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Nombreuses sont les épices et les aromates utilisés en cuisine� Certains sont connus de tous, d’autres plus confidentiels�
Plusieurs se cultivent assez facilement au jardin mais quelques-uns requièrent des soins appropriés pour assurer une récolte digne de ce nom� Une petite minorité ne peut pas se cultiver sous nos latitudes�
leS éPiceS et AromAteS leS PlUS
PoPUlAireS
L’ail, l’oignon et l’échalote, l’aneth, le basilic, le carvi et le cumin, le laurier-sauce, la ciboulette, la coriandre ou les piments (il en existe d’innombrables variétés), la verveine citronnelle, les cornichons, la moutarde, les câpres et le raifort, croissent ou peuvent assez facilement croître dans nos jardins.
cHercHer l’oiSeAU rAre
Connus mais moins communément employés, le curcuma, le gingembre ou le safran sont des épices très utilisées, alors que la citronnelle de Madagascar, la coriandre thaïe et le wasabi restent plébiscités par les amateurs de cuisine asiatique. Tous peuvent être cultivés par un jardinier averti mais demandent un suivi adapté. Mention spéciale pour le poivrier de Sichuan qui, encore inconnu il y a 15 ans, est aujourd’hui adopté dans beaucoup de jardins du fait de sa surprenante rusticité.
deS SAveUrS eXotiQUeS
Le poivre, les clous de girofle, la cannelle, la noix de muscade, l’anis étoilé ou la vanille sont elles aussi des épices connues de tous. Les cultiver chez nous ? Ne rêvez pas ! Si toutes sont très différentes tant par leur saveur que par leur utilisation en cuisine, il y a une chose qui les rassemble : l’impossibilité de les cultiver et/ou d’assurer une récolte sous nos latitudes.
Zoom sur le poivre
Difficile de ne pas commencer ce tour d’horizon par la plus incontournable et universelle des épices exotiques. Comme la cannelle, le gingembre, la cardamome et le curcuma, le poivre (Piper nigrum) est originaire des régions à moussons de la côte indienne de Malabar. Connue depuis plusieurs millénaires en Asie, cette liane de 8 à 10 m porte comme fruits de petites baies globuleuses et charnues de moins de 1 cm de diamètre.
Leur couleur varie avec l’avancée de la maturité, vert d’abord, puis noir, puis rouge, blanc enfin. Le poivre vert est cueilli jeune, le poivre rouge peu avant maturité, le poivre noir à pleine maturité et le poivre blanc après maturité complète des baies. Divers apprêts permettent ensuite de les proposer à la vente.
Du fait de son piquant moyen et de sa grande richesse aromatique, le poivre noir est le plus utilisé. Il entre dans la préparation de diverses sauces et s’utilise sur les légumes, les viandes rouges et blanches, les poissons gras, les fruits ou encore, plus surprenant, le chocolat.
CÔTÉ SANTÉ
Le poivre est une épice apéritive qui stimule fortement les sécrétions digestives. Il a longtemps été utilisé pour des propriétés antiseptique, antiputride, insecticide et antibactérienne.
Zoom sur le clou de girofle
Les clous de girofle sont les boutons floraux d’une myrtacée exotique, l’eugénier aromatique (Eugenia caryophyllata), cueillis en cours de maturation et séchés au soleil. Comme pour le poivrier, il est inenvisageable de cultiver sous nos latitudes cet arbre de plus de 5 m de haut originaire de l’archipel indonésien des Moluques. L’arôme fort et persistant des clous de girofle est mis à profit dans les pot-au-feu, les courts-bouillons et les marinades. Dans l’est du pays, ils aromatisent la choucroute et, avec la cannelle et la muscade, parfument les boissons chaudes servies à Noël.
CÔTÉ SANTÉ
Les propriétés antiseptiques et analgésiques des bourgeons séchés de clous de girofle étaient jadis utilisées pour calmer les rages de dents, les douleurs rhumatismales et les céphalées.
Zoom sur la cannelle
La cannelle est une épice indienne connue elle aussi depuis l’Antiquité et obtenue à partir des pousses de 2 à 3 m de haut du cannelier (Cinnamomum verum) qui pousse à l’état naturel au Sri Lanka. Émincée en copeaux ou en petits rubans, leur écorce mise à sécher se roule sur elle-même en conservant son arôme caractéristique. Achetez de préférence l’écorce de cannelier entière et réduisez-la en poudre au dernier moment car elle perd rapidement son parfum et ses propriétés.
La saveur piquante et légèrement sucrée de la cannelle aromatise les pains d’épices et les desserts sucrés comme le gâteau de riz ou de semoule et les compotes de prunes, de pommes et de poires. Avec les clous de girofle et la muscade, c’est l’ingrédient indispensable des vins chauds lors des fêtes de fin d’année.
Zoom sur la noix de muscade
La noix de muscade pousse sur le muscadier (Myristica fragrans), un grand arbre de forme pyramidale de 6 à 15 m de haut originaire des îles de l’archipel des Moluques. Toute la plante est odorante mais seules l’arille et l’amande sont employées comme épice.
La saveur âcre et brûlante de la noix de muscade est utilisée dans les plats salés ou sucrés, les laitages, les purées, les sauces, les liqueurs et le vin chaud.
CÔTÉ SANTÉ
Si les diverses parties du muscadier sont appréciées pour leurs nombreuses propriétés thérapeutiques dans ses régions d’origine, la noix de muscade est essentiellement utilisée chez nous à des fins stomachiques, toniques et stimulantes.
Zoom sur l’anis étoilé
L’anis étoilé est un surprenant fruit sec en forme d’étoile à huit pointes riche en essence aromatique. La badiane – un autre de ses noms – apparaît sur un petit arbre pyramidal de 3 à 5 m de hauteur (Illicium verum) originaire du sud de la Chine et du Vietnam. Si seul le fruit constitue l’épice, toute la plante, tant les feuilles vert brillant et persistantes que les fleurs couleur ivoire ou rosées, émet une suave odeur anisée. Contrairement au poivre, au clou de girofle, à la cannelle et à la noix de muscade, sa culture sous abri est possible sous nos latitudes mais reste très délicate et l’apparition des fruits plus qu’aléatoire.
Le fruit entier à saveur anisée de la badiane entre dans la préparation de boissons alcoolisées, de liqueurs et de confiseries. Il est plus rarement réduit en poudre pour aromatiser les soupes, le porc ou le poulet.
CÔTÉ SANTÉ
La richesse en anéthol de l’anis étoilé lui confère des vertus digestives et stomachiques. L’huile essentielle d’anis étoilé figure toujours à la pharmacopée française pour masquer l’odeur de certains médicaments.
Zoom sur la vanille
La vanille (Vanilla planifolia) est une orchidée originaire de sud-ouest du Mexique que les Aztèques utilisaient déjà pour aromatiser le cacao. Ramenée en Europe vers 1510, elle est la dernière des épices exotiques adoptées par les Occidentaux. Cette liane à racines aériennes
et à longues tiges volubiles fleurit en grappe. Après fécondation, ses fleurs en trompette jaune verdâtre, blanches ou purpurines évoluent en un fruit en forme de gousse allongée de 15 à 30 cm de longueur, vert d’abord, puis jaune et brun enfin à maturité. Le problème, c’est que, comme pour beaucoup d’orchidées, les organes mâles et femelles de la fleur de vanille sont séparés par une membrane – le rostellum – qui empêche la fécondation naturelle. Dans son pays d’origine, c’est une espèce endémique de mélipone qui joue ce rôle. Ailleurs, là où cette abeille n’existe pas, la fécondation se fait manuellement. Les fruits se récoltent encore verts et sont blanchis à l’eau bouillante, puis exposés au soleil et séchés pendant 9 mois. S’ils perdent alors 4/5 de leur poids d’origine, ils prennent leur saveur particulière due à la vanilline qui s’y concentre.
L’odeur fruitée et balsamique si caractéristique de la vanille est utilisée pour parfumer le chocolat, le café, les compotes de fruits et de nombreux desserts à base de lait.
CÔTÉ SANTÉ
La vanille est un puissant tonique, à la fois stimulant olfactif et gustatif. Elle a conservé pendant près de trois siècles une solide réputation d’aphrodisiaque.
CURRY ET PLANTE-CURRY
Le curry désigne de nombreuses préparations d’épices pulvérisées dont les principales sont le piment, le gingembre, la coriandre, la cardamome, le clou de girofle, le fenugrec, la graine de moutarde, l’anis, le fenouil, l’ail et le curcuma qui lui donne sa couleur jaune caractéristique. Il est utilisé pour assaisonner divers plats crus ou cuits à base de riz, de légumes, de poulet ou de poisson. L’immortelle dorée (Helichrysum italicum) qui possède un bluffant arôme de curry à l’état frais est souvent nommée plante-curry. Cet arbrisseau aromatique de 50 cm de haut aux tiges très ramifiées et aux nombreuses petites feuilles linéaires duveteuses gris argenté est d’adoption facile – sa culture évoque celle de la lavande – mais son utilisation en cuisine est délicate du fait de la fugacité de son arôme.
La multiplication des épices et des aromates
Le marché horticole vous propose de nombreuses épices ou aromates dans des conditionnements très variés et à tous les prix� Mais un jardinier authentique préférera les reproduire lui-même par semis ou par bouturage pour disposer à moindre coût de jeunes replants à cultiver au jardin�
le SemiS
Si elle rencontre de bonnes conditions de température et d’humidité, une graine tombée à terre germe pour donner plus ou moins rapidement une nouvelle plante qui, à son tour, produira de nouvelles graines.
Dans la nature, le jeune plant est généralement très ressemblant à la plante mère. C’est également le cas des variétés horticoles fixées de l’aneth, des divers basilics, du carvi et du cumin,
de la coriandre, de la moutarde, des oignons et du piment. Le semis du laurier-sauce est, lui, plus délicat car le potentiel germinatif de la graine est très court – tout au plus quelques mois. Elle demande donc à être semée rapidement après récolte. Quoique d’origine exotique, le poivrier de Sichuan produit après quelques années des graines viables qui se ressèment facilement. Les cornichons relèvent d’un cas particulier. Si les variétés traditionnelles comme ‘Fin de Meaux’, ‘Vert petit de Paris’ ou ‘Amélioré de Bourbonne’ conservent leurs caractéristiques, les nouvelles obtentions F1, qui présentent de réels atouts en culture, ne pérennisent par leurs caractéristiques variétales. La ciboulette enfin, dont le semis printanier ou estival ne présente pas de difficulté, se multiplie cependant plus rapidement au jardin familial par division de souche.
Les semis se pratiquent dans une terre suffisamment chaude (entre 12 et 25 °C selon l’espèce),
au printemps pour les espèces annuelles et entre mai et juillet pour les bisannuelles et les vivaces. Comme beaucoup d’arbustes, le poivrier de Sichuan se sème de préférence à l’automne, éventuellement au printemps avec des graines conservées au réfrigérateur.
Semis en place
Dans le cas d’un semis en place, les plantes se développent là où elles sont semées. Il se pratique « en ligne » dans des sillons très peu profonds, en « poquet » – le poquet est une petite excavation de 4 à 5 cm de large et plus ou moins profond selon la graine à semer – ou « à la volée » sur une parcelle de taille variable mais généralement assez petite (ne serait-ce que pour faciliter le désherbage qui est le principal inconvénient du semis en place). Il est en général réservé aux épices annuelles ou bisannuelles qui supportent mal le repiquage, comme l’aneth, la coriandre, le fenouil, le cumin et le carvi ou aux graines qui lèvent facilement et rapidement comme celles des cornichons.
Semis en pépinière
Les jeunes plants semés en pépinière sont destinés à être repiqués plus ou moins rapidement. Il était autrefois réalisé en pleine terre ou en terrine et les plantules repiquées « en arrachis » – c’est-
à-dire en conservant une petite motte de terre autour des racines. Il est effectué aujourd’hui dans une plaque de culture alvéolée occupée par un terreau de semis fin et meuble.
Si le repiquage est indispensable pour le piment ou le poivrier de Sichuan, il n’est qu’optionnel pour le basilic. En effet, semé en place dans une terre chaude, ce dernier germe rapidement et énergiquement. Mais, comme il se rempote ou se repique facilement, il peut être indifféremment semé en place ou dans un contenant, pot ou plaque de culture, avant rempotage et plantation. De même, selon le type et les habitudes du jardinier, les oignons sont semés en place ou repiqués.
Le semis… et après ?
Pratiqué en godets ou en petits pots, parfois en plaques de culture à grosses alvéoles, beaucoup plus rarement en pleine terre, le repiquage permet aux plantes de forcir avant la plantation définitive. La petite motte sortie de son alvéole est alors rempotée à une ou deux reprises avant plantation définitive.
le BoUtUrAGe
Ce type de multiplication est essentiellement utilisé pour multiplier les arbustes ligneux ou herbacés. Il reproduit à l’identique les caractéristiques de l’espèce ou de la variété mère –c’est-à-dire l’espèce ou la variété sur laquelle la bouture a été prélevée. Façon pratique et rapide de reproduire beaucoup de plantes, le bouturage peut néanmoins se révéler délicat car la faculté de rejeter de nouvelles racines est très variable selon l’espèce. Ainsi, si l’apparition des jeunes racines est rapide pour la coriandre thaïe, elle est moyenne pour la verveine citronnelle et longue pour le câprier. Ce sont généralement les rameaux aériens qui sont bouturés, plus rarement la racine ou le rhizome comme pour le gingembre, le curcuma, la cardamome ou le raifort. Si le genévrier commun peut se semer, son développement est plus rapide après bouturage estival d’un rameau aoûté.
lA mUltiPlicAtion PAr éclAtS et PAr diviSion
C’est certainement la façon la plus facile de multiplier les vivaces pérennes. La plante à multiplier est arrachée en départ de végétation et divisée en petits éclats munis chacun de quelques racines et d’un ou plusieurs bourgeons, aussitôt replantés dans un sol bien ameubli ou rempotés en petits pots. C’est la façon la plus simple d’obtenir de jeunes replants de ciboulette. La citronnelle de Madagascar est une graminée qui se multiplie également par éclat. De même, le raifort (qui se reproduit également très facilement par bouture de racine) et le wasabi. Les plantes pérennes bulbeuses comme l’ail, l’échalote ou le safran se multiplient elles aussi par division. Les deux premiers forment des gousses qui sont éclatées en caïeux et repiquées alors que le safran est un crocus qui se multiplie par prélèvement des jeunes bulbilles qui entourent le bulbe principal.
Saviez-vous qu’il était possible de cultiver vous-même certaines de vos épices et aromates ?
Qu’il s’agisse de graines (coriandre, cumin, poivre de Sichuan…), de rhizomes (gingembre, curcuma, wasabi), de feuilles (ciboulette, aneth, citronnelle…), vous trouverez dans ce livre tous les conseils pour faire pousser plus de 20 plantes. Certaines, assez fragiles, nécessiteront d’être abritées en hiver ou maintenues en pot, d’autres pourront rejoindre votre potager.
Découvrez l’incroyable richesse des épices et mettez du peps dans vos plats !
Pépiniériste et jardinier, Robert Elger dispense des formations dans ces domaines et il est l’auteur de nombreux livres aux éditions Rustica, dont Un potager à votre goût et Adapter mon potager au changement climatique.
www.rusticaeditions.com