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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS
le français dans le monde
// MÉTIER //
N° 379 JANVIER-FÉVRIER 2012
Un labo pour l’autonomie au Japon
// ÉPOQUE //
Le regard persan de Marjane Satrapi
DOSSIER L’amour sur le bout de la langue
Le Cambodge revient au Théâtre du Soleil // MÉMO //
Corneille, un musicien entre Rwanda et Québec
JANVIER-FÉVRIER 2012
Les secrets d’Alger de Boualem Sansal
N°379
// DOSSIER //
FIPF
-
www.fdlm.org
13 €
ISSN 0015-9395 ISBN 978 978-2-090-37068-3 2 090 37072-0
États-Unis : étudiants et écoliers partagent le français
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Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org
numéro 379
Sommaire
Métier / Expérience
Les fiches pédagogiques à télécharger ● Tendance :
Chut, s’il vous plaît ! ● Économie :
2. Anniversaire États généraux de la promotion du français 50 ans du Français dans le monde : le FLE en fête !
ÉPOQUE 6. Portrait Le regard persan de Marjane Satrapi
8. Tendance Chut, s’il vous plaît !
9. Sport
Abécédaire d’une crise ● Festival :
Un projet d’apprentissage au service de la communauté éducative
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Des fourneaux haut débit ● Une journée dans la vie de… :
Hélène, graphiste
fiches pédagogiques à télécharger sur : www.fdlm.org
● Clés : La notion d’interaction (2) ● Nouvelle : « Odette Toulemonde » ● Tests et jeux
Dossier
Novak Djokovic : champion, mais patriote avant tout
10. Économie Petit abécédaire d’une crise
12. Regard « La culture est faite de traditions »
14. Festival Des fourneaux haut débit
L’amour sur le bout de la langue Entretien « Le couple reste toujours valorisé » .................................48 Reportage Les liaisons verbeuses.....................................................50 Décryptage Figures d’un discours amoureux...................................52 Enquête Un homme, une femme, une langue ..................................54
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15. Évènement MÉMO 58. À écouter
Le Cambodge revient au Théâtre du Soleil
16. Une journée dans la vie de…
30. Savoir-faire
Hélène, graphiste
Technologies et francophonie pour les plus jeunes apprenants
MÉTIER 20. Actu Journées pédagogiques du groupement FLE Colloque : français contemporain et politiques linguistiques
60. À lire 64. À voir
32. Expérience Un projet d’apprentissage au service de la communauté éducative
INTERLUDES 4. Graphe Caprice
34. Reportage 22. Focus
Civisme et engagement : sur la route de Jack
S’approprier la perspective actionnelle en classe
16. Poésie Poésies de circonstance
36. Initiative
Couverture : © Shutterstock
24. Mot à mot
« Un semestre en France », une initiative gagnant-gagnant
42. Nouvelle
Dites-moi Professeur
26. Clés
38. Innovation
56. BD
La notion d’interaction (2)
Le Labo, un outil pour l’autonomie
Brahim Raïs : « Le cri »
28. Zoom
40. Ressources
66. Jeux
Faire la fête en classe
Vous pouvez répéter, s’il vous plaît ?
Carnavals du monde
Éric-Emmanuel Schmitt : « Odette Toulemonde »
Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des Professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75 013 Paris Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Rédacteur en chef Sébastien Langevin Conseiller de la rédaction Jacques Pécheur (Institut français) Relecture/correction Marie-Lou Morin Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique miz’enpage - www.mizenpage.com – Commission paritaire : 0412T81661. 51e année. Comité de rédaction Dominique Abry, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale de Schuyter Hualpa, Sébastien Langevin, Chantal Parpette, Manuela Pinto, Nathalie Spanghero-Gaillard. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Marc Berthon (MAEE), Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale de Schuyter Hualpa (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Jacques Pécheur (Institut français), Nadine Prost (MEN), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
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États généraux de la promotion du français //
© Frédéric de La Mure / Ministère des Affaires étrangères et européennes
Amin Maalouf, Alain Juppé et Abdou Diouf.
19-20 octobre : deux journées pour dresser un bilan et tracer des perspectives ; le temps de donner une nouvelle feuille de route à la promotion du français.
La langue française 75
à la croisée des chemins
États qui se réclament du club francophone. Première langue maternelle en Europe par le jeu de la démographie, à l’horizon 2025. Jusque-là tout va bien… Mais à y regarder de plus près, chacun a aussi pointé les lacunes : en dépit de son statut, un recul de sa pratique dans les organisations internationales et surtout européennes ; une place concurrencée dans les systèmes éducatifs où elle est enseignée ; un poids relatif comme langue des échanges scientifiques et économiques. Voilà pour le constat ou le bilan. Restaient à dégager les perspectives… Géostratégiques, dans lesquelles la Francophonie est toujours plus appelée à jouer un rôle de premier plan. Géopolitiques, où l’Europe demeure
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une priorité, où les pays émergents et prescripteurs en deviennent une. Géoculturelles, où la revendication de la diversité et l’éloge du pluralisme font de la langue française ce qu’elle a toujours été : un vecteur de liberté et de progrès. Le français dans le monde, dont le cinquantenaire, grâce à la générosité de son éditeur CLE International, a aussi été fêté à l’occasion de cette manifestation, ne s’appellerait sans doute pas ainsi si la promotion du français n’était pas, depuis plus d’un demi-siècle, une des composantes majeures de la diplomatie culturelle de la France. État des lieux et priorités stratégiques Piqûre de rappel heureuse donc que ces deux journées consacrées à la promotion et à la diffusion de la langue française dans le monde.
La promotion du français est, depuis plus d’un demisiècle, une des composantes majeures de la diplomatie culturelle de la France. Deux journées en forme d’états généraux ouverts par Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et européennes, et conclus par Xavier Darcos, président de l’Institut français. Deux journées pendant lesquelles l’État, ici le Quai-d’Orsay, mais aussi les ministères concernés, les grands opérateurs publics dont bien sûr l’Institut français, le nouvel opérateur du MAEE, sans oublier les partenaires institutionnels, les scientifiques, les représentants du monde économique, culturel et médiatique ont à la fois dressé un état des lieux et proposé des priorités stratégiques
pour la politique du français et ses nouveaux enjeux. Un état des lieux : là, les chiffres n’ont pas manqué. 220 millions de francophones, 500 millions à l’horizon 2050, l’émergence avec l’Afrique d’un acteur francophone majeur, 29 États où le français a le statut de langue officielle, 120 millions d’apprenants, 2,2 millions d’élèves dans les sections bilingues, un réseau de 130 Instituts, 900 Alliances françaises et 480 établissements scolaires. Les nouveaux enjeux : Internet, les technologies numériques et les réseaux ; la place du français dans les organisations internationales et européennes ; la capacité à produire et promouvoir des idées et à se placer dans la bataille du soft power ; l’attractivité du système universitaire français et bien sûr la dynamique de l’espace francophone. Vaste chantier. ■ S. L.
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
Le temps d’une journée, tous les proches du Français dans le monde se sont retrouvés à l’initiative de la FIPF pour fêter le demi-siècle de la revue. Hommages, conférences et tables rondes se sont succédé le 25 novembre au CIEP pour évoquer ces cinquante années passées et envisager les cinquante ans à venir. Photos de famille.
Près de 150 personnalités du français langue étrangère ont fêté l’anniversaire du Français dans le monde le 25 novembre 2011 au CIEP, à Sèvres.
© Photos Léo Paul Ride t
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50 ans du Français dans le monde:
le FLE en fête ! Sébastien Langevin, rédacteur en chef du Français dans le monde, avec Jean-Luc Wollensack et Jean-Pierre Cuq.
Jean-Marie Gautherot, ancien rédacteur en chef de la revue.
Lors de la conférence inaugurale, Daniel Coste a rendu hommage à André Reboullet, fondateur et premier rédacteur en chef de la revue.
Kidi Bebey, rédactrice en chef de Francophonies du Sud.
Françoise Ploquin et Jacques Pécheur, anciens rédacteurs en chef du Français dans le monde.
Des cadres associatifs venus du Bénin, de Roumanie, de Belgique, du Québec, du Sénégal, de Pologne, de Albanie ou de Grèce étaient présents.
À la tribune, François Perret (CIEP), Jean-Marc Berthon (ministère français des Affaires étrangères et européennes), JeanPierre Cuq (FIPF), Chantal Manes (ministère français de l’Éducation nationale) et Jean-Luc Wollensack (CLE International) ont ouvert la journée de célébration.
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interlude // « Jamais ne sera écrite la généalogie véritable de chaque humain, tissée de détours inouïs, fruit des hasards, des caprices ou des passions. » Benoîte Groult, La Touche étoile
« Les grands écrivains n'ont jamais été faits pour subir la loi des grammairiens, mais pour imposer la leur et non pas seulement leur volonté, mais leur caprice. » Paul Claudel, Positions et propositions
Caprice « Et elle murmure sans fin dans l'incompréhensible des feuilles, dans les caprices incompréhensibles des brises, dans l'existence incompréhensible des oiseaux et dans celle, incompréhensible, des fruits. »
© Laurent Hamels/PhotoAlto/Corbis
Pascal Quignard, Le Salon du Wurtemberg
Le “plus” audio sur www.fdlm.org espace abonnés
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<< Ce qui entraîne l'injustice, c'est le caprice. >> Claire Martin, Dans un gant de fer Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
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« La mort est aussi soudaine dans ses caprices qu'une courtisane l'est dans ses dédains, mais plus fidèle, elle n'a jamais trompé personne. » Honoré de Balzac, L'Élixir de longue vie
« Aimer, c'est accorder à l'autre, de notre plein gré, les pleins pouvoirs sur nous, se rendre dépendant de ses caprices, se mettre sous la coupe d'un despote aussi fantasque que charmant. » Pascal Bruckner, La Tentation de l'innocence
<< Et souvent, c'est l'effet des caprices du sort, qu'au milieu des écueils on rencontre le port. >> Corneille, Le Geôlier de soi-même
« Il y a les très beaux et les très laids. Quant à la peau et ses histoires de couleurs, ce sont des caprices de la géographie, rien de plus. » Daniel Pennac, La Petite Marchande de prose
« J'ai toujours eu horreur d'obéir : les voyages me tentaient il est vrai, mais je sentais que je ne les aimerais que seul en suivant mes volontés et mes caprices. » Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
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époque // Portrait © Alix William/Sipa
Marjane Satrapi, lors de l’avantpremière de Poulet aux prunes, deuxième adaptation au cinéma d’une de ses œuvres graphiques.
Dans Persepolis, la bande dessinée et le film, elle racontait sa jeunesse en Iran dans les années 1980. Marjane Satrapi revient derrière la caméra avec Poulet aux prunes, toujours pour parler de son pays d’origine, mais autrement.
Le regard persan de Par Christophe Quillien
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’est l’histoire d’une petite fille qui rêve de devenir prophète. Elle vit en Iran, elle a 10 ans et s’appelle Marji. Le soir, dans sa chambre, elle a de grandes conversations avec Dieu lui-même. Un jour, elle se dit que l’heure de la révolution est venue. Alors, elle remplace Dieu par Marx et se met à lire Le Matérialisme dialectique. Pendant ce temps, des hommes barbus imposent à son pays un nouveau modèle de société. Nous sommes en 1980. Les échos de la révolution iranienne parviennent à ses oreilles, déformés par son imagination d’enfant et les récits de ses parents, citoyens éclairés hostiles au nouveau pouvoir islamique. Dans la vraie vie, Marji existe pour de bon. Elle s’appelle Marjane Satrapi. Elle est l’auteure et l’héroïne de papier
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de Persepolis, une bande dessinée qui raconte son enfance et son adolescence en Iran. Avec plus d’un million d’exemplaires vendus dans le monde, Persepolis a conquis un public a priori non lecteur de BD, qui a découvert un moyen d’expression capable, au même titre que le cinéma, de raconter la vie comme elle va, de faire rire et d’émouvoir. Puis Marjane l’a adaptée sous forme d’un film d’animation, avec les voix de grandes actrices (Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Marjane Satrapi en six dates 1969 : Naissance à Rasht (Iran) 1994 : S’installe en France 2000 : Premier tome de Persepolis (éd. L’Association) 2004 : Poulet aux prunes (éd. L’Association), élu meilleur album au Festival d’Angoulême 2005 2007 : Persepolis, le dessin animé 2011 : Poulet aux prunes, le film
Danielle Darrieux…). Il sera récompensé au Festival de Cannes en 2007 par le Prix spécial du Jury. La bande dessinée par accident Pourtant, l’aventure de Persepolis est un heureux accident. Pas seulement parce qu’un succès ne se programme pas, mais aussi parce que Marjane n’avait pas songé une seconde à se lancer dans la bande dessinée, à laquelle elle ne connaissait pas grand-chose. En Iran, où l’illustration et la miniature sont de vieilles traditions, la BD ne fait pas partie du décor. Tout juste avait-elle lu Astérix et Tintin – qu’elle trouvait « moches » et dont elle n’aimait pas les aventures, à cause de l’absence de filles. À son arrivée en France, en 1994, elle souhaitait se consacrer au graphisme et ne jurait que par Milton Glaser, le créateur du fameux logo « I love New York ». Mais le destin est parfois capricieux.
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
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sociation © Marjane Satrapi / LʼAs
Marjane n’est pas de ceux qui prennent la parole à tout bout de champ. Endosser le costume de « l’Iranienne de service » ne l’intéresse pas. mettrait de vendre plusieurs dizaines de milliers d’albums. Elle n’en a pas fini pour autant avec cette histoire. En octobre 2011, en Tunisie, des militants islamistes ont manifesté dans les rues contre la diffusion, sur Nessma TV, du dessin animé inspiré par sa bande dessinée, avant de prendre d’assaut le siège de la chaîne et d’attaquer la maison de son directeur. Ils entendaient protester contre la représentation de Dieu sous les traits d’un vieillard barbu, selon eux contraire aux principes de l’islam.
Marjane Satrapi en les transformant en BD. Le style de David B., tout en aplats de noirs et de blancs, se retrouve d’ailleurs dans le dessin de l’illustratrice. Petit à petit, celle-ci apprend à maîtriser les codes graphiques et narratifs de la BD. Avec sa simplicité de trait et ses décors réduits au strict minimum afin de
Marjane Satrapi au cinéma Pour réaliser Persepolis et Poulet aux prunes, Marjane Satrapi s’est associée à Vincent Paronnaud, alias Winshluss, un autre dessinateur et scénariste, venu comme elle de la bande dessinée dite « indépendante ». Les auteurs ont choisi d’adapter Persepolis en dessin animé afin de lui donner une portée plus large, mais ont conservé le traitement en noir et blanc d’origine. En revanche, Poulet aux prunes prend la
orbis © Christophe Karaba/epa/C
À moins qu’il ait du flair. À Paris, Marjane partage un atelier avec la fine fleur de la nouvelle génération d’auteurs de BD. Ils s’appellent Joann Sfar, Christophe Blain ou David B. Celui-ci, à force de l’entendre raconter ses souvenirs – car Marjane est avant tout une grande conteuse d’histoires à l’enthousiasme contagieux –, la poussera à franchir le pas
Avec Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni au Festival de Cannes en 2007.
forme d’un film traditionnel et en couleurs, interprété par de véritables acteurs comme Mathieu Amalric, Édouard Baer, Jamel Debbouze, Maria de Medeiros et Chiara Mastroianni.
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
concentrer l’attention sur les péripéties du récit, Marjane enchante ses lecteurs. Le premier tome de Persepolis paraît en 2000, le quatrième et dernier trois ans plus tard. Deux albums suivront. L’un, Broderies, a été inspiré par les conversations piquées d’acide que la grand-mère de Marjane partageait avec ses amies. L’autre, Poulet aux prunes, est le récit du destin tragique d’un violoniste iranien qui décide de se laisser mourir après la perte de son instrument. Aujourd’hui, Marjane Satrapi a mis la bande dessinée de côté. Séduite par cette expérience collective qu’est le cinéma, elle a renouvelé l’expérience l’année dernière en adaptant son Poulet aux prunes. Elle a donné une lecture publique de Broderies en Italie, qu’elle envisage de transposer au théâtre, et prépare une exposition de peintures. Mais elle n’a pas l’intention de dessiner une suite à son Persepolis, ce qui à coup sûr lui per-
Un siècle d’histoire de son Iran Si elle garde un œil sur la politique contemporaine et sur l’évolution de son pays d’origine, Marjane Satrapi n’est pas de ceux qui prennent la parole à tout bout de champ. Endosser le costume de « l’Iranienne de service » ne l’intéresse pas. « Parfois il faut savoir se taire, déclarait-elle au magazine Livres Hebdo en octobre dernier. Pendant la révolution verte, les médias iraniens voulaient tout le temps mon avis. Franchement, moi à Paris, buvant mon café, j’allais leur dire : “Allez les Iraniens, sortez dans la rue, allez vous prendre une balle !” Et comment voulez-vous que je parle de l’Iran d’aujourd’hui ? Cela fait douze ans que je n’y suis pas allée. Il y a des chercheurs au CNRS qui sont bien plus compétents que moi ! » Après Persepolis, qui traite de l’Iran des années 1980 et 1990, après Poulet aux prunes qui se déroule dans les années 1950, Marjane Satrapi songe à porter à l’écran l’histoire de son autre grand-mère, qui nous emmènera des années 1920 à 1960. Elle aura ainsi, à sa manière, raconté l’histoire de l’Iran au XXe siècle. Marjane est une sage : elle préfère parler de son pays à travers le prisme de la fiction et de l’imaginaire. Et c’est sans doute bien mieux ainsi… ■
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époque // tendance © Valentin Weinhäupl/Westend61/Corbis
Chut,
Il a suffi d’un film, The Artist, pour que l’on redécouvre les vertus du silence…
Par Jean-Jacques Paubel
P
ourquoi un film pour faire l’éloge du silence ? Parce que The Artist est un film dont le héros, interprété par Jean Dujardin, nouvelle star de charme du box-office français, est une vedette de cinéma de l’âge d’or du muet. Oui, un héros mutique qui a d’abord conquis le Festival de Cannes, festival des rumeurs s’il en est, avant, toujours en silence, de conquérir le cinéma mondial. Eh oui, le cinéma, à l’inverse de notre société tonitruante, réclame que l’on fasse silence. À coup sûr un signe des
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s’il vous plaît !
temps dans une société où le bruit est omniprésent ! Pourtant, une majorité de Français réclame, si j’ose dire, à cor et à cri le silence… si l’on en croit le très sérieux Centre d’information et de documentation sur le bruit (CIDB). Tapage, voisinage, bruits de choc, environ deux tiers des Français s’en plaignent chez eux. Au point que, selon une étude TNS Sofres de 2010, un Français sur cinq se dit prêt à déménager à cause de nuisances sonores. Mais ces nuisances ne touchent pas seulement les Français chez eux, elles les dérangent aussi au travail. Une enquête de l’Insee établit que le bruit dérange 67% des actifs sur leur lieu de travail, constituant la quatrième cause de maladie professionnelle. De là à conduire une myriade d’associations – Association de défense des victimes des troubles du
voisinage (ADVTV), Comité national d’action contre le bruit (CAB), Comité des victimes de la pollution et du bruit, Ligue française contre le bruit (LFCB) – à chercher à se faire entendre. La loi du silence On comprend dès lors que les autorités ne pouvaient rester sourdes à ce tohu-bohu protestataire. Et comme à l’accoutumée, elles ont choisi de manier et la carotte et le bâton. Côté carotte : l’écoute, le conseil, la dédramatisation des conflits, les solutions à l’amiable, c’est le rôle du CIDB, que sa directrice, Alice Debonnet-Lambert, définit comme tout à la fois « une structure de renseignements pour tous les publics, un lieu de conseil et un lieu d’écoute ». Côté bâton : la loi qui réprime, oh ! modestement, puisque l’amende ne dé-
passe pas 450 euros, à laquelle il convient d’ajouter les mesures visant à faire cesser les nuisances, en particulier celles liées aux problèmes d’isolation. Une loi du silence en somme… Pour certains, une loi qu’invitent à cultiver, de plus en plus nombreux, écrivains, philosophes, essayistes, psychanalystes, à l’image de ce Petit Éloge des amoureux du silence de Jean-Michel Delacomptée (Folio). Pour d’autres, citant Lao-tseu ou saint François d’Assise, un chemin à emprunter parce qu’il conduit « à la plus grande révélation ». Un silence que les plus prosaïques associent à la campagne, au chant des petits oiseaux, au contact avec la nature ou encore à la nuit. Ceux-là sont plus proches de José Artur, célèbre animateur de radio dans les années 1970, pour qui « le silence est la sieste du bruit ». ■
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
C © JB Autissier / Panorami
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Novak Djokovic arborant le drapeau serbe après la victoire de la Serbie en finale de la Coupe Davis en 2010.
époque //sport
© Olga Besnard / Shutterst ock.com
Comment être à la fois le meilleur joueur de tennis au monde et le messager le plus influent de son pays en reconstruction : le cas Djokovic.
Champion,
© Shutterstock
mais patriote avant tout Par Pierre Godfrin
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évrier 2008. En pleine manifestation contre l’indépendance du Kosovo, Novak Djokovic, le visage grave, parle au peuple serbe à travers une vidéo : « Nous vivons l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de la Serbie et je vous remercie d’être venus aujourd’hui afin de montrer au monde que nous ne sommes ni petits ni faibles et que nous sommes unis et déterminés à défendre ce qui nous appartient. Le Kosovo est serbe et il le sera toujours. » Ces paroles sont celles d’un joueur professionnel de tennis âgé seulement de 21 ans. Grand connaisseur du tennis, Benoît Maylin, commentateur à Orange Sport, nous explique pourquoi « Djoko » possède un sentiment nationaliste exacerbé : « Il a toujours mis en avant le fait que l’image des Serbes dans le monde était erronée. Ainsi, dès qu’il a eu la possibilité de montrer un autre visage
de la Serbie, il l’a fait. C’est pour ça qu’il n’aime pas perdre. Et c’est peut-être pour ça qu’il est devenu aussi fort. » Né dans une famille de skieurs, Djokovic a grandi dans les montagnes. Un cocon qui ne l’a pas empêché d’être témoin des « 78 jours de la honte » en 1999 pendant lesquels Belgrade et sa région ont été bombardées par les forces de l’Otan, soucieuse de ramener à la raison le régime de Slobodan Milosevic. Sentant un petit rejet lors de son entrée dans le monde professionnel, il s’est d’abord fait connaître en imitant les autres joueurs. Une façon de se faire accepter. Sa montée dans la hiérarchie mondiale – et quelques critiques de ses adversaires – ont cependant conduit Djokovic à ranger sa panoplie de clown. Ambassadeur avec passeport diplomatique Son heure de gloire est arrivée en décembre 2010, à l’issue de la vic-
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toire de la Serbie sur la France lors d’une finale de Coupe Davis disputée à Belgrade dans une ambiance survoltée. Véritable déclic, selon lui, qui le conduira en 2011 à remporter 41 matchs d’affilée. Ce sacre, obtenu en compagnie de ses compatriotes Tipsarevic, Zimonjic et Troicki, a fait d’eux des héros nationaux. Au point
Novak Djokovic en cinq dates ■ 22 mai 1987 : Naissance à Belgrade (Yougoslavie). ■ 2003 : Devient professionnel à l’âge de 16 ans. ■ 2006 : Remporte ses deux premiers tournois ATP. ■ 2008 : S’adjuge son premier tournoi du Grand Chelem lors de l’Open d’Australie. ■ 2011 : S’impose à Wimbledon et devient n°1 mondial avant de remporter l’US Open.
de recevoir un passeport diplomatique ! « Cela veut dire que ce sont eux les ambassadeurs de la Serbie, poursuit Benoît Maylin. Nous vivons dans une société mondialiste dans laquelle on fait en sorte d’effacer les frontières car on a fabriqué l’Europe. Mais les Serbes ont besoin de ces frontières pour créer leur identité. Il est évident que le discours de Djoko est nationaliste, voire ultranationaliste. Mais il faut comprendre qu’il est légitime pour un gamin qui a connu la guerre. » Depuis ses déclarations sur le Kosovo, le meilleur tennisman de la planète a décidé de ne plus parler de politique, de peur que sa famille en pâtisse. Protégé par des forces antiterroristes à chacun de ses passages dans sa Serbie natale, Djokovic est le meilleur ambassadeur de son pays dans le monde. Le fait que 100 000 personnes l’aient accueilli lors de sa victoire à Wimbledon en 2011 à Belgrade est un signe qui ne trompe pas. ■
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époque // économie © Frank Rumpenhorst/dpa/Corbis
La crise financière, née en 2008 avec la crise américaine des subprimes, n’en finit pas de faire l’actualité, frappant l’Europe et le monde entier.
Soumis à surveillance et aux bons ou mauvais points, les pays gèrent tant bien que mal une situation qui leur échappe. Plus que de principes, il y est question de « gros sous ». Décryptage des maux de la crise par ses mots.
Petit abécédaire
d’une crise Par Marie-Christine Simonet AAA : Notation utilisée pour qualifier l’excellence d’une entreprise ou d’un État. Meilleure est la note, moins les intérêts des emprunts sont élevés. La Grèce est notée D, comme Déroute.
© Stock Photos/Corbis
Agence de notation : Comme Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s. Les agences (privées) de notation financière apprécient le risque de solvabilité des États – la notation souveraine –, d’une collectivité publique, d’une entreprise ou d’une opération financière.
La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org
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CAC 40 : Indice composé des 40 valeurs les plus actives du marché français des actions.
Crise financière : Elle survient lorsque la confiance des consommateurs est au plus bas. Le ralentissement, parfois drastique, des investissements dans un pays s’étend à l’échelle mondiale. La crise provoque un resserrement du crédit, les consommateurs achètent moins… Bref, le cercle vicieux. Dérivés : Ce sont des actions, des obligations, des devises, des valeurs mobilières, des matières premières… Initialement conçus pour servir à la couverture de risque, ils sont devenus des instruments spéculatifs, générateurs de risques. Dette souveraine : Dette émise ou garantie par un État ou une banque
ck ttersto © Shu
centrale. Les possibilités de remboursement sont liées à la capacité fiscale des pays émetteurs, et donc à leurs performances économiques et budgétaires. C’est sur ces critères que se fait la notation de la dette souveraine. Le ratio endettement/PIB est l’une des bases d’appréciation. Dow Jones : Indice boursier de référence et mondialement connu. Il se compose de 30 valeurs dites « blue chips ». Eurobond ou euro-obligation : Emprunts faits en commun au sein de la zone euro qui assurent une protection mutuelle, une mutualisation des risques et permettent de lutter contre la spéculation sur les dettes
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
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© Justin Lane/EPA/Corbis
en bref La croissance des pays émergents d'Asie orientale (Chine, Thaïlande, Viêtnam, Indonésie) bute sur la crise européenne, mais – prévoit la Banque mondiale – le PIB de la région devrait croître de 8,2% cette année et 7,8% en 2012. Selon l’Institut de la statistique du Québec, l’investissement minier au Québec devait s’élever à 2,5 milliards de dollars canadiens en 2011 et à 2,9 milliards de dollars en 2012. En 2008 et 2009, ces investissements avaient plafonné à 2 milliards de dollars. Fitch Ratings fait partie des principales agences de notation qui estiment les risques de solvabilité des États dans le monde.
souveraines. Les Eurobonds ont vocation à se substituer progressivement aux émissions nationales, couvrant, à terme, les dépenses courantes des États. L’idée de créer des euro-obligations est à l’initiative des ministres des Finances Jean-Claude Juncker (zone euro) et Giulio Tremonti (Italie), tous deux favorables à une plus grande intégration économique au sein de la zone euro. Fonds de pension : Gérés par des investisseurs institutionnels, ces fonds représentent des sommes importantes versées par des entreprises et des salariés afin d’assurer à ces derniers un revenu au terme de leur vie professionnelle. Ces fonds sont généralement investis sur les marchés boursiers. En 2008, lorsque les marchés se sont effondrés, des salariés américains ont perdu ce qui représentait la totalité de leur retraite. Hedge funds : Fonds d’investissement non cotés en bourse à vocation spéculative. Ces fonds recherchent des rentabilités élevées et rapides. Marchés à terme : Contrats sur des produits précis, exécutables à court,
moyen ou long terme. Les prix, quantités, taux d’intérêt, etc. sont fixés d’avance et non modifiables. Ce type de marché présente l’avantage certain de pouvoir se soustraire à des intérêts fluctuant à la hausse. Nasdaq (National Association of Securities Dealers Automated Quotations) : Marché d’actions aux États-Unis qui regroupe plus de 3 200 techno-entreprises dont Microsoft, Intel, Apple… Nikkei 225 : Principal indice boursier de la bourse de Tokyo, le Nikkei 225 se compose de 225 sociétés. Obligation : Titre de créance négociable contracté par une institution reconnue (banque, État, société…), coté en bourse, qui rapporte des intérêts à son porteur et dont le cours évolue selon la solidité de l’emprunteur et les variations des taux d’intérêts. Paradis fiscaux : Pays ou territoires où les activités financières bénéficient d’une réglementation d’exception « offshore ». Connues pour permettre aux sociétés de se soustraire à l’impôt, elles sont aussi accusées de
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favoriser le blanchiment d’argent sale. Stock-options : Rémunération du travail ou prime remise sous forme d’actions de la société. Elles peuvent être données ou bien offertes à un prix préférentiel. Elles présentent une possibilité de revente sur le marché à l’issue d’une période prédéterminée. Système bancaire : Ensemble formé dans un pays par une banque centrale et des banques commerciales. La première agit dans le cadre d’une mission : veiller sur la monnaie, le crédit et le bon fonctionnement du système bancaire… Toutes les banques commerciales y possèdent un compte qu’elles sont obligées de provisionner (réserves obligatoires) et à partir duquel elles vont compenser les chèques et paiements électroniques de leurs clients. Trader : Les traders (négociants en français) sont des opérateurs de marché qui achètent à bas prix des produits financiers – des dérivés – dont ils anticipent la hausse, puis les revendent lorsqu’ils prévoient une baisse. En clair, ce sont des spéculateurs professionnels. ■
Selon une évaluation de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), de 2000 à 2009, environ 855 milliards de francs CFA ont été transférés au Togo par des travailleurs togolais ayant migré.
440 réacteurs nucléaires sont actuellement en état de marche dans 30 pays. Ils fournissent 13,8% de l’électricité de la planète, selon la World Nuclear Association (WNA). Six pays génèrent à eux seuls les trois quarts de cette énergie nucléaire : États-Unis, France, Japon, Russie, Allemagne et Corée du Sud.
L’Institut brésilien de l’environnement a infligé une amende de 28 millions de dollars au pétrolier américain Chevron pour la marée noire provoquée début novembre au large de Rio. L’État de Rio va, de son côté, réclamer une somme pouvant aller jusqu’à 17 millions de dollars.
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époque // regard
Imitation, mémoire, mais surtout attractivité des traditions, communication et reconstruction : tels sont, pour Olivier Morin, qui publie Comment les traditions naissent et meurent, les moteurs essentiels de la transmission culturelle.
« La culture est faite
© D. R.
Propos recueillis par Alice Tillier
Olivier Morin est philosophe, docteur de l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) en sciences cognitives. Il est à l’heure actuelle en poste à Budapest, à la Central European University.
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Votre livre porte sur les traditions. Des traditions qui n’ont pas tout à fait le sens traditionnel du terme, si je puis dire… Olivier Morin : J’ai choisi le mot tradition, mais j’aurais pu aussi bien dire « items ». L’idée est que la culture est composée d’éléments distincts, qui durent longtemps et se transmettent, sans qu’on ait toujours conscience de les respecter. Les langues sont des traditions – au même titre que les traditions orales, les techniques ou encore le folklore enfantin, avec ses jeux et ses comptines. La culture est faite de traditions. C’est la spécificité humaine d’en avoir un grand nombre. L’existence de deux ou trois traditions – comme chez les chimpanzés – n’est,
bien évidemment, pas suffisante pour parler de culture. Vous dites dans votre ouvrage que les traditions humaines se sont accumulées peu à peu. Comment cette accumulation a-t-elle été possible ? O. M. : Pendant longtemps a prévalu l’idée que deux facteurs étaient essentiels pour la transmission : l’imitation et la mémoire. L’imitation était vue comme automatique, incontrôlable, liée soit à la fascination pour un modèle prestigieux, soit à un comportement un peu conformiste, suivant le plus grand nombre. Concernant la mémoire, on est allé jusqu’à dire que la culture était au fond une « mémoire collective ». Moins que la mémoire fidèle, c’est la répétition qui permet la transmission : la redondance augmente l’ex-
position, l’accessibilité – pensez par exemple au cas des langues. Et l’attractivité des traditions reste le moteur principal : si l’on transmet telle ou telle tradition, c’est que l’on a envie de la transmettre. Une tradition perdure d’autant mieux qu’elle plaît au plus grand nombre. Quelle est la part de la transmission volontaire à travers l’enseignement ? O. M. : La part de l’enseignement est à relativiser. Il faut savoir qu’il n’existe pas partout. Chez les Akas, par exemple, cette population qui vit
Même là où il y a enseignement, comme en Occident, le rôle de la reconstruction dans l’apprentissage est essentiel.
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compte rendu
© Marianna Massey/Corbis
Transmission et générations La culture ne se transmet pas en bloc, verticalement, des parents aux enfants, qui l’absorberaient de façon inconsciente et automatique. Non, nous dit Olivier Morin : la culture est faite d’éléments distincts, des « traditions ». Et c’est la vie de ces traditions qu’il étudie dans son ouvrage : des traditions qui se créent, connaissent parfois – mais pas toujours – le succès, se diffusent, s’usent peu à peu. Plutôt que de s’intéresser au « pourquoi » des traditions, très nombreuses dans les sociétés humaines, le philosophe aborde le « comment » de la trans-
mission culturelle. Il s’intéresse notamment à la question du passage des générations, de l’enchâssement des différents groupes d’âges qui permet une transmission verticale. Inversement, Olivier Morin s’attache à analyser le cas d’une transmission horizontale : les traditions enfantines, qui font preuve d’une très grande stabilité malgré un renouvellement incessant du groupe. Les langues – leur évolution à la fois lexicale et grammaticale, leur apprentissage – est un autre exemple phare de l’ouvrage.
A. T.
de traditions » entre la République centrafricaine et le Congo, l’enseignement est totalement absent. Leur société est foncièrement égalitaire et le fait d’ensei-
gner, de reprendre les autres, serait vu comme un manque de modestie. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres sociétés, les parents ne se
extrait « Chaque utilisation publique d’un mot constitue une occasion de le transmettre, ou de le répéter à ceux qui l’entendent. Tous ceux qui ont appris une langue étrangère savent que la transmission d’un mot nouveau n’a pas lieu en une fois. Chaque nouvelle utilisation d’un mot stabilise un peu ce mot dans l’usage commun. La phrase que vous êtes en train de lire stabilise un petit peu plus, dans votre esprit, le verbe stabiliser. […] La fréquence d’emploi d’un mot dans le lexique est une bonne approximation de la quantité de sa transmission. […] [Elle] est de loin le meilleur prédicteur de la survie d’un mot. Le linguiste Nicholas Ostler est arrivé […]
à des conclusions similaires, concernant cette fois la survie des langues. […] Il met en évidence deux facteurs, qui en sont, selon lui, les meilleurs prédicteurs : le fait d’être incluse dans la liturgie d’une religion utilisant l’écriture (comme le grec ou le sanscrit), et le fait d’être parlée par une population dense (comme l’égyptien ou le chinois). [Ces deux prédicteurs] prédisent mieux la survie culturelle que d’autres facteurs qui pourtant viennent tout de suite à l’esprit : l’existence d’un État fort, d’une culture littéraire, de colonies de peuplement, etc. » Olivier Morin, Comment les traditions naissent et meurent. La transmission culturelle, Éditions Odile Jacob, 2011, pp. 137-138.
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voient pas comme les éducateurs de leurs enfants. L’enseignement existe dans un sens faible, de façon détournée : il s’agit de montrer, de parler mais surtout de laisser faire – de laisser par exemple jouer avec une machette. L’apprentissage se fait, pour les enfants, avec une grande part de reconstruction. Même là où il y a enseignement, comme en Occident, le rôle de la reconstruction est essentiel. Si les traditions se transmettent, certaines meurent pourtant… O. M. : Oui, comme celles des aborigènes tasmaniens, qui avaient eu dans le passé des hameçons, des arcs, des flèches – l’archéologie en atteste – et pourtant ne savaient plus pêcher ou se fabriquer des vêtements chauds quand des explora-
teurs anglais et français les ont « découverts ». On peut attribuer cette perte, sans doute très lente, à un déclin de la démographie, qui a provoqué un cercle vicieux : plus la population se réduisait, moins les aborigènes étaient nombreux pour transmettre leurs traditions et moins les techniques perduraient, plus les conditions de vie étaient difficiles, entraînant à leur tour la diminution de la population. La démographie a une incidence forte sur la transmission des traditions. Il faut bien comprendre que les êtres humains foisonnent d’idées, ont une capacité de communication et une volonté de coopération fortes – incomparables avec celles des autres primates – qui facilitent la transmission culturelle. Les traditions sont très nombreuses – trop nombreuses pour toutes survivre. ■
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Les filles du blog de Papa bosse et Maman cuit en pleine démonstration d’une réalisation de bûche de Noël.
époque // Festival La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org
© Michèle Laurent
© DR
À la mi-novembre, plus de 400 blogueurs, venus de France, de Belgique et même du Danemark, ont convergé vers Soissons pour assister au Salon du blog culinaire.
Des fourneaux
haut débit
Par Nathalie Ruas
D
eux frères ont imaginé ce grand rassemblement du partage et de la gourmandise. JeanBaptiste Duquesne, spécialiste dans la vente de vins sur Internet, et (Chef) Damien, professeur de cuisine en lycée hôtelier, ont en effet en commun la passion de la gastronomie. En 2004, le duo concocte un site culinaire rassemblant quelque 39 000 recettes : 750g.com est aujourd’hui le deuxième site le plus fréquenté. Les deux frères décident alors de travailler à de nouveaux projets : une collection de livres de recettes, des déclinaisons du site dans neuf pays différents… et le Salon du blog culinaire. « L’idée était d’organiser une vraie rencontre entre toutes les personnes qui se connaissent déjà à travers leurs blogs, de passer du virtuel au réel », explique Chef Damien. Et la manifestation a aujourd’hui gagné de l’ampleur et essaimé dans toute la ville. De la piscine au parc, en passant par le marché, des démonstrations et des rencontres
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pour le grand public sont proposées. Au vu de cet engouement pour la cuisine sur le Net, une sociologue a interrogé un cinquième des blogueurs culinaires actifs. Lors de cette étude, 17% des sondés souhaitaient se professionnaliser. Dorian et Edda ont réussi ce pari. Dorian compte parmi les précurseurs de la « miamosphère ». En 2005, frustré par la durée de visibilité d’une recette sur un forum, il crée son blog. Et les tranches de vie servies en accompagnement de ses recettes lui ouvrent les portes des cuisines des chefs. Il passe désormais tout son temps en cuisine : animation d’ateliers, conception de recettes pour des marques, livres… Edda, elle, s’est consacrée plusieurs mois à son livre « Un déjeuner au soleil », baptisé d’après son blog, paru en novembre 2011. Elle a pensé cet ouvrage comme une invitation à la découverte de la cuisine italienne. Une passerelle entre France et Belgique En 2011, le Salon du blog culinaire inspirent deux blogueurs belges qui créent une version à Bruxelles.
■ Dorian : doriannn.blogspot.com ■ Edda : www.undejeunerdesoleil.com ■ Apolina : bombay-bruxelles.blogspot.com ■ Philou : www.uncuisinierchezvous.com
Apolina a démarré son blog en 2008 pour montrer la richesse de la cuisine indienne aux Français et Belges, au-delà des quelques plats servis dans les restaurants. Son complice Philou, blogueur depuis environ quatre ans, se réjouit d’avoir fait découvrir aux Français le sirop de Liège et se rend régulièrement à Bourges pour le plaisir de cuisiner avec une blogueuse. Mais c’est à Soisson que nous retrouvons nos deux amis belges, où plus de 450 autres blogueurs sont venus. Lors de l’une de ses démonstrations, Philou cuisine des produits étonnants et délicieux : la poire de terre, l’ail noir ou encore la menthe corse. Aux riches effluves laissés par les démonstrations culinaires dans les couloirs du lycée hôtelier, site originel de la manifestation, s’ajoute en cette fin de dimanche après-midi un parfum de regret de devoir déjà se quitter. Mais les blogueurs se consolent : ils garderont contact par écrans interposés et se retrouveront en juin 2012 pour la deuxième édition du Salon en Belgique. Voire en 2013 au Québec, projet inscrit dans le programme des organisateurs ! ■
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époque //évènement © Michèle Laurent
© Michèle Laurent
L’incroyable Marady, jeune actrice de 24 ans, illumine la pièce en incarnant le roi du Cambodge.
LeCambodge
revient au Théâtre du Soleil Des jeunes Cambodgiens de l’école d’arts du spectacle Phare Ponleu Selpak se réapproprient sur scène le passé occulté de leur pays. En faisant fi des tabous encore bien présents. Par Christophe Riedel
C
réée par Hélène Cixous, L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge est une œuvre mythique (en deux époques de trois heures et demi) du Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, d’abord jouée à Paris en 1985. Pour cette recréation, 30 jeunes Khmers circassiens, auxquels il a fallu tout apprendre (la plupart étant anal-
phabètes), ont travaillé cinq ans sur la première partie. À l’heure du procès pour génocide des quatre plus hauts dignitaires du régime de Pol Pot par un tribunal international, audacieux projet que cette épopée shakespearienne, en tournée en France depuis novembre dernier. Sous la direction de Georges Bigot – il incarnait Sihanouk en 1985 – et Delphine Cottu, également élève et actrice de Mnouchkine, le spectacle interpelle. Il incarne l’idéal de théâtre total, la recherche de vérité historique et scénique dont Ariane Mnouchkine et ses proches ont le secret depuis trente-cinq ans. À la Cartoucherie de Vincennes, tout près de Paris, Georges Bigot encourage Marady, 24 ans, dont la voix fatigue. Cette jeune femme menue joue le rôle-titre du roi Sihanouk. Entrée comme cuisinière au sein de la compagnie, elle est devenue comédienne. D’une voix cadencée, haut perchée, elle campe Norodom
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
Sihanouk, ancien roi du Cambodge, s’emportant de plaisir ou de rage, surfant sur un fil burlesque chaplinesque. Oui, c’est une femme qui a eu ce rôle d’homme fort, ce qui n’a pas été sans grincements de dents ! La jeune comédienne commente : « À travers nos rôles, nous avons compris que les Khmers rouges nourrissaient un idéal pour le pays, mais ils ont basculé dans un autisme qui les a coupés de la réalité et menés à la folie meurtrière. » Ravy, Marady, Sophol et les autres 26 comédiens et quatre musiciens issus de familles défavorisées de Battambang, à 350 kilomètres de la capitale (où une représentation a eu lieu devant les familles, déclenchant l’enthousiasme des spectateurs), ont pu participer. Pol Pot est incarné par une autre femme au jeu subtilement puissant, Ravy : « Avant de commencer à jouer, nous savions des Khmers rouges
ce que nos parents et nos voisins nous racontaient : la faim, les travaux forcés, les disparitions, les tortures. » Pour sa part, Sophol, qui joue Khieu Samphan, ex-président sous Pol Pot, aujourd’hui sur le banc des accusés, voit en ce personnage « une authenticité dans sa recherche de vérité. Cultivé et intelligent, il a voulu éradiquer la corruption dans le pays. Ce n’est qu’ensuite que tout a dérapé… » La jeune troupe a bravé des interdits politiques en rétablissant, via une interprétation nuancée des personnages (une centaine dans la pièce), la complexité de la situation. Cette vision non manichéenne du passé – et des Khmers rouges – retentit au Cambodge. La pièce, d’abord programmée dans 19 provinces avant sa tournée française, a été annulée, en dépit du soutien de l’ancien roi et du monarque actuel, son fils. Tous, comme Georges Bigot, espèrent qu’elle circulera en son pays. Juste une question de temps ? ■
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époque // une journée dans la vie de... (6/6) Après un café, la graphiste fait le point sur les projets du jour.
Affiches, sites Internet, catalogues, emballages pour la grande distribution… C’est là le quotidien d’Hélène, 31 ans, graphiste au sein d’une agence de communication dans l’est de la France. Ses outils de travail : un ordinateur et beaucoup d’idées.
Hélène, graphiste Texte et photos par Sarah Nuyten
9 heures. Strasbourg, en Alsace, une région de l’est de la France. Dans une ruelle piétonne, les pas d’Hélène résonnent. La jeune femme pousse la porte vitrée sur laquelle on peut lire « (im)pertinence », le credo de l’agence de communication Grafiti, et lance un grand « Bonjour ! » aux chefs de pub. Son univers se situe au premier étage. Elle monte, bifurque à droite et entre dans le bureau qu’elle partage avec quatre collègues. Premier geste : allumer son ordinateur. C’est devant l’écran 24 pouces de ce Mac qu’Hélène passe la quasitotalité de ses journées. Le temps que l’engin démarre, elle monte un étage
La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org
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de plus et va se chercher un café. La journée peut commencer.
10 heures. Un silence religieux règne dans le bureau. Ne résonnent que les bruits de souris et de claviers qu’on maltraite. Hélène a le regard rivé sur son écran géant. Elle peaufine la campagne de communication d’un voyage de presse subventionné par l’Europe, lorsque déboule Christian, le chef de l’agence. « Je suis là pour le brief. » Il prend une chaise et s’assied près d’Hélène, qui ouvre le projet – un programme régional de subventions pour les rénovations écologiques. « Le principe est accepté, mais il faut que tu rendes l’adresse du site Internet plus visible… Il faut aussi intégrer les logos des financeurs. » En deux clics, la jeune graphiste fait les changements. Son verdict est sans appel : « C’est moche. » Christian sourit, acquiesçant du regard. « Bon, poursuit Hélène,
je fais une version avec tous leurs logos, ils verront que c’est trop chargé et après on fera une version plus aérée et plus impactante. » Consentement las de son patron : « Ma belle, je suis d’accord et je veux bien leur expliquer, après encore faut-il qu’ils acceptent… » C’est l’une des grosses difficultés du travail de la jeune graphiste : ménager l’ego et le désir du client, tout en réussissant à créer un objet visuel harmonieux et efficace.
10h45. Hélène se lève et passe de bureau en bureau : « Réunion sacs ! » L’un des plus importants clients de l’agence Grafiti est une enseigne de la grande distribution qui souhaite repenser entièrement ses sacs réutilisables. Chefs de pub, concepteursrédacteurs et graphistes sont donc réunis pour une première réunion. « L’idée, c’est de changer d’image, passer du hard-discount au soft-
lexique Hard/soft-discount : Un magasin hard-discount est limité aux produits de base, peu chers et sans marque, présentés de manière sommaire. Un magasin soft-discount est une version « haut de gamme » du harddiscount, à mi-chemin entre le supermarché classique et le harddiscount. PAO : La publication assistée par ordinateur désigne l’ensemble des logiciels de saisie, de mise en page de textes et de gestion d'impression utilisé par les graphistes et les infographistes.
Le français dans le monde // n° 379 // janvier-février 2012
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Réunion avec la chef de pub Léonore pour le packaging de barquettes de viande sous-vide.
Remue-méninges pour un nouveau concept de sacs réutilisables d’une enseigne de grande distribution.
discount*, explique Léonore, une des chefs de pub. Fini le logo fluo en plein milieu du sac, il faut rajeunir et dynamiser tout cela ! Nous avons carte blanche. » Chacun a ramené son stock de sacs réutilisables afin de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs et créer un produit dans l’air du temps. Pendant une trentaine de minutes, les idées sont jetées en vrac : « Il faut du vert, de la nature pour évoquer le développement durable ! » ; « On pourrait intégrer un crayon dans le sac, pour barrer sa liste de courses ! » Prochaine réunion fixée quinze jours plus tard. Il faudra alors proposer une idée concrète au client.
11 h30.
De retour devant son ordinateur, Hélène effectue des modifications sur le projet de catalogue d’une célèbre marque de lingerie. Les logiciels de PAO* comme InDesign
ou Photoshop n’ont plus de secrets pour elle. Avant d’arriver à Grafiti, il y a cinq ans et demi, la jeune femme a travaillé dans deux autres agences qui ne lui correspondaient pas. La vie trépidante des grosses entreprises parisiennes, très peu pour elle. « Je ne cherche ni la gloire ni les lauriers, explique-t-elle, les yeux fixés à son écran. Je n’aurai jamais des budgets dingues et des affiches 4 mètres par 3 à faire, peu importe. Je préfère être en accord avec l’esprit de ma boîte, favoriser ma qualité de vie. » Comme pour lui donner raison, la douce voix de Souad Massi s’élève du poste installé au milieu du bureau, baigné d’une lumière cotonneuse.
14 heures. Fin de la pause déjeuner, l’après-midi commence sur les chapeaux de roues. Les collègues d’Hélène viennent la questionner
C’est l’une des grosses difficultés du travail de la jeune graphiste : ménager l’ego et le désir du client, tout en réussissant à créer un objet visuel harmonieux. chacun leur tour sur tel ou tel détail, dans tel ou tel dossier. D’un clic, elle ouvre l’un ou l’autre des projets, jonglant entre les fenêtres ouvertes.
15 h15. Réunion avec Léonore, la chef de pub. Objet : le packaging des barquettes de viandes sous-vide du distributeur discount. Les deux emmes observent attentivement les différentes propositions et tombent rapidement d’accord : « Ça, c’est bien ! » Léonore passe à un autre projet en cours : « On n’a pas encore eu de retour sur la maquette précédente et
elle me demande de lancer le torchon et le blanc de dinde ! Alors bon, on va déjà leur envoyer le jambon, et on verra. » Ce charabia aux accents comiques semble parfaitement limpide pour Hélène, qui acquiesce et passe au dossier suivant.
16 h 45. « On peut faire une parenthèse Noël ? » Edith, une autre graphiste de l’agence, doit réaliser un prospectus pour l’opération vin chaud du marché de Noël de Strasbourg. Elle vient à la pêche aux idées. « Moi je vois bien un fond en bois, style chalet, lance Hélène presque immédiatement, esquissant un croquis sur une feuille égarée. Et une ambiance un peu féerique, presque breuvage d’elfe ! »
18 heures. Devant l’écran de son Mac, Hélène est concentrée. Elle a pris du retard et doit absolument terminer la page du catalogue de lingerie pour la faire valider avant ce soir.
19 heures. Les bureaux de Grafiti
Avec le directeur de l’agence, Hélène fait un brief sur la campagne qu’elle doit finaliser.
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Durant la journée, les collègues d’Hélène viennent la questionner sur les différents projets qu’elle mène.
sont déserts. Un dernier clic, Hélène enlève ses lunettes et se frotte les yeux. Elle est la dernière à partir ce soir-là. Elle fait le tour de la pièce et éteint les appareils électriques, faisant taire le ronron de l'imprimante. Au rez-de-chaussée, elle appuie sur l’interrupteur qui plonge le bâtiment dans la pénombre et quitte l’agence. Demain, une autre journée de clics et de discussions l’attend.■
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