LA LETTRE DES ELUS SOCIALISTES ET REPUBLICAINS N°263

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Communes Départements & Régions de France

N° 263 - 19 juin 2016

Communes FN SR

Sommaire  En bref - Assistants maternels : bilan de la loi 2010 - Un rapport du Sénat sur la gestion de l'eau  Mandats locaux - L'ambition territoriale : le rapport de Claudy Lebreton au Premier ministre  Education - Ecoles hors contrat : les nouvelles règles de création  Territoires - Les nouvelles régions cherchent leur nom  L'élu de la semaine - Yves-Pascal Renouard

La gauche et la sécurité Le dernier trimestriel de Communes de France est toujours disponible

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ÉDITORIAL, par Frédéric Cuvillier

L'équité territoriale au cœur de l'action

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es annonces du Président de la République lors du 99e Congrès des maires le jeudi 2 juin ont une nouvelle fois confirmé combien l’équité territoriale est au cœur de l’action de gauche. En effet, le principe de péréquation dans les dotations de l’Etat a été réaffirmé comme étant la priorité d’une politique nationale tournée vers les collectivités et visant à une dynamisation de l’investissement public local. Ce même jour, Claudy Lebreton remettait au Premier ministre un rapport intitulé "Une nouvelle ambition territoriale pour la France et l’Europe". Ce rapport est dans la continuité de la réforme territoriale engagée durant le quinquennat. Il ouvre ainsi de nouvelles perspectives dans le défi républicain qui a toujours été le nôtre, depuis Gaston Defferre, de faire progresser davantage une démocratie locale au plus proche des citoyens. Car c’est l’élu local qui a leur confiance, qui est quotidiennement à leur contact et à l’écoute de leurs préoccupations. Au-delà de la réorganisation territoriale qui a été mise en œuvre et qui a eu pour vertu de moderniser et de simplifier l’action publique pour la rendre plus lisible et plus efficace, il convient de continuer de répondre à cette exigence de respect et de confiance envers tous les territoires qui, dans leur diversité et leurs atouts respectifs, sont les forces vives de notre pays. Cela doit passer par une refondation de notre politique d’aménagement territorial. A l’aune de cette nouvelle France industrielle et rurale, consciente notamment de son potentiel de développement et de croissance durable, il s’agit bien de faire confiance à l’intelligence des territoires. Il est nécessaire d’accentuer les méca-

nismes de solidarité pour donner toutes leurs chances aux territoires en souffrance et de permettre une meilleure articulation entre l’Europe, l’Etat et les collectivités. Cela permettra de faire émerger des politiques publiques novatrices et ambitieuses, sources de justice et de progrès, de dynamisme et d’innovation, de richesses et d’emplois. C’est aussi l’enjeu du développement économique des territoires, qui doit être repensé face à la nouvelle organisation territoriale, mais qui est plus que jamais essentiel pour en renforcer l’efficacité de notre action. Les élus socialistes et républicains apportent quotidiennement la preuve qu’ils sont prêts à relever ce grand défi démocratique de l’action locale pour lequel nous devons être pleinement mobilisés. Tel est en effet le véritable rempart au doute et parfois au sentiment d’abandon exprimés par nombre de nos concitoyens qui se sentent éloignés des centres de décisions et à qui nous avons le devoir de redonner confiance en l’action publique et politique. Frédéric Cuvillier, député du Pas-de-Calais, maire de Boulogne-sur-Mer, vice-président de la FNESR

La lettre électronique de Communes de France et de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains 19 juin 2016 - n° 263 - Communes - la lettre 8 bis, rue de Solférino - 75007 Paris • Téléphone 01 42 81 41 36 • Fax 01 48 74 00 78 • redaction@mde-communes-de-france.fr

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Focus  en bref Les maires de France solidaires des forces de sécurité "Suite à l’attentat de Magnanville, les maires de toutes les communes de France sont douloureusement choqués par cet acte terroriste lâche et barbare qui a coûté la vie à un policier et à sa compagne, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur. Ils tiennent à assurer la famille des victimes de leur soutien et de leur solidarité dans cette cruelle épreuve. Les maires de France rendent hommage et saluent à nouveau l’engagement exemplaire des forces de sécurité - police, gendarmerie, armées, polices municipales - qui assurent la protection des populations dans des conditions difficiles, souvent au péril de leur vie. Elles sont l’honneur de notre pays et doivent être pleinement soutenues dans leur tâche périlleuse. L'AMF redit avec force que les maires sont et seront toujours aux côtés de l’État pour assurer la sécurité de nos concitoyens, combattre le fanatisme et faire respecter les valeurs de notre République qui, plus que jamais, doivent rassembler notre Nation". Communiqué de l'Association des maires de France, le 14 juin 2016

La lutte contre les nuisances sonores de certains engins motorisés Les députés ont examiné le 15 juin dernier une proposition de loi qui vise à renforcer la lutte contre la circulation des mini-motos, quads et moto-cross non autorisés sur route et contre les nuisances des engins motorisés plus généralement. Pour Rémi Pauvros, député du Nord et rapporteur de ce projet de loi, « l'objectif de cette loi est double. Elle doit d'une part permettre d'assurer une meilleure protection des citoyens en sanctionnant davantage la circulation des engins non réceptionnés (trottinettes, skateboards électriques, karts et, surtout, quads et mini-motos) et donc, non autorisés à circuler sur route. D'autre part, elle doit donner les outils nécessaires aux forces de l'ordre pour mettre un terme à la circulation de ces engins malheureusement responsables de nombreux accidents, souvent mortels ». Le texte prévoit quatre mesures phares, comme le renforcement de la réglementation actuelle en sanctionnant la circulation d'un véhicule ainsi que de sa confiscation immédiate – actuellement, la loi prévoit la confiscation uniquement en cas de récidive – ou l’harmonisation des sanctions prévues pour la commercialisation d'engins et d'équipements qui ne sont plus conformes aux règles en vigueur. La troisième mesure concerne le défaut d'identification d'un véhicule non soumis à réception et dont la vitesse peut excéder 25 km/h. Actuellement, les propriétaires de ces véhicules sont dans l’obligation de les déclarer, afin de recevoir un numéro d’identification. Or, cette obligation est très peu respectée. Rémi Pauvros propose de sanctionner désormais ceux qui ne respectent pas cette obligation d'une contravention de 5e classe et d'une peine de confiscation du véhicule en cas de récidive. La quatrième mesure concerne directement les nuisances sonores. En effet, la proposition de loi prévoit de sanctionner les propriétaires d’engins qui n’ont pas installé de dispositif d’échappement silencieux. « Notre proposition de loi a été adoptée en commission des lois et a reçu l'aval de tous les acteurs de la filière, nous avons donc bon espoir qu'elle soit adoptée », poursuit Rémi Pauvros, qui rappelle que 20 000 contraventions sont prononcées chaque année. Les maires auront ainsi un pouvoir supplémentaire pour lutter contre les nuisances sonores qui empoisonnent la vie de certains de leurs administrés. J. B.

Maisons d’assistants maternels : un bilan de la loi de 2010 La commission sénatoriale des affaires sociales a récemment publié un rapport dont Michelle Meunier (Loire-Atlantique) est co-auteur sur le développement des maisons d’assistants maternelles (MAM). Ce rapport dresse le bilan de la loi du 9 juin 2010. Mode d’accueil du jeune enfant constitué du regroupement d’assistants maternels au sein d’un local dédié et adapté, les MAM ont connu une forte progression au cours dernières années. On compte aujourd’hui plus de 1 200 MAM qui accueillent quelque 12 000 enfants. Alors que ces structures se sont d’abord développées dans l’ouest de la France, tous les départements sont aujourd’hui concernés, bien qu’on constate de très fortes disparités entre les territoires. Au cours de leurs travaux, les rapporteurs du Sénat ont pu constater que la MAM permet un accueil personnalisé du jeune enfant tout en favorisant son épanouissement au sein d’un petit groupe. Le regroupement permet aussi de favoriser la professionnalisation des assistants maternels par l’échange de bonnes pratiques et change le regard porté sur une activité souvent considérée comme en marge du monde du travail car exercée à domicile. Si ce mode d’accueil forme aujourd’hui une part modeste de l’offre globale, il est appelé à se développer et constitue une réponse adaptée à des besoins locaux, notamment en milieu rural. Il retient donc l’attention des pouvoirs publics au niveau national comme au niveau local, ainsi que l’a montré l’élaboration d’un guide ministériel publié en mars dernier. S’il ne semble pas pertinent d’imposer de nouvelles normes qui pourraient plus apparaître comme des contraintes que des garanties, il est nécessaire d’accompagner et d’orienter les porteurs de projet afin de promouvoir un accueil sécurisé et de qualité tout en intégrant les MAM dans une réponse globale et territoriale à la question de l’accueil du jeune enfant, estiment en résumé les rapporteurs du Sénat. 2 Communes - la lettre - n° 263 - 19 juin 2016


Focus  en bref Filière bois : un pas de plus vers la ville durable La filière bois connaît une accélération grâce à la construction de la ville durable. L’utilisation de matériaux bio-sourcés dans la construction et l’exploitation durable des forêts françaises sont au cœur de la stratégie nationale bas-carbone adoptée en novembre 2015 par le gouvernement. Le logement et l’urbanisme sont des leviers d’actions importants pour agir en faveur du climat. Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable, et Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, ont lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) "Immeuble à vivre bois" le 7 juin dernier. Cet appel a pour objectif d’identifier des sites dédiés à la construction bois, pilier de la ville durable. L’usage du bois dans la construction est de plus en plus sollicité. L’appel souhaite promouvoir la construction d’immeubles de 10 étages et plus. Les collectivités et les maîtres d’ouvrage souhaitant s’investir dans ce type de projets vont pouvoir bénéficier d’un appui technique. Cette démarche d’accompagnement s’inscrit dans le cadre de la solution "Villes durables" de la Nouvelle France Industrielle. L’expertise technique se fera avec l’appui d’ADIVbois et du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA). Elle bénéficie également du financement du programme d‘investissement d’avenir. « Cette plus forte intégration du bois aux démarches de la ville durable, contribuera à donner aux acteurs de la construction bois la visibilité nécessaire pour leur permettre d’investir dans l’innovation », précise Emmanuelle Cosse. Paris, Strasbourg et St-Étienne ont déjà manifesté leur intérêt pour cette démarche. Les candidatures sont à déposer avant le 9 septembre 2016. « Cet appel à manifestation d’intérêt marque un tournant dans le développement de la construction bois que je souhaite promouvoir dans les opérations d’aménagement et d’urbanisme et la nouvelle génération d’écoquartiers que je veux initier. Une filière bois durable et profitable se construit avec l’implication de tous les acteurs et la bonne gestion des ressources naturelles en tête », ajoute la ministre. J. B.

Urgence déclarée pour la gestion de l’eau Jean-Jacques Lozach, sénateur de la Creuse, a co-publié au nom de la délégation à la prospective un rapport d’information intitulé : "Eau : urgence déclarée". « Il y a un risque de pénurie d'eau avéré dans l’Hexagone », précise Jean-Jacques Lozach. La gestion de la ressource en eau est une préoccupation nécessaire dans un contexte de dérèglement climatique. Ses conséquences sur la ressource en eau doivent être anticipées. Le constat ainsi que les préconisations sont déjà connus : par exemple réduire les fuites des réseaux d'eau potable ou changer les pratiques agricoles ou les variétés plantées. Le rapport préconise également la dessalinisation de l'eau de mer ou la réalimentation des nappes phréatiques. Les moyens technologiques existent mais les coûts d’utilisations sont encore très élevés. Le rapport préconise la décentralisation de la gestion de l’eau par la création d'organismes organisés par bassins ou sous-bassins pour gérer la ressource au plus près des territoires. Avec la constitution de réserves de proximité, les auteurs du rapport souhaitent donner plus de place aux acteurs locaux dans la gouvernance de l’eau. Les outils, tels que la Gemapi ou les projets de territoires, sont ainsi à renforcer. D’autres pistes sont évoquées comme l’amélioration de l’état des réseaux de distribution dont la ressource s’échappe dans la nature à hauteur de 20 à 25 % et la collecte des eaux pluviales. J. B.

Référendum local pour l’aéroport de Notre-Dame des Landes La Commission nationale du débat public (CNDP) a présenté le 9 juin le site d’information sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame des Landes. Ce référendum local concerne les habitants de la Loire-Atlantique. Le 26 juin prochain, près d’un million d’électeurs seront donc invités à répondre à la question : « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » Cette consultation a uniquement valeur d’avis. Annoncée le 11 février dernier par François Hollande, elle a pour objectif de sortir du blocage. Les contestations sont nombreuses et multiples, que ce soit par l’occupation sur le terrain ou par des recours devant les tribunaux. Ce procédé a été rendu possible après la publication d'une ordonnance et d'un décret, mais il se différencie d’une campagne électorale dans son organisation : pas de campagne officielle, pas de remboursement des frais engagés et pas de commission de contrôle pour veiller au bon déroulement du vote dans chacun des 1 051 bureaux. Le gouvernement a choisi d’informer les électeurs, notamment grâce à la mise en ligne du texte complet relatif au transfert de l’aéroport, ainsi qu’une version synthétisée, comme le prévoit l’ordonnance qui organise les modalités de ce référendum. Ce dossier doit comprendre « un document de synthèse présentant de façon claire et objective le projet, ses motifs, ses caractéristiques, l’état d’avancement des procédures, ses impacts sur l’environnement et les autres effets qui en sont attendus ». Le dossier est également disponible dans les mairies du département. J. B. 19 juin 2016 - n° 263 - Communes - la lettre 3


Focus  territoires

L’ambition territoriale du rapport Lebreton Entretien avec Claudy Lebreton, ancien président de l’Assemblée des départements de France, qui a remis le 2 juin à Manuel Valls le rapport qu’il lui avait demandé en vue de « renforcer et réinventer les relations Etat-territoriales » en matière d’aménagement du territoire

Communes de France. Entre mondialisation et numérisation, la notion d’aménagement du territoire a-t-elle encore un sens ? Claudy Lebreton. Oui, elle en a un et elle ne doit pas être déconnectée de ces réalités. Il faut combiner les aménagements et les développements des territoires. Une société du "co" apparaît : collaboration, co-construction, covoiturage, co-recyclage, co-working, coopération, mutualisation… Il ne faut plus penser qu’en termes d’investissements régionaux ou nationaux ou que dans le périmètre de l’action publique. Pas question pour autant de s’en tenir à un État minimaliste spectateur. Il faut travailler à ce qui fait unité et écrire un récit républicain. Il faut aussi être porteur d’une part de rêve, avoir une vision planimétrique et passer en 4D, passer du je au nous. La haute administration est encore sur un modèle ancien, vertical, avec la culture du chef. Si la décentralisation a réussi, notamment grâce à la création de la fonction publique territoriale et un réel effet de souffle, on ne peut pas en dire autant de la déconcentration de l’État. Nous sommes dans une nouvelle étape, avec les grandes régions, les nouvelles intercommunalités, les communes nouvelles, la clarification des compétences… Cela ne se voit pas encore, mais le bouleversement est énorme. C’est une réforme fondamentale qui fait le choix de confier les responsabilités aux élus, mais qui pâtit d’une approche "techno", dont le sens n’a pas été donné. Ce qui est en jeu, c’est le développement territorial, la dynamisation de la démocratie et la lutte pour l’emploi. Qui sont les décideurs en matière d’aménagement aujourd’hui ? C’est vous et moi, c’est le citoyen. Celui qui a la capacité individuelle et collective d’entreprendre. Cela implique le mou-

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vement social, syndical, associatif, tous ceux qui développent des territoires de vie. Bien sûr, l’État, les collectivités territoriales et les grands services publics, mais aussi les entreprises. Le tissu des PME, TPE est un aménageur décisif. Il y a une pluralité de décideurs, il faut les mettre en mouvement à partir d’un récit et le traduire en actions. La difficulté est d’enraciner quelque chose de l’ordre de l’idéal dans nos territoires, avec ses institutions, ses procédures, ses règles administratives, sans oublier le rôle clé de l’Éducation nationale dans l’invention du changement. Il faut rendre toute sa puissance à l’autorité publique et donc de vraies politiques publiques décidées par les élus et mises en œuvre par les administrations. Quelles sont les conditions d’un bon dialogue stratégique entre l’État et les collectivités territoriales ? Certainement un changement des mentalités pour acquérir de bonnes habitudes en incitant à construire des projets communs. Plus aucune politique nationale n’est possible sans le concours des collectivités locales. Les ministres doivent être en dialogue permanent avec les élus locaux. Je propose pour cela un Conseil des collectivités de France, sur le modèle européen du Conseil des régions. Il donnerait des avis et aurait un droit d’initiative. Son président pourrait s’exprimer au nom des collectivités. Car il nous faut anticiper l’entrée en vigueur de la loi sur le non-cumul des mandats. Nous proposons également un vice-premier ministre en charge des territoires et de la démocratie et une loi de finances distincte pour les finances locales. Où se situe le moteur : dans les métropoles ou les régions ? C’est en effet à ces niveaux que cela va se passer, mais l’espace départemental est un bon niveau d’action lisible. Il combine le mieux espace urbain et espace rural. C’est une sorte de grande intercommu-


Focus 

nalité qui a sa pertinence. Mais le vrai moteur, ce sont les territoires de France, ici une métropole, là une région, ailleurs une interco. On se donne la compétence à l’échelle d’un bassin de vie, on se donne un projet. Il n’y a pas de territoires perdus, il n’y a que des territoires sans projets. En zone rurale, le premier sursaut est de repenser le modèle de développement agricole. Le numérique et l’ubérisation remettent en perspective des questions de base. Le service public ne doit pas être un spectateur passif. Il faut mettre les données en perspectives, anticiper les besoins, ne pas perdre de vue l’objectif de justice sociale. Comment le changement climatique modifie-t-il la donne ? Le défi de la préservation de l’environnement oblige à repenser toutes les activités humaines. De la mairie à l’Europe, les élus sont en première ligne. Urbanisme, logement, transports, politique de la ville, déchets, santé, la question climatique interfère de façon plus ou moins forte. La ville du futur est à repenser en créant des communautés de vie, en rapprochant l’emploi. Pourquoi les réflexions proprement territoriales inspirent si peu l’action publique ? Il n’y a pas de réflexion sur le monde qui vient. Les inventeurs et défricheurs sont

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exceptions. La formation des élus est un échec. Aujourd’hui, nous avons des gestionnaires de la dépense publique, or nous avons à construire une société de l’engagement sur des valeurs, réorganiser la vie communautaire, limiter l’ubérisation. Si elle ne sert à rien, la commune verra son existence remise en cause à l’avenir. Dans votre rapport, vous abordez longuement la question de la démocratie. Pourquoi ? La concertation doit être permanente dans la commune, de même dans l’entreprise. Il faut aller vers plus de liberté, plus de responsabilité, plus de démocratie dans tous les lieux de vie. Quelles suites espérez-vous à votre rapport ? Cela appartient maintenant au Premier ministre. L’idéal serait d’avoir un retour du gouvernement dans les six mois. Ce n’est pas un rapport pour faire un rapport, c’est pour être utile à la communauté, aux citoyens. Nous avons une obligation de résultat. Propos recueillis par François Descamps "Une nouvelle ambition territoriale pour la France en Europe". Rapport de Claudy Lebreton. Juin 2016 19 juin 2016 - n° 263 - Communes - la lettre 5


Focus  territoires

Et ta Région, elle s’appelle comment ? Où en sont les nouvelles Régions dans la recherche de leur nom ? Chacune a eu son calendrier et sa méthode, comme autant de cas d’école

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our elle, c’était simple : la première "nouvelle région" à avoir connu son nom, c’est… la Normandie ! Basse et Haute ont été vite oubliées. À tel point que ce nom figure dans la loi du 16 janvier 2015 créant les nouvelles délimitations. À noter que la même loi rebaptise la Région Centre en Centre-Val-de-Loire, sans changement de périmètre. L’affaire a été pliée en deux mois et demi pour le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Xavier Bertrand, président de la Région, a d’abord interrogé les lycéens et apprentis. 150 établissements ont répondu selon le Conseil régional. Parmi leurs propositions, l’exécutif a retenu trois noms : Nord-de-France, Terres-du-Nord ou Hauts-de-France. Dans une consultation expresse – trois jours ! – sur internet, 55 000 votes ont validé Hautsde-France, adopté le 14 mars par les élus. Quatre jours plus tard, Bourgogne-Franche-Comté décidait de ne pas changer de nom. Marie-Guite Dufay avait fait le choix d’interroger les habitants par internet sur ce maintien. 11 461 personnes ont participé soumettant parfois d'autres propositions comme Burgondie, Franche-Bourgogne ou même Séquanie. 71 % ont préféré ne rien changer : « le naturel l’a emporté », a estimé la présidente. La Région Auvergne-Rhône-Alpes a abouti au même constat. Une consultation des lycéens n’a pas apporté de solution convaincante : 4 500 jeunes ont inventé des acronymes, AURA ou ARA, mais aussi Rhôvergne, Aurhalpes… Là aussi, deux semaines de consultation en ligne ont permis à 30 000 participants de faire preuve de créativité. Au final, Laurent Wauquiez a tranché en faveur de la continuité. 6 Communes - la lettre - n° 263 - 19 juin 2016

Hauts de France Normandie Grand Est

Bourgogne Franche-Comté

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Auvergne Rhone-Alpes

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C’est en Alsace Champagne-Ardenne Lorraine que – jusqu’ici – le plus grand nombre de citoyens ont été associés au choix du nom : 288 914 participations ont été enregistrées. Philippe Richert a d’abord sollicité un collège d’experts, renforcé par des élus et citoyens tirés au sort. Ces 60 "sages" ont identifié trois noms : Acalie, Rhin-Champagne et Nouvelle Austrasie. 48 heures après leur publication, face à une opinion dubitative, l’exécutif décidait d’ajouter "Grand Est", pourtant écarté par les sages. La consultation menée du 14 mars au 1er avril a donné plus de 75 % des clics à Grand Est, confirmé par les élus le 29 avril. Mais, comme dans les Hauts-de-France, pour "préserver les identités", la Région gardera dans sa communication l’intitulé des anciennes Régions. Des choix guère assumés, donc… On saura le 20 juin quel nom les élus du Sud-Ouest retiendront pour Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. Alain Rousset a appelé ses concitoyens à faire des propositions sur internet. Plus de 40 000 se sont prêtés à l’exercice. Un comité de 10 élus et 12 experts, présidé par l’historienne Anne-Marie Cocula, les examine et a animé des réunions publiques dans tous les départements. Grande Aquitaine ? Nouvelle Aquitaine ? "Aliénor" ?

Le terme Atlantique pourrait également être retenu, d’une façon ou d’une autre. Les élus choisiront le 20 juin.

Processus complexe Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sera la dernière, le 24  juin, à révéler son choix, au terme d’un processus qui est certainement le plus sophistiqué de France ! Carole Delga a tout d’abord interrogé plus de 5  000 personnalités – maires, artistes, entrepreneurs, associatifs, etc. – pour recueillir des propositions. 34  000 internautes ont également exprimé leurs idées. Plus de 90 noms ont alors été soumis à un Comité du nom de 35 experts, parmi lesquels un seul élu : l’ancien président de Midi-Pyrénées, Martin Malvy. Ce comité a retenu 8 noms. Sur cette base, les élus ont choisi 5 propositions – Languedoc, Languedoc-Pyrénées, Occitanie, Occitanie-Pays Catalan et Pyrénées-Méditerranée – soumises à consultation citoyenne. Afin d’empêcher (ou limiter ?) les tricheries, le processus est complexe : en ligne, il fallait utiliser un lien reçu par mail, puis valider son vote par un code obtenu par téléphone portable ! Si on participait sur bulletin papier, un numéro de téléphone portable était aussi requis pour recouper avec les numéros enregistrés sur le site internet. Vous avez dit usine à gaz ? D’autant qu’il ne s’agit pas seulement de choisir un nom, mais de tous les classer, par ordre de préférence. Le score de 164 826 internautes qui avaient validé leur choix le 10 juin est un exploit après tant d’obstacles. Et plus de 51 000 bulletins papier sont arrivés à la même date. Bilan définitif le 24 juin. Fin juin, toutes les Régions auront un nom… qu’un décret en Conseil d’État devra confirmer avant le 1er octobre. Thierry Pourreyron


Focus  education

Ecoles hors contrat : changement de régime Najat Vallaud-Belkacem l'a annoncé récemment. Les établissements scolaires hors contrat vont bientôt changer de régime quant à leur création. Les maires, très directement concernés par ces mesures, devraient ainsi disposer de davantage de garantie quant à l'enseignement délivré par ces écoles. Entretien avec Céline Rigo, secrétaire générale du Comité national d'action laïque (CNAL) (1) et secrétaire nationale du SE-Unsa Communes de France. Que pensez vous de la décision ministérielle sur le régime d'autorisation des créations d'établissements scolaires hors contrat ? Céline Rigo. C’est évidemment une bonne décision. Actuellement, on peut ouvrir une école plus rapidement qu’un débit de boissons ! Il est normal que l’Etat se donne les moyens de vérifier qui enseigne à près de 60 000 enfants de la République et quel contenu on leur inculque. Si elles n’ont pas révélé de phénomènes de radicalisation, les inspections réalisées dans des écoles hors contrat en 2015 (dont 20 inspections inopinées dans des établissements signalés) ont montré des "lacunes pédagogiques préoccupantes". Au moins 5 écoles seront fermées par la justice. Cela tient au fait que jusqu’à présent, l’ouverture d’écoles privées hors contrat se faisait sur simple déclaration, avec possibilité d’opposition de la mairie dans un

délai d’une semaine et l’administration (préfecture, inspection académique) dans un délai d’un mois. En cas de problème, le seul moyen de fermer une école était le tribunal correctionnel. A compter de la rentrée prochaine, on passera à un régime d’autorisation a priori, avec un délai de réponse de 4 mois de la part de l’Etat. Pour une ouverture en septembre, les dossiers devront donc être déposés en avril. L’objectif est à la fois de s’assurer de la qualité de l’enseignement dispensé au regard des attendus du socle commun et de garantir une éducation dans le respect des valeurs de la République.

Comment analysez-vous la réaction hostile des organisations confessionnelles face à cette décision ? Sans surprise, l’enseignement catholique a contesté cette mesure au nom de la liberté d’enseignement. Je ne comprends pas cette attitude. On n’est plus à l’époque du projet Savary de nationalisation de l’enseignement privé. Ce sont surtout les écoles fondées par des mouvements intégristes qui sont visées et rien ne vient mettre en cause le ca-

Une avancée pour la neutralité dans les entreprises Dans le cadre du débat sur le projet de loi Travail, le Sénat a adopté à l'unanimité moins l'abstention du PC un amendement sur la neutralité en entreprise. Proposé par Françoise Laborde (PRG, Haute-Garonne), l'article additionnel au Code du travail permet ainsi de consolider le choix d'entreprises qui adopteraient des chartes de la laïcité, telle que l'avait fait l'entreprise Paprec par exemple. Nicole Bricq et Marie-Noëlle Lienemann ont soutenu l'initiative de leur collègue tandis que la ministre Myriam El Khomri a exprimé l'accord du gouvernement. Président du groupe PS, Didier Guillaume a jugé cet amendement « essentiel à la République. Faisons claquer au vent le drapeau de la laïcité », a-t-il conclu.

ractère propre de l’enseignement privé confessionnel. Les écoles qui rempliront les critères de qualité d’enseignement et de moralité prévus par la loi pourront toujours, comme c’est le cas actuellement, conclure un contrat avec l’Etat au bout de cinq ans. De fait, ce qui ennuie les religieux, c’est le contrôle renforcé sur les classes hors contrat des écoles sous contrat, celles qui leur permettent par exemple de maintenir des classes bilangues pour concurrencer les établissements publics qui appliquent la réforme du collège. Par ailleurs, le CNAL est, avec d'autres associations laïques, mobilisé pour que prenne fin l'obligation de l'enseignement religieux en Alsace-Moselle. Des instructions ministérielles ont été données. Où en est le dossier ? Le ministère de l’Education nationale a donné consigne aux recteurs de deux académies concernées d’organiser des consultations avec tous les acteurs en juin. Puisqu’il s’agit seulement de sortir l’enseignement religieux des 24 heures obligatoires à l’école publique par voie réglementaire sans toucher au statut scolaire, nous ne comprenons pas pourquoi la procédure est aussi lente. Nous savons déjà que l’enseignement religieux ne pourra pas être rendu optionnel à la rentrée 2016 comme nous ne l'espérions. Propos recueillis par Philippe Foussier Le Comité national d’action laïque regroupe la FCPE, la Fédération des DDEN, la Ligue de l’enseignement, Unsa Education et le SE-Unsa (1)

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L'élu de la semaine  yves-pascal renouard

En terre de mission Neveu d'André Diligent, ancien sénateur-maire de Roubaix, Yves-Pascal Renouard est conseiller municipal et communautaire de Cambrai. Il se définit comme un homme politique social-démocrate aux inspirations multiples

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’est à Roubaix qu'Yves-Pascal Renouard a commencé sa carrière politique, à l'époque sous l'étiquette du Centre des démocrates sociaux. «  Je viens du centregauche. Mon oncle André Diligent, ancien commissaire adjoint du gouvernement provisoire en charge de l’information, m’a très tôt transmis l’envie de m’engager pour la chose publique ». Yves-Pascal Renouard se forme tout naturellement auprès de son oncle, qu'il qualifie de "contestataire". À 23 ans, Yves-Pascal Renouard est élu sur la liste de son oncle lors des municipales de 1983, il entre à la mairie de Roubaix en tant qu’adjoint. Il est aussi élu à la Communauté urbaine de Lille. « J’étais le benjamin, j’y croisais des pointures de la vie politique locale et nationale et c’était pour moi important de les découvrir et d’apprendre à leurs côtés. Il fallait faire vite et bien », se souvient Yves-Pascal Renouard. Il restera adjoint jusqu’en 1995. En 1994, André Diligent qui souhaite passer le relais se tourne vers celui qui était à l'époque son 1er adjoint : René Vandierendonck, qui deviendra sénateur socialiste en 2011. Lors des municipales de 1995, Yves-Pascal Renouard contribuera à la réélection de René Vandierendonck, en maintenant la liste qu'il avait conduite, au second tour. Il siégera alors comme conseiller municipal, jusqu’en 2008. « Même si j’avais un temps décidé de ne plus être élu, ma fille me rappelle que lorsque l’on est né dedans, on ne quitte jamais la vie politique », confie-t-il.

Du centre-gauche au PS C’est au gré de diverses rencontres qu’Yves-Pascal Renouard affine ses choix politiques qui le conduisent de plus en plus à se rapprocher du PS. Il l'avoue,

Patrick Kanner, actuel ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et Gilles Pargneaux, eurodéputé, ne sont pas pour rien dans sa "mutation" et le choix de sa nouvelle terre de mission à Cambrai. « J’ai eu la chance de croiser la route de Patrick Kanner dans les années 1980, lorsqu’il était directeur du Comité d’action sociale. C’est un homme avisé, intelligent et concret. Il était déjà à l’époque très engagé dans la lutte contre l’exclusion », explique-t-il. Depuis 2002, Yves-Pascal Renouard s’est investi dans les campagnes électorales conduites par le PS en apportant son soutien aux différents candidats sur le territoire. C'est en 2013 qu'il prend officiellement sa carte au PS. Même si Yves-Pascal Renouard n’est pas natif de Cambrai, il s’est efforcé de devenir Cambrésien. Il s’est définitivement établi dans la ville, il y a même implanté son cabinet spécialisé dans l’ingénierie publique.

Un nouveau souffle En 2014, on lui propose d’être la tête de liste PS aux élections municipales. « Je suis fier de m’engager dans un territoire où Pierre Mauroy a fait ses premières armes. J’ai également promis d’y rester malgré une défaite annoncée », déclare celui qui est également lieutenant-colonel de la réserve citoyenne de la gendarmerie nationale. Sa liste n’était pas uniquement socialiste : elle regroupait aussi des écologistes et pour moitié des personnes issues de la société civile. Il est le seul élu socialiste à

siéger dans ce bastion de droite : « Être dans l’opposition à Cambrai, c’est se battre au quotidien contre une féodalité conservatrice bien en place. Il m’est arrivé de devoir saisir le tribunal administratif pour que le maire respecte les droits de l’opposition », précise Yves-Pascal Renouard. Son opposition, il la mène au quotidien, il s’efforce qu'elle soit critique et constructive. Pour lui, « Cambrai n’a pas les élus qu’elle mérite. Il y a trop peu d’actions politiques menées, alors que 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. La mairie et la Communauté d’agglomération sont en surendettement constant et ce, sans que la situation n’évolue positivement ». Pour Yves-Pascal Renouard, deux projets prioritaires pourraient apporter un nouveau souffle au Cambrésis, le réaménagement de l’ancienne base aérienne 103 en "e-valley", plateforme de valorisation des biens via le net, et le canal Seine Nord, avec sa plateforme multimodale. « J’ai proposé la création d’une maison du projet Seine Nord pour accompagner son bon déroulement. Les travaux débutent et rien n’est encore prévu pour la mise en avant de la plate-forme multimodale. C’est aberrant de ne pas utiliser cet outil, martèle-t-il. Je fais tout mon possible pour mener la gauche, pour avoir une équipe au service du territoire, assure Yves-Pascal Renouard. J’aiderai de toutes mes forces celui ou celle qui sera désigné par le PS pour les prochaines élections législatives ». Julien Bossu

Gérant - Directeur de la publication : Nicolas Soret - Rédacteur en chef : Philippe Foussier - Conception réalisation : Brigitte Bossu Photos : D.R. - Ont participé à ce numéro  : Julien Bossu - François Descamps - Thierry Pourreyron


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