ICI ET AILLEURS
LE MAGAZINE DES FEMMES EN ACTION
#9
l Hiver 20 1 4
FRANCE
INDE
RENCONTRE AVEC
À NOUS AUSSI LES CAFES ET L'ESPACE PUBLIC
BHOPAL, 30 ANS DE LUTTES
GISÈLE HALIMI LE CHOIX DES FEMMES
ELLES
LE JOUR OÙ
ONT ÉCRIT L’HISTOIRE
26 novembre 1974
LES S, E M FEMRICES ACT RES DE EU OIRE J A M IST L’H
DISCOURS DE SIMONE VEIL À L’ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE Il y a quarante ans, Simone Veil monte à la tribune pour défendre son projet législatif autorisant l’avortement. Soutenue par le président Valéry Giscard d’Estaing et l’opposition parlementaire, la ministre de la Santé évoque des femmes que la loi rejette alors “dans l’opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l’anonymat et l’angoisse des poursuites”. Son texte entend mettre fin aux “300 000 avortements – clandestins – qui mutilent les femmes, (…) humilient ou traumatisent celles qui y ont recours”. Offensive, elle interroge une audience à 98 % masculine : “Parmi ceux qui combattent aujourd’hui une modification de la loi, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d’aider ces femmes dans leur détresse ?”. Après des années de luttes féministes pour l’obtention de ce droit, le débat déchaîne les passions dans la société. Dans l’hémicycle, il va déraper. Durant trois jours et deux nuits, Simone Veil subit les insultes, les invectives sexistes et, point d’orgue de l’abomination, les comparaisons entre son projet et un génocide, le nazisme et les fours crématoires. Harassée, émue, épuisée, la rescapée d’Auschwitz ne quitte pas l’arène, malgré la violence de son propre camp politique. Chaque soir, en rentrant chez elle, la ministre est victime d’attaques antisémites. Au matin du 29 novembre, 284 députés contre 189 adoptent la loi dépénalisant l’IVG. Promulguée le 17 janvier 1975, la loi Veil sera votée pour une période probatoire de cinq ans. Elle sera rendue définitive le 31 décembre 1979.
JEANNE VILLEPREUX-POWER (1794-1871) Femme de science, pionnière de la biologie marine Arrivée à Paris sans le sou, cette bergère corrézienne est remarquée par un lord anglais, alors qu’elle travaille comme brodeuse. Le couple déménage vers la Sicile, où il fréquente la société érudite. La jeune femme acquiert alors une grande culture générale et se jette dans la lecture d’ouvrages scientifiques. Elle entreprend une exploration de la Sicile et devient naturaliste, fascinée par les animaux marins. L’autodidacte crée en 1832 un laboratoire muni d’aquariums, dont elle est l’inventrice et construit des cages immergées pour l’observation en milieu naturel. Ses recherches et ses dessins font l’objet d’éloges dans toute l’Europe. La redécouverte de Jeanne Villepreux-Power, une des premières femmes de science et fondatrice de l’océanographie, est toute récente.
F — 6,90 €
ELLES
LE JOUR OÙ
ONT ÉCRIT L’HISTOIRE
26 novembre 1974
LES S, E M FEMRICES ACT RES DE EU OIRE J A M IST L’H
DISCOURS DE SIMONE VEIL À L’ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE Il y a quarante ans, Simone Veil monte à la tribune pour défendre son projet législatif autorisant l’avortement. Soutenue par le président Valéry Giscard d’Estaing et l’opposition parlementaire, la ministre de la Santé évoque des femmes que la loi rejette alors “dans l’opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l’anonymat et l’angoisse des poursuites”. Son texte entend mettre fin aux “300 000 avortements – clandestins – qui mutilent les femmes, (…) humilient ou traumatisent celles qui y ont recours”. Offensive, elle interroge une audience à 98 % masculine : “Parmi ceux qui combattent aujourd’hui une modification de la loi, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d’aider ces femmes dans leur détresse ?”. Après des années de luttes féministes pour l’obtention de ce droit, le débat déchaîne les passions dans la société. Dans l’hémicycle, il va déraper. Durant trois jours et deux nuits, Simone Veil subit les insultes, les invectives sexistes et, point d’orgue de l’abomination, les comparaisons entre son projet et un génocide, le nazisme et les fours crématoires. Harassée, émue, épuisée, la rescapée d’Auschwitz ne quitte pas l’arène, malgré la violence de son propre camp politique. Chaque soir, en rentrant chez elle, la ministre est victime d’attaques antisémites. Au matin du 29 novembre, 284 députés contre 189 adoptent la loi dépénalisant l’IVG. Promulguée le 17 janvier 1975, la loi Veil sera votée pour une période probatoire de cinq ans. Elle sera rendue définitive le 31 décembre 1979.
JEANNE VILLEPREUX-POWER (1794-1871) Femme de science, pionnière de la biologie marine Arrivée à Paris sans le sou, cette bergère corrézienne est remarquée par un lord anglais, alors qu’elle travaille comme brodeuse. Le couple déménage vers la Sicile, où il fréquente la société érudite. La jeune femme acquiert alors une grande culture générale et se jette dans la lecture d’ouvrages scientifiques. Elle entreprend une exploration de la Sicile et devient naturaliste, fascinée par les animaux marins. L’autodidacte crée en 1832 un laboratoire muni d’aquariums, dont elle est l’inventrice et construit des cages immergées pour l’observation en milieu naturel. Ses recherches et ses dessins font l’objet d’éloges dans toute l’Europe. La redécouverte de Jeanne Villepreux-Power, une des premières femmes de science et fondatrice de l’océanographie, est toute récente.
F — 6,90 €
NOUVELLES D'ICI ET AILLEURS
23
% DES FILMS ONT UNE FEMME
états-unis
COMME PERSONNAGE PRINCIPAL Extrait du rapport “Gender bias without borders”, sur la place des femmes dans le cinéma mondial, publié le 22 septembre 2014
france
CLUB DE GARÇONS
international
LES COIFFEUSES DU 57 Château d’Eau, un quartier de Paris, réputé pour ses salons de coiffure afros. Pittoresque. L’envers du décor, une véritable mafia de gérants, des centaines de sans-papiers payés 400 euros par mois pour parfois 70 heures de travail hebdomadaire, et des pouvoirs publics aveugles. Usé-e-s, dix-huit employé-e-s d’un salon situé au 57 boulevard de Strasbourg, se mettent en grève le 22 mai, avec l’appui de la CGT. Une grande majorité de femmes, trois seulement ont un titre de séjour. Pas simple de revendiquer, avec un patron qui menace d’appeler la police. Les coiffeuses tiennent bon. Un mois plus tard, elles obtiennent des contrats de travail. Mais le 8 juillet, le gérant du salon dépose le bilan et enterre la perspective d’un titre de séjour. Les travailleuses portent alors plainte pour, entre autres, “traite d’êtres humains” et “abus de vulnérabilité” et décident d’occuper leur salon. Ce qu’elles font non-stop depuis le 24 juillet, malgré les menaces d’autres gérants de Château d’Eau. Des cinéastes, des chercheurs et des universitaires prennent fait et cause pour les “coiffeuses du 57”. Le 6 novembre, enfin, une bonne nouvelle, après des mois dans leur camp retranché : elles ne seront pas expulsées et pourront poursuivre leur lutte. Un sursis sur le chemin du combat pénal. Et qui sait, vers le respect de la loi et la protection des victimes, dans le quartier.
norvège
TROIS FILLES EN OR
japon
FINI DE SE TAIRE !
Le 23 octobre, la Cour suprême du Japon a renvoyé dans les cordes des juges du tribunal d’Hiroshima qui avaient débouté une femme accusant son employeur, un centre médical, de “harcèlement pour maternité”. La plaignante, rétrogradée après une naissance, avait eu le courage de réclamer l’application de la loi, dans un pays où les discriminations liées à la grossesse sont généralisées. Cette décision de la Cour est une première dans le pays, et selon les féministes nippones, un appel d’air pour toutes les mères victimes de ces pratiques. Et elles sont nombreuses : au pays du soleil levant, plus d’une femme sur deux ne travaille plus après son premier enfant.
Les lauréats du prix Google pour la science 2014, réservé aux adolescents de treize à dix-huit ans, ont été annoncés fin septembre. La palme a été décernée à une équipe de trois génies en herbe âgés de seize ans. Les Irlandaises Ciara Judge, ÉmerHickey et Sophie Healy-Thow ont remporté le grand prix pour leurs découvertes sur la bactérie diazotrophe. Son utilisation étendue permettrait d’accroître les rendements céréaliers jusqu’à 50 %, d’agir contre la pauvreté alimentaire et de réduire l’impact de l’agriculture sur l’environnement grâce à la diminution des engrais. Elles avaient déjà remporté, ensemble, en 2013, le Concours européen des jeunes scientifiques.
Goldman Sachs à nouveau devant la justice. Mais cette fois-ci, pas question de produits financiers toxiques ou de spéculation nauséabonde. Le toutpuissant groupe bancaire est attaqué par deux anciennes salariées, qui l’accusent de discrimination sexuelle quasi systématique. L’examen des rémunérations de l’entreprise et des promotions hiérarchiques tendrait à conforter les dires des deux plaignantes. D’après leur avocat, 133 plaintes internes de discrimination liée au sexe auraient déjà été déposées. Shanna Orlich et Cristina Chen-Oster, les ex-employées à l’origine de cette initiative, décrivent l’entreprise comme “un club de garçons où l’alcool coule à flots et les femmes sont sexualisées ou ignorées.” Les deux requérantes veulent s’associer à ces autres femmes, pour que la plainte soit traitée non individuellement, mais en recours collectif (class action). Si la légitimité d’une action groupée est affirmée, le dommage sera beaucoup plus important pour les finances de Goldman Sachs.
E D S PLU TICLES S E R M A M 40 S F E S LE A N T E R U S GISS A CI ET I S R U E AILL
THÉA SE MARIE Théa a tout juste 12 ans. Elle est coquette, elle aime les gâteaux et les chevaux. Et plus tard d’ailleurs, elle rêve de devenir vétérinaire. Elle en parle sur son blog. Où elle dévoile aussi ses peurs. Parce que bientôt, le 11 octobre, elle va épouser Geir, qui a 37 ans. Elle l’a vu quelques fois, il a l’air gentil. Sa mère répète à Théa que bientôt, elle ne sera plus une enfant. La fillette dévoile sur la toile ses angoisses sur les relations sexuelles et sur sa prochaine grossesse. L’histoire de Théa a provoqué une vague d’émotion, en Norvège et bien au-delà. C’était l’effet escompté par l’association Plan, à l’origine de ce faux blog, destiné à sensibiliser aux mariages forcés des enfants : donner un aperçu de cette réalité en la transposant dans nos sociétés, pour permettre une identification immédiate… et peut-être une réaction. Selon les Nations Unies, chaque jour, près de 40 000 fillettes subissent un mariage forcé.
france QUE LA MONTAGNE EST BELLE ! Elne, un joli village des Pyrénées-Orientales, au pied des montagnes, et un lieu de mémoire : dans la maternité de la commune, étaient reçues les femmes de certains camps d’internement du midi. Une municipalité y crée un “éco-lotissement” et décide de baptiser les rues de ce quartier des noms de femmes emblématiques, Mère Teresa, Lucie Aubrac, Olympe de Gouges, Geneviève de Gaulle Anthonioz, ou encore Rosa Parks. Une belle initiative, trop rare dans ce domaine. Aux élections municipales du printemps 2014, la majorité bascule. Le nouveau maire d’Elne balaye l’idée des rues aux noms de femmes. Les rues de ce nouveau lotissement porteront finalement des noms de pics pyrénéens. Et tant pis si d’autres voies de la ville porte déjà ces noms, le maire se dit “passionné de montagne”. Inadmissible, évidemment, pour de nombreuses associations, qui montent au créneau pour dénoncer cette décision. Elne a même les honneurs de la presse nationale. Après quelques jours à montrer ses muscles, l’édile finit par annoncer que ces femmes célèbres donneraient bien leurs noms à d’autres rues, dans d’autres lotissements, prévus pour plus tard. Nul doute que les associations resteront vigilantes. Et quelle chance que le maire d’Elne n’ait pas été féru de catch ou de champignons !…
NOUVELLES D'ICI ET AILLEURS
23
% DES FILMS ONT UNE FEMME
états-unis
COMME PERSONNAGE PRINCIPAL Extrait du rapport “Gender bias without borders”, sur la place des femmes dans le cinéma mondial, publié le 22 septembre 2014
france
CLUB DE GARÇONS
international
LES COIFFEUSES DU 57 Château d’Eau, un quartier de Paris, réputé pour ses salons de coiffure afros. Pittoresque. L’envers du décor, une véritable mafia de gérants, des centaines de sans-papiers payés 400 euros par mois pour parfois 70 heures de travail hebdomadaire, et des pouvoirs publics aveugles. Usé-e-s, dix-huit employé-e-s d’un salon situé au 57 boulevard de Strasbourg, se mettent en grève le 22 mai, avec l’appui de la CGT. Une grande majorité de femmes, trois seulement ont un titre de séjour. Pas simple de revendiquer, avec un patron qui menace d’appeler la police. Les coiffeuses tiennent bon. Un mois plus tard, elles obtiennent des contrats de travail. Mais le 8 juillet, le gérant du salon dépose le bilan et enterre la perspective d’un titre de séjour. Les travailleuses portent alors plainte pour, entre autres, “traite d’êtres humains” et “abus de vulnérabilité” et décident d’occuper leur salon. Ce qu’elles font non-stop depuis le 24 juillet, malgré les menaces d’autres gérants de Château d’Eau. Des cinéastes, des chercheurs et des universitaires prennent fait et cause pour les “coiffeuses du 57”. Le 6 novembre, enfin, une bonne nouvelle, après des mois dans leur camp retranché : elles ne seront pas expulsées et pourront poursuivre leur lutte. Un sursis sur le chemin du combat pénal. Et qui sait, vers le respect de la loi et la protection des victimes, dans le quartier.
norvège
TROIS FILLES EN OR
japon
FINI DE SE TAIRE !
Le 23 octobre, la Cour suprême du Japon a renvoyé dans les cordes des juges du tribunal d’Hiroshima qui avaient débouté une femme accusant son employeur, un centre médical, de “harcèlement pour maternité”. La plaignante, rétrogradée après une naissance, avait eu le courage de réclamer l’application de la loi, dans un pays où les discriminations liées à la grossesse sont généralisées. Cette décision de la Cour est une première dans le pays, et selon les féministes nippones, un appel d’air pour toutes les mères victimes de ces pratiques. Et elles sont nombreuses : au pays du soleil levant, plus d’une femme sur deux ne travaille plus après son premier enfant.
Les lauréats du prix Google pour la science 2014, réservé aux adolescents de treize à dix-huit ans, ont été annoncés fin septembre. La palme a été décernée à une équipe de trois génies en herbe âgés de seize ans. Les Irlandaises Ciara Judge, ÉmerHickey et Sophie Healy-Thow ont remporté le grand prix pour leurs découvertes sur la bactérie diazotrophe. Son utilisation étendue permettrait d’accroître les rendements céréaliers jusqu’à 50 %, d’agir contre la pauvreté alimentaire et de réduire l’impact de l’agriculture sur l’environnement grâce à la diminution des engrais. Elles avaient déjà remporté, ensemble, en 2013, le Concours européen des jeunes scientifiques.
Goldman Sachs à nouveau devant la justice. Mais cette fois-ci, pas question de produits financiers toxiques ou de spéculation nauséabonde. Le toutpuissant groupe bancaire est attaqué par deux anciennes salariées, qui l’accusent de discrimination sexuelle quasi systématique. L’examen des rémunérations de l’entreprise et des promotions hiérarchiques tendrait à conforter les dires des deux plaignantes. D’après leur avocat, 133 plaintes internes de discrimination liée au sexe auraient déjà été déposées. Shanna Orlich et Cristina Chen-Oster, les ex-employées à l’origine de cette initiative, décrivent l’entreprise comme “un club de garçons où l’alcool coule à flots et les femmes sont sexualisées ou ignorées.” Les deux requérantes veulent s’associer à ces autres femmes, pour que la plainte soit traitée non individuellement, mais en recours collectif (class action). Si la légitimité d’une action groupée est affirmée, le dommage sera beaucoup plus important pour les finances de Goldman Sachs.
E D S PLU TICLES S E R M A M 40 S F E S LE A N T E R U S GISS A CI ET I S R U E AILL
THÉA SE MARIE Théa a tout juste 12 ans. Elle est coquette, elle aime les gâteaux et les chevaux. Et plus tard d’ailleurs, elle rêve de devenir vétérinaire. Elle en parle sur son blog. Où elle dévoile aussi ses peurs. Parce que bientôt, le 11 octobre, elle va épouser Geir, qui a 37 ans. Elle l’a vu quelques fois, il a l’air gentil. Sa mère répète à Théa que bientôt, elle ne sera plus une enfant. La fillette dévoile sur la toile ses angoisses sur les relations sexuelles et sur sa prochaine grossesse. L’histoire de Théa a provoqué une vague d’émotion, en Norvège et bien au-delà. C’était l’effet escompté par l’association Plan, à l’origine de ce faux blog, destiné à sensibiliser aux mariages forcés des enfants : donner un aperçu de cette réalité en la transposant dans nos sociétés, pour permettre une identification immédiate… et peut-être une réaction. Selon les Nations Unies, chaque jour, près de 40 000 fillettes subissent un mariage forcé.
france QUE LA MONTAGNE EST BELLE ! Elne, un joli village des Pyrénées-Orientales, au pied des montagnes, et un lieu de mémoire : dans la maternité de la commune, étaient reçues les femmes de certains camps d’internement du midi. Une municipalité y crée un “éco-lotissement” et décide de baptiser les rues de ce quartier des noms de femmes emblématiques, Mère Teresa, Lucie Aubrac, Olympe de Gouges, Geneviève de Gaulle Anthonioz, ou encore Rosa Parks. Une belle initiative, trop rare dans ce domaine. Aux élections municipales du printemps 2014, la majorité bascule. Le nouveau maire d’Elne balaye l’idée des rues aux noms de femmes. Les rues de ce nouveau lotissement porteront finalement des noms de pics pyrénéens. Et tant pis si d’autres voies de la ville porte déjà ces noms, le maire se dit “passionné de montagne”. Inadmissible, évidemment, pour de nombreuses associations, qui montent au créneau pour dénoncer cette décision. Elne a même les honneurs de la presse nationale. Après quelques jours à montrer ses muscles, l’édile finit par annoncer que ces femmes célèbres donneraient bien leurs noms à d’autres rues, dans d’autres lotissements, prévus pour plus tard. Nul doute que les associations resteront vigilantes. Et quelle chance que le maire d’Elne n’ait pas été féru de catch ou de champignons !…
REPORTAGE
INDE
BHOPAL, 30 ANS DE LUTTES Texte d’Anne-Lise Fantino
|
Photographies de Bruno Amsellem / Signatures
DES INTE REPOR RNA TAGE EXC TIONA S LUS IFS UX Rachna Dhingra organise des réunions pour mobiliser les survivant-e-s de la catastrophe en vue des manifestations du trentième anniversaire de l’accident. Ici, dans le quartier de Chola, l’un des quartiers sévèrement touchés par la contamination, la militante répond aux questions des femmes qui viendront manifester quelques jours plus tard à Bombay, et ensuite à New Delhi.
REPORTAGE
INDE
BHOPAL, 30 ANS DE LUTTES Texte d’Anne-Lise Fantino
|
Photographies de Bruno Amsellem / Signatures
DES INTE REPOR RNA TAGE EXC TIONA S LUS IFS UX Rachna Dhingra organise des réunions pour mobiliser les survivant-e-s de la catastrophe en vue des manifestations du trentième anniversaire de l’accident. Ici, dans le quartier de Chola, l’un des quartiers sévèrement touchés par la contamination, la militante répond aux questions des femmes qui viendront manifester quelques jours plus tard à Bombay, et ensuite à New Delhi.
Vidhya Bange, assistante sociale au centre de rééducation Chingari, visite Suraj, 19 ans, infirme moteur cérébral. Comme ses collègues, elle se rend sur le terrain, dans les quartiers affectés, pour effectuer des réunions d’informations auprès des familles d’enfants handicapés, mais aussi pour le suivi de certains jeunes patients, qui ne peuvent se déplacer.
À gauche : Champa Devi Shukla vivait à 500 mètres de l’usine au moment de la catastrophe. Elle a perdu son mari et ses deux fils. Elle s’est battue pour le reclassement des ouvrières, après la fermeture des ateliers de réinsertion, et pour l’égalité salariale dans les ateliers de fournitures de l’administration. À droite : Racheeda Bee s’est engagée “pour redonner le sourire à toutes ces femmes qui avaient perdu un proche dans la catastrophe”. Elle a voulu créer le centre de rééducation Chingari “pour donner une vie normale aux enfants handicapés”.
s’indigne la mère de famille, les traits creusés par la maladie. Pour que ses filles ne se retrouvent pas sans domicile à son décès, elle a divisé à parts égales son habitat entre ses enfants, avec l’aide d’un avocat. “On devrait avoir une compensation juste pour pouvoir payer nos frais médicaux. À l’hôpital, si on ne peut pas d’argent, on ne nous laisse même pas JE SUIS EN COLÈRE CONTRE UNION CARBIDE avancer attendre dans le couloir. Je suis en colère contre ET LE GOUVERNEMENT, ON SOUFFRE TOUJOURS Union Carbide et le gouvernement, on souffre toujours à cause d’eux. Je n’ai plus la force de À CAUSE D’EUX. JE N’AI PLUS LA FORCE me rendre aux manifestations, mais avant j’y allais, même à Calcutta.”
Le mari de sa cadette, Shamshad Bi, a décidé de mettre un terme à leur union, las d’attendre une grossesse qui n’arrivait pas. Leur mère, Kaneeza, tire les seules ressources du foyer
“
DE ME RENDRE AUX MANIFESTATIONS,
Parmi ces militantes qui sillonnent le pays en quête de justice, Champa Devi Shukla et Rasheeda Bee, deux survivantes de la catastrophe qui se sont vu décerner en 2004 le Goldman Prize, l’équivalent du prix Nobel de l’environnement. Devenues des symboles internationaux de la lutte contre les inégalités, ces ouvrières indiennes ont créé il y a une dizaine d’années le centre de rééducation Chingari. Tous les matins, des parents défilent sous le préau pour rejoindre le bâtiment. Dans l’allée, les cheveux blancs tirés sous un dupatta, le voile traditionnel qui tombe sur le sari, Champa Devi Shukla
MAIS AVANT J’Y ALLAIS, MÊME À CALCUTTA
de la location d’une partie de sa maison. Elle sait que ses jours sont comptés, en raison du cancer du poumon qui la ronge. Après avoir perdu son mari et un nouveau-né quelques mois après “la catastrophe”, elle tente aujourd’hui de préserver un toit pour ses fi lles. Leur frère ne l’entend pas de cett e oreille. “Il nous a menacées avec un couteau pour récupérer toute la maison”,
”
Vidhya Bange, assistante sociale au centre de rééducation Chingari, visite Suraj, 19 ans, infirme moteur cérébral. Comme ses collègues, elle se rend sur le terrain, dans les quartiers affectés, pour effectuer des réunions d’informations auprès des familles d’enfants handicapés, mais aussi pour le suivi de certains jeunes patients, qui ne peuvent se déplacer.
À gauche : Champa Devi Shukla vivait à 500 mètres de l’usine au moment de la catastrophe. Elle a perdu son mari et ses deux fils. Elle s’est battue pour le reclassement des ouvrières, après la fermeture des ateliers de réinsertion, et pour l’égalité salariale dans les ateliers de fournitures de l’administration. À droite : Racheeda Bee s’est engagée “pour redonner le sourire à toutes ces femmes qui avaient perdu un proche dans la catastrophe”. Elle a voulu créer le centre de rééducation Chingari “pour donner une vie normale aux enfants handicapés”.
s’indigne la mère de famille, les traits creusés par la maladie. Pour que ses filles ne se retrouvent pas sans domicile à son décès, elle a divisé à parts égales son habitat entre ses enfants, avec l’aide d’un avocat. “On devrait avoir une compensation juste pour pouvoir payer nos frais médicaux. À l’hôpital, si on ne peut pas d’argent, on ne nous laisse même pas JE SUIS EN COLÈRE CONTRE UNION CARBIDE avancer attendre dans le couloir. Je suis en colère contre ET LE GOUVERNEMENT, ON SOUFFRE TOUJOURS Union Carbide et le gouvernement, on souffre toujours à cause d’eux. Je n’ai plus la force de À CAUSE D’EUX. JE N’AI PLUS LA FORCE me rendre aux manifestations, mais avant j’y allais, même à Calcutta.”
Le mari de sa cadette, Shamshad Bi, a décidé de mettre un terme à leur union, las d’attendre une grossesse qui n’arrivait pas. Leur mère, Kaneeza, tire les seules ressources du foyer
“
DE ME RENDRE AUX MANIFESTATIONS,
Parmi ces militantes qui sillonnent le pays en quête de justice, Champa Devi Shukla et Rasheeda Bee, deux survivantes de la catastrophe qui se sont vu décerner en 2004 le Goldman Prize, l’équivalent du prix Nobel de l’environnement. Devenues des symboles internationaux de la lutte contre les inégalités, ces ouvrières indiennes ont créé il y a une dizaine d’années le centre de rééducation Chingari. Tous les matins, des parents défilent sous le préau pour rejoindre le bâtiment. Dans l’allée, les cheveux blancs tirés sous un dupatta, le voile traditionnel qui tombe sur le sari, Champa Devi Shukla
MAIS AVANT J’Y ALLAIS, MÊME À CALCUTTA
de la location d’une partie de sa maison. Elle sait que ses jours sont comptés, en raison du cancer du poumon qui la ronge. Après avoir perdu son mari et un nouveau-né quelques mois après “la catastrophe”, elle tente aujourd’hui de préserver un toit pour ses fi lles. Leur frère ne l’entend pas de cett e oreille. “Il nous a menacées avec un couteau pour récupérer toute la maison”,
”
GISÈLE HALIMI LE CHOIX DES FEMMES L’avocate des procès de Bobigny et d’Aix-en-Provence, si essentielle pour la cause des femmes dans notre pays et au-delà, ne cesse d’appeler à la vigilance et à la réalisation d’un monde d’égalité.
Réalisé en partenariat avec la FIDH, mouvement mondial de défense des droits humains
Le pays a commémoré les quarante ans de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Vous êtes pour beaucoup la personnalité principale de cette lutte de longue haleine, qui mena à la loi de janvier 1975. Quarante ans après, quel souvenir gardez-vous du vote à l’Assemblée nationale ? J’étais dans une tribune à l’Assemblée. La droite hurlait sa haine. Un député avait assimilé Simone Veil aux nazis qui avaient massacré des milliers d’enfants. Simone, qui avait été déportée à 16 ans, essayait de tenir, au banc des ministres. À la tribune, un médecin de droite exhibait un bocal où flottait un fœtus. L’horreur. Heureusement, la gauche – minoritaire – a fait basculer le vote. La loi autorisant l’IVG a été votée. Des milliers de femmes allaient échapper à la mutilation et même à la mort. C’était très poignant. Avec le recul, quel est le moment-clé où l’histoire a basculé ? Est-ce vraiment le procès de Bobigny ? Ce n’est pas à moi de dire que le procès de Bobigny a été décisif dans ce combat pour l’abrogation de la loi de 1920, qui avait conduit – pendant l’occupation – à l’exécution d’une femme, condamnée pour avoir procédé à des avortements. Mais si l’affaire de Bobigny a été un déclencheur de ce combat, cela tient à ce qu’elle répondait à l’attente de centaines de milliers de femmes et à la notoriété des témoins. Prix Nobel, grands intellectuels, artistes célèbres, etc. Et si vous ne deviez garder qu’une image de ces années, quelle serait-elle ? Parmi ces témoins, le Professeur Millez. Un éminent médecin, membre de l’Institut et, surtout, catholique fervent qui était un adversaire déterminé de l’avortement, mais qui est venu dire au tribunal que, devant la détresse, le malheur et souvent la mort de femmes avortées clandestinement, il ne pouvait plus s’opposer à l’IVG. Le courage et le déchirement de cette sommité m’ont bouleversée et son évocation m’émeut toujours.
UN E N TR AVE ETIEN C UN EMB FEMME E LÉM ATIQ UE
GISÈLE HALIMI LE CHOIX DES FEMMES L’avocate des procès de Bobigny et d’Aix-en-Provence, si essentielle pour la cause des femmes dans notre pays et au-delà, ne cesse d’appeler à la vigilance et à la réalisation d’un monde d’égalité.
Réalisé en partenariat avec la FIDH, mouvement mondial de défense des droits humains
Le pays a commémoré les quarante ans de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Vous êtes pour beaucoup la personnalité principale de cette lutte de longue haleine, qui mena à la loi de janvier 1975. Quarante ans après, quel souvenir gardez-vous du vote à l’Assemblée nationale ? J’étais dans une tribune à l’Assemblée. La droite hurlait sa haine. Un député avait assimilé Simone Veil aux nazis qui avaient massacré des milliers d’enfants. Simone, qui avait été déportée à 16 ans, essayait de tenir, au banc des ministres. À la tribune, un médecin de droite exhibait un bocal où flottait un fœtus. L’horreur. Heureusement, la gauche – minoritaire – a fait basculer le vote. La loi autorisant l’IVG a été votée. Des milliers de femmes allaient échapper à la mutilation et même à la mort. C’était très poignant. Avec le recul, quel est le moment-clé où l’histoire a basculé ? Est-ce vraiment le procès de Bobigny ? Ce n’est pas à moi de dire que le procès de Bobigny a été décisif dans ce combat pour l’abrogation de la loi de 1920, qui avait conduit – pendant l’occupation – à l’exécution d’une femme, condamnée pour avoir procédé à des avortements. Mais si l’affaire de Bobigny a été un déclencheur de ce combat, cela tient à ce qu’elle répondait à l’attente de centaines de milliers de femmes et à la notoriété des témoins. Prix Nobel, grands intellectuels, artistes célèbres, etc. Et si vous ne deviez garder qu’une image de ces années, quelle serait-elle ? Parmi ces témoins, le Professeur Millez. Un éminent médecin, membre de l’Institut et, surtout, catholique fervent qui était un adversaire déterminé de l’avortement, mais qui est venu dire au tribunal que, devant la détresse, le malheur et souvent la mort de femmes avortées clandestinement, il ne pouvait plus s’opposer à l’IVG. Le courage et le déchirement de cette sommité m’ont bouleversée et son évocation m’émeut toujours.
UN E N TR AVE ETIEN C UN EMB FEMME E LÉM ATIQ UE
ES T L S TOU RS SON IE ES T É M MIXT
CHRYSTELLE GEOFFRAY
OPÉRATRICEDE CIRCULATION FERROVIAIRE
LA SÉCURITÉ ET LA FLUIDITÉ COMME LEITMOTIV
PERSPECTIVES “Les personnes qui occupent cette fonction acquièrent une base importante et très valorisée au sein de l’entreprise. Leurs perspectives d’évolution sont nombreuses au sein de la SNCF. Le métier d’opérateur de circulation ferroviaire évolue et il y aura toujours un besoin. Cette profession est méconnue du grand public et particulièrement des femmes, alors que ce métier s’adresse aussi à elles.” Isabelle Decosse SNCF — Direction régionale Rhône-Alpes
oussée à contrecœur vers un baccalauréat sciences et techniques médico-sociales, l’adolescente aspirait à devenir maçonne. Le diplôme en poche, Chrystelle Geoffray refuse un contrat et rejoint les Compagnons du devoir, en maçonnerie. “J’ai entendu je ne sais combien de clichés… Tu n’y arriveras pas, tu ne peux pas porter des charges lourdes…” Seule fille de sa classe, elle s’épanouit et fait l’unanimité. Mais un accident viendra tout remettre en question : deux élèves ne respectent pas les consignes de sécurité, un mur s’écroule sur elle, une de ses jambes est touchée. Les opérations se succèdent, un an et demi pour recouvrer l’essentiel de ses moyens, mais la jeune femme est finalement reconnue travailleuse handicapée. Retour contraint vers le secrétariat médical.
P
“Je voulais un job à responsabilités, avec du terrain, mais pas trop compte tenu de ma jambe, et avec des perspectives d’évolution. Un ami d’enfance qui travaillait à la SNCF m’a fait découvrir l’entreprise.” Elle se lance et valide les tests de recrutement. “Je pars trois mois en formation intensive. Il y a un tronc commun, aiguilleur, agent de circulation, agent de sécurité électrique, puis on se spécialise et à l’issue de
tout ça, une ultime formation à la vente et on nous affecte dans une gare. J’ai débuté en décembre 2012 et depuis avril, je suis en poste dans une gare”, ayant la spécificité de gérer une voie ferroviaire unique. Dans son métier, “la sécurité prime sur tout : sécurité des trains et donc des voyageurs, des agents qui travaillent sur la voie, du public.” Une responsabilité et une autonomie très encadrées dans lesquelles elle se complait. En cas d’incident, “c’est à moi de prendre les mesures pour qu’il n’y ait aucun autre train qui arrive, de mobiliser les différents intervenants, de prévenir le centre, leur donner le retard pour leur permettre de gérer tous les croisements et correspondances. Je déclenche tout et c’est la partie la plus importante de mon travail, non en temps passé, mais en priorité.” Ces impondérables, la jeune femme les apprécie. “Il peut arriver quelque chose à n’importe quel moment. Un coup de fil et l’adrénaline part, c’est à moi de jouer. J’ai des consignes à suivre et je n’ai pas le droit à l’erreur.” Le métier englobe de nombreuses autres responsabilités : “la sécurité en gare, la gestion clientèle, l’information, la vente des billets, le départ des trains, la signalisation, l’aiguillage…” Tout en fait. À vingt-cinq ans, Chrystelle Geoff ray est seule dans sa petite gare, le temps de sa mission. Son léger handicap ne la bloque pas, mais à terme, la jeune femme rêve de devenir professeure pour les nouveaux agents. L’opératrice a plusieurs collègues femmes dans son périmètre géographique. “Mais il est vrai qu’on travaille essentiellement avec des hommes… Sur notre ligne, je n’ai jamais ressenti de lourdeurs, il y a une entraide énorme entre nous et aucune distinction hommes-femmes. Nous sommes dans le même bateau et nous faisons tout ensemble pour que cela marche.”
FORMATION
— BAC, de préférence dans les filières générales ou technologiques. Ouvert aux autres sections. — La formation de base est ensuite dispensée dans un centre de
ES T L S TOU RS SON IE ES T É M MIXT
CHRYSTELLE GEOFFRAY
OPÉRATRICEDE CIRCULATION FERROVIAIRE
LA SÉCURITÉ ET LA FLUIDITÉ COMME LEITMOTIV
PERSPECTIVES “Les personnes qui occupent cette fonction acquièrent une base importante et très valorisée au sein de l’entreprise. Leurs perspectives d’évolution sont nombreuses au sein de la SNCF. Le métier d’opérateur de circulation ferroviaire évolue et il y aura toujours un besoin. Cette profession est méconnue du grand public et particulièrement des femmes, alors que ce métier s’adresse aussi à elles.” Isabelle Decosse SNCF — Direction régionale Rhône-Alpes
oussée à contrecœur vers un baccalauréat sciences et techniques médico-sociales, l’adolescente aspirait à devenir maçonne. Le diplôme en poche, Chrystelle Geoffray refuse un contrat et rejoint les Compagnons du devoir, en maçonnerie. “J’ai entendu je ne sais combien de clichés… Tu n’y arriveras pas, tu ne peux pas porter des charges lourdes…” Seule fille de sa classe, elle s’épanouit et fait l’unanimité. Mais un accident viendra tout remettre en question : deux élèves ne respectent pas les consignes de sécurité, un mur s’écroule sur elle, une de ses jambes est touchée. Les opérations se succèdent, un an et demi pour recouvrer l’essentiel de ses moyens, mais la jeune femme est finalement reconnue travailleuse handicapée. Retour contraint vers le secrétariat médical.
P
“Je voulais un job à responsabilités, avec du terrain, mais pas trop compte tenu de ma jambe, et avec des perspectives d’évolution. Un ami d’enfance qui travaillait à la SNCF m’a fait découvrir l’entreprise.” Elle se lance et valide les tests de recrutement. “Je pars trois mois en formation intensive. Il y a un tronc commun, aiguilleur, agent de circulation, agent de sécurité électrique, puis on se spécialise et à l’issue de
tout ça, une ultime formation à la vente et on nous affecte dans une gare. J’ai débuté en décembre 2012 et depuis avril, je suis en poste dans une gare”, ayant la spécificité de gérer une voie ferroviaire unique. Dans son métier, “la sécurité prime sur tout : sécurité des trains et donc des voyageurs, des agents qui travaillent sur la voie, du public.” Une responsabilité et une autonomie très encadrées dans lesquelles elle se complait. En cas d’incident, “c’est à moi de prendre les mesures pour qu’il n’y ait aucun autre train qui arrive, de mobiliser les différents intervenants, de prévenir le centre, leur donner le retard pour leur permettre de gérer tous les croisements et correspondances. Je déclenche tout et c’est la partie la plus importante de mon travail, non en temps passé, mais en priorité.” Ces impondérables, la jeune femme les apprécie. “Il peut arriver quelque chose à n’importe quel moment. Un coup de fil et l’adrénaline part, c’est à moi de jouer. J’ai des consignes à suivre et je n’ai pas le droit à l’erreur.” Le métier englobe de nombreuses autres responsabilités : “la sécurité en gare, la gestion clientèle, l’information, la vente des billets, le départ des trains, la signalisation, l’aiguillage…” Tout en fait. À vingt-cinq ans, Chrystelle Geoff ray est seule dans sa petite gare, le temps de sa mission. Son léger handicap ne la bloque pas, mais à terme, la jeune femme rêve de devenir professeure pour les nouveaux agents. L’opératrice a plusieurs collègues femmes dans son périmètre géographique. “Mais il est vrai qu’on travaille essentiellement avec des hommes… Sur notre ligne, je n’ai jamais ressenti de lourdeurs, il y a une entraide énorme entre nous et aucune distinction hommes-femmes. Nous sommes dans le même bateau et nous faisons tout ensemble pour que cela marche.”
FORMATION
— BAC, de préférence dans les filières générales ou technologiques. Ouvert aux autres sections. — La formation de base est ensuite dispensée dans un centre de
ENTREPRENEURES Par Anne Joly
SERVIR N’EST PAS SUBIR
Blandine Peillon aime (re)mettre les choses à leur place. Dans tous les sens du terme. Et si elle ne veut plus qu’on dise “femme de ménage”, c’est parce qu’elle s’emploie à récurer l’image d’une profession qui n’est pas considérée comme elle le devrait. Jours de printemps, sa société, créée il y a six ans, véhicule une image nouvelle de l’employée de maison, formée aux techniques du nettoyage eco-friendly, équipée en conséquence, joignable sur son portable de société et circulant en Smart. “C’est un métier de lien, martèle la dirigeante. Un métier ’au service de’…” Et c’est là que ça coince. “Nous avons un problème culturel”, estime Blandine Peillon, désolée de voir des chômeuses refuser de franchir le pas alors que “le vivier d’emplois est énorme” et que Jour de printemps, qui a créé plus de trente postes à temps plein, manque de bras… Pour continuer à développer sa société, elle a développé une activité de conciergerie pour les entreprises. Et concocte une nouvelle offre. “Nous voulons créer un service de coordonnatrices familiales pour répondre aux besoins des familles recomposées”, explique-t-elle. Pour valoriser ces métiers de service à la personne, elle organise des Trophées, chaque année avec des confrères. Aux premiers jours du printemps.
L’INFORMATIQUE AU FÉMININ Jacqueline Lambert a créé Philae en 2003 pour concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Et aussi pour exprimer sa propre vision de l’informatique, en “développant des systèmes limpides adaptés à l’humain”. Au sein de son entreprise de dix personnes, elle a vite senti qu’elle ne pouvait se contenter de la seule performance économique court-termiste et compris qu’il lui fallait inventer de nouveaux leviers de motivation pour conserver ses précieux collaborateurs. Elle a révisé sa stratégie pour mobiliser ses troupes sur un projet à haute valeur ajoutée intellectuelle. “Je leur donne la possibilité de s’investir et de se réaliser”, explique celle qui annonce fièrement que, grâce à l’implication de tous, Philae vient de développer un ERP (progiciel de gestion intégré) sur mesure pour l’éditeur vedette du e-commerce en Europe. Un projet qui ouvre de nouvelles perspectives, avec la création d’une nouvelle entité : IllicoPresta. En parallèle, Jacqueline Lambert est aussi une femme d’engagement. D’abord au CJD, elle se dépense désormais sans compter pour la Fondation Agir contre l’exclusion 13 (FACE), considérant qu’“une entreprise ne peut aller bien loin si son territoire ne va pas bien.” Avec une pointe d’inquiétude pour son secteur d’activité. “Dans mon école d’ingénieur, nous étions 10 % de filles. Aujourd’hui, elles ne sont plus que 4 %.”
ER T G A UR NARIA O C EN EPRE R IN T N N I E L' FÉM
SABOOJ DANS LA COM’ De la banque à l’entreprise adaptée, il semble y avoir un gouffre que MarieHélène Delaux a pourtant franchi avec grâce. En créant l’entreprise qu’elle n’avait pas réussi à trouver : une agence de communication agréée “entreprise adaptée”. En fondant Sabooj après plus de vingt ans passés au Crédit lyonnais/ Groupe Crédit agricole, cette diplômée d’une école de commerce répond à son envie profonde de booster sa motivation professionnelle. Avec la bénédiction de son employeur qui sera son premier client. Aujourd’hui, avec neuf personnes, Sabooj a fait la preuve que l’on peut être sourd et très bon communicant. “Quand j’ai voulu procéder à mes premières embauches de personnes handicapées, 97 % des CV reçus émanaient de personnes sourdes qui ont beaucoup de mal à trouver du travail en agence, raconte la dirigeante. Or celles-ci dépensent tellement d’énergie à comprendre et se faire comprendre des entendants qu’elles essaient toujours de passer le message essentiel. Ce sont des communicantes-nées.” L’agence se développe vite. À tel point qu’elle vient de boucler une levée de fonds censée lui permettre de quadrupler ses effectifs pour répondre à sa clientèle d’entreprises. “Elles travaillent avec Sabooj pour pallier leur difficulté à recruter des personnes handicapées”, explique Marie-Hélène Delaux, désormais en quête de nouveaux profils. Quel que soit le handicap, puisque c’est sur les compétences qu’elle fonde ses choix. “Ensuite, je m’adapte”, dit-elle.
ENTREPRENEURES Par Anne Joly
SERVIR N’EST PAS SUBIR
Blandine Peillon aime (re)mettre les choses à leur place. Dans tous les sens du terme. Et si elle ne veut plus qu’on dise “femme de ménage”, c’est parce qu’elle s’emploie à récurer l’image d’une profession qui n’est pas considérée comme elle le devrait. Jours de printemps, sa société, créée il y a six ans, véhicule une image nouvelle de l’employée de maison, formée aux techniques du nettoyage eco-friendly, équipée en conséquence, joignable sur son portable de société et circulant en Smart. “C’est un métier de lien, martèle la dirigeante. Un métier ’au service de’…” Et c’est là que ça coince. “Nous avons un problème culturel”, estime Blandine Peillon, désolée de voir des chômeuses refuser de franchir le pas alors que “le vivier d’emplois est énorme” et que Jour de printemps, qui a créé plus de trente postes à temps plein, manque de bras… Pour continuer à développer sa société, elle a développé une activité de conciergerie pour les entreprises. Et concocte une nouvelle offre. “Nous voulons créer un service de coordonnatrices familiales pour répondre aux besoins des familles recomposées”, explique-t-elle. Pour valoriser ces métiers de service à la personne, elle organise des Trophées, chaque année avec des confrères. Aux premiers jours du printemps.
L’INFORMATIQUE AU FÉMININ Jacqueline Lambert a créé Philae en 2003 pour concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Et aussi pour exprimer sa propre vision de l’informatique, en “développant des systèmes limpides adaptés à l’humain”. Au sein de son entreprise de dix personnes, elle a vite senti qu’elle ne pouvait se contenter de la seule performance économique court-termiste et compris qu’il lui fallait inventer de nouveaux leviers de motivation pour conserver ses précieux collaborateurs. Elle a révisé sa stratégie pour mobiliser ses troupes sur un projet à haute valeur ajoutée intellectuelle. “Je leur donne la possibilité de s’investir et de se réaliser”, explique celle qui annonce fièrement que, grâce à l’implication de tous, Philae vient de développer un ERP (progiciel de gestion intégré) sur mesure pour l’éditeur vedette du e-commerce en Europe. Un projet qui ouvre de nouvelles perspectives, avec la création d’une nouvelle entité : IllicoPresta. En parallèle, Jacqueline Lambert est aussi une femme d’engagement. D’abord au CJD, elle se dépense désormais sans compter pour la Fondation Agir contre l’exclusion 13 (FACE), considérant qu’“une entreprise ne peut aller bien loin si son territoire ne va pas bien.” Avec une pointe d’inquiétude pour son secteur d’activité. “Dans mon école d’ingénieur, nous étions 10 % de filles. Aujourd’hui, elles ne sont plus que 4 %.”
ER T G A UR NARIA O C EN EPRE R IN T N N I E L' FÉM
SABOOJ DANS LA COM’ De la banque à l’entreprise adaptée, il semble y avoir un gouffre que MarieHélène Delaux a pourtant franchi avec grâce. En créant l’entreprise qu’elle n’avait pas réussi à trouver : une agence de communication agréée “entreprise adaptée”. En fondant Sabooj après plus de vingt ans passés au Crédit lyonnais/ Groupe Crédit agricole, cette diplômée d’une école de commerce répond à son envie profonde de booster sa motivation professionnelle. Avec la bénédiction de son employeur qui sera son premier client. Aujourd’hui, avec neuf personnes, Sabooj a fait la preuve que l’on peut être sourd et très bon communicant. “Quand j’ai voulu procéder à mes premières embauches de personnes handicapées, 97 % des CV reçus émanaient de personnes sourdes qui ont beaucoup de mal à trouver du travail en agence, raconte la dirigeante. Or celles-ci dépensent tellement d’énergie à comprendre et se faire comprendre des entendants qu’elles essaient toujours de passer le message essentiel. Ce sont des communicantes-nées.” L’agence se développe vite. À tel point qu’elle vient de boucler une levée de fonds censée lui permettre de quadrupler ses effectifs pour répondre à sa clientèle d’entreprises. “Elles travaillent avec Sabooj pour pallier leur difficulté à recruter des personnes handicapées”, explique Marie-Hélène Delaux, désormais en quête de nouveaux profils. Quel que soit le handicap, puisque c’est sur les compétences qu’elle fonde ses choix. “Ensuite, je m’adapte”, dit-elle.
REPORTAGE
REP DES O FR A RTAGES EXCLNÇAIS USIF S
FRANCE
'
A NOUS AUSSI LES CAFES ET L' ESPACE PUBLIC
'
COLLECTIF PLACE AUX FEMMES
Texte de Lynda Zerouk | Photos de Dragan Lekić / Libre arbitre
Pour la première fois depuis sa création, le collectif investit au mois d’octobre le café l’Expo, à Aubervilliers. Surpris de voir tant de femmes dans son établissement, le barman leur a gentiment proposé de s’installer dans l’arrière-salle. Invitation qu’elles ont aussitôt refusée, le but de leur action étant d’être visibles.
REPORTAGE
REP DES O FR A RTAGES EXCLNÇAIS USIF S
FRANCE
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A NOUS AUSSI LES CAFES ET L' ESPACE PUBLIC
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COLLECTIF PLACE AUX FEMMES
Texte de Lynda Zerouk | Photos de Dragan Lekić / Libre arbitre
Pour la première fois depuis sa création, le collectif investit au mois d’octobre le café l’Expo, à Aubervilliers. Surpris de voir tant de femmes dans son établissement, le barman leur a gentiment proposé de s’installer dans l’arrière-salle. Invitation qu’elles ont aussitôt refusée, le but de leur action étant d’être visibles.
PORTRAIT
FATIMA FORNIÈS
DAME DE CŒUR Catalane de toujours, elle aide les démunis de toutes origines du quartier gitan. Malgré le drame. Texte et photos : Pierre-Yves Ginet
C
hargée de relations publiques au Conseil général des Pyrénées-Orientales, cette native de Prades a toujours vécu en Catalogne. Aînée d’une fratrie de six enfants, Fatima Forniès est fille d’Algériens. Son père, mineur, combattant de la Seconde Guerre mondiale, est arrivé en France bien avant l’indépendance de l’Algérie. Fière de sa double, voire triple culture – française, catalane et algérienne, elle est très tôt confrontée au racisme. “Quand j’ai eu six ans, sont arrivés de nombreux ouvriers algériens. On les traitait de melons.” Un souvenir fondateur pour la fillette. “Mon père ne savait ni lire ni écrire. Il signait d’une croix. Au CP, il faisait des lignes avec moi pour écrire son nom. Il en était fier.” Dès huit ans, la petite Fatima remplit les documents administratifs de la maison. Son père l’emmène aussi pour aider les ouvriers algériens avec leurs papiers. Certains, elle les voit place Cassagne, le cœur multiculturel de Perpignan, où se côtoient “depuis toujours” les Catalans, les Gitans et les Maghrébins. “J’y venais avec mon père, tous les dimanches. Au marché, on faisait le plein d’oranges, d’épices, de couscous… On voyait du monde, avant d’aller voir le match de rugby à XIII. J’aimais cette vie, cette place.”
DES ITS R A ES T R PO ONNU S C D'IN IR ABLE ADM
L’école primaire, le collège et le lycée à Prades. Puis un fiancé, qui deviendra son mari, avec qui elle souhaite vivre. Sa famille s’y oppose. “Ma mère ne voulait pas que je sois avec un Français. Alors je suis partie.” Direction Salses-le-Château, au nord des Pyrénées-Orientales. Un mariage à vingt ans, la naissance