9782215133315 ext bibliodescitrons

Page 1

L L I R E T T JO CO

FLEURUS


Copyright © Jo Cotterill 2016 Originally published in the English language as A library of lemons by Piccadilly Press, an imprint of Bonnier Publishing Fiction, UK. « The moral rights of the author have been asserted. »

Direction : Guillaume Arnaud, Guillaume Po Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Anna Guével, assistée de Timothée de Marliave Direction artistique : Élisabeth Hebert Photographie de couverture : © Getty Images/Collection StockFood Creative/Lew Robertson Direction de la fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Sabine Marioni © Fleurus, Paris, 2017 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-3331-5 MDS : 652 629 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 2

06/03/17 08:46


JO COTTERILL

LA B I B L I OTH ÈQ U E D ES C I TRO N S Traduit de l’anglais par Charlotte Grossetête

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 3

06/03/17 08:46


1702_013_Biblio_des_citrons.indd 4

06/03/17 08:46


Chap itre 1 L

a nouvelle, Mae, m’a demandé de jouer avec elle

aujourd’hui. Je n’ai pas su quoi dire. Elle a de longs cheveux noirs qu’elle porte en deux nattes fixées au sommet de sa tête, comme Heidi. Elle a un visage rond de poupée avec des yeux bleu vif, et elle est arrivée à l’école ce trimestre. J’étais assise dans mon coin préféré de la cour avec un livre. C’est mon habitude pendant les récréations. Mae m’a adressé un sourire plein d’espoir, mais j’ai fait non de la tête et je suis retournée à mon livre. – OK, a-t-elle dit, et elle s’en est allée.

5

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 5

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

J’ai essayé de me concentrer sur mon livre, mais mon regard n’arrêtait pas de s’échapper des pages pour la regarder. Elle dit souvent OK ; ça a l’air de bien lui aller. Ça rime même avec son nom. OK, Mae. Quand elle s’est présentée en classe, elle nous a expliqué qu’elle avait changé d’école parce que sa famille avait déménagé. Mais elle ne paraissait pas en souffrir. Elle a toujours l’air joyeux. Je me disais qu’elle allait proposer son amitié à quelqu’un d’autre, mais elle est partie toute seule vers la grille et elle s’est mise à ramasser des brindilles par terre. Elle en a fait un petit tas. Puis elle s’est assise et a tiré quelque chose de sa poche. Le soleil s’est reflété dessus – c’était une loupe. Elle essayait de mettre le feu aux brindilles. J’ai regardé, fascinée. Est-ce que ça allait marcher ? Elle avait visiblement du mal à trouver le bon angle. Ses yeux faisaient des va-et-vient entre le ciel et la loupe, qu’elle inclinait d’un côté puis de l’autre.

6

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 6

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

« Mauvais procédé, ai-je pensé. Il faudrait qu’elle maintienne la loupe dans la même position pendant longtemps, pour que le rayon de lumière central chauffe la brindille au même endroit. » J’ai lu ça dans un livre. Allumer un feu de cette façon, ce n’est pas très pratique, mais ça peut fonctionner si on est assez patient et que le soleil brille assez fort. Mais on est en automne, là. Le soleil ne brille pas très fort. Je la regardais avec une telle intensité que quand elle a levé les yeux et qu’elle m’a aperçue, le choc a failli me faire lâcher mon livre. Vite, mon regard est revenu à ma page, mais je n’ai pas résisté au besoin de jeter un autre coup d’œil à Mae. Elle continuait à me fixer des yeux, et souriait comme si j’étais son amie. L’embarras me mettait le visage en feu. Je n’ai plus levé les yeux de mon livre. Mae n’a pas réussi à mettre le feu à ses brindilles. Je le sais parce que, dans le cas contraire, une maîtresse serait arrivée en courant. Au lieu de ça, quand la cloche a sonné, tout le monde s’est mis en rang comme d’habi7

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 7

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

tude. Je me suis attardée derrière les autres, j’ai attendu que presque tout le monde soit rentré, et je me suis précipitée à la grille pour examiner le petit tas de brindilles de Mae. Il n’y avait plus de tas. Mae avait disposé les brindilles sur le sol de manière à tracer des lettres. Celles-ci formaient un mot. CALYPSO Je suis rentrée en classe au pas de course, le cœur battant. Pourquoi avait-elle écrit mon nom avec ces brindilles ? Papa dit toujours qu’il faut se considérer comme son propre meilleur ami. Quand j’étais plus petite, je ne comprenais pas ce que ça voulait dire, mais maintenant, je vois bien. Ça veut dire qu’on doit être heureux quand on est seul ; qu’on ne devrait pas avoir besoin de la

8

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 8

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

compagnie des autres pour être heureux. Papa dit qu’il se passe très bien des autres. Je me demande parfois s’il avait besoin de ma mère, mais ce n’est pas le genre de question que je peux lui poser. Et je ne peux pas la poser à ma mère, parce qu’elle est morte. À l’école, les maîtresses s’inquiétaient souvent de me voir m’asseoir à l’écart des autres. Elles écrivaient des mots du genre : « C’est une fillette très solitaire » ou « Elle s’isole ». Comme s’il s’agissait d’une mauvaise attitude. Mon dernier bulletin dit quelque chose de différent : « Elle aura du mal à s’adapter au collège l’année prochaine si elle ne parvient pas à se faire de bons amis. » – Ils n’y connaissent rien, a dit papa en lisant ce mot à la fin du dernier trimestre. Ils ne comprennent pas les gens qui n’ont pas besoin d’être entourés. Ils croient que l’indépendance va de pair avec la solitude. Ils n’ont jamais entendu parler de la force intérieure. Papa croit très fort à la force intérieure. 9

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 9

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

– S’il m’arrivait quelque chose, répète souvent papa, tout irait bien pour toi, Calypso. Tu as une grande force intérieure. Je suis fière qu’il m’attribue une grande force intérieure, mais je n’aime pas imaginer qu’il puisse arriver quelque chose à papa. Il est arrivé quelque chose à maman, il y a cinq ans, et j’essaie de ne pas y penser non plus. Tout s’est passé si vite : elle s’est sentie un peu mal, elle est allée voir le médecin, on lui a fait des analyses et on lui a dit qu’elle avait un cancer. Ensuite, elle est tombée malade très vite, et puis elle est morte. Si papa mourait maintenant, je ne suis pas sûre du tout que tout irait bien pour moi. Dès qu’il dit ça, les larmes me montent aux yeux. Il le remarque, et secoue la tête comme si je l’avais encore trahi. – Inutile de te laisser abattre, dit-il. Je te montre juste comment être forte. Trouve ta force intérieure. Je m’essuie les yeux et j’essaie. Elle est là, j’en suis sûre. Il le répète assez souvent, elle est forcément en moi. 10

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 10

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

– Tout irait bien pour moi, dis-je sans laisser ma voix trembler. Et si… s’il m’arrivait quelque chose à moi, tout irait bien pour toi. – Exactement, répond-il avec un sourire encourageant, et il s’éloigne en direction de sa bibliothèque. J’essaie de ne pas me laisser affecter par son acquiescement. C’est parce qu’il a une grande force intérieure. Ce n’est pas parce qu’il ne m’aime pas. À l’école, les autres enfants n’essaient plus de m’avoir pour meilleure amie. J’aime bien jouer avec eux – ce n’est pas que je n’aime pas les gens. Mais pour être honnête, je préfère les livres. J’aime l’espace de calme qu’ils créent dans ma tête ; un espace où peuvent surgir des mondes magiques, des îles ou des mystères. Mae est nouvelle et elle ne comprend pas encore. Elle se rendra bien compte dans les jours qui viennent, et elle se trouvera quelqu’un d’autre comme meilleure amie.

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 11

06/03/17 08:46


1702_013_Biblio_des_citrons.indd 12

06/03/17 08:46


Chap itre 2 M ae et ses brindilles continuent de m’intriguer à mon

retour de l’école. J’entre dans la maison et je passe sur la pointe des pieds devant la porte de la bibliothèque pour ne pas déranger papa dans son travail. C’est une grosse porte en bois, sur la gauche, épaisse et ancienne, et il ne m’entendrait probablement pas de toute façon, mais j’ai pris l’habitude de marcher sans bruit. Puis je monte dans ma chambre et je me mets à mes devoirs. La bibliothèque a toujours été le bureau de papa. Maman avait un petit atelier à l’étage dans la troisième chambre, la plus petite. Après sa mort, nous l’avons transformé en bibliothèque pour moi, j’ai donc maintenant 13

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 13

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

une chambre et une bibliothèque. Je mesure ma chance parce que je ne connais pas d’autre enfant de mon âge qui ait une pièce à lui tout seul pour ses livres. Du vivant de maman, cette pièce était remplie de toiles, de chevalets, de peintures à l’huile, d’aquarelles, de pinceaux et de white-spirit. On y sent encore une odeur très discrète laissée par les tableaux à l’huile, même si ceux-ci ne s’y trouvent plus depuis des années. J’aime bien m’asseoir dans ma bibliothèque, avec ses murs tapissés d’étagères et de livres, et respirer l’odeur de maman tout en lisant. C’est ma pièce à moi, et papa n’y entre jamais. Mes devoirs terminés, je descends faire du thé. Il n’y a pas grand-chose dans les placards, comme d’habitude, mais je déniche un peu de pain et de fromage et une boîte de haricots cuits en conserve. Je fais griller le pain et je réchauffe les haricots sur lesquels je fais fondre un peu de fromage. Puis je m’assieds à la table de la cuisine et je mange d’une main1, en me servant de l’autre pour 1. L’histoire se déroule en Angleterre, où l’on dîne plus tôt qu’en France : vers 18 h 30.

14

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 14

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

tenir devant moi un livre ouvert. C’est Pollyanna1, un livre écrit il y a des années et des années. Je n’accroche pas beaucoup, parce que l’héroïne est étonnamment ennuyeuse ; tout ce qui l’intéresse, c’est que les gens l’aiment. Je commence à me demander si ça vaut la peine de continuer. Anne, dans Anne… La Maison aux pignons verts2, est bien plus mon genre de personnage. Ou Sophie dans Le ciel nous appartient3, ou Louie dans The Girl who Walked on Air4. Elles ont toutes de l’imagination et elles cherchent l’aventure. Elles ne passent pas leur temps à être « contentes » de trucs. J’ai terminé et fait la vaisselle ; papa n’a toujours pas fait son apparition. Alors je prépare une tasse de thé que j’emporte à sa bibliothèque. – Papa ? Je frappe à la lourde porte et j’ouvre.

1. Roman de l’écrivaine américaine Eleanor H. Porter publié en 1913. 2. Roman de l’auteure canadienne Lucy Maud Montgomery paru en 1908. 3. Roman de l’auteure anglaise Katherine Rundell publié en 2013. 4. Roman de l’écrivaine anglaise Emma Carroll paru en 2014.

15

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 15

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

Le bureau de papa est sur la gauche. Il est assis là, comme d’habitude, les yeux collés à un manuscrit. Il est correcteur, ce qui signifie qu’il lit les livres avant leur impression, pour vérifier qu’ils sont parfaits. Papa est capable de repérer des erreurs qui ont échappé à dix éditeurs. Même à l’heure actuelle, avec tous les ordinateurs dont on dispose, personne ne peut battre mon père quand il s’agit de relire. Il a bien un ordinateur, mais il ne s’en sert presque jamais. Il dit qu’il est impossible de repérer correctement les erreurs sur un écran, alors il imprime chaque manuscrit et son bureau est toujours couvert de piles de papier impeccables. La large pièce rectangulaire est plutôt obscure. Les arbres du jardin côté rue ont tellement poussé qu’ils obstruent la lumière qui devrait entrer à flots par le grand bow-window – et le temps est couvert aujourd’hui, de toute façon. Longtemps avant notre emménagement dans la maison, quelqu’un a percé un trou dans le mur et ajouté une porte vitrée qui donne sur une sorte de serre ou de jardin d’hiver. Les propriétaires d’alors ont 16

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 16

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

peut-être eu peur que leurs livres ne soient abîmés par la lumière du soleil, parce qu’ils ont aussi fait monter de grands volets en bois sculptés pour couvrir les belles étagères anciennes qui s’alignent sur trois des murs. La lumière n’atteint plus les étagères aujourd’hui, mais les volets restent clos, par habitude. Papa est obligé d’avoir une lampe allumée sur son bureau, mais il aime ça comme ça. Moi aussi. La bibliothèque est silencieuse, sombre et rassurante. Parfois, j’imagine les personnages des livres en train de marcher sur la pointe des pieds derrière leurs volets. – Du thé, dis-je en posant la tasse au coin du bureau. – Fin de la page, répond-il en levant un doigt en l’air sans quitter le papier des yeux. J’attends. Papa a quarante-deux ans, mais personne ne devine jamais son âge correctement. Son visage est de ceux qui peuvent paraître beaucoup plus jeunes ou beaucoup plus vieux, selon ses sentiments ou ses préoccupations du moment. Il a des cheveux bruns, souples, qui peuvent reculer lentement sur son front comme la marée 17

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 17

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

lorsqu’elle se retire. Il porte des lunettes lorsqu’il lit ; il est grand, mince et dégingandé. Un jour, quand j’étais toute petite, il s’était déguisé en épouvantail, et cela lui allait parfaitement, comme s’il en avait été un dans une vie antérieure. Le bas de la page atteint, il griffonne une petite marque sous un mot de la dernière ligne. Puis il lève les yeux avec un sourire qui accentue ses fossettes au coin de ses yeux. – Bonsoir, Calypso. Comment s’est passée l’école ? – Bien. La nouvelle a écrit mon nom par terre avec des brindilles. Il enlève ses lunettes et incline la tête de côté. – Étrange. – Oui, je sais. – Tu étais en train de jouer avec elle ? – Non, elle a fait ça comme ça. – Est-ce qu’elle a écrit son nom à elle ? – Non, juste le mien. Il hausse les épaules. 18

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 18

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

– Ah, bien. Les gens font des choses bizarres, parfois. – Je sais. Sur quoi est-ce que tu travailles ? Son visage s’éclaire. – Un journal scientifique. Il y a un article particulièrement intéressant sur l’acide citrique. J’envisage de demander à l’auteur de faire la critique de mon Histoire quand elle sera sortie. Papa est en train d’écrire ce qu’il appelle son « magnum opus ». On dirait le nom d’une glace mais, en fait, c’est un très gros livre. Il s’intitule Histoire du citron et il raconte l’origine des citrons, leur développement au cours des siècles, les médicaments qu’on peut fabriquer à base de citron, les recettes… tout ce qu’on peut dire au sujet du citron, en somme. C’est génial de penser qu’un jour papa sera un écrivain célèbre. Parfois, quand je suis dans ma bibliothèque, entourée par mes livres et par les gens qui les ont écrits, je rêve en secret de devenir écrivain moi-même. Je n’ai jamais osé le dire à voix haute, j’ai peur que cela ne brise mon rêve, comme une bulle de savon qui éclate lorsqu’on souffle dessus. 19

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 19

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

Avant, la bibliothèque de papa sentait la cire d’abeille, mais, à présent, elle sent le citron parce que papa y fait pousser des citronniers. Il y a quatre ans, il a vidé le jardin d’hiver avec une sorte d’enthousiasme fou. Puis il a acheté six citronniers à la jardinerie et un livre expliquant comment les cultiver. Ça a été une journée très étrange. Je suis partie à l’école le matin et, à mon retour, il y avait une plantation de citronniers dans la maison. Je crois qu’il s’est mis à écrire son livre peu de temps après. Un jour, j’ai essayé de faire la lecture aux arbres, parce que j’avais entendu dire que les plantes aiment qu’on leur lise des livres. Papa m’a demandé d’arrêter quand l’un d’eux s’est mis à développer des feuilles brunes. Maintenant que j’ai servi son thé à papa, je lui demande : – Tu n’oublieras pas de dîner ? – Dîner ? La surprise se peint sur ses traits.

20

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 20

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

– Oui. Tu veux que je te fasse griller du pain ? J’ai bien peur d’avoir terminé la dernière conserve de haricots. – Quelle heure est-il ? – Six heures et demie. – Six heures et demie, déjà ? Tu es revenue en retard de l’école. – Ça fait des heures que je suis à la maison, papa. – C’est vrai ? Je ne t’ai pas entendue arriver. – Dîner, papa, dis-je avec patience. – Oh, le pain grillé ne me dit rien. – OK… bon, il n’y a pas grand-chose d’autre. Il fronce les sourcils. – Tu sais que je n’aime pas ce mot, Calypso. Ne l’emploie pas, s’il te plaît. – Pardon. Papa affirme que le mot « OK » est un mot commun, vulgaire, que ce n’est pas du bon anglais, mais c’est difficile de s’en souvenir quand tout le monde à l’école l’emploie sans arrêt. Et c’est le mot préféré de Mae. OK, Mae. Elle est gentille, cette fille… Ce n’est pas OK si les 21

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 21

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

gens ont envie de dire OK ? J’ouvre la bouche pour demander à papa si certaines personnes ont le droit d’employer ce mot et pas d’autres, et, si c’est le cas, comment on peut savoir à quelle catégorie on appartient, mais il lève la tête d’un mouvement brusque et il me fixe d’un regard ravi, le froncement de sourcils balayé de son front. – Si on sortait prendre une pizza ? Un étranger qui serait témoin de la scène ne devinerait jamais que papa a la quarantaine. Il a l’air d’un grand gamin tout excité. Je cligne des yeux. – Quoi ? maintenant ? – Bien sûr ! Il bondit sur ses pieds et passe une main dans ses cheveux en bataille. – Soyons spontanés ! – Je viens de manger des haricots, papa. – Mais tu as encore de la place pour de la pizza, non ? Tout le monde aime la pizza. Va chercher ton manteau ! 22

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 22

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

– J’allais prendre un bain… Inutile. Il est déjà dans le vestibule, à la recherche de ses chaussures. Je glisse mon livre dans la poche de ma veste et je le suis. Notre Volkswagen poussive refuse de démarrer, et je retiens mon souffle. – Allez, ma vieille, dit papa. Vas-y, doucement. La pensée me frappe que, d’une certaine façon, papa ressemble à un personnage de Pollyanna. De nos jours, personne n’appelle sa voiture « ma vieille », si ? La voiture tousse, s’anime, et je pousse un soupir de soulagement. Un jour, sûrement dans pas très longtemps, elle ne démarrera plus du tout. Les voitures ont besoin de révisions régulières, je le sais. Mais je ne crois pas que la nôtre ait eu droit à une révision depuis des années. Elle constitue probablement une « menace pour la société » : c’est ainsi que madame Gilkes, la directrice

23

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 23

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

de notre école, appelle toute personne et tout objet qu’elle désapprouve. Papa mange beaucoup de pizza. Calée par le pain grillé et les haricots, je ne peux avaler que deux parts, mais c’est bon. J’aurais quand même préféré que papa ait suggéré cette sortie plus tôt, parce que ça m’aurait permis de garder les haricots pour demain. – Il faut qu’on fasse un ravitaillement, dis-je à papa en sortant du restaurant. Il acquiesce d’un signe de tête. – Je le ferai pendant que tu es à l’école. – C’est vrai ? Tu n’oublieras pas comme la dernière fois ? Il fait un grand sourire et me prend la main tandis que nous regagnons la voiture. – Parole de scout. Je me sens heureuse. Une fois couchée, je lis un autre chapitre de Pollyanna et je fronce les sourcils. Qu’est-ce que c’est que la gelée de pied de veau ? Ça n’a pas l’air très bon. 24

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 24

06/03/17 08:46


L A B I B L I OTH È Q U E D E S C I TR O N S

Je tends le bras et j’effleure des doigts la photo dans son cadre posé sur ma table de nuit, comme chaque soir au moment de m’endormir. – Bonne nuit, maman. Elle me sourit sur la photo, ses longs cheveux auburn éclairés par le soleil. Je ne sais pas si le soleil brillait ­réellement plus fort quand j’étais petite, mais j’en ai l’impression. Puis j’éteins la lampe et je repense à Mae. Elle est un peu comme Pollyanna. Une fille joyeuse. Je me demande si elle fera une nouvelle tentative demain pour devenir mon amie. Je ne sais pas si j’ai envie ou non qu’elle réessaie.

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 25

06/03/17 08:46


1702_013_Biblio_des_citrons.indd 362

06/03/17 08:46


s, e t t e l il a p s e l , e s o r tu n’aimes pas le ge ? a l il u q a m e l t e s les robe ! i o t r u o p it a f t s ce roman e

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 363

06/03/17 08:49


Découvrez un roman d’enquête au suspense haletant et à l’atmosphère mystérieuse, menée dans le décor fantastique d’un pensionnat anglais !

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 365

06/03/17 08:49


Si on m’avait dit à quel point mes nouvelles camarades de classe étaient des pestes, jamais, ô grand jamais, je n’aurais accepté d’échanger de corps avec Kira. Je serais bien volontiers resté le magnifique chat de race, à l’esprit affûté, un poil trop gâté, que j’étais avant ce maudit orage. Je continuerais de me prélasser sur le canapé de notre appartement de l’Allée-Haute et mon colocataire, le professeur Werner Hagedorn, continuerait tranquillement de donner ses cours de physique quantique. Or, au lieu d’être allongé sur mon canapé, je me tiens là... debout. Nom d’une sardine à l’huile ! Quelle super gigantesque pagaille !

Découvre les aventures de

Winston - un chat en mission secrète

MEP_PUB_WINSTON.indd 1 1702_013_Biblio_des_citrons.indd 366

29/07/2016 10:51 06/03/17 08:49

MEP_P


6 10:51

MEP_PUB_ROMANS_GENERIQUE.indd 1702_013_Biblio_des_citrons.indd 367 2

25/01/2016 16:11 06/03/17 08:49


Composition et mise en pages : Text’Oh N° d’édition : J17087 Achevé d’imprimer en mars 2017 par L.E.G.O. S.p.a., en Italie Dépôt légal : avril 2017

1702_013_Biblio_des_citrons.indd 368

06/03/17 08:49


Calypso est une jeune fille solitaire. Depuis la mort de sa mère, son père est absorbé par l’écriture de l’œuvre de sa vie, une grande histoire des citrons, et elle se réfugie dans la lecture des nombreux livres de sa bibliothèque… Mais quand Calypso rencontre Mae, une nouvelle de sa classe, sa vie bascule dans l’inconnu ! L’orpheline fait l’expérience de l’amitié, des délices de l’écriture, et aussi d’une famille joyeusement chaotique où l’on aime bien se disputer. Plus heureuse qu’elle ne l’a été depuis longtemps, Calypso découvre alors un étonnant secret sur son père, et les événements se précipitent.

UNE HISTOIRE PLEINE D’ESPOIR, SUR UNE FAMILLE PERDUE DANS LES LIVRES QUI VA RETROUVER SA JOIE DE VIVRE GRÂCE À LA MAGIE DE L’ENTRAIDE ET DE L’AMITIÉ. 16,90 € France TTC www.fleuruseditions.com

RETROUVEZ TOUTE L’ACTUALITÉ DES ROMANS FLEURUS


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.