INTERVIEW DE F. HOLLANDE à MARIANNE

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Date : 18/02/2012 Pays : FRANCE Page(s) : 16-23 Rubrique : Evénement Diffusion : 291373 Périodicité : Hebdomadaire

Interview exclusive

Hollande

Il choisit les

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répliqueau candidat Sarkozy

cevaleurs » parce que

Marianne : La façon dont Nicolas Sarkozy entre en campagne traduit un désarroi : après avoir essayé le registre du grand leader européen affrontant la crise pour protéger les Français, puis celui du technicien réformateur avec la TVA sociale et la relance du bâtiment, voilà qu'il guitte la réalité économique et sociale trop défavorable avec 10 0Zo de chômeurs, la perte du triple A et une dette abyssale pour miser sur la guerre idéologique et l'invocation des « valeurs » - travail, responsabilité, autorité. En lui répliquant, ne tombezvous pas dans le piège en venant sur ses thèmes - le droit de vote des étrangers, le nombre de vrais chômeurs, l'euthanasie et le mariage homosexuel - alors que la France se trouve dans une crise économique et morale sans précédent ? François Hollande : J'ai pris, depuis plusieurs mois, la décision de ne pas me laisser détourner par quelque can didat que ce soit, y compris le président sortant. Il ne s'agit pas de ma part de je ne sais quelle « arrogance », mais de la volonté de conserver un rapport avec les Français et de ne pas me laisser imposer un rythme qui n'est pas le mien. Nicolas Sarkozy aurait pu entrer en campagne plus tôt ou plus tard. 11vient maintenant de se déclarer, poussé par l'inquiétude, mais l'erreur serait de suivre son tempo. Il choisit les valeurs parce que son bilan ne vaut rien ! S'il était confiant dans les résultats de sa politique, il n'aurait pas besoin de stigmatiser le chômeur, de menacer l'étranger, de diviser les

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Français ou d'inventer une procédure référendaire à la veille d'une élection !Il traite des sujets qui sont, certes, impor tants - le droit de vote des étrangers, le mariage des homosexuels... -, mais qui ne sont pas au cœur de ce qu'attendent les Français. Ce qui est au cœur de cette de la élection, c'est le redressement France, c'est la justice pour appeler l'ef fort, c'est l'espérance que nous devons retrouver dans la République. Le terrain des valeurs permet à Nicolas Sarkozy de s'en prendre à des boucs émissaires, mais il sait aussi que les Français, qui y sont attachés, ne savent plus qui défend ces valeurs ni quel contenu elles peuvent encore avoir, ce qui permet à Marine Le Pen d'en jouer également de son côté. Comprenez-vous que la gauche a pu les décevoir sur ce point ? F.H. : Si la gauche a pu les décevoir, c'est sur le terrain des résultats. Sur la sécu rité, le chômage, l'économie. Les seules valeurs que je reconnaisse, ce sont celles de la République vivante et que je veux inscrites dans la réalité. Pourquoi ai-je mis l'école au cœur de ma campagne ? Parce que c'est le fondement, le socle de la République. Il n'y a pas que les résultats qui ont fait défaut... Commençons par la valeur travail. Nicolas Sarkozy a récupéré en 2007 un thème historiquement de gauche,mais que les 35 heures ont malmené. Le PS, qui n'a pas su faire

l'inventaire de son rapport au monde du travail, en paye le prix. Nicolas Sarkozy ne vise-t-il pas juste en disant que « le travail a été trop déconsidéré par la gauche » ? F.H. : Le travail est toujours une valeur de gauche ! L'émancipation, la produc tion, le service rendu, la socialisation, la récompense du mérite : c'est la gauche ! Tandis que, depuis cinq ans, c'est la rente, le capital, l'argent qui dort, qui ont été privilégiés ! Quand il y a 4 millions de chômeurs, où est la valeur travail ? Créer des emplois, inventer une nou velle procédure qui permette aux plus jeunes de rentrer plus tôt sur le marché du travail et aux plus anciens de ne pas le quitter - le contrat de génération -, c'est cela la valeur travail. Mais atten tion, pas de contresens ! Le combat de la gauche a aussi été de permettre aux classes laborieuses d'avoir un temps de liberté, de loisir. C'est le Front populaire et les congés payés... Et les 35 heures, c'était aussi une manière de permettre à d'autres de travailler. Que s'est-il passé en 2007 ? Nicolas Sarkozy a fait croire que, si le travail était « libéré », le pouvoir d'achat serait augmenté. Ladéréglementation, la défis calisation devaient conduire à une aug mentation du temps travaillé et donc de la rémunération distribuée. Le premier devoir de la gauche, c'est de faire tra vailler tous ceux qui ont vocation, par leur âge ou par leur formation, à pou voir le faire. Ma grand-mère me rappe lait la belle formule de Jean Jaurès : « Le travail, c'estla liberté. »Le subterfuge, la y

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> manipulation, c'est d'avoir opposé le temps de travail à la rémunération du travail. Je suis très clair : il y a une durée légale, 35 heures, il y a une souplesse pour travailler davantage, il y a une majoration des heures supplémentaires permise parce qu'il y a une durée légale, et donc, si on casse par des accords la durée légale du travail, ce sera une perte du pouvoir d'achat pour tous les salariés. Les enquêtes d'opinion montrent que les thèmes de « l'assistanat » et de « la fraude sociale » dépassent le clivage droite-gauche et rencontrent, à tort ou à raison, un réel écho du côté des Français les plus fragilisés par la crise. En y opposant le principe de responsabilité, Nicolas Sarkozy cherche à vous enfermer dans l'idée que la gauche française est naïve, irresponsable, alors que lui dit s'inspirer des social-démocraties de l'Europe du Nord et de l'Allemagne... F.H. : Il s'est surtout inspiré des politiques néolibérales pour les baisses d'impôts pour les gros patrimoines ! D faut lutter contre la fraude fiscale, qui est bien supé rieure à la fraude sociale. Je suis pour que nos sys tèmes sociaux et fiscaux soient contrôlés. Parce que, à chaque fois qu'il y a man quement à un principe, il y a mise en cause de la poli tique elle-même. Je serai implacable contre tous les détournements de règles, mais cela n'autorise pas de stigmatiser une population ou de laisser penser que les responsables du chômage seraient les chômeurs ! Les responsables du chômage, ce sont ceux qui ont fait la politique que nous connais sons... Mais, à travers la fraude sociale, ce n'est pas le fraudeur qu'on cherche, c'est la politique de prestations que l'on met en cause !Je suis contre l'assistanat, contre le fait que l'on soit obligé de ne vivre que de prestations. Mais qui a généré la pres tation, l'indemnisation, si ce n'est le gou vernement qui a mis de côté plus de 3 mil lions de personnes privées de tout emploi ?

en annonçant aux « délinquants financiers » et aux « petits caïds » que « la Républiqueles rattrapera ». Celaa surpris parce que, à la tête du PS, vous aviez évité de définir une ligne claire sur l'insécurité. C'est à Martine Aubry que l'on doit un certain aqgiornamento en la matière. Dans le projet du PS était ainsi promise la création de « 10 OOOpostes de gendarmes et policiers ». Votre projet ne parle plus que de 5 OOOpostes qui concernent aussi la justice. Comment la République « rattrapera »-t-elle les « caïds » sans effectifs suffisants ? F.H. : Je n'ai pas eu besoin de faire mon aggiornamento sur cette question ! La sécurité des Français est pour moi une prio rité. La sécurité touche les plus fragiles d'entre nous et l'insécurité est une forme intolérable d'iné galité sociale. Parlons des effectifs : Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, a créé 10 000 postes de policiers et de gendarmes. Président, il en a supprimé 10 000, allez comprendre ! Je n'en rétablis que la moitié, mais je vais les remettre dans les quartiers les plus exposés à la délin quance. Il y a des déserts en matière de sécurité, des villes qui n'ont pas de com missariat ! Ce qu'on attend des forces de l'ordre, c'est d'appréhender le plus possible de délinquants, de les traduire devant les tribunaux, que la justice passe et qu'une sanction puisse être prononcée. Or, 120 000 peines ne sont pas exécutées ! Quarante mille personnes convoquées par les juges ne viennent pas ! D'où un sentiment d'impunité qui s'est installé dans certains quartiers et des « caïds » qui se sentent tout permis. Le problème, c'est aussi la paupérisation de la jus tice : des tribunaux sans informatique où les juges d'application des peines ne sont pas en nombre suffisant pour suivre les prisonniers. On a vu les consé quences en matière de récidive. Il n'y a que 40 centres éducatifs fermés pour les mineurs. Il en faudrait le double. Qua rante mille jeunes sont sous protection judiciaire de la jeunesse : 700 sont en pri

« Jeserai exemplaire contreles bandes dans lesQuartiers : lerôlede laoauche estdesauver uneieunesse endanger, de dansletrafic » dedrogue.

A propos de l'autorité, vous avez impressionné, au Bourget,

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son, 4 000 dans des établissements, mais 35 000 sont dans une espèce de terrain vague du droit, sans le suivi nécessaire ! Malgré tout, on porte toujours davantage crédit à Nicolas Sarkozy qu'à la gauche pour s'attaquer à l'insécurité... F.H. : Cela fait partie des préjugés poli tiques !Je n'admets pas qu'on puisse imaginer que des solutions attentatoires aux libertés seraient efficaces pour lut ter contre l'insécurité. Contre le bandi tisme à Marseille, pourquoi ne met-on pas plus de moyens ? Pour lutter contre les trafics, contre les bandes, pourquoi ne mobilise-t-on pas plus la police ?Je serai exemplaire contre les bandes dans les quartiers : le rôle de la gauche est de sau ver une jeunesse en danger, que ce soit dans les trafics de drogue et leurs consé quences sur la santé de nos enfants, ou l'utilisation des mineurs pour protéger les caïds. Et, d'abord, qui sont les élus des agglomérations les plus touchées par la délinquance ? Des maires de gauche qui n'ont pas lésiné pour créer des polices municipales. Qui s'est substitué à l'Etat faute d'effectifs de police ? Des maires de gauche. Qui a mis de la vidéosurveillance là où c'était nécessaire ? Souvent des maires de gauche... Il n'y a pas si longtemps, la vidéosurveillance était mal vue Ruede Solferino... F.H. : Oui, mais nous avions des caméras Rue de Solferino !...Pourquoi, alors qu'il est reconnu que les maires socialistes ont été plutôt efficaces, on ne nous en ferait pas le crédit au plan national ? Peut-être à cause d'un certain discours expliquant qu'il suffit de régler le problème du chô mage, des inégalités, pour que la délin quance et la criminalité diminuent. Mais cela ne marche pas comme ça ! 11faut, bien sûr, faire les deux, mais on ne peut pas attendre que le chômage recule pour avoir des progrès en matière de sécurité. Pour convaincre, ne faut-il pas reconnaître certains torts ? Par exemple, vous proposez 80 centres éducatifs fermés, mais le PS y fut longtemps opposé... F.H. : Ce débat a eu lieu sous le gou vernement Jospin. Avaient été préférés les centres éducatifs ouverts ou semiouverts. Mais, pour reprendre Marivaux, il faut qu'une porte soit ouverte ou fer mée ! Il faut qu'elle soit ouverte pour certains délinquants dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse, mais, dans d'autres cas, s'ils sont dangereux

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Lorsde l'entretien dans son OGde campagne, le13 février. « Lequotient familial est un avantage fiscal qui a l'inconvénient de n'exister quepour les ménagesimposables.Un couplequi a trois enfants et dix fois le Smica 9 000 ê d'avantagefiscal, contre 600 ê pour la mêmefamille avectrois fois le Smic. Est-cejuste ? Non.Avec monnouveauplafond,toutes les famillesau-dessousde six fois le Smic(7 500 ë) conserveront le bénéficedu quotient familial. »

pour eux-mêmes ou pour la société, elle doit être fermée, sinon c'est la prison. Or, on accepte qu'il y ait 700jeunes en prison sans se demander ce qu'ils vont devenir. Il faut donc plus de centres fermés. Nicolas Sarkozy vous accuse de vouloir détruire la politique familiale en touchant au quotient familial, et ainsi fragiliser les classes moyennes. La gauche a connu un précédent fâcheux : Lionel Jospin avait mis les allocations familiales sous plafond de ressources en 1998 avant de revenir en arrière en catastrophe. Le quotient familial n'a pas été instauré pour la justice sociale, mais pour aider les couples qui font des enfants. La gauche défendait cette horizontale jusque dans redistribution les années 80 ; cela ne semble plus être le cas. Pourquoi remettre en cause une politique enviée par nos voisins parce qu'elle a fait de la démographie française la plus dynamique d'Europe ? F.H. : Partons de notre légitime fierté : nous faisons plus d'enfants que tous les autres pays européens. Pourquoi ? Parce

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que nous avons les structures qui nous per mettent de concilier vie familiale et vie professionnelle. Ce sont des politiques de gauche qui ont permis à la natalité fran çaise d'être à ce point dynamique, grâce à l'école maternelle, aux structures de garde. Nous avons plus de femmes au travail et des enfants plus nombreux. C'est aussi grâce à un niveau élevé de prestations, la plupart sous conditions de ressources, à part l'universalité des allocations fami liales à partir du deuxième enfant. Mon objectif, c'est de rendre la politique fami liale plus juste. Le quotient familial est un avantage fiscal qui a l'inconvénient de n'exister que pour les ménages impo sables. Un couple qui a trois enfants et dix fois le Smic a 9 000 Ed'avantage fiscal, contre 600 C pour la même famille avec trois fois le Smic. Est-cejuste ? Non. Avec mon nouveau plafond, toutes les familles au-dessous de six fois le Smic (7 500 C) conserveront le bénéfice du quotient fami lial et les 500 millions d'euros récupérés seront affectés à une augmentation de 25 \ de l'allocation de rentrée scolaire, c'est cela, la justice.

Vous faites souvent référence aux travaux de jeunes chercheurs engagés à gauche - Christophe Guilluy, Laurent Baumel, Laurent Bouvet-, et l'on a pu constater chez vous des inflexions qu'ils recommandaient, notamment de « ne pas laisser la laïcité à la droite et à l'extrême droite » et de s'intéresser aux populations reléguées dans de nouvelles périphéries urbaines. Certains invoquent « la nécessité d'un nouvel équilibre sociétal » entre « libertés privées » et « ordre public », estimant que la valorisation de l'individualisme ne doit pas être le critère unique du projet socialiste : la loi doit répondre aux demandes individuelles en envisageant leurs conséquences pour tous les citoyens. Ce dilemme, vous semblez l'avoir tranché à propos du droit à l'adoption pour les homosexuels - contradictoire avec le droit de tout enfant à une figure maternelle et une figure paternelle, comme le note la philosophe Sylviane Agacinski - ainsi que pour l'euthanasie > dont on sait qu'elle est plus souvent

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Enmeetingà Paris,le 23janvier(ci-dessus et ci-contre),à Orléans le 9février(ci-dessous), et à Rouen,le15février(à droite).« LaRépublique, c'estdeprendretouslessujetssensibles quiviennentavecéthiqueet d'êtrecapable et d'avancer.Lerôleduprésidentdela République du législateur,sur lessujetsdesociété,n'estpasde déciderpourles autres,maisde pouvoirposerdes règlesquipermettentà chacundesavoirlalimite.»

> une revendication des familles que des malades. Encore que, à propos de l'euthanasie - qui divise à gauche, comme le montre la réticence d'Axel Kahn, qui n'est pas non plus un réac coincé -, votre « projet présidentiel » n'ose même pas prononcer le mot, mais laisse supposer le procédé... F.H. : Ce qui a toujours fait la force de la République, c'est de mettre la liberté individuelle au service d'un projet collec tif, de ne jamais opposer l'émancipation personnelle à l'élévation de la nation. Il y a une dynamique féconde entre les droits individuels et le devoir collectif. L'homo sexualité existe, des couples se forment, pacsés ou non, certains ont des enfants, notre devoir est de faire que chaque enfant puisse être correctement accueilli et que chaque génération transmette ce qu'elle a de meilleur à la suivante. Quant à l'euthanasie, je n'y suis pas favorable. Je suis pour le droit de mourir dans la dignité. Aujourd'hui, il y a de 10 000 à 15 000 lits pour les soins palliatifs, il en faudrait le double. A quel moment déci der ou non d'arrêter les soins palliatifs,

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même si la souffrance, grâce à eux, est amoindrie ? Il faut avoir une expression de la personne, de la famille, des méde cins qui doivent être consultés, et à ce moment-là, dans quelques très rares cas, il s'agit de faire un acte de compassion qui va soulager non la famille, mais la personne. La République, c'est de prendre tous les sujets sensibles qui viennent avec éthique et d'être capable d'avancer. Le rôle du président de la République et du législateur, sur les sujets de société, n'est pas de décider pour les autres, mais de pouvoir poser des règles qui permettent à chacun de savoir la limite. Vous avez répondu à Nicolas Sarkozy en disant que « le prochain référendum, c'est l'élection présidentielle ». Mais quel est votre point de vue sur la pratique référendaire que de Gaulle, Pompidou, Mitterrand et Chirac ont utilisée, mais ni Giscard ni Sarkozy ? Le Parti socialiste s'est divisé sur celui proposé par GeorgesPapandréou au peuple grec. Vous avez louvoyé quand certains de vos camarades,

Henri Emmanuelli et Arnaud Montebourg, eux, l'ont approuvé. Serait-ce le souvenir douloureux du référendum de 2005 gui déchira le PS que vous dirigiez ? Quel mode d'emploi pour cette consultation directe qu'apprécient les électeurs ? F.H. : Je vois deux indications pour le référendum. D'abord, les institutions : le général de Gaulle a fait voter par les Fran çais l'élection du président de la Répu blique au suffrage universel et Jacques Chirac, le passage du mandat présidentiel de sept à cinq ans. Ensuite, les transferts des souverainetés. Exemple : Maastricht, en 1992, et la disparition du franc au profit de l'euro - il y avait presque obli gation de consulter le peuple français. Mais faire voter les Français sur le droit des chômeurs, c'est stigmatiser, et sur les étrangers, c'est absurde et dangereux... Il y a des référendums qui permettent de rassembler, d'autres qui divisent. Celui de 2005 sur le traité constitutionnel européen a divisé, profondément. 11faut faire très attention avec cette procédure. Il ne s'agit pas de se méfier du peuple,

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en pensant qu'il n'est pas mûr, mais il faut respecter la démocratie représen tative. Pourquoi élire des députés, des sénateurs, si toutes les questions peuvent être posées au peuple français ?

du PS, Jean Glavany dénonçant « une course folle au communautarisme » et Robert Badinter « une aberration anticonstitutionnelle ». Quant au dîner du Crif - dont on ne sait plus si les ministres qui s'y précipitent y sont Au nom d'un attachement personnel invités ou convoqués -, il suscite un « viscéral » à la laïcité, vous avez voulu malaise chez les juifs de France, à tel rompre avec trente ans de confusion point qu'un membre du bureau du Crif, à gauche et souhaité solenniser ce le grand avocat Michel Zaoui, a pu dire qu'avec ce rituel « ce ne sont plus les tournant en constitutionnalisant la loi de 1905. Cela pose le problème du juifs qui sont exclus de la communauté nationale comme par le passé, mais concordat appliqué en Alsace-Moselle. Jean-Luc Mélenchon propose tout c'est nous qui nous bonnement d'en finir avec le concordat excluons de la nation ». et d'uniformiser le territoire sous le Pourquoi avez-vous cru régime de la loi de 1905 ; vous y pensez nécessaire d'aller vous aussi ? y afficher avec Nicolas F.H. : Non. Il y a là une spécificité qui Sarkozy, laissant ainsi tient à l'histoire. Pourquoi ai-je eu l'idée à François Bayrou le d'introduire le principe de séparation rappel à l'universalisme des Eglises et de l'Etat dans la Consti républicain, ce qu'il tution ? Parce que cela permettra à la a fait en précisant jurisprudence d'être plus ferme. Le fait qu'il ne fallait pas que l'Etat ne finance aucun culte per « participer à des réunions mettra la clarté. Le président sortant a communautaires, quelle beaucoup joué avec le terme de « laïcité », que soit la communauté et l'extrême droite s'est engouffrée dans qui invite des politiques la brèche. Je ne veux pas de mauvaises dans des manifestations interprétations. Non, les prières n'ont pas spécifiques » ? leur place dans la rue, mais il faut des F.H. : La laïcité, ce n'est pas lieux qui puissent leur être dédiés. Je ne l'indifférence à l'égard des religions. Je vais à toutes veux pas qu'il y ait à l'école, au collège, cette pression qui s'impose, par exemple les invitations qui peuvent m'être faites par tous les . sur les menus des cantines. Il faut dis tinguer l'espace public de l'espace privé. cultes, pour des débats. Dans l'espace privé, la liberté est la règle. Concernant le dîner du Crif, dois-je rappeler que Les élus locaux, de droite comme c'est un gouvernement de de gauche, ont, eux aussi, beaucoup gauche qui l'a inauguré, durant l'exercice de la joué avec la loi de 1905 qui n'est plus responsabilité de Laurent respectée, notamment l'interdiction du financement des cultes contournée par Fabius, Premier ministre ? toutes sortes d'accommodements... L'idée était de permettre F.H. : Je n'aime pas le mot « accommo aux juifs de France d'avoir dement ».Il y a des principes à respecter. un dialogue avec la Répu Que les collectivités facilitent la loca blique et il y avait matière, tion de salles, la mise à disposition de si on se souvient de leurs terrains pour des associations à vocation revendications : la lutte contre l'anti sémitisme, la reconnaissance de ce qui culturelle, c'est possible. Mais attention à ce que cela ne conduise pas à financer s'était passé pendant la guerre. J'y ai des lieux de culte. Je suis pour qu'il y ait toujours été invité en tant que premier des constructions de mosquées, mais pas secrétaire du PS,j'y suis toujours allé ; il avec l'argent public. n'y a aucune raison de changer. Je crois à ce dialogue-là, mais j'y crois tout autant Il y a un domaine où l'on ne voit guère avec les musulmans. Je suis allé plusieurs de différence entre Nicolas Sarkozy fois à la mosquée de Paris pour la rup et vous, et qui vient de s'illustrer ture du jeûne. Si les évêques de France à propos de la loi sur le génocide demandent à me voir, j'irai. arménien et du dîner du Crif. Vous En ce qui concerne la reconnais avez, comme lui, soutenu cette loi sance du génocide arménien, je ne me désapprouvée tant par des historiens détermine pas par rapport au nombre de gauche inquiets pour la liberté de personnes qui relèvent d'une origine de recherche que par de grandes voix ou d'une histoire. La cause arménienne

est défendue par les socialistes français depuis Jean Jaurès et les Arméniens venus en France ont été accueillis par des municipalités plutôt de gauche. François Mitterrand s'était battu pour la recon naissance du génocide et c'est sous Lio nel Jospin, Premier ministre, qu'une loi a été votée. Il fallait la compléter d'une pénalisation de la négation du génocide arménien. Après s'y être opposée en 2006, la droite l'a fait resurgir là, à un moment qui, à mon avis, n'était pas forcément le meilleur, mais moi, j'ai une cohérence, j'ai voté le texte, je le revote aujourd'hui. Cela a été peu relevé, mais vous avez renoué avec un discours de la fierté française abandonné depuis fort longtemps à gauche. « Français : le plus beau nom qu'on puisse donner à un citoyen du monde ! » avez-vous affirmé. Vous avez aussi parlé de « rêve français » dans un discours où le mot « socialisme » était absent. Vous avez préféré celui de « progrès ». « Fierté française » : voilà une expression au mieux passée de mode, au pis réac. Pourquoi y revenez-vous et quel sens lui donnez-vous ? F.H. : Je crois au progrès qui est une valeur de la gauche et de la République. Le socialisme est un pro gressisme : il a confiance dans la science, dans l'évo lution de l'humanité, dans le mouvement de l'histoire. C'est mon projet politique : ne pas me résigner à une forme de déclin inexorable de ce que nous sommes. Je veux réinstaurer l'idée du «rêve français », qui n'est pas un rêve inaccessible puisque c'est un rêve que nous avons réalisé : celui des révolution naires de 1789, des républicains...

« Lesprières n'ontpasleur placedansla rue,maisil faut deslieuxqui puissent leur êtredédiés. Jerefuse qu'il aitàl'école espressions surlesmenus » descantines.

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Le « rêve français », c'est le nouveau « changer la vie » ? F.H. : Non, « changer la vie » a créé une déception... Le rêve français, c'est faire que la vie de demain soit meilleure que la vie d'aujourd'hui. Ce n'est pas un chan gement total, c'est un changement pro gressif. Et « fierté française »n'est pas une expression réactionnaire. A tous ceux >

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> qui veulent être fiers de leurs origines, de leurs parcours, de leurs couleurs, de leurs cultures, je dis que la fierté n'est pas individuelle mais collective : c'est la fierté d'être français. C'est aussi de dire à ceux tentés de voter Front national : ça ne vous ressemble pas, vous méritez mieux, vous avez une histoire, vous avez des valeurs, vous avez des principes qui vous élèvent, et, si vous êtes fiers de vous-mêmes, ne votez pas pour un parti qui ne ressemble pas à votre pays. Notre histoire est aussi faite de périodes de gloire. Jeanne d'Arc ? Cela remonte à un certain temps, et puis je ne suis pas sûr que ce soit l'icône qui corresponde le mieux à leur parcours. Les Fran çais peuvent être fiers de la Révolution française, du surgissement du peuple en 1848, en 1870, du sacrifice de la Première Guerre mon diale, de la Résistance, de la Libération. La fierté, c'est ce qui permet de lutter contre la tentation régressive.

« désormais, le facteur islamique est devenu l'un des éléments du vote à Saint-Denis comme dans de nombreuses autres villes ». Que répondez-vous à cet appel de Jean-Pierre Chevènement à revenir aux fondamentaux républicains de la citoyenneté comme vous l'avez fait pour la laïcité ? F.H. : Les menaces communautaristes existent déjà avant même d'envisager de donner le droit de vote aux étran gers, et il n'y a pas nécessairement de raisons qu'il les amplifie. En définitive, qui serait concerné ? Ceux qui sont installés comme travail leurs depuis longtemps, qui ont fondé une famille, et qui n'auraient d'ailleurs pas le droit de voter pour les élections nationales mais uniquement au plan local. Et distinguons les choses : le droit de vote aux élections locales n'est pas la citoyenneté. C'est la résidentialité. L'Européen qui vit en France, parfois depuis peu de temps, et qui peut voter aux élections locales n'est pas citoyen français. Donner ce droit de vote aux élections locales aux étrangers permettrait à leurs enfants de consi dérer que ce serait enfin une reconnaissance pour leurs parents. Car nous sommes dans ce paradoxe : les enfants nés en France ont la nationalité française et leurs parents, installés depuis plusieurs décennies, ne peuvent même pas voter pour désigner leurs maires !

« Donner ledroit devote auxétrangers permettrait aleursenfants deconsidérer queceserait enfinune reconnaissance pourleurs » parents. Ils peuvent demander

L'invocation de cette citoyenneté française supérieure aux autres va de pair avec l'annonce du droit de vote local aux étrangers (qui rejoint d'ailleurs la position de Marianne). On pourrait dire de cette promesse du PS, répétée mais jamais réalisée depuis plus de trente ans, qu'elle a surtout servi à intervalles réguliers à revivifier le Front national. Il y a une objection plus sérieuse, celle de JeanPierre Chevènement, auquel vous rendez des hommages appuyés. Lui s'y oppose au nom des principes républicains qui ont toujours fait coïncider la citoyenneté et la nationalité : la France étant généreuse en matière de naturalisation, il n'y a, selon lui, pasde raison de changer ce principe. Il ajoute qu'« on peut même se demandersi les résistances à l'intégration n'en sortiraient pas favorisées par la constitution de bastions ethniques ou identitaires à l'opposédes valeurs républicaines ». La récente enquête de l'islamologue Gilles Kepel confirme ces craintes, le chercheur estimant que,

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la nationalité française... F.H. : L'accès à la nationalité n'est pas si facile, et tant mieux. Il obéit à des règles, à des critères qui doivent être les mêmes pour tous. Aujourd'hui, il est plus facile de se faire naturaliser si l'on est un grand sportif que si l'on est un vieux travail leur. Nous devons avoir les mêmes règles pour tous. Et avec des conditions, dont celle de parler français, d'accepter nos usages, de connaître notre histoire. Quelle différence y a-t-il entre « l'immigration intelligente » que vous promettez et « l'immigration choisie » de Nicolas Sarkozy ? Que dénoncez-

vous exactement chez lui : son objectif de maîtrise de l'immigration ou son échec à y parvenir, comme l'a souligné récemment la secrétaire nationale du PS à l'immigration, Sandrine Mazetier, qui relève qu'en 2009 seulement 26 o/odes décisions d'expulsion de clandestins ont débouché sur un véritable retour au pays, contre, selon elle, 60 "/o sous Jospin. Sur ce plan, suivrez-vous Sarkozy ou Jospin ? F.H. : Il y a au moins une avancée dans le débat sur l'immigration : long temps on a parlé d'immigration zéro, puis la droite a fini par admettre que, chaque année, il y avait entre 180 000 et 200 000 nouveaux étrangers sur notre Il y a d'abord ceux qui territoire. viennent au titre de l'asile. Ce sont des règles internationales qui s'imposent à nous. Le vrai problème est le délai entre le dépôt de demande d'asile et la décision de l'accorder ou non. Mon engagement est celui d'une réponse très rapide. Deuxième catégorie : les étudiants. C'est une chance d'avoir des gens d'un niveau élevé qui viennent étu dier et travailler pour nous. J'ai proposé que chaque année nous ayons des dis cussions avec les présidents d'université pour décider au niveau du Parlement d'un objectif. La troisième concerne les regroupements familiaux et les conjoints de Français. Là aussi, il y a des règles européennes, il faut être atten tif à ce qu'il n'y ait ni abus ni fraudes. Enfin, il y a l'immigration économique, c'était cela que Nicolas Sarkozy appe lait «l'immigration choisie». Elle ne porte que sur 30 000 personnes et il voulait la diminuer de moitié. Je propose que, chaque année, au Parlement, il y ait un débat sur l'immigration économique, avec les vrais chiffres provenant des entreprises et que l'on décide en fonc tion des besoins de l'économie et des métiers mal pourvus en France. Nicolas Sarkozy avait commencé en 2007 sur l'immigration choisie, il va finir sur la limitation de l'immigration choisie : incohérence et inconséquence. Voilà les marques de ce quinquennat. Sur l'immigration le clandestine, président sortant veut faire croire que nous serions pour une régulation mas sive des sans-papiers. Vieux schémas, vieilles peurs, vieux fantasmes. Il n'est pas question de régularisation générale. Avec la droite, Il y a 30 000 régularisa tions chaque année avec des règles qui ne sont pas les mêmes pour tous et, là aussi, il y a des situations inextricables, avec des étrangers qui sont en situation irrégulière mais non expulsables. Nous

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Date : 18/02/2012 Pays : FRANCE Page(s) : 16-23 Rubrique : Evénement Diffusion : 291373 Périodicité : Hebdomadaire

aurons à ce sujet des critères sains, pré cis, objectifs, qui tenteront de régler ces questions-là, c'est-à-dire que les régula risations se feront au cas par cas. Vous avez dit que vous n'étiez pas le candidat de l'essuie-glace, qui se contenterait de défaire ce qui a été fait au cours du quinquennat. Quelles sont les réformes engagées par Nicolas Sarkozy qui trouvent grâce à vos yeux ? F.H. : Si je dis trop de bien, on va dire et si je dis que je suis complaisant, trop de mal, on va dire que je suis sec taire ! Prenons quelques cas positifs : la politique de la défense nationale sur laquelle il y a une continuité ; l'auto nomie des universités, le principe sera gardé dès lors qu'il y a une péréqua tion entre les universités ; et puis, bien sûr, la politique de sécurité routière. Sur ce sujet, je pourrais faire assaut de démagogie vu le nombre de gens qui me disent : « j'espère que vous ferez une amnistie, que vous rétablirez des points ! » Il est vrai que cela touche les milieux

populaires, des gens qui sont frappés durement, y compris dans leur travail. Je pourrais me laisser aller à ce type de promesses. Je ne le ferai pas.

s'il y avait eu un progrès, mais quand, en plus, il n'y en a pas ! Le manque de résultats s'ajoute au manque de respect. Ce que je sens donc, c'est ce rejet, mais aussi une volonté de réussir ensemble. Il y a un moment où, dans la dernière Il faut maintenant que je transforme ce désir en disant : «je veux que vous me campagne, Nicolas Sarkozy avait dit : « Cette campagne,je la sens bien. » donniez mandat pour faire mieux. » Mais il y a un doute quant à la possibilité Vous, que ressentez-vous ? d'un changement réel. Ce n'est pas une F.H. : Que les Français veulent le chan suspicion par rapport à moi - je sens gement, et plutôt la solution la plus simple, la plus normale, celle que je de l'indulgence pour l'instant -, mais peux représenter. Ce que je sens en un doute sur la réalité du pouvoir de particulier, c'est qu'ils ne veulent plus la politique. de Nicolas Sarkozy. On me dit : « On vous Je pourrais faire une campagne uni donne mandat pour qu'il ne soit plus là ! » quement contre Nicolas Sarkozy et son Mais je ne peux pas être seulement le bilan, mais ça ne m'intéresse pas, ce dépositaire de ce rejet. Ce rejet du pré serait trop facile. Ce que je dois faire, sident sortant s'explique bien sûr par moi, c'est dépasser ce passé et ce passif. ses résultats, mais, s'il n'y avait que Je ne dois pas être seulement le récep cela, il ne serait pas si fort. Ce qui a tacle de la défiance, mais je dois créer fait surtout problème, c'est le manque le mouvement qui donne confiance. de considération. Pas simplement ce Il faut transformer ce mouvement qu'on a appelé le «président bling-bling », de rejet pour construire l'avenir. mais le sentiment, à tous les niveaux de C'est ma responsabilité, m la société, de ne pas être respecté. Des Propos recueillis par Gérald Andrieu, gens auraient pu, peut-être, l'accepter Eric Conanet NicolasDomenach

A Montreuil,le 28 janvier.«Onmedit : "Je vousdonnemandatpourqueNicolasSarkozynesoitpluslà !" Il fautmaintenantquejetransformecedésirendisant:"Je veuxquevousmedonniezmandatpourfaire mieux."»

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