REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS
// ÉPOQUE // le français dans le monde
400 ans de présence du français en Ontario N°402 novembre-décembre 2015
Atiq Rahimi, exilé afghan, écrivain patient
4 // MÉTIER //
FLE et PNL en Italie
novembre-décembre 2015 ROLAND BARTHES : LIRE AUTREMENT
La compétence pragmatique vue d’Espagne
// DOSSIER //
ROLAND BARTHES // MÉMO //
FIPF
15 €
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N°402
Lire autrement René Lacaille chante avec sa marmaille réunionnaise
Naomi Fontaine, romancière inue et québécoise
MÉTIER | FLE EN FRANCE
© Jean-Marie Refflé
Le 12 octobre dernier à l’université Lyon 3, des linguistes, des pédagogues et des responsables d’institution ont échangé autour des innovations culturelles et éducatives sur la langue, le plurilinguisme et la francophonie. Morceaux choisis.
LE FRANÇAIS PLUS QUE
JAMAIS D’ACTUALITÉ PAR SÉBASTIEN LANGEVIN
Le français sera bientôt une langue morte »… tout du moins du point de vue de la recherche internationale en management, où seul 0,5 % des publications est produit en français. Ce pavé universitaire dans la mare francophone a été lancé par Jean-Pierre Micaëlli, spécialiste en management industriel, lors de la conférence inaugurale du Forum « Langue française, territoire du commun ». Coorganisée par La Caravane des dix mots et l’Institut international pour la Francophonie (2IF), cette journée de réflexion et d’échanges a abordé de front plusieurs thèmes forts reliés par la volonté de « faire entrer promptement la France dans la Francophonie », selon la célèbre formule de Bernard Cerquiglini. Un vœu pieux jusqu’à maintenant, qui trouve de nouveaux échos en France depuis les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015 : l’État, ministère de l’Éducation nationale en tête, se doit d’avoir une politique linguistique affirmée pour le français, en particulier pour renforcer la cohésion nationale.
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Une langue inégalitaire
« La langue comme bien commun et outil de lien social », donc. Pour Jean-Pierre Micaëlli, qui reprend la notion de « bien naturel commun » de la prix Nobel d’économie Elinor Ostrom afin de définir la langue comme un « bien culturel commun ». Pour l’agrégé de lettres Abraham Bengio, qui rappelle que « la langue n’est pas un facteur de cohésion sociale parmi d’autres, mais bien l’outil de lien social par excellence ». « Une langue véhiculaire, reprenait cependant le linguiste Michel Launay parlant notamment de la Guyane, qui est également une langue inégalitaire ». Et de poser cette question centrale pour l’école de la République : « Pourquoi et comment prendre en compte la langue maternelle ? » Car s’agissant de cette langue de la famille, qui n’est pas toujours le français en France, Jean-Luc Vidalenc du Casnav dit qu’elle est « un véritable point aveugle de notre système scolaire », ajoutant que « malgré les discours prônant la diversité et avec les meilleures intentions du monde, les enseignants commettent beaucoup de maladresses dans ce domaine… »
GUIDE D’ACCUEIL
Accueillir un élève allophone à l’école primaire propose une boîte à outils pour l’enseignant de l’école élémentaire qui prend en charge un élève allophone arrivant dans sa classe, ou tout autre élève en besoin de français de scolarisation. En effet, de nombreux enfants entrent à tout moment de l’année dans le système éducatif français, en provenance d’autres pays ou d’autres langues. Lorsque l’unité pédagogique d’intégration pour élève allophone arrivant (UPE2A) est trop éloignée du domicile, l’élève est placé à titre isolé dans son école de secteur. Moment souvent délicat, à la fois pour lui et pour le professeur des écoles qui doit l’accueillir, souvent démuni et en manque d’outils. Fruit d’une longue expérience de terrain et nourri de solides références théoriques, cet ouvrage permet de comprendre et d’agir rapidement auprès de ces élèves à besoins particuliers : EANA, allophones plurilingues nés en France, francophones fragiles.
Le français dans le monde | n° 402 | novembre-décembre 2015
3 QUESTIONS À OLIVIER GARRO
© Jean-Marie Refflé
« La Francophonie comme science politique »
Quelles sont les raisons d’être de l’Institut international pour la Francophonie ?
Quel est le contenu des formations ? Toutes nos formations portent sur la francophonie, son histoire sa dynamique et les enjeux liés à son existence. Nous l’abordons sous l’angle des relations internationales et travaillons avec nos étudiants sur la place de la francophonie comme acteur de la mondialisation. Nous sommes donc dans le champ des sciences politiques.
Depuis 2001 à Lyon, une institution universitaire propose à ses étudiants venus du monde entier d’observer la francophonie sous toutes les coutures. Les précisions d’Olivier Garro, directeur de l’Institut international pour la Francophonie (2IF).
Notre institut, au sein de l’Université Jean-Moulin Lyon 3, poursuit trois objectifs. Tout d’abord, enseigner la francophonie au travers de différentes formations comme un Master 2, deux diplômes d’université, une Université d’été et des formations à la demande pour les jeunes, des fonctionnaires ou des cadres (OIF, Région, élus, etc.). Nous développons aussi sur ce thème un CLOM (ou MOOC) qui débutera le 23 novembre sur la plateforme FUN (1). Une seconde mission consiste à faire de la recherche sur la francophonie et sur son attractivité grâce à une équipe de recherche (Équipe d’Accueil 4586 « Francophonie, mondialisation et relations internationales ») et s’appuyant sur des instruments comme le Réseau international des chaires Senghor de la Francophonie, l’organisation des Entretiens de la Francophonie ou la Revue internationale des mondes francophones. Le troisième objectif est de produire des idées sur et pour la francophonie. En bon français, nous sommes un think tank, une boîte à idée sur la francophonie.
PROPOS RECUEILLIS PAR SÉBASTIEN LANGEVIN
1. https://www.france-universite-numerique-mooc.fr/courses/lyon3/26002/session01/about
Quel devenir professionnel peuvent espérer les étudiants ? Nos étudiants peuvent évidemment poursuivre leurs études en doctorat pour accéder à l’enseignement et la recherche en relations internationales. Si beaucoup le font, une majorité d’étudiants travaillent directement après leur master dans un champ d’activité finalement assez vaste, comme la culture, l’administration territoriale, la diplomatie, les ONG ou les médias. Je dirais qu’ils ont une caractéristique commune, c’est que leurs métiers ont un rapport avec l’international. D’ailleurs une très grande partie de nos étudiants ne sont pas français et beaucoup, y compris les Français, travaillent aujourd’hui partout dans le monde. Finalement, c’est ça la francophonie : du français partout dans le monde ! n
EN FRANCE Il propose des outils pour apprendre à didactiser ses séquences à l’attention d’un élève allophone, en s’appuyant sur des situations types transférables et adaptables quel que soit le niveau. Il encourage enfin une démarche pédagogique nouvelle et bénéfique à tous les élèves, fondée sur l’inépuisable source d’ouverture et d’enrichissement que constitue l’arrivée de ces élèves « venus d’ailleurs ». n Jean-Marie Frisa, Accueillir un élève allophone à l’école primaire, CRDP de Franche-Comté.
Texte disponible sur : www.reseau-canope.fr
Le français dans le monde | n° 402 | novembre-décembre 2015
Pour compléter la journée, Anna Stevanato a évoqué l’initiative Dulala, « D’une langue à l’autre », qui milite en faveur du développement du bilinguisme ; Henriette Walter, grande linguiste historienne de la langue, est revenue sur l’étymologie comme vecteur de sens, véritable mémoire de la langue et partant de la société ; enfin Sandra Coulibaly, sous-directrice chargée de la prospective à la direction de la planification et de l’évaluation de l’OIF, a remis en perspective l’apport des « autres langues françaises » à la langue parlée en France. Désormais lestée de nouveaux enjeux politiques en France, la langue française risque également d’être écartelée entre différentes idéologies, différentes chapelles linguistiques, différents ministères publics… Chargé de rendre au Premier ministre Manuel Valls un rapport sur la future Agence de la langue française, Loïc Depecker, tout nouveau délégué général à la langue française et aux langues de France a bien résumé la situation : « Comme on dit en Louisiane : il ne faut pas lâcher la patate ! » n
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