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rintemps 1803. Après onze ans d’absence, Élisabeth d’Espérance est enfin de retour au château familial. Hélas, les retrouvailles avec sa sœur Charlotte sont de trop courte durée. Pour protéger Maria, une petite russe mystérieusement abandonnée par ses parents, Élisabeth doit fuir avec elle. Quel terrible secret menace la vie de l’enfant à la voix d’ange ? La Rochelle, 1890. Émilie et Constance, en retraite à l’Espérance, font la connaissance de Dimitri Rochenkovski. Celui-ci vient d’arriver de Saint-Pétersbourg. Dans ses bagages, les mémoires de son aïeule… une certaine Élisabeth d’Espérance ! Une fois encore, la vie des sœurs Espérance va bouleverser celle des deux amies ! Quel est ce trouble qui envahit Constance à chaque apparition du jeune homme russe ? Celle-ci parviendrat-elle à trouver le chemin du bonheur ? Entraînées par leur curiosité, Constance et Émilie sont plongées au cœur d’une des plus grandes énigmes de l’histoire de la Grande Russie… Dans la même collection : L

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a Rochelle, 1792. À bord du bateau qui doit l’emmener en Angleterre, Élisabeth d’Espérance songe à ce qu’elle quitte dans sa fuite : un pays en pleine Révolution, le château familial et surtout Charlotte, sa chère sœur. Lors de la traversée, un étrange passager lui confie un petit reliquaire avant de disparaître. Élisabeth comprend bientôt que ce mystérieux objet attire bien des convoitises et que de graves dangers guettent celui qui le possède… Un siècle plus tard, c’est avec passion qu’Émilie se plonge, avec son amie Constance, dans la lecture du journal de voyage d’Élisabeth. La jeune fille y découvre ses joies, ses peines et sa profonde confiance en Dieu. Elle ne peut se douter que ce livre l’entraînera au cœur d’une inquiétante affaire, au péril de sa vie… Secrètement amoureuse de Théophile, Émilie ignore les réels sentiments du jeune homme. Verra-telle l’amour triompher ? Dans la même collection :

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Retrouvez toute l’actualité de Sophie de Mullenheim sur son blog : http://sophiedemullenheim.blogspot.fr

Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe, Sophie Cluzel Édition : Astrid de Moussac Conception graphique : Élisabeth Hebert Illustration de couverture : Maëlle C. Mise en pages : Text’oh ! Fabrication : Thierry Dubus, Anne Floutier, Tatiana Fache © Mame, 15-27 rue Moussorgski 75018 Paris, 2012. Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-7289-1539-2 – MDS : 535 159 N° d’édition : 12116 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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Sophie de Mullenheim

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À mes sœurs, Charlotte et Camille

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La confidente du tsar

Prologue

La jeune femme effleura l’épaule du cocher. – Arrêtez-moi là, s’il vous plaît. Elle venait de reconnaître au bord du chemin le petit calvaire qu’elle allait souvent fleurir avec Charlotte et leur mère. – Nous sommes encore loin, mademoiselle, rétorqua l’homme avec étonnement. – Je sais, souffla Élisabeth, mais je préfère marcher un peu. Le cocher tira sur ses rênes et arrêta sa voiture le long de la route. – Êtes-vous sûre ? insista-t-il. Élisabeth opina de la tête. – Et vos bagages ? – Je m’en charge. Ne vous inquiétez pas, ils ne sont pas lourds. Élisabeth saisit le sac en cuir posé à côté d’elle sur la banquette, paya ce qu’elle devait à l’homme pour le voyage et descendit lestement du véhicule. Ses bagages étaient ridiculement minces au regard des nombreuses années passées loin de chez elle, mais elle 7

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avait préféré laisser la grande majorité de ses affaires là-bas, au Canada. Ses amis iroquois en auraient plus l’utilité qu’elle. La jeune femme regarda la voiture à cheval faire demi-tour puis s’éloigner, avant de poursuivre sa route à pied. L’inquiétude lui vrillait l’estomac ; elle avait besoin de se dégourdir les jambes pour calmer son anxiété. Il y avait si longtemps qu’elle avait quitté ­l’Espérance. Le château familial serait-il toujours debout après toutes ces années de tourmente révolutionnaire ? Elle avait entendu tant de choses effrayantes alors qu’elle se trouvait à l’autre bout du monde. Et, surtout, sa sœur Charlotte serait-elle toujours en vie ? Élisabeth marchait à tout petits pas sur la route comme pour retarder au maximum le moment où elle découvrirait ce qu’il était advenu de tout ce qu’elle aimait. La campagne autour d’elle était belle. Les champs cultivés voyaient poindre les premières pousses de blé en ce printemps de 1803. La France en avait terminé avec les horreurs de la Révolution. Un jeune général, Napoléon Bonaparte, était arrivé au pouvoir et l’heure était à la reconstruction et à la renaissance. Même la nature semblait participer de cette ère ­nouvelle qui s’annonçait. Le paysage si serein acheva d’apaiser le cœur inquiet d’Élisabeth. Alors, la jeune femme ne put plus attendre, elle allongea le pas. Lorsqu’elle aperçut les premiers arbres de l’allée du château de l’Espérance, elle se mit même à courir. Son sac en cuir battait sur le haut de sa cuisse, la ralentissant malgré elle. Soudain, n’y tenant plus, Élisabeth jeta son bagage dans le fossé au bord du chemin. Elle retroussa ses jupes comme elle l’avait fait tant de fois pour 8

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jouer avec les petits Iroquois auxquels elle faisait la classe et elle avala les quelques mètres qui la séparaient encore de l’allée. Elle s’arrêta net. Le château était toujours là, fier et majestueux, au bout de la longue haie d’arbres. Quelques fenêtres étaient grandes ouvertes pour aérer les pièces. De longs rideaux de voile blanc immaculé voletaient dans l’air frais du printemps. Le cœur d’Élisabeth bondit dans sa poitrine. « Le château est habité ! » pensa-t-elle. La jeune femme courut de plus belle. Son chapeau s’envola et vint flotter dans son dos. Ses souliers de cuir fin firent crisser les graviers. À quelques mètres de là, accroupie dans le potager attenant au château, Charlotte releva la tête et tendit l’oreille. Quelqu’un accourait. Pourvu qu’aucune de ses pensionnaires ne se soit blessée… La jeune femme avait ouvert un orphelinat dans l’ancien château de famille, il y avait un peu plus d’un an maintenant, et elle ne cessait de s’inquiéter pour ses petites protégées comme une mère le ferait avec ses propres enfants. Charlotte posa son outil à terre et se redressa avec inquiétude. C’est alors qu’elle vit la jeune femme qui courait en direction du château. Ses longs cheveux bruns volaient derrière elle, dégageant parfaitement son visage. Charlotte sursauta. Ce nez fin, ce menton volontaire, cette silhouette élancée… Se pouvait-il que… Elle porta la main à son cœur. – Élisa… Son cri s’étrangla dans sa gorge. Elle se précipita aux devants 9

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de la nouvelle venue. Comme elle courait, ses yeux s’emplirent de larmes et sa vue se brouilla. Elle ne voyait plus qu’une silhouette floue qui s’immobilisa en la découvrant à son tour. – Charlotte ! hurla Élisabeth. – Élisabeth ! lança Charlotte en franchissant les derniers mètres qui la séparaient de sa sœur. Les deux sœurs Espérance s’écroulèrent dans les bras l’une de l’autre. Charlotte enfouit son visage dans les cheveux d’Élisabeth et les respira jusqu’à l’ivresse. Elles restèrent ainsi de longues minutes sans trouver rien d’autre à se dire que leurs prénoms tant de fois répétés dans leurs prières durant toutes ces années. Lorsque Charlotte s’écarta enfin, elle observa sa jeune sœur en silence. ­Élisabeth n’avait pas changé. Certes les années loin de chez elle lui avaient un peu creusé le visage, pour l’affiner et le rendre plus féminin encore. Sa peau était plus brune aussi, sans doute à cause des semaines passées en mer pour rejoindre la France. Mais ses yeux gris étaient toujours aussi vifs et profonds. Son sourire était franc et joyeux. Charlotte retrouvait la compagne drôle et spontanée de son enfance. Elle tendit la main et effleura les ­cheveux de sa sœur. Puis elle lui toucha la joue, le cou, l’épaule, le bras. Elle avait besoin de ce contact. Elle voulait être sûre qu’elle ne rêvait pas. – Où étiez-vous donc ? lui demanda-t-elle tandis que sa voix se brisait de nouveau. Je vous ai écrit des dizaines de fois en ­Angleterre mais je n’avais aucune nouvelle. Où étiez-vous ? – Au Canada, répondit simplement Élisabeth. Les yeux de Charlotte s’agrandirent sous l’effet de la surprise. 10

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– Je vous ai fait parvenir une lettre pourtant, ajouta sa sœur. Paulin, l’un de mes amis, devait venir vous trouver pour vous ­rassurer à mon sujet. Il était si difficile de communiquer depuis l’endroit où je vivais ! Charlotte secoua la tête. – Je ne l’ai jamais reçue. Je n’ai pas vu non plus votre ami. Je vous ai crue morte. Élisabeth ne répondit pas. Elle aussi avait craint le pire pour sa sœur. Lorsqu’elle l’avait laissée derrière elle, en France, le pays était plongé en plein chaos révolutionnaire. Les hommes s’entredéchiraient, se dénonçaient et s’envoyaient à la guillotine pour un oui ou pour un non. Mille et une fois, Élisabeth avait imaginé que sa sœur n’en avait pas réchappé. – Racontez-moi, supplia-t-elle. Racontez-moi tout. Alors, entre rires et larmes de joie, les deux sœurs Espérance ­commencèrent à évoquer ces onze longues années de séparation.

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I

Aux environs de Saint-Pétersbourg, avril 1890 Dimitri pousse la porte du grenier et s’aventure sous les poutres poussiéreuses. Sa mère l’a envoyé là-haut pour y trouver une malle de voyage. – Ma chère mère, je ne pars que dans cinq jours, avait pourtant rétorqué le jeune homme quelques minutes plus tôt. Rien ne sert de se presser. La ravissante Milana Rochenkovski avait balayé l’air de la main avec tristesse. – Laissez-moi me charger de vos bagages, avait-elle soupiré. Cela me distraira. Son fils unique quittait la maison familiale pour de longs mois et la pauvre femme ne pouvait s’y résoudre. – Maman ! l’avait gentiment gourmandée Dimitri. Il ne supportait pas de voir sa mère ainsi abattue. Elle était d’un tempérament si enjoué d’ordinaire. 12

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– Pardonnez-moi, Dima, avait-elle murmuré tendrement. Je n’aime pas vous savoir loin de moi. – Mais la France n’est pas si éloignée. Et ce n’est pas non plus un pays de sauvages ! Milana avait souri en regardant son fils. Il avait raison, la France n’était pas à l’autre bout du monde. Elle-même s’y était rendue plusieurs fois avec son époux, Vassili Rochenkovski. Il avait une aïeule française et il entretenait cette particularité avec une sorte de dévotion. La France était l’une de ses destinations favorites. À la maison, il mettait un point d’honneur à parler le français plutôt que le russe. Sa femme Milana s’était pliée sans effort à cette exigence. Elle aimait cette langue que lui avaient enseignée ses parents dès son plus jeune âge. Elle la trouvait belle et poétique. Les parents de Dimitri avaient donc un attachement tout particulier pour la France et il n’était pas très étonnant que leur fils ait envie de la découvrir à son tour. Cela cependant n’enlevait rien à la peine de madame Rochenkovski de le voir partir. Le grenier est encombré de vieux meubles couverts de draps. Le long des murs, d’immenses étagères croulent sous les bibelots devenus hors d’âge. Des dizaines de livres se serrent sur des tablettes qui plient sous leur poids. Dimitri repère un amoncellement de malles aux ferrures de cuivre. Elles s’empilent jusqu’à la charpente. Le jeune homme attrape la première, vacille légèrement sous son poids et la pose à terre. Celle-ci est remplie d’étoffes et de linge brodé aux initiales A et E. La vider entièrement risquerait d’endommager les beaux tissus qui n’ont pas été exposés à l’air libre 13

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depuis plusieurs années. Dans la deuxième et la troisième malle, un service de porcelaine complet est soigneusement emmailloté dans de longues bandes de tissu. Dimitri renonce également à le changer de place de peur de casser quelque chose. Certes ses parents ne touchent jamais à tous ces trésors, mais le jeune homme sait qu’ils y tiennent énormément. Cela leur vient des grands-parents de son père. La quatrième malle s’avère trop petite. Des dizaines de paires de chaussures y sont rangées. La cinquième, enfin, semble moins lourde que les autres. Dimitri la tire au milieu du grenier et actionne les deux serrures. Le mécanisme résiste quelques secondes puis se débloque dans un claquement sec. – J’ai trouvé ! se félicite-t-il. La malle ne contient en effet que quelques breloques, un châle de laine beige et un ouvrage en cuir relié entouré d’un ruban bleu dont la couleur a passé avec le temps. Le jeune homme attrape les deux poignées de cuir sur les côtés de la malle et la soulève avec facilité. En prenant garde à ne pas trébucher, il sort du grenier, referme derrière lui et descend le bagage dans la vaste pièce qui lui sert de chambre. – Voilà maman, annonce-t-il. Je pense que cette malle fera ­l’affaire. Il l’ouvre sous les yeux de madame Rochenkovski, qui tousse ­discrètement à cause de la poussière. – Il suffira de la nettoyer un peu, s’excuse Dimitri, et de la vider. Sa mère se penche alors sur le contenu de la malle et attrape une petite miniature ronde qui représente une jeune fille aux cheveux blonds et légèrement bouclés, avec de grands yeux couleur noi14

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sette. Son visage est souriant, son regard clair et son nez droit et fin lui donnent un petit air fier tout à fait charmant. – Ce sont les affaires de votre arrière-grand-mère, déclare Milana Rochenkovski sans hésiter. Votre père les garde précieusement. Dimitri détaille le portrait. – C’est elle ? – Non, répond sa mère. Je crois qu’il s’agit de sa sœur restée en France. Elle s’appelait Charlotte. La femme se penche de nouveau vers la malle et en extrait l’ouvrage enrubanné. – Et ceci doit être ses mémoires. Je les ai feuilletés autrefois. – Les mémoires de mon arrière-grand-mère ? interroge Dimitri. Sa mère hoche la tête tout en dénouant le ruban. Elle ouvre le livre à la première page et lit à haute voix : – Ce livre appartient à Élisabeth d’Espérance, née le 5 juin 1775 au château de l’Espérance près de La Rochelle, France. Elle laisse filer entre ses doigts les pages de l’ouvrage. Elles sont toutes recouvertes d’une écriture petite et nerveuse. – Oui, ce sont bien ses mémoires, déclare-t-elle en refermant le livre et en le posant sur le lit de son fils. – Me permettez-vous de les garder ? demande-t-il alors. Cela m’aidera à passer le temps durant le voyage. Sa mère hausse les épaules. Après tout pourquoi pas ?

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II

Dans un train, non loin de La Rochelle, avril 1890 – Pensez-vous que nous allons voir la mer ? Émilie presse son visage contre la vitre du compartiment. Elle scrute le paysage avec une attention extrême dans l’espoir d’apercevoir l’océan Atlantique. De toute sa vie, elle n’est jamais allée aussi loin. Émilie est née à Lyon, il y a de cela vingt ans à peine, et n’a jamais vécu autre part. – Je l’ignore, avoue Constance qui partage l’excitation de sa meilleure amie. Les deux jeunes filles ont quitté Lyon l’avant-veille pour un voyage de deux semaines. Elles vont rejoindre pour une retraite de plusieurs jours sœur Marie-Agnès, religieuse chez les Filles de la Charité à l’orphelinat de l’Espérance. Quatre mois avant son mariage avec Théophile, Émilie Décochet a besoin de prendre quelques jours hors du monde pour bien se préparer. Lorsque sœur Marie-Agnès lui a proposé de l’accueillir, elle a aussitôt accepté 16

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et invité Constance à être du voyage. Cette dernière n’a pas été longue à se décider. Elle était enchantée de revoir leur amie religieuse et de découvrir enfin le château de l’Espérance. Elle espérait aussi secrètement que ces quelques jours de prière et de réflexion lui permettraient d’y voir plus clair. Depuis plusieurs semaines en effet, Constance s’interroge sur sa vocation sans parvenir à prendre une décision. Un jour, elle rêve de fonder une famille. Le lendemain, elle se sent prête à offrir sa vie au Seigneur. Son cœur est tiraillé. La jeune fille envie Émilie qui se prépare au mariage avec sérénité ou sœur Marie-Agnès si épanouie dans sa vie religieuse. Soudain, la campagne défile un peu moins vite derrière la fenêtre. Des bruits stridents déchirent l’air. Le train commence à freiner. Dehors, les champs laissent la place à des maisons de briques et de pierres. Puis le convoi pénètre sous une immense verrière ouverte sur le ciel et s’arrête tout à fait. – La Rochelle, enfin, soupire Émilie. Le trajet a été long. Depuis deux jours, les jeunes filles ont passé beaucoup de temps dans les trains et les gares. Il leur tarde de respirer le grand air et de faire un peu d’exercice. Émilie et Constance sont les deux premières à sortir du train. Elles n’ont même pas pris la peine de nouer un chapeau sur leur tête afin de se protéger du soleil, au grand dam de leurs fidèles accompagnatrices. Eugénie et Ernestine, leurs deux gouvernantes, ont pour mission de ­chaperonner ces demoiselles alors qu’elles sont loin de chez elles. Théophile, le frère de Constance, a redoublé de recommandations auprès d’Ernestine avant le départ. 17

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– Veillez bien sur Émilie aussi, lui avait-il dit. Je ne veux pas qu’il lui arrive du mal ou qu’elle s’entiche d’un autre jeune homme que moi. Ernestine avait rougi de l’audace de son jeune maître. – Monsieur Théophile ! Vous savez bien que mademoiselle Émilie n’aime que vous. Il suffit de voir la façon dont elle vous regarde. Théophile avait feint de ne pas prendre garde aux propos de la domestique mais, en réalité, il aimait s’entendre dire que sa fiancée était folle amoureuse de lui. Il allait épouser la jeune fille d’ici quatre mois et il n’en revenait toujours pas d’avoir trouvé une aussi douce compagne pour le restant de ses jours. Sur le quai, une silhouette attire immédiatement l’attention des deux amies. Avec sa cornette blanche parfaitement amidonnée et son long habit noir, sœur Marie-Agnès passe difficilement ­inaperçue. Émilie et Constance se précipitent au-devant d’elle. – Sœur Marie-Agnès ! La religieuse se retourne et aperçoit les deux jeunes filles. Son beau visage constellé de taches de rousseur s’éclaire tout à coup. – Émilie ! Constance ! Elle dévisage ses deux amies en souriant. Elle leur trouve un air changé. La première et dernière fois qu’elle les a rencontrées, c’était il y a trois ans. Depuis, elles entretiennent une correspondance soutenue mais elles n’avaient jamais eu l’occasion de se revoir. – Émilie, l’amour vous va si bien, constate sœur Marie-Agnès. Émilie est ravissante en effet. Elle a relevé ses cheveux bruns 18

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et les a attachés sur sa nuque afin de dégager son visage, dont les yeux marron presque noirs brillent intensément. – Constance, quelle allure ! commente la religieuse. Constance a hérité de l’extrême élégance de sa maman. Elle sait toujours choisir avec un goût exquis les robes et accessoires qui mettront le plus en valeur ses yeux bleus et son joli minois de blonde. Si elle raffole de la mode et de son univers, Constance n’en est pas pour autant une jeune fille frivole et sans intérêt. Elle fait preuve au contraire d’une profondeur rare pour une personne de son âge. Sans compter sa bonté immense, qui la porte à partager avec le plus pauvre tout ce qu’elle a. À Lyon, où elle œuvre avec la Société Saint-Vincent-de-Paul, il n’est pas rare de croiser une pauvre femme avec le col de dentelle ou les rubans de satin que Constance portait le jour où elle la visitait. – Et vous ma sœur, vous êtes très en beauté ! la taquine Constance à son tour. Sœur Marie-Agnès sourit avec coquetterie : – L’amour me donne des ailes ! L’amour de notre Seigneur bien entendu, ajoute-t-elle en retrouvant son sérieux. Émilie et Constance se regardent : leur amie n’a pas changé. Elle est toujours aussi enjouée et spontanée. – J’espère que votre voyage ne vous a pas trop fatiguées, demandet-elle inquiète. Émilie et Constance secouent la tête. – Tant mieux, s’exclame sœur Marie-Agnès en frappant dans ses mains, car je vous ai réservé une petite surprise ! Une petite flamme s’allume dans ses yeux. 19

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– Un pèlerinage ! annonce-t-elle. – Un pèlerinage ? répète Émilie, dépitée. – Sur les traces des sœurs Espérance ! poursuit sœur Marie-Agnès avec entrain. Vous n’imaginiez tout de même pas que vous y échapperiez ! Il est indispensable que vous connaissiez les lieux avant votre retraite, non ? J’ai passé de longues heures à rechercher tous les sites où Charlotte et Élisabeth avaient pu aller. C’est si passionnant ! Émilie applaudit. Depuis qu’elle connaît les sœurs Espérance, sa vie n’est plus la même. Se lancer sur leurs traces dans la région qu’elles aimaient lui plaît beaucoup.

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rintemps 1803. Après onze ans d’absence, Élisabeth d’Espérance est enfin de retour au château familial. Hélas, les retrouvailles avec sa sœur Charlotte sont de trop courte durée. Pour protéger Maria, une petite russe mystérieusement abandonnée par ses parents, Élisabeth doit fuir avec elle. Quel terrible secret menace la vie de l’enfant à la voix d’ange ? La Rochelle, 1890. Émilie et Constance, en retraite à l’Espérance, font la connaissance de Dimitri Rochenkovski. Celui-ci vient d’arriver de Saint-Pétersbourg. Dans ses bagages, les mémoires de son aïeule… une certaine Élisabeth d’Espérance ! Une fois encore, la vie des sœurs Espérance va bouleverser celle des deux amies ! Quel est ce trouble qui envahit Constance à chaque apparition du jeune homme russe ? Celle-ci parviendrat-elle à trouver le chemin du bonheur ? Entraînées par leur curiosité, Constance et Émilie sont plongées au cœur d’une des plus grandes énigmes de l’histoire de la Grande Russie… Dans la même collection : L

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a Rochelle, 1792. À bord du bateau qui doit l’emmener en Angleterre, Élisabeth d’Espérance songe à ce qu’elle quitte dans sa fuite : un pays en pleine Révolution, le château familial et surtout Charlotte, sa chère sœur. Lors de la traversée, un étrange passager lui confie un petit reliquaire avant de disparaître. Élisabeth comprend bientôt que ce mystérieux objet attire bien des convoitises et que de graves dangers guettent celui qui le possède… Un siècle plus tard, c’est avec passion qu’Émilie se plonge, avec son amie Constance, dans la lecture du journal de voyage d’Élisabeth. La jeune fille y découvre ses joies, ses peines et sa profonde confiance en Dieu. Elle ne peut se douter que ce livre l’entraînera au cœur d’une inquiétante affaire, au péril de sa vie… Secrètement amoureuse de Théophile, Émilie ignore les réels sentiments du jeune homme. Verra-telle l’amour triompher ? Dans la même collection :

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