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PRINTEMPS 2013 N°
SYRIE
LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION FRANCE
LE TOUR DE FORCE DES EX-LEJABY RENCONTRE
FATOU BENSOUDA, PROCUREURE DE LA CPI
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ÉDITO
L
e rôle des femmes dans les conflits armés ? Quelle étrange question... Demandez à des lycéens de vous citer une résistante de 1939-1945. Ou de vous expliquer quelle a été la place des femmes, dans la lutte, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ou encore s'ils ont déjà entendu parler du camp de Ravensbrück. Vous obtiendrez presque toujours la même réponse. Un grand silence et des yeux écarquillés. Quel espace est réservé aux Germaine Tillion, Lucie Aubrac ou Marie-Jo Chombart de Lauwe dans les livres d'histoire proposés aux jeunes ? Le même que celui laissé actuellement aux résistantes syriennes dans nos médias. À quelques exceptions près, le vide. Des hommes en armes qui combattent, des femmes en larme qui hurlent vers le ciel au milieu de champs de ruines. Des soldats qui se sacrifient face aux troupes de Bachar. Des femmes abattues, victimes de nombreuses exactions - bien réelles - ayant fui avec leurs enfants vers les camps de réfugiés de Turquie, de Jordanie ou du Liban. Comme en Libye en 2011 et comme si souvent, dans nos magazines et sur nos écrans de télévision, les femmes subissent. Fermez le ban. Il est indéniable que dans les conflits armés, rares sont les femmes portant la “Ces combattantes kalachnikov. Il faut creuser davantage, ne pas chercher le spectaculaire. Mais comme le montre l'actualité dramatique de Syrie, elles sont nombreuses à être constituent des essentielles à la résistance. Agent-e-s de liaison, collectant et transférant des modèles [...] pour fonds, des armes et des munitions, assurant le ravitaillement des troupes, ouvrir un champ les soins aux blessés, la transmission des informations vers les médias internationaux... La liste est longue. Et les risques encourus par ces des possibles plus opposantes syriennes sont très similaires à ceux de leurs compagnons de lutte. large que celui De cette résistance émergent toujours des personnages exceptionnels, d'une information tels Razan Zaitouneh ou Souheir al-Atassi. Des femmes qui, la paix revenue, trop souvent sauront ouvrir des horizons nouveaux au pays. Des progrès dont bénéficieront tous les Syriens, si ces résistantes remarquables sont écoutées. stéréotypée.” En écrivant ces quelques lignes, je pense à Françoise Seligmann, décédée le même jour que Stéphane Hessel, mercredi 27 février 2013, à l'âge de 93 ans. Résistante, femme politique, militante féministe et défenseure des droits humains tout au long de sa vie, elle aura été de tous les combats. Cette autre indignée majeure nous a quittés. Sa disparition a donné lieu à de nombreux hommages. Mais combien connaissaient son histoire ? Son incroyable abnégation ? Ses multiples engagements ? Femmes en résistance magazine a souhaité consacrer son grand reportage de ce trimestre à celles qu'on ne montre que trop peu, aux femmes dans le conflit armé en Syrie. Car d'hier ou d'aujourd'hui, de France ou de là-bas, ces combattantes constituent de formidables modèles à donner au grand public et en particulier aux jeunes, filles ou garçons, pour les aider dans leur construction, leur ouvrir un champ des possibles plus large que celui, étroit, d'une information trop souvent stéréotypée.
Pierre-Yves Ginet Phototojournaliste Auteur du livre et de l’exposition “Femmes en résistance”
N° 2 ‑ PRINTEMPS 2013 3
SOMMAIRE
LONGUE DISTANCE L’actualité des femmes en résistance à travers le monde
REPORTAGE D’AILLEURS Les femmes de la révolution syrienne, au cœur du combat des rebelles
RENCONTRE Fatou Bensouda, première femme africaine à devenir Procureure de la Cour pénale internationale
REPORTAGE D’ICI Made in France : le tour de force des ex-Lejaby
ALENTOURS L’actualité d’ici des femmes engagées
PLEIN CADRE Stéphanie Convertino, Welcome !
PHOTOGRAPHIES / En Une : Aris Messini/AFP PHOTO/AFP ImageForum ; Page 4 : Bettmann/Corbis ; Page 6 : DR, DR, DR ; Page 7 : William Murphy sous licence creative commons, DR, Manish Swarup/AP/SIPA ; Page 8 : Fadel Senna/AFP PHOTO/AFP ImageForum, Aaron Favila/AP/SIPA, Austin Koester for Newsweek ; Page 9 : DR, DR, DR ; Page 10 : DR, DR, Maya Alleruzzo/AP/ SIPA ; Page 11 : Dan Balilty/AP/SIPA, DR, DR ; Pages 12 et 13 : Edouard Elias ; Page 15 : Aris Messini/AFP PHOTO/AFP Image Forum ; Pages 17, 18 et 19, 20 : Olivier Voisin ; Page 21 : DR, AFP PHOTO / HO / IHH, AP/SIPA, AFP PHOTO/HO/Syrian observatory for human rights ; Page 22 : Edouard Elias, Olivier Voisin ; Page 23 : Joseph Eid/AFP PHOTO/AFP ImageForum ; Page 24 : DR ; Page 25 : DR, DR, Gina Russo, DR, Edouard Elias/AP/SIPA ; Page 27 : Evert-Jan Daniels/AFP PHOTO/AFP ImageForum ; Page 28 : Robin Van Lonkhuijsen /AP/SIPA ; Page 29 : Issouf Sanogo/AFP PHOTO/AFP ImageForum ; Page 38 : DR, DR, SEVGI/SIPA ; Page 39 : GELEBART/20 MINUTES/SIPA, Thomas Samson/ AFP PHOTO/AFP ImageForum , Fred Dufour/AFP PHOTO/AFP Image Forum ; Page 40 : DR ; Pages 41 et 42 : Elodie Sueur-Monsenert ; Page 43 : Julien Faure ; 4e de couverture : AFP ImageForum. Magazine trimestiel “Femmes en résistance”, n°2, paru en mars 2013 - Date de bouclage : 28 février 2013. Edité par l’association Femmes ici et ailleurs : 20, rue de la Rize — F-69003 Lyon - Tél. 04 37 43 02 35 - Présidente : Nathalie Cayuela Dépôt légal : mars 2013. ISSN : 2263-553X. N° de commission paritaire : 0115 G 91616. Prix de vente France métropolitaine : 5,90 euros. Abonnement 1 an France métropolitaine : 23,60 euros. Ce magazine contient une offre d’abonnement à Femmes en résistance magazine. Magazine imprimé en France par IDMM - 6A, rue des Aulnes - 69410 Champagne-au-Mont-d’or Directrice de la publication : Nathalie Cayuela / Ont participé à ce numéro : Nathalie Poirot, Anaïs Boisson, Florent Bernard, Léopoldine Garry. Rédaction : femmesenresistance.infos@gmail.com / Abonnements : femmesenresistance.magazine@gmail.com
Fan page Femmes en résistance magazine
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http://femmesenresistancemag.com
LONGUE DISTANCE
DES FEMMES DU MONDE EN RÉSISTANCE
SOUDAN
La paix avec les femmes
MONDE
Danses de l’amour
ARGENTINE
La guerre d’une mère
Préoccupée par les blocages dans l'application des accords de paix entre les deux pays, la Coalition des femmes leaders du Soudan et du Soudan du Sud a décidé de s'organiser et se faire entendre. Vingt-deux déléguées de ce groupe, fondé en 2006, se sont réunies du 19 au 22 janvier à Addis-Abeba, en prélude au vingtième sommet de l'Union africaine. “Nous nous sommes réunies pour soutenir les accords de coopération et nous voulons participer au processus de paix. Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons rencontré, ici, des responsables de l'Union africaine ainsi que les envoyés spéciaux de Norvège et des États-Unis”, a déclaré Sarah James Awel. La présidente de l'Association générale des femmes du Soudan du Sud profitait de sa prise de parole pour dénoncer l'exclusion des femmes des initiatives de paix entre les deux pays, rappelant que les expériences vécues dans d'autres régions africaines ont déjà fait la preuve de l'importance de cette implication. La coalition, qui a pris position en faveur de l'application des différents accords de normalisation et de coopération, réclame de la participation à hauteur de 25 % des femmes dans la prise des décisions des comités en charge de ce processus.
Le 14 février, jour de la fête des amoureux, des centaines de milliers de femmes ont dansé. De San Francisco à Kaboul, Londres, Delhi, Lima, Bruxelles, aux Philippines, au Népal, au Mexique, dans plus de cent-soixante pays. Mais aussi dans cinquante villes de France, des femmes se sont mobilisées. Pointant un doigt vers le ciel, unies sur la même chorégraphie ou exhibant des pancartes, elles ont répondu à l’appel festif de la campagne “One Billion Rising”, lancée par Eve Ensler, présidente de la fondation Vday, en lutte contre les violences faites aux femmes et auteure des Monologues du vagin. “One Billion Rising” (un milliard se lèvent) comme le milliard de femmes victimes de violences physiques au moins une fois dans leur vie, selon les Nations unies. L’événement, largement relayé sur les réseaux sociaux, aura été un succès. Un exutoire ? Peut-être. Inutile ? Aucun rassemblement, si minime soit-il, ne l’est. La joie, la danse, la communion pour dire non à la violence, offrir une alternative ? Vivement la Saint Valentin 2014.
Le 11 décembre 2012, le verdict rendu par le tribunal de Tucuman provoquait une vague d'indignation et de manifestations en Argentine. À l’issue d'un procès très médiatisé, treize personnes accusées d'appartenir à un réseau de traite de femmes étaient acquittées. L'affaire concernait la disparition de Marita Veron, kidnappée à 23 ans en 2002, contrainte à la prostitution et toujours portée disparue. Si le verdict a provoqué un tel tollé dans le pays, c'est que la mère de la victime, Susana Trimarco, n'est pas une plaignante comme les autres. Après l'enlèvement de sa fille, devant l'inertie policière, cette femme au foyer se lançait dans l'enquête, se faisait passer pour une cliente, une proxénète ou une prostituée, s'introduisait dans les bordels, infiltrait les réseaux. Elle créait une association et en 2008, elle poussait les législateurs à inscrire dans les textes la pénalisation du trafic d’êtres humains. En dix ans, la mère courage a fait libérer plusieurs centaines d'esclaves sexuelles et mis à jour des réseaux de trafiquants. Et c'est son action qui a poussé les treize inculpés devant les juges. À sa sortie du tribunal, le 11 décembre, elle déclarait : “Je ne me tairai pas tant qu'on ne me rendra pas Marita”. Le 19 janvier 2013, elle recevait de nouvelles menaces de mort. “Cela montre que je suis sur la bonne voie.”
“90 % des Sud-Africaines ont été victimes de violences psychologiques et/ou physiques.” Kgalema Motlanthe, Vice-Président de la République d’Afrique du Sud.
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Les femmes de la révolution syrienne, au cœur du combat des rebelles TEXTE DE MIKE GIGLIO
REPORTAGE D’AILLEURS
Q
uelle ne fut pas la surprise des soldats syriens quand, après être finalement parvenus à franchir la porte de la maison de Raifah Sammie, cet après-midi-là, ils la trouvèrent debout devant eux, trépignant de colère. Elle venait de terminer de mettre son foulard. “Vous n'avez pas le droit d'entrer comme ça dans la maison des gens !”, leur a-t-elle crié. “N'avez-vous pas de mères et de sœurs ? Il y a des femmes ici ! Nous avons besoin d'un peu de temps pour nous couvrir !” Les soldats fouillaient les maisons de la province rebelle d'Idlib, dans l'est de la Syrie. Ils avaient frappé à la porte et crié à tue-tête jusqu'à ce que le fils de Sammie les laisser entrer, puis ils lui avaient reproché d'avoir mis trop longtemps à ouvrir. Mais les soupçons des soldats se dissipèrent peu à peu alors qu'ils observaient la scène : quatre femmes assises nerveusement, leurs enfants sur les genoux, tandis que la formidable Sammie se tenait devant son fils de 22 ans, “qui étudie la médecine”, ajouta-t-elle avec fierté. “Je ne suis qu'une femme au foyer”, leur expliqua Sammie. Une fois les soldats partis, Sammie récupéra le disque dur qu'elle avait caché entre la fenêtre et les volets de sa chambre, pendant qu'ils tambourinaient contre sa porte d'entrée. Elle avait aussi frénétiquement supprimé les contacts de ses deux téléphones portables et déchiré les papiers où étaient inscrits les numéros de téléphone de contacts syriens vivant en Roumanie, en Amérique, en Turquie ou en France, qui envoyaient régulièrement de grosses sommes d'argent qu'elle transmettait ensuite aux rebelles. Sammie est effectivement une femme au foyer, comme elle l'a dit aux soldats. Mais elle est aussi un rouage essentiel de la machine révolutionnaire d'Idlib, ayant commencé en organisant des manifestations et distribuant maintenant des fonds aux rebelles qui ont besoin d'argent pour acheter des armes. Il y a peu, dans la ville turque d'Antioche, près de la frontière syrienne, où elle se réfugiait le mois dernier, Sammie racontait la ruse, un sourire aux lèvres. Elle portait un élégant foulard rose et un abaya noir cousu avec soin. Encore une mission à ajouter à la longue liste des opérations réussies, qui consistent notamment à aider des soldats à faire défection et à trouver de l'argent pour les rebelles. “Je connaissais beaucoup de gens et on a commencé à faire attention à moi, explique Sammie. J'ai fait tout ce que je pouvais pour la révolution.” Lorsque le soulèvement a commencé au début de l'année dernière, les femmes participaient aux manifestations pacifiques aux côtés des hommes. Mais le conflit est devenu de plus en plus sanglant, le régime de Bachar al-Assad bombardant les rebelles et les civils avec de l'artillerie lourde et des avions de chasse. Les pertes se chiffreraient à des dizaines de milliers de morts. Les hommes sont 14
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alors devenus majoritaires sur les lignes de front. En coulisse, les femmes continuent néanmoins de jouer un rôle fondamental : elles font entrer illégalement des fonds, des médicaments et des armes, elles gèrent des hôpitaux de campagne et des centres de presse clandestins et elles organisent l'aide humanitaire. “Les médias ne couvrent que ce qui se passe en première ligne, on ne voit plus que les hommes aujourd'hui. Pourtant nous sommes toujours là, actives et nombreuses, mais notre travail est maintenant principalement clandestin”, explique Rafia Salemah, une militante qui utilise son nom de guerre, car elle continue à travailler à Damas. Les activistes affirment que les forces de sécurité contrôlent beaucoup plus souvent les femmes aux points de passage ces dernières semaines, le régime ayant apparemment eu vent de leurs activités. La dissidente Suhair Atassi a été appréhendée lors de la première vague d'arrestations de personnalités haut placées dans la révolution. Elle est depuis devenue une icône de l'opposition. Razan Zeitouneh, une autre militante de longue date de Damas, contrainte de vivre cachée, est considérée par beaucoup comme la dirigeante des Comités locaux de coordination, l'un des principaux groupes de militants de la révolution. Rama al-Assas, une jeune militante qui, selon des amis, a été visée à cause de ses nombreuses activités de secours à Damas, est portée disparue depuis le 27 août. Ses amis affirment qu'elle a quitté sa maison ce jour-là pour aller réceptionner du matériel médical et a été emmenée de force dans une voiture par les sbires du régime. Ils soulignent qu'elle était consciente d'être surveillée, mais ne voulait pas abandonner ses activités. “Elle se considérait comme une combattante de la liberté. Et les combattants ne reculent jamais”, explique l'un de ses amis. Un rapport récent du Réseau syrien pour les droits de l'Homme fait état d'au moins 1.900 femmes tuées depuis le début de la révolution. Sipan Hassan, de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, estime que le régime a également arrêté de nombreuses femmes, même s'il est difficile d'avancer des chiffres. “Il importe peu au régime que vous soyez une femme ou un homme”, explique-t-il. “Et les femmes jouent un rôle considérable dans la révolution aujourd'hui.” Les histoires de courage abondent. Le mari d'Amina Ahmed Abid raconte qu'il se cachait à la maison tandis que sa femme organisait les manifestations dans son quartier de Lattaquié, bastion d'Assad. “La révolution nous a aussi libérées de la tyrannie de nos foyers”, affirme Abid.
REPORTAGE D’AILLEURS
LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION SYRIENNE
Fatima Zahra (droite), 45 ans, s'entretient avec un rebelle syrien (gauche) qui a trouvé refuge chez elle après avoir été blessé hors de la ville d'Alep, le 26 août 2012. Lorsque le soulèvement syrien a commencé, Fatima Zahra a envoyé ses cinq fils rejoindre les forces rebelles pour combattre le régime. Mais elle voulait trouver un moyen de faire plus. Depuis plusieurs mois, elle a transformé sa maison en une base arrière de soutien à l'Armée syrienne libre. Elle prépare des repas en grand nombre pour les rebelles, leur dispense des soins médicaux de base, le cas échéant, cache les transfuges de l'armée gouvernementale et entrepose même des armes dans les chambres de sa maison. Alep, août 2012
Pages précédentes : Dans la cour de l'école “secrète” d'al-Ansari, qui a récemment ouvert ses portes, à l'initiative de l'Armée syrienne libre, une des institutrices au milieu de ses élèves. Le lieu est indétectable depuis l’extérieur, pas un cri d’enfant ne vient briser le calme des ruelles environnantes, les fenêtres sont opaques et il n'y a pas d'électricité, pour ne pas attirer l'attention des forces gouvernementales ou des milices islamistes. Les écoles officielles, elles, ont été depuis longtemps transformées en casernes par les rebelles. Alep, janvier 2013 N° 2 ‑ PRINTEMPS 2013
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N° 1 ‑ SEPTEMBRE/NOVEMBRE 2012
RENCONTRE AVEC...
FATOU BENSOUDA
Ministre de la Justice de son pays, la Gambie, de 1998 à 2000, Fatou Bensouda a également été substitut du Procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda, à Arusha. En juin 2012, elle est devenue, une première pour une femme africaine, Procureure de la Cour pénale internationale, poste central de la justice planétaire.
Réalisé en partenariat avec la FIDH, mouvement mondial de défense des droits humains N° 1 ‑ SEPTEMBRE/NOVEMBRE 2012
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Muriel Grandjean (au centre), dans l’atelier de confection. Les couturières, qui se sont lancées dans la production d’une première commande pour la Maison Lejaby, vont ensuite réaliser des pièces en édition limitée pour Zahia Dehar. Villeurbanne, janvier 2013
REPORTAGE D’ICI
LE TOUR DE FORCE DES EX-LEJABY
MADE IN FRANCE :
Le tour de force des ex-Lejaby
À peine plus d’un an après la reprise de Lejaby, d’anciennes salariées du fabricant de lingerie et des entrepreneurs ont associé leurs savoir-faire pour se lancer dans une nouvelle aventure : créer un site de corsetterie haut de gamme, “Les Atelières”, avec une fabrication 100 % française, et redonner un travail à celles qui ont “de l’or entre les mains”.
TEXTE : ANNE-LISE FANTINO PHOTOGRAPHIES : BRUNO AMSELLEM / SIGNATURES N° 2 ‑ PRINTEMPS 2013
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ALENTOURS INSTITUTIONS
Le 9-3 contre les violences Le décret officialisant la création de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a été publié le 5 janvier 2013. Parmi les objectifs de cette structure : l’accompagnement et le développement des bonnes pratiques locales en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et d’accueil des victimes. Le gouvernement a placé à la tête de cette mission Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire contre les violences faites aux femmes de la Seine-Saint-Denis. Cette structure pionnière a été saluée à de multiples reprises pour ses initiatives, tel le prêt de téléphones d’urgence aux femmes en situation de risque. JUSTICE
Défense d’approcher Depuis le 1er janvier 2013, en Belgique, le procureur peut ordonner une interdiction temporaire de résidence à un conjoint violent. La circulaire diffusée fin décembre 2012 par les ministères de la Justice et de l’Intérieur et le Collège des procureurs généraux était particulièrement ferme sur l’application uniforme de cette loi, à la grande satisfaction des organisations de défense des droits des femmes.Il est spécifié que cette mesure ne sera imposée qu’en dernier recours, en cas de menace “grave et immédiate”, pour une durée de dix jours. Le juge aura toutefois la possibilité de prolonger cet aménagement jusqu’à trois mois.
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DROITS REPRODUCTIFS
Pas de panique ! En décembre dernier, une jeune femme déposait plainte, suite à un grave accident vasculaire cérébral, provoqué par sa pilule contraceptive. On apprenait par la suite que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé reconnaissait les décès de quatre femmes, depuis 1987, liés à la prise de la pilule Diane 35. Les médias s’emparaient alors du problème. Ils publiaient plusieurs articles sur les méfaits des pilules de troisième et quatrième génération, mais oubliaient de donner une image globale de la problématique. Certaines tribunes attaquaient à mot couvert la contraception médicamenteuse dans son ensemble. Le Planning familial était même accusé. À tort. Depuis, les dossiers de plaintes s’amoncèlent dans les tribunaux. Les ventes des pilules incriminées ont chuté brutalement. Le déremboursement des pilules de troisième génération a été avancé au mois de mars. La Diane 35 sera prochainement retirée de la vente. Montré du doigt, le Planning familial a dès le début essayé d’attirer l’attention sur les dangers d’un tel emballement et condamné les prises de position de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, jugées “ambigües”. En première ligne depuis toujours sur cette question, l’organisation alerte l’opinion sur les conséquences d’un arrêt brutal de contraception et sur la nécessité de ne pas céder à la panique en attendant une nouvelle prescription médicale. Dans ses communiqués, l’association souligne que si les risques de thrombose existent avec ces pilules, ils sont encore supérieurs pendant une grossesse. Le mouvement rappelle également l’importance des droits reproductifs, dont l’absence est souvent désastreuse, en France et dans le monde. Les pilules placées dans l’œil du cyclone doivent être retirées de la vente si elles sont dangereuses ou offertes à toutes si elles ne le sont pas. Il n’y a pas d’autre alternative, pas de place pour les intérêts économiques des multinationales pharmaceutiques. Le risque zéro n’existe pas et la pilule est un moyen de contraception efficace, un droit pour les femmes arraché de haute lutte et dont bénéficient chaque jour des millions de couples.
VIE PROFESSIONNELLE
Qui va garder les enfants ? En novembre dernier, les militantes d’Osez le féminisme ! lançaient une nouvelle campagne, avec des propositions concrètes, pour rappeler au gouvernement la promesse de François Hollande de créer 500 000 places de crèche en cinq ans. L’association fustigeait les carences en structures d’accueil, qui handicapent de nombreuses femmes dans leur vie professionnelle et sociale. Dans les semaines suivantes, la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, ouvrait une concertation nationale sur le sujet. La première avancée était annoncée le 20 janvier par le Premier ministre : chaque crèche devra accueillir au moins 10 % d’enfants issus de familles pauvres. Les modalités de mise en œuvre de cette mesure seront détaillées au printemps. Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, dans les 20 % de familles les plus pauvres, 92 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par leurs parents.
PLEIN CADRE
STÉPHANIE CONVERTINO
PLEIN CADRE
Stéphanie Convertino
WELCOME ! quartiers difficiles. Là-bas, j’ai rencontré des classes complètes d’élèves analphabètes. Ils n’avaient aucune conscience de la segmentation des mots, des phrases… Ce que je ne supportais plus, ce n’était pas tant les incivilités, mais la misère sociale. Elle était tellement prégnante… Comment apprendre le passé simple à des enfants qui viennent sans feuille, sans cartable, sans stylo ? On se sent Stéphanie, 38 ans, a des yeux verts et une voix bien posée. À à côté de la plaque.” la voir, on lui donnerait volontiers dix de moins, mais son Assise en tailleur sur le sofa, Stéphanie a le timbre clair et expérience de vie dément la jeunesse. Elle a près de quinze l’élocution impeccable de l’enseignante accomplie. “C’était ans d’enseignement derrière elle. Et ses deux dernières vraiment difficile... J’ai tout appris là-bas de mon métier de années de militantisme au sein du Réseau éducation sans pédagogue.” Pour faire face à ce naufrage repéré de l’Éducation nationale, l’équipe enseignante, frontières (RESF) ont fini de tremper son caractère. D’en faire une femme déterminée solide et bien soudée, avait formé des clubs “Chaque nouveau à donner un avenir meilleur à ses enfants et monté des projets de solidarité pour dossier, c’est la vie motiver les jeunes sur des apprentissages. comme aux enfants des autres. Au club de cinéma, elle rencontre son À l’instar d’autres anonymes, Stéphanie des gens” compagnon, Pierre, intermittent du fait partie de ce réseau, qui, depuis 2004, spectacle. Deux ans plus tard, Stéphanie trouve des solutions, durables ou provisoires, pour héberger des enfants, des adultes, voire des familles est mutée à Paris et une nouvelle vie commence. Elle entières menacées d’expulsion. Quitte à se battre pied à participe au mouvement des Indignés après avoir lu le livre pied avec les autorités françaises. Stéphanie ne supporte de Stéphane Hessel. Elle veut se rendre utile là où elle est. plus que des gens soient jetés à la rue à cause de leur “S’il fallait que je résume le cheminement… Il y a un moment où, au bout de longues années de sarkozysme, on nationalité. ouvre les yeux et on regarde autour de soi. Alors, on se dit : Elle n’avait, dit-elle, aucune disposition particulière pour le trop, c’est trop.” militantisme…Fille d’un carreleur d’origine italienne et d’une Un jour, un mail lui parvient, qui lui demande d’informer les mère secrétaire, elle a fait des études de français et devient adhérents de la Fédération des conseils de parents d’élèves professeure certifiée. À 24 ans, elle quitte sa région natale, (FCPE) sur la présence de RESF dans son quartier. Elle se la Bourgogne, pour la Normandie. Elle reste une dizaine rend à une première réunion et tout s’enchaîne. Elle d’années au Havre, “une ville très populaire, avec des découvre des militants bienveillants et expérimentés
Pour rencontrer Stéphanie Convertino, on grimpe par un escalier en bois, en haut d’un immeuble en briques typiquement parisien, dans le 20e arrondissement. C’est Julie, trois ans, qui ouvre la porte. Son frère Aurélien, sept ans, est dans sa chambre. Il y a des livres partout chez Stéphanie et Pierre, son compagnon.
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elles
ONT ÉCRIT L’HISTOIRE
LOUISE WEISS (1893-1983) Le féminisme et la paix au cœur de l'Europe Journaliste, Louise Weiss fonde en 1921 l’Europe Nouvelle, revue de politique internationale, prônant le rapprochement pacifiste de la France et de l’Allemagne. En 1934, elle crée l'association la “Femme nouvelle”, multiplie les manifestations en faveur du vote des femmes. Elle se présente symboliquement aux élections de 1935 puis de 1936. Trois ans plus tard, l'invasion allemande la pousse à l'exil, mais elle revient dès 1941, pour rejoindre la Résistance. Après le conflit, elle reprend ses activités de journaliste et d'Européenne pacifiste. Doyenne des député-e-s en 1979, elle prononce le discours d’inauguration du Parlement européen. Elle décèdera quatre ans plus tard. En hommage à son rôle essentiel pour la construction européenne, la cour intérieure du Parlement de Strasbourg a été baptisée de son nom.