L'innovation par la tradition. Une attitude modeste ?

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L’INNOVATION PAR LA TRADITION Une attitude modeste ?

FAYOL Benoît - GARROUX Julien - SEROL Justine Master Aedification, Grands Territoires, Villes.



L’INNOVATION PAR LA TRADITION Une attitude modeste ?

Mémoire de Séminaire Travail suivi par THEPOT Patrick 06/01/2016

Master Aedification, Grands Territoires, Villes.



SOMMAIRE Introduction 5 I/ Rapport à la tradition et la modestie. 1)Patrimoine culturel et usage. 2) Inscription dans la continuité.

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II/ Volonté d’innovation et de modestie. 1) Innovation par rupture. 2) Universel/particulier.

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Conclusion 56 Annexes Réflexions personnelles.

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Bibliographie 64

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INTRODUCTION La modestie en architecture est un thème singulier de réflexion, un recul philosophique nécessaire si l’on estime la responsabilité sociétale de l’acte créatif et bâtisseur. Au-delà des recherches, patientes, de définitions ou bien de qualifications de cette rencontre entre une attitude et un art, que nous développerons plus tardivement, vient s’ajouter la croisée de trois références architecturale, nos « fauves ». De cette chasse redoutable découla un processus analytique et des hypothèses, des pistes empruntées et abandonnées. Il n’a pas été évident de réaliser cette double lecture du fait qu’on se trouve vite absorbé par cette quête absolue de la modestie, de l’acte modeste ou de l’attitude. Déjà plusieurs voies se présentaient à nous et pouvaient répondre à ce que nous interprétions des fauves. Il a été question d’équilibre et de justesse finalement, et peut être même d’une certaine pudeur. Nous insistons sur ce dernier terme car il a participé à notre explication de la modestie et s’appuie aussi sur les termes de Giancarlo de CARLO lors de son entretien recueilli pour le colloque du couvent de la Tourette. Notre choix envers ce texte se résume en une citation qui a guidé tout le processus de recherche ; « Ils ajoutaient quelque chose, mais leur culture restait en continuité, en contact direct avec la vie telle qu’elle était autour d’eux. Alors nécessairement, ils étaient modestes. Parce que si l’on commence par plonger ses racines dans la culture qui est autour de soi, on est à l’abri de cette attitude de détachement, d’arrogance, de mépris en fait, qui est la base de l’immodestie.»1 Cette ligne de conduite pour ainsi dire a révélé une toute autre vision sur chacun de nos fauves et pour en rappeler les principales caractéristiques en voici une petite description ; - L’Iglesia Cristo Obrero, datée de 1958 d’Eladio DIESTE à Atlántida 1 : BORRUEY, René ; De CARLO, Giancarlo ; DESGRANDCHAMPS, Guy ; PECKLE, Benoît Philippe ; QUEYSANNE, Bruno. ARCHITECTURE ET MODESTIE, Nîmes : Théétère éditions, 1999. p39


en Uruguay. Située dans la station balnéaire à 45km de la capitale Montevideo, il s’agit de la première réalisation de Dieste dans ce style si caractéristique qu’il appelle «céramique armée», et devient ainsi le symbole de son architecture très expressive. - L’école des Sables, de Germaine ACOGNY, qui n’est autre que la mère de la danse africaine. Elle se situe à Toubab-Dialaw un petit village de pêcheurs situé à 50km au sud de Dakar sur les côtes sénégalaises. Plus qu’une école c’est un centre international de danses traditionnelles africaines. Créée en 1998, elle invite depuis des années les danseurs du monde entier à venir fouler le sable de cette terre qui a permis à Germaine ACOGNY de créer sa propre technique. - La Casa del carbonero, de Smiljan RADIC, installée à Culipran au Chili entre 1998 et 1999. Sur l’appui de ces trois textes nous avons tout de suite établi un grand fil conducteur celui de la tradition, mais aussi ses détournements. Un dialogue à trois mené en parallèle avec la notion de modestie qui s’affinait et se révélait au fur et à mesure. Il a été difficile de définir dès le début cette modestie qui trouvait différentes significations en fonctions des fauves. Il aura fallu et il faut encore continuer cette recherche patiente, chère à Giancarlo de CARLO. Pour revenir sur cet entretien, cette discussion animée traite de plusieurs domaines et fait appel à quelques références, principalement à la période du Quattrocento (1420-1500). Giancarlo de CARLO cite trois acteurs, si ce n’est pionniers, de ce courant lié à la Renaissance : Léon Baptista ALBERTI, Fransesco di GIORGIO MARTINI et Antonio AVERLINO plus connu sous le pseudonyme Filarete. De manière globale, l’apport de ces trois philosophes envers une compréhension de la modestie vient à la rencontre de nos trois fauves sur différents points. Tout d’abord, prétendre lire une architecture ou un espace c’est en comprendre le contexte physique et le caractère des besoins. C’est par cette addition que les qualités humaines et naturelles y sont inscrites et peuvent y être révélées ou alors effacées. La connaissance d’un lieu, l’épaisseur de son histoire, de son patrimoine ainsi que les usages actuels et leurs mises en œuvre voilà tout notre champ d’action sur la théorie de notre vision de la modestie. L’architecture


Localisation des trois fauves dans le monde.

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Source image : production personnelle.


elle, prend sa place à la croisée de tout cela, ou devrions-nous dire la technique architecturale. Le terme technique n’est pas choisi au hasard, il renvoie à un savoir-faire, une ingénierie, une connaissance et une manipulation des matériaux, un rapport aux proportions. Pour Fransesco di GIORGIO il y a un aspect mécanique aussi; il combine une technique connue et reconnue à d’autres systèmes étonnants donnant lieux à des prouesses surprenantes mais toujours pensées dans l’amélioration. La modestie en architecture ne serait-ce pas cela ? Une estime générale des différents corps de métiers qui offrirait un langage universel tout en s’attardant sur les spécificités et les identités de chaque lieu en local ? C’est donc en toute pudeur et avec une certaine modestie, celle de savoir que notre travail n’est pas achevé mais a suivi et continuera de suivre une recherche patiente que nous vous dévoilons notre idée de la modestie en architecture. Reprenant les points clés énumérés dans la partie précédente nous déroulerons notre explication en deux grandes parties. La première se place en rapport avec la tradition et ses différentes manières d’y comprendre la modestie et la seconde vient à contre-pied pour établir ce rapport avec l’innovation.

Sources images : 1 & 2 - photographies personnelles 3 - < www.plataformaarquitectura.cl >


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I/ Rapport à la tradition et la modestie. En quoi tous ces fauves s’inscrivent dans leurs terres, dans les traditions, ... ? et font donc preuve de modestie.

1) Patrimoine culturel et usage. Utilisation/intégration dans une «culture» locale. Qu’est-ce qu’il y a dans la culture locale, comment l’architecte ré-utilise cela, ... ?

EGLISE CHRISTO OBRERO Avant même de s’intéresser à l’édifice physiquement, son nom et sa situation interpellent. Premièrement sa situation. Il est nécessaire d’expliquer un petit peu la géographie de l’Uruguay pour comprendre cela. La côte uruguayenne est soumise à la dure loi du tourisme estival. Lorsque l’on passe un été en Uruguay, on remarque très vite la différence entre la côte, région touristique où beaucoup de citadins (Argentins, Brésiliens et Uruguayens) viennent profiter du calme et de la mer, du reste du pays (l’intérieur), ne présentant que très peu d’activités touristiques. Cette différenciation est visible avec la grande « interbalnearia », sorte d’autoroute du soleil locale, qui coupe littéralement le paysage et sépare la côte, touristique, de l’intérieur, presque délaissé. A l’échelle de la petite ville d’Atlantida, on remarque cette forte distinction avec au sud de l’interbalnearia, une ville plus « urbaine » avec des immeubles et des hôtels, et au nord un petit village, plus traditionnel. C’est dans ce dernier que se trouve l’église construite par Eladio DIESTE. Bien qu’à l’époque de sa construction la différence n’était pas aussi grande qu’aujourd’hui, il y a dans le choix de l’emplacement une volonté de ne pas construire une « église monument » visitée seulement les 3 mois d’été, mais plutôt un lieu proche des résidents permanents, leur offrant une véritable qualité spatiale.


Situation géographique de l’Uruguay et d’Atlantida. Vue aérienne de Atlantida, représentation de la route interbalnéaire et de l’église.

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Source images : production personnelle. Photo aérienne d’après Google maps. 2015


Deuxièmement : le nom. « Iglesia del cristo obrero », qui peut être traduire par : « église du Christ Ouvrier ». Dans toutes ses œuvres, Eladio DIESTE a eu une vision très socialiste de son architecture. Pour lui, chaque homme a sa place dans la société, son rôle à jouer. Par analogie, dans ses constructions aux formes étonnantes, chaque brique a une place précise, un rôle dans la stabilité de l’édifice, et parfois des dimensions différentes en fonction de cela. L’idée de la répétition d’une « pièce simple » amenant à un « tout cohérent » grâce à une mise en œuvre maîtrisée, se retrouve à la fois dans sa philosophie et dans ses œuvres. On comprend alors pourquoi il a nommé cette église, la première d’une série de constructions qui vont caractériser son style, « Christ ouvrier » en référence à cette « classe ouvrière et artisanale ». De par cette situation et son nom, on ne peut pas douter de la volonté de DIESTE d’inscrire cette œuvre comme étant « proche du peuple », dans cette réalité des habitants permanents d’Atlantida, pour majorité des ouvriers, artisans ou paysans, et non dans l’illusion de la ville « touristique ». Par cette volonté, nous pouvons dire que l’architecte fait preuve de modestie dans la façon de positionner et d’intégrer son œuvre dans le territoire : il en a étudié les caractéristiques culturelles et usagères, et sait comment construire son œuvre par rapport à cela.


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Source images : Photographies personnelles.


L’ECOLE DES SABLES Contexte socio-culturel. La danse traditionnelle n’a de sens que dans son contexte socioculturel. Elle prend racine dans son histoire, un passé marqué par la résistance et l’engagement. Un personnage politique sénégalais, ni plus ni moins qu’un président, a contribué à développer ces racines rythmiques, dansées. Cet homme, Léopold SEDAR SENGHOR, poète à ces heures perdues, a toujours encouragé les échanges internationaux et qui plus est, avec la France, ancien colonisateur. Une manière d’inciter le monde à venir voir ce qui se passait dans son Afrique, dans son pays. La création de Mudra Afrique co- fondé avec Maurice BEJART et le président lui-même annonçait un nouveau chapitre culturel pour ce pays. Sous la direction de Germaine ACOGNY, l’école tiendra seulement un an à cause de divergences politiques, Léopold SEDAR SENGHOR ayant été succédé. L’idée de Léopold SEDAR SENGHOR que «la culture est au début et à la fin du développement». C’est donc tout naturellement que le président avait encouragé cette dernière, directrice de l’école des sables, à entreprendre le projet fou d’un centre de danse international un peu plus au sud de la capitale à Toubab-Dialaw. La mère de la danse africaine continue de tenir ce projet depuis maintenant plus de 10 ans et a participé à révéler et à offrir la possibilité à beaucoup de danseurs africains d’obtenir un statut mais surtout de réaliser des rêves. Les formations qu’elle propose sont ensuite diffusées dans tout le reste du continent, profitant à ceux qui n’auraient pas eu les bourses pour faire le déplacement. Ce n’est pas seulement un lieu où l’on apprend, c’est un lieu à la croisée de revendications, sur l’égalité des sexes entre autres, qui sont vouées à être connues et reconnues dans le monde entier. Rapport à l’environnement. Le village de Toubab-Dialaw est un village de pêcheurs situé à 50km au Sud de Dakar, la capitale. C’est principalement sur cette économie maritime que le village vit. Les hommes partent en mer pendant que les femmes font le marché. Les enfants vont de plus en plus à l’école grâce à diverses associations qui viennent


« Je me suis longtemps battue pour trouver un lieu personnalisé, un lieu signe, rayonnant et fertile, pour offrir sa maison à la danse africaine.»1 Germaine ACOGNY

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1 : Paroles d’artiste. Disponible sur < www.dansonsmaintenant.org > Source images : production personnelle.


en aide pour lutter contre l’analphabétisme. Depuis maintenant deux ans, les lundis et jeudis après-midi, les classes vont danser à l’Ecole des sables. Elles peuvent bénéficier d’un enseignement des danses traditionnelles encadrées par des professionnels. La ponctualité et la rigueur sont de mises. Véritables enjeux pédagogiques nécessaires à la transmission d’un patrimoine culturel tel que la danse. L’Ecole des sables n’est pas dans le cœur du village. J’appelle cœur, tout ce qui se situe dans un rayon d’un kilomètre autour de la place centrale. C’est depuis cet endroit qu’on voit les pêcheurs partir et revenir, qu’on analyse les marées et les conditions, qu’on prend le temps de boire un thé sous un arbre en regardant les enfants jouer avec les brebis sauvages. Les femmes restent sur le porche de leur maison, un pied dehors, un pied dedans. La porte est toujours ouverte, si porte il y a! En somme, le village est tourné vers l’océan, vers cette ressource si cruciale pour la survie de la population. La plage est le théâtre de toute sorte de représentations, on peut y trouver les lutteurs s’entraînant devant un public d’habitués mais aussi les enfants s’amusant à cache-cache dans les roches des falaises. La nature du lieu, sa rugosité, sa fluidité, sa pente, ses points de vue, tout participe à la scénographie d’une vie rythmé par la joie de vivre. Car plus qu’un patrimoine, une véritable philosophie; l’art de célébrer la vie. Et la vie se trouve dans la terre, dans le ciel, dans une pierre et tout à une symbolique, l’énergie des éléments. C’est pourquoi l’Ecole des sables de positionne face à ce désert de brousse, cette terre fertile et créatrice. Un dialogue s’installe entre une nature toujours plus imposante, une tradition dansée toujours plus enracinée, et la beauté humaine faisant le messager entre ces deux univers qui s’inspirent et se respectent. Et pour qu’égalité soit faite il faut « jouer » sur le même terrain ; le sable. Cette douce matière qui sait capter les chaleurs, humaines et naturelles. Oui cette école porte bien son nom, et plus qu’un repère mondial elle est un lieu où architecture se mêle à aventure. De par sa position isolée face au reste du village et à la lagune non loin, l’école a édifié toutes sortes de bâtiments faisant référence à l’organisation déjà évoquée auparavant. Une place centrale, comme place d’accueil des nouveaux arrivants, l’unique porte vers le village. Il existe aussi un « chef » ou du moins une mère, Germaine ACOGNY,


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Source images : production personnelle.


qui veille sur chacun de ses hôtes, les bénissant d’un geste sur le front. Et puis il y a les cases. La plage du village devient ici un théâtre à proprement parlé, c’est un lieu d’expérimentation qu’on nommera studio. Il en existe deux dans cette école, l’un sorti de terre se tapisse de sable et l’autre d’un lino de danse, avec trois murs épais renforçant le cadre sur ce lointain paysage désertique. Ainsi l’école, conformément aux rites et traditions s’inscrit dans le patrimoine culturel de sa région. La notion de protection et de croyance fait entièrement partie des mœurs, de ce patrimoine culturel. Il y a un chef de village qui veille sur le bon fonctionnement des choses. Il faut lui faire des offrandes, le remercier, le prier et il vous bénit. Il a un pouvoir spirituel qui lui confère un statut différent du simple être humain.


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Hameaux Studios / Salle de conférence Cantine / Services Acceuil - Sécurité

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Source image : production personnelle.


CASA DEL CARBONERO « Montrez-moi la poterie d’un peuple, et je vous dirai à quel peuple nous avons affaire, quel était son niveau de développement »1 Cette déclaration de Gottfried SEMPER tiré de l’avant-propos de Céramique nous en dit long sur le potentiel révélateur qu’on les objets artisanaux. Pour Adolf LOOS d’ailleurs n’importe quel objet d’usage y compris l’architecture est en mesure de fournir des indices sur l’identité culturelle d’un peuple ou le caractère d’un territoire. A une époque où le modèle économique dominant de consommation et de production de masse tend à généraliser l’uniformisation et une consommation effrénée justement de notre territoire, nous sommes tentés par l’étude et la revalorisation des logiques d’appropriation et d’utilisation pragmatique de ce dernier. C’est dans cette optique que s’inscrit Casa del Carbonero, une œuvre conçue et réalisé en 1998 par l’architecte chilien Smiljan RADIC. Cette intervention se trouve sur une parcelle publique de Culiprán, une petite municipalité de la région de Santiago du Chili, au pied de la Cordillère des Andes et à quelques dizaines de kilomètres de l’océan pacifique. Casa del Carbonero ne fut pas à la base une commande mais une initiative dont l’origine fut la découverte par l’architecte de plusieurs fours à charbon traditionnels et abandonnés sur la côte. Ils ressemblent à des dômes partiellement enterrés et cuits, transformés en de véritables pièces de poterie par le processus de combustion du bois d’aubépine, une essence locale. Ces vestiges correspondent à une activité artisanale millénaire de charbonniers qui commercialisaient le charbon obtenu pour produire du fuel principalement. Aujourd’hui le savoir-faire est maintenu par très peu de gens et pratiquement en voie d’extinction due à la dévastation des forêts d’aubépine. Le territoire se caractérise par une morphologie de plaine, un paysage composé d’un réseau de cours d’eau et de 1 : LOOS, Adolf. PAROLES DANS LE VIDE. Paris : Editions Champ Libre, 1979. p40.


Casa del Carbonero 115 m

Culiprรกn 170 m

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Melipilla

Culiprรกn

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Source images : production personnelle.


petits étangs naturels et artificiels et d’une trame verte de bosquets clairsemée mais résistante. La petite commune de Culiprán ne possède pas de structure urbaine à proprement parler ni de réel centre village d’ailleurs. Cette dernière se caractérise par un découpage parcellaire fermier hérité d’une économie dominé par le maraîchage, la culture des essences locales et viticoles. Le tout est rythmé par un réseau de petites routes et de chemins orthogonaux, poussiéreux et souvent terminés par des culs-de-sac. Dans ce contexte il est difficile de trouver des espaces publics fédérateurs et générateurs de lien social. Nous verrons plus tard que Casa del Carbonero s’apparente plus à une installation artistique qu’à un véritable bâtiment et pour cause : c’est bel et bien une dimension de place publique qu’a voulu donner Smiljan RADIC à une parcelle vacante au croisement de deux routes et cernée par quelques habitations.


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Source images : 1 - El Croquis n째167. 2013 2 - Production personnelle.


2) Inscription dans la continuité. L’architecte apporte « une brique à l’édifice » et s’inscrit dans une continuité de ce qui existe.

EGLISE CHRISTO OBRERO Le développement de nouvelles formes s’apparente plus à une rupture qu’à une inscription dans la continuité, comme nous le verrons dans la partie suivante. En revanche, conscient que la mise en œuvre n’est pas facile, l’architecte va s’intéresser au processus de fabrication. Il va résulter de cet intérêt une proposition d’évolution de la technique de construction. DIESTE sait que ses œuvres doivent être très bien construites s’il veut qu’elles aient les effets voulus. Or ces formes nouvelles ne sont pas connues, et encore moins instinctives pour les ouvriers, habitués à des constructions plus traditionnelles. L’architecte doit les aider à affronter ce nouveau défi. DIESTE va donc concevoir un échafaudage qui reproduit la courbe sinusoïdale en haut, et une ligne droite en bas. Des fils tendus entre les deux forment, littéralement, un guide pour les maçons. Enfin, pour que la mise en œuvre soit complètement au service de la production de cette forme, DIESTE va aussi demander aux ouvriers d’utiliser différents types de calepinages, afin de créer des visuels et effets différents, adaptés aux espaces de l’église. Si à première vue l’engagement de l’architecte dans le développement d’une technique pour aider les maçons peut justement passer pour de l’immodestie (l’architecte intellectuel qui veut « apprendre » à l’artisan), il faut se remémorer les mots de Giancarlo de CARLO pour comprendre pourquoi l’attitude de DIESTE peut être qualifiée de modeste. Lorsque Giancarlo de CARLO parle de ALBERTI, Francesco di GIORGIO ou encore Filarete, il dit que : « Ils parlaient des techniques simples qu’ils avaient apprises des maçons. Ils ajoutaient quelque chose, mais leur culture restait en continuité, en contact direct avec la vie telle qu’elle était autour d’eux.»1 et considère alors 1 : ARCHITECTURE ET MODESTIE, op. cit. p39


qu’ils étaient « nécessairement modestes » car en faisait cela « on est à l’abri de cette attitude de détachement (...) qui est la base de l’immodestie (...) où l’on se propose comme un modèle indiscutable.»1 DIESTE entre complètement dans cette démarche de proposer une nouvelle façon de construire en s’inspirant de la culture existante, sans l’imposer comme un « modèle indiscutable ». Cette volonté de donner aux ouvriers le moyen de réaliser simplement et parfaitement des formes complexes est importante car ainsi l’architecte ne se détache plus de l’artisan, il se met à sa place, pense au chantier, à la réalisation, … En cela, bien que ses formes soit en rupture avec les constructions traditionnelles, il participe au développement d’un matériaux de construction en s’intéressant à sa mise en œuvre, en établissant une technique qui elle s’inscrit dans la continuité.

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1 : ARCHITECTURE ET MODESTIE, loc. cit.


Dispositif d’échafaudage-guide mise en place pour aider à monter les murs conoïdes de l’église.

Source images : schémas - < www.tdx.cat > photagraphie - < www.wikiarquitectura.com >


Différents calepinages repérés sur dans un même endroit de l’église, et représentés schématiquement en coupe.

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Source images : photographie et production personnelles.


L’ECOLE DES SABLES Transmission et actualisation d’un langage corporel basé sur la modestie propre à chacun. L’être humain au cœur d’une occupation d’espace avec une gestuelle dansée, rythmée venant s’appuyer sur un environnement et une architecture. Un contexte en somme, finement organisé afin d’encourager la création et l’innovation d’une technique ancestrale. Rite vivant & bâtiment La culture africaine vit plus qu’elle ne s’écrit. Ce sont dans ses chants, ses mouvements et sa joie qu’elle se lève et se révèle à chaque fois. Cette vivacité, l’Afrique la cultive, la préserve comme une douce responsabilité fragile. Et pourtant elle la partage, elle l’offre à qui veut bien avoir la curiosité de venir danser la terre et le soleil. Nul besoin d’avoir un endroit ou des moyens techniques, la danse trouve sa place dans la rue, sur la plage, autour des baobabs, ou simplement dans la cour d’un voisin. C’est pour cela que l’école s’est fondée autour de bâtiments modestes par leur taille, préconisant le respect de la nature. Essayant de trouver un dialogue entre nécessités programmatiques et besoins naturels, le village est rempli de vide, de courant d’air, de flux. Le vent a besoin de venir chatouiller les cases afin de réguler la température. Pour se protéger du soleil les arbres font office de parasols naturels. Les chants remplacent les djembés quand ceux-ci ne sont pas là, et c’est ensemble dans une communion inter-générationnelle que bat la tradition africaine. C’est pour cela que les studios sont ouverts, pour que le son de ce patrimoine résonne sur chaque atome d’air jusqu’au plus lointain paysage. Le rite vivant est bien plus important que le bâtiment, c’est dans son effacement que la danse traditionnelle africaine trouve sa richesse, celle de ne pas être contrainte par des temps, par des miroirs, des barres, des chaussons. La danse africaine se danse pieds nus, le contact, le touché, le ressenti, tout passe par la peau et sa capacité à sentir l’énergie. Chaque pas est une danse, et chaque danse est un pas vers une autre vision de la tradition. La peau comme matériau avec des qualités semblables à la terre, à l’eau. Une interface sensible au climat, aux émotions.


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Source image : production personnelle.


Fenêtres de vies Entrer dans cette école, comme j’ai déjà pu l’évoquer auparavant est une aventure. Une chasse au trésor magnifiée par des passages secrets tous aussi curieux les uns que les autres. Je m’explique, le village des sables est bâti sur un terrain avec un peu de dénivelé et je dois dire qu’il s’amuse à danser avec les courbes de niveaux. Parfois la ligne est suivie, parfois pas, jeux de cache-cache permanent. Il y a un véritable traitement du seuil, entre deux dehors, entre deux espaces, entre deux trésors. Car finalement ce qui est amusant dans une chasse ce n’est pas seulement de tomber sur le trésor, mais c’est de suivre à la carte tout l’itinéraire qui a été déployé. Et puis il y a cette notion de fenêtres, ce trou finalement, cette assise parfois, ce vide laissé pour créer un flux aussi bien thermique qu’humain. Fenêtres de vies ou d’envies, feraient-elles partie elles aussi de l’aventure ? Double lecture systématique entre un élément naturel et un élément culturel, ce métissage est sous nos yeux en permanence et renforcé par cette idée de cadre.


« Car l’espace est fait par des êtres qui comme un morceau de papier, y ont écrit ce qu’ils sont.»1 Giancarlo de CARLO

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1 : ARCHITECTURE ET MODESTIE. op. cit. p42 Source images : Photographies et production personnelles


Le mouvement Même si la danse traditionnelle africaine paraît si intuitive, elle demande une endurance implacable. Le Sabar, danse identitaire de cette région du Sénégal, se dompte. A l’instar d’un fauve, elle s’analyse, se comprend, et se communique. Cette recherche savante, cet apprentissage millimétré du corps dans l’espace offre une géométrie tout à fait passionnante. Mais ce qui est le plus beau c’est de comprendre un mouvement de l’intérieur. Le comprendre réellement. Une recherche corporelle et spirituelle, patiente jusque dans sa fatigue. Cette intarissable exploration, cette patience sont des qualités appartenant à la modestie. Alors bien plus que dans le seul domaine de l’architecture, la modestie ici se traduit par cet acte de respect envers toute une culture et une tradition. Quand la nature devient fondation et que les acteurs en sont la structure vivante, les fenêtres de vies sont là pour offrir des moments de médiation, de création. Un lieu authentique où la tradition se partage et se consomme à travers le corps pour vivre et perdurer toujours plus. La modestie par un partage de connaissances, par la recherche d’un dialogue entre passé et futur; de bases solides et d’éléments complémentaires venus de tout horizon. L’actualisation d’un patrimoine culturel précis voyageant dans le monde par le savoir de transmission, par la danse.


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Source image : phorographie de Coline FRANÇOIS


II/ Volonté d’innovation et de modestie. En quoi les architectes de ces fauves sont à la recherche d’innovation, et sont-ils modestes en cela ?

1) Innovation par rupture. L’architecte innove grâce à un « changement radical » ; Est- ce compatible avec l’existant, avec la tradition ? L’architecte a-t-il un comportement modeste en faisant cela ?

EGLISE CHRISTO OBRERO L’église d’Atlantida est une œuvre qui ne laisse pas indifférent. Les formes sont tellement originales que l’édifice se démarque de tout ce que l’on a l’habitude de voir et suscite en nous de la curiosité. Cette curiosité provoquée à la vue et à la visite de cet édifice nous questionne sur sa construction. D’une manière générale, l’association de ces formes originales avec un matériau de construction tel que la brique nous interroge sur sa faisabilité. C’est surement les premières réactions lorsqu’on se trouve devant cette construction: comment ces courbes tiennent elles? Comment cette masse prend-elle une forme si « fluide » ? Y a-t-il des structures cachées ? Pour comprendre ce qui a poussé l’architecte à de telles plastiques, il faut s’intéresser à son histoire. Eladio DIESTE, de par sa formation à la base d’ingénieur et non d’architecte, a une vision très rationnelle de la construction. Sa philosophie est qu’une construction se doit d’être le plus respectueuse de son environnement, et ne peut se concevoir qu’avec une utilisation minimale de matériaux et leurs optimisations. La connaissance de la statique, couplée à une attitude de recherche et d’innovation, amène DIESTE à définir de nouvelles formes de construction, plus optimisées d’un point


Photographies de chantier (toiture et façade) et des murs conoïdes actuellement.

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Source images : 1 & 2 - www.fr.wikiarquitectura.com 3 & 4 - photographies personnelles.


de vue structurel. Le point de départ de ces innovations est la définition d’une nouvelle forme statique, qu’il a nommé « la céramique armée », en référence au béton armé, qui s’imposait alors à cette époque. La céramique armée reprend le principe de « séparation des fonctions de compression/tension » du béton armé, mais utilise des matériaux différents : le béton est remplacé par des briques. Cette nouvelle forme statique permet à DIESTE de prévoir le comportement de ses nouvelles formes comme des « feuille de briques », où les efforts de fortes tensions seront repris par des barres d’acier, et la compression par les briques. C’est grâce à cette « répartition du travail » que DIESTE va imaginer des formes plus optimisées d’un point de vue structurel, et donc plus économe en matière. Si le fait de mixer des matériaux afin de mieux répondre à des besoins structurels n’est pas nouveau, la démarche de DIESTE l’est car elle l’amène à réinterpréter un matériau traditionnel : la brique de terre. Il va réussir à donner une autre image, un autre imaginaire, à ce matériau qui est pourtant l’un des plus anciens. L’église d’Atlantida est construite en suivant ce modèle. Les murs sont formés d’une succession de conoïdes dont la base trace une ligne droite, et le haut une courbe sinusoïdale. Structurellement, une barre d’acier dans chaque extrémité de sinusoïdes suffit à reprendre les efforts de tension. Le toit est lui aussi une surface courbée, mais il a demandé plus d’acier. Les briques sont en effet « enfilées » le long de barre d’acier qui parcourt toute la largeur du toit. Le tout va former une « coque à double courbure », parfaitement stable, un genre de « gridshell »1. Les façades avant et arrière sont construites dans une typologie beaucoup plus classique, et créent une véritable rupture avec les formes conoïdes du reste de l’édifice. Cette rupture illustre la volonté de DIESTE d’avoir un bâtiment capable d’évoluer. Sa commande de base étant énoncée comme « un hangar qui peut servir d’église », il va imaginer cette coque auto-portante, et ajoute ensuite les façades avant et arrière pour fermer l’espace. Il laisse ainsi la possibilité d’agrandir le bâtiment en continuant la « coque ». 1 : « gridshell » comme expliqué par Cyril Douthe dans sa thèse : Etude de structures élancées précontraintes en matériaux composites, application à la conception des gridshells, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées -Paris, 2007


Schématisation du comportement en « feuille de brique ».

Plan et coupe des murs conoïdes. 37

Source images : production personnelle.


Là encore, on pourrait être tenté de dire que DIESTE fait preuve d’une grande immodestie en cherchant des formes nouvelles, plus optimisées, « meilleures » que l’existant. Cette ambiguïté entre « l’immodeste qui pense faire pouvoir faire mieux », et le « modeste qui pense que rien n’est jamais fini» est déjà mise en évidence par Giancarlo de CARLO dans son entretient. Il nous dit en effet que : « en mettant en jeu ce processus de recherche, on a la prétention de penser que l’on peut aboutir à quelque chose qui a un sens. Et ça, c’est de l’immodestie. Mais pour arriver à ça on doit être très modeste »1 puis : « si l’on est sûr dès le début, alors on ne peut pas faire de la recherche. Il faut avoir des doutes, penser que ce qu’on arrive à faire n’est pas final».2 A la relecture de ces passages, il parait clair que la modestie, vu comme une attitude de recherche, est non seulement présente dans la démarche de DIESTE, mais surtout est l’un de ses moteurs.

1 : ARCHITECTURE ET MODESTIE, op. cit. p44 2 : ARCHITECTURE ET MODESTIE, op. cit. p45


Coque stable permettant la continuité des murs.

Projection vers l’extérieur par la découpe des murs et la différenciation des façades.

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Source images : production personnelles.


ECOLE DES SABLES Population nomade, métissage. L’école, nous l’avons vu précédemment est ancrée dans un fort patrimoine local, celui de la région de Toubab-Dialaw. Néanmoins il est une véritable porte sur le monde. En effet, chaque année, des centaines de personnes venues de tout horizon foulent le sable de lieu. Transportant avec eux une technicité, une danse, une manière de vivre, mais aussi des influences. Tout cet arrivage de connaissances se mélange lors des cours de danse. Le studio des sables peut héberger plus d’une centaine de danseurs et l’autre une cinquantaine. Les proportions sont totalement décuplées par rapport aux dimensions habituelles. On pourrait croire que cet acte de monumentalité n’est pas modeste du tout mais la finesse de l’architecture et surtout l’envie d’accueillir le plus de personnes en son sein rend la réalisation pleine d’humilité. Cet espace mis à disposition de chacun est investi de différentes manières et selon les heures de la journée. Le studio de sable n’est pas investi le matin, le soleil est trop fort et brûle le sable. Les cours ne commencent qu’à 16h quand le sol est entièrement à l’ombre grâce à cette toile textile blanche. En fait la vie en extérieur ne commence qu’à partir de 17h car enfin la température baisse. C’est également pour cela que les cases ont très peu d’ouvertures et qu’elles sont proches les unes des autres afin de s’apporter de l’ombre mutuellement. Quand on se trouve là-bas dans cette brousse sénégalaise perdue à des kilomètres de la capitale, on est coupé du monde. On vit presque en autarcie, finalement c’est une immersion totale qui est aussi à l‘origine de la création artistique. Cet isolement en quelque sorte n’est que purement géographique je dirai, car en réalité on redécouvre le monde à l’intérieur même de ce village des sables. Les rencontres forment la substance, l’âme de ce lieu, empreint de témoignages plus riches les uns que les autres. C’est un passage permanent, un flux continu, les master-class s’enchaînent, formant et révélant des danseurs puis ils s’en vont à la conquête de la diffusion d’un art qu’ils viennent s’acquérir et une nouvelle vague d’apprentis arrivent et chaque stages est différent.


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Source images : production personnelle.


CASA DEL CARBONERO Dans le chapitre Entretien avec Giancarlo de CARLO de l’ouvrage Architecture et modestie ce dernier qualifie de sérieux ou autrement dit modestes les auteurs de la renaissance que sont ALBERTI, Francesco di GIORGIO et Filarete. Il justifie cette considération en nous précisant à propos de ces derniers : « Ils parlaient de l’architecture mais ils parlaient aussi des matériaux. Ils parlaient des techniques simples qu’ils avaient apprises des maçons. Ils ajoutaient quelque chose, mais leur culture restait en continuité, en contact direct avec la vie telle qu’elle était autour d’eux (…) Parce que si l’on commence par plonger ses racines dans la culture qui est autour de soi, on est à l’abri de cette attitude de détachement, d’arrogance, de mépris en fait, qui est la base de l’immodestie, où l’on se propose comme un modèle indiscutable. »1 Ce mode opératoire auquel adhéra Giancarlo de CARLO dans sa pratique, le fait d’utiliser des éléments contextuels locaux comme moteurs indissociables du processus créatif architectural est évident dans l’intervention de Smiljan RADIC. Traditionnellement les fours de la région sont construits de la manière suivante : un dôme en argile semi enterré à un mètre vingt sous terre est confectionné en coffrage perdu grâce au monticule de morceaux de bois destiné à la combustion et mis en place de manière méticuleuse. L’architecte fait subir une mutation au processus traditionnel de fabrication. La mise en place d’un panier en aluminium et grillage acier comme base de coffrage permet de présenter le dôme hors du sol. Le moulage de la partie basse du four se fait autour du panier et ce dernier résiste au poids du monticule. La suite de la fabrication est identique à celle du four traditionnel : le haut du monticule est confectionné méticuleusement de manière à produire le coffrage perdu pour le moulage du haut. Ensuite des trous sont percés selon une trame régulière. Le dôme sèche durant un mois et c’est ensuite que la combustion lente du bois peut débuter. Cette étape dure quatre jours entiers où le dôme cuit à mesure que le tas de bois se transforme en charbon. Le diamètre 1 : ARCHITECTURE ET MODESTIE, op. cit. p39


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Source images : 1 - Production personnelle 2 - El Croquis n째167. 2013.


Source images : 1 - El Croquis n°167. 2013. Schémas : production personnelle


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des percements peut être modifié par des pastilles de terres de manière à garder un contrôle sur la combustion. La couleur de la fumée indique à l’artisan l’état d’avancement de cette dernière, la quantité d’oxygène et donc le stade de carbonisation atteint. La transformation représente donc une symbiose entre usage et processus de fabrication, une intelligence vernaculaire perçue, utilisée et mise en valeur par l’architecte. Nous en revenons alors à cette fameuse place publique où Smiljan RADIC décide d’implanter son installation. Cette dernière se compose de trois fours, trois dômes en mutation autour desquels le visiteur aura le loisir de déambuler en observant simultanément plusieurs stades de fabrication. Trois petits canaux d’eau issue de la rivière proche traversent le site à quelques mètres à peine de l’emplacement des fours. Ces derniers approvisionnent constamment l’artisan en eau, un ingrédient précieux lors de la confection du moule en terre, paille et argile. Les palmiers qui entourent le site jouent également un rôle particulier lors du processus : quand elles sont complètement sèches, des feuilles se détachent du haut de ces derniers. Elles sont soigneusement ramassées par l’artisan qui s’en sert pour faciliter le démarrage de la combustion du bois. Une fois cuits et vidés de leur charbon les dômes sont réutilisables et peint de différentes couleurs par les artisans. Ils restent sur le site jusqu’à leur destruction. Une installation de LED lumineuses traverse la parcelle et permet aux visiteurs de s’y promener le soir. Tous les ingrédients de la mise en scène sont donc présents in situ et c’est une formidable installation pédagogique que l’architecte met à disposition des habitants et du tourisme. Par une intervention tenue et une métamorphose sciemment déclenchée l’architecte permet la mise en visibilité d’un savoir faire local et ancestral. C’est aussi une invitation à la méditation. L’innovation ne doitt-elle pas fleurir sur la compréhension des logiques naturelles et traditionnelles d’appropriation de nos territoires? Alberto MAGNAGHI aborde cette question tout au long de son essai Le projet local et nous précise d’ailleurs dans son chapitre relatif aux valeurs et ressources « que le milieu ne se révèle potentiellement lesté d’énergies locales qu’à partir du moment MAGNAGHI, Alberto. LE PROJET LOCAL. Sprimont (Belgique) : Pierre Mardaga editeur, 2003. p48


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Source images : photographie - photographe Marcela CORRREA schĂŠmas : production personnelle.


où le projet d’une société locale réinterprète le patrimoine de longue durée à la lumière de ses propres objectifs (…) »1 et que « La véritable conservation patrimoniale est toujours le fait d’une transformation active : le patrimoine, avec ses valeurs culturelles et économiques, n’existe pas en soi, mais uniquement à travers l’interprétation de celui qui l’utilise »1. Une alternative au modèle économique dominant serait donc à portée de main en sollicitant le territoire de manière stratégique et donc en utilisant de manière positive les ressources présentes sur un site donné, autrement dit, au lieu de le consommer, en permettant au territoire de s’auto-régénérer. Alberto MAGNAGHI va même plus loin en déclarant que : « Les initiatives locales ont pour but d’aider une région spécifique à trouver sa propre voie de développement. En effet, c’est uniquement à partir de la particularité et de la richesse de chaque territoire que peut être construit un milieu favorable au développement. A l’époque de la compétitivité globale, on perçoit aisément les avantages d’une orientation territoriale qui, en utilisant des ressources spécifiques, en misant sur la qualité et la diversité de l’offre de produits et de services, peut s’opposer au nivellement de la qualité et à l’uniformisation des prix d’une production de masse. »2 Le développement des savoirs contextuels, la technique et la connaissance environnementale sont donc mis en valeur dans le travail de Smiljan RADIC. De plus l’attention portée au rôle de l’artisan dans l’orchestration du projet permet une utilisation et une mise en œuvre immédiate de ces sédiments matériels et cognitifs de longue durée dont nous parle MAGNAGHI dans sa section consacrée au territoire construit. Le mode opératoire atypique de Smiljan RADIC est évoqué dans son interview pour El Croquis n° 167. Ce dernier nous conseille, à propos d’une commande, de demander au client s’il connaît un artisan et si ce dernier a un savoir-faire particulier. Puis de profiter de cette compétence à disposition pour essayer d’en tirer le maximum. Les architectes selon lui peuvent être attentifs et sensibles à tout ce qui est à portée de main. De plus le fait que Smiljan RADIC qualifie son intervention de prototypique est un lapsus intéressant : « J’ai pour habitude d’extrapoler l’expérience d’un projet mené 1 : LE PROJET LOCAL. loc. cit. 2 : LE PROJET LOCAL. op. cit. p61


à terme à une autre échelle et d’imaginer ce qui pourrait se produire si cette stratégie était réemployée à un programme de plus grande envergure. En d’autres termes l’utilisation de prototypes a pour but de montrer que quelque chose peut être fait. C’est aussi lié à l’utilisation de techniques anciennes et de leur réincorporation dans certains milieux. Pour faciliter leur intégration il faut commencer par des échelles raisonnables. » L’idée du prototype illustre bien l’idée de recherche poussée qu’évoque Giancarlo de CARLO dans Architecture et modestie et d’ailleurs quand Smiljan RADIC parle de réutilisation de prototypes à plus grandes échelles c’est bien de stratégie qu’il parle, ce processus cher à Giancarlo de CARLO, ce qui lui appartient.

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Déambulation Visibilité depuis la route

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Source images : schémas : production personnelle photographies - Google street view - 2013.


2) Universel / particulier. EGLISE CRISTO OBRERO Si la forme de cette église est très particulière, surement unique, l’organisation intérieure s’inspire de codes bien connus et présents dans beaucoup d’autres églises. Le plus visible est surement la hiérarchisation des espaces afin d’accompagner les usagers. A l’entrée, la découpe des murs conoïdes et du toit montre une ouverture vers l’extérieur. Pour rentrer, on se glisse sous un étage qui va nous préserver de la double hauteur. Une fois à l’intérieur, l’espace, pouvant être qualifié de nef, est dépouillé de tout artifice. C’est alors que l’on peut admirer les formes, cette fois de l’intérieur et les lumières. Enfin, au fond de l’église, DIESTE construit un « espace de haute densité spirituelle » avec des murs, droits, jusqu’à mi-hauteur. Suffisant pour réparer les espaces, mais pas pour les fermer complètement. Tous ces différents paliers permettent aux usagers de s’immerger progressivement dans une ambiance spirituelle, ce qui est très courant dans les édifices religieux. Paradoxalement, DIESTE construit un espace qui malgré sa hiérarchisation évidente, se veut uni, et égalitaire. On remarque en effet que le volume intérieur n’est jamais découpé : aucun mur ne va du sol jusqu’à plafond. La présence des courbes du plafond et des murs se voie et se ressent depuis n’importe quel endroit. Les ombres et les lumières sont ici une véritable matière de construction. Ce sont elles qui donnent toute la vie, tout son dynamisme, à cette œuvre. C’est certainement le point le plus emblématique de ce rapport universel/particulier : toutes les églises ont une relation à la lumière très sensible et importante, mais jamais elle n’est traitée comme ici, car les formes et le volume sont très originaux. Pour commencer les lumières. A l’intérieur, il y a très peu de lumières directes : celle qui entre avec nous par la porte d’entrée et celle de l’oculus qui donne directement sur l’hôtel (participant ainsi à qualifier ce dernier comme plus important). Pour le reste, il s’agit toujours de lumière filtrée, réfléchie, reflétée, … Chaque


HiĂŠrarchie des espaces

Espace ĂŠgalitaire

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Source images : production personnelle.


conoïdes des murs est percé de façon différente par des lucarnes de couleurs, apportant des lumières qui se déplacent sans arrêt à l’intérieur. Ces percements sont réalisés dans les courbes opposées à la porte d’entrée. La lumière directe se reflétant sur la partie courbe des murs tournée vers l’entrée et laissant l’autre moitié, donc celle qui est percée, dans une obscurité relative. Cette orientation permet de mettre en valeur les différentes couleurs des lucarnes. La façade avant présente des « sheds » verticaux qui amènent de la lumière indirecte sur le balcon de l’entrée. La façade arrière est très légèrement décollée des murs et plafond, de façon à laisser passer en petit filet de lumière, permettant de renforcer la rupture de style entre ces éléments. Un peu à la façon de Le Corbusier dans la Chapelle de Ronchamp. Toutes ces différentes façons d’apporter de la lumière sont autant de dispositifs qui servent à construire à la fois la hiérarchie des espaces et l’ambiance générale de l’église. Parler des lumières, c’est aussi parler des ombres. Le mouvement des ombres sur ces formes courbes amène un très grand dynamisme à l’église, tout au long de la journée. A l’extérieur chaque différence d’ensoleillement va être captée par la projection des courbures du toit sur les conoïdes des murs, et par les conoïdes eux même. On pourrait presque deviner l’heure d’une photographie en regardant ces ombres projetées.


Ombres et lumières à l’intérieur et à l’extérieur de l’église.

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Source images : photographies personnelles


ECOLE DES SABLES Cosmologie du lieu. Cette « antre », espace intersidéral de vie avec comme qualité principale la confidence. Comme nous l’avons cité précédemment, le travail réalisé autour des espaces transitionnels est remarquable. Il incite à sortir de tout édifice fermé pour venir occuper cette autre espace presque tangible au point même qu’on voudrait y vivre en permanence. Le bâti passe largement en second plan car de partout, dans tous les interstices de ce village se présentent des scènes de vie, des représentations de joie. Néanmoins, il ne faut pas oublier que cette modestie est aussi le résultat d’une pauvreté. Toutes les superficialités, les gadgets, la high-technologie que l’on peut rencontrer en occident et dans bien d’autres endroits du monde sont inaccessibles ici. Cet écart, cet « entre » encore une fois est en quelque sorte la porte d’entrée vers cet univers. Souvent je me suis demandé si cette pauvreté n’était finalement pas leur plus belle richesse. Car bien plus qu’un centre de danse international, bien plus qu’un village autonome, l’école des sables est un lieu de méditation sur notre environnement proche comme lointain.


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Source images : photographie et production personnelle.


CONCLUSION La tradition et l’innovation, deux axes de lecture distincts mais indépendant l’un de l’autre nous ont aidé à comprendre ce que l’on pourrait qualifier d’attitude modeste en architecture. Plus que d’établir cette rencontre, ce travail a permis de comprendre combien la connaissance personnelle ou du moins sa propre vision d’un lieu pouvait engendrer une forme d’analyse. Quelle posture prendre vis à vis d’une culture, d’une tradition et en même temps quels sont les éléments forts qui nous invitent à penser l’innovation. Nous avons en quelque sorte réussi à dompter ces fauves mais ils nous ont également appris que la modestie est une vertu, une valeur si relative qu’elle ne peut être universelle. Chaque individu interprète cette notion si difficile à définir. Est-ce une attitude ? Estce un outil de projet ? Est-ce une philosophie ? De nombreuses questions resteront sans réponse. Néanmoins nous avons pu appréhender la place de l’architecte et de son intervention vis à vis des processus de transformation vernaculaires sur un temps long. C’est peut-être là que se trouve le fauve finalement, dans l’accumulation lente de savoirs faire traditionnels qui se transmettent de génération en génération et que l’architecte réutilise sciemment et inconsciemment à travers un concept innovant. L’observateur fait généralement référence à son vécu et à son expérience pour comprendre et dompter une architecture ou bien un espace. En ce passé il trouve matière à comparer et à analyser. Tout comme nous l’avons mis en œuvre tout au long de cet écrit il a été question de croiser trois choix personnels de fauve.


Vitesse

Intervention de l’architecte Livraison

Temps Temps

Processus artisanal en évolution, transmission de savoir-faire locaux, empiriques et ancestraux, apports extérieur locaux et matière première locale. Vitesse lente Intervention de l’architecte, apport savants théoriques est «globaux». Vitesse plus rapide. Vie du projet, rapport à l’usager, modification par l’usager, mutation. Apport réciproque entre artisanat et savoir théorique de l’architecte.

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REFLEXION PERSONNELLE : Benoît FAYOL Si le dialogue avec Giancarlo de CARLO nous apporte de nombreuses précisions, le concept de modestie reste néanmoins flou lorsque l’on veut l’appliquer à un métier de création. Nous avons vu plus tôt l'ambiguïté qui pouvait naître lorsqu’une personne adopte une attitude de recherche pour développer une proposition qui lui parait meilleure et en même temps pense que son travail aura du sens. Notamment dans cette citation : « En mettant en jeu ce processus de recherche, on a la prétention de penser que l’on peut aboutir à quelque chose qui a un sens. Et ça, c’est de l’immodestie. Mais pour arriver à ça on doit être très modeste »1 puis : « si l’on est sûr dès le début, alors on ne peut pas faire de la recherche. Il faut avoir des doutes, penser que ce qu’on arrive à faire n’est pas final »2. Si l’attitude de recherche parait être clairement établie comme modeste, peut-on dire que c’est toujours le cas quand les motivations paraissent immodestes ? Si l’architecte adopte une attitude modeste, qu’il réussit grâce à cela à développer un nouveau modèle, est-ce de l’immodestie que de vouloir le mettre en avant si celui-ci s’avère meilleur que les anciens ? D’après de CARLO, oui si le modèle n’est pas posé comme « indiscutable ». Il semblerait que chacun des projets soit adapté, pensé, pour un lieu précis. Est- il alors indiscutable pour ce lieu, et discutable pour d’autre lieu ? Un lieu comporte une multitude de caractéristiques (sociales, historiques, géographiques, matérielles, ...) qui sont autant de strates qui forment sa complexité. La modestie comme on l’entend dans ce mémoire consiste à prendre en compte ces caractéristiques dans l’élaboration du projet. On peut alors émettre l’hypothèse que la modestie n’est pas toujours totale. Je veux dire par là, il est réaliste de dire que l’architecte ne prend en compte que certaines strates de cette

1 : ARCHITECTURE ET MODESTIE, op. cit. p44 2 : ARCHITECTURE ET MODESTIE, op. cit. p45


complexité, qu’il se concentre sur certaines caractéristiques plus que sur d’autres, car elles lui paraissent les plus importantes, ou les plus intéressantes. Ainsi, si un observateur ne s’intéresse pas aux mêmes strates que l’architecte, il lui semblera que ce dernier ne fait pas preuve de modestie. Un même projet, une même démarche, pourrait donc être qualifié de modeste sur certaines strates, mais peut-être pas sur d’autres. Il y a là dessous une question de point de vue personnel, qui va brouiller les limites de la modestie ou de l’immodestie.

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REFLEXION PERSONNELLE : Justine SEROL La recherche patiente, vertu oubliée ? Durée / Evolution / Progrès / Disparition / Période / Libertés / Contraintes / Temps / Changement / Mesure La recherche patiente est une notion clé qui nous a suivis tout au long de l’exploration de thématiques. Cette quête, cette chasse aux fauves mêlée à la douce philosophie de Giancarlo de CARLO laissait déjà présagée une belle opposition. Par ce dernier terme j’associe également la notion de complémentarité, ce qui peut être assez singulier vous en conviendrez mais qui prend toute sa justesse finalement par cette dualité paisible. Osciller entre divers oxymores tous plus incongrus les uns que les autres, jouer avec les mots, leur donner une matière, une épaisseur, voilà ce qui m’a animé durant ces quelques mois de doux labeurs. Revenir sur un travail pour en tirer une synthèse et essayer de la sortir d’une chronologie déjà tracée, voilà l’objectif de cet écrit qui vient dévoiler une autre manière d’introduire les pensées qui nous ont suivies. Et qu’est-ce que cette rivalité égalitaire vient apporter à nos questionnements finalement ? Est-ce une réponse, cette recherche d’équilibre entre une théorie et une pratique ? Est-ce le pont entre ces deux derniers ? Et c’est là que la mesure entre en jeu et vient trouver toute sa signification. Dans toute définition de la modestie on y revient, elle fait sans cesse écho à la mesure de l’acte. La recherche patiente renvoie à la partie en amont, alors que la mesure définit ce qui se passe en aval. Après ces interrogations je dois dire que le choix de travailler sur la tradition et l’innovation me paraît limpide. Pourtant il a été bien difficile à clarifier. Cette phase de définitions, de classification afin d’aider à organiser nos volontés et affirmer notre thème et les intuitions qui y étaient rattachées, est le cœur de la recherche patiente pour moi. L’affirmation de ces deux « familles » mise en place, une autre étape se met en place il s’agit désormais de garnir, d’enrichir cette dernière. Et une toute autre recherche s’installe. Je ne vois


pas la recherche patiente comme un travail de longue haleine mais plus comme une succession de temps forts qui amènent à une certaine reconnaissance envers toutes les étapes franchies depuis le début, les prémices. Du rythme confondu à une sagesse, voilà sans doute la définition de cet outil à penser que je donnerai. Seulement aujourd’hui je crois qu’on manque cruellement d’organisation. Cette douce responsabilité que de concevoir se laisse affaiblir par la quantité de travail annexe. Cette recherche patiente actuellement se traduit par une recherche efficiente. Ce basculement d’une époque vers une autre alimente le débat autour de la tradition et de l’innovation. Pour faire résonance avec tout ce qui a déjà pu être écrit, j’ajoute la notion de progrès. L’homme a toujours évolué, souvent progressé grâce à des codes et des cultures, grâce à des connaissances, grâce à un certain génie qui pour moi est associé à la vertu oubliée. J’introduis le terme de chronologie pour renvoyer au temps qui est largement sous-entendu dans le formulé « la recherche patiente, vertu oubliée? ».

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REFLEXION PERSONNELLE : Julien GARROUX Ce séminaire fut l’occasion pour une approche plus méditative et intellectuelle qu’à l’accoutumée, le terme employé de « fauve » est intéressant pour qualifier une architecture singulière et incarnant l’idée de modestie. Il nous est difficile en effet de distinguer, dans une production contemporaine bridée par les contraintes économiques et normatives, des interventions innovantes par leurs qualités humaines et conceptuelles. Se mettre dans la position d’un chausseur, où plutôt d’un explorateur à la recherche de la chose rare et sincère nous place immédiatement dans une posture de remise en question et nous force à convoquer nos convictions intimes, à prendre position. En quoi une production architecturale puisse-être qualifiée de fauve ? Le fauve est une créature en osmose avec son environnement, issue d’une longue procédure d’adaptation génération après génération. Son existence même permet le rééquilibrage de son milieu. C’est pourquoi il est si difficile à distinguer. L’envie de montrer que quelque chose de différent peut être fait, un concept fort se matérialisant dans une intervention « hors cadre » me poussa à explorer le travail de Smiljan Radic dont la production se résume en une architecture très locale, contextualisée et provocatrice parfois. La Casa del carbonero fait partie de ces œuvres surprenantes à première vue, à mi-chemin entre l’art et l’architecture, une intervention tenue et presque archaïque mais qui évoque immédiatement un univers dense et l’espoir d’y découvrir une histoire singulière et les fils d’un processus conceptuel engagé et intelligible. Finalement l’efficacité de cet exercice réside dans l’extrapolation de nos croyances intimes, il permet la consolidation de notre imaginaire par une recherche orientée de la référence et c’est finalement la posture, la prise de position que l’on retient plutôt que l’objet en lui-même.

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BILBLIOGRAPHIE BORRUEY, René ; De CARLO, Giancarlo ; DESGRANDCHAMPS, Guy ; PECKLE, Benoît Philippe ; QUEYSANNE, Bruno. ARCHITECTURE ET MODESTIE, Nîmes : Théétère éditions, 1999. 95p. DOUTHE, Cyril. Etude des structures élancées précontraintes en matériaux composites, application à la conception des gridshells. Thèse pour le titre de Docteur de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Paris, 2007. Disponible à l’adresse < https://hal. archives-ouvertes.fr >. Consultaion le 07/12/2015. LOOS, Adolf. PAROLES DANS LE VIDE & MALGRE TOUT. Paris : Editions Champ Libre, 1979. 336p. MAGNAGHI, Alberto. LE PROJET LOCAL. Sprimont (Belgique) : Pierre Mardaga editeur, 2003. 123p.

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Master Aedification, Grands Territoires, Villes.


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