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Déjà parus : Confidences, SMS et prince charmant ! Amour, avalanches et trahisons ! Amitié, Shakespeare et jalousie !

Illustration de couverture : Isabelle Maroger Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Raphaële Glaux Direction artistique : Élisabeth Hebert Fabrication : Thierry Dubus, Aurélie Lacombe © Fleurus, Paris, 2012 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-1741-4 Code MDS : 651 627 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi nº 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »


Nathalie Somers

Le roman . des filles Grandes vacances, peines de cœur et Irish love !


Ă€ mon Irish love.


1 . Tu croi s que ça va marcher ? . . . Mard i 4 j u i llet, 14 h 20

M

aëlle, assise sur une chaise en bois délicatement sculptée, pianotait nerveusement sur le bureau en sapin verni qui occupait un angle de la chambre de son amie Lily. Dans le coin opposé, Mélisande, étendue sur le couvre-lit en patchwork cousu main, mordillait délicatement ses ongles tout en se désolant intérieurement de voir les ravages que, malgré ses précautions, elle était en train de faire subir à la manucure impeccable qu’elle s’était offerte la veille. La propriétaire des lieux, recroquevillée sur son pouf fétiche, tortillait fébrilement la trompe d’un vieil éléphant en peluche qui traînait depuis ses plus tendres années dans un endroit ou l’autre de la pièce. Seule la longue jeune fille brune affalée sur le tapis multicolore qui ornait le sol paraissait étrangement sereine au milieu de cette atmosphère qui transpirait le stress. Allongée sur le dos, en appui sur ses deux coudes, une jambe pliée et l’autre croisée par-dessus, elle tranchait singulièrement par la nonchalance avec laquelle elle mastiquait son chewing-gum. – Dis, tu crois que ça va marcher ? demanda Lily d’un ton inquiet en fixant la blondinette du quatuor. 17


– Bien sûr que ça va marcher, rétorqua Maëlle avec une assurance qu’elle était loin d’éprouver. – Ah vraiment ? Tu en es certaine ? insista Mélisande. – Puisque je vous le dis ! – Alors, dans ce cas, explique-nous pourquoi tu confonds le bureau de Lily avec un piano à queue ? À t’entendre, on jurerait que tu nous joues la Marche turque de Beethoven ! – De Mozart. La Marche turque de Mozart, pas de Beethoven, corrigea Lily instinctivement, et si elle arrivait à la jouer d’une seule main, même ce cher Wolfgang lui tirerait sa révérence. – C’est bon, s’impatienta l’impétueuse Mélisande, c’était juste une image ! – Et c’est vrai que question image, tu t’y connais, fit ironiquement remarquer Maëlle. – Tout à fait, reconnut Mélisande, et quand je te dis que ton top irait merveilleusement bien avec le slim que tu portais hier soir, tu sais que tu peux me faire confiance. Tandis que lorsque tu nous promets un plan fa-bu-leux pour nos prochaines vacances, le résultat tarde à arriver. Voyant que l’interpellée, piquée, allait réagir vivement, Lily intervint précipitamment : – Ce n’est pas de sa faute. Son idée est effectivement géniale, mais tout ne dépend pas d’elle. Il faut faire preuve d’un peu de patience. Ça ne devrait plus tarder maintenant. – Ah, la patience ! lança Chiara avec grandiloquence, notre grande qualité à toutes !… Mélisande se redressa et lui jeta un regard courroucé : – C’est censé être un compliment ? – Qualité ou défaut, dans un cas comme dans l’autre, je nous mets toutes dans le même sac. 18


Mélisande se rejeta en arrière en fronçant son petit nez délicat. – C’est bien ce que je pensais, c’est tout sauf un compliment ! Alors que Maëlle commençait à pouffer, le téléphone du rez-de-chaussée de la maison se mit à sonner. Aussitôt trois des filles se figèrent, tandis que la quatrième continuait de mâcher avec indifférence son chewing-gum. Cette fois, ce fut Maëlle qui interrogea Lily : – Tu penses que c’est elle ? Son amie, qui avait bondi de son pouf pour entrouvrir la porte, ne répondit pas tout de suite. Quand sa mère décrocha enfin et qu’elle l’entendit répondre : Hello Maureen ! How are you ?, elle repoussa brusquement le battant et s’y appuya en murmurant : – C’est elle ! – Pourquoi tu as refermé la porte ? s’écria Maëlle. On n’entend plus rien. – Je préfère ne pas savoir, chuchota-t-elle. Enfin, pas en essayant de deviner. Si je me trompe, vous m’en voudrez à mort ! – Mais non, la rassura gentiment Mélisande, tu sais bien qu’on ne t’en voudra jamais. Puis, lançant un coup d’œil acéré à la sportive du groupe, qui s’était levée, elle poursuivit sur un ton doux-amer : – À Maëlle pour ses plans foireux, là, en revanche, c’est fortement envisageable ! – Plans foireux ? s’indigna cette dernière. Mes plans ne sont jamais foireux ! – Ah oui ? Et le jour où tu t’es vantée d’avoir des places pour une soirée géniale organisée par l’équipe de basket de Villeurbanne ? Tu appelles ça comment ? 19


– Je… heu… Chiara s’en mêla : – Elle a un peu raison quand même, tu m’avais assuré que je pouvais y aller franco côté talons car pour une fois j’étais sûre de trouver toute une flopée de cavaliers à ma hauteur… – … et lorsque nous sommes arrivées, continua Lily en faisant de visibles efforts pour ne pas éclater de rire, le plus grand de ces fabuleux athlètes lui passait aisément sous le bras ! Alors que les deux autres se mettaient à pouffer à ce souvenir, Maëlle se rebiffa : – Vous êtes injustes ! Ce n’est quand même pas de ma faute si personne ne m’avait prévenue qu’il s’agissait des équipes de minimes et de benjamins ! – Admettons, fit Mélisande étrangement conciliante. Mais l’instant d’après, haussant un sourcil, elle réattaquait : – Et la fois où vous vous êtes fait choper en train de faire le mur ? Tu appelles ça comment ? – De quoi tu parles exactement ? demanda la jeune athlète d’un ton suspicieux. – Ne me dis pas que tu as oublié la nuit où vous vous êtes fait surprendre par tes parents alors que vous veniez de sortir par la fenêtre de ta chambre ! – Non, je n’ai pas oublié, mais je me demande bien comment toi, qui n’étais pas là, tu peux t’en souvenir1 ! Maëlle lança un regard incendiaire en direction de Chiara et Lily, qui semblaient soudain trouver leurs orteils absolument passionnants. – Joker ! lança Mélisande en faisant un clin d’œil aux deux autres filles, qui ne purent retenir leur fou rire plus longtemps. 1. Voir Le Roman des filles : Confidences, SMS et prince charmant !

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Vexée, Maëlle cherchait désespérément une bonne réplique quand, fort à propos, des coups frappés à la porte lui évitèrent de répondre. Aussitôt les rires cessèrent. Lily, la main sur la poignée, respira à fond et, après un dernier regard aux trois autres filles, ouvrit lentement le battant. Mme Berry se tenait sur le seuil, un large sourire aux lèvres. – Alors ? lui demanda sa fille. – Alors, Ireland is waiting for you ! lui répondit-elle. Des hurlements de joie résonnèrent dans la pièce et, comme toutes se mettaient à parler à la fois, il fallut quelques instants avant de connaître le détail des arrangements trouvés avec Mrs Aylward, chez qui Mme Berry avait travaillé comme jeune fille au pair dans sa jeunesse. Quand un semblant de calme fut revenu, cette dernière expliqua : – Maureen Aylward a demandé à ses connaissances qui tenaient un bed and breakfast si elles avaient encore des places disponibles, mais tout était complet, et de toute façon, les tarifs à Dublin sont absolument exorbitants… – Mais alors… intervint Lily. – Alors, si tu me laisses finir, tu apprendras qu’elle met deux chambres de sa maison à votre entière disposition ! Depuis qu’elle a perdu son mari et que ses enfants sont partis, sa grande maison est vide, et elle s’est dit qu’elle serait ravie de vous rendre service. Se tournant vers Chiara, elle poursuivit : – Elle ne veut absolument aucun dédommagement financier. Vous n’aurez qu’à vous occuper de vos repas. Comprenant le message qu’elle essayait de lui faire passer, Chiara, qui était désormais assise en tailleur, lui rappela : 21


– Il reste le billet d’avion à payer. Et même si ce n’était pas le cas, je ne veux pas laisser mon grand-père tout seul. Il va encore plus avoir besoin d’aide cet été. Je devrais d’ailleurs déjà être en Provence si mon père n’avait pas exigé que je reste à Lyon début juillet pour réviser. Par égard pour Mme Berry, elle avait choisi des termes posés pour lui répondre, mais à son expression il était clair que cette situation la mettait en rage. – Je comprends, fit la mère de Lily d’une voix douce. Chiara n’osa pas lui demander si elle parlait de la position de son père ou de la sienne. – Vous a-t-elle donné des dates ? demanda Maëlle, qui avait déjà le cerveau en ébullition. – Aucune, vous avez carte blanche ! – Great ! Ce sera beaucoup plus facile de trouver un vol. Mme Berry répondit encore à quelques-unes de leurs questions avant de les quitter en disant : – Vous verrez, l’Irlande est un pays magnifique, et Dublin une ville superbe. Je garde de mon année là-bas un excellent souvenir. Je suis sûre que vous allez passer des vacances que vous ne serez pas près d’oublier ! Juste avant qu’elle ne referme la porte, Lily se jeta à son cou pour l’embrasser sur la joue. – Merci, maman ! Tu es une mère parfaite, tu sais ! – Détrompe-toi, ma chérie, répliqua cette dernière avec un air exagérément désolé, je suis terriblement jalouse : si je pouvais me débarrasser de ton père et de tes frères, c’est moi qui prendrais l’avion ! Puis, comme sa fille se mettait à rire, elle lui fit un clin d’œil et s’éloigna. – Tu as une de ces chances ! s’exclama Maëlle, ce n’est pas ma mère qui sortirait des vannes comme ça ! Elle passe la 22


moitié de son temps à me dire ce que je dois faire, et ne pas faire, et l’autre moitié à vérifier que je m’exécute. Ce qu’elle peut me fatiguer par moments ! – C’est parce qu’elle s’inquiète pour toi, la défendit Lily. C’est quand même bien d’avoir une mère présente à la maison. – Parle pour toi. La mienne, elle est beaucoup trop présente ! – Et la mienne, complètement absente, lança Mélisande d’un ton désinvolte. – Non, corrigea Chiara, c’est la mienne qui est complètement absente. Il y eut un court silence, chacune se rappelant combien Chiara, orpheline depuis sa plus tendre enfance, avait cruellement été privée d’amour maternel. Puis Maëlle déclara en fixant Mélisande : – Y a pas à dire, être idiote à ce point-là, c’est un don. Son amie la fusilla du regard. Elle était en colère, très en colère. Et ce d’autant plus qu’elle était furieuse contre ellemême. Mais ça, elle n’était pas prête à l’admettre ! Rejetant ses épais cheveux en arrière, elle articula froidement : – Tu ne comprends rien. Mais je vais quand même te dire une chose : parfois, je préférerais être à la place de Chiara. Sa remarque causa un nouveau choc à ses amies. Lily décida d’intervenir avant que le malaise n’empire. – Et si on parlait plutôt de tout ce qu’on doit préparer ? suggéra-t-elle. Il faut qu’on se dépêche, on n’a plus beaucoup de temps. Maëlle, penses-tu que tu pourrais chercher les dates de vols disponibles pour Dublin ? Son amie, soulagée que l’on change de sujet, sortit son téléphone portable ultraperformant de sa poche et lança : – No problem. Je m’y mets tout de suite. 23


Dès qu’elle la vit se mettre à pianoter sur les touches, Lily se tourna vers sa gauche pour demander : – Et toi, Mélisande, si tu allais questionner ma mère pour connaître toutes les boutiques à ne surtout pas rater en ville ? Une étincelle s’alluma dans les yeux verts de la jeune fille, qui, heureuse de s’en tirer à si bon compte, acquiesça avec soulagement. – Super ! Chiara, viens, on va aller surfer sur Internet pour découvrir toutes les choses qu’il y a à voir à Dublin et dans les alentours. On n’ira que sur des sites en anglais, comme ça, ajouta-t-elle avec un sourire complice à l’intention de son amie, tu pourras dire à ton père que tu as bossé. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Chiara déplia sa longue silhouette et prit la main que lui tendait Lily pour se relever. Quelle que soit sa frustration, elle savait que son amie attentionnée faisait tout ce qui était en son pouvoir pour lui remonter le moral. Comme les trois jeunes filles s’apprêtaient à sortir de la chambre, Maëlle releva le nez de son mobile pour lancer innocemment : – Alors, mon plan, toujours aussi foireux ? Imperturbable, Mélisande coula son regard émeraude vers Maëlle. – Un plan foireux ? s’étonna-t-elle. Qui a parlé de plan foireux ? Et sous le regard mi-amusé, mi-sidéré de ses amies, elle franchit d’un pas royal le seuil de la chambre.


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