/¡ t mars 2011
Francophonies
Numérique L’Afrique fait sa révolution
Francophonie Les mots de la territorialité
Médias Sensibiliser à la diversité
Découverte Un cirque au Burkina Faso
JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE 20 MARS 2011
+ DE CULTURE + DE DÉMOCRATIE + D’ÉDUCATION
IL Y A DES MOTS QUI FONT AVANCER LE MONDE
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ÉTATS ET GOUVERNEMENTS
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MILLIONS DE PERSONNES SUR LES 5 CONTINENTS
20mars.francophonie.org
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MILLIONS DE LOCUTEURS DE LANGUE FRANÇAISE
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DU COMMERCE MONDIAL
Production : OIF (Service de communication) Conception et création : LUCIOLE s JANVIER )MPRIMÏ SUR UN PAPIER CERTIlÏ 0%&# PROVENANT DES FORÐTS GÏRÏES DURABLEMENT
+ DE DÉVELOPPEMENT
Francophonies du Sud Partager : La fièvre des réseaux
Évènements : France, Sud-‐Soudan,
André-‐Michel Essoungou
Anne Kengne
Soigner : Un coup de fil et… ça va
Franco-‐mots : Les mots de la
2 À lire 4 Écouter, voir 6 Découverte : Fasocirque, une école de la vie et des arts 8
Interview : « L’Afrique a une longueur d’avance » 10 Propos recueillis par Kidi Bebey
Agir et militer : La démocratie assistée par ordinateur
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mieux
Kidi Bebey
Payer : Une banque dans toutes les poches africaines ?
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Mary Kimani
Dossier L’Afrique numérique
Olivier Rogez
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sociaux atteint l’Afrique
Le « tout-‐monde », Union africaine
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Passerelles Socio-‐éco : Aquaculture : l’Afrique se jette à l’eau 20 Marie-‐Christine Simonet
édito
© DR
Expérience : Quand la crise économique sape l’enseignement
Actualité
Pour nous, l’aventure a commencé dans la seconde moitié de la décennie 1990. Cela a débuté avec des mots qui ne nous étaient pas inconnus, mais qui, du jour au lendemain, revêtaient une signification nouvelle. Nous entendions, avec des acceptions nouvelles, des mots comme « Toile », des expressions comme « autoroutes de l’information », « université virtuelle ». Très vite, nous avons intégré l’anglicisme « web ». Puis, progressivement, les choses se sont précisées, sont devenues concrètes. La télécopie a été vite dépassée, elle qui, de manière aussi fulgurante, avait relégué le télex au rang des oubliettes. L’adresse électronique autorise désormais les échanges de messages écrits en temps réel. Le rêve est devenu réalité. Voici l’Afrique au même rythme que le reste du monde avec l’Internet installé dans notre quotidien, au bureau comme à domicile, quand le PC permet les déplacements. Ainsi, où que nous soyons, nous sommes connectés. Mais le merveilleux ne se limite pas au seul fait d’être connecté. L’Internet et, partant, les TIC (Technologies de l’information et de la communication), le numérique, ont révolutionné le domaine qui est le nôtre, nous, enseignants, en général, nous, professeurs de français, en particulier. Nous restons convaincus, à l’heure actuelle, que rien ne remplace une bibliothèque, ce meuble contenant les livres, cette pièce où est installé ce meuble et où nous sommes réguliers, fréquents, pour préparer nos cours, effectuer nos recherches. En la matière, la révolution a consisté au fait qu’avec les TIC, nous disposons de nouvelles sources de documentation, et de l’enrichissement de notre vocabulaire qui a incorporé des termes comme « métachercheurs », « hypertexes », des expressions comme « moteur de recherche », « repertoire de recherche ». Assurément, la révolution du numérique ne dispense nullement du travail intellectuel, mais les TIC ont considérablement contribué à le faciliter.
Pr Issiaka Ahmadou Singaré Président de l’AMAPLAF et de l’APFA-OI
territorialité
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Chantal Baoutelman
Pédagogie Pédagogie : Sensibiliser à la diversité dans les médias Pédagogie : Promenade en Francophonie Fiches pédagogiques : Parle-‐moi d’elle, parle-‐moi de lui Savoir analyser une image de révolte L’utilisation d’Internet pour faire ses devoirs
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Francophonies du Sud Supplément au N°374 de (numéro de commission paritaire : 0412T81661)
Directeur de la publication : JEAN-‐PIERRE CUQ – FIPF Directeur de la rédaction : JACQUES PÉCHEUR Coordinatrice de la rédaction : KIDI BEBEY Relations commerciales : SOPHIE FERRAND Maquette : MATHIEU BERTON – MB GRAPHISM Secrétariat de rédaction : MARIE-‐LOU MORIN © CLE international 2011 Revue de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), réalisée avec le sou-‐ tien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et la collaboration de l'Association des professeurs de français d'Afrique et de l'Océan Indien (APFA-‐OI) LE FRANÇAIS DANS LE MONDE – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75013 Paris Rédaction : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax : 33 (0) 1 45 87 43 18 Abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax : 33 (0) 1 40 94 22 32 FIPF : Tél. : 33 (0) 1 46 26 53 16 – Fax : 33 (0) 1 46 26 81 69 – Mél : www.fipf.org ; secretariat@fipf.org fdlm@fdlm.org – http://www.fdlm.org
Couverture : © Ocean/Corbis
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© ULRIKE KOLTERMANN/epa/Corbis
Actualité
Le portrait du “martyr” Mohamed Bouazizi brandi lors d’une manifestation à Tunis en janvier 2011
Je brûle donc je suis Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi met fin à ses jours devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid, dans l’Ouest tunisien. Un geste qui ébranle le monde arabe.
A
près la Tunisie, ce fut l’Algérie, l’Égypte, la Mauritanie et même l’Arabie saoudite. Dans ces pays, l’immolation par le feu est devenue l’ultime geste de protestation d’une jeunesse désespérée. Les martyrs du feu ne sont pas des suicidés comme les autres. Leur geste est fondamentalement politique. À la contestation s’ajoute le sacrifice de soi que l’on donne à voir en exemple, bien souvent en place publique. On s’immole par le feu parce que la société n’offre plus aucun avenir, soit en raison des conditions socio-économiques difficiles, soit parce qu’elle a ôté à l’individu sa dignité. Ce fut le cas du Tunisien Mohamed Bouazizi, qui s’est immolé après avoir été giflé par une policière municipale qui lui avait confisqué son étalage de fruits et légumes, sa seule source de revenu.
Pour les dirigeants, la crainte est de voir se répandre une idéalisation de ce geste sacrificiel, un romantisme de l’immolation. En Algérie, au mois de janvier dernier, en moins d’une semaine, 25 personnes ont tenté de s’immoler par le feu. À tel point que, dans les manifestations, des brigades anti-immolation, dotées d’extincteurs, ont été mises en place. Le geste de Mohamed Bouazizi est le point de départ de la révolution tunisienne qui a conduit au renversement du président Ben Ali. Ceux qui, depuis, l’imitent un peu partout visent à reproduire le même effet révolutionnaire. Les dirigeants arabes commencent à le comprendre. Reste à savoir s’ils sauront en tirer les leçons. Alex Ndiaye
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Brèves
FRANCE
LE « TOUT-‐MONDE » Monsieur Glissant
L’OIF mise en demeure
Il était l’un des chantres les plus éloquents du métissage. Le poète, essayiste, romancier et dramaturge Édouard Glissant s’est éteint à Paris le 3 février dernier à l’âge de 82 ans. Soucieux de diffuser « l’extraordinaire diversité des imaginaires des peuples », cet intellectuel en révolte permanente contre le racisme et le refus de l’autre avait créé à Paris l’Institut du Tout-Monde. En 1958, son roman La Lézarde obtenait le prix Renaudot.
La Maison de la Francophonie, nouveau siège de l’OIF, ouvre ses portes à Paris le 20 mars, avenue Bosquet. À l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie, le secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, et le président français Nicolas Sarkozy inaugureront ce lieu. Les services de l’organisation, qui étaient disséminés jusqu’à présent sur plusieurs sites, y seront regroupés. A.N.
© OIF
A.N.
Le prestige haussmannien pour accueillir la Francophonie
SUD-‐SOUDAN © Eric Fougere/VIP Images/Corbis
Independance Day Le 9 juillet prochain, l’Afrique comptera un État de plus. Le Sud-Soudan a en effet voté en janvier dernier à 98,8 % en faveur de la séparation d’avec le Nord du pays, en vertu de l’accord de paix de 2005. D’ici juillet, Salva Kiir, le président sudiste, et Omar El-béchir, son homologue nordiste, doivent s’entendre sur le tracé précis de la frontière séparant les deux États, la répartition des revenus du pétrole et le statut futur de la province d’Abyei.
Édouard Glissant, un homme dédié à la culture universelle
UNION AFRICAINE
A.N.
© Marcin Suder/Corbis
Un président contesté
Les Sud-‐Soudanais fêtent une élection qui s’apparente pour eux à une libération
Le président équato-guinéen Theodoro Obiang Nguema a été désigné fin janvier président en exercice de l’Union africaine pour un an. Au pouvoir depuis 1979, M. Obiang Nguema dirige son pays d’une main de fer. Les organisations de défense des droits de l’homme n’ont que peu apprécié cette nomination. « Le règne d’Obiang sur la Guinée équatoriale se caractérise par un bilan désastreux en matière de violation des droits de l’homme et de corruption qui, de fait, incarnent l’exact opposé de ce que l’UA cherche à promouvoir sur le continent », a estimé Aloys Habimana, de Human Rights Watch. A.N.
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À lire Récit Où as-‐tu passé la nuit ? Après s’être fait connaître avec un premier roman audacieux, Demi-‐teinte, qui racontait l’histoire de deux sœurs métisses, l’Américaine Danzy Senna reprend ce fil thématique et peint, cette fois, la grande fresque de sa famille. Une histoire d’audace puisqu’en 1944, à la naissance de son père, métis, en Louisiane, les unions interraciales sont des crimes passibles de prison et plus souvent de lynchage. Pourtant, cet homme, éditeur et écrivain noir, va épouser une jeune femme blanche de la haute société bostonienne. Avec une grande sensibilité, Danzy Senna retrace l’itinéraire fami-‐ lial et partage avec le lecteur une émouvante interrogation sur le sens et les implications de la couleur de peau et de l’appartenance sociale. Kidi Bebey
Où as-‐tu passé la nuit ? Une histoire personnelle, de Danzy Senna (Actes sud)
Jeunesse Femmes et patrimoine au Niger Quatre albums illustrés, réunis en coffret, se proposent d’ouvrir les yeux des jeunes lecteurs sur le patrimoine culturel de la région du fleuve Niger. À travers Katirou, « la femme qui construit en terre », ce personnage imaginé par l’une des auteurs, Amélie Essesse, les jeunes lecteurs découvrent la richesse du patrimoine et l’importance du rôle des femmes dans sa préservation. K.B.
Coffret Femmes et patrimoine au Niger, de Amélie Essesse, Yao Metsoko, Louis Oloa, Cléa Rossi, Véronique Chapre, Joëlle Delaunay (Éditions Ibis Press)
Récit Tout bouge autour de moi Invité avec plusieurs autres écrivains au festival Étonnants Voyageurs, Dany Laferrière a vécu l’effroyable minute de silence à la fin de laquelle tout a changé en Haïti, le 12 janvier 2010. Il devait à son éditeur un projet déjà commencé. Au lieu de cela, il va débuter, dans les heures suivant le tremblement de terre, un récit, témoignage délicat et sensible sur ce qui se vit alors. Le « juste après » fait de mille détails tragiques tout autant que merveilleux. Publié chez son éditeur canadien avant de paraître début 2011 en France, Tout bouge autour de moi est la preuve que l’écriture est l’arme ultime face aux pires épreuves de la vie. K.B.
Tout bouge autour de moi, Dany Laferrière (Grasset et Mémoire d’Encrier)
5 Essai Afrique noire, poudre blanche L’auteur a été longtemps correspondant de RFI en Afrique. Au terme d’une enquête fouillée, il nous livre un constat aussi catastrophique qu’alarmant concernant le trafic de drogue en Afrique. Ici, il n’est pas question de petits trafiquants ou de zones particulières de non-droit, comme au Mexique. Non, ce qu’il relève, c’est une organisation criminelle à grande échelle où des cartels s’achètent des îles au large de la Guinée-Bissau, y construisent leurs propres aérodromes pour faciliter l’écoulement de la drogue. Christophe Champin s’alarme de l’« incroyable ruée des cartels sur l’Afrique », qui s’étend du Cap à Casablanca. Les « narcos » latinoaméricains utilisent les pays africains comme plateformes pour mieux atteindre l’Europe. L’instabilité politique ouvre un boulevard à tous les trafics : drogue, armes, êtres humains… À cet égard, la Côte-d’Ivoire laisse craindre le pire et la communauté internationale semble bien désarmée face à cette menace. De fait, tant que ces pays resteront des zones de gouvernance molle et corrompue et que la pauvreté y sévira, les trafics iront croissant. Marie-‐Christine Simonet Afrique noire, poudre blanche, Christophe Champin (André Versaille éditeur)
Essai La guerre du Kivu Septembre 2008, dans les deux provinces du Kivu. Un Kivu coincé entre deux pays en guerre, le Rwanda et le Congo (RDC). Pour Kigali, écrit l’auteur, « le Kivu était à la fois une menace permanente et un espace à contrôler, voire à conquérir ». En toile de fond, la guerre du Rwanda de 1994. Des interactions entre pays voisins (Zambie, Zimbabwe, Angola, Ouganda, Burundi). L’exil de deux millions de Rwandais, considérés par Kigali comme des « génocidaires » contre lesquels l’armée rwandaise exerçait un « droit de poursuite » qui n’était que la « façade d’un pillage systématique du Kivu, depuis le démontage d’usines jusqu’au contrôle [du] colombo-tantalite (coltan) ». Bref, il s’agissait ni plus ni moins d’une tentative de prise du pouvoir au Congo par les autorités rwandaises. C’est toute cette histoire, cette tragédie, que décrypte Willame. Le système de la véranda, « où les hommes s’affrontent comme des hommes », était « un frein à l’orgueil des grands […] une espérance pour les petits » ; celui de la salle climatisée, c’est le jeu de dupes des accords de paix, signés dans ces salles.
Essai Élections et Médias en Afrique centrale En dix ans, six pays d’Afrique centrale ont organisé des élections. Des scrutins qui avaient pour point commun d’inter-‐ venir après des conflits armés. Ces élections ont servi de laboratoire aux médias. Les journalistes y ont pris une place pré-‐ pondérante. À travers les expériences croisées de dizaines de journalistes, le livre de Marie-‐Soleil Frère montre comment les médias ont pu librement ou non couvrir ces scrutins, les difficultés auxquelles ils se sont heurtés, les pres-‐ sions qu’ils ont dû affronter et les défis techniques qui se sont posés à eux. Ce livre met aussi en lumière le courage de certains jour-‐ nalistes, la solidarité pro-‐ fessionnelle, l’inventivité de ces acteurs des situations post-‐conflit. Maire-‐Soleil Frère est chercheuse qua-‐ lifiée du Fonds national de la Recherche scientifique et chargée de cours à l’uni-‐ versité libre de Bruxelles. Élections et Médias en Afrique centrale est le quatrième ouvrage qu’elle consacre au monde des médias en Afrique. Alex Ndiaye
M.-‐Ch. S. La Guerre du Kivu. Vues de la salle climatisée et de la véranda, Jean-‐Claude Willame (Grip)
Élections et Médias en Afrique centrale. Voie des urnes, voix de la paix ?, Marie-‐Soleil Frère (Karthala, Institut Panos Paris)
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Écouter, Voir
Expo
Kidi Bebey Jusqu’au 10 juillet 2011. Renseignements : www.dapper.com
CD L’univers singulier de Kareyce Fotso Une guitare, une voix, des paroles en différentes langues (français, anglais, béti)… Kareyce Fotso se présente avec simplicité au public. Pourtant, très vite, sur scène comme dans ce disque, sa voix et ses propos accrochent. Ils racontent les préoccupations d’une jeune femme d’aujourd’hui, émue par les difficultés de la vie quotidienne ou par les grands bouleversements du monde. Originaire du Cameroun, Kareyce Fotso a fait des études de biochimie, puis s’est rapprochée du monde de l’image en obtenant un BTS en audiovisuel et photographie. Mais le mystérieux attrait de la création l’a poussée à s’exprimer, peu à peu. D’abord choriste aux côtés notamment de sa compatriote Sally Niolo, elle est désormais passée sur le devant de la scène. Laissez-vous charmer par son singulier et généreux univers. K.B. © Akwa Betote
Angola, figures du pouvoir Partir à la rencontre de la création artistique ango-‐ laise et des peuples kongo, mwila, chokwe… C’est ce que propose le musée Dapper à Paris durant encore quelques mois. D’un côté, l’art ancien présenté en 140 œuvres : sta-‐ tuettes, bas-‐reliefs, masques, emblèmes… De l’autre, l’art contemporain avec le travail de l’un des plus grands artistes angolais, António Ole, dont sept œuvres sont présentées. Une double manière de rendre compte de la richesse de ce pays et de la complexité de ses peuples. Dans le cadre raffiné du musée Dapper, la sélection de la directrice et commis-‐ saire d’exposition Christiane Falgayrette-‐Leveau surprend et émerveille les visiteurs. Un choc visuel exceptionnel, à prolonger en feuilletant le catalogue de l’exposition.
Kareyce Fotso, Kwegne. Label Contre-‐Jour
CD Asa récidive. Après un premier disque très remarqué, elle présente aujourd’hui son deuxième opus, Beautiful Imperfection. Elle y interprète ses compositions en yoruba, anglais et français. Les fans de musique folk, rock et pop se passent déjà largement le mot et la suivent à la trace, en tournée à travers le monde. À 29 ans, Asa en est déjà à sa septième année sur scène. La critique salue encore ce phénomène de la musique, l’un de ces miracles que sait si bien produire le Nigeria. K.B. Beautiful Imperfection, Asa, Naïve
© JB Mondino
© Archives Musée Dapper et Museu Nacional de Antropologia/Photo Rui Tavares
Beautiful (im)perfection
7 Danse On t’appelle Vénus ! « Je présume que tu t’en fous quand tu découvres la brume de Londres ou du Paris des grammairiens qui te veulent nue dans un mauvais poème. (…) Ils t’exposent avec des nains, des géants, des bossus… Appellent le passant (…). Ils sont patrons de cirque, de théâtre, proxénètes, scientifiques… On te mesure. On moulera chaque partie de ton corps, mort ! » Ce texte très fort est déclamé par une danseuse, l’Antillaise Chantal Loïal, qui propose avec sa compagnie Difekako (« quelque chose qui chauffe » en créole) un travail qui relie magnifiquement les continents, ainsi que les grandes aventures humaines comme les grandes tragédies. Seule sur scène, Chantal Loïal rend ainsi hommage à Saartjie Baartman, celle qui au xviiie siècle fut appelée « la Vénus hottentote » et qui fut arrachée à sa terre natale pour être exhibée, étudiée comme un phénomène et en un mot maltraitée en Europe. « Une histoire qui à elle seule résume tous les abus et les tragédies du colonialisme et de l’affrontement de deux mondes, résume Chantal Loïal. Ce projet se veut donc une ode à la féminité et au-delà l’ode d’une femme noire à toutes les femmes. » Ce solo plein d’émotion et de sensibilité, créé en collaboration avec les chorégraphes Paco Dècina et Philippe Lafeuille, a été présenté à Fort-de-France au mois de janvier. Gageons qu’il saura toucher les publics métropolitains, puis sud-américains avec la même force.
DVD Afrique[s], une autre his-‐ toire du xxe siècle En 1885, les grandes puis-‐ sances occidentales se par-‐ tagent le territoire africain lors de la très importante Conférence de Berlin. C’est le point de départ qu’ont choisi Elikia M’Bokolo, Philippe Sainteny et Alain Ferrari, les auteurs. Cette série de documentaires retrace l’histoire du conti-‐ nent africain. Violentée par l’esclavage, occupée de force par la colonisation puis « in-‐ dépendante », mais secouée par des dirigeants politiques totalitaristes, l’Afrique a une histoire longue et com-‐ plexe qui, à bien des égards, ressemble à un chemin de croix. Mais cette histoire est également celle, épique, de peuples et de grands acteurs qui ont maintes fois relevé la tête, résisté à l’envahisseur et combattu pour leur liber-‐ té. Richement documenté, ponctué d’interventions de nombreux et prestigieux témoins, ce grand documen-‐ taire démontre que l’histoire de l’Afrique n’est pas « à part », mais bien aussi l’his-‐ toire du monde.
K.B. On t’appelle Vénus, Tarmac de la Villette (Paris), du 31 mai au 4 juin, puis à Marseille, Alliances françaises du Venezuela et tournée en préparation en Colombie et en Équateur. Renseignements : http://www.difekako.fr
© Alain Birnesser
K.B.
Afrique[s], une autre histoire du XXe siècle, d’Elikia M’Bokolo, Philippe Sainteny et Alain Ferrari, coproduction Temps noir, INA, France Télévisions 2010. www.ina.fr
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Découverte
Fasocirque, une école de la vie sont jeunes, créatifs et enthousiastes… À eux 16, ils forment et des arts IlsFasocirque, la première troupe des arts de la piste du Burkina. Leur détermination – et leur talent – devraient les emmener un jour là-‐haut, au firmament !
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© Silvia Morara/Corbis
acrobates qui mêlent techniques européennes d’équilibre, au travail avec les échasses, art typiquement africain, ainsi qu’une oreille sur la musique proposée par Diabaté, spécialiste du dum dum et du balafon. Ambiance bon enfant, certes, mais rigueur demandée. Mathias le sait depuis son apprentissage : « rigueur », « sérieux », « constance », « assurance » sont des mots à conjuguer au quotidien au cirque, si l’on veut éviter les pépins et tendre vers la perfection. C’est grâce à l’ONG canadienne Jeunesse du monde, il y a dix ans, qu’il a approché les arts de la piste et a appris à développer son talent. Depuis l’ONG est partie, mais nombreux sont ces jeunes des rues qui, comme lui, ont repris le flambeau en devenant, à leur tour, moniteurs. Et il y a cinq ans, à l’instar de Circus Baobab, en Rigueur, sérieux, constance et assurance sont les maîtres mots de l’apprentissage au Fasocirque Guinée-Conakry, précurseur en la matière dès 1998, Fasocirque est né pour aider les jeunes à s’en sortir, pour montrer qu’une autre voie u bout d’un chemin caillouteux et malaisé, juste après le que celle de la rue ou de la drogue est possible. Pour goudron, à trente minutes de Ouaga, à Zagtouli, quelle « faire » du beau aussi et, ainsi, pouvoir le proposer aux surprise ! Au milieu d’un informel village de terre, une spectateurs du Burkina Faso, bien sûr, mais également cour et un toit de tôle formant un abri. Des costumes de France, du Canada, du Ghana, du Mali, du Niger, sont étendus sur le muret qui ceint l’endroit, une toute de Belgique et, tout récemment, du Bénin. L’ancien petite bicoque sert de remise à matériel et une estrade royaume du Dahomey a non seulement bénéficié d’une en béton, sous le toit de tôle, n’est autre que l’espace représentation des Miracles du cirque, mais également de répétition de cette toute jeune troupe de circassiens du savoir-faire de la compagnie qui a dispensé une en devenir. Ce jour-là, il n’y avait que des garçons, mais formation au cirque Tokpa de Cotonou. Aujourd’hui, plusieurs filles évoluent également au sein du groupe. Fasocirque peaufine sa dernière création, Source de Il fait un soleil de plomb et l’équipement est sommaire, vie, spectacle autour de la problématique de l’eau, et quelques tapis de sol, des quilles de jonglerie, un diabolo, a signé un partenariat d’échange de trois ans avec le pas d’agrès sophistiqués, encore moins d’accessoires Pôle régional des arts du Cirque d’Amiens, qui possède de sécurité. l’un des derniers cirques en dur de France. Fillettes et garçonnets des alentours sont tous là, à De représentations en perfectionnements, de formations regarder leurs « grands frères » s’entraîner… Et rient en créations, parions donc que Fasocirque saura durer quand une quille tombe ! et se développer… Pour le bonheur des grands et des Mathias Nacoulma, responsable de la troupe, nous petits, d’ici ou d’ailleurs ! reçoit avec chaleur tout en gardant un œil sur Joël, Bérénice Balta qui jongle avec des bols et des bâtons, Edgar et Pascal,
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S Interview  L’Afrique a une longueur d’avance 
S Agir et militer La dĂŠmocratie assistĂŠe par ordinateur
S Partager La fièvre des rÊseaux sociaux atteint l’Afrique
S Soigner Un coup de fil et‌ ça va mieux
S Payer Une banque dans toutes les poches africaines ?
Š Jon Hrusa/epa/Corbis
DOSSIER
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L’Afrique numÊrique Nous sommes plus d’un milliard d’humains connectÊs à Internet depuis fin 2007. 600 millions à utiliser le rÊseau Facebook... Partout dans le monde, depuis plus de dix ans maintenant, les mails, les messageries instantanÊes (Skype, MSN), les services de Google, les tÊlÊphones mobiles font partie du tissu de notre vie professionnelle ou personnelle. L’Afrique occupe une place importante dans ce vaste mouvement. Elle est à la pointe des technologies de l’information et de la commu-� nication, non pas en tant que productrice de smartphones ou d’ordi-� nateurs, mais en tant qu’utilisatrice et novatrice dans ses usages. Selon la journaliste et cyberobservatrice Claire Ulrich,  l’Afrique a une longueur d’avance en matière de tÊlÊphonie mobile . Ce dossier permet de voir qu’en matière de services, les Africains s’approprient les outils numÊriques. Que la Tunisie et l’Égypte ont rÊcemment fait une utilisation citoyenne et politique des rÊseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Que le Kenya, qui connais-� sait des troubles post-�Êlectoraux violents dÊbut 2008, a ouvert une technopole à Nairobi (iHub) en 2009, votÊ dans la paix pour un rÊfÊ-� rendum sur la constitution et lancÊ une plate-�forme en ligne 1 oÚ le citoyen a pu suivre le parcours de son dÊputÊ et le rappeler à l’ordre sur ses promesses. La rÊvolution numÊrique à l’africaine signe la fin du dÊsenclave-� ment : c’est un formidable bond dans l’avenir, qui permet au conti-� nent de brÝler les Êtapes et de prÊparer les rÊvolutions Êconomiques de demain.
(1) www.mzalendo.com
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L’Afrique numérique Interview
« L’Afrique a une longueur d’avance »
© Oso
Pour la spécialiste des nouveaux médias, Claire Ulrich, le téléphone mobile a déjà commencé à révolutionner l’Afrique. Sur le continent, les innovations foisonnent dans l’art et la manière d’utiliser la technologie du mobile. Rencontre avec une cyberobservatrice passionnée.
Selon Claire Ulrich, l’Afrique invente ses propres utilisations de la technologie
À vos yeux, assiste-t-on à une véritable révolution en Afrique ? Pour ce qui concerne les usages de la téléphonie mobile, oui. Et ce partout sur le continent. Pour Internet via l’ordinateur, beaucoup moins. Peut-être qu’Internet se démocratisera vraiment seulement grâce aux mobiles 3G (qui permettent une connection par GSM). On se heurte d’abord au problème du prix des équipements : un ordinateur portable neuf représente au Mali six mois de salaire d’un enseignant ! C’est par les cybercafés que l’Afrique se connecte à Internet, mais là aussi, à quel prix ? L’heure de connexion peut coûter jusqu’à l’équivalent d’un euro en dehors des grandes villes avec une connexion si faible que cette heure est « mangée » par le téléchargement d’une photo ou d’un document, sans parler des coupures de courant. Comparez le prix d’un sac de riz et d’une heure de connexion, le choix est vite fait. Cependant, malgré tous ces obstacles, une révolution est en marche, au moins dans les villes : la vitesse d’adoption de Facebook, au cours de ces derniers dix-huit mois, est phénoménale. C’est par ce réseau social que les Africains, qui pratiquaient l’envoi de mails et les recherches sur Google épisodiquement, découvrent la puissance du web social.
Ce qui bouleverse les rapports entre eux (familles éloignées à cause des différentes diasporas, entre filles et garçons, dirigeants et citoyens). Depuis que le câble sous-marin est entré en fonction en doublant ou triplant la vitesse de connexion et en démocratisant le coût d’accès en Afrique australe, ces pays décollent vraiment, au point de vue technologique, investissement, éducation supérieure. Certains observateurs estiment que l’Afrique a une longueur d’avance pour l’usage de la téléphonie mobile ? Oh oui ! Elle n’a de leçon à apprendre de personne, au contraire, en matière de téléphonie mobile. Ne parlons d’abord que du simple téléphone mobile premier, des SMS et des communications vocales. C’est grâce à lui que les villageois maintiennent le contact avec les villes, s’informent sur la météo et les prix de vente de leurs produits auprès des grossistes pour éviter les négociants malhonnêtes. C’est par lui qu’ils demandent à un village lointain s’ils peuvent amener leurs troupeaux paître, qu’ils résolvent les conflits, qu’ils s’avertissent de l’avancée d’un feu de brousse, et qu’ils marient parfois leurs filles ! Partout où le transport est long, coûteux, pénible, le mobile a révo-
© Ann Johansson/Corbis
Bien plus que l’ordinateur, le téléphone est devenu l’outil technologique qui change l’Afrique
lutionné la vie des villageois. Sur les marchés africains, on voit bien que « la minute téléphone » est devenue une monnaie à part entière : on peut acheter un kilo de légumes en échangeant ses minutes de communication prépayées. Depuis un ou deux ans, les innovations pleuvent. Les fabricants de téléphones mobiles ont créé, pour l’Afrique, des portables multi-puces : vous choisissez l’opérateur qui offre les prix les plus intéressants pour chaque coup de fil. Ou encore le téléphone mobile collectif : un seul téléphone pour une communauté, mais beaucoup d’utilisateurs qui accèdent à leur crédit et à leurs messages par un code secret sur un seul terminal. Ce sont des innovations qui devraient arriver tôt ou tard en Afrique francophone. Pour l’heure, seul le Niger a autorisé le transfert d’argent par téléphone mobile pour venir en aide aux populations qui souffrent de la famine via une ONG. L’usage d’Internet ouvre des possibilités pour l’enseignement à distance. Les résultats des expériences menées jusque-là vous semblent-ils probants ? Pas vraiment, sans doute parce que les grands projets qui ont vu le jour, enthousiasmants sur le papier, ne prenaient pas en compte les véritables besoins et possibilités locales.
Les équipements technologiques sont une chose, mais la formation est tout, et ce sont les enseignants locaux, qui connaissent le terrain et les contraintes, les mieux placés pour faire cette révolution. C’est dommage que l’on assiste à un éparpillement des politiques, des méthodes d’enseignement au gré des plans de financement de l’aide internationale ou des ONG, et surtout, que l’on pense d’abord technologie avant de penser besoins pédagogiques et réalités humaines. Quelles réalisations diverses forcent aujourd’hui votre admiration ? De toutes les initiatives que j’ai vu passer, je remarque que ce sont souvent de petites initiatives locales menées avec très peu de moyens par des passionnés qui forment utilement et efficacement les apprenants. Je pense par exemple au Bus Internet qui sillonnent les villages de l’Afrique de l’Est, au rôle des Kiosquières Internet qui gèrent l’ordinateur collectif d’une communauté et créent par la même occasion leur emploi, aux réunions de blogueurs qui en forment d’autres en Afrique francophone. L’ingéniosité déployée par tous les Africains pour suivre en ligne la dernière Coupe du Monde ! Là encore, avec peu de moyens, parfois pas d’électricité, on
a vu s’établir des chaînes humaines derrière leurs écrans dans le monde entier qui, par téléphone, par SMS, par Internet bricolé, ont réussi à retransmettre, suivre, commenter tous les matchs minute par minute jusqu’au fin fond des villages. Des Africains au Canada passaient les infos et les images par Internet dans les villes africaines, qui les répercutaient par SMS ou radio locale dans les villages ! Sinon, il faut saluer Kiva.org, le site de micro-crédit qui a mis dès 2004 directement en rapport les emprunteurs et les prêteurs partout dans le monde, grâce à Internet. La micro-finance n’a rien de neuf, mais choisir sur le Net le micro-entrepreneur que l’on veut soutenir et suivre son parcours a été une révolution et a inspiré un mode de développement solidaire neuf. La seule et grande révolution de l’Internet, que ce soit en Afrique ou ailleurs, c’est d’abord et avant tout ça : mettre en contact des humains qui sans cette technologie ne se seraient jamais connus, parlés, n’auraient jamais créé de la connaissance ou de la valeur ensemble. Propos recueillis par Kidi Bebey Journaliste pour les médias traditionnels et le web, Claire Ulrich est l’une des responsable du site « Global Voices » http://fr.globalvoicesonline.org/
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L’Afrique numérique Agir et militer
La démocratie assistée par ordinateur La révolution numérique restructure les rapports entre le citoyen africain et son environnement politique. Médias en ligne, blogs, forums, les citoyens investissent de plus en plus le web et font progresser la démocratie. es sms pour contrôler la régularité d’un scrutin, des blogs où s’expriment les opposants, voire les rebelles, des journalistes citoyens qui déjouent la censure, voilà autant de phénomènes qui se répandent à grande vitesse sur le continent. Ces dix dernières années, la révolution numérique a sans doute fait davantage progresser la liberté d’expression et la démocratisation des sociétés africaines que les pressions internationales. Quel est aujourd’hui le premier geste d’un opposant africain à l’approche d’une échéance électorale ? Il crée un site web ! Cette plaisanterie qui circulait récemment dans les couloirs des Nations unies traduit une réalité. Le web est devenu un espace d’expression privilégié pour les opposants et toutes les voix discordantes des États où la pluralité n’est pas de mise. Car si dans certains pays le régime en place exerce un contrôle sourcilleux sur les médias publics, notamment en période électorale, la censure d’Internet est, en revanche, quasiment impossible. Ce n’est pas un hasard si en Côte-d’Ivoire, les premiers journaux consultables en ligne au tournant des années 2000 furent ceux de l’opposition.
L’ère des cybercitoyens Espace de refuge pour la presse d’opposition et pour les opposants, le web l’est aussi pour les journalistes d’investigation. Comme le note Jacques Bonjawo1, « ils y publient des informations écrites,
audio ou visuelles qu’ils n’ont pas pu traiter dans d’autres médias ». Ils sont désormais rejoints sur la Toile par une foule de cybercitoyens, blogueurs et activistes de la société civile qui diffusent une information échappant aux canaux traditionnels de contrôle. C’est là où se développe la cybercitoyenneté africaine. La protestation en ligne, que l’on retrouve de Moscou à Pékin, a fait une apparition spectaculaire lors des crises tunisienne et égyptienne. Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter rendent l’indignation quasi immédiate et démultiplient les capacités d’agir pour les citoyens.
Les administrations s’y mettent Mais il ne faut pas résumer l’Internet africain à une lutte de la société contre l’État. Certains dirigeants africains ont compris l’intérêt qu’il y avait à développer la cyberdémocratie. Les fichiers électoraux consultables sur Internet, pratique initiée en 2000 par le Sénégal, sont désormais légion. Les dirigeants apportent ainsi aux citoyens une garantie de transparence, les listes d’électeurs pouvant être vérifiées par tout un chacun du début à la fin du processus électoral. Il devient donc plus difficile de faire voter les morts ! Car la révolution numérique améliore aussi la gouvernance et notamment le fonctionnement des administrations. De nombreux pays, du Sénégal à la Côte-d’Ivoire, en passant par la République démocratique
© Shawn Baldwin/Corbis
D
Dans tout
du Congo, ont informatisé tout ou partie de leurs circuits administratifs, se rapprochant ainsi des normes en vigueur dans les pays du Nord. Olivier Rogez
(1) Révolution numérique dans les pays en déve-‐ loppement, l’exemple africain, Jacques Bonjawo, (Dunod)
Ben Ali contre Facebook La révolution tunisienne, qui a vu la chute du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali après vingt-trois ans de règne, marque un tournant dans l’histoire politique du monde. Pour la première fois, en effet, les internautes ont joué un rôle de premier plan dans les évènements qui ont bouleversé la donne politique. Au point que les jeunes Tunisiens parlent entre eux de révolution Facebook.
par la police. Après 2008, les Tunisiens, frustrés d’informations et dans l’impossibilité de se connecter à certains sites de partage en ligne comme YouTube et Dailymotion en raison de la censure, se rabattent sur les réseaux sociaux et en premier lieu sur Facebook. Deux millions de Tunisiens sur les 11 millions d’habitants que compte le pays possèdent un profil Facebook. C’est
le Maghreb, la jeunesse milite et s’exprime grâce à Internet
C’est une ironie dont les historiens raffolent. Zine el-Abidine Ben Ali, l’homme qui avait instauré une censure absolue en Tunisie, a été la victime du seul espace de liberté que son régime ne parvenait pas à contrôler totalement : le web. Apparus en 2004, les réseaux sociaux prennent rapidement de l’ampleur dans ce pays où toute autre forme d’expression est étroitement surveillée
dans le cyberespace que les Tunisiens, qui n’évoquaient jamais ouvertement la politique dans leurs discussions publiques, ont désappris la peur. Les langues se sont déliées sur Internet. Lorsque le 17 décembre, un jeune homme de 26 ans s’immole à Sidi Bouzid, dans le centre-ouest du pays, l’information fait le tour du Net tunisien en quelques heures. Et lorsque la protes-
tation populaire s’amorce, elle trouve un relais efficace et rapide grâce à la Toile. Pas une manifestation de rue, pas une information qui ne soit aussitôt répercutée sur Twitter ou Facebook. Dans les manifestations, au milieu des nuages de gaz lacrymogène, ou lorsque la police tire à balles réelles sur les manifestants, il se trouve toujours quelqu’un qui filme avec son téléphone portable et diffuse les images sur les réseaux sociaux. La révolution tunisienne est à la fois réelle et virtuelle. Les jeunes sont manifestants le jour et cyber-résistants la nuit. Mais à mesure que la protestation s’amplifie, la police de Ben Ali commence à traquer les blogueurs célèbres comme Slim Amamou. Ce jeune entrepreneur dont les commentaires et les mots d’ordre sont lus par des centaines de milliers de Tunisiens est bien plus connu que les opposants politiques, réduits au silence, et donc à l’anonymat, depuis de longues années. Il est arrêté début janvier. Immédiatement, un collectif international d’activistes baptisé Anonymous lance une contreattaque sur les sites gouvernementaux tunisiens, bloqués pendant plusieurs jours sous des tonnes de messages. Les censeurs de l’Agence tunisienne d’Internet réagissent en traquant les comptes privés de certains blogueurs. Mais les censeurs du Net ne peuvent rien contre le collectif Anonymous ni surtout contre les millions d’internautes tunisiens. Le 13 janvier, le régime se rend compte de l’impasse. Il tente une ultime parade et annonce la fin de la censure, notamment sur Internet, et la libération du blogueur Slim Amamou. Mais il est trop tard, la révolution est en marche et le 14 janvier, Ben Ali s’enfuit. Trois jours plus tard, le blogueur emblématique de la révolution tunisienne accepte le poste de secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports. Il annonce sa nomination sur le réseau social Twitter et promet d’œuvrer à la disparition de toute forme de censure en Tunisie. O.R.
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L’Afrique numérique Partager
La fièvre des réseaux sociaux atteint l’Afrique Grâce à leur téléphone portable, de plus en plus d’Afri-‐ cains se connectent aux réseaux sociaux en ligne. Grâce à Facebook, Twitter, LinkedIn, You Tube, tout le monde est « branché » ou cherche à tout prix à l’être.
A
u milieu des années 1990, au moment où les téléphones portables s’imposent dans le quotidien des pays développés, bien peu voient en l’Afrique un marché potentiel. Aujourd’hui, avec plus de 400 millions d’abonnés, le marché africain est plus important que le marché nordaméricain. Car l’Afrique a précédé le reste du monde dans la substitution de la téléphonie fixe par la téléphonie mobile, indique un rapport1 de l’Union internationale des Télécommunications. L’histoire récente offre peu d’exemples d’adoption aussi rapide de la téléphonie mobile et d’innovation aussi profonde.
Des « amis » par milliers À l’évidence, un scénario identique est en train de s’écrire. Cette fois, les Africains prouvent leur massive utilisation de téléphones portables afin d’assouvir une passion plus récente… Celle des médias sociaux en ligne – plate-formes en ligne qui encouragent l’interaction – et sont ainsi à l’origine d’une nouvelle tendance : le passage à l’Internet mobile, dont les médias sociaux sont les principaux vecteurs. Mary Meeker, analyste américaine vedette du secteur des nouvelles technologies, a confirmé récemment que l’Internet mobile et les médias sociaux enregistraient le développement le plus rapide dans le monde. Ainsi,
selon elle, l’utilisation de l’Internet mobile devrait bientôt dépasser celle de l’Internet fixe. L’Afrique est à l’avant-garde de ces deux tendances. Des études indiquent que lorsque les Africains se connectent sur Internet (principalement avec leurs téléphones mobiles), ils vont le plus souvent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube…). La boîte mail, la recherche de renseignements et la consultation de sites d’informations sont aujourd’hui devenues des activités secondaires. Facebook, le principal réseau social en ligne, est le site web le plus visité dans la plupart des pays africains. Il a récemment enregistré une croissance spectaculaire sur le continent et compte plus de 17 millions d’abonnés. Ils étaient 10 millions en 2009. Plus de 15 % des internautes africains utilisent cette plate-forme, contre 11 % d’internautes asiatiques. Derrière Facebook, Twitter et YouTube comptent parmi les sites les plus visités dans la majorité des pays africains. De même que les autres Africains, les vedettes, intellectuels, hommes politiques et entreprises sont présents sur ces réseaux. Le footballeur ivoirien, par ailleurs ambassadeur itinérant de l’ONU, Didier Drogba, a près d’un million de fans sur Facebook. L’économiste zam-
bienne Dambisa Moyo, auteur d’un essai iconoclaste sur l’aide au développement2, est suivie par 26 000 personnes sur Twitter. Les médias sud-africains et des compagnies comme Kenya Airways utilisent ces plate-formes pour mieux dialoguer avec leur clientèle. Lors des récentes élections en Côte-d’Ivoire, les candidats ne se sont pas contentés de faire campagne dans les villes et les villages, ils ont transféré leur rivalité en ligne, actualisant fébrilement leurs profils sur Twitter et Facebook.
Contraintes et opportunités L’utilisation croissante des médias sociaux en Afrique est d’autant plus remarquable que le nombre d’Africains connectés à Internet est faible et que les difficultés d’y accéder sont nombreuses. Les internautes africains (plus de 100 millions à la fin de 2010) représentent une infime minorité des deux milliards d’internautes que compte la planète. Le continent a le taux de pénétration le plus faible du monde. En comparaison, aux ÉtatsUnis, plus de 220 millions de personnes utilisent Internet. Le piètre bilan de l’Afrique s’explique par la rareté et les coûts exorbitants des connexions à large bande (le moyen le plus rapide d’accès), ainsi que par le nombre limité d’ordinateurs. Ces difficultés contribuent néan-
© Liba Taylor/CORBIS
Les réseaux sociaux, le nouvel « arbre à palabres » africain
moins au développement impressionnant de l’Internet mobile en Afrique dont les taux de croissance sont les plus rapides dans le monde. Une situation en passe de devenir banale, affirme Jon von Tetzchner, cofondateur d’Opera, le navigateur Internet pour téléphone portable le plus populaire du monde. Pour lui, « l’accessibilité des téléphones portables signifie que l’Internet mobile peut permettre à des dizaines de millions de personnes de se connecter ; beaucoup plus que le web par
câble ». M. von Tetzchner estime qu’à l’instar des téléphones mobiles, dont l’utilisation se répand rapidement depuis quelques années en Afrique, le « web mobile commence à influencer le développement économique, politique et social du continent ».
Bouleversement sismique à prévoir Erik Hersman, l’un des blogeurs africains les plus influents et cofondateur du site Ushahidi, se montre tout
aussi enthousiaste. Il estime qu’une fois « qu’on aura atteint une masse critique d’internautes dans certains pays africains (Kenya, Afrique du Sud, Ghana, Nigeria, Égypte), la forte pénétration de la téléphonie mobile sur le continent entraînera des bouleversements sismiques dans les services et l’information ». Pour l’heure, la perspective d’une croissance soutenue incite les grandes entreprises à s’intéresser davantage au bassin grandissant d’internautes africains. Après avoir lancé en mai 2010 plusieurs versions dans certaines des principales langues africaines (dont le swahili, le haoussa et le zoulou), Facebook a annoncé qu’il offrirait un accès aux utilisateurs de téléphones mobiles dans de nombreux pays. Depuis octobre dernier, Google teste un nouveau service destiné à plusieurs régions du continent. Provisoirement appelé Baraza (« lieu de rencontre » en swahili), il permettra aux internautes de dialoguer à propos de questions d’intérêt local ou régional. Les Africains se préparent donc eux aussi à profiter de la croissance annoncée de l’Internet mobile. En Afrique du Sud, MXit, un service local de messagerie qui compte plus de sept millions d’usagers, est devenu le plus important réseau social en ligne. D’Abidjan à Accra, de Lusaka à Nairobi, des programmeurs africains mettent au point, testent et lancent de nouvelles plate-formes et de nouveaux outils conçus localement pour leurs publics. André-‐Michel Essoungou (Africa Renewal)
(1) Measuring the Information Society : The ICT De-‐ velopment Index, 2009, (Mesurer la société de l’in-‐ formation : l’Indice de développement des TIC, 2009) (2) Dambisa Moyo, L’Aide fatale (Editions J.-‐C. Lat-‐ tès, 2009)
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L’Afrique numérique Soigner
Un coup de fil et… ça va mieux
© DR
Aujourd’hui, en Afrique, plusieurs expériences d’accompagnement médical s’ap-‐ puient sur l’utilisation du téléphone mobile. Qu’en disent les acteurs de terrain ? Le Dr Abdon Goudjo a été l’un des conseillers techniques dans la mise en place de la Ligne jaune Info sida au Congo-‐Brazzaville. Propos d’un homme d’expérience.
Le Dr Abdon Goudjo est expert technique international en santé publique, ancien conseiller technique de la Coopération française auprès du CNLS (Conseil national de Lutte contre le Sida) du Congo
Pourquoi avoir mis en place au Congo une ligne téléphonique gratuite pour renseigner le public sur le Sida ? La réflexion qui a conduit à lancer la Ligne jaune s’appuie sur une histoire de la téléphonie sociale en France, portée par Sida Info Service, une ONG qui a développé le concept de relation d’aide à distance. Cette réflexion a été provoquée par l’évolution des pays d’Afrique où, parmi les instruments modernes de communication, le téléphone mobile occupe une place remarquable. Chaque Congolais ou presque dispose d’un téléphone. La Ligne jaune s’est appuyée sur l’engagement de trois partenaires clés : le Conseil national de Lutte contre le Sida du Congo, Serment Universel, l’association porteuse du projet, et l’opérateur téléphonique MTN. Enfin et surtout, cette initiative a répondu à un besoin de la population de s’informer et d’échanger librement et discrètement sur une pandémie prompte à faire émerger fantasmes, discrimination et stigmatisation.
Des explications en présence d’un médecin ne valent-elles pas mieux que la distance téléphonique ? Le téléphone permet de recevoir des informations générales sur l’infection du VIH, des conseils de prévention, des orientations nécessaires vers des lieux de dépistage et/ou de prise en charge des malades. C’est aussi un espace de parole, où l’initiative vient de l’appelant et non du conseiller ou du médecin. Le téléphone, c’est la liberté de l’appelant. Pour autant, la téléphonie sociale ne remplace pas le médecin. Elle vient en complément. Le téléphone ne délivre pas des soins ou des médicaments et ne réalise pas d’examen clinique, biologique ou morphologique. Le téléphone est le lieu de l’écoute, du conseil, de l’explication, de l’orientation ; il peut apaiser l’âme et aider le corps. Mais le médecin et les soignants restent dans leurs rôles et leurs fonctions. N’est-il pas délicat de parler du VIH au téléphone ? Et si la distance téléphonique était une chance ? Parfois, certaines questions sur la sexualité peuvent être si embarrassantes pour des jeunes ou moins jeunes qu’ils préfèrent s’exprimer anonymement, en français ou en langue locale, sans jugement et dans une situation d’empathie, tout en ayant la possibilité de poursuivre l’entretien ou de l’interrompre à tout moment. Plus c’est délicat à aborder, plus le téléphone est l’espace approprié pour l’appelant, pour parler en toute discrétion. Par expérience, les questions générales ne sont pas le cœur des échanges. Il s’agit plutôt de questions spécifiques qui renvoient à l’intime, à la prise de risque, à la recherche de solutions utiles pour soi ou un tiers. Par contre, il est fondamental que les écoutants soient formés à une écoute attentive et active, et à savoir se servir des techniques de conseil.
courant électrique dans de nombreuses villes africaines gênent les meilleures initiatives en matière de contenus pédagogiques ou didactiques en Afrique. Travailler sur le contenu est une chose passionnante, mais avoir un contenant permettant de le mettre en valeur est une nécessité.
L’expérience de la Ligne jaune donne-t-elle satisfaction ? Oui, car c’est une ligne d’appel gratuite. Des écoutants y sont disponibles de 8 heures à 20 heures. Les résultats sont allés au-delà de nos espérances même si l’on peut déplorer des écueils techniques : les réseaux informatiques sont faibles en puissance, les échanges poussifs et, plus généralement, la mauvaise qualité du
Propos recueillis par Kidi Bebey
Une meilleure santé à portée de « clic »
Grâce à un financement du gouvernement rwandais et au soutien du Earth Institute de l’université Columbia à New York, le dispensaire de Mayange a pu être équipé d’un chargeur solaire qui permet d’alimenter 30 téléphones. Il dispose en outre d’une base de données informatiques accessibles par téléphone, qui contient les dossiers médicaux des familles du village. Pour Carl-Henric Svanberg, ancien directeur général d’Ericsson, il serait facile et peu coûteux de lancer des projets similaires ailleurs en Afrique. Pour commencer, l’Earth Institut et Ericsson ont l’intention de lancer le projet dans dix autres villages africains. Selon Joanna Rubinstein, du Earth Institute, ces technologies sont un important instrument pour permettre à l’Afrique de faire face à ses problèmes
© Radius Images/Corbis
Aujourd’hui, grâce à un partenariat novateur entre le gouvernement, des organisations non gouvernementales et des entreprises privées, le dispensaire de Mayange1 a la possibilité d’utiliser la téléphonie mobile pour fournir un meilleur traitement à ses patients. À l’aide de logiciels mis au point par Ericsson et des portables offerts par MTN, le personnel de santé peut consulter le dossier médical d’une femme enceinte qui a été enregistré dans une base de données disponible en ligne puis, en cas d’urgence, guider ceux qui s’occupent de cette femme. La mémoire de chacun des téléphones inclut un manuel de formation aux soins maternels et infantiles qui comprend des images et des conseils enregistrés pouvant être envoyés aux nouvelles mères et à leur famille. « Ce projet aura des effets très importants, a déclaré le Dr Joseph Ryarasa. Pour réduire la mortalité maternelle et infantile, il faut éduquer les mères et le personnel de santé. Maintenant, nous pouvons leur envoyer des messages éducatifs grâce à leur téléphone ou les informer sur les vaccinations. »
Le téléphone mobile devient un allié de plus en plus sophistiqué des professionnels de la santé
sociaux. « Nous pensions au départ devoir attendre de faire parvenir l’électricité dans ces endroits pour pouvoir y introduire de telles technologies. Mais grâce aux panneaux solaires, affirme-t-elle, c’est possible immédiatement. » Mary Kimani (Africa Renewal) (1) Village à 20 km de Kigali ; 40 lits pour une population locale estimée à 35 000 habitants
Plus d’infos : www.cnls-‐congobrazza.org/Informations-‐sur-‐la-‐Ligne-‐Jaune-‐Info-‐Sida-‐au-‐Congo
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L’Afrique numÊrique Payer
Une banque dans toutes les poches africaines ? En Afrique du Sud, au Kenya et dans d’autres pays, les tÊlÊphones portables permettent d’offrir des services bancaires à des populations qui n’ont pas accès au rÊseau bancaire classique.
A
nn Wanjiku se dirige vers un kiosque vert et blanc dÊcorÊ d’une enseigne :  M-Pesa1 Agent . Une fois à l’intÊrieur, elle montre à l’agent sa carte d’identitÊ et son tÊlÊphone portable qui affiche un numÊro d’identification personnel fourni par un client. Avec ce numÊro, une minute suffit à l’agent de M-Pesa pour vÊrifier qu’un client a bien effectuÊ le paiement de 1 000 sculptures de style traditionnel sur le compte de tÊlÊphonie mobile de Mme Wanjiku. Celle-ci peut alors retirer ce montant en liquide. Comme 90 % de la population au Kenya, Ann Wanjiku n’a pas de compte en banque ordinaire. En Afrique, selon une enquête de la Banque mondiale, seulement 20 % des mÊnages en ont un. Mais la prolifÊration des services de tÊlÊphonie mobile à travers le continent permet d’offrir un nouveau genre de services bancaires. Dans les quelques pays oÚ elles sont implantÊes, des entreprises analogues à M-Pesa peuvent utiliser n’importe quel tÊlÊphone ou n’importe quelle
carte tĂŠlĂŠphonique pour fournir des services Ă prix abordables Ă leurs clients dans toutes les zones couvertes par un signal de tĂŠlĂŠphonie mobile.
L’argent sous le matelas La plupart des banques africaines ont des agences uniquement en milieu urbain. Brian Richardson, directeur gÊnÊral de Wizzit South Africa, une entreprise de services bancaires par tÊlÊphone mobile, note que, traditionnellement, Êtendre l’offre de services aux zones rurales passait par l’ouverture de nouvelles succursales.  Tant que vous raisonnez de cette façon, offrir des services bancaires à un marchÊ de masse est incroyablement coÝteux.  En consÊquence, les services bancaires plus courants ne sont tout simplement pas disponibles. Exemple flagrant : l’Éthiopie dispose d’une seule agence bancaire pour 100 000 personnes alors que l’Espagne en a 96. De plus, le solde minimum Êtant relativement ÊlevÊ, de tels services sont trop coÝteux
pour la majoritÊ des Africains. Même en Afrique du Sud, pays dont le rÊseau bancaire est plus dÊveloppÊ qu’ailleurs, on estime que la population garde environ 12 millions de rands (1,7 milliard de dollars).  Sous le matelas , souligne Brian Richardson. LancÊe en 2004, Wizzit a recrutÊ 50 000 clients sud-africains. La compagnie espère en conquÊrir 16 millions dans un pays oÚ 60 % de la population n’a pas de compte en banque. Les dÊtenteurs de ces comptes peuvent utiliser n’importe quel tÊlÊphone cellulaire. Ils peuvent dÊposer de l’argent sur leur compte de tÊlÊphonie mobile dans n’importe quelle poste ou agence des banques Amalgamated Banks ou South Bank of Athens. Les salaires peuvent être payÊs par voie Êlectronique par virement sur un compte Wizzit. Les dÊtenteurs de compte
comptes et de régler leurs factures d’électricité, d’eau et de gaz. Jusqu’à l’arrivée de ces deux services, les Sud-Africains versaient fréquemment à des coursiers l’équivalent de 30 à 50 dollars pour livrer de l’argent liquide à leur famille. Aujourd’hui, grâce aux réseaux bancaires de téléphonie mobile, ces transactions ne leur coûtent plus que 0,50 dollar.
© JON HRUSA/epa/Corbis
Un vrai atout pour les campagnes
Transférer de l’argent, c’est simple comme un coup de fil
reçoivent également une carte de débit acceptée par les distributeurs automatiques et les commerçants. Les utilisateurs payent l’équivalent de 0,15 à 0,78 dollar américain par transaction. Selon Mohsen Khalil, directeur du département TIC de la Banque mondiale, « Wizzit a une approche des plus novatrices car la compagnie s’adresse spécifiquement aux populations défavorisées ».
En quelques clics Des équivalents de Wizzit sont apparus ailleurs en Afrique. Comme Ann Wanjiku, environ un million de Kényans utilisent M-Pesa, une opération conjointe du fournisseur de téléphonie Vodafone/Safaricom, de la Commercial Bank of Africa et de l’organisation de micro-finance Faulu Kenya. Les clients de M-Pesa déposent leur argent auprès d’un agent agréé ou d’un vendeur de télé-
phones cellulaires. Les utilisateurs ont la possibilité de virer entre 100 et 35 000 shillings kényans (de 1,5 à 530 dollars) par message textuel au bénéficiaire de leur choix même s’il est sur un autre réseau de téléphonie. Des services similaires sont maintenant disponibles en République démocratique du Congo et en Zambie. En Afrique du Sud, cette banque travaille aussi en partenariat avec la compagnie de téléphonie mobile MTN qui offre des services aux Sud-Africains ayant déjà un compte en banque, mais désirant recevoir et envoyer de l’argent en utilisant leur portable. À elles deux, les compagnies MTN et Wizzit permettent à 500 000 SudAfricains sans compte en banque d’envoyer de l’argent à des membres de leur famille ou d’en recevoir, de régler l’achat de produits et de services, de vérifier le solde de leurs
C’est dans les zones rurales que l’impact est le plus grand, explique Beyers Coetzee, un responsable du secteur communautés rurales de Wizzit. « Plus de 80% des fermiers n’ont pas de compte en banque. De plus, ajoute-t-il, un compte Wizzit, à la différence d’un compte bancaire traditionnel, n’est pas clos si le client ne l’utilise pas régulièrement, ce qui est très utile pour les travailleurs saisonniers. » Rob Conway, directeur de l’association GSM (Global System for Mobile Communications), un groupe international de fournisseurs de services de téléphonie mobile, explique que ces innovations ont « changé la vie de millions d’Africains, ont eu un effet de catalyseur sur le développement économique et ont renforcé les liens sociaux ». Lauri Kivinen, directeur des affaires générales pour le réseau Nokia-Siemens, pense aussi que ce développement est important : « Cela représente un changement substantiel et sans précédent pour les gens ordinaires. Ils peuvent notamment élargir leurs relations sociales et leurs relations d’affaires et accroître leur productivité en appuyant simplement sur quelques touches de téléphone. » Mary Kimani (Africa Renewal) (1) « M » pour mobile, « Pesa » veut dire argent, en swahili
Passerelles Socio-‐Éco
Aquaculture : l’Afrique se jette à l’eau La pêche joue un rôle fondamental dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté sur le continent. Selon l’Union africaine, 11 millions d’Africains sont dépendants de ce secteur, auxquels il faut ajouter les membres de leurs familles, soit 34 millions de personnes en plus. Mais les stocks s’épuisent. L’aquaculture peut devenir, au moins partiellement, la solution de rechange. Encore sous-‐utilisée, elle offre pourtant un compromis entre les besoins humains et les impératifs de durabilité.
A
vec la hausse de la demande et le déclin des réserves halieutiques dû à la surpêche, la pression s’intensifie sur le secteur aquacole. De nombreux écologistes ont tiré la sonnette d’alarme et proposent des solutions afin de réduire l’impact sur l’environnement. L’industrie de l’aquaculture est ainsi en plein essor dans le monde. Afrique comprise. En effet, plus de la moitié des produits de la mer consommés dans le monde – poissons, coquillages, huîtres, crevettes, éponges, algues – proviennent de l’aquaculture. Pourtant, si l’on en croit les statistiques d’Eurofish, elle n’occupe qu’à peine 1% de la production mondiale. Mais il ne faut pas se fier à ce faible pourcentage car ce secteur recèle un fort potentiel de croissance sur le continent subsaharien. En effet, les marchés africains représentent un débouché considérable et pour ainsi dire inépuisable
De la bancotière à l’élevage industriel Dans tous les pays africains, on a développé depuis longtemps des systèmes traditionnels d’aquaculture villageoise. Des dizaines de milliers d’étangs ou de centres d’élevage
familiaux parsèment aujourd’hui le continent. En Afrique de l’Ouest, par exemple, on a l’habitude de construire des bancotières. En ayant extrait du banco, terre argileuse, pour la construction de leurs habitations, les paysans créent des excavations qui sont converties en plans d’eau pour la pisciculture. Un mode d’exploitation très artisanal qu’il est largement temps de faire passer en mode industriel. Certes, dans les zones rurales, les bassins familiaux représentent une sécurité alimentaire et nutritionnelle importante à l’impact écologique quasi nul. Mais il est désormais essentiel pour l’économie africaine de développer des entreprises aquacoles rentables. Ce qui n’est pas si simple. D’après le Comité des pêches continentales et de l’aquaculture pour l’Afrique, organisme de la FAO, « il faut traiter toute la gamme des problèmes qui se posent si l’on veut mettre en place une aquaculture durable » et considérer l’aquaculture « comme une activité commerciale, fournissant des possibilités d’investissement intéressantes afin de créer les avantages attendus pour les moyens d’existence et la croissance économique ».
Les organismes régionaux et internationaux s’intéressent de près à l’aquaculture. Actuellement, un programme spécial pour le développement de l’aquaculture en Afrique (Spada) est mis en œuvre par le Comité des pêches de la FAO en adéquation avec un plan d’action dédié à la pêche et à l’aquaculture que le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (Nepad) a défini en 2005.
Le Nepad en soutien Ce projet vise à l’amélioration de la gestion des stocks naturels de poissons, au développement de la production de l’aquaculture et au renforcement du commerce du poisson sur les marchés domestiques, régionaux et mondiaux. De même, un investissement de 30 millions de dollars dans le programme mondial du poisson pour une aquaculture africaine durable – lancé par le Nepad – pourrait accroître la production aquacole annuelle de l’Afrique de 10 %, à environ trois millions de tonnes dans les quinze prochaines années et générer une valeur comprise entre un et deux milliards de dollars, comme l’a souligné le directeur général du
© Martin Harvey/Corbis
© Gideon Mendel/Corbis
Pêcher la truite devient plus facile dans les fermes aquacoles
Centre mondial du poisson, Stephen Hall. Selon lui, cette activité pourrait créer jusqu’à cinq millions d’emplois d’ici à 2020 et garantir l’alimentation de millions de personnes. Il a estimé à 50 millions de dollars au minimum la valeur qu’engendreraient les exportations chaque année à la fin de la décennie. « Un bon retour sur investissement », s’est-il exclamé.
Les projets s’enchaînent Le 13 décembre 2010, à Dakar, le représentant de la FAO au Sénégal, Amadou Ouattara, a à son tour an-
noncé le lancement prochain d’un programme spécial pour le développement de l’aquaculture en Afrique (Spada), en adéquation avec le plan du Nepad de 2005. Objectif : augmenter la production aquacole dans la région subsaharienne d’au moins 200% dans les dix ans à venir. Pour ce faire, les pays africains devront élaborer et mettre en œuvre des stratégies de développement aquacole. Un code de conduite pour des pêches responsables et un manuel d’aide à la gestion seront créés.
Tandis que le Réseau d’aquaculture pour l’Afrique (Anaf) sera renforcé pour permettre, notamment, l’échange d’informations, l’assistance technique, la coordination de l’éducation et la recherche dans ce domaine. Enfin, ce programme prévoit de simplifier la vie des investisseurs en leur facilitant l’accès à la provende, aux alevins, au capital, à la terre, à l’eau… Tout en assurant la promotion des produits aquacoles sur le marché intrarégional. Également présent dans la capitale sénégalaise, le délégué de l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica), Okubo Hisatoshi, a fait savoir que l’agence élaborait une stratégie pour le développement de l’aquaculture spécifique à l’Afrique subsaharienne, dont la finalisation était prévue pour mars 2011. Il a également déclaré que Tokyo s’était engagé sur des projets aquacoles au Bénin, au Burkina Faso et, prochainement, à Madagascar. Pour M. Hisatoshi, « c’est un enjeu alimentaire majeur pour le continent africain, le poisson étant la principale source de protéine animale pour les populations africaines ». Marie-‐Christine Simonet
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Expérience
Quand la crise économique sape l’enseignement Enseignante au Cameroun, Anne Kengne déplore les dérives du système actuel de recrutement des professeurs de français, qui, de plus en plus, n’ont de professeur que le titre. Ils n’ont pas de formation. Sans parler de la vocation.
A
souffrir ses méninges si on peut commercialiser les notes pour arrondir les fins de mois ? » « N’importe qui peut corriger mes copies au quartier moyennant quelques pièces de Francs CFA. » Voilà ce qu’il m’est arrivé d’entendre. Et l’ironie est grande à l’égard de ceux qui se préoccupent d’avoir de la conscience professionnelle. « Le pays est pourri depuis le sommet... Que peut une goutte de bonne eau dans un océan d’eau polluée ? » Le résultat, à moyen terme, sera-t-il le sacrifice de l’éducation de toute une génération? À court terme, les notions de déontologie et d’éthique peuvent-elles toujours animer ceux qui embrassent ce métier?
Nos « profs » ont de plus en plus souvent pour préoccupation principale de « pointer », c’est-à-dire de justifier leur salaire par leur seule présence. « L’essentiel est d’être là à son heure dans sa classe… » « Pourquoi faire
J’ai été formée à l’École normale supérieure de Yaoundé pendant deux ans. Je suivais les cours en auditeur libre, après une licence de lettres modernes françaises, option art théâtral. Dans le lycée où j’enseigne, sur
© Wendy Stone/Corbis
ujourd’hui, le chômage est devenu un véritable cancer qui mine la société camerounaise. Chacun fait comme il peut : vente à la sauvette, moto-taxi, call-box téléphonique… Mais pour l’enseignement du français, il suffit de savoir lire et écrire la langue de Molière pour prétendre l’exercer. À l’aide d’un simple livre de grammaire, vous voilà catapulté prof de français, que vous soyez maçon, menuisier, mathématicien ou historien... Le manque d’enseignants au Cameroun étant criant, le système éducatif a, peu à peu, permis de recruter des pseudo-professeurs, n’ayant pas suivi la moindre formation d’enseignant.
15 enseignants de français, 10 sont des « débrouillards »… Et l’élève dans tout cela ? Pour moi, un enfant a besoin d’amour, d’affection, de sécurité pour son développement et il a besoin du concours de la société en général mais surtout de ses parents et de ses enseignants. En ce qui me concerne, je m’efforce d’arriver en classe toujours avant mes élèves. Je les accueille gentiment : « Ça va bien, as-tu bien dormi ? » Je commence les cours par l’actualité du jour, ce qui fait que mes élèves sont très cultivés. En 6e, je peux commencer par une chanson et terminer par une chanson. En ce qui concerne les cours proprement dits, je les théâtralise au maximum et le message passe mieux. Les élèves ont l’air de s’amuser. Les progressions n’étant pas toujours respectées, j’évalue personnellement mes élèves toutes les deux semaines (oralement et par écrit) et je prends en considération toutes ces notes en plus des notes des évaluations harmonisées. La grande difficulté réside dans les effectifs pléthoriques, d’autant que la majorité des élèves ne possède pas de livre de français. Je sais qu’il y a encore, comme moi, des passionnés de l’enseignement qui arrivent à l’heure au travail, veulent tirer les élèves vers le haut, évitent les dérives comportementales... Mais jusqu’à quand ? Anne Kengne Professeur de français au Lycée Nylon Ndogpassi (Douala, Cameroun).
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Franco-‐mots
Les mots de la territorialité Vous trouvez que le vocabulaire de la géopo-‐ litique est un charabia ? Désormais, district, bureau des échevins, supercanton n’auront plus de secret pour vous.
En Afrique, il n’y a pas d’organisation géopolitique sans la notion de village, qui désigne en RCA une unité d’habitations administratives à grande valeur symbolique. Son dérivé, village-centre, est utilisé pour parler d’un village improvisé regroupant des communautés rurales auparavant dispersées. À Bangui, on utilise le mot intérieur pour opposer l’ensemble du pays à la capitale. Par extension, on peut parler du territoire national par rapport au reste du monde, qui est appelé alors extérieur. On retrouve également ce sens au Tchad où « étudier à l’extérieur » signifie « étudier à l’étranger ». La dichotomie capitaleprovince continue chez les Centrafricains avec le mot arrière-pays, qui représente la province et, par extension, les régions reculées du pays. À Madagascar, c’est faritany qui signifie la même chose.
District, sous-‐région, supercanton Derrière ces appellations, toute l’organisation administrative des pays francophones s’offre à vous. Au Congo-Brazza et en RCA, un district est une subdivision administrative immédiatement inférieure à la région. Par extension, il renvoie à l’ensemble des services administratifs, des fonctionnaires et des habitants du district. Au Rwanda, le même mot désigne une entité administrative composée de secteurs. En revanche, une sous-région regroupe des pays géographiquement voisins constituant une entité (économique, par exemple) à l’intérieur d’un ensemble plus vaste. C’est le cas des pays qui forment la Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale) avec pour monnaie le CFA. La Suisse, qui fonctionne par état, c’està-dire par canton ou gouvernement cantonal, utilise le terme de supercanton pour un canton qui regrouperait plusieurs cantons. Au Rwanda, un territoire est une entité administrative qui, du temps colonial, correspondait à ce qu’on appelle province actuellement. À La Réunion, le mot capitale connaît un affaiblissement sémantique pour désigner une préfecture ou sous-préfecture.
© George Steinmetz/Corbis
Village-‐centre, arrière-‐pays, faritany
Les mots utilisés pour désigner les territoires sont à la fois issus des traditions, du langage technocratique, mais aussi parfois, en Afrique, du passé colonial
Maïeur, chairman, bureau des échevins Au niveau des titres et fonctions, il existe également une vraie créativité à découvrir. En Belgique, un maïeur est un premier magistrat des communes belges tandis qu’au Cameroun, on préfère l’anglicisme chairman pour désigner le président. Chez les Québécois, l’expression vieillie de bureau des échevins renvoie au conseil municipal lorsqu’au Cameroun, l’Assemblée nationale devient ironiquement la chambre enregistreuse. En Suisse, un conseiller national est un député à la chambre du peuple suisse, un conseiller aux états, un député à la chambre des cantons. Au Congo-Brazza, un agent spécial n’est ni un agent de la CIA ni du FBI mais un fonctionnaire du Trésor public dans les petits centres urbains (chefs-lieux de district par exemple) qui gère les fonds publics. Chantal Baoutelman
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© John Lund/Blend Images/Corbis
Pédagogie
Sensibiliser à la diversité dans les médias Ces dernières années, de nombreux pays d’Europe ont fait le constat de la diversité croissante des origines de leur population. Pourtant, les médias peinent à rendre compte de cette évolution, quand ils n’ignorent pas tout bonnement certaines composantes de la société. Journaliste et chercheuse en sciences sociales, Virginie Sassoon montre l’intérêt qu’il y aurait pour tous à changer de « focale ».
L
es médias ont un impact significatif sur la représentation publique des minorités. Ils contribuent à rendre certaines populations vulnérables et sujettes à discrimination en fonctionnant comme des miroirs déformants, incapables de refléter avec réalisme la diversité sociale et culturelle. Les actions entreprises par les médias
sont généralement des mesures « vitrines », où la visibilité prime sur les contenus. Face à ce constat, cet article présente des pistes d’actions pour impulser un changement de fond et montre que la question de la représentation de la diversité dans les médias peut offrir de précieux supports de réflexion aux enseignants.
Priorité aux fictions ! En France, rares sont les analyses approfondies portant sur les stéréotypes associés aux personnages qui représentent les populations issues de l’immigration et des minorités. Pourtant, ces stéréotypes jouent sur la construction d’un imaginaire collectif. Au-delà des enjeux sociaux
25 et symboliques, les diffuseurs, producteurs et scénaristes européens doivent prendre conscience de l’intérêt commercial mais aussi artistique à représenter la rencontre interculturelle comme une expérience quotidienne et enrichissante. Le succès de la sitcom canadienne La Petite Mosquée dans la prairie1, qui raconte de façon comique et légère les relations entre la communauté musulmane de la petite ville de Mercy avec les autres habitants, pourrait être une source d’inspiration. Sensibiliser les plus jeunes, nourris de fictions télévisées, représente une action essentielle pour déconstruire les préjugés. Dans cette perspective, des ateliers ludiques et interactifs peuvent être organisés par les enseignants. Les courts-métrages d’animation produits par l’association Les Indivisibles, dont le but est de détruire les clichés par l’humour, peuvent, par exemple, servir d’outils pédagogiques pour organiser un échange autour de la question des préjugés et de leurs impacts dans la vie quotidienne. « N’ayez pas peur du Noir » : http:// www.dailymotion.com/video/ x27h0o_n-ayez-pas-peur-du-noirles-indivis_fun « Musique du World » : http://www. dailymotion.com/video/x91k8d_lesindivisibles-musique-du-world_fun
Les médias des diversités : un univers à explorer Que sont les médias des diversités ?2 Créés par et/ou pour les populations issues de l’immigration et des minorités, ces médias méconnus du grand public constituent de précieuses sources d’informations, développant d’autres angles et approches sur l’actualité nationale et internationale. En France, on en dénombre prés de 247, encore largement méconnus du grand public, mais aussi du monde de la recherche.3 Au Royaume-Uni, le premier Sommet des médias ethniques a été lancé en septembre 2008 par le quotidien The Guardian. Aux États-Unis, le réseau New America Media (NAM) fonctionne comme
une agence de presse structurée au niveau fédéral et regroupe plus de 3 000 médias « ethniques » ! Sur le plan économique, les médias grand public, notamment de presse écrite, qui ont noué des collaborations avec ce réseau, réussissent à conquérir de nouveaux lecteurs, sans pour autant que ceux-ci délaissent les médias « ethniques ». À ce titre, le réseau NAM constitue une précieuse source d’inspiration pour les médias basés en Europe. Pour les enseignants, les sites Internet des médias panafricains francophones (www.africultures.com, www.afrik.com, www.grioo.com, etc.) peuvent servir de supports pertinents pour ouvrir le regard des plus jeunes sur la richesse d’un paysage médiatique méconnu, qui connecte le local et le global, et montrer le rôle d’Internet comme tisseur de liens entre les diasporas et le continent africain.
Former les futurs journalistes : un enjeu crucial La formation des journalistes, envisagée dans sa dimension initiale comme continue, constitue un axe d’action prioritaire pour faire bouger les représentations. L’homogénéité des profils socioculturels des étudiants en journalisme, et des professionnels en poste, explique en partie la lenteur des changements observés dans les pratiques journalistiques. L’Institut Panos Paris a développé en 2010 dans ce domaine le projet « Traverses », en partenariat avec l’Institut français de Presse (Université Paris-II). Ce projet vise à connecter le monde de la formation journalistique à celui des médias des diversités et à favoriser l’échange de compétences entre les journalistes de ces médias et les étudiants. L’objectif est pluriel : décloisonner les regards des futurs journalistes, renouveler les modalités de traitement de l’information, valoriser la compétence interculturelle dans la formation et la pratique professionnelle, et enfin, appuyer le développement de passerelles entre des
univers qui se rencontrent encore trop rarement…
Paradoxes et perspectives En France, le débat sur la diversité dans les médias a fait la une de la presse en juillet 2006 avec l’arrivée de Harry Roselmack, né de parents martiniquais, pour présenter le plus important journal télévisé de TF1. Au même moment, au RoyaumeUni, Trevor McDonald, né à Trinidad, prenait sa retraite de journaliste-présentateur sur la chaîne commerciale britannique ITN. C’est dire le retard pris par les médias hexagonaux, en termes de visibilité mais aussi de contenus…4 En réalité, les médias ne font que refléter les failles, les tabous, les impensés de la République française et ses rapports avec les populations issues des anciennes colonies. Aujourd’hui, si la priorité politique donnée à la diversité n’échappe pas à une forme d’instrumentalisation et peut servir à masquer les défaillances de l’action publique en matière de justice sociale et d’égalité, il n’en reste pas moins qu’elle demeure un enjeu crucial pour la démocratie. Une meilleure représentation de toutes les diversités constitue un défi majeur pour l’ensemble de la société. Virginie Sassoon Journaliste et doctorante en sciences de l’information et de la communication (Institut français de Presse, Paris-‐II)
(1) Par référence au célèbre feuilleton La Petite Mai-‐ son dans la prairie qui met en scène une famille de fermiers américains du xixe siècle (2) « Médias des diversités » est un terme utilisé par l’Institut Panos Paris. D’autres termes existent : « médias ethniques », « multiculturels », des « dias-‐ poras minoritaires », « communautaires », etc (3) MediaDiv, premier répertoire des médias des diversités, publié par l’IPP en 2007 aux Éditions l’Harmattan (4) Cette phrase est extraite de l’ouvrage collectif publié par l’Institut Panos Paris, dirigé par Claire Frachon et coordonné par Virginie Sassoon, Médias et diversité. De la visibilité aux contenus. Un état des lieux en France, au Royaume-‐Uni, en Allemagne, et aux États-‐Unis, paru en 2008 aux Éditions Karthala. Son adaptation en anglais s’intitule Media and Cultu-‐ ral Diversity in Europe and North America et a été publiée en novembre 2009
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Pédagogie
Promenade en Francophonie
D
resser un état des lieux de la francophonie peut être un exercice passionnant pour les chercheurs, mais ennuyeux pour les lecteurs. Alexandre Wolff, le responsable de l’Observatoire de la Langue française, et Josiane Gonthier ont réussi le tour de force de rendre cet exercice pédagogique intéressant et distrayant. Bien entendu, cet ouvrage a une fonction politique fondamentale. Il s’agit selon les auteurs de définir « une véritable politique de la langue française établissant des stratégies claires et se dotant de moyens suffisants pour les mettre en œuvre ». Et comme « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », ce livre a le mérite d’apporter une grande clarté à propos d’un paysage francophone en constante mutation.
Francophonie africaine en progression On apprend ainsi qu’aujourd’hui, 116 millions de personnes sont en train d’apprendre le français, dont la moitié comme langue étrangère. Par rapport à 2007, il y a une progression manifeste qui cache cependant de grandes diversités. Si davantage d’Africains apprennent le français, en revanche, en Europe, c’est un peu la bérézina. Malgré les directives européennes qui recom-
mandent l’enseignement généralisé de deux langues étrangères dès le plus jeune âge, les petits Européens sont menacés d’unilinguisme ou au pire de bilinguisme à forte tendance anglophone, ce qui bien évidement ne saurait entièrement plaire aux francophones. Tout aussi intéressantes sont les motivations des apprenants. Tout d’abord, les dirigeants de l’Organisation internationale de la Francophonie seront heureux de savoir que le français reste perçu comme une langue de prestige, et que ceux qui l’apprennent ont le souci d’accéder à un univers culturel riche. Mais il y a mieux encore. Dans certains pays, comme l’Égypte et la Syrie, les étudiants voient même la langue française comme un avantage pour leur futur carrière professionnelle. Autre phénomène récurrent, l’intégration africaine joue en faveur de l’espace francophone puisque que « l’on observe une réelle demande de la part de pays non-francophones de la région », selon les auteurs. En clair, les Ghanéens, les Libériens ou les Sierra-Léonais, qui vivent au creux de l’aire francophone, se mettraient presque à déclamer du Césaire ou du Senghor en lieu et place de Ayi Kwei Armah ou de Kwesi Brew ! L’ouvrage d’Alexandre Wolff et
de Josiane Gonthier met aussi en lumière l’action en profondeur de la Francophonie dans le domaine culturel, comme l’implantation des centres de lecture et d’animation culturelle. Il y en a désormais 229 implantés à ce jour dans 19 pays d’Afrique, de l’océan Indien, de la Caraïbe et du Proche-Orient. Des initiatives comme la promotion du slam en tant qu’outil pédagogique à travers le projet Slamophonie permettent de comprendre que l’on est loin de la compagnie des vieilles barbes académiques lorsqu’il s’agit de diffuser le français auprès des jeunes.
Bouillonnement médiatique Au sujet de la diffusion du français, il est passionnant de voir à quel point le monde médiatique francophone est en ébullition. Aux côtés de grands médias comme RFI, TV5 Monde ou l’Agence France-Presse se développent des médias venus du Sud comme Canal+ Overseas, 3A Telesud ou encore les agences de presse Syfia et Panapress. Pour ceux qui voudraient se faire un carnet d’adresses empli de numéros de journalistes, sachez que l’OIF et ses partenaires préparent une banque de données en ligne sur les médias francophones. On saura donc qu’il
© Moodboard/Corbis
Voici un ouvrage de référence sur l’usage du français dans le monde, sa répartition ainsi que les grandes tendances caractérisant l’évolution de la quatrième langue la plus parlée sur la planète. Loin des traditionnelles analyses austères et rébarbatives, La Langue française dans le monde 2010 se veut un outil pédagogique et distrayant, un vadémécum indispensable pour une promenade sur les terres francophones.
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Aujourd’hui, 116 millions de personnes apprennent le français
existe une chaîne publique chinoise qui émet 24 heures sur 24 en français et que la célèbre CNN du Golfe, Al-Jazira, s’apprête à lancer une version en français.
Le français enrichi par les apports du Sud Au total, sachant que plusieurs milliers de langue sont parlées de part le monde, le français n’a pas à rougir de ses 220 millions de locuteurs primaires et de son demi-milliard de locuteurs secondaires. Mais les gardiens du temple de l’Organisation internationale de la Francophonie surveillent de près l’évolution de l’usage du français dans les instances internationales. Pas question
de céder au monolinguisme, ni de baisser pavillon devant les autres grandes aires linguistiques, arabophone et sinophone notamment. Enfin, pour que le panorama soit complet, La Langue française dans le monde 2010 se penche aussi sur l’avenir du français et notamment sur les spéculations quant à son évolution. Si certains prédisent à la langue de Voltaire et de Kourouma un avenir comparable à celui du latin, avec l’émergence de nouvelles langues dérivées du français en Afrique et en Asie, d’autres se penchent sur l’enrichissement constant du vocabulaire grâce aux dérivés locaux du français. À titre d’exemple, il est judicieux de
consulter le Dictionnaire universel francophone (Hachette-AUF) qui recense les mots et les néologismes venus de l’espace francophone. Ainsi lors d’un séjour en Afrique de l’Ouest, on ne sera pas perdu si à la question : « Où est la station service la plus proche ? », on vous répondra : « Il n’y a pas d’essencerie dans le coin. » De même si vous avez une bûche à faire scier du côté de Montréal, il faudra vous adresser à la foresterie en envoyant un courriel plutôt qu’un mail. Alex Ndiaye
La langue française dans le monde 2010, Alexandre Wolf et Josiane Gonthier (Nathan-‐OIF)
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Fiche pédagogique
Parle-‐moi d’elle, parle-‐moi de lui féminin/masculin pour décrire des personnages célèbres Objectifs linguistiques : Maîtriser les règles de base de formation du féminin et du masculin des adjectifs et des substantifs.
Objectifs langagiers : Production orale : décrire quelqu’un (profession, nationalité). Savoir-‐apprendre : inférer des règles en acceptant de formuler des hypothèses à partir de connaissances partielles. Interculturel : mieux connaître des célébrités francophones et non-‐francophones ; être capable de parler des célébrités nationales.
Public : A1 et plus. Grands adolescents et adultes.
Matériel : Documents fournis ou adaptations ad hoc élaborées par l’enseignant.
Sensibilisation « Aujourd’hui, nous allons mettre à l’épreuve votre culture générale ! Je vais vous citer quelques noms, et vous me direz si vous connaissez la personne en question, en m’indiquant si possible sa profession et sa nationalité. » Lisez à voix haute, les noms des célébrités du doc. 1 et laissez le groupe répondre avec le plus de précision pos-‐ sible. Les apprenants peuvent bien sûr apporter d’autres éléments d’information que la profession et la nationalité ; au fur et à mesure de leurs réponses, notez les mots cor-‐ respondant à ces deux seuls éléments (voir doc. 2). Il se peut que les apprenants ne connaissent pas la nationalité exacte, mais qu’ils identifient le continent d’origine : notez-‐ le aussi. Si plusieurs professions ou des synonymes sont cités, incluez-‐les.
Conceptualisation Distribuez le doc. 2, où les réponses au test de culture générale sont classées par colonnes selon la règle encore non dite de transformation masculin/féminin. Si certaines des réponses apportées par votre groupe n’ont pas été considérées, ajoutez-‐les en demandant aux apprenants de proposer un emplacement. Contentez-‐vous d’accepter les bonnes propositions ou de refuser les mauvaises, l’objectif étant d’encourager implicitement les apprenants à commencer individuellement la formulation d’hypothèses. Demandez au groupe sur quel point de grammaire porte la séquence, puis de compléter les trous des deux dernières colonnes en essayant d’inférer la logique du classement. Une fois que le tableau est rempli, proposez aux appre-‐ nants – organisés par équipes de deux ou trois partici-‐ pants – de trouver la meilleure formulation orale des règles correspondantes. Puis organisez une mise en commun afin de contraster les points de vue et d’aboutir à une formu-‐ lation collective satisfaisante, qui sera ensuite recopiée dans les cases correspondantes de la première colonne du doc. 2. L’objectif n’est pas de retrouver à l’identique une règle préexistante mais bien de construire ensemble une règle opératoire.
Systématisation Systématisation écrite. Demandez aux apprenants de trouver, pour chacun des mots écrits au tableau, le féminin ou le masculin. Ajoutez des adjectifs et des substantifs ne figurant pas sur la liste initiale mais obéissant aux mêmes règles. Par exemple, incluez (dans le désordre) : Invariables en –e Asiatiaque. Jeune. Ministre. Scientifique.
Doc. 1
« Connaissez-vous... ? » Réponse attendue Aimé Césaire
C’est un écrivain (poète, dramaturge) et un homme politique martiniquais.
Alain Ducasse
C’est un chef (cuisinier) français.
Angela Merkel
C’est une femme politique allemande.
Brad Pitt
C’est un acteur américain.
Ernesto Che Guevara
C’est un homme politique argentin.
etc...
etc...
+e
Anglais. Brillant. Éminent. Grand. Petit.
+[consonne]+e
Ancien. Culturel. Européen. Iranien. Semestriel.
–er > –ère
Boulanger. Caissier. Conseiller. Étranger. Ouvrier.
–teur > –trice
Administrateur. Agriculteur. Compositeur.
–eur > –euse
Coiffeur. Danseur. Menteur. Vendeur. Voleur.
–f > –ve
Actif. Attentif. Créatif. Positif. Subjectif.
Systématisation orale. Divisez le groupe en équipes. En réutilisant tous les substantifs et tous les adjectifs, pro-‐ posez les phrases sur le modèle ci-‐dessous. f « En Égypte, il y a des Égyptiens et des... . » (Égyptiennes) f « Il y avait des danseuses et des... ». (danseurs) f « J’ai vu des spectateurs et des.... » (spectatrices)
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Doc. 3
Finalement, faites préparer, individuellement ou par équipes, de courtes énigmes pour présenter un person-‐ nage célèbre dont le groupe devra deviner l’identité à partir des indices donnés. Celui qui devine a le droit de proposer à son tour une énigme. Suggérez aux apprenants de conserver leur tableau de synthèse (doc. 3), en y ajoutant le doc. 4 (qui reprend des adjectifs irréguliers courants), puis de compléter leurs listes au fil de leurs découvertes, tout au long de leur apprentissage. Doc. 2
...
...
...
etc...
Masculin Invariables en –e Artiste
Féminin
Belge
Artiste Belge
+e
Allemand Français
Allemande Française
+[consonne]+e
Égyptien Guadéloupéen Ivoirien Musicien
Égyptienne Guadéloupéenne Ivoirienne Musicienne
–er > –ère
Cuisinier Romancier
Cuisinière Romancière
–teur > –trice
Acteur
Actrice
...
...
–eur > –euse
Chanteur
Chanteuse
... Belge Cinéaste Essayiste ... Peintre Poète (Homme) politique Scénariste
Artiste ... ... ... Guatémaltèque Peintre ... (Femme) politique Scénariste
–f > –ve
Sportif
Sportive
–x > –se
Sérieux
Sérieuse
Invariables (autres)1
Auteur Chef Écrivain
Auteur(e) Chef Écrivain(e)
Américain ... Argentin Espagnol Français Martiniquais ... ... Sénégalais Sud-africain
... Allemande ... ... ... ... Mexicaine Québécoise ... Sud-africaine
Colombien Égyptien ... ... ... Péruvien
Colombienne ... Guadéloupéenne Ivoirienne Musicienne ...
etc...
etc...
(1) Pour une liste de règles plus détaillées, consultez votre précis de grammaire ou un site Internet spécialisé, par exemple http://www.parcours.ca/grammaire/feminin.html.
Doc. 4
Beau
Belle
Blanc
Blanche
Doux
Douce
Fou
Folle
Frais
Fraîche
Grec
Grecque
Long
Longue
Nouveau
Nouvelle
Sec
Sèche
Vieux
Vieille
etc...
etc... Haydée Silva
© Moment/Cultura/Corbis
Réinvestissement. Réutilisation libre.
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Fiche pédagogique
Savoir analyser une image de révolte Objectifs :
Pré-‐requis :
À partir des photos et des images diffusées dans les médias, apprendre à décoder le langage du reportage visuel. Savoir appréhender les limites du travail journalistique et décrypter le « discours de l’image ».
Définition des mots « révolte », « révolution » et « passionaria ». Rappel des évènements qui ont secoué la Tunisie et l’Égypte ces derniers mois.
Public :
Constituer des groupes de deux personnes et distribuer le matériel photographique. Chaque binôme répond aux questions avant la mise en commun.
2nde, 1ère, Terminale
Matériel :
Méthodologie :
Photos des révoltes qui secouent le Maghreb, dont la plupart sont disponibles sur les sites d’information en ligne ou sur Google Images.
© Lucas Dolega/Epa/Corbis
Doc. 1
Manifestation en Tunisie, contre le régime du Président Ben Ali, le 14 janvier 2011
Questions : Identifier les éléments saillants qui ressortent de cette image ? Quel genre de révolte suggère-‐t-‐elle ? Quelles sont les qualités et les limites de cette image ?
Réponses : Les éléments saillants : Une foule de jeunes manifestants. Les cagoules et les mouchoirs sur les visages suggèrent un contexte violent (usage de gaz lacrymogènes), de même
que les débris et les pierres qui jonchent le sol. Ces jeunes font le « V » de la victoire et applaudissent. Ils viennent donc de remporter une victoire sans que l’on sache laquelle. Quel genre de révolte ? : L’image suggère une révolte populaire (des jeunes dans la rue), patriotique (l’usage du drapeau comme emblème), mais aussi violente (absence de filles ou de femmes). Elle suggère aussi une occupation de la rue par la population. La violence n’est pas montrée, mais elle est présente à travers les éléments déjà cités (cagoules et débris sur le sol, mouchoirs sur les visages qui suggèrent qu’il y a de la fumée, alors qu’on ne la voit pas).
Qualité et limites de cette image : comme toutes les images d’actualité, celle-‐ci propose un moment particulier d’un récit que le spectateur est invité à reconstituer en imaginant l’avant et l’après. Hors de son contexte, cette image peut donc induire en erreur ou apporter trop peu d’information. On ne sait pas à quel camp appartiennent ces manifestants. Ainsi, une image sans légende ou sans texte reste un vecteur incomplet d’information, même si son pouvoir de suggestion et d’identification (je pourrais être dans cette foule) dépasse de loin celui du texte écrit.
Doc. 2
Réponses : Les éléments d’information : Police anti-‐ émeute, matraques et boucliers, manifes-‐ tante désarmée. Cette photo résume à la fois la détermination du pouvoir égyptien qui déploie des moyens policiers impor-‐ tants pour contrer les manifestants et celle des manifestants qui, comme cette jeune femme, continuent de crier victoire même à genoux. La photo ne nous apprend pas en revanche si cette jeune femme a été arrêtée ou si elle s’est elle-‐même postée devant le cordon de police. Le contexte suggéré est celui d’un « face-‐à-‐face tendu ». Les éléments d’émotion : La détermination, mais aussi la souffrance sont traduits par l’attitude et la posture de cette passiona-‐ ria. On note des éléments symboliques très précis. Le rouge du foulard suggère le sang qui n’a pas été encore versé. Le pansement sur la joue de la jeune femme, même s’il n’a peut-‐être rien à voir avec la manifestation, symbolise la violence. Le policier aux yeux fermés semble ne pas vouloir contempler cette scène. L’opposi-‐ tion homme-‐femme, répression-‐résistance, mérite d’être soulignée. © Amel Pain/Epa/Corbis
Quels mots-‐clés pour définir cette photo ? : tragédie, drame, résistance, répression.
Pendant les manifestations de janvier 2011 en Égypte
Questions : Quels éléments d’information sont fournis par cette photo ? Quels éléments y relèvent plus particulièrement du registre des émotions ? Quels adjectifs emploieriez-‐vous pour qualifier cette photo ?
Pour aller plus loin, on peut s’efforcer de trouver plusieurs manières de légender les documents 1 et 2. Analyser ensuite les choix effectués : quels faits sont mis en valeur ? Dans quel registre émotionnel se situe-‐t-‐on ? Peut-‐on réussir à formu-‐ ler des légendes uniquement factuelles ? Faire prendre conscience aux élèves qu’une photo, même si elle paraît « objective » donne, en réalité, toujours un point de vue et que, de même, une légende n’est pas non plus un texte indifférent. Alex Ndiaye
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Fiche pédagogique
Utiliser Internet pour faire ses devoirs Objectifs : Découvrir les avantages que procure Internet pour l’enseignement et l’apprentissage d’une langue, apprendre à l’utiliser comme outil de travail pédagogique au même titre que les livres.
Public : Enfants, jeunes et adultes.
Niveaux : © Andy Aitchison/In Pictures/Corbis
A1/A2, BI/B2, CI/C2
Avant de commencer Bien qu’on puisse utiliser cette fiche sans matériel infor-‐ matique, il est important de savoir au préalable si l’école possède une salle informatique ou pas, s’il y a un ordinateur par classe ou par élève. Ensuite, selon les publics, les pays et le niveau d’accès à Internet, l’enseignant pourrait introduire le sujet du jour en posant ces questions : f Possédez-‐vous un ordinateur personnel ou familial ? f Avez-‐vous une connexion Internet ? f Quelles activités faites-‐vous le plus souvent sur Inter-‐ net ? (messagerie Hotmail/Yahoo/Gmail, réseaux sociaux tels que Facebook/Twitter/Myspace, recherches d’ordre général, recherches pour les devoirs, jeux, achats en ligne, téléchargement vidéo, audio, tutoriaux…) Le jeu de comptabilisation des réponses recueillies per-‐ mettra de montrer aux participants qu’ils utilisent peu, souvent ou beaucoup Internet pour leurs devoirs.
Conceptualisation En vue de vérifier les méthodes de travail de la classe, l’enseignant peut proposer un sujet et demander à ses élèves comment ils procéderaient pour le traiter. On peut prendre l’exemple d’un devoir de rédaction sur la présen-‐ tation d’un héros romantique. Certains voudront chercher la définition de cette notion dans un dictionnaire, auprès de leur entourage ou dans n’importe quel autre livre. D’autres iront spontanément sur un moteur de recherche tel que Google et taper les deux, voire trois mots-‐clés, à savoir « héros », « romantique » et dans une moindre importance « présentation », d’autres encore seront plus adeptes de Wikipédia… La meilleure solution étant de compléter les différentes sources car les sites que proposent Google comme Wikipédia comportent parfois des informations erronées. Par la suite, chacun ou chaque groupe sera invité à faire le compte-‐rendu de ses recherches, que ce soit en biblio-‐ thèque ou sur le Net. Cette activité favorisera ainsi la production orale et montrera également qu’Internet est un
outil pédagogique comme un autre à utiliser à bon escient en évitant le « copier-‐coller » ou le plagiat.
Réinvestissement Dans l’enseignement des langues, Internet offre des possibilités inouïes (à la fois pour l’enseignant et pour l’apprenant). Quelques pistes à explorer : f recherche en amont d’une leçon : http://www.google. fr/#hl=fr&q=h%C3%A9ros+romantique&aq=f&aqi=g6 &aql=&oq=&fp=c368f4c4e3b73f2e f recherche en aval pour approfondir certains chapitres grâce à des tutoriaux : http://www.toocharger.com/s-‐ tutoriel-‐audacity-‐en-‐fran-‐1984.htm f production écrite avec la réalisation d’un journal, d’une brochure avec des images ou des vidéos récupé-‐ rées sur la Toile, d’un blog collaboratif à alimenter par toute la classe f suivi individualisé ou personnalisé via les outils de discussion tels que MSN, Yahoo Messenger ou Skype… f téléchargement des chansons à écouter ou vidéos à regarder, idéal pour des exercices de prononciation par exemple : http://www.rfi.fr/lffr/statiques/accueil_ap-‐ prendre.asp http://www.tv5.org/cms/chaine-‐franco-‐ phone/Langue-‐Francaise/p-‐7174-‐Langue-‐francaise.htm Dans tous les cas, en cas de recherche d’informations, il ne faut jamais oublier qu’Internet est la porte ouverte au tout et au n’importe quoi. Une information ne doit pas être prise pour argent comptant, sauf lorsque l’on se trouve sur un site officiel. Le mieux est de toujours recroiser les informations (et donc plusieurs sources) afin de vérifier leur véracité. Chantal Baoutelman
L’Organisation internationale de la Francophonie s’installe dans ses nouveaux locaux
à partir de février 2011
L’Organisation internationale de la Francophonie est une institution fondée sur le partage d’une langue, le français, et de valeurs communes. Elle rassemble 56 États et gouvernements membres et 19 observateurs, totalisant une population de 890 millions de personnes. On recense 220 millions de locuteurs de français dans le monde.
www.francophonie.org
ISSN 0015-9395
ISBN 978-2-09-037209-0
SupplÊment au n°374 de Le français dans le monde. Ne peut être vendu sÊparÊment.
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