L’émission de TV5MONDE
"7 JOURS SUR LA PLANÈTE" pour apprendre le français avec l’actualité internationale
LAURÉATE 2012 du
"LABEL DES LABELS"* Le "Label des Labels" récompense les méthodes pédagogiques les plus innovantes en matière d’apprentissage et d’enseignement des langues étrangères, parmi toutes celles qui ont reçu le "Label Européen des Langues" (initié par la Commission européenne) depuis 10 ans. "7 Jours sur la planète" a reçu le "Label Européen des Langues" en 2006.
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numéro 382
Sommaire
Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org Métier /Initiative
Les fiches pédagogiques à télécharger Portrait : Laure Manaudou, histoire d’une résurrection ● Économie : La franchise, une affaire qui marche ! ● Clés : La notion d’autoévaluation ● Nouvelle : « Toute l’histoire humaine s’avance vers un seul et unique but » fiches pédagogiques ● Dossier: Paroles de touristes à télécharger sur : ● BD : « Nous autres » www.fdlm.org ● Tests et jeux ●
2. Évènement XIIIe congrès mondial de la FIPF à Durban
ÉPOQUE 6. Portrait
Concours Poésie en liberté : au bonheur des mots 36
Laure Manaudou, histoire d’une résurrection
8. Tendance Profession : homme d’intérieur
9. Exposition Ils sont étonnants, ces Gaulois !
Dossier
10. Économie La franchise, une affaire qui marche !
Paris : objectif touristes
12. Regard « Des réseaux fondés sur le plaisir d’être ensemble »
« Paris reste une ville qui fait rêver »...........................................48 Paroles de touristes ...................................................................50 Une ville qui séduit et qui veut surprendre ................................52 « Paris sera toujours Paris », en chansons et en images..............54
14. Festival Songes dans la vallée de la Loire
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15. Sport Alexandre, véritable enfant de la balle
30. Expérience 16. Portrait de francophone John, un Américain au Québec
Quand l’entreprise prend le volant de la voiture francophone
MÉMO 58. À voir 60. À lire 64. À écouter
32. Enquête MÉTIER 20. Focus
Erasmus : 25 ans déjà !
Mieux comprendre les contextes locaux d’enseignement
34. Reportage La Sorbonne à Abou Dhabi : lorsque les civilisations se rencontrent
22. Mot à mot
Marche
18. Poésie
Dites-moi Professeur
36. Initiative
Philippe Jaccottet : « Dame étrusque »
24. Clés
Concours Poésie en liberté : au bonheur des mots
42. Nouvelle
38. Innovation
Tristan Garcia : « Toute l’histoire humaine s’avance vers un seul et unique but »
La notion d’autoévaluation
26. Savoir-faire
On se retrouve dans La salle des profs ?
56. BD
Prof-acteur : deux rôles en un
28. Zoom Si le français nous parlait de lui-même
Couverture : © Shutterstock
INTERLUDES 4. Graphe
40. Ressources
Walder : « Nous autres »
Gazouillis et pédagogie : utiliser Twitter en classe
66. Jeux
Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel–Hovelacque – 75013 Paris Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Rédacteur en chef Sébastien Langevin Conseiller de la rédaction Jacques Pécheur (Institut français) Lecture/correction Anna Sarocchi – Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique miz’enpage - www.mizenpage.com – Commission paritaire : 0412T81661. 52e année. Imprimé par IME, Baume-les-Dames (25 110). Comité de rédaction Dominique Abry, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale de Schuyter Hualpa, Sébastien Langevin, Chantal Parpette, Manuela Pinto, Nathalie Spanghero-Gaillard. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Marc Berthon (MAEE), Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale de Schuyter Hualpa (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Jacques Pécheur (Institut français), Nadine Prost (MEN), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).
Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012
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évènement//
Congrès
Durban : le monde francophone en marche eux ans après la Coupe du monde de football, l’Afrique du Sud accueille du 23 au 27 juillet un nouvel évènement de portée planétaire : le XIIIe congrès mondial de la Fédération internationale des professeurs de français. Tous les quatre ans, le monde associatif se regroupe ainsi pour se rencontrer et se former, et c’est pour la première fois le continent africain qui accueille ce rassemblement. Impossible, bien sûr, d’énumérer ici toutes les communications qui auront lieu dans l’International convention center de Durban, mais quelques animations laissent déjà présager de la teneur de ce congrès
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exceptionnel. Véritable fil rouge du congrès, le concours ALTER-natif se compose de 10 interventions dans un espace spécialement conçu et équipé pour permettre aux intervenants de proposer des méthodes d’enseignement innovantes et ludiques par le biais du tango, du vin, du court métrage, du conte francophone... L’intitulé du concours cherche bien sûr à transmettre les notions d’un programme « off' », de différence, d’altérité, relié au concept du soi, des natifs de quelque part que nous sommes tous, rejoignant ainsi le thème du congrès, « L’enseignement du français entre mondialisation et contextualisation ».
Les communications 5 conférences plénières 8 conférences semi-plénières 16 tables rondes 46 ateliers / mini-formations 45 communications de 20 minutes, dont 3 sous forme de séminaires pour jeunes chercheurs. Programme complet sur : http://durban2012.fipf.org/
trois questions à
Bernard De Meyer, président de l’AFSSA
« L’Afrique du Sud va faire partie de la grande famille francophone » Quelle est la situation de l’enseignement du français en Afrique du Sud actuellement ? Depuis les premières élections démocratiques en 1994 et la mise en place de la nouvelle Constitution, l’Afrique du Sud compte 11 langues officielles, l’anglais étant la lingua franca et les 10 autres ayant plutôt un caractère régional. La tâche des premiers gouvernements post-apartheid consistait à soutenir ces langues dans tous les domaines de la société, comme l’éducation, les médias,
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la justice, etc. Ce n’est donc qu’assez récemment qu’il y a eu une prise de conscience que d’autres langues sont importantes dans la communication avec le reste du monde et l’Afrique en particulier. Le français figure en tête d’entre elles. Après une période où cette matière avait du mal à se maintenir dans les programmes scolaires, elle se développe progressivement et atteint toutes les couches de la population. La langue est enseignée dans quelque 200 lycées du
pays et plus de 20 000 élèves l’apprennent. En 2011 plus de 1 100 élèves ont opté pour le français comme une des matières examinées en fin d’études secondaires, et ce chiffre est en constante augmentation. Le français est également enseigné dans 17 universités sudafricaines ; 1 500 étudiants y poursuivent des études en français, la plupart en licence. Deux masters, l’un en traduction et interprétariat, l’autre en didactique du français langue étrangère ont été créés récemment et attirent des étudiants de toute la région. Quelles sont les principales actions de l’AFSSA ? L’Association des études françaises en Afrique australe, connue sous son acronyme anglais, AFSSA, créée en 1970, compte environ 250 membres. Elle mène une action envers les enseignants du secondaire, en proposant une lettre
d’info, L’Écho des profs, qui offre des informations pratiques et des fiches pédagogiques. Elle organise aussi des prises en charge pour participer aux congrès biennaux de l’association ; cette année, environ 40 enseignants du secondaire participeront au Congrès de la FIPF grâce à l’action de l’AFSSA. Elle participe aussi à l’organisation de programmes de formation. Tout cela est rendu possible grâce au soutien de SCAC en Afrique du Sud. Les trois régions principales du pays – le Cap, le Gauteng (autour de Johannesburg et Pretoria) et le KwaZulu-Natal – possèdent des associations de professeurs très actives qui organisent des activités pour les enseignants de leur province. Pour les étudiants, à partir de la quatrième année, l’AFSSA propose une journée d’étude organisée chaque année par une université différente. Le Congrès biennal attire près de 100
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Billet du président
Pendant toute la semaine du congrès – lors de l’ouverture et de la clôture ainsi qu’à l’occasion des conférences plénières –, de courtes animations de musique, de danse, de chant viendront souligner la diversité qui existe en Afrique du Sud et à Durban. Sera également installé un arbre à palabres, fabriqué par des membres d’une communauté locale de réfugiés d’Afrique francophone, autour duquel les congressistes pourront se réunir pour partager leurs idées, afficher du matériel, entendre des conteurs... Le ton est donné : ce congrès se place résolument sous le double signe de la convivialité et de l’échange ! ■
chercheurs venant principalement d’Afrique et d’Europe. L’AFSSA publie également une revue scientifique à comité de lecture international, dont le n° 42 sera disponible à l’ouverture de Congrès de la FIPF. Accueillir un congrès comme celui de Durban aura-t-il un impact sur l’enseignement du français en Afrique du Sud selon vous ? Certainement. J’y vois trois raisons. En premier lieu, l’importante participation d’enseignants de français sud-africains, aussi bien du secondaire que des universités, aura comme conséquence que ceux-ci seront revigorés et auront un tas de nouvelles idées pour leurs enseignements – il faut signaler qu’un tiers des présentations à Durban seront des formations et un autre tiers des pratiques de classe. À leur tour, ils pourront stimuler les enseignants de
leur région. Cet impact sera direct et immédiatement visible. En deuxième lieu, les organisateurs espèrent provoquer une influence plus durable au niveau des politiques. En effet, grâce aux efforts fournis auprès des autorités sud-africaines, le congrès sera un moment clé dans la prise de conscience que l’apprentissage du français a du sens dans l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, qui fait partie d’un monde de partage, de mobilité et de rencontres tout azimuts. Les négociations avec les autorités continueront après le congrès pour que l’enseignement du français puisse être offert à une plus grande proportion de la population . Finalement, l’Afrique du Sud, dont le rôle stratégique n’est plus à souligner, fera partie de la grande famille francophone, pas la Francophonie institutionnelle, mais celle de l’amitié dans la diversité. ■
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Tous les congrès de professeurs donnent non seulement l’occasion du partage des préoccupations et des expériences professionnelles mais surtout peut-être celle de nouer ou de renouveler les liens personnels qui tissent si profondément le réseau de nos associations. Et c’est pour cela sans doute que, quelle que soit la région du monde où nous les avons organisés ces dernières années, de Beyrouth à Sydney, ou de Rosario à Prague, ils ont rencontré autant de succès et attiré autant de professeurs de français. Mais, parmi les congrès, c’est sans aucun doute le congrès mondial qui revêt la plus grande importance. Au terme de quatre années de mandature, il est le moment des bilans mais surtout des décisions qui cadreront les nouveaux projets des années à venir. C’est aussi le moment où se tient l’assemblée générale de la FIPF qui est statutairement en charge d’élire le nouveau conseil d’administration et le nouveau bureau, c’est-à-dire l’équipe qui aura en charge la coordination et l’animation du réseau de nos 180 associations et fédérations autour du monde. C’est donc un temps majeur de la démocratie associative auquel sont conviés à participer, en votre nom, toutes les présidentes et tous les présidents des associations auxquelles vous appartenez. C’est la raison pour laquelle il est si important que le plus grand nombre d’entre vous y soit présent ou représenté. Cette année, notre congrès mondial prend une dimension particulière. Il est le premier congrès mondial organisé en Afrique et le premier dans l’hémisphère sud. C’est pourquoi l’Association des professeurs de français d’Afrique australe met depuis quatre ans tout son cœur et toute sa force pour préparer un congrès mémorable.
© Léo Paul Ridet
Rendez-vous à Durban !
Jean-Pierre Cuq, président de la FIPF
De leur côté, et malgré les difficultés conjoncturelles que personne ne peut ignorer, les partenaires majeurs de la FIPF et le l’équipe de Sèvres font le maximum pour permettre la venue du plus grand nombre possible de participants et surtout de collègues africains qui sont, rappelons-le les plus nombreux des professeurs de français du monde. Ce sont eux qui ont la charge souvent difficile d’enseigner le français aux enfants de ce continent qui, par le potentiel d’accroissement de ses locuteurs, représente l’avenir de notre langue. Soyons en bien persuadés : il n’y aura pas d’avenir pour le français grande langue internationale si son enseignement n’est pas réussi en Afrique. Sur aucun autre continent sans doute ne se rencontrent une aussi grande diversité de contextes d’enseignement et d’apprentissage, une aussi grande disparité de formation et de conditions de travail que celles que vivent nos collègues. Aussi, jamais sans doute comme à ce congrès, les méthodologies d’enseignement du français comme langue étrangère, langue seconde et même langue maternelle n’ont autant à partager. C’est pourquoi nous nous devons de répondre à l’invitation de nos collègues africains et de leur rendre ainsi l’hommage qu’ils méritent. Tous à Durban donc, la fête sera belle ! ■
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interlude //
« Évidemment on marche sur un fil, chaque destin est bancal ; et l’existence est fragile comme une vertèbre cervicale. » Grand Corps Malade, « Je dors sur mes deux oreilles »
«L’enfant marche joyeux, sans songer au chemin ; il le croit infini, n’en voyant pas la fin.»
March Alfred de Musset, Premières poésies
«Un jour on voudrait mourir et le lendemain on réalise qu’il suffisait de descendre quelques marches pour trouver le commutateur et y voir un peu plus clair.»
© Image Source/Corbis
Anna Gavalda, Ensemble, c’est tout
Le « plus » audio sur www.fdlm.org espace abonnés
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« Il n’y a pas de marche qui, un jour, ne finit pas. » Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012
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« Source encore glacée, miroirs gelés, Rois sortant tout raidis d’or des ténèbres de décembre, c’est janvier, en marche vers la Chandeleur, qui détient l’indiscernable futur. » Colette, Belles Saisons
«On ne se retourne pas quand on marche sur la corde du rêve.»
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Fatou Diome, Le Ventre de l’Atlantique
«Le monde avec lenteur marche vers la sagesse.»
«On se surprend à marcher sur le bord du trottoir comme on faisait enfant, comme si c’était la marge qui comptait, le bord des choses.» Philippe Delerm, La Première Gorgée de bière
« Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe. Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir. » Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias
Voltaire, Les Lois de Minos
«La tendance la plus profonde de toute activité humaine est la marche vers l’équilibre.» Jean Piaget, Six études de psychologie Le français dans le monde // n° 382 // jullet-août 2012
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époque // portrait © Reix-Liewig/For Picture/Corbis
Après avoir triomphé à Athènes en 2004, Laure Manaudou essuie défaite sur défaite aux jeux Olympiques de Pékin en 2008.
Laure Manaudou : histoire d’une résurrection
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O
Par Pierre Godfrin
n ne tire pas sur une fleur pour la faire pousser. On l’arrose et on la regarde grandir...patiemment », affirme un célèbre proverbe africain. Un conseil dont n’a malheureusement pas bénéficié Laure Manaudou. Promise à une carrière pavée d’or, elle a connu la gloire puis les tourments de la surmédiatisation. Sortie de sa retraite sportive il y a quelques mois, elle a connu une véritable renaissance. Retour sur huit ans d’une carrière déjà bien remplie. « Un espoir très sérieux de médaille repose sur les épaules, très musclées (sic), de Laure Manadou , 17 ans, nageuse. Portrait d’une championne olympique en puissance. » C’est ainsi que le 18 août 2004, en pleins jeux Olympiques d’Athènes, la présentatrice du JT de France 2 lance un re-
portage sur une adolescente encore insouciante et déjà sur le devant de la scène médiatique. Repérée dès son plus jeune âge par l’exigeant Philippe Lucas, Laure Manaudou comprend rapidement que, pour réussir à se faire un nom, une exigence de tous les instants est indispensable : « Déjà, je ne vais pas en cours. Je ne sors pas le soir et je ne vois que des nageurs », explique-t-elle devant la caméra, le corps immergé dans l’eau chlorée de la piscine de Melun (Seine-et-Marne), où elle s’entraîne dès 7 heures du matin afin de débuter ses 15 km quotidiens. Sa relation avec Philippe Lucas est étonnante et détonante. Presque fusionnelle. Capable de caprices, Laure sait qu’elle est parfois « chiante », comme elle le dit si bien, et rend la vie dure à son « deuxième père » selon Isabelle Langé, journaliste à RTL, qui est en contact avec la nageuse depuis ses débuts. En contrepartie, l’entraî-
Laura Manaudou en 7 dates 1986 : Naissance à Villeurbanne (Rhône). 2004 : Elle décroche une médaille d’or aux jeux Olympiques d’Athènes à 18 ans. 2007 : Séparation avec son entraîneur de toujours, Philippe Lucas. 2008 : Déception aux JO de Pékin où elle ne remporte pas la moindre médaille. 2009 :Annonce de la fin de sa carrière sportive. 2010 : Elle donne naissance à une fille, Manon, et indique, quelques mois plus tard, son retour à la compétition. 2012 : Qualification pour les JO de Londres.
ple Avenue/Corbis © Stephane Cardinale/Peo
© David Manning/Zuma
Press/Corbis
Laure Manaudou a déjà tout connu dans sa courte vie de sportive. Désormais maman, l’ancienne star de la natation française rêve d’un retour gagnant à Londres.
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© Eddy Lemaistre/For Picture/Corbis
© Christian Liewig/Corbis
La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org
« Les deux années de coupure due à la maternité l’ont vraiment fait grandir.»
Aux jeux Olympiques de 2004 à Athènes, Laure Manaudou remporte la médaille d’or du 400m nage libre.
neur ne laisse rien passer à sa championne, pour qui le mot « vacances » a été banni du dictionnaire. De la princesse à la mauvaise fille La vie presque monacale de la jeune fille n’a cependant pas été vaine et les médailles n’ont pas tardé à garnir la vitrine familiale. Après cinq médailles d’or aux championnats de France en 2003, elle glane trois médailles olympiques en Grèce en 2004 et offre à la France son premier sacre dans une épreuve de natation depuis 1952. Les clés de son succès ? Outre l’entraînement spartiate, elle possède une technique irréprochable et un style plus fluide que celui des autres filles, sa nage ressemblant à celle des hommes. Sa domination sans commune mesure sur la natation féminine entraîne une véritable avalanche de superlatifs pour la caractériser. Son sourire et sa silhouette élancée font la une des journaux et les sur-
noms« reine des bassins » ou « sirène de Melun» fleurissent lorsqu’elle récolte sept médailles aux championnats d’Europe en 2006, puis cinq, dont deux en or, aux Mondiaux 2007. En mai de cette année-là, Laure, devenue une « people » traquée par les paparazzis, annonce qu’elle se sépare de Philippe Lucas, alors qu’ils avaient déménagé à Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales) à l’été 2006. En désaccord avec son Pygmalion, la Galatée des bassins décide de suivre son petit ami Luca Marin en Italie. S’ensuivent un imbroglio rocambolesque, une préparation des jeux Olympiques 2008 très complexe et une séparation violente avec son petit ami. Laure Manaudou doit gérer un véritable scandale lorsque des photos d’elle nue inondent le Web en décembre 2007. La belle est meurtrie dans sa chair et tout s’enchaîne : des JO de Pékin
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© Christian Liewig/Corbis
complètement manqués et l’annonce, en septembre 2009, de sa retraite sportive. « Lors de ma première entrevue avec elle, elle m’avait dit qu’elle voulait être connue et être dans les pages people, mais pas trop, se souvient Isabelle Langé. Du jour au lendemain, elle est devenue la première nageuse à être médiatisée de la sorte. Tout lui est tombé très rapidement. » Une seconde naissance Mais l’histoire ne s’arrête pas là pour Laure qui tombe alors amoureuse du nageur Frédérick Bousquet. De leur union naît une petite Manon le 2 avril 2010. Cette mise à l’écart volontaire lui permet de trouver enfin la paix intérieure mais surtout de digérer tout ce qu’elle a vécu sans vraiment y être préparée. La motivation revient comme par miracle : « Je me suis rendu compte que j’avais la réputation d’une fille capricieuse, déclare-t-elle. Ce n’est pas moi. Je veux donner une
autre image. Je veux être perçue comme quelqu’un de normal. » Cette volonté de changer son image va de pair avec une stabilité retrouvée : « La vie est rarement linéaire et l’expérience italienne difficile, les problèmes d’intimité dérobée, et l’inconfort des changements de club font partie de ma vie et je les assume, affirme-t-elle sur son site Internet. Ils m’ont permis ces dernières années, où j’ai pris du recul, de trouver un équilibre entre Marseille et Auburn, la natation et la famille, mon jardin secret et les médias, mon métier et mon foyer. » Un choix salvateur selon Isabelle Langé : « Les deux années de coupure due à la maternité l’ont vraiment fait grandir. Elle s’est séparée de certaines personnes car elle était mal entourée. Partir aux ÉtatsUnis est la meilleure chose qui lui soit arrivée. » En effet, avec son compagnon, elle s’entraîne une grande partie de l’année dans le calme d’un campus universitaire, à Auburn, en Alabama, avec son nouveau coach australien Brett Hawke avec qui elle entretient une relation de confiance, beaucoup plus simple qu’avec Philippe Lucas. Avec comme seul et unique objectif les jeux Olympiques de Londres, Laure recommence à s’entraîner très dur et décroche, lors des championnats de France 2012, deux précieux sésames pour les Jeux. Elle s’aligne en 100 m et 200 m dos et peut effacer de la mémoire collective son image passée de diva. « Il y aura une grosse concurrence face à elle, souligne Isabelle Langé. Une médaille serait une belle surprise, même pour elle. Depuis qu’elle est maman, elle fait tout pour que son enfant n’ait pas une mauvaise image d’elle dans le futur. » Une médaille serait assurément la plus belle des réponses pour cette fille devenue femme sans s’en rendre compte... ■
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eateworks/Corbis © Fernando Bengoechea/B
époque // tendance
Profession :
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Par Jean-Jacques Paubel
ela devait arriver : ils se sont d’abord occupés de leur corps et de la mode qui va avec, puis ils sont passés en cuisine et les voici maintenant qui se mêlent de décoration, de déco comme ils disent. On leur a même donné un nom : « décoristo ». Nouveau type masculin apparu dans ces années 2010 et qui prend la place du métrosexuel identifié en 1994 par Mark Simpson, alors journaliste à The Independent. Décoristo donc. Plus un territoire, mesdames, qui ne résiste aux hommes. Et pas besoin d’être architecte, artiste ou designer pour se mêler de déco, non, si l’on se réfère aux blogs déco pour hommes, Le blog deco ou Decodesign ou encore Fubiz et Trendland. Qu’ils soient informaticiens, médecins, ou cadres supérieurs, tous ont un avis sur la déco. Par exemple,Sébastien, 32 ans, anime le blog Homme Sweet Home qu’il a créé il y a un an et demi, « juste renvoi d’ascenseur » à ceux qui lui ont fait « décou-
vrir de nouveaux objets, de nouvelles adresses, de nouveaux lieux », prolongement « de conversations parfois animées avec des amis sur la déco » , divertissement aussi : « Ça m’amuse d’écrire, de prendre des photos, de traquer les nouveautés, les curiosités, le beau, le laid. » Et s’il n’y avait que les blogs, mais ils lisent aussi les pages magazines sur les dernières tendances déco, fréquentent les magasins spécialisés et ne ratent pas les émissions télévisées des chaînes spécialisées consacrées à la déco. Sobriété et esthétisme Comment en est-on arrivé là ? Olivia Putman, architecte, explique cette prise de pouvoir de la déco par les hommes par le constat fait par les hommes que « l’on exprime beaucoup de soi par la décoration. C’est très valorisant socialement d’être apprécié pour son goût aujourd’hui. Et cette implication dans la décoration leur permet d’assouvir une part de narcissisme assez contemporaine ». Fini donc les belles cylindrées ! Ils sont comme Sébastien : ils craquent côté chaise pour une Slow Chair & Ottoman de Ronan et Erwan Bouroullec ou côté
lampe pour La Potence de Jean Prouvé. Et s’il s’agit de sèche-linge, rien sinon une collection capsule de Philippe Starck pour Miele ! Selon Olivia Putman, leur tendance est « une approche beaucoup moins pratique et pragmatique que celle des femmes et une tendance à privilégier des choix purement esthétiques ». Marqueurs de ces choix : la sobriété, les meubles épurés (plus question de laisser traîner les journaux et objets sur ces surfaces lisses et réfléchissantes !), le verre, les angles et, au choix, l’alu brossé, l’acier ou le béton ciré. À l’image finalement des objets au design technologique qui ont envahi notre vie quotidienne : tablettes en tout genre, smartphones, ordinateurs, iPad, mais aussi hifi au design filant, home cinéma ou enceintes totémiques… Adieu donc coussins et plaids ethniques pour se pelotonner devant la télé, couleurs chaudes et contrastées, bouquets opulents aux fleurs généreuses, tableaux d’art naïf, canapés ou fauteuils ronds et douillets, ambiances lumineuses enveloppantes… Fini le cosy. L’avenir sera sobre, sans artifice ni excès, « normal » en somme ! ■
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Quand le beau dans le quotidien devient l’affaire des hommes…
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époque // exposition
Ils sont étonnants, © CSI/Arnaud Robin
ces Gaulois !
on/Tofdru © CSI/Zunic Méaume Salm
« Les Gaulois, une expo renversante » à la Cité des sciences à Paris bouscule les clichés sur les ancêtres des Français. Visite avec une classe de jeunes Parisiens.
A
Par Christophe Riedel vant la conquête romaine, les Gaulois ne portaient pas de casques ailés. Et ils ne vivaient pas non plus en forêt avec des sangliers. Tout cela est pur folklore de bande dessinée ! La Gaule comptait 300 à 400 oppidums, des villes fortifiées. Nombre d’entre elles ont été repérées récemment, grâce aux techniques de télédétection aérienne de leurs traces en creux sur les sols. Un bon exemple du renouvellement des données rendu possible par l’Institut national de recherches et d’archéologies préventives (Inrap), co-organisateur de l’exposition « Les Gaulois, une expo renversante » avec Universcience. Clotilde, maîtresse des écoles à Paris, fait découvrir la maquette d’un oppidum à sa classe de CE2 : « Vous voyez, la muraille faisait tout le tour, et à l’intérieur de l’oppidum, ils organisaient la ville. Ici, les habitats modestes, pour les agriculteurs, les artisans. Là, les habitats aristocrates. Voilà le sanctuaire, l’endroit où ils faisaient leurs cérémonies religieuses et leurs banquets… »
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L’exposition, en lien étroit avec les programmes scolaires, éclaire sur ces fameux ancêtres grâce à des connaissances concrètes sur l’habitat, la vie quotidienne, l’agriculture, ou l’organisation sociale et territoriale. Les Gaulois à travers les siècles Une visite participative en 7 ateliers et 2 terrains de fouille fait découvrir les techniques et métiers de l’archéologie contemporaine. Dans l’un des sites reconstitués, les jeunes visiteurs fouillent avec les outils et les méthodes de l’archéologue, enfilant comme lui un gilet de chantier. Clotilde montre au passage le coussin à lattes multicolores qui permet de protéger ses genoux durant les fouilles ! Les 7 ateliers font découvrir le quotidien des Gaulois : que mangeaient-ils ? où vivaient-ils ? quels animaux élevaient-ils ? De Jules César à Pétain, d’Astérix à Napoléon III… Dans la galerie de portraits en prologue de l’exposition, les groupes scolaires de passage peuvent s’essayer à l’analyse d’image. En interprétant 40 représentations des Gaulois au fil du temps (affiches, chansons, monnaies, manuels scolaires, textes anciens, tableaux). Et,
en fin de parcours, grâce à des reconstitutions et des décors de quatre tombes et d’un sanctuaire, ils découvrent les rites et les pratiques de la religion gauloise. Ce sont ces tombes qu’Iris, élève de CE2, retient de la visite : « D’abord, elles faisaient peur, mais elles étaient trop réelles ! Est aussi présentée la collection insolite d’objets guerriers du « depôt de Tintignac », un sanctuaire découvert en 2004 dans une fosse, preuve irréfutable de la sophistication de ces sociétés. Ainsi, les Gaulois n’étaient pas hirsutes, ils se rasaient, comme en témoignent des pierres à raser exhumées. Pour Maud Gouy, commissaire de l’exposition, tout cela permet « de faire comprendre que ces sociétés, en termes d’habitats et de structures, étaient aussi avancées, voire aussi raffinées, que celles des Romains et des Grecs, présentées comme supérieures ». Un parent d’élève ajoute avec malice : « Pour l’art de la guerre, ils étaient bel et bien dominés par les Romains. » ■
2 septembre 2012. infos en + Jusqu’au Le site : www.citesciences.fr/francais/ala_cite/expositions/gaulois
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époque // économie © Imaginechina/Corbis
Très présente à l’international, l’enseigne Carrefour ouvre également des magasins sous franchise.
La franchise : La franchise est en plein développement. Encadré juridiquement, développé en Europe et dans le monde, ce type de distribution entre deux entrepreneurs indépendants est un mode de collaboration particulièrement convaincant.
La fiche pédagogique à télécharger sur : www.fdlm.org
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une affaire qui I Par Marie-Christine Simonet
l n’est qu’à regarder les comptes établis par la Fédération française de la franchise (FFF) concernant les réseaux commerciaux utilisant cette pratique pour s’en convaincre : la franchise séduit de plus en plus d’entrepreneurs. En 2001, on estimait à 653 le nombre de réseaux franchisés, soit 32 240 points de vente et un chiffre d’affaires global de 30,49 milliards d’euros. En 2011, on dénombrait 1 569 franchiseurs, 62 041 points de vente pour un chiffre d’affaires de 49,24 milliards d’euros. La FFF, qui se pose comme l’«interface essentielle entre pouvoirs publics,
créateurs de réseaux, entrepreneurs et investisseurs », relève avec satisfaction une progression régulière, de 8 % à 11 %, de la franchise française depuis cinq ans.
Au Moyen Âge déjà… La méthode doit présenter bien des avantages, pour susciter tant d’engouement. Et l’on peut dire qu’elle a déjà fait ses preuves. Car les premières franchises remontent au Moyen Âge, où elles existaient sous
« En 2011, la France comptait 62 041 points de vente pour un chiffre d’affaires de 49,24 milliards d’euros. »
forme d’octroi, par les seigneurs, de libertés et privilèges à certaines populations définies territorialement. La FFF conserve ainsi dans ses archives le contrat de franchise de la ville de Chambéry. La notion de privilège a, bien sûr, évolué et ce n’est qu’au début du xxe siècle que l’ancêtre de la franchise actuelle a vu le jour, lorsque dans les années 1930 La Lainière de Roubaix a développé ce type de distribution par le biais d’une enseigne restée célèbre dans l’Hexagone : Pingouin. Aux États-Unis, le concept a permis au secteur de l’automobile de s’adapter à une loi antitrust de 1929 interdisant aux constructeurs d’être propriétaires des points de vente. Rapidement, il attira d’autres bran-
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en bref
© Rambaud/Alpaca/Andia.fr
« Les secteurs phares sont l’alimentaire, l’équipement de la personne et la coiffure/esthétique. » sés, auxquels il est lié par contrat répondant aux règles du Code de déontologie européen de la franchise, un code reconnu par la plupart des opérateurs économiques et par les tribunaux, qui a aussi été adopté par 17 pays d’Europe. En face, le franchisé « collabore loyalement à la réussite du réseau de franchise et adhère au principe d’homogénéité de ce réseau tel que défini par le franchiseur ». En clair, il entretient l’image de marque, au propre et au figuré, telle que définie par son partenaire. À Marseille, Paris ou Pointe-à-Pitre, la clientèle retrouvera le même concept architectural, la même identité visuelle.
marche ! ches de l’économie, à commencer par la restauration. Si bien qu’en un demi-siècle, de 1920 à 1970, on vit éclore à travers le territoire américain de grands noms de l’industrie et des services : Ford, General Motors, Kentucky Fried Chicken... L’union fait la force L’accord de franchise est ainsi devenu, au fil du temps, « un contrat de distribution qui associe une entreprise, propriétaire d’une marque ou d’une enseigne, le franchiseur, à un ou plusieurs commerçants indépendants, les franchisés », selon la définition de l’Observatoire de la franchise. En bref, le franchiseur est titulaire de droits sur une marque ou une enseigne, qu’il souhaite promouvoir,
tout en fidélisant une clientèle. En établissant, d’un point à l’autre de la France, et pourquoi pas à l’étranger, la même enseigne de distribution, service, production..., surplombant le même concept architectural, pas de doute, la clientèle s’y retrouve. Le franchiseur aussi. Et ce d’autant plus qu’il bénéficie du financement privilégié d’un réseau commercial, de la conquête rapide d’un marché, de la coalition économique d’un réseau (l’union fait la force), etc. En contrepartie d’une rémunération directe ou indirecte, l’entrepreneur met à la disposition du franchisé sa marque et/ou son enseigne, ses produits, son savoir-faire, ainsi qu’une assistance technique. Il se constitue, de cette façon, un réseau de franchi-
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De puissants outils d’information Mais... il ne suffit pas d’aimer le chocolat pour aimer vendre des chocolats. Il faut aussi gérer un stock de produits frais, réaliser des vitrines, mettre la main à la pâte, travailler dimanches et fêtes... Il ne suffit pas non plus d’aimer les voitures pour vendre un moteur. Il faut d’abord s’informer, prendre conseil. Pour trouver la bonne formule, le futur franchisé dispose d’un certain nombre d’outils qui lui permettront de se déterminer à coup sûr. Il pourra d’abord consulter les annuaires de franchises en ligne, qui sont, si l’on en croit l’Observatoire de la franchise, « de puissants outils » d’observation et d’analyse des performances et des pratiques utilisées dans un secteur d’activité. Actuellement, les secteurs phares sont l’alimentaire, l’équipement de la personne et la coiffure/esthétique. Les services à la personne confirment leur bonne position en représentant 11 % du nombre total de franchises. ■
La production mondiale de cacao devrait baisser de 7 % pour atteindre 4 millions de tonnes en 2012, selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO). Cette chute est due au déclin de la récolte ivoirienne, numéro un mondial. © Shutterstock
Spécialisée dans la restauration rapide, la franchise française La mie câline est implantée en Espagne et en Belgique.
Selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE), entre 2021 et 2050, la hausse des températures en Europe sera en moyenne de 1,5°C par rapport à la période 1960-1990 et touchera en priorité l’est de la Scandinavie ainsi que le sud et le sud-est de l’Europe (+2,5°C). L’ouest sera moins affecté (+0,4°C). L’Allemagne a enregistré une croissance nettement plus soutenue que prévu au premier trimestre, grâce à des exportations solides, signe que la première économie de la zone euro peut continuer de jouer le rôle de locomotive de la région.
© Shutterstock
Près de 30 % des Marocains âgés de 15 à 29 ans sont au chômage au Maroc, selon un rapport de la Banque mondiale. La biodiversité a reculé de 28 % en moyenne depuis 1970, selon un rapport du WWF publié le 15 mai. Il souligne que deux planètes Terre ne suffiraient pas à répondre aux besoins de l’activité humaine si rien n’est fait d’ici 2030.
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époque // regard
« Faire du réseau », « réactiver son réseau », « réseauter »… Le réseau semble la clé de tout. Claire Bidart a mené une enquête sur les réseaux sociaux des jeunes.
«Des réseaux fondés sur le plaisir d’être ensemble » Propos recueillis par Allice Tillier
Claire Bidart, sociologue, est chargée de recherche au CNRS, au sein du Laboratoire d’économie et de sociologie du travail d’Aix-Marseille.
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On parle beaucoup des réseaux sociaux à l’heure actuelle, pour désigner des sites communautaires. Les réseaux sociaux n’ont pourtant pas attendu Internet… Claire Bidart : Les réseaux sociaux sont un objet pour la sociologie depuis les années 1930 ! Nous nous intéressons en l’occurrence aux réseaux personnels, formés par les relations d’individus qui se fréquentent. On estime que le nombre de personnes que l’on a connues dans sa vie peut monter à 5 000, mais les réseaux tournent réellement autour de 30-40 personnes. Avec des variations bien sûr. Dans l’enquête que nous avons menée, entre 1995 et
2007, sur les jeunes entrant dans l’âge adulte – entre la terminale et l’âge de 35 ans –, ces réseaux allaient de 6, pour le plus petit, à 131. Cette période d’entrée dans la vie adulte correspond-elle à des modifications importantes en termes de sociabilité ?
« On estime que le nombre de personnes que l’on a connues dans sa vie peut monter à 5 000, mais les réseaux tournent réellement autour de 30-40 personnes. »
C. B. : Au lycée, les réseaux sociaux sont très nettement marqués par le contexte. La sociabilité est centrée sur le groupe, sur des activités et des ressemblances, mais aussi sur le simple fait d’être au lycée ensemble. Une fois quitté ce monde très unifié, on passe à une sociabilité beaucoup plus élective : les jeunes se retrouvent désormais à deux, à quatre, pour dîner ensemble plutôt que pour des activités communes. On apprend à trier. Les études supérieures ne sont-elles pas un moment particulièrement favorables aux amitiés ? C. B. : La fac favorise les rencontres, mais on voit que ces relations ne du-
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© Radius Images/Corbis
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Après le lycée, la sociabilité devient plus élective : les jeunes se retrouvent à deux, à quatre, pour dîner.
compte rendu
Création et évolution des réseaux À partir de deux enquêtes principales, l’une menée à Toulouse, l’autre à Caen, consacrée à un panel de jeunes suivis sur le temps long, Claire Bidart, Alain Degenne et Michel Grossetti, tous trois chercheurs au CNRS, ont étudié les processus à l’œuvre dans la création des relations et des réseaux, et leur évolution jusqu’à leur disparition. Se dessinent ainsi les halos de relations qui entourent un individu : liens forts mais aussi liens faibles, fondés souvent sur la similarité
rent souvent pas. Certes, on perd aussi une bonne partie de ses amis de lycée, mais les amitiés qui ont résisté au départ de chez ses parents, aux études, etc. deviennent très solides et durables. Les relations de la fac n’ont souvent pas le temps de se consolider : les étudiants n’ont pas toujours cours ensemble, ils se voient moins qu’au lycée et les relations n’acquièrent pas cette polyvalence essentielle pour la durée.
Autre changement important : l’entrée dans le monde professionnel, lui aussi réputé comme lieu de rencontres… C. B. : Le monde du travail est un monde hiérarchisé, différencié. Dans ce contexte, les rapprochements se font par similarité. Les jeunes ont tendance à choisir les jeunes ; on cherche la proximité politique ou idéologique. Les amitiés du travail restent à part : les collègues ne sont pas tellement mélangés aux autres amis. Ce cloisonne-
extrait « Ce parcours à travers les âges de la vie fait apparaître la succession des contextes de création des relations. Il y a d’abord la famille “héritée” à la naissance ou dans l’enfance. L’adolescence voit émerger les relations liées aux études et à la sociabilité. Ensuite, durant la vie active, arrivent les études supérieures et le travail et leurs cohortes de relations, ainsi que la constitution de la nouvelle famille (conjoints, enfants, belle-famille) et une activité de sociabilité importante. Mais les relations construites sont moins durables que les relations familiales et elles se renouvellent au cours de la vie active. Le renouvellement se fait par phases en fonction
des cercles auxquels on s’affilie. Ainsi, le travail et les études sont partiellement remplacés par les associations comme contexte de création des relations. Les relations issues de la sociabilité semblent se renouveler de façon plus continue, mais leur durabilité décroît avec l’âge, ce qui fait qu’à la fin restent surtout celles de la jeunesse et les plus récentes. Avec l’âge de la retraite, la création de relations se fait plus rare et passe essentiellement par les associations, la sociabilité et le voisinage. » Claire Bidart, Alain Degenne et Michel Grossetti, La vie en réseau, Dynamique des relations sociales, PUF, 2011, p. 176.
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(notamment en âge), renouvelés en partie (un sixième de relations de moins de 5 ans), un noyau dur de relations issues de la famille et de l’enfance (un tiers), un fort ancrage local. Des caractéristiques qu’on peut rapprocher de celles des réseaux étudiés pour les États-Unis, autre pays riche et démocratique, et qui n’ont pas été fondamentalement modifiées par les nouvelles technologies (téléphone portable et Internet), inscrites dans la continuité du téléphone fixe et du courrier.
ment s’explique par la difficulté à concilier différentes facettes de sa personnalité : dans le monde du travail, il convient de montrer une certaine image de soi – une image plus sérieuse. Toutes ces nouvelles rencontres conduisent-elles à une évolution profonde des réseaux ? C. B. : Les réseaux se renouvellent en partie, mais ils conservent une certaine stabilité dans leur structure. Les petits réseaux resteront parmi les plus petits, ceux particulièrement centrés sur une personne, même si la personne centrale a changé, le sont toujours dix ans plus tard… L’installation en couple peut, elle, avoir un impact fort sur la composition des réseaux, de même que la naissance d’un premier enfant qui fait accorder un rôle plus grand à la famille. Étonnamment, une forte mobilité, d’un pays à l’autre, a une influence moins nette : si elle se traduit au début par une baisse du nombre de liens, le réseau est vite reconstitué ! Les expatriés développent une sorte de compétence spécifique à se refaire des amis.
« C’est justement parce qu’elles sont avant tout affectives, parce que l’on sait que l’autre veut notre bien, que les relations peuvent devenir les plus grandes ressources. » La notion de réseau est nettement valorisée en France à l’heure actuelle : il apparaît comme une ressource essentielle, notamment pour trouver un emploi… C. B. : Les relations ne sont pas fondées sur l’utilité, mais sur le plaisir d’être ensemble. Et c’est justement parce qu’elles sont avant tout affectives, parce que l’on sait que l’autre veut notre bien, que les relations peuvent devenir les plus grandes ressources. Il est vrai que le réseau est particulièrement mis en avant de nos jours, notamment par Pôle Emploi qui conseille principalement aux chômeurs de « faire du réseau ». Mais les réseaux ne sont pas plus qu’auparavant la solution miracle, ni une ressource avant tout. ■
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époque // festival La Chapelle Jeanne-d’Arc à Thouars, investie par le « Projet pour le somnambule » de Marion Tampon-Lajarriette.
Treize lieux de la vallée de la Loire s’associent à un parcours mêlant art contemporain et patrimoine. Ils accueillent cent œuvres des collections de trois fonds régionaux d’art contemporain.
Songes
dans la vallée de la Loire
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Par Christophe Riedel ’est une locomotive artistique à 13 wagons thématiques, reliés par l’attrait des créateurs d’art contemporain pour le rêve. Le parcours passe entre autres par quatre châteaux : à Chaumont-sur-Loire, ce sont les « Songeries végétales » en lien avec la thématique art et nature de ce domaine. À Chambord, les « Fragments d’un discours onirique », car ce domaine digne d’un conte de fées est entouré par une immense forêt. Les travaux de Christian Boltanski, Alain Fleischer ou Pierre Ardouvin « y jouent, chacun à sa façon, sur un registre qui réactive la dimension fantasmagorique de la sculpture monumentale de la Renaissance » qu’est le château de Chambord. À Oiron, moins connu, place à « Dérives et des rêves ». Au château d’Angers, le célèbre plasticien Sarkis dialogue « entre un passé imaginaire et un présent factice ». Ailleurs, ce sont des corps endormis, des images parfois ambivalentes d’un repos plus éternel, des lieux du sommeil, individuels et collectifs (le dor-
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toir du centre d’art de l’abbaye de Fontevraud), des architectures pensées pour accueillir les corps somnolents (lits, capsules). Autant d’approches et d’interrogations d’artistes sur les mystères somnolents, naturels ou artificiels (hypnose, méditation). Quelques rêves éveillés Ces états, permettant l’émergence de visions évanescentes comme un réveil au petit matin, sont prétextes à des divagations… poétiques. Comme celles de l’artiste Marion Tampon-Lajarriette, qui produit à Thouars l’installation vidéo « Projet pour le somnambule » dans la minuscule chapelle néogothique Jeanne-d’Arc. Ses vitraux et son alcôve sont investis par des images mouvantes suscitant un vague vertige. Les bâtiments d’avant-garde des trois fonds régionaux d’art contemporain (Frac Centre, des Pays de la Loire et Poitou-Charentes) sont également investis. Focus sur celui de la Région Centre à Orléans, ville de Jeanne d’Arc, qui eut bien des visions prophétiques ! L’exposition, dans un grand cube ressemblant à un garage, aborde l’architec-
ture comme « véhicule rêvé » pour corps en déplacement. L’architecture s’y fait extension, naturelle ou mécanique, du corps. En prenant la forme de tentes (Davide Cascio, Simon Starling,), d’objetsmachines hybrides (MinimaForms et Krzysztof Wodiczko), de dispositifs prothétiques auxquels on doit s’harnacher physiquement (Gianni Pettena et Mario Terzic). Ces « véhicules » entendent transformer le corps et engager « un dialogue nouveau avec l’espace urbain et reconsidérer les limites entre sphères privées et publiques ». Un vaste programme auquel contribue une hilarante vidéo de Michel de Broin : l’artiste québécois a désossé une voiture américaine et remplacé le moteur par quatre pédaliers et autant de pédaleurs. L’étrange attelage ne manque pas de se faire arrêter par la police alors qu’il roule dans les rues d’une ville canadienne… L’original de cette « voiture à propulsion partagée » est exposé par un autre Frac, celui de PoitouCharentes. La boucle est bouclée, attachez votre ceinture ! ■ « Songe d’une nuit d’été », jusqu’en novembre 2012. Pour en savoir plus sur les 13 lieux et les artistes : www.frac-platform.com.
Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012
époque // sport
© Léo Paul Ridet
© Léo Paul Ridet
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À 16 ans, Alexandre Roy pourrait devenir le premier Français à évoluer dans l’élite du baseball américain. Portrait d’un adolescent prodige.
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Alexandre,
véritable enfant de la balle
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Par Pierre Godfrin itué entre une autoroute et une voie de chemin de fer, le terrain de baseball des Huskies de Rouen accueille depuis déjà plus de dix ans Alexandre Roy, grand espoir d’un sport encore très peu médiatisé en France. L’amour d’Alexandre pour le baseball lui vient de son père, Robin Roy, un ancien joueur et manager du club normand, qui était lanceur… comme lui. « Mon père m’a fait lancer très tôt, explique Alexandre, qui fêtera ses 17 ans
« Il est le quatrième Français à signer un contrat avec une équipe américaine, les Mariners de Seattle.»
en juillet. C’est vraiment un geste que j’ai aimé dès le début. Quand j’étais jeune, il m’emmenait aux entraînements car j’adorais jouer au baseball. Vu que je commençais à avoir des bons résultats au lancer, on s’est intéressé à une carrière dans le baseball. Ce n’était pas du tout forcé. » En troisième année de sport-études au Pôle France de Rouen, le lanceur gaucher a été repéré par plusieurs formations américaines lors d’un camp d’entraînement l’été dernier en Italie. Quelques mois plus tard, il est devenu le quatrième Français à signer un contrat avec une équipe américaine, les Mariners de Seattle, basés dans le nord-ouest des États-Unis. Mais pas question pour autant d’abandonner le lycée ! Avant de traverser l’Atlantique, lors de ses prochaines vacances estivales, ce jeune homme à l’ imposante stature (1, 88 m) doit passer les premières épreuves de
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son bac S puis revenir pour sa terminale. Ensuite seulement il pourra s’investir entièrement dans le baseball. « Je vais y consacrer ma vie pendant trois, quatre ans. Je mettrai les études en pause. Mes parents sont d’accord. Ce serait dommage de ne pas y aller à fond. » Le plus dur reste à venir Mais passer du meilleur club français à la fameuse MLB (Ligue majeure de baseball) est une épreuve digne d’Hercule. L’exemple de son prédécesseur, Joris Bert, lui aussi aux Huskies, en est la preuve. Âgé aujourd’hui de 25 ans, il avait signé avec les Dodgers de Los Angeles en 2007 mais n’a pas franchi la première des cinq étapes permettant d’évoluer dans l’élite. Il travaille désormais dans une pizzeria de Rouen… « Pour l’instant, je n’ai pas trop de pression, affirme de son côté Alexandre. Je
suis encore jeune. » Ses trois semaines passées en Arizona en avril lui ont d’ailleurs donné encore plus confiance en son potentiel. Accompagné par ses parents, il a eu un léger avant-goût de la vie américaine : « Je m’entraînais de 7 heures à midi. L’après-midi, on était à l’hôtel pour nous reposer. On n’a pas trop fait de sorties. Je me suis vite adapté. Sur le terrain, je suis arrivé à montrer que j’étais assez bon. J’étais deux ou trois ans plus jeune que tous les autres gars en Arizona. On m’a dit que j’avais encore du temps pour me développer donc je prends mon temps. » Conscient que sa réussite pourrait permettre au baseball d’être sur le devant de la scène en France, il prend pour le moment tout ce qui lui arrive avec un détachement de circonstance pour son âge : « Je ne suis pas encore allé à Seattle, mais je sais que c’est comme à Rouen : il y fait le même temps… » ■
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époque // Portrait de francophone (3/6)
John,
un Américain au Québec Même si Montréal n’est qu’à quelques heures de route des États-Unis, choisir le Québec pour un Américain est un vrai défi. L’expérience de John, francophone malgré lui mais fier de ses deux langues.
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Texte et photos par Marie-Laure Josselin ertes, il aime les westerns de Sergio Leone et l’acteur Clint Eastwood. Mais à tout cela John Alexander Mulholland préfère Bienvenue chez Ch’tis et Le Dîner de cons. Même si son ancêtre a quitté l’Irlande pour s’installer d’abord au Québec avant d’aller
« Rien ne prédestinait cet Américain né en 1963 à New York à devenir francophile et à passer sa vie au Québec, la province francophone du Canada. »
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aux États-Unis, et que son arrièregrand-père s’est marié à une Québécoise, rien ne prédestinait pourtant cet Américain né en 1963 à New York à devenir francophile et à passer sa vie au Québec, la province francophone du Canada. John se souvient de sa première expérience avec le français. Son père avait annoncé à la famille qu’ils allaient déménager, pour raison professionnelle, à Montréal. Un jour, alors qu’ils roulaient en voiture à New York, son père propose de pratiquer le français. Mais personne ne parle la langue : son père avait bien appris, mais « tout le monde lui demandait d’arrêter car son français était horrible », se remémore John avec un sou-
rire malicieux. Les enfants se mettent donc à baragouiner des choses incompréhensibles, pensant que « si on ne comprend rien, ça doit être du français ». Les deux solitudes La famille Mulholland s’installe donc au Québec quand John Alexander a 7 ans. « À cette époque, Montréal, c’étaient les deux solitudes : tu pouvais vivre ta vie en anglais sans parler du tout français », raconte-t-il, en français évidemment, avec un accent américain prononcé. La véritable langue du travail au Québec tout comme celle du commerce, des affaires et de l’affichage était l’anglais. Les immigrants adhéraient massive-
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ment à cette langue. Alors pour John, il ne restait que les quelques cours de français à l’école pour apprendre la langue de Molière : « Tous nos professeurs essayaient de nous apprendre le français de France, pas du Québec, mais on ne pratiquait pas car à l’extérieur de l’école, on ne parlait pas du tout français ». John déménage dans un Québec sous tension. Quelques mois après son arrivée, son voisin James Cross, un attaché commercial de GrandeBretagne, est enlevé par le Front de libération du Québec, un mouvement politique radical prônant l’utilisation de la lutte armée comme moyen d’affirmation et d’émancipation pour le Québec. Au même moment, Pierre Laporte, un ministre québécois, est également enlevé. Si le premier s’en tire sain et sauf, le second est retrouvé mort dans le coffre d’une voiture. « Je n’ai pas compris ce qu’il se passait mais il y avait beaucoup de tensions entre les francophones et les anglophones en ce tempslà », se souvient-il. Le tournant de la loi 101 Si John prend systématiquement des journaux francophones dans un café pour lire, il n’est pas immédiatement tombé amoureux de la langue. Il n’aimait pas la poésie ni tout ce qui était artistique. « C’est en vieillissant que j’ai développé du goût », préciset-il. D’ailleurs, dans sa voiture qu’il utilise souvent, en tant que chef d’entreprise, il écoute Jacques Brel, Joe Dassin et Dan Bigras, chanteur et comédien québécois. Il n’a loupé aucun épisode des séries phares québécoises comme Lance et Compte, qui met en scène les hauts et les bas d’une équipe de hockey sur glace professionnelle ou encore Omerta, qui raconte les démêlés d’un policier avec différents membres de la mafia à Montréal. Et John a suivi les dictées de Bernard Pivot, s’amusant même plusieurs fois à y participer derrière son poste ! Ce grand gaillard aux yeux bleus l’avoue : ce sont les filles, les Québécoises, qui l’ont poussé à travailler son français ! Après des allers retours hors du Québec pour ses études,
Une ville où le bilinguisme est omniprésent.
« j’ai commencé à sortir de mon monde fermé anglophone et à parler français ». Le Québec a aussi changé entre-temps. En 1977, la Charte de la langue française, communément appelée loi 101, est adoptée. Elle fait du français la langue officielle de l’État et des cours de justice, tout comme la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, ducommerce et des affaires. Depuis, John s’est marié avec une Québécoise, « comme tous mes amis anglophones » ; il a trois enfants qui « sont légèrement plus français qu’anglais », ils ont tous été à l’école en français. Le petit dernier parle français et ce n’est pas « la mission de ma vie que de lui apprendre l’anglais », estime John. En revanche, avec sa femme Martine, John dialogue en anglais, sauf quand « on se fâche », raconte-t-il en rigolant. Le bilinguisme, un atout Une récente enquête de l’Office québécois de la langue française a démontré que la place du français se détériorait dans les commerces du
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centre-ville de la métropole. Dans les affaires, John est catégorique : « Si tu es unilingue anglophone, tu auras moins de chance de trouver un travail haut placé. » Plus de 81 % des habitants ont pour langue d’usage le français, une tendance à la baisse. Le bilinguisme de John est un atout dans cette province où les deux langues cohabitent. « Quand quelqu’un m’appelle de Toronto et qu’il entend mon anglais, il se dit que je suis l’un des leurs, mais il sait aussi que je peux faire des affaires en français, alors il est encore plus intéressé. » Écrire en français lui a pris plus de temps, il n’osait pas « casser la glace », car « les francophones sont très minutieux dans la manipulation de leur langue… et on a peur ! » D’ailleurs, les anglicismes sont à éviter, les fins de semaine (et non les week-ends), John et sa femme Martine regardent le matin une émission française, avant de partir dans un souper où l’on parlera en anglais ou en français. Une chose a toujours marqué John au Québec : « S’il y a dix francophones et un anglophone à une table, la conversation va se faire en
anglais, quasi systématiquement. » Ce que de nombreux Québécois déplorent. L’homme de 49 ans a du mal à se définir… Il a toujours son accent américain quand il parle en français, utilise nombre d’expressions québé-
« S’il y a dix francophones et un anglophone à une table, la conversation va se faire en anglais, quasi systématiquement. » coises comme « tanné », « niaiser avec la puck », ou « poigner » sans se considérer comme francophile, peut-être par excès de modestie. Il est toujours immigrant reçu au Canada, donc américain. Mais il est bien entre ces deux mondes, et navigue entre les deux langues : Dan Bigras à fond dans sa voiture où trône à l’arrière l’inscription « Québec, je me souviens », sur la plaque d’immatriculation. Un petit pied de nez à son histoire personnelle, un retour là où son ancêtre a débarqué… ■
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