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from Syndicats #5 - 2020
by FGTB
UBT 26
À bas la concertation sociale !
On dirait le nouveau slogan d’un tract écrit par les fédérations patronales réunies du secteur du transport, Febetra, TLV et l’UPTR. Depuis le début de la crise du Coronavirus, ces fédérations patronales refusent systématiquement toute concertation avec les organisations syndicales, aussi bien dans le secteur du transport que dans celui de l’assistance dans les aéroports. Nous devons les forcer chaque fois à se mettre autour de la table. Ils préfèrent en effet boycotter la concertation sociale. Ce n’est que quand nous durcissons le ton ou menaçons de mener des actions qu’ils acceptent du bout des lèvres de négocier. Le résultat est à l’avenant : des applaudissements pour les « héros » du secteur du transport, mais passer de la parole à l’acte, pas question !
Travailler en toute sécurité : une priorité ou non ?
Même pour faire appliquer les mesures de sécurité les plus élémentaires, les organisations syndicales ont dû remuer ciel et terre. Pourtant, les problèmes sur le terrain ne manquent pas. Les employeurs affirmeront qu’il s’agit d’exceptions. Mais la réalité ne ment pas. Voici quelques exemples.
Bob est chauffeur. Il est père de deux enfants souffrant d’une maladie auto-immune. Il est le seul soutien de famille. Pendant cette crise Corona, son employeur refuse de lui accorder un congé et de lui fournir des équipements de protection individuelle. Si Bob n’est pas content, il n’a qu’à partir, lui jette son employeur en face. Car la boîte doit continuer à tourner.
Et que penser des cas de Jean, de Marie, d’André et de Paul… et des nombreux autres chauffeurs qui en arrivant chez le client voient une affiche leur interdisant d’utiliser les équipements sanitaires et la machine à café ! Car ceux-ci sont réservés au seul personnel de la firme. Beaucoup de chauffeurs sont aujourd’hui traités comme des chiens sans que leurs employeurs ne remuent le petit doigt, trouvant qu’il n’est pas nécessaire de réclamer un meilleur traitement de leurs chauffeurs par leurs donneurs d’ordre.
Beaucoup de chauffeurs ne disposent pas de masques buccaux ni de gels pour les mains et se tournent alors vers les pouvoirs publics et leurs organisations syndicales pour demander leur aide.
Pas de récompense pour les travailleurs du transport qui ont continué à travailler … … ni pour les ouvriers manutentionnaires dans les aéroports, encore applaudis à la télé lorsqu’ils déchargeaient des masques buccaux, ni pour les chauffeurs et les logisticiens qui ont continué à faire tourner l’économie. Essayez d’expliquer à Rachid et à Mia, chauffeurs qui livrent chez Carrefour ou Delhaize, que le personnel de ces grandes surfaces reçoit une prime pour les remercier du travail fourni pendant la crise, mais qu’eux qui ont assuré l’approvisionnement ne reçoivent rien du tout ! Ou aux logisticiens qui ont tourné des doubles shifts pour approvisionner les hôpitaux, les pharmacies ou encore les supermarchés.
Essayez d’expliquer à Robert, Malika et Caroline, ... et aux nombreux autres travailleurs du transport mis en chômage que bon nombre d’entreprises paient une prime spéciale en plus de l’allocation de chômage, mais que les employeurs du secteur du transport refusent de le faire. Le chauffeur d’un sous-traitant qui roule toujours pour Volvo ne reçoit pas un cent, contrairement aux ouvriers de Volvo.
Au diable le syndicat ! Febetra, l’UPTR et TLV profitent de la crise du Coronavirus pour essayer de court-circuiter les syndicats. S’ils n’étaient déjà pas de grands amateurs de la concertation sociale, ils sont devenus aujourd’hui les champions du non-dialogue. Eloignons le plus loin possible ces emmerdeurs de syndicalistes.
Encore heureux qu’il y a par-ci par-là des employeurs individuels qui n’ont pas la même vision du monde et qui prennent la concertation au sérieux. Mais ils constituent l’exception à la règle. Des 7.640 entreprises que compte le secteur, seulement 44 ont conclu des accords d’entreprise pour accorder une récompense à leurs chauffeurs ou logisticiens. Seulement 0,58 % des entreprises ont osé s’opposer aux directives des fédérations patronales.
Union Belge du Transport
d’entreprises sont en difficultés. Mais le secteur est malade depuis longtemps.
Malade du dumping social et de l’exploitation. Malade du niveau bien trop faible des prix du transport et des salaires. Malade des mauvaises conditions de travail, les travailleurs étant forcés de faire de longues heures dans une hyper flexibilité afin de gagner un revenu plus ou moins décent.
Pourtant, le vaccin contre les maladies lancinantes dans le secteur existe. Son nom : la concertation sociale. La collaboration entre organisations patronales et syndicales pour faire progresser le secteur. Pour travailler dans des conditions sûres, améliorer les conditions de travail et augmenter l’attrait des métiers du transport. Des démarches communes vis-à-vis des pouvoirs publics pour donner de l’oxygène au secteur qui passe parfois des moments difficiles. Voilà la réponse qui devrait être donnée.
L’entreprise métallurgique VDL KTI, située en Campine, produisait jusque peu uniquement des installations industrielles pour le secteur du gaz et du pétrole. Depuis quelques années, l’entreprise joue de plus en plus la carte de l’écologie. Ainsi, elle produit aujourd’hui des systèmes de lavage (épurateurs) destinés à l’épuration des fumées émises par les grands navires. Ces épurateurs connaissent un succès grandissant, notamment parce que les normes d’émission ont été sensiblement renforcées dans le secteur de la navigation maritime depuis le 1 er janvier 2020.
VDL KTIfournit un bel exemple d’une entreprise métallurgique qui s’est orientée en partie vers des activités industrielles plus durables. L’entreprise contribue à la réduction de la pollution produite par les navires. Nous en avons parlé avec Jacques Kerkhof, secrétaire fédéral UBT des secteurs maritimes.
Épurateurs et hydrogène Les épurateurs produits par VDL KTI diminuent les émissions de soufre dans l’air. Les rejets de soufre sont filtrés, mélangés à l’eau, et évacués vers la mer où ils se dégradent de manière naturelle. Résultat : une diminution de la pollution de l’air. Selon Jacques, ces technologies sont très intéressantes, même s’il y a quelques nuances : « Ces épurateurs doivent être considérés comme une espèce de solution intermédiaire. Les moteurs des navires sont construits pour durer de nombreuses années. Il n’est donc pas possible de les remplacer simplement, car cela représenterait un coût énorme. Les épurateurs sont installés dans la cheminée du navire pour filtrer les émissions. Beaucoup d’armements font aujourd’hui ce choix. Il s’agit d’une solution intermédiaire moins coûteuse jusqu’au moment du véritable verdissement des transports maritimes. ». Au sujet de la tournure que doit prendre le verdissement des transports maritimes, Jacques Kerkhof a une opinion tranchée : « Nos grands armements belges — DEME, Exmar, Euronav et CMB — s’engagent déjà aujourd’hui sur la voie de la durabilité. La CMB en particulier est un vrai champion en la matière, en developpant le ‘Hydroville’, le premier navire à passagers qui utilise l’énergie hydrogène. L’hydrogène est à mes yeux l’énergie de demain car à la combustion elle ne produit pas de CO2 ni des poussières fines ni du dioxyde de soufre. Il y a d’ailleurs un autre lien avec le secteur métallurgique car la CMB collabore aussi avec ABC, une entreprise qui fabrique des moteurs plus écologiques, voire dans certains cas neutres en carbone. Il faut dire que les armateurs belges font partie du top mondial dans ce domaine. ».
L’entreprise métallurgique VDL KTI et le verdissement des transports maritimes
La durabilité et l’emploi ne sont pas concepts ennemis
Si les employeurs persistent et signent, s’ils continuent à camper sur leurs positions conflictuelles dogmatiques, le secteur du transport restera le grand malade à la mauvaise réputation.
Le seul chemin du salut passe par un dialogue social fort et une collaboration constructive.
Emploi et ancrage local L’UBT est fortement attachée au concept de la durabilité. Mais il y a bien sûr d’autres thèmes importants. Jacques : « La Belgique devrait être un précurseur dans le domaine du développement de nouveaux moteurs et de navires. De cette manière, nous pourrions orienter — du moins un tantinet — le marché et assurer l’ancrage local. Pour nous à l’UBT, l’emploi sera toujours notre préoccupation première. ». Un des instruments à utiliser à cette fin est la formation des travailleurs. Jacques souligne : « Les transports maritimes sont également confrontés au phénomène de l’automatisation et de la digitalisation. Nos travailleurs doivent avoir la possibilité d’acquérir les compétences nécessaires à l’utilisation des nouvelles technologies innovantes et durables. Ils devront par exemple pouvoir travailler aux navires navigant à l’hydrogène. L’UBT met tout en œuvre pour que les efforts nécessaires soient faits dans ce domaine. Ce n’est que de cette manière qu’on pourra veiller à ce que personne ne reste au bord de la route. ». n