Sur l’Expression générale et particulière (Charles Le Brun, Paris, 1698)

Page 1

CONFERENCE D E

MONSIEUR LE BRUN PREMIER

Ér

PEINTRE DU %)Y

DE FRANCE,

CHANCELIER ET DIRECTEUR DE L'ACADEMIE DE PEINTURE ET SCULPTURE. Sur l'Exprefs 'ion générale & particulière. Enrichie de Figures gravées par B. Picart.

x* ^T^faSTERDAM, Chez^Jr" Chez E.

Lormi, fur le Rokin. ET A PARIS, Pic art le Rom. rue S. Jacques, De

au Bufte de Monfèigneur. M;

D

C.

X C V

I I I.


ERRATA.

._l

'

Page 13. ligne

11-.

fe formeront, /</>£& former.

6. "le vouloir, lifez Ce vouloir: * 17 •– – ia; par les efprits qui viennent, 17

lifet que les

efprits viennent. ehofè lifez. peu de !}• 9. quelque chofe. 18^ – 1. la lèvre de deflus excede celle de deflbus life^ la lévrc de deflbus excede celle de dcffus. }$• ii'-imjt Se preflera celle de devant/ lifez. &fe.pou(Tera en avant.

••


LE LIBRAIRE

LECTEiriAU

C

COmme h conmiffance nece~(J'airement celle desde Pa~(/t'ons l'homme s qus fitppofe ont neceffairement celle des PefJionsy Cœur font de

quils

le grand rejjôrt des mouvement du toutes nos aélions on s'efl appliqué de tout tems à en étudier la nature & les effets. Les Philofiphes en ont traittépour apprendre à les foùmettre à la raijbn Î35 les Médecins pour remédier aux maquelles caufent isqm altèrent la conftituladies

tion du Corps humain: mais perfonne ne s'était avifé ci-devant d'en faire une étude partimlierer parraportÀla Peinture, qui doit exprimer tous ces moHvemens qui fe manifestent au dehors. Monjîeur LeBrunfi connu par fes excellens Ous'ejlpropoféd 'en faire-un Traité par raport afin Art qui n'étant cornpofé que defimplet

vraies

traits doit néanmoinsexprimer la diverjttéde ces mmvemens. 12 Auteur après avoir expliqué en peu de mets les opinions des ffavtws fur ta nature Çj' lejiege des Payions s'1 attache particulièrement «décrireles differenseffets qu'elles produifent fur les parties extérieures ce qu'il démontre par un grand nombredéfiguresqu'ila deffwées lui-même, tST qui expriment ce qu'il dit de chaque Paffvmen, particulier. H aurait donné cet Ouvrage aupttblic fila mort ne


neFavoitprévénu; cependant le pxblictf en a pin été entierementpriyé, enMànufcrit puis que divers particuliers l'ont mais comme il-s'yjefi glijfé quantité de fautes fyf que ceux qui ont le Difcours,. n'ont pas les figures qui fout en partie dans le Cabinet du Roy, en partie dijperfées en divers lieux, on a crû que ceux qui aiment la Peinture, y -qui coxnoifentle prix des Ouvrâtes d'imfi exi ceUent homme, recevraient favorablement le Ré*tueil qu'on leur donne aujourd'hui.. Ils peuvent s'ajjùrer que toutes lesplanchesont été gravées fun les Originaux de Mr. Lie Brun, ou fur de très Ides Copies & par cette raifoh on a mieux aimé en laijjèrplujieurspeu terminées, que d'y ajouter quelque chofe qui ne fût pas de lui. An rejle ilefi àpropos défaire remarquer, qu'onadonné plufieurs traits differens d'un mime c& r altère de PaJJion comme du Mépris, de, là Frayeur, dujiis&c, afin de réprefenter fous diverr afpeâs les mêmes tmuvemens. Il y en a aujjl d'autresl'etonnement fout compofez, de' plufieurs paffions^ avec frayeur la colère mêlée comme de crainte &c. Ces fortes de figures font fans difcoursparticulier, & fervent Jimplement d'exemple pour faire voir de quelle manière tes pfjjîàns femêlent enfemble&Je doivent exprimer. Mr. Le Brunafait auffltmTraitê de h Phi' fionomie; mais comme il ne m'ejlpas. encore par-* venu dans, une ajjèx,. grande perfeclianje -me con* tinterai dU'ndonnerleDifcoûrs en abregé, en at~ tendant quejepuifle noncé dans f 'AcadémielepràduireteljpfU a été1 pro-

y

ui

Çg5 accompagné de

figures*

Ce petit Echantillon nelaijlera pas d'eftre utikà plujieurs; II fer a juger au moins de la piece en*tiare ^-faubaiter de l'avoir plus complète;


CONFERENCE TENUE EN L'ACADEMIE ROYALE DE

PEINTURE ET SCULPTURE

essieurs; Dans l'Ànemblée dernière vous approuvâtes le deffein que je pris de vous entretenir e


CONFERENCE.


CONFERENCE. K 1 t elle doit dans la encore ëtre repref entation des païfages, & dans l'afTemblage des figures.

C'eft 3 Messieurs,

ce

que j'ai tâché de vous faire remarquer dans les Conferences paflees aujourd'hui j'etfaierai de vous faire voir que i'ExpreC. fion eft aufli une partie qui marque les mouvemens de l'Ame ce qui rend vifible les effets de la paflion.


CONFERENCE.


CONFERENCE.


CONFERENCE. 1 .1 qui fe porte tain air fubtil au

cerveau, & qui le remplit. Le cerveau ainfi rempli renvoie de ces efprits aux autres parties par les nerfs qui font comme autant de petits filets ou tuiaux qui portent ces ef-i prits dans les mufcles, plus ou moins, félon qu'ils en ont be~ foin pour faire l'a&ion à laquelle ils font appellés.


CONFERENCE. 1"" il y a neanmoins diverfes opi-* nions touchant le lieu oĂš elle

exerce plus particulierement Tes

fondions.


CONFERENCE. afin qu'elle parvienne a l'Ame, < ne lui reprefente pas deux objets au lieu d'un.


CONFERENCE. <w qui font & celles composées; car ils veulent que l'amour, la haine, le defir, la joie & la trifteffe foient enfermes dans le premier & que la crainte, la hardieffe, l'efperance le defefpoir, la colere & la peur refident dans l'autre D'autres ajoûtent l'admiration qu'ils mettent comme la première, enfuite l'amour, la haine, le defir la joie & la trifleffe & de celles-ci font dérivées les autres qui font compofées comme la crainte, la hardieffe l'espérance. rouches 1


avant que de parler de leurs mouvemens exterieurs. Nous commencerons par l'Admira-

tion.

L'Admiration eft

une furprifè qui fait que l'Ame confidere avec attention les objets qui lui femblent rares & extraordinaires,.& cette furprife a tant de pouvoir qu'elle pouflè quelquefois les efprits l'impreifion le lieu où eft vers de l'objet & fait qu'elle eft tellement occupée à confiderer cette imprefïiqn qu'il ne refte plus d'efprits qui paffent dans les mufcles ce qui fait que le corps devient immobile comme une ftatuë ôc cet exces d'admiration caufe l'éton-


CONFERENCE. 1» f nement, «& l'étonnement peut arriver avant que nous connôiffions fi cet objet nous eft convenable ou s'il ne l'eft v

pas.


CONFERENCE.


CONFERENCE.

f..

émotion de l'Ame en laquelle confîfte la jouiflfance qu'elle a du bien que les impreflions du cerveau lui reprefentent comme fien.


CONFERENCE. Lorfque r l'efperance h r eft n extrême elle devient feureté mais au contraire l'extréme crainte devient defefpoir. LE DESESPOIR eft l'opinion de ne pouvoir obtenir ce <pe nous délirons & fait que nous perdons même ce que nous pofTedons.


CONFERENCE.


CONFERENCE.


CONFERENCE.


CO NFERENCE.


CONFERENCE.

rt

la Peur peut s'exprimer 1par un homme qui court, & qui s'en-

fuit.


CONFERENCE.


CONFERENCE.


CONFERENCE. mouvement eft n compoféri fi n la paflïon eft douce mouvement eft doux, ôc fi elle eft aigre, le mouvement l'eftauffi. Mais il faut remarquer qu'il y a deux fortes d'élevations de foureils.

le


CONFERENCE.


CONFERENCE.





L'ADMIRATION, |pSf||

nous avons que l'Admiration cft la première & la plus tempérée de toutes les pallions & où le cœur fent moins d'agitation Le vifage auffi reçoit fort peu de changement en toutes fes parties, & s'il y en a, il n'eft fourdu l'élévation dans que cil, mais il aura les deux côtés égaux, & l'œil fera un peu plus ouvert qu'à l'ordinaire & la prunelle également entre les deux paupieres & fans mouveA

|Oj| mmt

O m m E


1-

ment, attachés fur l'objet qui aura causé l'admiration. La bouche fera auffi entr'ouverte, mais elle paroîtra Jans aucune

altération, non plus que tout

toutes les autres parties du vifage. Cette paflion ne produit qu'une fufpenlîon de mouvement pour donner le fur délibérer ..àl'ame de temps faire, qu'elle à & pour cona ce fidercr avec attention l'objet -qui le prefente à elle car s'il eft rare & extraordinaire du premier & fimple mouvement d'admiration s'engendre l'eftime.

le .-relie de




foncées a reridrôit des mâchoires.

La bouche un peu entr'ouverte, les coins tiraris eh arriè-

re, & pendans en bas.

î




'

vée ferttble marquer l'élevatiort à l'objet qu'elle confïdere & qu'elle connoit être digne de

vénération.

;y






point attirés du côté de la glande, mais élevés vers le ciel, ou

ils femblent être attachés pour découvrir ce que l'ame ne peut connoître. La bouche eft entr'ouverte, aiant les coins un peu élevés ce qui témoigne une efpece de Raviflement. Si au contraire de ce que nous avons dit ci-defïus, l'objet qui a caufé d'abord nôtre Admiration n'a rien en lui qui mérite nôtre Eftime ce peu d'eftime caufera le Mépris, & le Mépris s exprime




LE

ME1

PRIS.








du côté d'en haut, le deflous ,de la paupière doit paroître enflé & livide, les mufcles du nez & les mains aufli enflés, les mufcles des jouës extrémement formés & marques en pointe de chaque côté des narines, la bouche fera fort ouverte, & les coins feront fort apparens, tout fera beaucoup marque, tant à la partie du front qu'autour des yeux, les mufcles & veines du col doivent être fort tendus & apparens, les cheveux herifles la couleur du vilage pâle & livide, comme le bout

du nez, les lévres, les oreilles, Se le tour des yeux.

Si les yeux paroiffent extrê-

mement ouverts en cette

paf-

fion,


fion, c'eft que rame s*cn iert pour remarquer la nature de l'objet qui caufe la fraieur le fourcil qui eftabaifle d'un côté, & élevé de l'autre, fait voir que la partie élevée femble le vouloir joindre au cerveau pour le garentir du mal que î'ame apperçoit & le côté qui eft abaiflé, & qui paroit enflé, nous fait trouver dans cet état par les efprits qui viennent du cerveau en abondance comme pour couvrir. I'ame & la défendre du mal qu'elle craint; la bouche fort

ouverte fait voir le faififfement du coeur, parle, fang qui fe retire vers lui ce qui l'oblige, voulant refpirera à faire un effort qui eft caufe B


que la bouche s'ouvre extrême. ment, & qui lorfqu'il paffe par les organes de la voix, forme un fon qui n'eft point articulé;i que fi les mufcles & les veines's paroiffent enflés, ce n'eft que par les efprits que le cerveau envoie en ces parties-là. Si toutes les paffions precedentes peuvent être excitées en nous par des objets pour qui nous aions de l'efrime ou de l'admiration, L'Amour peut être auffi, comme nous avons dit, lorsque la chofe qui nous eft reprefentée bonne,l'eft à nôtre égard, c'eftà-dire comme nous étant convenable, cela nous fait avoir pour elle de l'amour.




remplies d'-ëfprits qui îéchaiN fer>t, & qui l'animent, rendent la couleur plus vive & plus ver. meille y & particulierement à :L'endroit des joues & des lé. -vres la bouche doit être un peu entr'ouverte, & les coins .un peu élevés lés lévres aroiflent humides, & cette hu-

imidité peut être caufée de vapeur qui s'élève du cœur.



LE DESIR.


ient a vouloir un bien qu'elle fe rçprefente lui être convc-

nable.




parties du corps & du viia font partagées & entremêlée du mouvement de ces deu pallions.




fir, mais elle rfeft pas fi belle car- elle tient de la couleur livide, les lévres font de même,

elles font aufïi plus feiches, quand la paffion de l'amour change la crainte en jaloufîe.

&




noître que les dents font ferrées', la lévre de deffiis excède celle de defTous, & les coins de

la

bouche feront

retirés

en

ar-

rière & feront fort abaiffés j.i les mufcles des machoires pa-

roîtront enfoncés.

Il y a une partie du vifàgc dont la couleur {èra enflâmee3 & l'autre jaunâtre, les lèvres pâles ou.livides.







LA TRISTESSE.

Omme nous avons dit,

la trifteffe eft une langueur defagreable où Tarne reçoit des incommodités du mal ou du défaut que les impreflions du cerveau lui repre*

fentent.


ne les

paupières abattues &

un peu enflées, le tour des yeux livide, les narines tirant

en bas la bouche entr'ouverte >& les coins abaifles, la tête paroît nonchalamment panchée fur une des épaules, toute la couleur du vifage eft plombée, & les lévres pâles & fans couleur. `





fera une efpecç de figure ca& rée en cet endroit-la. Toutes3 les parties du vifàge paroitront plus ou moins marquées & plus agitées felon que la douleur fera violente.






changent rien au ne mouvement du vi&tge mais bien quand elles font excitĂŠes par la douleurÂť fteflfe




LE FLEVRER. A

Lors celui qui pleure a le

fourcil abaiflfé fur le milieu du front, les yeux prefque fermés fort mouilles & abai£ fés du côté des jouës & les narines enflées, & tous les muC clés & veines du front font ap. parens la bouche fera demie ouverte, ayant les côtés abaif(es faifant des plis aux jouës, la lèvre de defToûs paroîtra renverfée, & preifera celle de devant tout le vifage fera ridé & froncé, la couleur fort rouge, principalement à l'endroit des fourcils, des yeux, du nez & des joues.








II femblera -grincer les âentsf il parpîtra de la falive à la bou-

fon vifage fera pâle en quelque endroit & enflâme en d'autres & tout enflé les veines du front des tempes & du col feront enflées & tenche

les cheveux herifTés & celui qui reflent cette paflion, s. enfle au lieu de refpirer parce que le coeur eft oppreiTé par l'abondance du fang qui vient à fon fecours. .A la colere fuccede quelquefois la rage ou le defefpoir. dues




dons de cette partie feront fort enflés, airifi que toutes les veines & nerfs du front, des tem-

& des quatre parties du vifage le haut des joues paroîtra gros, marqué & ferré à l'endroit de la machoire la bouche qui fera ouverte fe retirera fort en arriere, & fera plus ouverte par les côtés que pes

parle milieu,lalévre de

defFous

fera groffe & renverfée & toute livide ainfi que tout le jefte du vidage il aura jes che« Veux

droits

&

herifles»


















aiant les deux mains ouvertes^ les bras approchans un peu du corps les pieds l'un contre

l'autre & en même^fituation.

Mais dans l'Eftime le corps fera un peu courbé, les épaules tant foit peu élevées les bras ploies & joignant le corps, les mains ouvertes & s'approchant l'une contre l'autre & les genoux ploies. Dans la Vénération te corps fera encore plus courbé que dans l'Eftime les bras & les mains feront prefque joints, y les genoux iront en terre & toutes les parties du corps mar-

refpe6t profond queront un Mais en l'àdion qui marque la Foi, le corps peut être tout-

à-fait


IMit ittcliué, les bras ploies

&

joignant le corps les mains croifées l'une fur l'autre > toute l'action doit marquer une profonde humilité. Le Ravinement ou extafe peut faire paroître le corps ren~ verfé en arriere, les bras élevés, les mains ouvertes & toute l'adion marquera un tranfport de &

joie.

Dans le Mépris de l'Averfïon le corps peut fe retirer en arrière, les bras dans l'action de repoufler l'objet pour lequel on a 3e l'averfion j ils peuvent fe ret rer en arrière & les pieds & le s, jambt faire

Mais

la même chofe.

en l'Horreur les mouvemçns d^iveat être bien plus

E


yiolens que dans l'Àvci/ion, car le corps paroîtra fort retiré de l'objet qui caufe de l'horreur, les mains feront fort ouvertes. & les doigts écartés les bras fort terres contre le corps, & les jambes dans l'avion de cou-

rir.

La Fraieur a bien quelque chofe de ces mouvemens, mais ils paroifTent plus grands & plus étendus car les bras fe

roidiront en avant, les jambes feront dans l'a&ion de fuir de toutes leurs forces, & toutes les parties du corps paraîtront dans le défordre. Toutes les autres Pallions peuvent produire des actions leur felon nature, mais corps au


il y^ en a qui, ne font pas prë£<que iénfilples j comme l'Amour, ï'Efperânce & la joie car ces Pallions ne produifènt pas de grands mouvemens au corps. La TriftefTe ne produit qu'un abattement de cœur, auffi bien qu'en toutes les autres parties

duvifage.

La Crainte peut avoir quelques mouvemèns pareils a la Fraieur, quand elle n'eft caufée que par l'apprehenfion de perdre quelque chofe ou qu*il n'arrive quelque mal. Cette pat fion peut donner au corps des mouyemens qui peuvent être marqués par les épaules preffécsjles bras ferrés contre le corps, les mains de même, les E

ij


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.