Festival de Résistance - 4è édition Discours d'ouverture de Daniel Richard

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Dison, 10 mai 2012

Discours d’ouverture du Festival de Résistance Daniel Richard – Secrétaire Régional Interprofessionnel FGTB Verviers et Communauté germanophone Mesdames, Messieurs, Camarades, « La crise est une formidable opportunité ». C’est Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, qui le disait récemment. La crise ne serait donc pas un long tunnel dont nous ne verrions pas encore le bout, le jour ou la délivrance… Elle est, pour certains, l’occasion de réaliser des réformes inacceptables par les peuples en temps normaux… Et le temps est aux sacrifices. Chacun est appelé à prendre sa part d’efforts, nous répète-t-on sans cesse. Nous n’avons pas le choix. Nous sommes priés d’accepter de nous faire du mal… aujourd’hui, pour aller mieux, demain... En sommes-nous vraiment sûr ? De petites voix continuent de nous murmurer à l’oreille : « Comment peut-il manquer aujourd’hui l’argent pour maintenir et prolonger les conquêtes sociales, alors que la production de richesse a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la démocratie et la paix ». Ces voix sont celles des Aubrac, des Bartoli, Cordier, Dechartre, Guingouin, Hessel, Kriegel-Valrimont, London, Seguy, Tillion, Vernant et Voutey, tous et toutes vétérans des mouvements de libération et des forces combattantes de la France libre. Ces voix sont celles de l’appel des résistants de mars 2004. Quatre années avant le déclenchement de la crise la plus profonde du capitalisme depuis 1929 au moins… Ce texte, « Créer, c’est résister. Résister, c’est créer », constitue aujourd’hui la charte du Festival de Résistance que nous organisons, avec nos partenaires dont le Centre Culturel de Dison, depuis maintenant quatre années. Résistance. Avez-vous observé combien cette idée, ce programme, cette ambition est redevenue furieusement « tendance » ? Au cours de l’élection présidentielle française, on a vu ce mot ressurgir de nulle part, scandé par des milliers de personnes dans des meetings politiques… e

En 2009, nous entendions le remettre à l’honneur à l’occasion du 250 anniversaire d’un acte laissant la trace de ce qui est sans doute la première organisation syndicale « moderne » dans notre pays. Un texte signé et marqué par des tondeurs verviétois, disonnais, eupennois… Des travailleurs relevant de deux états distincts de l’ancien Régime. La Belgique n’existe pas encore. Nous sommes en 1759 ! Cette année, en 2012, nous aurions pu, nous pourrions célébrer une autre trace. Plus ancienne encore. Celle de la fondation, il y a 270 ans, d’une association de tondeurs et de laineurs de Verviers et de Hodimont qui est sans doute la première ou une des premières mutuelles sur le territoire de Belgique. Cela se passait chez nous. Qui s’en souvient ? Qui nous le rappelle ? Mes camarades, Nous, travailleurs, nous sommes perpétuellement dépossédés de notre propre histoire… Et cela n’est pas, à mes yeux, sans rapport avec le discours qui nous est tenu sur la crise, sa profondeur, l’opportunité qu’elle représente, l’occasion qu’elle est pour une série de larrons ! En effet, l’histoire du monde ouvrier est riche. Elle enseigne d’abord que rien n’est tombé du ciel. D’ailleurs, il est vide. Que chaque conquête a été le fruit d’un combat. Que rien n’a jamais été pour nous définitivement acquis. Mais aussi, que de tout

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temps, il s’est trouvé des hommes et des femmes pour vouloir transformer leur réalité. Pour changer la vie. Pour y donner à chacun un supplément de bonheur, de joies simples, un peu plus de fraternité, d’égalité ou de libertés. Depuis trente années, le discours libéral nous assène qu’ «il n’y aurait pas d’alternative », que rien ne vaudrait de se battre, que « sans nous, ce serait pire »… Notre histoire nous enseigne le contraire. « Un autre monde est possible ! » Le travail des enfants n’était pas une fatalité. La journée des huit heures n’était pas un rêve. Le suffrage universel n’était pas une chimère. Les congés payés, ce n’était pas l’inaccessible étoile… A travail égal, salaire égal, ce n’était pas une lubie… Renverser le fascisme, ce ne fut pas une folie… La résistance des travailleurs n’a jamais été une impasse et au final, ce sont les combats que nous n’avons pas menés que nous avons perdus… Les luttes à venir m’invite à m’attarder deux minutes et un peu plus sur l’actualité du moment. Celle d’une crise dont on nous a dit jusque là que l’austérité serait la voie de sortie. Nous n’avons cessé de crier au fou ! L’austérité est un cercle vicieux qui conduit à la récession. Les peuples se soulèvent contre cette folie. En Grèce. En Espagne. Au Portugal. Dans les rues mais aussi dans les urnes. Ces derniers jours ont vu la France ouvrir la voie d’une alternance. Nous espérons qu’elle portera demain une alternative au niveau des politiques européennes. La gauche a brisé l’axe Merkosy mais rien n’est encore gagné. En Allemagne, le parti de la chancelière cumule les revers électoraux dans différents lands. L’espoir est grand d’un renversement de majorité en 2013. Enfin en Grèce où la gauche de gauche est amenée à former un gouvernement alors que, comme en France, le spectre d’une extrême droite sordide reprend forme. Nous devons travailler à contenir une contagion possible. C’est certain. Permettez-moi quand même de m’interroger sur la fascination que produit cette résurgence liée à la crise et à ses effets sur les médias qui en font un enjeu dans le même temps qu’ils marginalisent les alternatives portées par les gauches de gauche. Que ce soit en France ou en Grèce… Je l’ai dit, indépendamment de débat, nous avons à travailler, là où nous sommes, là où nous vivons, là où nous militons pour résister aux tentations faciles de l’extrême droite. A l’automne, des élections communales sont à l’ordre du jour. Il nous faudra résister aux discours d’exclusion. Il nous faudra répéter que dans notre société, l’immigré pose moins de problème que le banquier, que l’allocation de chômage coûte moins cher à la collectivité que les salaires irréels des spéculateurs. Et ce ne sera pas simple… Sur le front social, les rendez-vous sont fixés dans le calendrier. Les enjeux sont connus. Ils touchent aux fondements mêmes du modèle social construit au départ des valeurs démocratiques de la Résistance : une sécu forte, des services publics développés, une fiscalité progressive et juste, une démocratie aussi dans le champ économique et social… Ces piliers sont aujourd’hui minés. Tous. La sécu : voyez les mesures sur les fins de carrière et surtout les remises en cause dans le chômage. Ce gouvernement organise la misère avec la dégressivité des allocations à partir de novembre et surtout l’exclusion de quelques 3000 travailleurs sans emploi er dans notre arrondissement la nuit du 31 décembre au 1 janvier 2015 ! Voyez les services publics dont les dotations vont être ramenées à la portion congrue avec la « règle d’or » et les limitations aux investissements publics. La fiscalité : qui a l’impression que les détenteurs des plus grosses fortunes contribuent à due proportion au financement des besoins collectifs ? Ce sont les revenus du travail qui paient pour les dégâts de la crise des revenus du capital !

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Enfin, où en est la démocratie économique et social quand un patronat interprofessionnel wallon qualifie les syndicalistes de « terroristes » alors que des barbouses occupaient l’usine Meister à Sprimont ? Quand Vincent Reuter se fondant sur une étude qu’il refuse de produire explique, sérieusement, que 70% des grèves en Wallonie seraient illégales ? Encore un petit effort, encore 30%, et toutes les grèves seront illégales… Comme dans les régimes autoritaires ! Ce n’est pas sérieux. L’énumération vous montre qu’il reste du pain sur la planche. Mais notre appétit est considérable ! « Un autre monde est possible », c’est la version moderne et actuelle de cet optimisme fondamental des résistants dont nous parlait avec quelle conviction Raymond Aubrac. Il n’aura pas vu la fin du Sarkosysme, une fin à laquelle il aspirait, discrètement. Pour nous, ce soir, c’est l’occasion d’un hommage particulier. La magie des technologies et les mémoires électroniques vont nous permettre d’encore partager son enthousiasme et sa lucidité. Son témoignage sera par nous l’occasion d’interpeller Pierre Galand, un autre résistant. Un autre combattant. Nous l’avons connu, croisé et reconnu dans des bagarres qui ont marqué notre histoire depuis quarante ans : -

Contre les colonisations et contre l’apartheid en Afrique du sud,

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Dans les manifs anti-missiles,

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Pour l’organisation d’une solidarité concrète avec les peuples du Sud, à travers Oxfam ou le CNCD,

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Dans le plaidoyer pour la reconnaissance des droits des Palestiniens,

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Nous nous sommes régulièrement croisés dans les forums sociaux…

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Enfin, faut-il aussi rappeler que Pierre poursuit un combat contre les obscurantismes et pour les valeurs de la laïcité ?

Ce soir, nous allons donc tenter un exercice difficile. Enfin, surtout pour lui... Nous allons lui demander de témoigner de ses engagements multiples en réagissant aux entretiens que nous avons enregistrés de Raymond Aubrac au cours de trois dernières années. Nous avons sollicité Giovanni Lentini de permettre rendre possible cette improbable confrontation. Merci Giovanni de relever le défi. Merci encore à une personne qui n’a pu nous rejoindre ce soir, Yannick Bovy, qui a filmé et réalisé les montages de ces entretiens qui nous diffusions ce soir. Enfin, Merci, bien sûr à Pierre d’avoir accepté, d’abord notre invitation, et d’avoir accepté ce dialogue d’un genre particulier. En conclusion (ou en introduction de ce moment), permettez-moi de vous lire les dernières lignes des mémoires de Raymond Aubrac qui valent aussi, me semble-t-il pour caractériser les engagements de Pierre: « Voilà, écrivait-il, pour les grandes lignes d’une vie dont, malgré les apparences et en dépit de ses modifications successives, je revendique la cohérence. Entre les aspirations populaires et les réalisations sociales, il existe toujours une distance, plus ou moins grande. Avoir eu la chance, dans quelques circonstances, de servir à réduire cet écart, avoir essayé dans quelques autres cas, n’est pas avoir fait œuvre utile ? Pourquoi pas après tout ? »

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