n°34 12 janvier 2015
CRITIQUE
INTERVIEW
ARTICLE La solitude
AGENDA
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Critique Olafur Eliasson « Contact » La Fondation Louis Vuitton accueille pour sa première exposition l’œuvre spectaculaire d Eliasson. C’est un parcours qui invite le visiteur à se perdre.
Jolanthe Kugler L’exposition « Que la lumière soit ! » propose à la fondation EDF une histoire culturelle du design et de la lumière artificielle. Jolanthe Kugler retrace l’évolution de l’éclairage électrique.
Peinture : Edward Hopper, Edvard Munch Littérature : Maupassant, Victor Hugo Poésie : Baudelaire, Apollinaire Théâtre : Jean Cocteau
Introspection vous tient au courant de tous les événements. Toutes les expostions, conférences, pièces de théâtre, films à voir à Paris, dans toute la France mais aussi dans le reste du monde.
À voir Paris
David Maljkovic 20 oct - 11 janvier Palais de Tokyo
Le Maroc contemporain 14 nov - 11 janvier Institut du monde arabe
Monet 18 sept - 18 janvier Musée Marmottan
François Truffaut jusqu’au 25 janvier Cinémathèque française
Niki de Saint Phalle 17 sept - 2 février Grand Palais
7 ans de réflexion 18 nov - 22 février Musée d’Orsay
La Double Inconstance 29 nov - 1er mars Salle Richelieu
Modernités de 1905 à 1970 23 oct - 26 janvier Centre Pompidou
Hokusai 1er oct - 18 janvier Grand Palais Edward Hopper Automate, 1927
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La solitude
« L’art c’est l’apothéose de la solitude » La solitude à travers les arts De Beaudelaire à Hopper, en passant par Maupassant et Cocteau ; nombreuses sont les œuvres traitant de la solitude. La solitude (du latin solus signifiant « seul ») est l’état, ponctuel ou durable, d’un individu seul qui n’est engagé dans aucun rapport avec autrui. La solitude n’a pas le même sens selon qu’elle est choisie ou subie. Ainsi, l’état d’isolement ou d’éloignement vis-à-vis d’autrui peut avoir des effets bénéfiques sur l’individu, mais aussi néfastes. La solitude a également été décrite comme une souffrance sociale — un mécanisme psychologique alertant un individu d’un isolement non désiré et le motivant à chercher une connexion sociale. Cependant, un individu peut choisir intentionnellement la solitude dans le but de s’isoler de son entourage, notamment.
« La solitude est l’éclipse des liens avec autrui ; l’isolement en est la privation. » La solitude à l’ère de l’hyperconnectivté « Il faut admettre que nous vivons sur terre à une époque extraordinaire. Nous avons la possibilité d’entretenir des relations avec des personnes vivant n’importe où sur la planète. Les satellites gravitant autour du globe diffusent des messages de personne à
personne à travers les continents et les diverses communautés, nous reliant presque instantanément à n’importe qui, n’importe où. Nos téléphones cellulaires nous permettent de contacter sur-lechamp notre famille, nos collègues de travail, nos amis, où que nous soyons. Les ordinateurs, y compris ceux qui peuvent maintenant trouver place dans nos poches, nous relient directement à Internet. » Comment aurions-nous pu prévoir que tout en baignant dans cette mer de liens et de raccordements technologiques, subsisteraient dans nos sociétés un si grand nombre de personnes souffrant de la solitude ? À une époque unique où existent toutes les formes de communications, dans un monde hyper branché, nous faisons l’expérience de la pauvreté des relations humaines. Bien que nous ayons le pouvoir de sauter dans un avion ou une voiture pour visiter des amis éloignés, nous ignorons souvent le nom de nos voisins ou même à quoi ils ressemblent. Une étude récente du Search Institute of America a montré que 60% des jeunes ne connaissent personne dans le voisinage à qui ils pourraient demander de l’aide en cas de besoin. Alors même que le monde semble rétrécir, il nous semble plutôt qu’une distance accrue et une absence de relation avec autrui constituent le fond de la vie moderne. Les psychologues observent des taux record de dépression et d’angoisse. Certains chercheurs parlent d’une épidémie de solitude. Contrairement à la plupart des
Jean Cocteau maladies, cette épidémie se transmet par l’absence de contacts humains. Il nous arrive à tous de nous sentir seuls et angoissés, mais si la situation perdure, elle se transforme en isolement. Isolés, nous devenons vulnérables d’une foule de manières. Notre santé est atteinte, nos choix diminués, l’information dont nous disposons, limitée. Au-delà des conséquences empiriques, il faut penser à ce que signifie spirituellement une absence de rapports avec autrui et de compassion à leur égard. La relation avec autrui est souvent ce qu’il y a de meilleur dans notre humanité. La plupart d’entre nous ne pourraient imaginer une vie sans rires partagés, sans la chaleur du regard d’un être aimé, le contact d’une main amicale. Ce sont nos capacités de prendre soin les uns des autres qui nous permettent de créer des choses belles. Elles rappellent notre vraie nature et nous fournissent de l’espoir et un but. À une époque unique où existent toutes les formes de communications, dans un monde hyper branché, nous faisons l’expérience de la pauvreté des relations humaines. Ce sont nos capacités de prendre soin les uns des autres, de collaborer, qui nous permettent de créer de belles choses. Bien que nous ayons le pouvoir de sauter dans un avion pour visiter des amis éloignés, nous ignorons souvent le nom de nos voisins ou même à quoi ils ressemblent. VICKIE CAMMACK, « Le réseau de la compassion », L’Agora, vol 10 no 2, automne 2003
La voix humaine
Par Marc Paquien, metteur en scène/ Une pièce écrite pour la Comédie-Française. Un texte envahi par le silence. La Voix humaine de Jean Cocteau est une pièce que l’on voit finalement peu dans sa version théâtrale. En effet, ce texte, écrit en 1927, est devenu le livret de l’opéra du même nom composé par Francis Poulenc, et a été porté à l’écran par Roberto Rossellini. Ces deux œuvres ont sans doute un peu masqué l’étrange beauté, et la singulière modernité de la première version… Une modernité dans la manière même d’entrevoir l’espace littéraire. Car le texte, rempli de blancs, de trous, est parsemé de pointillés. Ces pointillés renvoient à la voix de « l’autre », celle de l’homme qu’on n’entend pas, mais qui parle dans ce téléphone, à l’autre bout de la ligne. Une modernité dans la manière même d’entrevoir l’espace littéraire. La Voix humaine est un texte envahi par le silence. Il s’agit évidemment d’une partition musicale, opératique. Cette « femme qui sombre en chantant » n’est pas sans nous rappeler la Winnie de Samuel Beckett qui sera créée trente ans plus tard. Ce procédé d’inversion, qui met le silence, l’absence, au centre de l’œvre, est sidérant. La Voix humaine a été créée en 1930, à la ComédieFrançaise, par la grande actrice Berthe Bovy. J’imagine la force de cette proposition, cette femme seule en scène, dans le contexte théâtral de l’époque. Aujourd’hui c’est Martine Chevallier qui fait entendre ce chant d’amour. Et je veux rendre hommage à la grande actrice qu’elle est, elle aussi. Et je veux rendre hommage à la grande actrice qu’elle est, elle aussi. J’ai été très frappé par une photo de Berthe Bovy, allongée sur le lit, suivant littéralement la didascalie de Cocteau « la scène est une chambre de meurtre ». La Voix humaine a été créée en 1930, à la Comédie-Française, par la grande actrice Berthe Bovy. J’imagine la force de cette proposition, cette femme seule en scène, dans le contexte théâtral de l’époque. Et je veux rendre hommage à la grande actrice qu’elle est, elle aussi.
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