Femmes en résistance # 6

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PRINTEMPS 2014 N°

FRANCE

PROSTITUTION : LA LONGUE MARCHE POUR L’ABOLITION RENCONTRE

CÉCILE ROL-TANGUY PRIX DE VENTE : 6.90 €

RWANDA

1994-2014 L’ŒUVRE DES VEUVES



SOMMAIRE

LONGUE DISTANCE L’actualité des femmes en résistance à travers le monde

REPORTAGE D’AILLEURS Rwanda 1994-2014 : l’œuvre des veuves

RENCONTRE Cécile Rol-Tanguy, résistante de la Seconde Guerre mondiale

REPORTAGE D’ICI Prostitution : la longue marche pour l’abolition

ALENTOURS L’actualité d’ici des femmes engagées

PLEIN CADRE Sophie Soumaré, arme anti-mutilations

PHOTOGRAPHIES / En Une : Pierre-Yves Ginet ; Page 4 : Razak ; Page 6 : DR, DR, DR ; Page 7 : AFPPhoto/Andrew Cowie, AFP Photo/ Dani Pozo ; Page 8 : DR, DR, AFP Photo/Manjunath Kiran/Files ; Page 9 : DR, DR, Itar-Tass/Barcroft Media ; Page 10 : EPA/Mohamed Messara, DR, DR ; Page 11 : AFP Photo/Sergei Supinsky, DR ; Pages 29/30 : Pierre-Yves Ginet ; Page 31 : avec l'autorisation du National WWII Museum, DR ; Pages 34/36 : Elodie Sueur-Monsenert ; Page 37 : AFP Photo / Marion Ruzniewski, Elodie Sueur-Monsenert ; Page 38 : AFP Photo / Joël Saget ; Pages 39/40/41 : Elodie Sueur-Monsenert ; Page 42 : Delphine Vaisset, Elodie Sueur-Monsenert ; Pages 43/44 : Delphine Vaisset ; Page 45 : SEVGI/SIPA/1311231859 ; Page 46 : DR, DR, compte Facebook du collectif Abandon de Famille - Tolérance Zéro ; Page 47 : DR, DR, Erik Guignard ; Page 48 : DR, Library of Congress, PA Wire/Press Association Images, DR ; Pages 49/50 : Pierre-Yves Ginet ; Page 51 : Pierre-Yves Ginet , Mathilde At ; 4e de couverture : DR. Magazine trimestiel “Femmes en résistance”, n°6, paru en mars 2014 - Date de bouclage : 3 mars 2014. Edité par l’association Femmes ici et ailleurs : 20, rue de la Rize — F-69003 Lyon - Tél. 04 37 43 02 35 - Présidente : Nathalie Cayuela Dépôt légal : mars 2014. ISSN : 2263-553X. N° de commission paritaire : 0115 G 91616. Prix de vente France métropolitaine : 6,90 euros. Abonnement 1 an France métropolitaine : 23,60 euros. Ce magazine contient une offre d’abonnement au magazine Femmes en résistance. Magazine imprimé en France par IDMM - 6A, rue des Aulnes - 69410 Champagne-au-Mont-d’or Directrice de la publication : Nathalie Cayuela / Ont participé à ce numéro : Nathalie Poirot, Yousra El Morabit, Léopoldine Garry, Clara Zirar. Rédaction : femmesenresistance.infos@gmail.com / Abonnements : contact@femmesenresistancemag.com

Fan page Femmes en résistance magazine

@femmesresistmag

http://femmesenresistancemag.com

N° 6 ‑ PRINTEMPS 2014 5


LONGUE DISTANCE

MAROC AUTRICHE

Ailleurs, la PMA...

La très conservatrice Autriche deviendra bientôt le 10e pays européen à autoriser la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes. La décision intervient suite à la plainte de Brigitte Bichler. Après s’être vue refuser l'insémination artificielle dans son pays, elle a décidé de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l'Homme. “Ici, je n'ai pas le droit de me reproduire, simplement parce que je vis avec une femme”. Suivant l'injonction de Strasbourg, les juges de la cour constitutionnelle autrichienne ont conclu qu’il n’y avait aucune “raison particulièrement convaincante ou grave” justifiant un traitement différent entre les couples hétérosexuels et homosexuels, concluant que la PMA ne mettait en aucun cas en danger l’institution de la famille. Et que s'est-il alors passé dans ce bastion conservateur ? Des manifestations monstres ? Les familles en danger battant le pavé de Vienne ? Pas vraiment. L'Église autrichienne s'est dite “inquiète”, seule fausse note presque inaudible dans un concert de réactions globalement positives. Sophie Karmasin, ministre de la Famille, issue de la grande tradition chrétienne conservatrice, a même salué ce verdict, qui s’inscrit dans la lignée des précédents amendements législatifs visant à davantage d'égalité entre hétéros et homosexuels. De quoi rendre amères les associations LGBT et féministes françaises, la PMA promise ayant encore été rayée du projet de loi sur la famille...

8 N° 6 ‑ PRINTEMPS 2014

Fin de l’impunité

Après deux ans de bataille politique et d'une mobilisation de la société civile sans précédent, l'article 475 du Code pénal marocain a été modifié. Cet article “offrait” l'impunité au violeur qui acceptait de se marier avec sa victime. Les associations féministes n'ont rien lâché, restant sur le pont sans discontinuer depuis le suicide d'Amina Filali, une adolescente de 16 ans contrainte d’épouser son violeur pour l'honneur des familles, en 2012. Depuis des mois, les manifestations succédaient aux marches blanches et aux happenings, des rassemblements souvent orchestrés par la coalition Printemps de la dignité, pour dénoncer toutes les formes de violence et de discrimination à l'égard des femmes. Ce vote constitue une incontestable victoire pour les femmes et les progressistes marocains. Mais les obstacles ne sont pas tous levés sur la question. D'abord parce que les islamistes ont réussi à faire accepter une définition très floue et restrictive du viol. Ensuite, la route reste longue pour faire évoluer les mentalités et le regard porté sur les victimes. Mais là, ce n'est pas une spécialité marocaine.

INDE

Un an pour rien

Un an après le viol et le meurtre en bande organisée d’une étudiante de 23 ans à New Delhi qui avait secoué l’Inde et mis en lumière les violences faites aux femmes, le pays commémorait le drame. De nombreuses manifestations ont été organisées fin décembre, avec moins de monde que l'an passé, mais démontrant que la plaie est toujours béante. D'autant que rien n'a vraiment changé dans ce pays qui a besoin d'une véritable révolution mentale sur la question. Les bonnes intentions des politiques et des forces de police n'ont pas été suivies de faits. Comme le montrent les statistiques, le plus souvent, les crimes sexuels passent inaperçus, non déclarés, absorbés dans la culture du “c'est ainsi que les choses sont”. Le nombre de plaintes déposées auprès de la police frémit à peine, malgré le battage médiatique et la mobilisation de nombreuses femmes, au cours de l'année écoulée. Et comme si les chiffres ne suffisaient pas, le 23 décembre 2013, une jeune fille de 16 ans s'immolait à Calcutta après avoir été “violée en réunion”. Elle succombait à ses brûlures quelques jours plus tard. Les manifestant-e-s envahissaient de nouveau les rues de la métropole indienne pour crier leur rage. De quoi provoquer enfin une réaction adaptée des autorités ?


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RWANDA 1994-2014

L’œuvre des veuves TEXTES ET PHOTOGRAPHIES : PIERRE-YVES GINET Un reportage produit par Femmes en résistance, en partenariat avec Axelle

2014 Hommes et femmes aux travaux des champs, près de Nyanza. Les anciennes zones de marais, qui ont servi de cachettes aux fugitifs tutsis pendant le génocide et où s'empilaient les corps des victimes, sont aujourd'hui exploitées intensivement. Depuis une dizaine d'années, le gouvernement rwandais a lancé de grands programmes agricoles, basés notamment sur les rizières et la pisciculture, qui portent aujourd'hui leurs fruits.




RENCONTRE AVEC...

CÉCILE ROL-TANGUY

Cécile et Henri Rol-Tanguy, un couple d'exception. L'Histoire a retenu Henri, qui conduisit les combats lors de la Libération de Paris. Elle a trop oublié Cécile, Résistante de la première heure, l'agent de liaison indispensable à son époux, rouage essentiel de l'action clandestine parisienne dès 1940. Rencontre avec la femme hors du commun de ce binôme exceptionnel.

Réalisé en partenariat avec la FIDH, mouvement mondial de défense des droits humains N° 6 ‑ PRINTEMPS 2014 29



UNE SÉRIE DE QUATRE PORTRAITS DE FEMMES DʼEXCEPTION LORS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE. Scénarisée par Régis Hautière et Francis Laboutique, sur une idée originale de lʼhistorienne Emmanuelle Polack, cette série de bandes-dessinées sʼattache aux destins croisés de femmes qui se sont opposées, au risque de leur vie, à la barbarie nazie. Quatre dʼentre elles, Amy Johnson, Sophie Scholl, Berty Albrecht et Mila Racine, ont réellement existé. Seule la cinquième, Anna Schaerer, une journaliste, est un personnage fictif, véritable fil rouge qui relie les quatre héroïnes.

Le premier volume relate le parcours, durant les années 1930, dʼAmy Johnson, qui sʼest imposée comme lʼune des principales figures de lʼaviation britannique. Mais les prouesses de pilotage ne suffiront pas face aux préjugés dʼune époque qui voit dʼun mauvais œil une femme dans un cockpit. Tome 1 : AMY JOHNSON / Dessin : Pierre WACHS / Couleurs : Dominique OSUCH / 64 pages couleurs / Editions Casterman / Prix de vente : 14,50 €

Quatre fortes personnalités à la volonté inébranlable, quatre destins exemplaires

En librairie

www.casterman.com

Mai 2014

Août 2014

Printemps 2015

Soutenu par le magazine


REPORTAGE D’ICI

Maud Olivier arrive à l'Assemblée nationale, le jour du vote de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, le 4 décembre 2013.

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N° 6 ‑ PRINTEMPS 2014


REPORTAGE D’ICI

PROSTITUTION : LA LONGUE MARCHE POUR L’ABOLITION

PROSTITUTION :

la longue marche pour l’abolition CLAUDINE LEGARDINIER, spécialiste de la prostitution, nous relate ces jours décisifs de la fin 2013 où a été votée la loi pour l'abolition de la prostitution.

Les photographes DELPHINE VAISSET et ELODIE SUEUR-MONSENERT, du Collectif Essenci'Elles, ont suivi le MOUVEMENT DU NID et la députée MAUD OLIVIER pour FEMMES EN RÉSISTANCE.

U

ne victoire, et une victoire éclatante. L’adoption en première lecture, le 4 décembre 2013, de la proposition de loi socialiste visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel restera un morceau d’histoire en plus d’un intense moment d’émotion. Y-a-t-il eu, depuis la loi Veil sur l’IVG, d’autres combats qui aient demandé un pareil lobbying et une résistance aussi acharnée ? “Vous n’y arriverez jamais !” C’est sur cette prédiction que les députées PS Maud Olivier et Catherine Coutelle se sont jetées dans la bataille pour donner à notre pays les moyens de faire reculer la prostitution et de protéger effectivement ses victimes. Pour la première fois, une proposition de loi globale tentait de franchir un véritable Rubicon : libérer les personnes prostituées des poursuites pour faire peser la charge pénale sur les véritables auteurs de la violence prostitutionnelle, les clients, rebaptisés “prostitueurs” par les abolitionnistes pour plus de visibilité. Et, fait sans précédent, la parole interdite des “survivantes” de la prostitution allait émerger auprès des politiques et dans les médias : Rosen, Laurence allaient parler à visage découvert au nom des milliers de femmes condamnées au silence et braver courageusement la honte à laquelle la société les avait jusqu’ici toujours condamnées. Journalistes goguenards, attaques permanentes (vous êtes des mères la pudeur), le parcours était miné. C’est qu’il fallait une franche audace pour s’attaquer à un privilège masculin ancestral et au monceau d’idées reçues qui l’ont toujours protégé. À l’issue de décennies d’anti abolitionnisme déclaré, notamment dans les médias et parmi les intellectuels, de confusion politique entre liberté sexuelle et liberté du commerce, l’inatteignable a donc été atteint. Fierté, c’est le mot qui vient aux lèvres de Maud Olivier et de Catherine Coutelle qui décrivent un combat “aussi enthousiasmant qu’éprouvant”. Quant à la porteuse du texte pour le groupe PS, Ségolène Neuville, elle a vécu là “le moment le plus fort” de sa vie politique et voit dans ce vote “le signe d’un énorme changement de société que beaucoup ne mesurent pas.” Qui aurait pensé, il y a seulement cinq ans, qu’il serait

possible de passer du degré zéro de la pensée (plus vieux métier du monde, besoins irrépressibles des hommes) et des éternels sondages sur la réouverture des maisons closes à la mise en cause du “client” ? En juin 2012, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud Belkacem, qui mettait les pieds dans le plat en déclarant vouloir abolir la prostitution, suscitait encore l’embarras jusque dans les rangs de ses alliés politiques qui n’avaient pas tous bien lu la Convention Égalité Réelle adoptée en 2010 et qui prévoyait clairement la pénalisation du client. Tout sourire, Najat Vallaud Belkacem allait tenir bon, faisant œuvre de persuasion au plus haut niveau de l’État. Une lame de fond transpartis était en marche, dans la droite ligne du combat abolitionniste mené depuis la fin du 19e siècle contre cette forme d’esclavage persistant qu’est la prostitution des femmes (et soutenu en son temps par des progressistes comme Victor Hugo, Jean Jaurès, Victor Schoelcher et Émile Zola).

UN CHANGEMENT D’IMAGINAIRE Ce grand bond en avant, Maud Olivier estime qu’il relevait de la simple cohérence : “Quand on a travaillé sur l’égalité professionnelle, la parité en politique, les violences conjugales, on ne peut plus faire l’impasse sur la prostitution.” Encore fallait-il que la machine politique suive. À cet égard, la députée relève la fin des ricanements sur la place des femmes, l’arrivée des hommes qui élargit le combat à la dimension universelle et le renouvellement de génération. “Je ne connais pas un-e jeune député-e PS qui ait voté contre.” De l’avis général, c’est l’adoption du Rapport BousquetGeoffroy (PS/UMP) en avril 2011 qui a amorcé la fusée : un travail de fond mené par des députéEs de tous bords, assorti de déplacements dans les bordels espagnols de La Jonquera (où Danielle Bousquet, en tant que femme, avait dû rester à la porte), mais aussi en Suède, pays pionnier de la pénalisation des “clients”. Par chance, le sujet n’allait pas s’égarer dans N° 6 ‑ PRINTEMPS 2014 35


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Pierre-Yves Ginet, l’auteur, a accompagné des groupes de scolaires, les débats ont été exceptionnels, montrant l’universalité des valeurs portées par cette réalisation. Prochaines étapes : Arusha (Tanzanie), Kampala (Ouganda), Kigali (Rwanda), Nairobi (Kenya) et Addis-Abeba (Ethiopie).

Femmes en résistance L’EXPO

L’ALLIANCE FRANÇAISE DE DAR ES SALAM, en Tanzanie, organise en 2014 une tournée de l’exposition Femmes en résistance en Afrique de l’Est. Les deux premières étapes ont eu lieu à Dar es Salam et à l’Institut français de Bujumbura (Burundi), en février puis en mars, attirant un public particulièrement nombreux. Des portraits de Tanzaniennes et de Burundaises, aujourd’hui en résistance, ont complété ces deux présentations.


elles

ONT ÉCRIT L’HISTOIRE

EMILIE DU CHÂTELET (1706-1749) Première scientifique française, au cœur des Lumières Les livres d'histoire ne la mentionnent que comme la “maîtresse de Voltaire”. Le philosophe, lui, se disait “saisi d'admiration”, quand il parlait de cette femme libre qui a ébloui le Siècle des Lumières. Cas exceptionnel pour l'époque, l'adolescente est initiée aux arts lyriques, mais aussi aux langues et aux sciences. Plus tard, la marquise du Châtelet étudie auprès du mathématicien Maupertuis, puis analyse les travaux de Leibniz sur l’énergie cinétique. Son traité de physique restera comme le premier recueil rédigé par une femme publié par l’Académie des sciences. Et alors que la plupart ignorent tout des théories de la gravitation, elle s'intéressera aux recherches de Newton et traduira ses “Principes mathématiques de la philosophie naturelle”. Les travaux d'Émilie du Châtelet influenceront des scientifiques de toute l'Europe.


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