SPORT
LA LIBERTÉ MERCREDI 27 MAI 2015
Timea Bacsinszky
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MERCREDI
Patrick Küng sous le soleil de Tossa de Mar: la préparation des descendeurs suisses a débuté dans la douceur de la Costa Brava espagnole. PHOTOS KEYSTONE
Küng: «Je suis encore affamé»
SKI ALPIN • La préparation estivale a commencé la semaine passée pour le champion
du monde de descente. Sept jours de camp sur la Costa Brava pour relancer la machine.
PASCAL DUPASQUIER DE RETOUR DE TOSSA DE MAR
Il y a le ciel, le soleil et la mer. Le décor de Tossa de Mar, petite station balnéaire au nord est de Barcelone, ressemble à s’y méprendre à la célèbre chanson de François Deguelt. Sauf que la semaine passée, ce n’était pas les vacances, mais la sueur qui était au rendez-vous des descendeurs de SwissSki. Une semaine, la première, de la longue préparation estivale qui attend Patrick Küng, Beat Feuz et leurs huit autres camarades avant de pointer leurs spatules dans le premier portillon de l’hiver 2015/2016. Sur la Costa Brava, le programme était invariable: condition physique le matin; volleyball, football, tennis ou grimpe l’après-midi. Côté activités matinales, Patrick Küng a vite arrêté son choix. Cycliste émérite, le champion du monde de Vail 2015 a balayé les options VTT, course à pied pour celle du vélo de route. «J’adore rouler, et le faire seul durant trois ou quatre heures ne me dérange pas», explique «Paddy» qui, en son pays de Glaris, trouve le terrain idéal pour exprimer ses qualités de rouleur. «Je suis venu ici avec mon propre vélo, je n’ai pas voulu en louer un sur place», précise-t-il avant de parler de sa petite reine, une merveille à laquelle il tient particulièrement. «C’est
un vélo en carbone avec dérailleur électronique que j’ai reçu après ma victoire au Lauberhorn en 2014. Il pèse 7,8 kg. Il n’est pas hyperléger mais, avec mon gabarit (1m81 pour 84 kg, ndlr), c’est mieux pour la stabilité.»
A 32 km/h de moyenne
A Tossa de Mar, le menu cycliste de Patrick Küng a oscillé entre les collines escarpées du bord de mer (certains passages à 14%!) et le plat venteux de l’intérieur des terres. «Nous sommes arrivés samedi (le 16 mai, ndlr)», rappelle le descendeur. «Les deux premiers jours, nous sommes partis depuis l’hôtel (situé en surplomb de la mer) et c’était plutôt des parcours accidentés. Les jours suivants, nous avons fait un peu de bus pour trouver du plat. C’était d’ailleurs le cas aujourd’hui (jeudi), où nous avons fait 106 kilomètres à 32 de moyenne.» Le Glaronais de 31 ans s’attaque à la période de la saison la moins appréciée des skieurs: la préparation estivale. Une période, de l’avis de tous, très éprouvante physiquement. De l’avis de tous… sauf, peut-être, de Patrick Küng. «C’est vrai que c’est exigeant. Mais comme je suis quelqu’un qui a besoin de beaucoup bouger, ça ne me dérange pas», commence-t-il par expliquer. Puis de nuancer: «J’ai moins besoin de
m’entraîner que lorsque j’étais jeune skieur. J’ai désormais la musculature et la puissance et, comme Didier Cuche lors de ses dernières saisons, je me focalise uniquement sur ce dont j’ai besoin. A 20 ans, ce sont des choses que tu ne sais pas. Tu entraînes tous les domaines à fond, ce n’est pas simple…»
Deux semaines de repos
Entre la descente des championnats de Suisse qui ont marqué la fin de son hiver, le 25 mars à Saint-Moritz, et le camp physique de Tossa de Mar, à peine deux mois se sont écoulés. Deux mois bien remplis où le farniente s’est résumé à deux petites semaines de repos. «Je suis parti en avril au Canada pour des tests de matériel. Ensuite, j’ai pris un peu de vacances. Je suis notamment allé à Prague avec des amis pour les championnats du monde de hockey. Je n’ai pas suivi les matches de la Suisse, mais j’ai assisté au quart de finale entre la République tchèque et la Finlande. Et me voilà maintenant reparti pour un tour», se marre-t-il. A quelques mois de se lancer dans son septième hiver au plus haut niveau, l’homme aux 91 départs de Coupe du monde prend quand même le temps de respirer… et d’apprécier son titre mondial acquis le 7 février à Beaver Creek, sur la redoutable piste
des Oiseaux de Proie. «En deux ans, j’ai gagné le Lauberhorn et les championnats du monde. Cela me rend d’autant plus fier que ce sont des pistes qui couronnent de vrais descendeurs…», lâche-t-il d’un ton assuré.
Plein de défis à relever
Dans le discours de Patrick Küng pointe un petit air de revanche. Son côté parfois fort en gueule ne l’a pas toujours servi. Notamment lors des Jeux olympiques de Vancouver 2010 où, pour avoir un peu trop fêté la fin de ses JO et la médaille d’or de Dario Cologna, il s’est fait renvoyer illico à la maison par le président de Swiss-Ski Urs Lehmann. Les déclarations qui ont suivi son titre à Beaver Creek lui ont également attiré les foudres du présidium. «J’ai dit que la presse et mes entraîneurs ne croyaient pas en moi. Cela n’a pas été très bien pris, mais c’était à chaud, dans un moment où les émotions sont exacerbées.» Champion sans compromis, Patrick Küng n’a pas fini d’illuminer le Cirque blanc de sa forte mais attachante personnalité. «La retraite? Je n’y pense pas», coupe-t-il avec énergie. «J’ai encore plein de défis à relever. J’aimerais gagner une fois Kitzbühel et aussi le classement général de la descente. Je suis encore affamé.» I
La préparation physique de A jusqu’à Z La préparation physique des descendeurs helvétiques incombe à Jürgen Loacker. Ex-pilote de bobsleigh (il a participé aux JO de Turin et de Vancouver), l’Autrichien de 40 ans est le «tortionnaire» favori de Küng et Cie.
Jürgen Loacker, que font vos skieurs une fois l’hiver terminé? Ils profitent le plus tard possible de la neige pour tester le matériel en vue de la saison prochaine. Ensuite, ils prennent une à deux semaines de récupération. Pour le corps et la tête, c’est indispensable.
Ont-ils des obligations d’entraînement à ce moment-là? C’est à leur bon vouloir. Certains comme Beat Feuz font du tennis, d’autres de la grimpe ou du vélo. Ils peuvent pratiquer l’activité qui leur plaît. Une fois ces deux semaines passées, ils recommencent à habituer leur corps aux charges physiques. Chacun a un programme élaboré en fonction de ses besoins. Ensuite, vers la mi-mai, vient le premier camp de préparation comme celui de Tossa de Mar.
Quels aspects sont mis en avant lors de ce 1er camp? La condition physique de base. L’objectif n’est pas de tirer à 100% sur les organismes, mais d’arriver à
un niveau semblable au terme de la semaine. L’endurance est privilégiée avec de longues sorties à vélo, à VTT ou de course à pied. Il faut que dès lundi (avant-hier, ndlr), chacun soit capable de supporter des charges d’entraînement plus dures, où l’accent est mis davantage sur la force. Une fois de retour en Suisse, vos skieurs s’entraînent-ils chacun de leur côté? De juin jusqu’au début août, nous avons quatre modules d’entraînement en commun. Les 80% restants s’effectuent de façon individuelle. Cela dit, il peut y avoir des cas particuliers. Un skieur comme
Beat Feuz, qui vit à Innsbruck, travaillera essentiellement à la maison. L’important est d’éviter que l’athlète passe des heures en voiture. Au début du mois d’août, chacun doit posséder une condition physique suffisante pour bénéficier au maximum des premiers entraînements sur la neige. Après le camp de ski, une petite pause est prévue, puis nous reprenons nos entraînements. A partir de ce moment-là, je tiens compte des besoins de chacun pour que tous arrivent au top de leur condition au début de l’hiver. Pendant la saison, nous travaillons en partie la récupération et en partie au maintien de la condition physique. PAD