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Conseils et pistes pour Reussir ce changement de vie un temps a savourer MAME
Conseils et pistes pour Reussir ce changement de vie un temps a savourer MAME
Lorsque les éditions Mame nous ont proposé d’être auteurs du présent ouvrage, nous n’avons guère hésité. Nous avons com pris que si nous étions ainsi sollicités, c’est que notre vision de la retraite avait été repérée, remarquée. Pour sa singularité et pour les effets qu’elle produit chez ceux qui cheminent ensemble au sein du Mouvement chrétien des retraités (MCR). Ce constat nous oblige : il nous fait un devoir de témoigner que le temps de la retraite peut être vécu avec bonheur, dans une ouverture consciente aux réalités du monde, associée à une recherche de sens prolongeant ce qui nous a construits au fil des ans.
Deux d’entre nous ont puisé dans la mémoire, les actes et les écrits de notre mouvement afin de nourrir le propos de ce livre. Cet ouvrage s’appuie ainsi sur une forme de relecture de vie collec tive, celle des milliers de retraités passés dans nos équipes.
Il reflète de la façon la plus fidèle possible ce que vivent nos 18 000 adhérents et nos 2 500 équipes à travers la France et l’outre-mer. Dans un climat de confiance qui autorise l’expression de ressentis parfois très intimes, tous s’encouragent, dans la convi vialité et l’amitié, sur ce parcours certes radieux, mais parfois cail louteux, qu’est la vie d’après le travail. Ils le font aussi à la lumière des textes de l’Évangile.
Et parce que leur identité de « mouvement d’action catho lique » comporte le mot « action », ils s’obligent aussi à agir, au cœur du monde, sur leur lieu de vie. Selon leurs forces, leurs res sentis, leurs inclinations, beaucoup s’investissent dans quatre grands domaines.
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Le dialogue interreligieux et le désir d’être pleinement ac teurs du vivre ensemble, en pleine bienveillance, les mobilisent tout d’abord. La santé — « un défi à nos âges ! » — est pour eux un autre terrain de réflexion et d’action autour des questions du vieillissement (le leur et celui de leurs proches), et de l’accompagnement des plus fragiles, jusqu’à la fin de vie. Ils se veulent également militants d’une relation aimante et apaisée entre générations, désireux de transmettre les valeurs qui les animent sans étouffer, jamais, les élans et aspirations des plus jeunes. De nombreuses équipes s’engagent enfin, très concrètement et dans la durée, pour répondre à l’appel du pape François à entendre « tant la clameur de la Terre que la clameur des pauvres… », une ligne de vie qui tra verse les thématiques précédentes.
Ces engagements, ils les conduisent avec la conviction qu’ils ont une mission, majeure : se faire passerelles entre les plus jeunes leurs petits-enfants, petits-neveux, petits voisins — et les plus âgés qu’ils entendent accompagner dans l’amour, la bienveillance et la dignité jusqu’à la fin de leur vie.
Sur ces chemins, tous ces retraités démontrent, s’il en était besoin, que le temps de la retraite peut être fécond, ouvert, heu reux, habité de projets… à condition de s’y préparer. Aider chacun à l’aborder, c’est l’ambition concrète, mesurée mais résolue, des pages qui suivent.
Anne-Marie Maison
Présidente du Mouvement chrétien des retraités.
Créé en 1988, le Mouvement chrétien des retraités a succédé au mouvement Vie montante (né en 1961). Ses adhérents, présents dans tous les diocèses de France, se retrouvent chaque mois en équipes pour des « relec tures de vie » éclairées par les textes bibliques et contemporains, rassemblés dans un Livret de campagne d’année (diffusé à 25 000 exemplaires par an). Ils pro longent ces rencontres en portant témoignage et en agissant « au cœur du monde », chacun à leur mesure.
En 2019-2022, dans le cadre de l’opération « Vivons Laudato si’ en équipes », en réponse à l’encyclique du pape François, près de 4 000 adhérents ont ainsi conduit, sur le terrain, des actions très concrètes.
Je remercie Catherine Decout, ex-enseignante, et Gwenaël Demont, ex-journaliste, respectivement membres du MCR depuis 2009 et 2015, qui ont assuré la rédaction du présent ouvrage.
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9 jalonnent les pages des romans des xviiie et xixe siècles. Jusque-là, il paraissait à peine anormal qu’à l’approche de la vieillesse, les mieux lotis puissent vivre des revenus du capital qu’ils avaient constitué au fil des ans, quand les plus pauvres devaient s’en remettre à la solidarité familiale ou continuer à gagner tant bien que mal leur pain quotidien en assurant de menus services… dans la mesure où leur santé les portait. Si d’énormes inégalités demeurent, et sauf carrières chahutées, le retraité d’aujourd’hui a, en contrepartie des cotisations versées, une retraite, même mo deste — que certains ont parfois appelée « le capital de ceux qui n’en ont pas ».
Parallèlement, et bien sûr sauf accident ou maladie, beau coup de sexagénaires et septuagénaires ont la chance d’aborder et de parcourir ce « temps en plus » en plutôt bonne santé. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil autour de soi. Combien de retraités, très allants et actifs, ressemblent à s’y méprendre à des hommes ou des femmes encore au travail ! Le temps de la « force de l’âge », terme qui désignait naguère plutôt les quinqua génaires en bonne forme physique et intellectuelle, semble bien s’être déplacé, lui aussi, de vingt ans.
La société tout entière, des institutions, des mouvements s’adaptent à ce paysage nouveau. C’est ainsi que Vie Montante est devenue le Mouvement chrétien des retraités, traduisant le pas sage d’un mouvement de pure spiritualité à un mouvement d’action (catholique). Elle actait ainsi la place nouvelle dévolue aux laïcs dans l’Église suite aux avancées conciliaires… mais aussi la capacité de ces nouveaux retraités à agir.
Alors oui, beaucoup de retraités ou futurs retraités ont devant eux une ou deux décennies de vaillance préservée, assortie d’une forme de liberté retrouvée dans la mesure où ils n’ont plus la nécessité de « gagner » leur pain quotidien. Mais que faire de ces années en plus ?
Si vous n’y avez pas pensé, d’autres l’ont fait pour vous. Il vous suffit pour vous en convaincre de parcourir les allées des « salons des Seniors » qui, chaque année, effectuent un tour de France des grandes villes françaises. En dehors des stands dédiés aux placements financiers, les propositions de croisières, villages de vacances et autres hôtels de luxe y sont légion. Il n’y a que l’em barras du choix. Nous sommes bien loin de la pantoufle et de la robe de chambre, attributs favoris de nos grands-parents représentés à l’envi dans les bandes dessinées de notre enfance.
Bien sûr, ces propositions témoignent, au passage, que la société s’attend à voir ses retraités de plus en plus actifs. Il faut s’emparer de cette idée et relever le gant… mais pas obligatoire ment sur les lignes toutes tracées par les vendeurs de rêves et d’élixirs de jouvence. Il y a sûrement matière à de nouvelles façons, non pas de passer, mais de vivre sa retraite sans occulter une aspi ration légitime au bonheur.
Ce temps en plus — présenté comme un cadeau — peut être, en effet, l’occasion de révéler des talents et des capacités que nous n’aurions pas réussi à exprimer auparavant ; dont nous n’avions peut-être pas même conscience. Bien préparer sa retraite, au xxie siècle, c’est prendre en compte une réalité nouvelle.
Or — et c’est la bonne nouvelle — il y a aujourd’hui plus qu’hier des propositions, des engagements qui peuvent rendre heureux car ils permettent d’exprimer des talents cachés ou à acquérir, de faire vivre le lien avec d’autres humains. Les retraités ne sontils pas déjà les chevilles ouvrières de nombreuses associations ?
Le bonheur peut également entrer par cette porte. Il en fut ainsi pour ce bénévole à qui une personne qu’il aidait dit un jour : « J’espère que mon bébé rencontrera dans la vie des gens comme vous…
sécurité financière pour certains, santé et temps disponible… pour le retraité d’aujourd’hui, les cartes sont rebattues. Mais il faut préparer la suite, avec une ligne directrice que nous espérons décliner dans ce guide : choisissons la vie et faisons-la fructifier comme l’ont fait les serviteurs dans la parabole des talents.«
Ce n’est pas parce que je suis un vieux pommier que je donne de vieilles pommes… », répétait l’écrivain et chanteur qué bécois Félix Leclerc. Tout retraité en est évidemment convaincu. Il reste à ne pas oublier la question qui compte : « À qui vais-je offrir ces belles pommes ? Avec qui vais-je les déguster ? »
Le mot « retraite » apparaît en ancien français au xiie siècle. Il est formé à partir du participe passé du verbe « retraire », issu du latin retrahere, formé d’un préfixe signifiant « en arrière » et d’un radical signifiant « tirer ». Il désigne, au départ tout mouvement en arrière ou mise à l’écart.
Ce sens concret subsiste dans des domaines particuliers, comme l’armée, la religion ou encore la chasse à courre.
Dès la fin du xvie siècle, le mot prend un caractère plus abstrait et l’éloignement qu’il évoque n’est plus néces sairement un éloignement physique. Il renvoie toujours à la notion de changement mais, plus qu’un changement géographique, celui-ci concerne désormais le mode de vie, la situation sociale ou professionnelle…
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ivement la retraite ! » Qui n’a jamais entendu ces mots ? Peut-être les avez-vous même prononcés ? Formulée par des personnes encore jeunes, cette phrase révélatrice montre que, pour beaucoup, la retraite est per çue comme un but à atteindre, idéalisé, rêvé, fantasmé peut-être. Dans un autre contexte, ces mêmes mots sont parfois soupirés par des gens encore actifs pour signifier combien la contrainte du travail leur pèse. Prononcés d’une voix lasse, ils expriment à quel point certains sont épuisés (ou ont le sentiment de l’être) après une vie de labeur. On constatera au passage que les plus « abîmés » par le travail ne sont pas forcément les premiers, ni les plus nombreux, à dire ces mots… Mais l’image que l’on se fait de la retraite est très person nelle, individuelle, singulière ! Pour l’aborder, il faudra donc viser le « sur-mesure » et le « cousu main ».
«
S’attarder un moment sur ce « Vivement la retraite ! » est peut-être nécessaire pour chacun de nous s’il veut se préparer, un peu, à ce futur ainsi idéalisé…
Ce temps apparaît donc pour les uns comme un Graal à conquérir absolument. D’autres le voient comme un droit gagné (et qu’il serait antidémocratique de remettre en cause) au fil des cotisations versées, durant quarante ans ou plus, de salariat ou de travail indépendant. Pour d’autres encore, c’est le sentiment de liberté enfin (ou bientôt) acquise que recouvre cette exclamation : « Je vais enfin pouvoir faire ce que je veux ! » Dans tous les cas et c’est quand même un bon point de départ — s’exprime cette conviction que demain sera meilleur !
Pourtant, chacun d’entre nous peut aussi le constater, le paradis attendu n’est pas systématiquement au rendez-vous, et la retraite n’est pas forcément ce jardin d’Éden imaginé. « Alors, content ? La retraite, c’est plutôt sympa, non ? », demande-t-on gentiment à cette ex-relation professionnelle croisée dans la rue quelques mois après son départ. « Ah non, je m’ennuie… si vous saviez comme je m’ennuie ! »
Il en va de même de cet ancien médecin de famille septua génaire, rencontré dans un centre de vaccination anti-covid. Bien sûr, il a répondu à l’appel à la solidarité et il « fait le job » avec cœur, ce dont il faut le remercier. Mais il « papillonne » aussi, d’un infir mier à l’autre, visiblement content de multiplier les occasions de faire la causette. Et quand on l’interroge, il ne le cache pas : « Enfin, il se passe quelque chose de nouveau dans ma vie ! Depuis que j’ai cessé mon activité, c’est un peu terne… »
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Ces anecdotes illustrent combien il est important de perce voir que ce temps nouveau de la retraite se traduit d’abord par la disparition de certains des « cadres » ou cadrages qui nous étaient familiers.Certes les contraintes horaires, les consignes énoncées ou im posées sans tact par une hiérarchie quelquefois maladroite (ou des clients capricieux pour les travailleurs indépendants) pesaient lourd. Mais, un peu paradoxalement, elles pouvaient constituer pour cer tains, qu’ils en soient conscients ou non, une forme de sécurité. Une fois cette « protection » disparue, ces mêmes personnes peuvent avoir le sentiment de se retrouver « en plein désert » et éprouver une forme d’angoisse des heures et des jours à occuper… surtout si les « grandes vacances » annoncées n’ont pas été vraiment préparées. Un horizon complètement ouvert peut donner le vertige !
Cette perception peut s’avérer encore plus aiguë pour ceux qui n’ont pas ou peu de famille ou de proches… donc moins d’acti vités spécifiques à l’investissement familial.
Dans tous les cas, on le voit, il y a là comme une forme de défi : celui de reprendre la main sur sa vie, sur son déroulement, son sens et ses projets.
Le mot « retraite » est plein d’ambivalence et même de polyvalence ! Comme bien d’autres dans notre langue française, il se fait malicieux, couvrant des réalités différentes, presque oppo sées parfois, selon la manière dont on l’emploie.
En contexte militaire ou géopolitique, la retraite est le repli. « Battre en retraite » suscite ainsi la honte, d’autant que l’acte
À l’opposé, l’expression « faire retraite » ou « faire une retraite », familière aux plus religieux d’entre nous, ouvre de bien plus riches perspectives. Ici, le mot « retraite » se fait synonyme d’isolement pour une réflexion personnelle, un temps privilégié de méditation, de préparation au rebond… pour une vie nouvelle. Il associe même deux attitudes qui rendent ce temps bien fertile : réfléchir à l’avenir en s’appuyant sur le passé, et rassembler ses forces pour aller vers de nouvelles dynamiques. C’est se donner une chance d’aborder véritablement la retraite comme une page de vie, nouvelle, certes, et surtout non « retirée ».
17 précède souvent de peu la défaite. Il serait désastreux que cette perception contamine l’idée de départ en retraite ! On se résignerait alors devant un ennemi — réel ou figuré, extérieur ou in térieur — lui abandonnant la place pour rejoindre une planque où les jours s’écouleraient tranquillement, en attendant… quoi ?
Alors faisons retraite, oui… mais comment ? Tout d’abord individuellement, en ouvrant simplement les yeux. Observons autour de nous comment vivent ceux qui nous ont précédés de quelques années. Sans surprise, nous découvrirons les uns épa nouis, et d’autres plus moroses, voire angoissés, les uns faisant en vie, d’autres inspirant presque de la compassion.
Multiplier les occasions de rencontre avec nos aînés de quelques trimestres est une première approche sur ce chemin de la préparation à la retraite. Nous pouvons d’abord la mener, seul, bien sûr, à condition de consigner, en soi ou sur le papier, le fruit de nos observations. Nous pouvons aussi dans un second temps le décou vrir à plusieurs : échanger avec d’autres à ce propos nous évitera peut-être de passer à côté d’aspects essentiels.
Ouvrir les yeux, pour observer, rencontrer, questionner…
Il existe depuis quelques années des possibilités de se faire accompagner par un coach dans cette réflexion et cette anticipation du demain, y compris dans le cadre d’une formation spirituelle. Si une partie des travailleurs échappe encore à ces invites, des entreprises et des caisses de retraite proposent pour tant, en amont, des sessions de préparation à la retraite. Profitez de ces occasions si elles vous sont offertes… Ne les laissez surtout pas passer !
Ces formations ont en effet l’avantage de balayer, et souvent de croiser, la multitude de dimensions qui feront votre quotidien une fois l’heure venue.
Il s’agit d’abord de permettre aux personnes de prendre conscience de la place qu’avait pour elles le travail alors qu’elles vont en être « libérées », et de ce que cette « libération » signifiera pour elles. Il y a en effet une forme de concurrence entre l’euphorie du temps que l’on a devant soi et une certaine angoisse face à ce temps.
Chacun doit ainsi réfléchir à l’âge qu’il a dans sa tête, dans son corps, à l’impact du vieillissement présent et à venir ; découvrir cette nouvelle identité et ce que l’on a à perdre… mais aussi à gagner dans ce nouvel état.
Il faut se poser ces questions au moins un an à l’avance, car il y a un travail intérieur à faire face à ce chamboulement. Pouvoir se dire : « Voilà où j’en suis. Qu’ai-je envie de faire ? Et ai-je envie d’en discuter avec mon entourage ? »
Lors des sessions de préparation à la retraite, un premier tour de table permet à chacun de dire qui il est… tout en conservant une certaine retenue. Puis, progressivement, les ateliers et échanges offrent la possibilité d’aller plus loin.
Le temps de parole doit rester majoritairement aux participants, pas aux animateurs !
Le groupe apporte un supplément de sens à la réflexion, nous aide à nous sentir moins seul avec nos questionnements, dissipe les inquiétudes que nous pouvions ressentir.
Et puis l’échange d’expériences diverses alimente la réflexion individuelle et évoque des thématiques auxquelles nous n’avions pas pensé d’emblée.
Dans tous les cas, il importe que chaque participant soit amené à produire (même si ce travail peut pour partie rester personnel), sous une forme pérenne (écrit ou autre) au moins une amorce de projet « pour action » et pour l’avenir.
Un travail individuel complémentaire peut aussi s’avérer pertinent.
D’après le témoignage de Valérie, psychologue, animatrice de sessions de préparation à la retraite.
La première de ces dimensions peut sembler bassement ma térielle. Il s’agit d’évoquer les ressources financières et la gestion d’un budget qui va peut-être, pour certains, se modifier, voire se contracter à l’heure de la retraite. L’information s’étendra aussi à la gestion du patrimoine, quand il y en a, ou encore à la préparation des successions.Lepropos du présent livre n’est pas d’évoquer ces aspects qu’abordent avec talent les notaires, assureurs et autres spécia listes. Mais ces notions ne sont pas pour autant à ignorer ou mé priser, à une époque où, par exemple, l’actualisation périodique du
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montant des pensions n’est plus systématique. La volonté socié tale de répondre aux défis climatiques peut aussi avoir de lourds impacts sur notre vie de tous les jours, notre logement, nos dépenses, nos déplacements. La manière d’aborder et de résoudre ces questions matérielles n’est pas sans effet sur les projets et les possibilités du nouveau retraité. Elles peuvent en effet « plomber » une tranquillité d’esprit sans laquelle il est parfois plus compliqué de répondre à certains appels, engagements ou envies…
La seconde dimension touche aux questions de santé. Cer tains retraités, passionnés d’automobile, évoquent avec humour la nécessité d’une « révision des 100 000 » ou de la (dernière ?) mise à jour du carnet d’entretien. C’est peut-être un poncif, mais notre état de santé (évidemment évolutif) conditionne lui aussi peu ou prou nos initiatives présentes ou futures et conduit à penser, au fil du temps, à des adaptations éventuelles. Des spécialistes de la prévention et du soin sont là pour nous éclairer en la matière… ce qu’ils font lors de ces sessions. La responsabilité du retraité est ensuite de ne pas hésiter à les questionner quand il le faudra.Mais le vrai plus de ces sessions est d’offrir à chaque « sta giaire » l’opportunité de mieux se connaître.
« Il faut rêver. Le rêve donne une direction… » Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, La Grande Librairie, France 5.
Découvrir sa nouvelle identité
L’idée est de permettre à chacun de découvrir cette nouvelle identité ou part d’identité qui va naître d’une disponibilité désormais sans limite. Pour y parvenir, il faut faciliter la prise de conscience, par chacun, de l’ampleur des bouleversements qu’entraîne
Il s’agit ensuite de créer un climat favorable au lâcher-prise grâce auquel chacun peut se libérer des poids de son passé qui l’empêcheraient de tracer un nouveau chemin, de s’ouvrir ou d’élar gir, sans entrave malvenue, le champ des possibles. Généralement animés par des psychologues, ces temps s’appuient sur de multiples techniques ou véhicules : commentaires d’images, formulation écrite ou mime de ses rêves les plus fous, etc.
21 l’arrêt, total ou partiel, de l’exercice de son métier. L’approche rompt avec celle que l’on connaissait auparavant au travail. En entreprise, le principe — idéal ou vertueux — est que le projet commun d’assu rer les missions, y compris sociétales, de cette entité économique, soit renforcé s’il parvient à conforter chacun dans son projet indi viduel… Avouons-le, à l’usage, il y a parfois des déçus.
L’objectif est bien que chacun reparte avec au moins les premières lignes d’une feuille de route qu’il fera sienne pour les dix, vingt ans (ou plus) à venir. Pour atteindre cette ambition, la dynamique de groupe peut jouer un rôle essentiel… si l’on a su créer et faire vivre la confiance. Chacun, même le plus timide ou le plus pudique, peut se découvrir des ressources ou un droit à rêver qu’il ne se connaissait pas. On n’est pas loin ici d’une approche que connaissent bien les mouvements d’action catholique rompus à la pratique de la relecture de vie.
En matière d’accompagnement des futurs retraités, les asso ciations sont loin d’être inactives. Même si la pratique n’y est pas aussi développée que lors des formations proposées par les caisses de retraite ou autres, de beaux programmes existent.
Ainsi le Mouvement chrétien des retraités a-t-il conçu en 2017 un parcours de groupe intitulé « Vivre ma retraite », dont les étapes peuvent inspirer tout un chacun dans son propre cheminement.L’objectif de ce parcours est d’amener les retraités futurs ou récents à réfléchir à la manière dont ils peuvent faire de ce temps nouveau une nouvelle vie. Il doit les conduire à identifier — de manière très personnelle, voire intime — leurs interrogations et appréhensions face à la retraite. Il doit aussi les aider à déceler les attentes et même les rêves qu’ils ne se sont pas, jusque-là, autorisés à laisser émerger, ainsi que les domaines dans lesquels ils ont le plus vocation à s’engager et/ou à se réaliser demain (dans un cadre qui peut être confessionnel ou chrétien, mais pas uniquement).L’itinéraire de questionnement défini pour ces sessions (voir encadré p. 18) peut aussi baliser la réflexion individuelle de chacun… Ce peut être une première étape. Il faudra ensuite hiérarchiser cet état des lieux, surtout pour amorcer le passage à l’action. Dans cette démarche, les échanges et la confrontation bienveillante avec le groupe constitueront un atout certain.
Fin 2021, le journal Ouest-France consacrait un article à un personnage sortant de l’ordinaire qui fêtait ses 100 ans : Joseph Chevalier.
En 1984, à 63 ans, cet agriculteur de Loire-Atlantique perd son épouse. À l’heure de la retraite, « ayant envie d’ailleurs», il laisse son exploitation à ses fils et rejoint un ami engagé dans l’aide aux personnes en difficulté. À l’époque, des amis envoyaient du matériel agricole au Nicaragua, notamment des outils de travail du sol et à traction animale… devenus obsolètes en France, mais répondant parfaitement aux besoins des petits paysans de là-bas. Il se joint à eux, apprend l’espagnol, assure des missions d’accompagnement technique en Amérique du Sud. En 1989, il est l’un des fondateurs de l’association Échanges Solidarité 44 qui finance l’envoi de containers entiers de matériel vers le Nicaragua et accompagne les paysans du pays dans d’autres projets : stockage des denrées, transformation de produits, etc.
Au total, Joseph Chevalier aura passé là-bas près de dix ans de sa retraite… une vie à part entière ! Il y gagne au passage ce surnom donné par ses amis nicaraguayens : « Chépito » (Petit Joseph).
Ce qui l’a poussé ? La lecture d’un article consacré à sœur Emmanuelle, où il avait découvert que celle-ci avait lancé l’aventure des chiffonniers alors qu’elle avait… 63 ans, elle aussi. « Pourquoi pas moi ? » s’était-il dit alors.
Pour bien aborder le temps de la retraite, pour le rendre pro ductif et fécond, pour qu’il ne soit pas l’attente immobile de l’après, il faut être à l’aise avec soi-même. Cela nécessite de définir ses marges de progrès en la matière…
Première condition d’une retraite sereine, être bien dans son corps demande évidemment quelques précautions simples, parfois laissées au second plan. Parmi les sujets qui demandent une attention particulière :
• l’alimentation (veiller à un régime équilibré),
• la pratique d’une activité physique adaptée,
• la prévention santé.
Si elles peuvent sembler simplistes ou fastidieuses, ces ques tions peuvent aider chacun à progresser. Les réponses apportées constituent de premiers pas sur ce chemin nouveau, cette tranche de vie à part entière qu’est la retraite.
Il en est de même de la nécessité incontestée d’être bien dans sa tête. Elle implique, entre autres, d’accepter de se bâtir une nouvelle identité, de s’écouter et d’avoir confiance en soi, de se réserver des temps de silence et de repos, de savoir garder sa liberté et dire parfois non à des sollicitations trop nombreuses.
Sans aller jusqu’à parler d’examen de conscience, se redire à soi-même où l’on en est sur chacun de ces sujets doit permettre d’avancer.
Tout en étant assez proche de la précédente (être bien dans sa tête), une troisième idée, être bien dans son esprit, repose sur quelques autres ressorts :
• rester curieux et attentif au monde qui nous entoure, continuer d’enrichir ses connaissances,
• s’intéresser et s’adapter aux nouvelles technologies et à leurs conséquences et/ou leurs applications,
• savoir se Certainsressourcer.retraités sensibles à une quête de spiritualité y ajouteront, dans une autre dimension :
• s’ouvrir à la vie intérieure,
• réfléchir à la dimension sacrée de la vie.
Psychiatre et gériatre, le Dr de Ladoucette résume ainsi certains de ces enjeux : « La vieillesse s’avère une formidable réserve de vie spirituelle. Comme on n’est plus dans la séduction ni dans la course au succès, on peut enfin se détacher du faire et de l’avoir pour accéder à l’être : prendre le temps de développer sa conscience, de cultiver la sérénité, d’améliorer sa connaissance de soi pour reprendre contact avec la dimension sacrée de la vie1 . »
Consacrer plus de temps à sa famille, voir grandir enfants et petits-enfants, leur transmettre ce qui nous tient à cœur (avec le désir parfois de laisser ainsi une trace, de nourrir le souve nir, etc.), bien rares sont les retraités qui ne formulent pas ces ambitions. Quoi de plus logique à l’heure où, plus qu’hier, les retraités se trouvent au cœur des échanges entre au moins trois, et parfois quatre, générations ?
À l’usage pourtant, répondre à ce défi implique souvent de franchir bien des obstacles, y compris au plus profond de soi,
1 La Vie, 8 avril 2014.
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d’accepter bien des remises en cause, même vis-à-vis de valeurs ou de pratiques que l’on chérissait… C’est pourquoi il faut soigner « l’état des lieux ». Il recouvre plusieurs sphères de vie avec, à chaque fois, des clés et des approches différentes.
Le premier lieu concerné est bien sûr le couple, pour ceux qui ont la chance de vivre à deux. Le défi y est d’inventer de nouveaux équilibres. Cela peut aller jusqu’à la nécessité de reformuler un projet à deux, dans le respect des centres d’intérêt et engagements de chacun, de pérenniser, réactiver ou renouveler des relations affectives forcément impactées par le temps.
Ah, les enfants ! Ils ont — ou pas — fait « leur trou » depuis longtemps, suivi des chemins que l’on a aimé ou non les voir prendre, ils se sont éloignés ou, à l’inverse, n’en finissent pas de couper le cordon… Avec le temps offert par la retraite, il va fal loir, là aussi, ajuster les liens : rester disponible et savoir écouter, respecter sans juger, de plus en plus souvent prendre en compte les évolutions de nouvelles cellules de vie, ces « autres » familles (recomposées, homosexuelles…) que l’on accueille et que l’on tolère… ou pas.
Avec les petits-enfants, ou les petits-neveux si l’on est céli bataire, ce sera encore autre chose. Il s’agira de garder sa liberté tout en étant disponible, d’entretenir des relations spontanées et privilégiées, de transmettre des valeurs et d’être un référent… sans pour autant être lourd !
Enfin, le jeune retraité ayant encore ses parents âgés — une situation très commune aujourd’hui — aura à relever des défis
À chacune de ces sphères, sa feuille de route… mais là encore, pour l’établir, le nouveau retraité devra se livrer à un inventaire serré ! L’enjeu — à partager avec les plus jeunes —, le pape François le situe ici : « Le lien entre les générations est une garantie d’avenir et d’une histoire vraiment humaine. C’est la famille qui introduit la fraternité dans le monde. »
Les retraités n’ont pas attendu pour être présents sur ce front. En témoigne la proportion d’entre eux qui sont engagés dans de multiples associations ou mouvements où ils ont su se rendre indispensables. Il y a bien longtemps qu’ils ont fait leur cette devise : « La relation aux autres, c’est ce qui nous rend humains. »
27 que les générations d’avant ont peu connus : ne pas les oublier, rompre l’isolement tout en respectant leur liberté et leurs fragilités éventuelles, tâcher de les accompagner jusqu’à la fin de leur vie, affectivement… et matériellement quelquefois.
Nombre de nouveaux retraités n’ont pas non plus attendu pour créer leur propre association.
« Revisiter » ses engagements
L’entrée en retraite est sans doute le bon moment pour revi siter ses engagements, en envisager de nouveaux. De plus, dans une société où certains céderaient volontiers à la tentation de l’âgisme (ou la discrimination par l’âge), il est important que les seniors Selon une étude Insee de 2008, confirmée depuis, 48 % des présidents d’associations sont des retraités ; ils représentent 62 % des présidents dans les associations caritatives ou humanitaires, 46 % dans l’action sociale et 59 % dans les associations de défense des intérêts.
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marquent, et fortement, leur volonté de demeurer citoyens à part entière. La création, en vue des élections présidentielles de 2022, d’un « Conseil autoproclamé des personnes vieilles » révèle com bien il y a là une certaine urgence.
Pour n’en citer que quelques-uns sur une longue liste, on peut évoquer :
• les engagements citoyens et sociétaux (élus, représentants de ses pairs…)
• les engagements sociaux et solidaires (associations diverses : aide alimentaire, éducation, alphabétisation, environnement…)
• les engagements cultuels (animation paroissiale, éveil à la foi, ac compagnement des familles en deuil…)
• les engagements culturels ou créatifs (culture, patrimoine, nouvelles technologies, voyage, histoire…).
L’heure des choix Face à tous ces chemins possibles, le nouveau retraité aura à choisir, en tenant compte à la fois de sa connaissance accrue de lui-même, acquise au fil de ses réflexions, de ses goûts, capacités et talents… et bien sûr de la nécessité de conserver malgré tout une part de son « jardin secret ». Notons pour finir que cette présence à la société est sûre ment un préalable pour conserver yeux et esprit ouverts… et conti nuer de s’enrichir. Ce que l’écrivain portugais Miguel Torga (19071995) formule un peu différemment : « L’âme ne se défend pas en s’entourant de barrières mais au contraire en s’ouvrant largement à toutes les incursions2 . »
2 Diario IV (4e des 16 tomes du Journal tenu par cet écrivain de 1941 à 1993) ; d’abord autoédité, puis réédité (Diario I à IV) en 2009, par Don Quixote éditeur.
Cet état des lieux à établir au moment du départ en retraite peut toutefois se voir chamboulé et enrichi quand l’imprévu frappe à la porte. Peut-être avez-vous déjà croisé un ami qui vous a dit : « Au fait, tu seras bientôt en retraite, toi ? Eh bien, je connais une association dont les membres ont besoin de compétences comme les tiennes ; je suis sûr que ça pourrait te plaire ! » Le défi ainsi lancé suscitera peut-être en vous un nouveau souffle, enthousiasmant, dynamisant.Lescassont nombreux de personnes d’un certain âge qui conduisent ainsi, alors qu’ils ne l’avaient jamais imaginé avant, des projets parfois très ambitieux. Ainsi, par exemple, ces femmes de 65 à 90 ans qui, en Afrique du Sud, ont créé une équipe de foot, les Soccer Grannies ! Elles ont même inspiré des « cousines », passionnées de boxe, les Boxing Grannies. On peut encore citer le Grandmother Project, au Sénégal, où des grands-mères ont choisi d’aller rencontrer pères et oncles pour les convaincre de renon cer au mariage précoce et/ou à l’excision de leurs filles. Toujours au Sénégal, Yandé Dao, doyenne d’un village de pêcheurs, a persuadé des volontaires de replanter des palétuviers sur la mangrove nourricière. Théca, octogénaire brésilienne, donne des leçons de danse à ses pairs et se produit en cabaret, pour booster leur envie de vivre,Autantetc. d’exemples3 qui montrent qu’à l’heure de la retraite tout reste possible. Ou, plutôt, que tout devient ou redevient possible…3Cesexemples
ont été mis en lumière par le jeune couple fondateur de l’association Oldyssey (www.oldyssey.org), qui a parcouru le monde à la rencontre d’initiatives insolites ou très innovantes.
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Le petit quiz qui suit n’a d’autre prétention que de vous inviter à mieux cerner votre perception de la retraite future. Mais il peut être prétexte à amorcer certaines pistes de réflexion et d’action. Cochez pour chaque thème la proposition dont vous vous sentez le plus proche et découvrez votre score.
Pour être bien, à la retraite, que comptez-vous faire pour vous ?
1. Plus de chef, plus de travail, plus d’horaires, etc. La retraite, c’est d’abord ne rien faire !
2. Sport, voyages, cinéma, rencontres… J’ai plein d’envies, mais comment choisir ?
3. Marche nordique le lundi et le vendredi, piano le mardi, vélo le jeudi, etc. : pas de problème, j’ai déjà tout prévu. Une fois à la retraite, comment voyez-vous votre vie de famille ?
1. Par chance, nos enfants sont autonomes et n’ont plus besoin de nous. Cela nous laisse libres. Nous nous verrons donc au gré de nos envies.
2. Je n’ai ni enfants ni petits-enfants, mais quelques neveux. J’aimerais renouer avec eux, mais que puis-je leur apporter ?
3. Nous avons déjà dressé notre planning d’accueil des petits-enfants pour toutes les vacances scolaires !
Pensez-vous consacrer une partie de votre temps à des engagements ou bénévolats divers ?
1. J’ai travaillé pendant quarante ans et ai donc déjà beaucoup donné, mais, de manière ponctuelle, pourquoi pas, si cela ne bride pas mes autres activités.
2. J’y pense, mais je ne sais pas trop où, ni auprès de qui, je pourrais être le plus utile.
3. Je suis déjà engagé dans plusieurs associations. Je vais poursuivre.
Pour établir votre « score », comptez… 1 point chaque fois que vous avez coché la réponse 1, 2 points chaque fois que vous avez coché la réponse 2, 3 points chaque fois que vous avez coché la réponse 3. Analysez vos réponses.
Si vous avez 4 points ou moins Vous êtes empli(e) d’optimisme, c’est bien ! Mais ne risquez-vous pas à plus ou moins long terme de vous interroger sur le sens de ce temps de vie « libre » qui vous est donné ? Pourquoi ne pas le faire dès maintenant ?
Si vous avez de 4 à 6 points Vous abordez cette période de votre vie confiant(e), sans doute, mais avec quelques incertitudes sur les choix à privilégier. Échanger avec d’autres retraités et/ou quelques experts vous aiderait peut-être à trouver les chemins vous correspondant le mieux.
Si vous avez de 7 à 9 points Quelle chance avez-vous de si bien savoir où vous allez ! Attention tout de même aux risques de surchauffe, tant tout cela semble cadré ! Mais si tout va bien pour vous, il serait peut-être intéressant de faire profiter de nouveaux retraités de votre expérience ?
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Derrière cette expression souvent formulée à l’heure de la retraite peuvent se cacher des réalités très différentes d’une personne à l’autre. Les uns voient tout de suite la nouvelle page qu’ils vont écrire ; ils savent déjà par quels mots, quelles phrases ils la commenceront. Chez d’autres en revanche, qui se sentiront peut-être un peu démunis, se profilera une forme d’interrogation face à l’avenir, qui pourra même se teinter d’inquiétude, voire d’angoisse, ou de nostalgie.
Le pire, le plus destructeur, serait de ne voir dans la retraite qu’une porte qui se ferme et pas la nouvelle page que l’on est invité à écrire !
33 oilà une page qui se tourne !
Certains parlent de deuil. Peut-être… Cette perception n’est pas unanimement partagée, mais elle a un mérite : chaque fois que l’on parle de « faire son deuil », la formule sous-entend aussi que l’on n’est pas condamné à s’y enfermer ; qu’il y a un après ; que l’on peut rebondir.
L’un des enjeux est ici de prendre conscience des acquis d’hier sur lesquels on pourra s’appuyer pour écrire cette nouvelle page. En miroir de ces talents passés, on doit ainsi se sentir appelé(e) à détecter les nouvelles attitudes ou savoir-faire et savoir-être dont il faudrait se doter pour, justement, « réussir sa retraite » en vivant désormais d’autres projets, d’autres cercles de relations, d’autres aspirations.
Partir en retraite, c’est évidemment dire adieu au travail. « Une lapalissade ! » diront certains. Mais cet adieu se fait, en réalité, selon des modalités et avec des perceptions très diffé rentes d’une personne à l’autre… ce qui n’est pas sans impact sur « l’après ». Chaque fois s’entremêlent étroitement les dimensions matérielles (les conditions physiques du départ) et psychologiques (selon que l’on éprouve le sentiment d’une fin inéluctable ou d’un nouveauBiendépart).sûr,pour les salariés, le pot de départ, celui du dernier jour, que le patron vous offre force discours à l’appui, marque une nette et réelle rupture. Certains s’en délectent, heureux que l’on salue ainsi leur mérite et leur engagement. D’autres, à l’inverse — le cas n’est pas rare — refusent de s’y rendre tant ils veulent marquer la rupture et signifier l’idée de liberté retrouvée. Certains préfèrent à ces rituels un cadre plus convivial, plus intime avec quelques collègues de travail immédiats, triés sur le volet… D’autres encore décident de ne rien faire du tout, de vider leurs tiroirs et décrocher les posters qui ornaient leur bureau puis de serrer juste quelques mains le dernier jour avant de s’en aller. Définitivement.
L’attitude de chacun en dit long sur les sentiments qu’éprouve à cette heure-là l’ancien salarié… mais aussi sur l’esprit dans lequel il va aborder le futur ; et même sur les ressources intérieures dont il dispose pour ce faire.
Ces dernières décennies ont vu apparaître des dispositifs de retraite progressive… avec plus ou moins de bonheur. Lorsque l’on ne travaille plus que deux jours sur cinq, le simple passage des consignes n’est pas toujours aisé ! On peut aussi se sentir de moins en moins utile puisque les missions les plus importantes
auront été confiées à des collègues qui sont sur le pont toute la semaine. Il faudra parfois se demander si ces formes progressives d’arrêt d’activité sont propices ou non à la préparation de la période de retraite. Et si la réponse est non, il faut alors réfléchir à la manière d’y pallier ou de faire autrement…
Ne pas confondre fin de vie professionnelle et fin de vie, cessation d’une activité professionnelle et inactivité.
L’idée qu’une personne qui n’a plus d’activité profes sionnelle devient inutile pour la société, pour ne pas dire une charge qu’il faut supporter, est courante. Mais on peut aussi penser que le retraité est une personne libérée des contraintes du métier et donc disponible pour rendre service. De nos jours, beaucoup de retraités restent pleins d’énergie et de dynamisme ; cela leur permet de constituer une grande partie de ces bénévoles qui flui difient et parfois même font exister des pans entiers de la vie sociale. Ils n’ont plus de métier, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne travaillent plus !
Pour autant, cette impression de rupture n’est pas forcément vécue par tous, ou pas de la même manière. C’est le cas pour beau coup de ceux qui étaient « à leur compte », les travailleurs indépendants (un peu plus de 10 % de la population active).
Là encore, le sentiment de perte n’est pas forcément le même selon que l’on était médecin, notaire ou artisan plombier, et varie aussi selon le tempérament de chacun.
D’abord, dans ces métiers indépendants, la période pré cédant le passage à la retraite est très occupée par de multiples décisions ou démarches administratives que ne connaît guère
l’ex-salarié : il faut, par exemple, se trouver un successeur, voire l’accompagner pendant quelques mois, négocier la reprise de son activité, etc. Tout en préparant bien sûr, comme tout un chacun, son dossier de demande de pension.
Cette période, plutôt chronophage, ne favorise pas la réflexion sur ce que l’on fera ensuite du temps de la retraite. Au fond, ces indépendants auront préparé leur retraite, peut-être plus que bien des salariés, mais en se centrant sur le pan bien spécifique du devenir de leur entreprise ou activité professionnelle, sans forcément penser à leur propre futur.
En outre, nombreux sont ceux qui, d’une manière ou d’une autre, vont continuer à travailler. Ici, c’est l’avocat ou le consultant qui, tout en faisant valoir ses droits à la retraite va, dans un cadre aujourd’hui plutôt facilité par la loi, cumuler retraite et emploi et finir de traiter les dossiers qu’il avait initiés. Cela peut le tenir occupé pendant encore plusieurs années.
Autre exemple, celui de l’agriculteur qui, bien qu’ayant transmis l’exploitation à l’un de ses enfants, se sent encore plus ou moins responsable de sa ferme ou désemparé à l’idée de « lâcher » ce qui occupait ses jours… et parfois ses nuits. Dans cette profession, on voit des passages à la retraite très complexes mais aussi plus divers… selon la manière dont ils ont été préparés. Il n’est pas rare d’entendre l’agriculteur en retraite s’exprimer à la place de son fils (qui lui a pourtant succédé) devant des conseillers de l’exploitation. À l’inverse, d’autres ont eux-mêmes tranché le cordon « ombilical », en faisant le choix d’aller s’installer dans le bourg voisin.
Pour autant, chez ces indépendants (petits ou gros entre preneurs) peut survenir un double sentiment de « dépouillement », d’ordre à la fois psychologique et matériel (car ce patrimoine pro fessionnel était à la fois moyen et raison de vivre).
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Chez les travailleurs indépendants comme chez les salariés, il y a des passages à la retraite plus ou moins brutaux. Les situa tions transitoires, quand elles existent, constituent en elles-mêmes des épisodes de vie à part entière. Il faut être conscient que l’on devra les gérer… tout en se réservant du temps pour réfléchir à ce que l’on fera de sa retraite future. Comment faire pour que ces périodes constituent des tremplins de l’après plutôt que des temps d’atterrissage précipité ?
Le cas particulier des conjoints non actifs C’est par exemple celui des femmes au foyer. Elles sont certes de moins en moins nombreuses et l’on ne sait s’il est pertinent de parler, pour elles, de départ en retraite (voir encadré p. 40). Celles qui ont eu, dans le passé, plus ou moins longtemps, une activité professionnelle, auront à déterminer le moment le plus judicieux pour demander le versement de leur pension. Pour elles, parler de préparation à la retraite peut paraître bizarre… et pourtant ! Le départ en retraite de leur mari va impacter leur vie sur bien des plans, à commencer par l’organisation quotidienne, l’omniprésence du conjoint, la remise en cause ou la redistribution de certaines tâches. Pour toutes ces raisons, il semble pertinent qu’elles soient associées — au moins en partie — aux temps de réflexion que le conjoint actif va consacrer à l’approche du lendemain.
Au-delà du métier lui-même, l’activité professionnelle est pour chacun le lieu où s’est tissé un réseau de relations. Au quotidien, et en semaine, il peut arriver que l’on passe autant de
temps avec collègues et clients qu’avec certains des membres de sa famille !
Chercher un nouveau « moteur » relationnel
À l’heure de s’en aller, il va y avoir, là aussi, une forme de rupture. L’enjeu est d’en mesurer l’ampleur et les répercussions à venir. Ce sentiment, cette satisfaction d’être connu, reconnu, sur le plan professionnel du moins, peuvent être mis à mal et accentuer les difficultés à aller vers une vie nouvelle. Ce moteur relationnel devra lui aussi trouver un remplaçant.
L’impact ainsi que la perception de cette rupture varient évidemment selon les métiers, les lieux où l’on a exercé, et selon la nature des contacts que l’on avait : clients, collègues, interlocuteurs divers, public… S’il ne change pas de domicile, le mécanicien ou le boulanger, ou mieux encore le facteur, restera salué par ceux qu’il croisera dans la rue. Il y a aussi ce journaliste local qui, cinq ans après son départ, reçoit encore des invitations à des assemblées ou conférences de presse. Il a tant fait partie du paysage que lorsqu’on le croise dans la rue, on le salue du nom de son journal : « Alors, les Nouvelles du Coin, ça va ? »
Mais pour d’autres professionnels — surtout quand le champ géographique de leur activité était étendu —, ce peut être plus immédiat et brutal. Le lien s’estompe… parfois très vite. Ainsi témoigne cet ex-cadre du secteur bancaire qui, la première année, revenait de temps en temps faire une petite visite à ses anciens collègues. « Honnêtement, raconte-t-il, j’ai très vite compris que ceux avec qui j’avais pourtant beaucoup partagé n’avaient guère de temps à me consacrer, et même que je les gênais presque. »
Créer du lien, c’est « faire ensemble » Pallier le manque qui peut alors se créer sera forcément plus facile si, durant la vie active, on a développé ou fait vivre d’autres liens, hors métier, si on est allé vers les autres. C’est une question d’équilibre personnel à bâtir, y compris durant la période
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d’activité, même si le besoin de lien varie selon le caractère de chacun. Celui qui se consacrait à 100 % à son métier aura eu forcément plus de mal à le faire, mais rien n’est perdu, même à deux ou trois ans de la retraite, si l’on prend conscience suffisamment tôt que ce peut même s’avérer une question de santé mentale…
Naturellement, si l’on veut que ce réseau de relations bâti hors activité professionnelle tienne, il faut que l’implication soit conséquente. Il sera plus facile de garder des relations et de parta ger des choses si l’on produit ensemble, qu’il s’agisse de randon née, de sport, d’engagement aux Restos du cœur ou ailleurs, etc. Faire des choses ensemble forge des liens bien plus solides que simplement se retrouver une fois tous les trimestres pour festoyer, même si le repas est bon !
On comptait en France, fin 2020, environ 29,2 millions d’actifs… donc de futurs retraités.
Parmi eux 3,5 millions de non-salariés ou travailleurs indépendants. Le nombre de ces derniers a explosé en dix ans (ils n’étaient que 2,5 millions en 2009), notam ment suite à la création du statut de micro-entrepreneur.
Parallèlement on recensait en 2011, 2,1 millions de femmes au foyer (elles étaient 3,5 millions en 1991) considérées comme « inactives » (ni au travail ni en chômage) même si la grande majorité avait eu auparavant un emploi.
Cette diversité de situations — y compris financières — entraîne, logiquement, une grande diversité d’approches et d’aspirations, au regard du temps de la retraite et des projets que l’on peut envisager durant cette période.
INTRODUCTION 8
Désormais quatre vies 8 La « force de l’âge » a vieilli de vingt ans 9 Deux décennies de vaillance en plus 10
CHAPITRE 1.
Anticiper sa retraite, réfléchir à son projet 13 Entre Graal et liberté rêvée ? 15
Reprendre l’initiative : un défi 16
Battre en retraite ou vivre la retraite ? 16 Ouvrir les yeux, pour observer, rencontrer, questionner 17 Être accompagné pour préparer sa retraite 18
Un moyen de se rassurer 19
Ouvrir le champ des possibles… 20
Ne pas oublier… le sens 21 Que faire de tout ce temps ? 24
D’abord un temps pour soi 24
Un temps pour la famille 25
Un temps pour la société 27 Quand l’imprévu frappe à la porte 29
Quiz : La retraite et vous 30
CHAPITRE 2.
Une page tournée, pas refermée ! 33 Tous ne vivent pas le même « adieu » au travail 35
Salariés : entre soulagement et peur du vide 35
Indépendants : parfois un sentiment de dépouillement 36
Ces visages qu’on ne verra plus… 38
Des astuces pour rebondir 41
Chasser le quotidien d’hier................................................................. 41
Question de confiance 41
Un temps de pause bienvenu 42
Une vie déjà passée : handicap ou levier ? 44
Des talents à faire fleurir… ou refleurir 45
Se redire l’essentiel 46
Questionnaire : Quels sont mes talents ? 47
Séduction et performance aux oubliettes 50
« Débarricader » le moi...................................................................... 50
Performant… autrement 50
Une liberté (re)trouvée…..................................................................... 51
Une autonomie à (re)créer 52
Vers un nouveau soi-même 53
CHAPITRE 3.
Une géographie nouvelle de la vie 55
La vie du couple à retravailler 57
Recréer l’équilibre 57
La répartition des tâches : qui fait quoi ? 61
Les champs de l’amitié à retrouver et à cultiver 64
Les amis, une famille choisie 64
L’amitié n’a que des avantages 64
Un corps à cultiver autrement 65
Poser un autre regard sur son corps 65
La fausse route du jeunisme 66
Respecter son corps 66
La tendresse, une richesse infinie 69
La tendresse fait tomber les armures… 69
Un choix de vie 70
Les effets de la tendresse 70
La tendresse dans le couple et en famille 71 141
142
CHAPITRE 4.
Une génération charnière 75
Trouver le temps… ou l’organiser ? 77
Distinguer le « courant » de « l’exceptionnel » 77
Poser ses souhaits… et ses limites 78
Écarter le sentiment de culpabilité 81
Garder maîtrise… et liberté 82
Un temps pour soi, comme un ressourcement ............................. 83
Seul l’amour ne peut se déléguer 84
Ne pas rester seul avec ses questions 84
Imaginer des moments précieux 85
Questions d’indépendance… 86
Aider tout en respectant 86
Repérer les pans d’indépendance.................................................... 86
Transmettre… quelle difficile équation ! ..........................................88
Trouver sa place ...................................................................................88
Le dialogue est toujours possible 89
Transmettre… ce n’est pas recréer un autre soi-même 90
Pas d’autre choix que l’écoute.......................................................... 93
Et pourquoi pas la complicité ? 94
Et pour transmettre la foi ? 95
D’abord porter témoignage 95
Le beau, source d’éveil à la transcendance 95
Oncles et tantes en référents bienveillants 96
Eux aussi sont « passeurs » 96
Un plus jeune a peut-être besoin de vous 97
CHAPITRE 5.
Un nouveau champ de possibles 99
La retraite : une vie en cadeau ...........................................................101
La question de l’emploi du temps ....................................................101
La tentation du fauteuil.....................................................................102
Consommer sans s’épanouir véritablement ................................103
Réveiller et révéler ce que l’on est 104
Décider de s’investir ! 107
Discerner les appels… 107
Réfléchir avant de s’engager en conscience 107
Le bénévolat, un échange de bienfaits 109 Choisir, c’est vivre 111
Se projeter, rêver… 112 Changer de cadre de vie 113
À la recherche d’un nouvel art de vivre 117
Cultiver la sagesse : la vertu de confiance 119 Qu’est-ce que l’intériorité ? 119
Recycler le passé ................................................................................. 119 À quoi sert le passé ainsi recyclé ? 119
S’ouvrir à ce qui advient ...................................................................120 Retrouver la confiance pour éloigner les peurs ..........................120
Vivre le temps autrement : la vertu de patience 122
La fuite du temps ................................................................................ 122
Quand vient le temps de Dieu.......................................................... 123 Donner une épaisseur de vie au présent 124
Le temps de la contemplation ......................................................... 125 Être maître de servir : la vertu de persévérance 126
L’altérité, un lien vital à préserver 126
Se dévouer aux autres : des risques à surveiller ........................ 127
Se libérer de la volonté de réussir, d’obtenir un résultat .......... 128
Le témoignage de Jésus : rester maître et non serviteur du service 128
CONCLUSION 131
Bibliographie 134
Remerciements 137
Carnet d’adresses 138 143