5 minute read

L’INTERVIEW DU MOIS

Next Article
RECETTE

RECETTE

Cecilia Acevedo

ENTRE ART ET LITTÉRATURE

Argentine, ayant grandi à Buenos Aires, Cecilia Acevedo se passionne tôt pour les questions sociales et culturelles. À Paris, puis à Barcelone et Luxembourg, elle fait connaître la scène artistique de son pays. Cecilia, qui vit aujourd’hui au pays des trois frontières, toujours investie dans des projets d’écriture et de défense des artistes, est désormais bénévole pour la Croix-Rouge luxembourgeoise. Début février, elle se raconte autour d’un café. En toute convivialité.

TEXTE : KARINE SITARZ

Cecilia Acevedo

Pouvez-vous nous esquisser en quelques traits votre enfance?

Je suis fille unique et j’ai grandi dans une famille très aimante. Ma mère d’origine italienne mais dont une partie de la famille était française m’a fait découvrir la culture française. Mon père, qui restaurait des bateaux et naviguait souvent très loin, était peu présent, mais mes parents m’ont ouverte à la musique, au théâtre, au cinéma et il y avait des livres partout à la maison.

C’est ce qui a décidé de votre parcours artistique ?

J’adorais dessiner et j’ai fait les BeauxArts où je me suis spécialisée en gravure. À 18 ans, pour payer mes études, j’ai réorganisé une bibliothèque municipale dans mon village, au nord de la périphérie de Buenos Aires, sur le fleuve Rio de la Plata, là où Victoria Ocampo avait sa villa. Une vraie caverne où tout était à l’abandon ! Plus tard, j’ai suivi une formation d’auxiliaire bibliothécaire et me suis occupée de bibliothèques scolaires afin que les enfants du primaire rencontrent des auteurs et « fabriquent » des livres. Cela ne se faisait pas à l’époque. Avec les militaires au pouvoir, il fallait jongler ! Cette mission était importante pour moi et toute une génération d’élèves a choisi de passer la récré à la bibliothèque ! Mais mon cœur a toujours balancé entre littérature et art et après un cursus à l’École des conservateurs de

musées, j’ai participé à un travail sur une collection d’œuvres des Indiens Guaranis.

Qu’est-ce qui vous a menée en Europe? Qu’est-ce qui vous a incitée à y rester?

Une bourse obtenue pour étudier à la Sorbonne et à l’École du Louvre. Je suis arrivée en France en 1983, avec mon mari et c’est là qu’est née ma fille, Laetitia, ma petite Parisienne. Pour moi c’était clair je voulais vivre en Europe. J’ai travaillé à la Cité des Sciences à La Villette et pour le Musée de l’Île de France, au château de Sceaux, où j’ai collaboré en 1992 au projet européen « L’Europe des fleuves ».

Mais l’aventure s’est prolongée en Espagne…

Fin 1992, nous sommes en effet partis à Barcelone où mon mari a été muté et où, plus tard, j’ai fait venir ma mère après le décès de mon père. Nous y sommes restés 15 ans. J’organisais des visites de musées pour des groupes français et j’ai initié une association de gestion culturelle. Mais j’ai aussi contribué à des projets pédagogiques, travaillé avec des jeunes en difficulté, participé à la création d’un parcours muséal pour des enfants aveugles ou malvoyants et pris part à un projet européen pour des enfants malades en milieu hospitalier. C’est à Barcelone que j’ai rencontré mon second mari, un ingénieur français qui travaillait à Echternach.

D’où votre arrivée au Luxembourg où les projets se sont poursuivis?

Oui, au Luxembourg, j’ai toujours exposé des artistes argentins. J’ai participé au marché des créateurs au Mudam et à la première Luxembourg Art Week. De l’autre côté de la frontière, j’ai été commissaire pour la Foire d’Art de Metz où en 2010 un Pavillon d’honneur a été consacré à l’Argentine à l’occasion du Bicentenaire des Indépendances d’Amérique latine. Mais j’ai aussi travaillé sur des projets socio-culturels, en 2007 avec le CAPEL, récemment avec la Croix-Rouge pour un grand projet photo sur la vieillesse. Ce travail a abouti à un livre pour enfants, une expo nomade, des ateliers et des rencontres entre les enfants et les personnes âgées. C’est une psychologue d’Omega 90 qui m’avait introduite auprès de la Croix-Rouge. Après avoir accompagné ma mère puis ma belle-mère en fin de vie, j’ai mené une réflexion sur la solitude dans la vieillesse et je voulais m’engager. J’ai suivi la formation du programme Iris et cela fait 7 ans que je suis bénévole.

Quels liens gardez-vous avec votre pays natal ?

Un lien fort. En Argentine, j’ai mes cousins dont je suis très proche et beaucoup d’amis. J’y retourne régulièrement, sauf ces dernières années en raison de la pandémie, mais je ne pourrais plus y vivre, on y passe d’une crise à une autre. Et puis ma fille et mes deux petits-enfants habitent à Barcelone. Ici, je suis très impliquée comme bénévole au stand argentin du Bazar International. Enfin, l’Argentine c’est aussi pour moi ses grands artistes comme la performeuse Marta Minujín, l’immense figure de l’art cinétique Julio Le Parc, le sculpteur Pablo Reinoso ou les artistes sur textile Chiachio & Giannone.

Me pencher sur des projets d’écriture qui ont une sensibilité sociale et qui n’oublient pas l’art

Quels sont vos projets actuels ?

Je suis à la retraite (rires) mais j’ai en ce moment plusieurs projets en lien avec l’écriture. J’ai traduit en français París, Paris, recueil du poète franco-argentin Esteban Charpentier, illustré par une de mes artistes, Paula Noé Murphy, la fille du grand peintre Luis Felipe Noé. Il sera présenté avec le Printemps des Poètes-Luxembourg le 24 mars à Neimënster après avoir été lancé en France. J’ai aussi participé à l’écriture d’un livre sur les exilés avec l’Ambassade d’Argentine à Paris, à découvrir aussi le 24 mars, triste jour anniversaire du coup d’État de 1976. ●

UNE FEMME INSPIRANTE : Simone de Beauvoir, femme libre qui m’a tant marquée que le jour où je suis arrivée à Paris, j’ai pensé à elle et à ses lieux pour trouver mes repères.

Questions à la volée

UN COUP DE CŒUR LITTÉRAIRE :

Marcel Proust qui offre une double lecture et dont la langue est tellement riche, c’est une musique, une danse.

UNE MUSIQUE :

Erik Satie pour se promener dans une ville en prenant le temps d’observer et John Coltrane pour la sensualité au plus haut degré.

This article is from: