Article Nice Matin

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Le fait du jour

sur la Riviera !

Marchés : un nouveau port tous les  km Little Calabre A – est en train de construire le nouveau port d’Ospedaletti. Une infrastructure de la taille du bassin Lympia à Nice, pour une commune pas plus grosse… qu’Eze-sur-Mer ! Vintimille, Bordighera, Camporosso, Arma di Taggia, Imperia ont aussi un port en construction. Soit un tous les 15 km ! Faut-il y voir l’illustration de cette « mutation affairiste » dénon-

Les frères Pellegrino de Bordighera sont en train de construire le nouveau port d’Ospedaletti ; une infrastructure de la taille du bassin Lympia à Nice, pour une (Photo Franz Chavaroche) commune pas plus grosse… qu’Eze-sur-Mer !

cée par un rapport de la commission nationale italienne antimafia ? « Dès les années 80, peut-on y lire, la N’Dragheta devient avant toutes ses autres concurrentes une mafia d’entreprise, infiltrant le milieu politique local. Une mutation sociale qui lui permet de commencer à réinvestir ses capitaux criminels dans l’économie légale en Italie. Mais aussi en Allemagne, en Australie, au Canada et… En France ». Et notamment à Menton où les « fratelli » ont pignon sur rue. Les « Pellegrino frères » y ont, entre autres chantiers, construit le Royal Plazza qui abrite les bureaux de la communauté d’agglo (CARF). Une élue azuréenne pointe également du doigt cette autre société ligure, « aux capitaux difficilement traçables » qui, dans le département, répond à tous les appels d’offres de réfection des routes… « A chaque fois, son devis est 60 % moins chers que ses concurrents ! C’est pour le moins suspect. »

Jean-Claude Guibal, maire de Menton : « Une constante pression venue d’Italie » S

oumis à « une constante pression venue d’Italie », le député-maire de Menton tente de traquer les investissements d’origine douteux sur le territoire de sa commune. « Avec les maigres moyens dont dispose un maire, reconnaît Jean-Claude Guibal. S’agissant des marchés privés, on essaye d’être le plus pointilleux possible. Mais le rôle d’un maire n’est que de garantir le respect des règles d’urbanisme. Par exemple, on ne peut s’opposer au transfert d’un permis de construire après que nous l’avons délivré. Même si l’origine des fonds nous paraît suspecte. Enquêter sur l’origine de l’ar-

gent ne fait pas partie des prérogatives municipales. Alors, on est obligé de bricoler, pour ne pas délivrer des permis de construire qui seraient en fait des permis de blanchir. Ou pire, confier des marchés publics à des entreprises dont on sait qu’elles ne sont que des paravents.

« Les entreprises les plus douteuses sont souvent les moins disantes » « On demande systématiquement les certificats antimafia aux autorités italiennes qui, elles, s’étonnent souvent que leurs homologues françaises ne soient pas plus méfiantes.

Mais que faire, lorsque le critère du prix est prépondérant pour l’attribution de marchés publics? On essaie de le pondérer au maximum avec les exigences de qualité faites aux candidats. Mais, cela a un coût pour la collectivité. Car les entreprises les plus douteuses sont souvent les moins disantes. En voulant les écarter, on alourdit alors le coût des chantiers. De même que la commune n’a pas les moyens de préempter à chaque fois qu’une transaction lui paraît suspecte. Or, depuis deux ans, notre sentiment c’est que ces tentatives d’incursions mafieuses sont de plus en plus nombreuses. »

Une association antimafia ligure, « La casa della legalita », n’hésite pas à dénoncer la « main mise » sur les politiques locaux de cette N’Drangheta capable de faire la différence lors des élections. Comme à Vallecrosia, où pour quelques dizaines d’euros l’organisation criminelle irait jusqu’à « acheter l’adhésion des électeurs au candidat désigné ». Ou simplement en activant ses relais au sein de la « communauté ». Notamment à Vintimille, où  % de la population a des origines calabraises!

(Photo Franz Chavaroche)

ujourd’hui, les familles les plus influentes de la N’Drangheta ne se contentent évidemment pas de jouer les simples manœuvres. Elles ont créé leurs propres sociétés de BTP en Ligurie, mais aussi sur la Côte d’Azur. C’est ainsi, par exemple, que l’entreprise des frères Pellegrino de Bordighera – dont les moyens sont comparables à Bouygues en France !

Infiltrations azuréennes Cette “petite-italie-du-sud” s’est constituée au lendemain de la guerre. Quand la CIA, préférant Don Corleone à Marx, armait secrètement les « cosche » pour former un ultime rempart à l’expansionnisme soviétique. Le gouvernement italien, lui, menait déjà la guerre antimafia… En obligeant les familles calabraises les plus puissantes à aller s’installer à l’autre bout du pays, c’est-à-dire aux portes de la Côte d’Azur. Et de Monaco. La transformation du rocher monégasque en Eldorado azuréen n’aurait pu se faire sans cette nouvelle main-d’œuvre bon marché fraîchement débarquée de Calabre. Au plus grand bonheur de la N’Drangheta, qui prélevait une dîme sur chaque salaire de cette armée de maçons! Paradoxalement en voulant déraciner le mal, le gouvernement italien a indirectement contribué à l’enrichissement des familles mafieuses.

Le retour de « la petite araignée »

Le député-maire de Menton : « Enquêter sur l’origine de l’argent ne fait pas partie des prérogatives d’un maire ». (Photo Eric Dulière)

Gianni Tagliamento, alias « la petite araignée ».

(Photodoc)

Placé sur écoute en , Gianni Tagliamento fut l’élément déclencheur de l’affaire « Mains propres » sur la Côte d’Azur, fin . Une nébuleuse politico-financière dans laquelle des élus azuréens et chefs d’entreprises ont été mis en examen pour corruption en bande organisée et trafic d’influence. Mais dont « la petite araignée » sortira sans aucune poursuite. Pourtant aujourd’hui, ce Napolitain d’une cinquantaine d’années, gérant de la société de BTP Agel Construction, est identifié par le procureur en chef de San-Remo, Roberto Cavallone, comme celui qui servirait de contact en France pour

les affairistes calabrais de la N’Drangheta. Or, la première fois que la France entend parler de Gianni Tagliamento, c’est à la fin des années . Lors de la tentative de prise de contrôle du casino de Menton par une société écran : la Sofextour. « Les actionnaires étaient tous des prêtenoms, contrôlés par des intérêts italiens, des résidents monégasques et des représentants du milieu corse », souligne un rapport du Sénat sur les jeux de hasard. Tagliamento, fut désigné comme étant le bras droit de Michele Zaza, le capo emblématique de la camorra napolitaine sur la Côte.


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