de la décision. Tout administrateur, salarié ou pas, a le droit de demander au responsable d’un comité de se faire expliquer un dossier par le menu jusqu’à ce qu’il le comprenne. C’est une question de préparation du travail. Le fait de siéger ou non dans un comité n’est donc pas, formellement, un enjeu décisif et n’a en théorie aucune incidence sur l’accès à l’information. L’IFA recommande cependant que « les administrateurs salariés s’impliquent dans les travaux des comités du conseil, où leur connaisde vue et de collaboration avec les administrateurs indépendants, ce qui permettra d’accroître la capacité générale du conseil »18. En son article 18-1, le code de gouvernement de l’Afep-Medef ajoute qu’« il est conseillé qu’un administrateur salarié soit membre du comité des rémunérations
18 - Op. cit., p. 4.
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suspicieuse qui existe autour de la rémunération des dirigeants. Mais comme le rapporte non sans humour le Guide CFDT de l’administrateur salarié, « désir d’intimité du côté de la direction ou pudeur de celui des syndicalistes, les administrateurs salariés ne participent guère au comité des rémunérations ». Ajoutons : « pas encore ». Les administrateurs salariés apprécient généralement beaucoup le travail en comité spécialisé, qu’ils jugent plus approfondi qu’au conseil. Le comité d’audit est particulièrement apprécié des administrateurs qui s’y trouvent.
POINT CLÉ
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Si l’administrateur salarié est aussi légitime que n’importe quel administrateur pour poser sa candidature à un comité spécialisé, la décision en revient cependant au conseil.
La rémunération de l’administrateur salarié Jusqu’à présent, le mandat des administrateurs salariés dans le secteur public était effectué sans rémunération particulière. En contrepartie, les administrateurs salariés n’engageaient pas leur responsabilité vis-àvis des décisions prises par les conseils.
La rémunération de l’administrateur salarié
Les frais de déplacement, de matériel, de documentation, de formation, et éventuellement de secrétariat partagé, sont généralement pris en charge par l’entreprise, en fonction de sa taille et de sa situation, les dépenses liées à la présence au conseil. Dans le cadre de la nouvelle loi, les administrateurs salariés devraient percevoir une rémunération ou des « jetons de présence », comme tout administrateur. Certaines entreprises ont cependant privilégié une distinction entre les administrateurs « externes » et « internes » en ce qui concerne l’attribution des jetons de présence. De ce fait les administrateurs salariés pourraient en être privés, l’objectif étant d’éviter des effets d’aubaine. Dans le cas où l’administrateur salarié perçoit une rémunération, la question se pose de savoir s’il doit la conserver en tout ou Les jetons de présence constituent une rémunération soumise à l’IRPP. Si l’administrateur salarié touche cette rémunération, même sans la conserver, elle sera soumise à l’impôt sur le revenu et aux charges sociales. Dans certains cas, le fait que cette rémunération transite par le compte personnel de l’administrateur peut faire augmenter son taux d’imposition, indépendamment de savoir s’il la conserve ou non. S’il la conserve, elle peut lui servir à payer certaines dépenses liées à son mandat et non déjà couvertes par l’entreprise, de même que les dépenses liées à sa responsabilité (frais d’avocat, par exemple). Dans la pratique, cependant, la rémunération de l’administrateur salarié est majoritairement perçue par les organisations syndicales, parfois déduction faite de ses frais directs. En Allemagne, les administrateurs salariés conservent 90 % de leur rémunération nette d’impôt jusqu’à 3 500 € annuels et 10 % au-delà ; le solde est versé obligatoirement à la fondation Hans Böckler (voir encadré).
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En Allemagne : la rémunération des administrateurs salariés La rémunération des administrateurs n’est pas obligatoire en Allemagne. Les entreprises peuvent toutefois décider d’en accorder une. Le cas échéant, le principe d’égalité s’applique à tous les administrateurs – sauf pour le viceprésident (qui est souvent un administrateur salarié) et le président qui perçoivent un peu plus. Outre cette rémunération régulière appelée « tantième », des jetons de présence peuvent être prévus pour récompenser l’assiduité et couvrir les frais de déplacement. Après imposition (30 %) et charges sociales (5 %), les administrateurs salariés allemands en conservent 10 % et reversent le reste à la fondation Hans Böckler via le syndicat. Cette fondation interprofessionnelle, organe de recherche et de formation en matière de codétermination et de relations sociales au travail, est une émanation de la DGB, la Confédération des syndicats allemands. Au niveau européen, la Confédération européenne des syndicats et la Fédération européenne des métallurgistes ont pris position en ce sens. Concernant les SE (Societas Europea), certaines voix se sont élevées pour que les rémunérations ne soient plus reversées à la Fondation Böckler mais à un fonds géré par l’Institut syndical européen.
Que faut-il penser de ces différentes modalités ? Les avis divergent. Pour certains syndicalistes, l’administrateur salarié ne devrait toucher aucune rémunération, car la représentation des salariés ne saurait faire l’objet d’un enrichissement personnel, même légitime. Le vercas échéant, à plusieurs organisations syndicales au prorata des résultats par cette rémunération et que l’intégrité de l’administrateur ne soit mise en doute par les salariés. En contrepartie, les organisations syndicales
La rémunération de l’administrateur salarié
s’engagent à assister l’administrateur salarié face aux dépenses relatives à son mandat. Toutefois, certaines entreprises s’opposent à ce désisteque pour la relative opacité qui entoure ces pratiques. Il est même arrivé qu’un administrateur salarié reproche à sa fédération de s’intéresser plus aux jetons de présence qu’à son contrôle politique19. De plus, si l’administrateur salarié est un administrateur « comme les autres », pourquoi faudrait-il déroger au droit commun ? Les jetons de présence ne sont-ils pas la marque et la contrepartie de la responsabilité civile et pénale des administrateurs ?
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Les membres du groupe de travail recommandent que la majeure partie de la rémunération de l’administrateur salarié soit versée directement à une fondation intersyndicale chargée de la formation et d’autres services aux administrateurs salariés. À défaut, il apparaît nécessaire que des décrets pénalisant pour l’administrateur salarié.
19 - Cité par le Guide de l’administrateur salarié, CFDT, avril 2007, p.35
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Les relations de l’administrateur salarié avec l’organisation syndicale La qualité du lien entre les administrateurs salariés et les syndiContrairement à l’Allemagne ou à la Suède, la Loi interdit le cumul des mandats. entre administrateurs salariés et syndicats, comme cela a pu être parfois compris, à tort. Une telle rupture serait en réalité contraire à l’esprit du doit conserver un lien, discret mais réel, avec l’équipe syndicale, dans le respect des droits et devoirs de tout administrateur. comme un administrateur. Il ne veut ni ne doit être un « super délégué » mais un « administrateur de plein droit et de plein devoir »20. Il a conscience que le mandat d’administrateur salarié n’a rien à voir avec celui d’un élu du personnel ou d’un responsable syndical. L’administrateur salarié n’est donc pas dans la position fonctionnelle ou politique du syndicaliste… mais il reste syndicaliste. L’ambiguïté de la position est souvent vécue comme une richesse. Toutefois, l’isolement peut guetter un administrateur salarié s’il n’est soutenu ni par le président du conseil dans sa manière de préparer et de conduire les débats ni par l’équipe syndicale. L’administrateur salarié doit appréhender la dimension globale de l’entreprise et des questionnements entourant sa stratégie. Il doit donc savoir prendre ses distances avec les revendications de l’organisainformations « sensibles » ne représentent en pratique qu’une faible part
20 - Guide CFDT, op. cit., p. 3.
Les relations de l’administrateur salarié avec l’organisation syndicale
des échanges au cours des CA. Pour toutes ces raisons, la relation des administrateurs salariés avec les délégués syndicaux peut connaître des crispations. Il est alors recommandé de passer par l’intermédiaire des délégués syndicaux centraux et des fédérations, qui servent à la fois de par la CFDT et la CFE-CGC. Cependant, . L’entreprise doit comprendre que rendre compte du mandat fait partie de l’exercice de ce mandat et ne s’oppose pas aux intérêts de l’entreprise, voire les sert. La question cruciale pour un administrateur salarié est de saÀ l’ensemble des salariés ? À l’organisation syndicale ? À quel niveau ? Les réponses sont variées. Concernant la temporalité, il est préférable pour un administrateur de diffuser son message après la communication de l’entreprise aux IRP, qui intervient souvent immédiatement ou de façon très rapprochée après le conseil. Un certain nombre d’administrateurs salariés éditent une lettre d’information contenant leur propre lecture de la stratégie proposée par l’entreprise, sans que cela ne constitue un compte-rendu n’y a pas une concordance évidente entre l’intérêt social de l’entreprise et l’intérêt perçu par les salariés, l’administrateur salarié expliquera son vote, quel qu’il soit, avec pédagogie. Certains administrateurs considèrent qu’il leur revient d’informer la fédération ou la section mais que la communication auprès des salariés reste l’apanage du comité d’entreprise ou de l’organisation syndicale. La communication peut donc être directe, de l’administrateur aux syndiqués voire aux salariés, ou
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indirecte, de l’administrateur à la fédération et de celle-ci aux équipes syndicales. Les moyens électroniques sont fréquemment utilisés, qu’il s’agisse d’un site, d’une lettre au format PDF ou d’un blog. entre les organisations syndicales et le DRH de l’entreprise qui, dans la majorité des cas, ne siège pas au conseil d’administration, ni même parfois au Comex. Si les syndicalistes, du fait de la présence d’administrateurs salariés dans les conseils, en venaient à être mieux informés utile d’étudier des moyens pour que les DRH soient davantage impliqués dans le dispositif.
POINT CLÉ
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Pour les informations sensibles, l’entreprise s’efforcera dans la mesure du possible de rapprocher au maximum l’information de ne pas placer l’administrateur salarié en base.
Le rôle du président du conseil
Le rôle du président du conseil La façon dont le président du conseil joue son rôle à l’égard des administrateurs salariés est un élément-clé dans la réussite du dispositif à « mouiller la chemise » et à s’impliquer personnellement dans la relation avec les administrateurs salariés. En matière de pédagogie économique, il lui appartient de trouver des solutions astucieuses pour améliorer la capacité des administrateurs salariés à appréhender les données économiques, tout en allégeant l’agenda du conseil lui-même. À l’exemple de ce dirigeant qui agit de la façon suivante : « La veille de la tenue du conseil d’administration, j’organise une réunion-dîner préparatoire et pédagogique qui permet leurs questions, par exemple sur des aspects de technique comptable ou sur des règles d’établissement des comptes qui pourraient leur échapper. Cette réunion décharge utilement le conseil du lendemain des questions techniques ».
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Dans sa manière d’animer le conseil et les échanges entre administrateurs, l’attitude du président peut faire toute la différence pour mettre à l’aise les administrateurs salariés, éviter de les mettre en porte-àfaux ou en situation d’être jugés par les autres administrateurs.
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La distinction des rôles de l’administrateur salarié et de l’administrateur représentant les salariés actionnaires La France est le pays où l’actionnariat salarié est le plus développé en Europe, actionnaires sont près de 3,5 millions en France, et environ 9 millions en Europe, avec une durée de détention moyenne autour de huit ans. La Loi du 30 décembre 2006 portant sur la participation et l’actionnariat salarié a imposé la représentation des salariés actionnaires par au moins un administrateur ou un membre du conseil de surveillance pour les sociétés cotées dont les salariés détiennent plus de 3 % du capital. Selon l’IFA, plus de 80 % des entreprises du SBF 120 disposent d’un plan d’actionnariat salarié pour une moyenne de détention du capital de près de 2 %. Presque 20 % d’entre elles dépassent le seuil légal de 3 % imposant la présence d’administrateurs. De ce fait, les dirigeants ont acquis une certaine familiarité avec les administrateurs représentant les salariés actionnaires, que ceux-ci les représentent directement ou via les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE). Ces dirigeants se sont d’ailleurs souvent investis personnellement pour que leur intégration réussisse et qu’ils soient considérés comme des administrateurs à part entière. Ils auraient souhaité que les administrateurs représentant les salariés actionnaires, déjà présents au sein des conseils, soient comptabilisés au titre d’administrateurs représentant les salariés. La Loi en a cependant décidé autrement. Les salariés actionnaires sont-ils avant tout des salariés ou principalement des actionnaires ? Du point de vue de la majorité des organisations syndicales, les administrateurs représentant les salariés
La distinction des rôles de l’administrateur salarié et de l’administrateur représentant les salariés actionnaires
actionnaires sont avant tout des actionnaires. Elles ne partagent pas la recommandation de l’IFA qui préconise une « démarche d’harmonisation » volontariste des régimes et des droits des administrateurs représentant les salariés21. Pas plus qu’elles ne se laissent convaincre par l’analyse de dirigeants qui font valoir la contrainte que représente le fait de faire siéger plusieurs administrateurs représentant les salariés à ces deux titres, tout en respectant les autres contraintes légales ou managériales de composition du conseil (compétence, indépendance, diversité…).
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21 - Op. cit., p. 6
La représentation des salariés et celle des salariés actionnaires constituent à l’heure actuelle deux mandats distincts qui répondent à des logiques différentes.
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