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le français dans le monde

REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

N°403 janvier-février 2016

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UNE LANGUE,

FIPF

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9 782090 370966

15 €

ISSN 0015-9395 9782090370966

N°403

janvier-février 2016 UNE LANGUE, DES VALEURS

DES VALEURS


MÉTIER | FLE EN FRANCE

LE FRANÇAIS POUR S’INSÉRER Maîtriser la langue française est une des conditions pour réussir son insertion en France en tant que réfugié, notamment pour trouver un emploi et un logement.

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TEXTE ET PHOTOS PAR NICOLAS DAMBRE

segtse, Sainkhuu, Ridvan, Mokhmad et Jayatunge ne sont désormais plus demandeurs d’asile car ils ont obtenu le statut de réfugié. Ce lundi de décembre, ils suivent le cours de français d’Aline Follea-Descols, proposé par le Centre d’action sociale protestant, dans le nord de Paris. La professeure accueille ses élèves dans la salle de classe de plain-pied sur la rue. Malgré beau-

coup d’hésitations, les deux Mongoles Sainkhuu et Tsetseg prennent la parole. À l’une, l’enseignante annonce que son certificat d’hébergement vient d’arriver. Aujourd’hui, il est question de logement, avec l’aide du manuel Trait d’union. Savoir par exemple détailler et comprendre des caractéristiques telles que grand, clair, spacieux, en bon ou en mauvais état. Aline Follea-Descols montre à ses

élèves des photos d’un appartement haussmannien, d’une ferme et d’un moulin. « Qu’est-ce que c’est ? Quel logement préférez-vous ? Lequel est ancien ? Quel est le contraire d’ancien ? » Ridvan se lance : « C’est une maison à la “champagne”. » Le professeur le corrige et lui demande de décrire les animaux visibles sur la photo. L’homme de 41 ans échange des noms en russe avec Mokhmad, arrivé de Tchétchénie.

Trouver un emploi

Au tableau, le professeur note au feutre vert les liaisons entre les articles, les noms et les adjectifs : celles entre un et immeuble ou entre grand et appartement. Le D qui se prononce alors T les étonne. MokhClasse de français pour migrants au Centre d’action sociale protestant de Paris.

mad confond clef et clair. Sainkhuu et Tsetseg essayent d’énumérer des meubles, ils viennent plus facilement dans leur langue maternelle qu’en français. On montre, on mime, on tente des mots… provoquant régulièrement un éclat de rire général. Jayatunge répond souvent en anglais. Elle est arrivée du Sri Lanka en 2013, avec ses deux enfants de 11 et 14 ans, menacée car Témoin de Jehova dans un pays à majorité bouddhiste. Mokhmad a 39 ans, il a fui Grozny en 2012. Il dit brièvement : « Trop de problèmes avec la police russe et tchétchène. » Avec son épouse et ses deux rejetons de 6 et 8 ans, ils habitent Puteaux, à l’ouest de Paris. Ridvan, 41 ans, s’est exilé en 2013 et vit à Garges-lès-Gonesse, en banlieue nord. Il explique : « En Albanie, vendetta. En France pour la sécurité, le travail et mes enfants. » Il dit apprendre le français pour décrocher un travail, n’importe lequel. Tous sont dans l’optique de retrouver rapidement un métier, condition d’un logement pour eux et leur famille. Et pour cela, la langue française est indispensable.

Devenir autonome

Ces adultes réfugiés doivent gérer beaucoup de choses : leur famille, les démarches par rapport à leur carte de séjour, par rapport à Pôle Emploi ou la Caisse d’allocations familiales. La plupart sont logés à l’hôtel, parfois loin de Paris où ont lieu les cours. Certains font face à des soucis de santé. Il n’est pas toujours facile d’assister à l’enseigne-

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« Vivre en famille peut ralentir l’apprentissage, car les enfants s’expriment souvent mieux que les parents (...) Certains réfugiés subissent le fait de devoir parler français, d’autres ont une réelle envie de l’apprendre » ment avec assiduité ou d’effectuer les exercices de français à la maison. La moitié des élèves inscrits en français langue étrangère a néanmoins déjà suivi quelques cours, avec les Restos du cœur ou Emmaüs, par exemple. Au CASP, deux sessions d’un trimestre, grand débutant et débutant (108 et 144 heures), sont proposées après évaluations. Des cours intenses, mais à visée très pratique. Le professeur analyse : « L’objectif est de parvenir à une certaine autonomie : savoir se présenter, s’orienter dans la ville, remplir des formulaires, chercher un logement… Vivre en famille peut ralentir leur apprentissage, car leurs enfants s’expriment souvent mieux qu’eux et deviennent leurs interprètes, tandis qu’ils passent du temps avec leurs compatriotes. Certains subissent le fait de devoir parler français, d’autres ont une réelle envie de l’apprendre. » Aline Follea-Descols a elle aussi assimilé une langue à force de l’entendre : le russe.

Déculpabiliser

« Si la prononciation du français n’est pas évidente, son écriture l’est encore moins. Tous maîtrisent l’alphabet latin, mais il existe tellement de doubles consonnes ou de doubles voyelles dans notre langue qui ne se prononcent pas de la même façon… Une dame me confiait qu’elle se sentait comme un bébé qui apprend une

Extrait d’une page de la méthode de français pour migrants Trait d’union (CLE International) utilisée au CASP.

SERVICE AUX RÉFUGIÉS Le Centre d’action sociale protestant (CASP) a été créé il y a 60 ans. Plus récent, son Service aux réfugiés accueille des adultes venus en famille en France, soit actuellement près de 280 familles suivies en

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région Île-de-France par quatre assistantes sociales. En 2014, sur près de 65 000 demandes d’asile, moins d’un quart a obtenu une issue favorable. Le Service aux réfugiés du

CASP a pour mission l’insertion par le travail et le logement, mais aussi le suivi social des personnes ayant acquis cette protection internationale. L’association propose dans ce cadre des cours de FLE. n

langue. Je tente de les déculpabiliser en leur disant que peu de Français écrivent un français parfait ! » raconte l’enseignante, passée par plusieurs Alliances françaises avant d’enseigner au CASP. S’ils ne redoublent pas, les élèves suivront l’enseignement trois ou six mois, selon leur niveau. Ensuite, s’ils en ont besoin, ils assisteront aux cours obligatoires de formation civique et linguistique, liés à l’obtention de leur carte de séjour. Un enseignement sous-traité à des entreprises privées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Les élèves y seront beaucoup plus nombreux, avec comme objectif le fameux diplôme initial de la langue française (DILF). Ici, les réfugiés reçoivent presque un cours particulier. Ils se frottent à la complexité de l’administration française en remplissant par exemple un formulaire CAF en ligne avec leur professeur, ils découvrent aussi la culture et la civilisation du pays en écoutant quelques chansons comme « Les Cornichons » de Nino Ferrer ou « Fais pas ci, fais pas ça » de Jacques Dutronc. Pas seulement pour apprécier le patrimoine culturel, mais également pour apprendre les noms des aliments ou l’impératif. Entre la moutarde, le fromage et les macarons, les élèves connaîtront quelques-uns des mets qui font la réputation de leur nouvelle patrie. n

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