Altitudes 2 1 5
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INVERSER LE REGARD
Esquisse d'un projet de sol métropolitain : de la polarité nord-ouest aux carnets de territoire Bessoud-Cavillot Florent
Mémoire de recherche
IUGA 2021
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INVERSER LE REGARD Esquisse d'un projet de sol métropolitain : de la polarité nord-ouest aux carnets de territoire
Bessoud-Cavillot Florent Mémoire de recherche en vue de l’obtention du diplôme d'Urbaniste OPQU Soutenu le lundi 5 juillet 2021 à l'institut d'urbanisme et de géographie alpine, sous la direction de Mr Charles Ambrosino pour l'IUGA et de Mme Sophie Galland comme tutrice professionnelle Année 2020 / 2021
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Abstract
Urban planning and landscape are disciplines with multiple different but complementary approach’s. Grenoble metropolis explores situations in which the landscape approach attempts to reverse the way one considers a site in contemporary urban planning practices. In retrospective, the construction of this territory, as well as Presqu’île and Mikado projects, highlight different ways of practicing urban planning, signifying the progression that the establishment has made towards what could be called a metropolitan land project. The professional records of these projects illustrate this process and describe the limits encountered in the development. Thus, it seems that the traces left by the Mikado approach may be the sign of an change envisaged in the practice of metropolitan urban planning in Grenoble. It can be surmised in the Carnets de territoire (Territorial studies), following the study already done in the OAP landscape and biodiversity. These studies elaborate on new and unifying figures which explore the meaning given to these open spaces, sketching little by little the metropolitan land project.
URBANISM / LANDSCAPE / LAND PROJECT / METROPOLIS / PRESQU'ÎLE PROJECT / MIKADO PROJECT / SUB-URBANISM
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Résumé
L’urbanisme et le paysage sont des disciplines aux approches multiples, mais complémentaires. La métropole grenobloise est ici le terrain d’exploration d’une approche par le paysage qui tente d’inverser le regard quant à la considération du site dans la pratique urbanistique contemporaine. La rétrospective de la construction de ce territoire ainsi que des projets Presqu’île et Mikado qui cristallisent des pratiques différentes de l’urbanisme permet de signifier les jalons de l’établissement de ce qu’on pourrait nommer un projet de sol métropolitain. La parole des acteurs de ces projets illustre ce processus et ouvre sur les limites rencontrées pour son élaboration. Ainsi, il semble que les traces laissées par la démarche Mikado peuvent être le signe d’un basculement envisagé dans la pratique de l’urbanisme grenoblois. Il peut se traduire dans la démarche des Carnets de territoire qui fait suite à l’OAP Paysage et biodiversité. Elle tente donc d’élaborer de nouvelles figures fédératrices qui cherchent à donner du sens à ces espaces ouverts, esquissant petit à petit le projet de sol métropolitain.
URBANISME / PAYSAGE / PROJET DE SOL / MÉTROPOLE / PROJET PRESQU'ÎLE / PROJET MIKADO / SUB-URBANISME
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Remerciements
J’aimerais adresser mes sincères remerciements à ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire. Je tiens d’abord à remercier Madame Sophie Galland, qui m’a encadrée durant mon alternance. Pour sa confiance, son attention aux détails, son regard professionnel et sa bienveillance tout au long de cette année. Je remercie également Monsieur Charles Ambrosino, pour son regard sur mon sujet, ses conseils, ses références et ses orientations. Merci à Sophie Lachenal pour son partage et sa bienveillance. Un grand merci à Sullivan Doublet, pour avoir accepté de participer à la démarche menée dans le cadre de mon alternance, pour son professionnalisme et sa motivation sans faille qui auront grandement participé à l’élaboration de ce mémoire. Un merci tout particulier à Thea Mckenzie, pour m’avoir supporté et soutenu une nouvelle fois pour un mémoire de recherche. J’exprime aussi toute ma gratitude aux personnes que j’ai eu la chance d’interviewer, pour leur temps, leurs réponses et leur passion. Enfin, un immense merci à ma famille, pour le temps passé à la relecture de ce dernier ouvrage qui ponctue enfin ma scolarité.
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Avant-propos
Du paysage à l’urbanisme, Grenoble comme une évidence. Originaire de la région grenobloise, j’ai grandi sur ce territoire où les montagnes accentuent tout : les sens, les contrastes, la lumière. La ville n’échappe donc pas à cet effet. Durant ces trois dernières années, l’École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles, où j’ai eu la chance d’étudier, m’a permis de poser des mots sur ces sensations et de développer un regard sur ce qui m’entoure. J’y ai appris le principe d’emboitement des échelles, développé le goût du dessin ou la considération du horschamp du site, et surtout, j’ai étendu ma curiosité. C’est cette curiosité qui m’a incité à retourner à Grenoble. L’approche de la ville par le paysage me paraissait indéniable, mais au regard de ce qu’elle convoque, une approche différente — quoique complémentaire — semblait nécessaire. Le master 2 UPU de l’IUGA offrait selon moi cette complémentarité dans un territoire où mes interrogations prenaient corps. Alors que mes années à l’ENSP m’ont avant tout initié à la pratique du projet et à sa matérialisation, cette année m’a offert d’autres clés de lecture sur le développement des villes et des territoires, notamment dans l’appréhension des processus politiques et des leviers d’actions territoriaux. À ceci, s’ajoute la diversité d’approches complémentaires — réglementaires, économiques, sociales, politiques —, ainsi que la diversité de profils rencontrée dans ma formation. Par ailleurs, cette formation mêlant théories et pratiques m’a permis de m’initier au monde professionnel au cours de mon année en alternance à Grenoble Alpes Métropole. Ma candidature spontanée m’a amené à conduire une démarche encore naissante à mon arrivée et pour laquelle j’espère avoir été aussi utile que l’enrichissement qu’elle m’a procuré. Ce présent mémoire tente d’en rendre compte.
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Sommaire Résumé Remerciements Avant-propos Introduction Démarche et limites de la recherche
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01 LA MÉTROPOLE GRENOBLOISE laboratoire d’interfaces entre ville et géographie 1 // PRÉLUDE D’UN NOUVEAU PARADIGME URBANISTIQUE a // Une géographie singulière où s’imposer 20 b // De la contrainte à la ressource, le récit de trois 26 urbanismes grenoblois 2 // « DE LA TECHNOPOLE À LA MÉTROPOLE?» a // Entre industrie et technologie, l’établissement d’un modèle 39 technopolitain b // De l’intercommunalité à l’agglomération, quelle 42 planification ? c // Vers une organisation polycentrique 48 3 // UNE MÉTROPOLE, TROIS POLARITÉS
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02 LA POLARITÉ NORD-OUEST un site démonstrateur de deux pratiques urbanistiques 1 // TROIS MANIÈRES DE CLASSER L’URBANISME, UNE ALTERNATIVE a // Le récit de trois urbanismes selon Fromonot
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b // « L’alternative du paysage »
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2 // LA PRESQU’ÎLE, LE SITE À L’ÉPREUVE DES PROGRAMMES a // Des programmes aux figures, une quête d’innovation urbaine
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b // Du projet urbain au projet architectural, " l’ilot urbain intégré "
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c // L’emploi de l’eau comme symbole d’une vision technologique
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3 // L’ALTERNATIVE MIKADO a // La commande : « Faire polarité par le paysage »
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a // « Une métropole polycentrique et de proximité » 52
b // Au-delà d’une trame verte et bleue, une figure géographique fédératrice
102
b // De Giant à l’Écocité, exemple de l’établissement du projet 55 urbain grenoblois sur la polarité nord-ouest
c // Les traces de sub-urbanisme dans une gouvernance métropolitaine fragile
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03 LE PROJET DE SOL de contrainte à ressource, le paysage comme médium 1 // ATTERRISSAGE DU PROJET DE SOL : LES CARNETS DE TERRITOIRES a // La nécessité de changer de regard 124 b // Du global au local, le paysage transversal 127 2// DU DRAC À L’ISÈRE, UNE PLAINE RETROUVÉE a // Carnet : Vallée du Drac et rebord du Vercors 132 b // Carnet : Isère aval 144 c // Carnet : Isère amont 156
En ouverture Bibliographie / Sitographie Glossaire Annexe
166 170 176 177
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Introduction
UN CONSTAT À TROIS ENTRÉES Ce travail fait suite à trois constats qui vont orienter notre réflexion tout au long du développement de cette étude. Tout d’abord, le bouleversement actuel de nos modes de vie, nos pratiques et nos besoins : nouveau régime climatique, érosion de la biodiversité, demande sociétale d’une prise de conscience de services réciproques que les vivants peuvent avoir les uns pour les autres - que certains qualifient de besoin de « nature » - liés au bien-être de l’habitat (Latour, 2017; Clergeau, 2020). Ces bouleversements majeurs influencent les modes de pensées et les modes d’action des concepteurs de ces espaces d’habitats (architectes, urbanistes, paysagistes concepteurs…) qui - après avoir connu une segmentation importante de leurs disciplines – voient peu à peu se désagréger leurs parois professionnelles vers plus de porosités. Pour le moment encore timide, ces porosités ne sont pas moins identifiables, voire encourageantes, notamment dans les disciplines de l’urbanisme et du paysage (Romeyer, 2018). Cette « hybridation » donne lieu depuis une vingtaine d’années à des théorisations et des concepts remettant en question la discipline de l’urbanisme en soi, ou même ses interfaces (Marot, 1995; Fromonot, 2011; Da Cunha, 2019; Waldheim, 2016). Ces observations orientent les champs de la recherche et du projet vers l’émergence d’une pratique paysagiste qui depuis plus d’une vingtaine d’années fait progressivement place à un « urbanisme paysagiste » ou « landscape urbanism » (Waldheim, 2016). Elle cherche à définir « des principes de construction de la ville, non par le bâti, mais par et avec le paysage » (Da cunha, 2019, 17). Ces principes influent aujourd’hui sur la manière de penser la transformation de la ville notamment dans un but de qualité urbaine étant en jeu dans cet « urbanisme du vivant » (Da Cunha, 2019, 17).
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1. B.Secchi (1986) écrivait en réagissant à une pratique urbanistique trop standardisée : « Il me semble que le projet d’urbanisme est en grande partie le projet du sol. Il prend son sens dans un projet social plus ample et acquiert sa « valeur » par le projet architectural […] » Secchi B., 1986, « Progretto di suolo », Casabella, n°521
Enfin, le troisième constat est celui de la manière dont ces nouveaux paradigmes se manifestent, ou, comme on l’entend souvent aujourd’hui, atterrissent. Pour cela, il nous semble intéressant de mobiliser la notion de « projet de sol » (ou urbanisme des espaces ouverts) déjà développée par l'urbaniste italien Bernardo Secchi en 19861. À la suite de ce texte, l’auteur constate que, au cours du 20e siècle, le sol est insuffisamment conceptualisé, représenté et projeté à travers les productions notamment graphiques de la discipline. Ainsi, il rappelle alors l’importance du sol pour construire ce qu’il décrira quelques années plus tard comme « un horizon de sens pour une ville inévitablement dispersée, fragmentaire et hétérogène » (Secchi, 2006, pp. 127-128, in Vigano, Barcelloni & Vialle 2020). Aujourd’hui, cette considération du sol comme support de réflexion et de projet est traitée dans le travail de sa consœur, Paola Vigano. Entre recherche et pratique, elle tâche d’offrir une nouvelle perception de ce sol qu’il faudrait apprécier comme une ressource difficilement renouvelable (Vigano, 2016, Vigano, 2020). Cette inversion du regard quant au sol des villes et donc aux espaces ouverts qu’il compose s’associe avec des démarches de constructions de nouveaux outils de représentations de ces espaces, notamment dans le champ de la cartographie (AïtTouati, Arènes, et Grégoire, 2019). Ces nouveaux « systèmes de représentation » en cartes, coupes, animées ou non, permettent de retrouver le lien entre le sol et les pratiques de la société qui l’habite, mais également avec le monde vivant. Ils nous amènent ainsi poser la question de la re description de nos territoires allant vers la compréhension de nos terrains de vie, soit une reterritorialisation de notre « habiter contemporain » comme le définit le philosophe Cris Younès : « Habiter, c'est s'inscrire dans un tel « système d'écosystèmes » et de lieux où tous s’interpénètrent, de l'intime à la proximité et à la ville, au pays, à la terre. Le lieu où topos est un « où » pétri de relations matérielles et immatérielles, à la fois empreintes et matrices, il permet de se situer, de s'orienter et de se relier. Ce qui implique tout à la fois une centration et une tension entre ici et ailleurs, soi et les autres, imbriquant passé, présent et à venir. […] Une structuration de l'espace opérée uniquement suivant une logique gestionnaire ou technocratique ne peut que désorienter l'habitant qui n'y retrouve pas les repères qui le soutiennent. » (Younès, 2019, 76)
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Introduction
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Si l’on considère l’urbanisme comme une discipline relevant de l’organisation spatiale des villes, et donc, essentiellement une régulation de l’usage des sols (Desjardins et Beaucire, 2014), notamment par des procédures de programmation. Ce nouveau paradigme qui tente de porter un regard sur les espaces ouverts et sur leurs sols — au regard du fait que « le paysage est aussi l’expression d’un sol en milieux terrestres » (Gallinet, 2021 Conférence de l’agence TER) — nous amène à nous questionner sur son approche, ses caractéristiques et sa valeur. Au vu des incertitudes climatiques actuelles, quelle valeur allons-nous donner au sol ? Cette valeur pourra-t-elle orienter les futures décisions d'aménagement ou de ménagement ? La perméabilité, le stockage, la production ou encore la fraicheur sont des caractéristiques résultantes de relations symbiotiques à considérer dans une nouvelle approche du vivant. Si ce n'est pas une porte d'entrée privilégiée, c'est pourtant un terrain à investir. Nous allons tenter de l'investir au travers du champ de la recherche en exposant d’abord le cadre théorique de celle-ci, ainsi que par la tentative d’une modeste contribution pratique au travers de l’expérience professionnelle de cette année, au sein de la Métropole de Grenoble. À la suite de ces constats et de cette conclusion nous amenant vers l’« habiter » contemporain, nous souhaitons introduire le périmètre de recherche de cette étude par une transition vers et par le prisme qui nous guidera tout au long de cette recherche, le paysage. « Si la notion de paysage mérite d’être honorée, disait Sansot (1983, 13), ce n’est pas seulement parce qu’elle se situe de façon exemplaire à l’entrecroisement de la nature et de la culture, des hasards de la création et de l’univers et du travail des hommes, ce n’est pas seulement parce qu’elle vaut pour l’espace rural et l’espace urbain. C’est essentiellement parce qu’elle nous rappelle que cette terre, la nôtre, que nos pays sont à regarder, à retrouver, qu’ils doivent s’accorder à notre chair, gorger nos sens, répondre de la façon la plus harmonieuse qui soit à notre attente. » (Da Cunha,2019, p 16) DU PROJET URBAIN AU PROJET DE PAYSAGE Derrière le mot paysage, une discipline… La définition des termes et des concepts que nous
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2. “Le paysage, au sens où l’ont pris des écologues, est un système écologique, c’est-à-dire un ensemble d’éléments physiques, chimiques, biologiques et socio-économiques dont les interactions déterminent les conditions de vie […]. Il a, pour l’écologue, un caractère fonctionnel dans la conservation d’une biodiversité”, cité par P. Clergeau, G. Désiré, “Biodiversité, paysage et aménagement: du corridor à la zone de connexion biologique”, Mappemonde, n°55, 1999..
manipulons dans cette réflexion est indispensable pour délimiter le périmètre de notre recherche et tenter de jalonner notre récit. Le terme paysage est riche de sens. Le paysage des paysagistes est différent des écologues, des géographes, des sociologues ou des urbanistes. Ce constat appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, le fait que le paysage soit reconnu juridiquement depuis les années 2000. En effet, la Convention Européenne du Paysage le définit comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations », il devient « un élément important de la qualité de vie des populations » (Conseil de l’Europe, 2000). Si cette définition peut marquer un tournant dans sa considération, elle ne fait pas l’unanimité, notamment dans le champ de l’écologie2 qui infuse de plus en plus dans les pratiques urbanistique et paysagiste. Le paysage est aussi un objet de recherche pluridisciplinaire. La notion de paysage se place entre une réalité matérielle, et une réalité immatérielle, qui est une représentation sociale et qui ne se limite pas à la considération objectivante du paysage. Le paysage est donc une production sociale et culturelle, un « produit du regard porté sur le territoire, mais aussi produit de l’action d’une société sur son espace » (Toublanc, 2009). La notion même de paysage est donc multiple et fait appel à de nombreuses autres disciplines, comme la géographie, l’économie, l’écologie, la sociologie qui permettent d’approcher par divers angles les particularités matérielles et immatérielles du paysage et en font une approche transversale. …et des pratiques, par la démarche de projet de paysage Pratique enseignée dans les écoles de paysages, le projet de paysage peut être assimilé à « une démarche de recherche, à une posture intellectuelle génératrice d’un questionnement théorique et productrice de savoirs » (Toublanc, 2009). Certains fondements de cette pratique font état d’une posture de projet définie dans les années 2000 par Michel Corajoud. Dans une Lettre aux étudiants, il est suggéré par de grands principes de « se mettre en état d’effervescence, parcourir en tous sens, explorer les limites, les outrepasser, quitter pour revenir, traverser les échelles,
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Introduction
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anticiper, défendre l’espace ouvert, ouvrir son projet en cours, rester le gardien de son projet ». (Corajoud, 2000) Ce discours pédagogique fait état d’une approche particulière pour la considération du site de projet en croisant une approche pluridisciplinaire. Cette transversalité est importante car « par enseignement du paysage, il faut entendre l’apprentissage des nombreuses disciplines scientifiques qui s’intéressent au sujet – de la géographie à l’écologie, de la botanique à l’histoire ou à l’hydrologie –, ainsi que l’acquisition des méthodes et des savoir-faire de la conception, spécifiques au projet de paysage et au métier de paysagiste concepteur. Ces compétences incluent le dessin et la description, la formation et l’entraînement du regard, la compréhension de situations sociales et économiques, le travail des formes et l’anticipation, et bien sûr l’écoute des habitants et des usagers. » (Gaudin, 2019) À l’heure actuelle, avec une écologie du paysage qui prend une place importante dans les discours des concepteurs et qui fait écho aux préoccupations sociétales, la dimension écologique qu’elle apporte permet aux paysagistes d’adopter un discours parfois différent des urbanistes et architectes. On peut alors supposer comme le démontre Benoit Romeyer que l’Urbanisme et le paysagisme soit deux champs disciplinaires distincts aux frontières poreuses et aux interactions fertiles (2018), dans leurs capacités à se projeter vers une transformation de l’espace et de ses usages. D’ailleurs, il fait état du foisonnement de « termes relatifs aux diverses formes de rapprochement, d’interpénétration, voire d’hybridation ayant pu exister entre urbanisme et paysagisme au fil du temps. Celles-ci se sont ainsi trouvées décrites sous les différents vocables d’« urbanisme végétal » (Mollie, 2009 ; Da Cunha, 2009 ; Blanc, 2009), d’« urbanisme vert » (Mathis et Pépy, 2017), d’« urbanisme paysager » (Cueille, 1989 ; Bonneau, 2016), d’« urbanisme de la révélation » (Fromonot, 2011), de « suburbanisme » (Marot, 1995, 2011), d’« urbanisme paysagiste » (Donadieu, 2009, p 43), de landscape urbanism (Waldheim, 2006, 2016 ; Leger-Smith, 2013), d’« art des quartiersjardins » (Bauer, Baudez, et Roux, 1980), de « paysagisme d’aménagement » (Luginbühl, 1974 ; Donadieu, 2009, p. 45), « de planification paysagère » (Novarina, Métais et Micheletto, 2004) » (Romeyer, 2018). Notre travail n’est donc pas le premier à se positionner à l’interface de ces deux disciplines.
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Si certains de ces termes seront ici mobilisés, il s’agit surtout de proposer une rétrospective des pratiques urbanistiques et de leurs possibles changements de paradigme au sein du territoire. Tout en tâchant de comprendre en quoi la démarche effectuée durant l’année participe ou non à ces changements. Ce présent mémoire cherche ainsi à s’inscrire dans un débat général concernant les manières de faire la ville, tout en s’attachant à nourrir et à s’inspirer des discussions et pratiques plus locales, au sein du territoire de la Métropole Grenoble Alpes. Pour illustrer nos propos, nous nous concentrerons donc sur ce territoire qui, depuis une vingtaine d’années et la récente constitution de sa métropole, semble avoir pris une trajectoire à la fois singulière, mais néanmoins représentative des certaines pratiques urbanistiques que nous tâcherons d’éclaircir. Il propose une relecture du parcours et des pratiques urbanistiques grenobloises, en se focalisant notamment sur un site marquant de cette pratique et visiblement représentatif d'une « marque grenobloise », la presqu’île. L'hypothèse faite est que malgré un goût prononcé pour l'innovation, et ce dans plusieurs domaines, Grenoble et la métropole tardent à engager un réel changement de paradigme urbanistique, malgré quelques œuvres isolées. Ces jalons de la construction urbaine grenobloise indiquent pourtant une tendance à s'orienter vers de nouvelles pratiques urbanistiques et métropolitaines. En passant par la prise de conscience d’une richesse géographique fondatrice à laquelle deux siècles d’urbanisme ont presque été indifférents, les contextes climatiques et sociétaux actuels peuvent être l’opportunité pour la métropole grenobloise de retrouver sa géographie en construisant un « projet de sol » métropolitain. À la suite des prémices de ces changements, comment faire atterrir ce projet de sol métropolitain ? Le prisme du paysage peut-il être une des ressources qui esquisserait ce nouvel « urbanisme situé » ? Dans un premier temps, nous chercherons à rendre compte des récentes pratiques de l’urbanisme grenoblois au regard de la géographie particulière du territoire. Après avoir posé la scène urbanistique grenobloise, nous déclinerons les différentes étapes de sa métropolisation et la façon dont
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cela a influencé ou non la planification et la définition d’un récit métropolitain qui semble aujourd’hui s’orienter vers des polarités ancrées dans la ville du 20ème siècle. Celles-ci semblent s’ancrer dans des espaces périphériques propres à l’application du « suburbanisme », telles que définies par Sébastien Marot. Dans un second temps, nous exposerons les différentes manières de classer l’urbanisme de Françoise Fromonot et travail critique de Sébastien Marot afin d’énoncer le cadre conceptuel pour les mettre en relation avec un cas d’étude grenoblois. Cette mise en contexte permettra d’analyser une étude de cas caractéristique des pratiques urbanistiques Grenobloises, la presqu’île, sur laquelle deux postures de projets cristallisent deux paradigmes urbanistiques contrastés à travers le projet Giant - Presqu’île et la démarche Mikado. Enfin, si quelques traces de prémices de changement de paradigme urbanistique grenoblois semblent émerger, nous exposerons en quoi ils peuvent être le point de départ d’un « projet de sol » qui apparait dans la démarche des carnets de territoires. Cette démarche fait suites aux documents d’urbanisme règlementaire de l’OAP Paysage et biodiversité. Ainsi, cette étude menée durant l’année d’alternance au sein de la métropole grenobloise cherche modestement à faire atterrir un projet de sol par le prisme du paysage, ou du moins, d’éveiller une conscience encore engourdie.
Démarche et limites de la recherche Ce travail de recherche se positionne au croisement de la théorie et de la pratique. Cette année de formation en alternance a été l’occasion de travailler sur la démarche des carnets de territoire. Menée au sein de l'unité d'études urbaines et paysagères, elle n’était que peu avancée lors du début de la mission. L’idée découlait alors de la charpente de l’OAP en voulant aller plus loin que celle-ci. Surtout, en s'appuyant sur ce qui était déjà à l'époque très exprimé dans les polarités comme le projet Mikado ou GrandAlpe, ainsi que la trame verte et bleue. Si les territoires définis disposés d’informations plus ou moins détaillées et que les bases d’une réflexion de projet de sol étaient envisagées, leurs spatialisations et mise en œuvre graphiques n’étaient pas réalisées. Néanmoins, les travaux engagés ont rapidement initié
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notre hypothèse de recherche et nourrit la réflexion qui a tenté de savoir dans quel contexte celle-ci avait été imaginée et surtout, qu’elles étaient les étapes importantes qui l’ont précédé. Elle fut l’occasion d’aborder des enjeux divers de façon transversale, nous amenant à mobiliser les nombreux services de la métropole tels que le service risques, agriculture ou biodiversité. Ce travail de recensement d’informations mené auprès des services donnait lieu à des synthèses graphiques. Ces productions de différents ordres se ponctuaient par des moments d’arpentages sur le site et des rencontres pour nourrir la réflexion. En parallèle de ce travail, le mémoire de recherche permettait de formuler une approche rétrospective sur les pratiques urbanistiques du territoire. Pour cela, des entretiens semidirectifs ont été menés. Dans un souci de représentation la plus exhaustive possible, ces enquêtes rassemblées les différents acteurs qui ont participé à l’élaboration du projet Mikado, localisé sur la polarité nord-ouest. À cela, s’ajoute les personnes ayant travaillé à la réalisation des derniers documents de planifications métropolitains comme l’OAP paysage et biodiversité du PLUi. Ainsi, dès le mois de mars nous avons pu rencontrer : -
Bruno Tanant, ancien co-directeur de l’agence Tn+ Cécile Branthomme, cheffe de projet aménagement Ludovic Bustos, vice-président à l’urbanisme Yannick Olivier, ancen vice-président à l’aménagement Rachel Anthoine, directrice pole paysage au CAUE de l’Isère Sophie Galland, tutrice et paysagiste urbaniste au sein de l’unité études urbaines et paysagères.
Enfin, des limites décelées au cours de ce travail peuvent être évoquées. Il s’agit tout d’abord d'un manque de transversalité au sein des services qui n’est pas facilité par l’organisation de cet établissement public. Ensuite, la situation sanitaire a rendu difficile les possibles échanges envisagés et la communication autour de rassemblement d’habitants pour discuter de la production. Enfin, même si l’unité est à l’initiative de cette démarche pour le moment portée en interne, car sans demande directe de la part des élus, si ce travail n’est pas rallié à un politique permettant un portage plus important, il est possible qu’il s’essouffle et complète la fameuse armoire des études oubliées.
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LA MÉTROPOLE GRENOBLOISE LABORATOIRE D’INTERFACES ENTRE VILLE ET GÉOGRAPHIE Il semble important de revenir sur les récentes pratiques urbanistiques grenobloises au regard d’une géographie particulière afin de comprendre le contexte dans lequel nous devons aujourd’hui agir. Mais au-delà d’un contexte géographique, c’est également le contexte institutionnel du territoire qu’il s’agit de développer, celui-ci ayant un impact direct sur la planification, ou la non-planification de la situation urbaine actuelle. Il s’agit ainsi de comprendre comment l’établissement d’une technopole au sein d’une agglomération de taille peu conséquente a influencé le passage vers la difficile mise en place d’une métropole, et donc ses partis pris en termes de stratégies et de vision du territoire actuel. 19
1 // Prélude d’un nouveau paradigme urbanistique a // Une géographie singulière où s’imposer
Il est difficile d’évoquer le territoire grenoblois sans rappeler l’environnement dans lequel cette agglomération s’est installée, puis développée. Une trilogie fondatrice de massifs montagneux (le Vercors, la Chartreuse, et Belledonne), dont les paysages sublimes font la renommée de celle qui se revendique « capitale des Alpes », une ville à la montagne donc ? Ce n’est pas si simple. Bien que ces massifs soient aujourd’hui relativement accessibles (compter 20 minutes en voiture pour les premières pentes), ce décor montagneux fut à la fois un gisement de ressources économiques et touristiques pendant plus d’un siècle pour finalement se reléguer à un simple rôle de toile de fond (Ambrosino et Buyck, 2018). Cependant, lors de la fin de la dernière grande glaciation du Würm et le recul progressif des glaciers de l’Isère et de la Romanche, c’est un lac qui continua de sculpter ce relief. Un lac laissant derrière une cuvette surchauffée l’été et parcourue par des courants d’air glacials en hiver. Pour parer à cette rudesse du relief et du climat, les hommes ont très vite cherché à lutter contre ces phénomènes climatiques, mais surtout et en particulier contre ces éléments « naturels », les rivières. Ces vestiges des glaciers et du lac du Grésivaudan ont pendant longtemps parcouru la plaine alluviale des vallées formant le fameux « Y grenoblois ». Et s’il est vrai que la montagne est omniprésente et caractéristique de cet environnement singulier, il est pourtant clair que Grenoble est avant tout une ville de plaine, « la plus plate de France », paradoxe à la fois fertile et oublié au regard du développement urbain des deux derniers siècles. Au vu de son passé géomorphologique, il n’y a pourtant pas de lien plus évident entre la plaine et les montagnes que cette eau qui s’écoule. D’ailleurs, se pencher sur l’implantation humaine dans un endroit qui, de prime abord, avait toutes les
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Figure 1 / Grenoble au sein du sillon alpin © F.Bessoud-Cavillot
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caractéristiques d’un espace inhabitée et inhabitable, relève de la compréhension de ces phénomènes et notamment des relations à l’eau. C’est d’ailleurs ce que le célèbre géographe grenoblois R. Blanchard a fait dans son ouvrage Grenoble. Étude de géographie urbaine. Selon lui, l’existence de cette cité de plaine alpine et son essor, notamment au sein de sillon alpin, était pour le moins « originale » (Figure 1). Il rappelle d’ailleurs que : « Grenoble est une ville de confluent. Confluent de rivières, bien plus que confluents de vallées. Si la jonction des vallées a plus tard assuré sa fortune, c’est la rencontre des rivières qui a déterminé sa naissance, en fixant dans cet unique endroit de la dépression alluviale de l’Isère un point de passage permanent. Nous allons voir la ville naître et se développer en fonction de ce rôle de passage. Des origines à la fin du XVIème siècle, Grenoble a été purement et simplement, la ville du pont ; elle a gardé fidèlement le rôle pour lequel elle était née. » (Blanchard, 1911)
Prélude urbanistique
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Figure 2 / Le Drac et l’Isère en 1650, d’après la carte topographique de Cularo et ses environs © F.Bessoud-Cavillot
Figure 5 / La plaine urbanisée depuis le Moucherotte © F.Bessoud-Cavillot
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Figure 3 / Le Drac et l’Isère en 1850, d’après la carte d’Etat major © F.Bessoud-Cavillot
Une fois ce cadre géographique posé, il complétera par : « Les conditions naturelles ont beaucoup moins fait pour la ville que les initiatives de la race d’hommes installée sur les bords de l’Isère. » (id.)
Figure 4 / Le Drac et l’Isère en 2020, d’après la carte IGN topographique © F.Bessoud-Cavillot
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Prélude urbanistique
Ce constat est porteur d’un sens tout particulier à Grenoble. En effet, on peut tenter de résumer rapidement ce que certains qualifient de lutte acharnée entre l’installation humaine dans la plaine et l’endiguement progressif des cours d’eau majeur de la ville que sont le Drac et l’Isère (Figure 2,3 et 4). Le déploiement de cette ingénierie civile rectifiant leur tracé par une mise à distance, repoussant toujours plus loin de la ville ce fameux « confluent » auquel Bachelard accordait un sens particulier dans une géographie grenobloise si singulière. Puis, à la maîtrise de la plaine se sont ajoutées les compétences de l’ingénierie industrielle, localisées surtout sur les pentes. Si les cours d’eau de la plaine ont permis le développement d’industries importantes comme la ganterie, c’est en amont, sur les reliefs, que la production de la houille blanche a projeté Grenoble dans la modernité. On peut donc parler d’un apprivoisement progressif des éléments géographiques du territoire, réduisant les interfaces entre les hommes et leurs cours d’eau, aussi bien mentalement que physiquement (Figure 5). Alors, à la suite de ce constat, dans une telle géographie du sublime, à la fois puissante et dangereuse
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à laquelle deux siècles d’urbanisme « technique » on été presque insensibles, relevant ainsi paradoxalement d’une sorte d’ineptie notamment lorsque l’on observe le développement anarchique de la plaine (Figure 6). Qu’en est-il de la conduite des projets d’urbanisme grenoblois depuis ces vingt dernières années ? La naissance d’une conscience écologique ou des principes qui se veulent les supports d’un développement durable propre aux années 2000 ont-ils influé sur les pratiques urbanistiques grenobloise ?
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Figure 6 / La plaine urbanisée depuis la Bastille © F.Bessoud-Cavillot
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b // De la contrainte à la ressource, le récit de trois urbanismes grenoblois
Grenoble est souvent comparée à une « ville laboratoire », « un lieu d’expérimentation » industrielle, sociale et politique (Gonnet, 2019). Même si l’auteur de ce constat n’hésite pas à ajouter que « l’urbanisme n’illustre guère le génie grenoblois » (id. p38), il semble important de retracer les courants et les pratiques ayant contribué à la mise en œuvre de ces urbanismes, afin d’y rechercher les traces ou les prémices du « projet de sol » métropolitain et essayer de comprendre leurs mises en œuvre au regard de la géographie grenobloise. Notre récit commence au tournant des années 2000, il s’appuie en partie sur les travaux menés par l’organisme de recherche POPSU. Cette période peut-être un moment de bascule dans le discours et les façons de faire la ville. À Grenoble, elle correspond à des faits importants. Tout d’abord l’élaboration du Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU), dispositif d’animation du territoire de l’agglomération, LA MÉTRO3. Malgré le fait que LA MÉTRO ne dispose pas de compétences réglementaires d’urbanisme, ce schéma approuvé en 2000, essaye de structurer le territoire autour du cadre de vie et des politiques d’habitat et de transport. À ce document, s’ajoute un contexte politique particulier. En effet, au début de cette période, le parti écologiste devient une force incontournable de la scène politique locale. Ils sont alliés à Michel Destot qui rentre à la mairie en 1994, période qui se veut peut-être un tournant quant aux politiques d’inventions et de réinvention de la cité grenobloise. Qu’est-ce que l’arrivée de ce courant écologique peut apporter à la ville ? De quelle manière s’est-il manifesté ? Si aujourd’hui, il est devenu de plus en plus courant de mobiliser les notions d’« écologie urbaine »4, ou d’ « écologie du paysage »5, cette pensée n’était pas encore évidente à l’époque. Pourtant, la volonté grenobloise de se mobiliser face au changement
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3. D’abord un syndicat en communauté de communes (1994), puis en communauté d’agglomération, la Métro, en 2000, regroupant 23 communes). 4. L’« écologie urbaine » exprime la demande sociale et politique en faveur d’une ville qui serait plus écologique et qui répondrait mieux à l’insatisfaction profonde de la société pour son cadre de vie […] Cette « école française de l’écologie urbaine » renvoyait délibérément à l’environnement, à la connaissance scientifique et à l’élaboration de modèles d’action plaçant le milieu au centre de leurs préoccupations.[…] (Berdoulay et al., 2002) 5. L’écologie du paysage a pour objet l’étude des relations entre la structure et l’organisation des paysages et les processus écologiques qui s’y déroulent. Issue de la crise environnementale des années 80, elle développe des concepts et des méthodes
intégrés dans les politiques publiques d’aménagement et de gestion des territoires. Parmi les acquis de cette discipline, on peut souligner le rôle des corridors écologiques pour le maintien de la biodiversité, l’importance de la connectivité des réseaux bocagers pour la gestion des eaux de surface, le rôle des haies et autres bords de champ pour la pollinisation et le contrôle des ravageurs des cultures (Burel, 2010) 6. L’agglomération grenobloise est en grande partie constituée d’une plaine très plate située à environ 200 mètres d’altitude, entourée par 3 massifs montagneux.Cette configuration, désignée parfois par le terme de «cuvette grenobloise», génère une dynamique atmosphérique particulière, avec une forte proportion de vents calmes et la formation fréquente d’inversions de température, obstacles à la dispersion verticale des polluants.
climatique peut-être issue de son contexte géographique, notamment concernant sa formation géomorphologique qui se traduit par son fameux et fâcheux « effet cuvette ». Outre les conditions défavorables à l’installation de la cité qui furent surtout d’ordre hydrologique, la forme du relief engendre un « effet cuvette »6 qui, même s’il n’est pas responsable de la pollution grenobloise, l’accentue fortement (Figure 7). À ce constat local de pollution récurrente s’ajoute la volonté de s’inscrire dans les notions de développement durable émergente, notamment en Europe du Nord. Concernant la ville, ces notions peuvent se traduire par « un développement urbain durable qui consiste à mettre en place des mesures offrant un double ou triple dividende social, économique et environnemental » (Delabarre et Dugua 2017, 109). Figure 7 / Un journée d'hiver au dessus du nuage de pollution © F.Bessoud-Cavillot
Figure Le Drac et l’Isère en 2020, d’après la carte IGN topographique
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URBANISME CLIMATIQUE Ainsi, le premier objet de l’action écologique sur le territoire se manifeste par sa transformation afin de tenter d’adapter les usages à la crise climatique. Ce prisme d’entrée par le climat se traduit sur une expérience inaugurale du projet urbain grenoblois, la Caserne de Bonne. Propriété de l’armée jusqu’en 1994, cette surface de 8,5 ha située entre le centre ancien et les faubourgs séparés par le Grand Boulevard constitue un véritable enjeu foncier pour la ville. À la suite du lancement du marché de définition par la Ville de Grenoble en 2000 et le choix du lauréat en 2002 (Devillers & associés, architectes-urbanistes) (Figure 8), les travaux de ZAC de Bonne commencent en 2005 pour finir en 2016. Sa mise en œuvre se veut alors « innovante » et représentative de la politique de développement durable grenobloise : renforcement de la mixité sociale et spatiale, accessibilité, compacité du bâti, défense de l’environnement et économie d’énergie (Bobroff, 2011). Il faut en effet souligner la coopération des différents acteurs du projet dans l’élaboration d’une composition très intéressante comme sur la mise en place de dispositifs de gestion des eaux qui préservent la nappe phréatique toute proche (moins de 3 mètres de profondeur) combiné au fait que l’infiltration
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Figure 8 / Plan de masse de la Zac de Bonne © Devillers & associés
7. Le projet d’écoquartier Bo01 de Malmö, débuté en 1998 fait à l’époque office d’exemple européen pour la ville de Grenoble 8.www.lemonde.fr/planete/ article/2011/11/09/a-grenoble-les-rates-dupremier-ecoquartier-francais_1601064_3244. html ; https://www.liberation.fr/ societe/2012/04/02/a-grenoble-la-casernede-bonne-n-a-pas-que-du-bon_807499/
et le stockage des eaux sont gérés sur le site dans un sol en majorité composé de pleine terre. Ou encore, la création d’un parc urbain central de 3,5 hectares orienté est-ouest et composé de trois jardins reliés les uns aux autres par des continuités piétonnes, dessinées par l’agence de paysagiste (Figure 9). Néanmoins, un domaine semble avoir pris le pas sur les autres, la consommation de l’énergie. Même si à l’époque les objectifs et les réglementations thermiques de Bonne sont en avance sur leur temps à l’échelle nationale7, le projet repose en grande partie sur les performances énergétiques des bâtiments. Ainsi, si de Bonne se veut être le « projet emblématique d’un développement durable à la française » (id.) d’ailleurs reconnue comme premier « écoquartier de France » en 2009, le prisme climatique par lequel la ville durable s’est manifestée reste malheureusement centré sur des prototypes d’innovations technologiques à base de double flux et d’isolations qui malgré le mérite d’avoir été expérimenté de façon novatrice, ont quand même connu de vives critiques quant à leur fonctionnement8. Évidemment chère à la culture grenobloise, cette quête de l’innovation se traduit ici sur une échelle du logement ou même des îlots de l’écoquartier, laissant ainsi de côté des préoccupations d’ordre plus géographiques allant dans le sens d’une vision plus large que celle de l’opération ou de la ville. Ce risque de réduction de la ville durable à ses écoquartiers est mis en avant par Taoufik Souami, maître de conférences à l’Institut français d’urbanisme :
Figure 9 / Parc de la caserne de Bonne © F.Bessoud-Cavillot
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« Parmi les choix à opérer pour un quartier durable, il s’en trouve un qui est souvent négligé, voire oublié, dans les démarches européennes observées : le lien avec les autres échelles. Ce lien avec la totalité de la ville, ses politiques, ses autres problèmes, est rarement pensé, prévu, anticipé… et construit comme tel. Il est au mieux considéré comme une résultante naturelle, une conséquence probable : la réalisation d’un Écoquartier qui déteint positivement sur le reste de l’urbain dans un processus vertueux » (Souami, 2009, 99) Ce premier paradigme, caractérisé par l’émergence des principes de la ville durable, se manifeste donc à Grenoble sous la forme de ce qu’on pourrait appeler un « urbanisme climatique » (Ambrosino, 2021). Il se justifie par une approche énergétique quant à l'objectif de conception d’une ville-post carbone qui dans sa planification privilégie l’échelle du bâtiment, voire du quartier comme le montre également l’exemple de la presqu’île initiée en 2009 et qui sera approfondie dans un second temps. De ce fait, on peut déduire que cette approche réduit en quelque sorte « la géographie à une contrainte » du fait notamment de cet « effet cuvette ». Une contrainte géographique qui – dans la lignée des grands projets de lutte contre les inondations de Grenoble – s’inscrit dans un dépassement de cette contrainte par une lutte technique contre le nouveau régime climatique. URBANISME RÉSILIENT En perpétuelle quête d’innovation dans la construction de son image de laboratoire, d’autres projets qui se veulent démonstrateurs vont être lancés dans les années 2010. Autour des enjeux d’organisation et d’aménagement de son territoire conditionné par le risque d’inondation, Grenoble mobilise une notion émergente dans le discours de la fabrique la ville, la notion de « résilience urbaine ». Elle se manifeste d’abord sur le territoire par le lancement en 2007 des PPRI concernant les territoires Isère amont et Isère aval. Il s’en suit une série de travaux importants engagés sur le secteur Isère amont. Concernant ce procédé, on peut regretter que ce vaste projet vise plus à conforter les ouvrages de protection par des aménagements hydrauliques réorientant les eaux sur des «
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Figure 10 / Plan masse du projet Portes du Vercors © Marniquet et Aubouin
casiers » pouvant accueillir les crues, plutôt qu’une volonté de retrouver un lien à l’eau perdu par des siècles d’urbanisme technique. Néanmoins, la considération des risques liés à l’eau semble prendre corps. Dans le même temps, en 2010, un nouveau projet urbanistique qui se veut démonstrateur de cette approche « résiliente » est annoncé sur la polarité nord-ouest du territoire, les Portes du Vercors (Figure 10). Répartie entre la commune de Fontaine et de Sassenage, cette ZAC de 96 ha pour 2500 logements et 70 000 m² d’espaces d’activités, cherche à pallier la vulnérabilité du territoire quant au risque d’inondation important auquel il serait exposé en cas d’une rupture de digue du Drac. Les ambitions sont clairement énoncées dans
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un projet urbain qui se veut conçu autour de la présence de l’eau sur le site (rivières de la petite Saône…) ainsi que son accueil en cas extrême « Le risque d’inondation en cas de rupture de la digue dépasse les capacités d’absorption des dispositifs hydrauliques de la gestion ‘quotidienne’ des eaux de pluie que nous avons mis en place. Selon les simulations hydrauliques qui ont été faites, si la digue devait rompre les hauteurs d’eau, sur le périmètre de projet, seraient comprises entre 0 et 2 m par rapport au sol. » (Marniquet et Aubouin) Dans ces conditions, les porteurs de projet insistent sur les gestions innovantes des eaux dans l’espace public (Figure 11 & 12), notamment quant à la prise en compte des risques forts d’inondation. On constate ainsi la volonté de s’inscrire dans le site existant tout en travaillant avec des éléments comme l’eau ou le végétal comme des atouts pour le cadre de vie des habitants, en particulier par l’installation de trames vertes et bleues9 allant du massif du Vercors au cours d’eau du Drac en convoquant la notion de paysage. Ces orientations lui ont permis d’obtenir en 2016 l’un des deux «Repère d’Or» au «Grand prix d’aménagement : comment mieux bâtir en terrains inondables constructibles» organisé par le Ministère de l’Environnement et de la Mer10. Une distinction qui vient récompenser un nouveau projet qui se veut expérimental sur la façon de construire la ville différemment, notamment par des principes architecturaux particuliers mis en œuvre :
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9. La loi dite « Grenelle I » a fixé les grands axes pour la création d’une Trame verte et bleue d’ici à 2012. Elle a également modifié l’article L. 110 du code de l’urbanisme pour y intégrer « la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques ». 10. www.lemoniteur.fr/article/le-projet-desportes-du-vercors-ne-craint-pas-l-eau.
Figure 11 / Différentes trames du projet Portes du Vercors © Marniquet et Aubouin
Figure 12 / Formes urbaines projet Portes du Vercors © Marniquet et Aubouin
implantation des constructions en fonction des hauteurs d’eau en cas d’inondation, bâtiments surélevés dont certains sur pilotis. Cependant, si sur les trois phases organisées dans le déploiement du projet, seule la première tranche a débuté en 2020 (10ha pour 550 logements et 9000 m² d’activités), la phase 2 sera mise à l’étude ultérieurement, sur un horizon à 2030. Tandis que la phase 3 a déjà été retirée du projet et réservée pour des fonctions naturelles et agricoles. Malgré la volonté de développer une « démarche résiliente », les limites du développement urbain se heurtent tout de même aux risques importants liés au contexte du développement grenoblois. Néanmoins, cette démarche révèle la prise en compte grandissante des risques dans les façons de faire la ville. D’ailleurs, la planification métropolitaine locale l’illustre bien, dans la continuité de ce projet et débuté en 2017 dans
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le sillage de la rédaction du PLUi métropolitain, l’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) « Risques et résilience » est porteuse des prémices d’un « nouvel âge de la ville » (Ambrosino & Ramirez-Cobo, 2019). Selon ces chercheurs grenoblois, elle « démontre la volonté affichée par les institutions locales de prendre en considération les aléas, en vue de mettre en œuvre une planification plus « globale », « intégrée » et « responsable ». (Ambrosino & Ramirez-Cobo, 2019, 7). De ce fait, les ambitions affichées par les Portes du Vercors sont très intéressantes. Pourtant, comment ne pas regretter qu’un élément qui nous semble fondamental ne figure pas en tête des préoccupations du projet ? Où est le Drac ? Évidemment, il est omniprésent autour des enjeux liés aux aléas et aux risques d’inondations, cela va de soi, mais qu’en est-il de son essence même au-delà des risques qu’il engendre ? Que ce soit le traitement des berges ? Du rapport physique ou sensible à la rivière ? Si des possibles connexions entre la rivière et le Vercors sont évoquées, la reconquête des fronts d’eau dans toute leur épaisseur pouvant entrainer une grande diversité dans leurs usages reste absente. Les dispositifs techniques utilisés ici peuvent probablement témoigner du manque d’approche sensible quant à la richesse des paysages imaginable au sein d’espaces fluviaux (Rossano, 2019) Pourtant, d’autres villes françaises comme Lyon (reconquête des berges du Rhône en 2000) ou Bordeaux (requalification des quais de la Garonne en 2007) ont taché très tôt un retour aux berges. Malgré quelques projets démonstrateurs d’ordre plus technique, Grenoble reste loin derrière. On décèle ainsi les limites de ce qu’on peut nommer un « urbanisme résilient » qui, s’il permet de dépasser la vulnérabilité du territoire quant aux risques d’inondation, perpétue la pratique de mise en défend du réseau hydrographique et du potentiel structurant qu’il peut avoir à l’échelle de la géographie métropolitaine. Révéler ce potentiel suppose une approche différente, une vision d’ordre plus géographique qui tenterait de convoquer le grand paysage pour révéler le potentiel du territoire. C’est d’ailleurs un des objectifs fixé par une étude débutée en 2012 sur l’ensemble de la polarité nord-ouest du territoire grenoblois et qui comptait s’étendre à l’ensemble du territoire métropolitain, le projet Mikado.
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URBANISME PAYSAGISTE La fin de notre récit marque peut-être le commencement d’une nouvelle histoire, la manifestation d’un nouveau paradigme, un « urbanisme paysagiste » ou « landscape urbanism ». En effet, en 2012, La MÉTRO commande une étude sous forme de plan guide pour la polarité Nord-ouest de Grenoble. Consciente du nombre de projets alors lancés ou en réflexion sur le secteur, elle manifeste le souhait de définir un principe de développement spatial cohérent pour le territoire de la polarité, celui-ci doit s’inscrire dans le court terme (2016), le moyen terme (2025-2030) et le long terme (2050). Ce qui suscite notre intérêt quant au fait d’évoquer ici l’expression de ce qui semble être les prémices d’un urbanisme paysagiste est plus de l’ordre méthodologique, notamment dans son approche du territoire. Néanmoins, la composition du groupement est évocatrice, car celui-ci est piloté par une agence de paysage : TN+ paysagistes, C. Blachot, SOBERCO environnement, ce qui ajoute un caractère inédit à ce travail. Ainsi, dès le préambule de cette étude, une lecture du grand paysage mobilisant les éléments géographiques de la polarité assoit le contexte autour de la confluence, des rivières et leurs affluents, des ourlets boisés et la végétation associée, des pentes comme franges et interface avec les massifs de Chartreuse et du Vercors (Figure 13).
Figure 13 / Structure paysagère du parc Mikado (2017) © TN+ Paysagiste
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« L’objectif du Parc Mikado est de conférer à l’ensemble des territoires très disparates du secteur Nord-ouest une identité singulière et commune, liée à l’accessibilité et au confort d’usage des espaces publics existants et à créer : le but est de générer une urbanité qui confère à la porte Nord-ouest un positionnement spécifique dans son agglomération. » Grenoble-Alpes Métropole / Parc Mikado / Phase / février 2017 Mikado se base sur une lecture fine du grand paysage de la cluse et de la confluence grenobloise, en y ajoutant une vision prospective qui essaye de faire la démonstration d’un projet qui veut aller plus loin qu’un parc, prenant en compte les espaces publics et les usages comme armature de sa figure en dessinant les formes de la ville par ces espaces ouverts. Son analyse qui qualifie Grenoble de « ville paysage » est évocatrice de sens. De ce fait, la figure fédératrice qui en résulte convoque les formes et les tracés en pensant l’espace ouvert comme une armature pour ancrer le territoire dans son contexte caractéristique. On peut y voir un moyen d’anticiper par le paysage le développement des projets métropolitains visant à conférer à ce territoire très disparate une qualité de cadre de vie en se basant sur le « déjà là ». Les principes de mikado se manifestent dans sa réalisation et sa façon d’atterrir sur le territoire, il ressemble ainsi 4 types mikado : bleu, vert, urbain et mobile. Il s’organise autour des rivières pour créer un ensemble composé d’éléments de différentes natures à harmoniser. Son développement s’effectue à 2 échelles : -les sites : des éléments ponctuels -les trames : des éléments linéaires Le projet de la porte de la confluence doit en être l’élément déclencheur autour d’une nouvelle dynamique métropolitaine qui doit se traduire par des actions comme : -Étendre les trames vertes et bleues d’espaces publics des rivières jusqu’au Piémont créant de nouveaux milieux, -Accentuer le maillage des mobilités douces et envisager de nouveaux franchissements du Drac et de l’Isère sur une partie importante du linéaire, -Renouveler les espaces urbains implantés dans l’armature paysagère.
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« Il s’agit ici de comprendre les relations entre paysage « enveloppant » et « paysage de proximité ». C’est par la qualification de ces franges que la cohérence pourra être établie ; que le système viaire dans son ensemble trouvera son équilibre et un usage pacifié ; que les trames vertes et bleues trouveront leur juste place. La question des franges (bien différentes des limites administratives) jouera alors un rôle majeur dans l’ensemble des documents de planification et en phases opérationnelles. C’est la mise en réseau. La gestion du « vide » fait la ville. » On assiste ici à un double bouleversement. Tout d’abord, les ambitions affichées sont d’invertir les façons de faire la ville en se basant sur le contexte, un socle géographique identifié, qualifié et permettant d’élaborer un programme en fonction du site et non l’inverse. Ensuite, il envisage un projet de territoire avec comme médium le paysage et une amplification de la géographie pour permettre de dessiner les formes de la ville par ses « vides » ou les espaces (ou)verts qui la composent. Ce constat met en exergue un basculement progressif vers de nouvelles pratiques urbanistiques au regard d’une considération du paysage et de la pratique paysagiste. Une orientation qui se traduit même plus récemment dans les documents d’urbanisme du PLUi par OAP paysage et biodiversité qui reste pionnière en matière de qualification et prise en compte de la dimension du paysage ordinaire de la planification métropolitaine et tachant enfin de considérer le premier plan de la toile de fond montagnarde. Cependant, comme le rappel Anaïs Leger-Smith, ce basculement n’est pas uniquement perceptible sur le territoire grenoblois, mais à l’échelle nationale depuis les années 2000 : « Pendant longtemps, l’urbanisme était l’apanage des architectes urbanistes. Depuis les années 2000, le paysage est reconnu comme une discipline de l’urbain à part entière et comme compétence incontournable de l’urbanisme. Or, l’émergence de marchés publics écologiques depuis 20002010 marque là formulation d’une demande plus claire en faveur de l’inclusion de compétences écologiques dans l’équipe de conception. Cela bénéficie aux paysagistes mais aussi surtout au bureau d’étude en environnement. » (LegerSmith, 2020, p.56)
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Cette rétrospective des pratiques grenobloises permet de resituer notre réflexion quant aux évolutions qui se sont manifestées dans les modes opératoires mais également dans les réflexions qui ont amené – encore très timidement - ces considérations envers la géographie du territoire et sa valorisation comme ressource d’un urbanisme différent (Figure 14). Bien que Grenoble se veut être une ville d’expériences dont les démonstrations construisent son image de laboratoire, il semble que cette approche « technique » freine l’élaboration et la conscience d’une culture du paysage pouvant amener un changement de regard sur le territoire. Si l’on peut lire dans le récit qu’on tente de formuler les traces des prémices d’un possible infléchissement à l’œuvre s’appuyant sur la géographie et ces espaces ouverts par le prisme du paysage, cette dynamique peine à réellement s’affirmer. Il nous semble alors nécessaire de mettre en relation ces évolutions urbanistique avec la constitution et l’évolution de la gouvernance territoriale. La manière dont les pouvoirs publics appréhendent le récit du territoire en lien avec la construction d‘une vision commune autour de son développement peut être primordiale. Elle semble nécessaire pour tendre vers l’émergence d’une réflexion stratégique à une échelle supérieure de celle des opérations évoquées et spatialement circonscrit à l’échelle du bâtiment voire du quartier (Novarina, 2017), qui vont à l’encontre d’une vision territoriale qui peut être partagée par les acteurs locaux.
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Figure 14 / Évolution des trois urbanismes grenoblois © F.Bessoud-Cavillot, d’après le travail de C.Ambrosino
2 // « De la technopole à la métropole?»
Le récit des trois urbanismes grenoblois nous permet de situer les réflexions portées sur le territoire quant à l’appréhension de sa géographie. A ces réflexions urbanistiques il semble intéressant d’ajouter les points de vue institutionnels de la gouvernance territoriale. Ces points de vue peuvent se concrétiser dans des documents de planification visant à traduire des processus sociaux-spatiaux, on peut alors parler de planification stratégique spatialisée (Motte, 2005) ou de planification territoriale. (Novarina et Zepf, 2009). Qu’en est-il de la planification grenobloise ? Le contexte institutionnel du territoire a-t-il permi la construction d’une vision territoriale commune permettant à l’ensemble des acteurs de se fédérer autour de « figures opératoires » ? (Novarina et Seigneuret 2013)
a // Entre industrie et technologie, l’établissement d’un modèle technopolitain
Pour comprendre le cadre institutionnel contemporain, il semble important de revenir à l’origine de sa constitution pour saisir d’où vient le moteur de sa métropolisation. Le modèle grenoblois se construit d’abord sur la base d’une industrie solide et diversifiée : ganterie, cimenterie, papeterie, houille blanche… Encore majoritaires au début du 20ème siècle, ces industries ont très vite laissé place aux technologies qui se sont succédées dès la deuxième moitié du 20ème siècle. « Grenoble a vu les technologies se succéder dans des champs aussi variés que la mécanique, l’hydraulique, la chimie, l’électronique et la microélectronique. Des étapes importantes ont été opérées dans la seconde moitié du
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De la technopole à la métropole?
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20ème siècle avec l’arrivée du nucléaire, du Synchrotron, le développement des micro et nanotechnologies, et plus récemment des biotechnologies et des nouvelles technologies de l’énergie. » (Besson 2011, 6) À ce développement et cette spécialisation économique se sont couplées des vagues successives d’installations de chercheurs lié à l’implantation du CEA (1956) à l’ouest ou de la ZIRST (1972) à l’est. Une success story souvent contée et sur laquelle nous ne reviendrons pas, mais qui ancre clairement Grenoble dans un modèle technopolitain qui s’appuie sur une collaboration étroite entre le monde universitaire, la recherche et l’industrie. Un triptyque fondateur qui entraîne Grenoble dans une croissance économique et démographique importante dépassant les limites de la ville centre. Dès lors, cette croissance conduit à une véritable explosion urbaine que les plans d’urbanisme successifs ou les schémas d’orientations ont bien du mal à réguler, voir à organiser. Le plan Bernard (1965) pour les Jeux Olympiques de 1968 ou le SDAU (1973) qui s’étend sur un périmètre très élargi (agglomération grenoblois, voironnais, Grésivaudan et les secteurs sud) sont des exemples qui se construisent au cœur d’un établissement institutionnel du territoire plutôt laborieux (Figure 15).
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Figure 15 / SDAU de l’aire urbaine grenobloise, les unités de paysage, 1972 © AURG
Si durant ce développement technopolitain on peut parler des débuts de la planification grenobloise, ce n’est pas forcément évident. En effet, malgré la fondation du SIEPARG (Syndicat intercommunale d’étude, de programmation et d’aménagement de la région grenobloise) qui en 1973 regroupe 23 communes et 360 000 habitants, le syndicat ne décline aucun document intercommunal permettant une vision partagée du territoire (Figure 16). Des gros projets et des équipements importants ont été implantés de part et d’autre du fameux « Y grenoblois » entrainant une opposition assez forte entre les communes de la première couronne et la ville centre de Grenoble. On peut noter ici le développement d’une lacune que le territoire subit durant son expansion démographique et qui engendre un développement urbain sans réel vision d’ensemble depuis le 20ème siècle. Certains géographes le rappellent lorsque la ville tente de se tourner vers l’horizon métropolitain : « Fondamentalement, Grenoble est une ville du 20ème siècle, qui ne peut compter que sur un maigre patrimoine urbain pour s’affirmer, et c’est là son handicap majeur pour exister comme métropole : l’épaisseur historique lui manque. » (Vanier 2005, 159)
Figure 16 / Périmètre du SIEPARG, 1973 © F.Bessoud-Cavillot
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Au-delà de cette épaisseur historique qui peut quand même se lire plus loin que la simple ville centre, c’est dans cet héritage important que la ville doit aujourd’hui se réfléchir et les années 2000 marquent le début des premières pistes d’actions qui comme seraient enfin susceptibles de sortir Grenoble d’un syndrome qui lui est propre que certains qualifient de : « À quoi bon rendre la ville plus belle quand les montagnes qui l’entourent le sont autant ? » (Vanier 2007, 71) Un possible retour en grâce de la plaine qui comme on vient de le voir, a connu une urbanisation considérable sur fond de tumulte institutionnel ? Le paysage du quotidien qui en découle prendrait ainsi une valeur au moins aussi importante que les vues sur les sommets enneigés.
b // De l’intercommunalité à l’agglomération, quelle planification ?
Figure 17 / Schéma directeur valant SCOT, 2000 © AURG
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9. L’agglomération grenobloise, le pays voironnais, la Bièvre-Valloire, le sud Grésivaudan, le Grésivaudan, le sud grenoblois et le Trièves.
Figure 18 / Périmètre de l’agglomération grenobloise LA MÉTRO, 2000 © F.Bessoud-Cavillot
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Les politiques de décentralisation de la fin du 20ème siècle visant à relancer la planification sont donc fortement remis en cause à Grenoble par le SIEPARG. En conséquence, l’agglomération grenobloise sera quelque peu marginalisée dans les prémices de l’élaboration d’un nouveau plan à l’échelle de la région grenobloise. C’est aux prémices des années 2000 que le cadre stratégique dans lequel tente de se planifier le territoire Grenoblois va être marqué par deux étapes importantes. Tout d’abord, la transformation du syndicat en communauté de communes (1994), puis en communauté d’agglomération, LA MÉTRO, en 2000, regroupant 23 communes. Ce périmètre reste alors circonscrit à la ville centre et sa première couronne (Figure 18). De plus, cette institution renforce ses compétences techniques en termes d’aménagement, de gestion de déchet et d’assainissement, mais elle ne prend toujours pas la compétence de l’urbanisme et de la planification laissée aux communes. Aucun document de planification réglementaire opposable ne dispose d’une vision intercommunale, à l’inverse, c’est une série d’actions sectorielles et de projets particuliers qui vont peu à peu tenter de se déployer.
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La seconde étape est un document important, le nouveau Schéma Directeur valant SCOT (2000). Ce document de planification ne se limite pas à l’agglomération Grenobloise et sa périphérie, le périmètre choisi dispose de dimensions exceptionnelles comprenant 273 communes regroupées dans 7 secteurs géographiques (Figure 17). Ce périmètre prend ainsi en compte ce que l’on nomme la Région Urbaine Grenobloise qui s’étend bien au-delà de l’échelle de l’intercommunalité. De ce fait, on constate que « Le Schéma de cohérence territoriale de la Région Urbaine de Grenoble s’apparente donc à une sorte d’InterSCoT, qui formule des orientations de développement et d’aménagement d’une grande généralité. » (Novarina et Seigneuret 2013, 50) Si l’échelle de ces grandes orientations ne permet pas de prendre en compte la spécificité des territoires, elle engendre également une fragmentation des politiques de planification territoriale et un foisonnement de projets communaux difficilement mis en cohérence : « Cette situation particulière explique qu’une partie des territoires qui composent la région urbaine se soient lancée dans leurs propres démarches de
Figure 19 / Périmètre du SIEPARG, 1973 © F.Bessoud-Cavillot
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planification territoriale. LA MÉTRO s’est ainsi impliquée dans l’élaboration d’un Projet d’agglomération […] Le Voironnais a adopté, quant à lui, son propre Schéma de secteur […] » (id) Dans ce contexte, l’institution grenobloise connaît une construction intercommunale qui tient plus de l’extension de son périmètre que d’une consolidation de ces compétences en planification et en urbanisme : en 2004, les communes de la communauté de communes du « Pays de Vif » fusionnent avec Grenoble-Alpes portant le nombre de communes membres de l’intercommunalité à 27 ; en 2005 Bresson quitte Grenoble-Alpes Métropole pour rejoindre la CCSG ; en 2014, la communauté de communes du Balcon sud de Chartreuse, du Sud Grenoblois et la communauté d’agglomération Grenoble-Alpes Métropole fusionnent (Figure 20). La nouvelle communauté d’agglomération issue de cette fusion conserve le nom de Grenoble-Alpes Métropole et comprend depuis 49 communes. En parallèle et suite à la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable des territoires (1995), LA MÉTRO Figure 20 / Périmètre du SIEPARG, 1973 © F.Bessoud-Cavillot
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lance dès sa création un projet d’agglomération mise à l’étude au cours des années 2000. Il vise à tendre vers « une « intercommunalité de projet » et mieux se positionner par rapport aux possibilités de financement. Il est élaboré en deux temps et donne lieu à l’adoption en 2003 de l’Acte I puis en 2007 de l’Acte II du projet d’agglomération. » (Novarina et Seigneuret 2015, 176) (Figure 19) Une succession d’initiatives sectorielles et locales vont rythmer la construction de ce projet qui visait pourtant une cohérence dans l’encadrement des projets opérationnels du territoire. Dès 2000, un plan de déplacements urbains (PDU) (Figure 21) est acté pour tenter d’avoir une approche globale dans un « concept de mobilité » lié au territoire. En 2005, un Plan climat local est lancé pour prendre des mesures en faveur de la réduction de l’émission de gaz à effet de serre et des problématiques de pollution qui touchent la cuvette grenobloise. Enfin, un plan vert et bleu (2007) (Figure 22) qui dans l’élaboration du projet d’agglomération donne lieu à un schéma de valorisation et de maillage des espaces naturels de l’agglomération grenobloise, visant à « articuler les composantes d’un réseau maillé d’espaces naturels, agricoles et paysagers, dont les caractéristiques et la localisation
Figure 21 / Périmètre du SIEPARG, 1973 © F.Bessoud-Cavillot
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12. Ce schéma peut se référer a ce que l’on appel depuis l’entrée en vigueur de la loi Grenelle 2 (2010) : la trame verte et bleue)
déterminent différents degrés de protection et différentes modalités de gestion. » (Schéma de valorisation et de maillage des espaces naturels de l’agglomération grenobloise, 2007, 39)12. Cependant, on observe que ce schéma met l’accent sur des spécificités du territoire qu’il nomme des « pénétrantes vertes » qui – bien que marquée par une forte urbanisation – contribue à la qualité du cadre de vie de l’agglomération. Elles sont signifiées dans les pistes d’actions qui en découlent et qui regroupent également la requalification des rivières ainsi que l’organisation et la gestion des espaces agricoles et forestiers dont la surface est importante sur l’espace de l’agglomération (Novarina et Seigneuret 2013). La mise en place de ce réseau semble être un préalable intéressant quant à l’élaboration de l’image directrice du Projet d’agglomération. En effet, il appuie l’orientation de l’Acte II qui, après que des études prospectives ont été menées sur
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les territoires des communes des franges de la ville centre, préfigure une orientation polycentrique. Cette proposition se traduit dans un schéma qui propose la constitution de centres secondaires à l’ouest, à l’est et au sud, autour d’une centralité renforcée. Néanmoins, il convient de rappeler qu’il n’a pas de valeur réglementaire, les communes disposant toujours chacune des compétences en urbanisme. Il traduit plutôt une communication faite autour d’une vision partagée (partenariat entre les communes) qui tente d’encadrer les grands projets urbains du territoire. On constate donc les difficultés qu’a connues l’agglomération dans l’élaboration d’une politique de planification qui en tentant de prendre en compte un territoire trop vaste s’est fait rattraper par le développement important des projets urbains. Malgré tout, l’agglomération a cherché à construire une image de référence pour une organisation spatialisée autour d’un polycentrisme qui semble plus subit que prédit car elle reste dans une situation où « les projets opérationnels semblent l’emporter sur la stratégie. » (Novarina et Seigneuret 2013, 109)
c // Vers une organisation polycentrique
Le début des années 2000 est marqué par l’élaboration de nouveaux documents d’urbanisme qui cherchent à spatialiser leur démarche de planification. De grandes agglomérations comme Montpellier qui établit son SCOT en 2006, se basent sur des diagnostics paysagers poussés qui mettent en avant des attitudes plaçant le paysage comme « vecteur de projet métropolitain » (Buyck, 2009). Au contraire, comme on vient de le constater, l’agglomération grenobloise est réticente à cette planification territoriale et développe une succession d’actions plutôt qu’un document d’encadrement global. Cette démarche engendre une image de référence qui oriente une organisation polycentrique.
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En s’appuyant sur les liens de convergence, de transports collectifs et un réseau d’espaces « naturels » plus ou moins continus, cette organisation polycentrique tente de renforcer les lieux où intensifier l’urbanisation autour de trois polarités. Ces « espaces relais majeurs » correspondant aux portes de l’agglomération s’organisent autour de « sites stratégiques » qui présentent des opportunités foncières, économiques, ou de renouvellements urbains importants : -la polarité Nord-ouest est organisée autour du site de la presqu’île scientifique ; -la polarité Est regroupée Inovallée (ancienne Zirst) et le campus ; -la polarité Sud-est constituée du nouveau centre-ville d’Échirolles et du quartier d’habitat social de Villeneuve. On note ici le choix de l’agglomération d’orienter son développement dans des espaces fortement hétérogènes et complexes, hérités de l’expansion de la ville du 20ème siècle, en marge de la ville centre. On peut alors se demander si cette
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représentation d’une organisation polycentrique s’appuie sur les réalités physiques, géographiques, ou de morphologie urbaine existante ? Par ailleurs, même si cette figure fait l’objet de référence pour l’agglomération son appropriation communale semble plus compliquée comme le rappelle une étude faite avec du recul : « Les études intercommunales, lancées par Grenoble Alpes Métropole au milieu des années 2000, n’ont semble-t-il pas fait l’objet d’une appropriation par les élus, qui aurait permis de renforcer le rôle d’encadrement et d’orientation du projet d’agglomération. » (Novarina et Seigneuret 2013, 110) D’autre part, il semble que cette figure polycentrique puisse être confrontée à des dissonances quant à l’évolution de l’urbanisation des secteurs concernés et des scénarios envisagés : [Des urbanistes] « affirment à ce propos que la représentation schématique du projet d’agglomération, si elle fait figure [c’est pour cette raison quel apparait convaincante], tend toutefois à occulter la complexité réelle des territoires [concernés par les projets de polarités]. » (idem. 113) Ces remarques mettent en exergue l’importance de considérer le contexte comme préalable à l’élaboration d’une figure fédératrice pour la polarité et non l’inverse. Mais même si elle fut l’objet de nombreux débats, cette figure n’en est pas moins restée ancrée dans la tête des élus et des urbanistes du territoire. L’élargissement du périmètre de l’agglomération n’a pas remis en question ce système, comme on peut le constater sur le schéma de secteur approuvé en 2013 (Figure 23) et qui « peine toujours à exister et à prendre forme » (Urbaniste de
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Figure 24 / Un passage prématuré au statut de métropole © F.Bessoud-Cavillot
l’AURG). Cette accumulation de documents est-elle suffisante pour la considérer comme une vision partagée permettant de mobiliser l’imaginaire commun autour de projets fédérateurs ? Loin d’être évidente, une réponse tente de s’esquisser lorsque Grenoble rentre dans sa phase de métropolisation. En effet, le 1er janvier 2015, Grenoble Alpes Métropole passe du statut de Communauté d’agglomération à celui de Métropole dans le cadre de la loi MAPTAM. Elle se compose ainsi de 49 communes (450 000 habitants) et hérite de documents qui n’ont pas questionné le modèle technopolitain sur lequel elle s’est construite, mais au contraire, ils ont appuyé l’idée selon laquelle la spécialisation dans la recherche et les nouvelles technologies ont fait et feront la force de l’économie locale. À cela, s’ajoutent les idées du cadre et de la qualité de vie qui se sont grandement limitées et contentées du décor paysager des montagnes entourant la cité. Néanmoins, au-delà des grandes différences de réalités physiques qui existent sur ce nouveau territoire métropolitain, la métropole dispose désormais de compétences réglementaires en termes d’urbanisme et de planification. D’une échelle intercommunale composée d’autant de PLU/POS que de communes, la Métropole se voit dans l’obligation d’élaborer un PLUi sur l’ensemble du territoire. On peut imaginer que c’est enfin une véritable opportunité pour traduire les orientations supra communales de planification (Scot, PDU…) ainsi que le schéma de secteur et les orientations stratégiques des anciens EPCI, et de porter ainsi une vision d’ensemble sur le territoire. (Figure 24 & 25) Figure 25 / Une vision pluricommunale qui peine à s'affirmer sans compétences réglementaires © F.Bessoud-Cavillot
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3 // Une métropole, trois polarités La volonté affirmée par la métropole de construire un territoire polycentrique entraine un engagement politique local qui vise — pour les communes concernées — à « faire polarité », mais que signifie cette initiative ? Où et comment cela se traduit -il ? Il semble nécessaire de s’appuyer sur la figure polycentrique proposée par le projet d’agglomération pour voir comment celle-ci fut ensuite amendée lors de la métropolisation et si dans le cas d’une polarité choisie, la polarité nord-ouest, une vision partagée autour d’une figure — comme défini précédemment — a pu se dégager.
a // « Une métropole polycentrique et de proximité »
Le passage à la métropole et l’élaboration du PLUi sont l’occasion pour le territoire de sortir de la tradition locale ancrée — comme on l’a vu précédemment — d’une culture de gouvernance très portée sur l’échelle communale. Ainsi, la planification métropolitaine se déploie par l’élaboration de différents documents d’urbanisme constituant le PLUi. Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) constitue la pièce maitresse de ce PLUi. Il définit les orientations générales d’aménagement et de développement durable retenues par les élus. Il définit et localise les grands projets en tentant de se fixer plusieurs objectifs généraux comme « la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l’air » ou « la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ce changement » (PADD Grenoble – Alpes Métropole, 2019, 15). Il tente ainsi de faire entrer le territoire dans la prise en compte des grandes thématiques contemporaines qui obligent aujourd’hui à repenser nos façons d’appréhender nos territoires. Cependant, il est intéressant de noter que si la vision d’une « Métropole montagne forte de ses diversités » et marquée par
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son « cadre géographique exceptionnel » est la première partie qui ponctue le commencement du document, elle contient un objectif majeur hérité de son développement antérieur : « Une Métropole polycentrique et de proximité » (id, 25). Cette inscription vise la continuité du projet d’agglomération qui tentait d’organiser les diverses initiatives réparties sur le territoire. Mais force est de constater que cette figure avait du mal à exister. D’ailleurs, les chercheurs de POPSU affirmaient déjà en 2013 que « le modèle polycentrique proposé par le projet d’agglomération n’est pas assez précis pour donner lieu à l’émergence d’une figure opératoire de l’organisation de l’agglomération, autour de laquelle puisse se construire un consensus entre les acteurs (publiques et privés) locaux » (Novarina et Seigneuret 2013, 108) Néanmoins, on peut constater que la nouvelle proposition de la figure du PADD semble proposer une vision légèrement élargie (Figure 26). En effet, si le centreville renommé « centre-ville élargi » semble toujours signifier comme cœur de l’agglomération, les polarités sont toujours présentes, mais désignées comme des « branches » allongeant le périmètre des polarités vers une cohérence qui peut sembler plus géographique au regard des contextes de plaine alluviale ou de cluse qui les caractérisent, tandis que la polarité sud devient « la centralité métropolitaine sud ». L’entièreté du territoire métropolitain est enfin couverte par la désignation d’une « centralité métropolitaine mixte » en lieu et place de Vizille. Ces centralités et polarités sont censées « promouvoir un développement urbain équilibré répondant aux besoins de tous les habitants et usagers du territoire, le PLUi affirme une armature urbaine constituée de centralités à trois échelles de territoires : celle de la proximité, celle du bassin de vie (pluricommunale) et celle du grand territoire (centralité métropolitaine) » (PADD Grenoble – Alpes Métropole, 2019, 27). Si l’échelle abordée par le PADD et le PLUi est évidemment d’ordre métropolitaine, qu’en est-il de la vision pluricommunale convoquée par l’échelle de ces polarités ? Il se trouve que les situations dans lesquelles l’agglomération et ensuite la métropole ont défini leurs polarités sont des situations particulièrement complexes liées au développement important de l’agglomération du 20ème siècle. Elles sont caractérisées par une forme d’hétérogénéité du tissu en place ainsi qu’une
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accumulation de coupures naturelles ou artificielles (Isère, autoroute A41, voie ferrée…) qui isolent les territoires. Alors, si « faire polarité » signifie s’accorder sur une vision territoriale à l’échelle pluricommunale, comment dépasser ces problématiques spatiales héritées du 20ème siècle ?
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Figure 26 / L'affirmation d'une vision polycentrique © PADD 2018
La métropole cherche donc à s’appuyer sur ses territoires qu’on peut qualifier de « suburbain », liés à la proche banlieue de la plaine, caractérisés par un développement important et souvent peu ou pas organisés. Pour rentrer dans le détail de celles-ci, nous nous intéresserons ainsi plus particulièrement à la polarité nord-ouest, qui, très tôt, a connu une manifestation d’intérêts communs entre les secteurs scientifique et technique et la ville de Grenoble, y voyant un intérêt pour y développer l’idée d’une articulation entre projet technologique et projet urbain. Cet exemple sera exposé tout au long de notre développement afin d’illustrer notre réflexion sur la possible manifestation de différentes pratiques urbanistiques.
b // De Giant à l’Écocité, exemple de l’établissement du projet urbain grenoblois sur la polarité nordouest
Les intentions du projet d’agglomération découlent sur la volonté de prouver que l’agglomération peut se développer indépendamment du centre-ville en s’appuyant sur la force de ses polarités secondaires définies lors de son élaboration. Dans le but de mettre en œuvre cette stratégie, un projet d’écocité soutenue par le ministère de l’Écologie et du Développement durable est déposé par la ville de Grenoble et Grenoble-Alpes métropole en 2009, cependant, on constate que même si « la stratégie globale de l'écocité grenobloise est présentée comme un approfondissement des réflexions conduites non seulement dans le projet d'agglomération, mais aussi dans le schéma de valorisation et de maillage des espaces naturels et le plan climat local, sa traduction opérationnelle conduit à choisir un seul site d'expérimentation. » (Novarina et Seigneuret 2015, 183). Ce site d’expérimentation est la presqu’île, au cœur de la Polarité nord-ouest.
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Longtemps chahutée par les divagations de l’Isère et du Drac au niveau de leur confluence repoussée en marge du centre ancien grenoblois (Figure 27), la presqu’île sert principalement au polygone d’artillerie des garnisons militaires grenobloise jusqu’à la moitié du 20ème siècle (Figure 28). En effet, en 1945, l’usine Merlin – Gerin (aujourd’hui rachetée par le groupe Schneider) est la première implantation à vocation industrielle sur le site de la presqu’île. Débute ensuite le développement technico-industriel de cette confluence, Louis Néelle, prix Nobel de physique, va permettre l’installation du CENG, aujourd’hui CEA par l’achat de terrains sur le site. De ce fait : « L'arrivée du CEA a ainsi fait évoluer l'ancien polygone militaire vers une enclave ultra protégée de la recherche sur l'atome confirmée par la construction de grands équipements scientifiques tels que le synchrotron en 1994. » (Novarina et Seigneuret 2015, 186) Cette dynamique portée par le CEA entraine de multiples autres projets développés par le CNRS, puis les universités. On assiste alors à la spécialisation du site de la presqu’île par une vision fonctionnaliste qui se tourne exclusivement sur une activité largement industrielle et qui se coupe de plus en plus de centre-ville de par cette orientation, mais surtout à laquelle s’ajoutent de nombreuses barrières physiques : « Reste aujourd’hui à ouvrir ce site, qui jusqu’au milieu des années 90 est resté un « non-quartier » en raison de son histoire militaire, des coupures physiques engendrées par la présence du Drac et de l’Isère, des autoroutes et des voies ferrées. » (Besson 2011, 9) (Figure 29)
Figure 27 / Confluence fluctuante ©carte de cassini 18ème 56
Figure 28 / Confluence maitrisée et polygône millitaire ©carte d'état major 1850
13. https://www.lemonde.fr/societe/ article/2009/06/02/naissance-de-giant-un-mita-la-francaise_1201232_3224.html
Il faut attendre la fin du 20ème siècle et le début des années 2000 pour voir se dégager les prémices de premières réflexions visant à mettre en relation la ville de Grenoble et sa presqu’ile. Un premier pas est réalisé avec la création du centre d’affaires Europole qui s’installe à proximité de la gare dans les années 1990. Puis Minatec, pôle d’innovation en micro et nanotechnologies regroupé sur 20 ha, est inauguré en 2006 (Figure 30). De ce fait, « Au cours des années 2000, les projets se multiplient qui concernent - choses nouvelles - à la fois le développement scientifique et l’urbanisme. » (Novarina et Seigneuret 2015, 186). En parallèle, il est intéressant de noter que sur le plan national, cette époque marque l’avènement d’un nouveau regard sur les cours d’eau principaux des villes, leurs berges et leurs confluences, notamment sur des sites autrefois fortement industrialisés ou en marge de leur centre historique. On peut citer Lyon qui débute la reconquête de la confluence de la Saône et du Rhône en 2000, ou Bordeaux qui en 1999 désigne le projet du paysagiste Michel Corajoud lauréat d’un concours et qui annonce une transformation majeure de l’identité bordelaise par les quais de la Garonne. Quid de Grenoble ? Le tournant majeur arrive en 2007 avec l’annonce du projet GIANT, Grenoble Isère Alpes Nanotechnologie puis devenue Grenoble Innovation for Advanced New Technologies. Un projet ambitieux qui peut se résumer en 4 chiffres : « 10 000 chercheurs, 10 000 étudiants, 10 000 habitants et 1 milliard d’euros d’investissement.»13
Figure 29 / Confluence maitrisée, polygône millitaire et voie ferrée ©Géoportail 1960 Figure 30 / Confluence actuelle, un quartier excentré © Géoportail 2018 01
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Figure 31 / Une géographie naturelle remarquable © Vdg / Presqu'île.com
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Ce projet vise à « favoriser l’accueil, à proximité du site occupé par le commissariat à l’énergie atomique, d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche, dans la perspective de la création d'un campus de l’innovation qui doit accueillir à terme 10000 étudiants est présenté souvent comme un « MIT à la française » ». (Novarina et Seigneuret 2015, 186) Cependant, il est important de noter que « pour les responsables des laboratoires implantés sur la presqu’île, l’implantation de nouvelles activités ne doit pas aller à l’encontre des conditions de sécurité qui prévalent sur le site (l’enceinte close par des barbelés de manière à contrôler l’accès aux installations.) » (Novarina et Seigneuret 2015, 187) De ce fait, il faut croire que le projet GIANT « vise plus à organiser la cohabitation entre enseignement supérieur, recherche et valorisation industriels des découvertes scientifiques qu’à impulser une véritable mixité fonctionnelle. » (Idem) et donc, la sectorisation des activités est de nouveau renforcée et l’appellation « GIANT » prend le pas sur le caractère géographie du lieu. On ne parle plus de la presqu’île, mais de GIANT (Figure 31). C’est alors qu’en 2009, la Ville de Grenoble choisit de démarrer les réflexions d’un projet urbain sur la Presqu’ile lui permettant d’élargir son centre-ville et s’accordant à son schéma polycentrique. Ce projet en lien avec GIANT, prend le nom de « Presqu’île scientifique » et a « une forte dimension d’innovation technologique »(Novarina et Seigneuret 2015, 181), il est également présenté comme « la première pierre de l’Écocité grenobloise et est défini comme démonstrateur de la ville post carbone » (idem). Si l’objectif principal est de rétablir un équilibre entre les activités très présentes sur le site et un habitat qui fait défaut, on note également un rapprochement significatif entre « le projet technologique du milieu scientifique (le campus de l’innovation Giant) et le projet de renouvellement urbain de la Ville de Grenoble ».(Novarina et Seigneuret 2015, 188) Il y a une volonté partagée « d’expérimenter de nouveaux savoir-faire associant réflexion urbanistique et innovations technologiques. » (Idem) Ce projet vise à traduire des figures définies dans les intentions stratégiques du développement de l’Écocité
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grenobloise, la première étant là celle de la ville polycentrique, à laquelle s’ajoute la « ville sobre », « la ville apaisée », « la ville nature » et la « ville intégratrice. » Ainsi, la presqu’ile scientifique se veut démonstratrice de ces figures en associant ces innovations technologiques a des projets opérationnels dans le cadre du développement urbain. Le plan guide de ce projet urbain est tout d’abord confié à Claude Vasconi, puis remplacé par Christian de Portzamparc, il s’étend sur la requalification des 250 ha. On voit donc que « sur la presqu’île scientifique, en plus du campus Giant, seront mise en œuvre des projets ayant le caractère de démonstrateur urbain, car permettant d’expérimenter des solutions techniques (cogénération énergétique, parcs de stationnement mutualisés, véhicules électrique, etc.) aux problèmes que connaît l’agglomération. Là encore, la recherche de projets directement opérationnels prévaut sur l’établissement d’une stratégie d’ensemble, et l’engagement dans le développement urbain durable passe uniquement par l’innovation technologique. » (Ambrosino et Gwiazdzinski 2015, 87) Ce mode d’action est ainsi porté par le triptyque université-recherche-industrie, moteur du développement grenoblois, il met en avant son implication dans la tentative de changement urbanistique pour tendre vers un urbanisme technologique associé aux champs d’action de l’industrie grenobloise. Il est aussi révélateur de la question difficile de la planification grenobloise qui peine à faire émerger une vision d’ensemble, la presqu’île étant une initiative isolée et difficilement reproductible a l’ensemble du territoire métropolitain. Pour conclure, dans sa construction, la métropole grenobloise cherche ainsi à penser et développer ses polarités en marge de la ville centre, dans la ville du 20ème siècle et ses caractéristiques hétérogènes (Figure 32). Un espace autrefois marqué par une frontière entre l’urbain et le rural, qui s’est brouillé par cette dissémination urbaine que Laurent Matthey qualifie de « troisième écosystème hybride » en ce qu’il procède de « logique d’espaces flous ou des écotones : interpénétration de la ville et du grand territoire, du bâti et des espaces vides, de champs et de parkings, de zones industrielles et de centres commerciaux, de bourgs urbanisés
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Figure 32 / Construction de la presqu'île © F.Bessoud-Cavillot
et d’espaces de détente. » (Matthey, 2012, 1) Pour Sébastien Marot, on peut même parler de « tiers monde » du territoire (Marot, 1995) du fait de cette dissémination excessive. Malgré les lacunes en termes de planification territoriale, une figure polycentrique a émergé et nous ne discuterons pas ce choix, mais plutôt la façon dont celle-ci va « atterrir » sur le territoire. Le projet Giant presqu’île caractérise la polarité nord-ouest, son développement important est issu d’une volonté conjointe entre différents acteurs de faire émerger un nouveau modèle de ville qui se veut démonstrateur pour le territoire. Pourtant, on a distingué rapidement les difficultés que ce projet avait dans la prise considération de la complexité du territoire dans lequel il s’implantait. Il semble alors intéressant d’approfondir ce parti pris urbanistique pour comprendre comment il tente de s’appliquer sur ce le site, mais également de le mettre en relation avec une démarche ultérieure, la démarche Mikado. L’analyse de ces deux postures de projets (Matthey, 2012), au regard du contexte grenoblois, peut être évocatrice d’un nouveau paradigme urbanistique émergent sur le territoire.
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LA POLARITÉ NORD-OUEST UN SITE DÉMONSTRATEUR DE DEUX PRATIQUES URBANISTIQUES Nous commençons à prendre conscience de la crise que connaît actuellement la société et il semble nécessaire de se concentrer sur ses causes. Il semble que selon certains philosophes de l’urbain ou géographes, c’est également une crise de l’urbanisme lié à nos modes d’urbanisation et donc d’habiter (Paquot, 2013, Lussault, 2017). Le modèle de ville que nous connaissons est au cœur des remises en question, avec lui les pratiques urbanistiques. Cette partie met l’accent sur les dissonances entre deux attitudes de projets liés à l’urbanisme et au paysage pour montrer le basculement envisagé dans la pratique de l’urbanisme grenoblois. On note peu à peu un changement de paradigme qui se concrétise pour certain par « l’alternative du paysage » au profit d’un « sub-urbanisme » (Marot, 1995; 2003) qui s’identifie également à un « urbanisme de révélation » (Fromonot, 2011), plus récemment théorisé. Dans un premier temps, il semble intéressant de présenter les notions qui se rattachent aux mouvements qui composent les grandes familles de projets distingués quant à leurs postures. Dans un second temps, en s’appuyant sur les catégories établies par ces réflexions, deux démarches grenobloises (GIANT - Presqu’île et Mikado) seront explorées par le prisme de notions qui, extraites de chacun de ces « urbanismes », peuvent être ou non opérantes quant aux approches effectuées.
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1 // Trois manières de classer l’urbanisme, une alternative a // Le récit de trois urbanismes selon Fromonot
Partant du constat que l’urbanisme contemporain connait une crise importante, Françoise Fromonot livre en 2011 une réflexion sur « les grandes directions selon lesquelles s’oriente l’urbanisme actuel » (Fromonot, 2011, 42) afin de proposer une typologie critique des projets d’urbanisme pour prendre du recul sur une pratique récente et de plus en plus controversée. Cette démarche n’est pas sans précédent, Françoise Choay tentait déjà d’esquisser les grandes tendances de cette discipline naissante en 1965 dans L’Urbanisme, utopies et réalités. Mais dans ce cas, Françoise Fromonot cherche plutôt à partir des projets eux-mêmes dans le but de déduire des catégories de pensées auxquels ils se rattachent, et ceux, en mettant en avant la « relation qu’ils entretiennent ou instaurent avec les termes concrets à minima de tout processus d’urbanisation : le site » (Fromonot 2011, 44). Elle entend par "site", « le territoire désigné pour l’intervention, et le programme, à savoir les activités qu’on entend y installer. » (Idem) On peut également compléter par la définition de Laurent Matthey qui dans son « manifeste pour une géographie active », devant se définir par un retour au site, le qualifie de : « lieu de l’intervention humaine dans lequel s’inscrit un système d’acteurs et d’actants qui met en rapport humains et non-humains. De ce point de vue, le site est toujours-déjà en situation ; il est toujours-déjà le lieu d’intersection d’échelles et de logiques d’action diverses qui en fondent la singularité » (Matthey, 2012, 2) Ainsi, Françoise Fromonot effectue un examen critique de projets par le prisme des relations qu’ils instaurent entre site et programmes. La notion de programme étant également importante dans l’élaboration de ses concepts, car selon elle, « la production massive qui accompagne l’expansion économique
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planétaire depuis les années quatre-vingt-dix fait du programme la raison première, voire exclusive, de toute urbanisation » (Idem). Ce qui engendre une globalisation de l’urbanisation par la promotion immobilière qui « s’emploie au quotidien à organiser de manière rentable de grandes quantités utiles sur des surfaces capables, réduisant les sites d’implantation de cette « substance urbaine » à de simples aires d’atterrissage » (idem). Cet examen critique lui permet ainsi de distinguer trois grands modes d’action et de conception. L’URBANISME DE PROGRAMMATION Le premier est qualifié « d’urbanisme de programmation », il est lié à une catégorie d’architectes urbanistes qui voulant exploiter d’une autre manière le potentiel programmatique de la modernisation prônent « le rassemblement d’activités de toutes sortes dans des artefacts urbains de grandes échelles, de véritables sites artificiels autonomes activés par les infrastructures de transport et les échanges. » (Fromonot, 2011, 45). La figure caractéristique de cette ambition est selon l’auteure le fondateur de l’OMA, Rem Khoolas, qui dans les années 90 débute son travail d’urbaniste de l’Euralille 1 avec la volonté de concrétiser cette approche auparavant théorisée dans son manifeste, Delirious New-York, en1978. En 2000, avec SMLXL « il poursuit son plaidoyer pour une régénération antifonctionnaliste de l’urbanisme progressiste » en « réclamant le recentrement de l’architecture via l’urbanisme sur la question du programme selon trois mots d’ordre : congestion, contamination, instabilité. » (Fromonot, 2011, 51) L’URBANISME DE RÉVÉLATION Le second, un « urbanisme de révélation », procède à l’inverse d’une approche contraire. Elle le définit comme une approche qui « consiste à donner la priorité au site d'intervention et à puiser dans son substrat (géographique, historique, symbolique…) les principes de sa mutation dans le temps. Par décryptage de leur nature, par anamnèse de leur passé, par extrapolation patiente de leurs qualités intrinsèques, les lieux sont ainsi amenés à engendrer localement le programme de leur propre évolution au fil d'un processus perpétuellement
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inachevé qui constitue en lui-même un projet. » Ainsi, cette approche s’inspirait du site en prenant appui sur « les réalités et leurs manifestations (matérielles, sociales) afin de se forger une éthique ou une philosophie à partir de l’expérience, par définition spécifique et sans cesse renouvelée, qu’est l’exercice de leur transformation. » (Fromonot, 2011, 47) ; pour l’auteure, l’urbanisme de révélation s’accorde avec l’invention d’une profession, celle d’architecte paysagiste (note aujourd’hui paysagiste concepteur) qui, même si elle est bien antérieure à cette période, commence « son ascension à la compétence déclarée d’urbaniste. » (Idem) lui permettant de faire valoir un regard différent sur la pratique urbanistique. On peut faire référence au travail d’Alexandre Chemetoff ou Georges Descombes qui peuvent faire office de figures européennes, mais cette pratique est également associée à un courant qui se distingue outre-Manche, le « landscape urbanism » (Waldheim, 2016) dont James Corner est une figure éminente. Cette version anglo-saxonne se veut selon Anaïs Leger-Smith beaucoup plus explicite sur les aspects écologiques qui positionnent « le paysage comme facteur d’incorporation des processus écologiques dans la conception urbaine. Le discours emploie des notions de flux, de succession, d’instabilité, d’interconnexion. » (Leger-Smith, 2020, 48). Toutefois, elles se distinguent toujours par l’attention à l’égard du paysage et du site, par la considération du sol, la continuité et la permanence des tracés – parfois invisibles – qui le parcourt en partant de la géographie du territoire. L’URBANISME DE COMPOSITION La troisième et dernière démarche est un « urbanisme de composition » qui se voudrait en principe inspiré des deux autres, mais distingué par le « le dessin préalable d’espaces publics, fixés par des tracés qui définissent des formes urbaines typiques contrôlé par un règlement. » (Fromonot, 2011, 49). Elle associe cette tendance au « projet urbain à la française » qui se matérialise sur le territoire par des opérations de types ZAC, un « urbanisme de plan masse » qui associe systématiquement « un jardin public et un maillage viaire régulier qui définit des ilots plafonnés, divisés en opération immobilière distincte confiée à différents architectes sur la
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base du respect d’un cahier des charges commun édicté par un urbaniste en chef. » (Idem). De ce fait, Françoise Fromonot fait émerger une approche particulière fondée sur une lecture du site et une attention portée au « déjà-là » abordant les caractéristiques topographique, morphologique, sociales ou écologiques. Cette pratique apporte une échelle de réflexion différente au projet urbain en tentant de se projeter au-delà des limites du lieu convoquant le paysage pour inscrire le projet dans une géographie plus vaste. Cette approche - non exclusive - serait alors propre à une pratique paysagiste pour qui le paysage serait une interface nécessaire entre l’urbanisme et le projet avec comme objectif une qualité partagée, de ce fait le paysage « devient une ligne de force de l’urbanisme – une structure structurante - en tant que force de transformation des espaces matériels de la ville et du rapport social à ces espaces. » (Da Cunha, 2019, 12). On voit ainsi dans ces critiques contemporaines des « manières » de faire l’urbanisme l’avènement d’une pratique et d’une profession. Elles font échos à notre récit concernant les trois urbanismes contemporains grenoblois quant à l’appréhension de la géographie. De plus, l’emploi du vocabulaire géographique est d’ailleurs de plus en plus fréquemment abordé dans l’argumentaire paysagiste, ce discours est mis en exergue par Laurent Matthey, docteur en géographie, qui dans son article « Vidal, sors de ce corps ! » Les paysagistes à l’épreuve du lieu d’intervention énoncent l’utilité sociale de la géographie – appelée par la suite « géographie active » - dans le but d’un « désir de retour au site » (Matthey, 2012, 1). Une retour au site qu’il nomme par provocation un « néo-vidalisme » mêlant la figure la géographie classique française Paul Vidal de la Blache, qui consiste en « une approche sensible des milieux de l’intervention humaine. » (Matthey, 2012, 5). Il se base sur les « manières de classer l’urbanisme », mais surtout sur les concepts de Sébastien Marot. Par ailleurs, pour Françoise Fromonot, c’est lui qui se fait l’interprète de cette pratique paysagiste, il préconise une « démarche alternative du paysage » qui fait du site « l’idée régulatrice du projet », le « suburbanisme » (Marot, 1995). C’est cette alternative qui va maintenant nous intéresser.
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b // « L’alternative du paysage »
Un concept est une manière de se représenter les choses, il fournit d’autres prismes, d’autres cadres dans la façon d’appréhender l’action, ici un parallèle intéressant peut être fait entre les Manières de classer l’urbanisme de Fromonot et le travail critique que réalise Marot. En effet, dans ses textes références L’alternative du paysage et Sub-urbanisme/sururbanisme. De Central Park à La Villette, il livre théoriquement et méthodologiquement les différentes approches de la lecture des lieux et du rapport entre le programme et le site. Mais de quels lieux parlent-ils exactement ? Pour Marot, lorsqu’il fait état de la « situation du territoire », il dresse le portrait schématique et peu flatteur, mais évocateur de sens - ou de non-sens –, de lieux qu’il qualifie de « tiers état du territoire » : la banlieue. C’est dans cet urbain diffus caractéristique des maux de la pratique urbanistique et architecturale qu’on trouve selon lui « les symptômes des logiques déclinantes (vestiges de tracés ou de dispositifs agricoles dans le parcellaire, friches industrielles, ferroviaires, portuaires…) et ceux des logiques dominantes (grandes infrastructures de transport, réserve de gros équipements périurbains, centres commerciaux, aires de parking, machines célibataires des bureaux banalisés et ateliers de stockage, surenchère des panneaux publicitaires et de la signalétique routière, zones pavillonnaires standardisées…) » (Marot, 1995, 63) À l’articulation entre le monde rural et le monde urbain, ce « palimpseste » aux multiples histoires permet l’avènement d’une pratique, celle des paysagistes, dont leur culture les place au cœur de ces deux mondes, à la périphérie. Elle s’appuie sur deux points importants, tout d’abord le fait de voir dans le paysage un espace public, « une ressource nécessaire, une cause commune, bref un espace public à ménager » (Marot 1995, 64). Ensuite, le point de vue alternatif du paysagiste qui est de projeter l’espace public comme paysage, en parlant de
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14. Extrait de « Restoring Mill Creek : landscape literacy environmental justice and city planning and design » publié dans landscape research 30 : 5, juillet 2005 Anne Whiston) 15. Discipline de projet d’abord inspirée par les situations suburbaines, et où la hiérarchie traditionnellement instaurée par l’urbanisme entre programme et site (d’après la logique de commande qui prévaut en architecture) est inversée, le devenant l’idée régulatrice de projet. Cf. Paysage. (Marot, 2010)
plus en plus de « paysage urbain », car on prend conscience que « l’espace ouvert et commun des villes ne constitue pas seulement une partie essentielle du monde urbain, mais qu’il est aussi et surtout l’espace à partir duquel ce monde se déploie et se découvre (sa scène). » (idem). D’ailleurs, cette notion de paysage urbain fait le parallèle avec un autre article tiré du numéro 8/2011 de Criticat dans lequel Fromonot énonce ses Manières de classer l’urbanisme. Dans celui-ci, Anne Whiston Spirn offre une définition du paysage urbain qui s’inscrit dans notre réflexion et celle du landscape urbanism : « Le paysage urbain est modelé par la pluie, par les plantes et par les animaux, par les mains et par l’esprit humain. La pluie tombe, creuse les vallées et inonde la terre. Les gens modèlent le paysage avec leur main, leurs outils et leurs machines, à travers leurs lois, leurs politiques publiques, l’investissement et l’épargne du capital, les autres actions entreprises à des centaines ou des milliers de kilomètres de là. Les processus qui sculptent le paysage au pair à différentes échelles spatio-temporelles : du local au national, de l’éphémère au durable. »14 Ainsi, cette approche alternative de l’espace public par le paysage, permet au projet de s’ancrer dans un site, dans révéler les articulations avec ses limites en prenant en compte les rapports au sol, au ciel, aux horizons et aux usages. Marot élabore ensuite quatre réflexes qui permettraient de mener cette lecture du site en préalable et indispensable à cette approche, en proposant une démarche bien différente des habitudes d’aménagements ayant conduit à cette situation : « L’anamnèse » (Marot, 1995, 70), qui, au contraire de la « tabula rasa », est une lecture des traces, des gestes et de la mémoire ayant façonné le paysage sur lequel et avec lequel on agit ; le fait de « viser le paysage comme processus plutôt que comme produit » (idem), en y intégrant différentes échelles de temps et d’espaces procédant d’une « lecture du site comme organisme vivant » (idem) ; s’employer à une lecture « en épaisseur des espaces ouverts et non plus seulement en plan » (idem) ; enfin, avoir une « prédilection pour limites, les abords, les environs » (idem) en ancrant le site dans un contexte plus large que celui demandé. Cette approche, érigée en art du diagnostic du site et de sa projection est appelée, par Marot, « sub-urbanisme »15.
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Elle se veut une pratique qui diffère de l’urbanisme intra-muros, mais qui constitue – en parallèle de celle-ci – un véritable bouleversement du regard porté au lieu où « le site et la situation (le relief, la nature du sol, l’orientation, le climat, le couvert végétal, le fond, combinaison d’histoire et de géographie) constitueraient l’idée régulatrice de nouveaux programmes et de nouveaux projets. » (Marot, 1995, 77) C’est ce rapport site/programme auquel fait référence Fromonot dans son « urbanisme de révélation ». Et comme elle, Marot lui oppose une pratique inverse qu’il expose en détail dans sa lecture critique de deux productions de Rem Khoolhaas, le sur-urbanisme (Marot, 2011). À l’inverse du rapport entre le site et le programme du premier, le second radicalise “l’urbanisme moderne” afin d’“inventer le site” dans une “analyse et [une] manipulation du programme” (Marot, 2011, 301). Deux pratiques se distinguent ainsi, laissant aux champs de l’urbanisme contemporain le soin d’être qualifié au regard de l’attention portée au site. Néanmoins, ces deux démarches mettent en exergue la mobilisation de la géographie au travers du prisme du paysage comme élément important de ce que Laurent Matthey appelle les « postures » de projet développer par les concepteurs. Plus récemment, Jean-Marc Besse évoque même la Nécessité du paysage, son dernier ouvrage, qui permettrait une mobilisation de la notion de paysage pour donner un visage concret à cette géographie dans le but retrouver un lien avec les lieux et espaces vécus : « On parle beaucoup aujourd’hui, à l'époque de l’anthropocène, de la nécessité d’atterrir, de trouver ou de retrouver le sol terrestre de l’histoire humaine. Nous sommes entrés, dit-on, dans la géohistoire. Plus exactement, notre époque est celle de la géographie. De la géographie comme écriture de l’histoire sur la terre, géographie des lieux et des espaces, et aussi des actions, des usages, des pensées et des imaginaires, géographie des hommes, des plantes et des bêtes, de l’air, de l’eau, de la lumière et des diverses façons dont ils sont perçus, transformés et vécus. Le visage concret de cette géographie, c’est le paysage » (Besse 2018) Ainsi, le cadre conceptuel que nous venons de dresser va nous permettre d’aborder d’une autre manière les pratiques urbanistiques contemporaines de la métropole grenobloise. Il fait d’autant plus écho à notre réflexion, car comme nous l’avons
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vu précédemment, la métropole à fait le choix de construire ses polarités dans sa périphérie, la banlieue proche dans laquelle peut s’appliquer le « sub-urbanisme » de Marot. De ce fait, au sein de notre étude de cas, nous analyserons d’abord le projet urbain Giant Presqu’île, confié à Claude Vasconi en 2007, puis repris par Christian de Portzamparc en 2009, qui semble se dessiner comme une référence aux tendances évoquées précédemment : un urbanisme de programmation (Fromonot, 2011) et un sur-urbanisme (Marot, 1995; 2003). Puis, le projet Mikado, débuté en 2012 par le groupement de TN+ paysagiste, qui engage une réflexion géographique et métropolitaine illustrant au contraire les tendances inverses propres à l’urbanisme de révélation (Fromonot, 2011) et au sub-urbanisme (Marot, 1995; 2003). Si ces approches sont présentées comme contradictoires, il semble important de ne pas chercher à savoir si l’une est préférable à l’autre, mais de démontrer que cette mise en tension met en avant des figures antagonistes dans des discours qui peuvent sembler similaires alors qu’ils convoquent deux manières de faire la ville.
2 // La presqu’île, le site à l’épreuve des programmes a // Des programmes aux figures, une quête d’innovation urbaine
Le projet d’Écocité grenobloise veut être un des « grands projets structurants » de l’époque, sa réalisation a, en théorie, pour vocation de se diffuser et rayonner sur l’entièreté du territoire. C’est avec cette ambition que la candidature de la ville est menée, s’attachant à prôner l’ « Écocité grenobloise : vivre la ville post-carbone dans les Alpes». L’agglomération cherche alors à entrer dans l’ère des métropoles « postcarbone » en tentant de « concrétiser la ville durable à travers des mutations urbaines sur l’ensemble de l’agglomération. » (Dossier de candidature, 2011)
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En convoquant cette notion de durabilité au travers de la construction de son territoire, Grenoble tente de repositionner la façon de faire la ville sous le prisme du développement durable. Mais avec le projet Giant-Presqu’île, ce sont à la fois le volet urbain et le volet scientifique qui sont affiliés aux façons de concevoir la ville. D’ailleurs, dès l’origine de son élaboration, la quête d’innovation — liée à la volonté du milieu de la recherche et de la technologie grenobloise de s’impliquer dans le renouvellement de leur quartier — est clairement affichée, aussi bien sur le plan scientifique, architectural ou urbanistique. Selon les acteurs du projet, il se préfigure sur la Presqu’île un laboratoire de 250 hectares de la ville durable, « où les scientifiques, les urbanistes, les architectes, et tous ceux qui ont une réflexion sur la ville pourront apporter leur contribution », selon François Peyronnet, Directeur général adjoint du Pôle Économie Relations internationales de la ville de Grenoble16. De ce fait, cette polarité mise sous le feu des projecteurs se voit soumise à un programme ambitieux et considérable qui mêle l’imaginaire de la ville, de l’architecture, des sciences et de la technologie. Mais surtout, elle affiche des chiffres importants, liés tout d’abord au projet « GIANT », allant presque jusqu’à faire oublier que cet espace est avant tout une presqu’île. Si « en 2015, il comptait 15 000 actifs, 3000 étudiants et 300 logements, en 2025, la Presqu’île accueillera 25 000 actifs, 10 000 étudiants et 1 900 logements. » (Sem Innovia). Les chercheurs de l’IUGA ne manquent pas de rappeler que ce projet « vise à désenclaver ce site et à étendre la ville […] » notamment par « […] l’aménagement, la construction et la programmation de 100 000 m² d’immobilier tertiaire, 150 000 m² de laboratoires de recherche, 50 000 m² de bâtiments pour l’enseignement supérieur, 1 900 logements et 6 000 m² de commerces. » (Laroche et Tixier, 2019, 3) On part donc du principe que dans ce secteur c'est la technologie qui va nourrir l’ensemble du projet urbain, on a ainsi le déploiement d’un laboratoire technologique et urbain qui se construit. Comment va réagir l’urbain à ce nouveau paradigme ? Quels sont les modes opératoires d’un tel programme ? La stratégie mise en œuvre dans ce cas est détaillée dans la candidature de la ville, elle s’inscrit dans le plan directeur porté par l’agence de Christian de Portzamparc (Figure 33). Elle s’appuie sur la construction et la mise en place
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16. Citation extraite de « EXPO les villes en mouvement » — 3e édition. « L’AMÉNAGEMENT DE LA PRESQU’ÎLE DE GRENOBLE : UN PROJET INNOVANT ET DURABLE ». Débat du 28 avril 2009 (in La durabilité du projet GIANT/Presqu’île à Grenoble : mythe ou réalité ? État des lieux et premières avancées méthodologiques / Raphaël Besson)
Figure 33 / Plan guide de la presqu'île © Atelier de Portzamparc
de différentes « figures » de la ville. Ces « figures opératoires » doivent « faciliter la déclinaison de l'objectif de développement urbain durable dans des domaines particuliers de politiques locales (urbanisme, énergie, mobilité, environnement, cohésion sociale). » (Novarina et Seigneuret, 2015, 182) Les figures déployées portent la volonté de créer une ville à la fois apaisée, sobre, intégratrice et bien sûr accueillante de la « nature », cela, mêlé à une programmation très importante et ambitieuse. Mais pour rendre ces métaphores opérationnelles, il faut les traduire dans des actions qui auront leur impact sur l’espace et le temps. C’est pourquoi chaque figure est associée à un outil d’aménagement particulier (Novarina et Seigneuret, 2015).
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VILLE APAISÉE On retrouve ainsi pour la « ville apaisée » un « pass mobilité » pour diminuer le nombre de véhicules et favoriser les mobilités communes (Figure 32 & 33).
Figure 32 & 33 / "Kiosque de mobilité", tramway et mobilité piétonne© F.Bessoud-Cavillot
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17. La smart grid est un réseau intelligent qui s'appuie sur une diversification des sources d'énergie qui cherche la meilleure adéquation possible entre production, distribution et consommation de l'énergie. » (Novarina et Seigneuret, 2015, 190)
Figure 34 / Nouvelle skyline dessinée par la "smart grid" © F.Bessoud-Cavillot
Figure 35 / Une architecture symbolisant la transition energétique © F.Bessoud-Cavillot
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VILLE SOBRE Pour la « ville sobre », l’énergie est au cœur des débats et celui-ci est traité à l’échelle de l’ilot urbain par la mise en œuvre d’une « smart grid17 », qui redéfinit la question du partage du sol urbain pour mutualiser la gestion de l’énergie. Cette notion de « smart grid » n’est pas sans rappeler celle de « smart city », la ville intelligente et hight tech, revendiquée par le milieu technologique grenoblois et qui s’inscrit dans l’imaginaire véhiculé (Figure 34 & 35).
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VILLE INTÉGRATRICE La « ville intégratrice » est plutôt traduite par la volonté d’offrir une mixité d’usages, un lieu sur lequel on puisse travailler, se loger, se divertir et étudier (Figure 36 & 37). Figure 36 / Campus et industries attirant un public diversifié © F.Bessoud-Cavillot
Figure 37 / Quelques assises et potagers en coeur d'îlot © F.Bessoud-Cavillot
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Figure 38 / Pieds de batiment plantés © F.Bessoud-Cavillot
Figure 39 / Pieds de batiment plantés © F.Bessoud-Cavillot
VILLE NATURE Enfin, la « ville nature » veut amener un travail de végétalisation et de gestion de l’eau de l’espace public et notamment sur les cœurs d’ilots associés à la gestion de l’ilot urbain. (Figure 38 & 39)
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Cependant, ce sont bien des figures opératoires qui ont pour but de rendre opérationnels des techniques et des outils d’aménagement et non une vision partagée qui permette de se représenter et de communiquer autour d’une vision commune de ce que pourrait être la « ville durable » portée par le projet. Cette association d’un programme important et d’outils d’aménagements propre à chaque figure opératoire semble s’accorder avec la pratique de l’urbanisme de programmation précédemment évoquée. Dans la mesure où l’on vient clairement appliquer des programmes scientifiques, universitaires et de logements définis au site de la presqu’ile, sans pour autant tenir compte de l’ampleur des particularités de celui-ci, tout comme les figures opératoires qu’on décline comme une boite à outils. On retrouve alors l’ambition de rassembler des activités de toutes sortes dans des gestes architecturaux marquants (à l’origine Vasconi prévoyait des tours de plus de 100 mètres de haut pour marquer l’entrée de la ville). Ces artefacts sont activés par des infrastructures de transports majeurs. D’ailleurs le plan original de Vasconi comportait le passage de la rocade nord, abandonnée par la suite, mais le Tram B fut prolongé jusqu’au quartier par l’avenue des martyrs. Cette avenue — d’une dimension plutôt conséquente — se veut être l’axe majeur de desserte du projet. Cette posture de projet fait également écho au sur-urbanisme de Marot où le site se réinvente dans une radicalisation du programme qu’on y applique. Néanmoins, si le programme porté se veut innovant et intégré dans la construction de la ville durable, qu’en est-il de sa traduction spatiale ? Pour l'actuel vice-président à l’urbanisme, Ludovic Bustos l’opération est : « Globalement une réussite, mais elle a été pensée à un moment où la voiture avait encore énormément de place. Elle serait forcément différente maintenant vu le contexte. Elle reste quand même vite un verrou en termes de circulation. Mais au niveau de sa conception architecturale et des aménagements, la façon dont elle a muté est assez incroyable. »
La question de la congestion évoquée peut se poser du point de vue de la morphologie urbaine adoptée, mais également dans la répartition des espaces privés et publics.
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Figure 40 / Les secteurs de la presqu'île © Atelier de Portzamparc d'après le Cahier des intentions urbaines, architecturales et environnementales, version 4
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C’est l’avenue des martyrs qui joue aujourd’hui le rôle de desserte principale du quartier, mais également de limite infranchissable entre le quartier de Cambridge au nord, et les pôles de recherche, d’industrie et d’enseignement au sud. Il se trouve que la cohabitation entre les habitants et les acteurs privés est quelque peu compliquée, car pour des raisons de sécurité audibles, tout le secteur sud est protégé et donc enclavé, ce qui ne permet pas un maillage de porosités à l’échelle du projet. Ce contexte particulier entraine la concentration du « projet urbain public » sur la partie Cambridge et donc les ilots urbains intégrés. Puis, de part et d’autre de l’avenue, des « places structurantes » sont censées jouer le rôle d’articulation entre les franges du projet et le tissu bâti (Figure 40).
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Figure 41 / L'avenue des martyrs comme axe structurant du projet © F.Bessoud-Cavillot 80
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On constate donc une façon d’aborder le site par rapport à l’application de divers programmes qui se veulent innovants et appuyés sur les technologies des laboratoires grenoblois. Ceci, entrainant directement leurs traductions dans une série de solutions techniques qui se veulent reproductibles. Néanmoins, ces solutions ne sont applicables que si elles s’inscrivent dans le cadre du « système urbain intégré » (Dossier de candidature, 2011), concept élaboré par l’Écocité grenobloise. Lequel se traduit par la mise en œuvre d’un découpage du sol particulier qui « substitue à l’îlot urbain traditionnel un îlot urbain intégré » (Novarina, 2017, 282).
b // Du projet urbain au projet architectural, " l’îlot urbain intégré "
Dans sa candidature à l’Écocité, la technopole, sur de ses forces, veut miser sur « l’expertise technologique et industrielle du pôle d’innovation locale » pour pouvoir ensuite faire valoir un territoire « démonstrateur unique au service de la ville de demain : la ville post-carbone, issue d’une vision systémique de ses composantes : système urbain, mobilité et énergie. » (Dossier de candidature, 2011) Ce principe d’ilot urbain intégré (Figure 43) caractérise les principes de l’opération en fédérant la gestion coopérative de l’énergie (smart grids et réseau de chaleur) et les nouvelles mobilités
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Figure 42 / Couture urbaine envisagée sur la polarité © Atelier de Portzamparc d'après le Cahier des intentions urbaines, architecturales et environnementales, version 4
Figure 43 / Concept de "L'îlot urbain intégré" © VILLE DE GRENOBLE ET GRENOBLE ALPES MÉTROPOLE, 2011, Écocité grenobloise, dossier de candidature
(Pass mobilité). Le prisme de l’énergie étant prépondérant dans ce système, il induit une réflexion qui se centre avant tout sur le quartier et non plus sur l’échelle de la polarité qui est normalement annoncée (Figure 44). Alors, on peut noter une difficile prise en compte du contexte géographique dans lequel s’insère l’opération comme les liens avec les berges de l’Isère ou du Drac ou encore l’espace de leur confluence. À une autre échelle, lorsque dans une publication consacrée « l’urbanisme durable » (Da Cunha, 2015), Gilles Novarina aborde la ville durable en citant le cas grenoblois, il constate que cette
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approche « fait passer progressivement au second plan les thématiques de l’organisation polycentrique, de la trame verte et bleue ou des réseaux de mobilité, qui obligeraient à aborder les rapports entre nouveaux quartiers d’une part, échelles de la ville-centre et de l’agglomération de l’autre » (Novarina, 2017, 282). On note donc la difficile mise en application des principes retenus lors de la planification de l’agglomération, privilégiant les projets opérationnels par des solutions techniques rapidement applicables. Cette approche énergétique amène surtout une autre approche vis-à-vis de l’échelle de réflexion du projet, notamment dans la mise en place de la smart grids qui se veut être l’outil innovant de la « ville sobre », mais qui amène un nouveau découpage des sols afin de mutualiser la gestion de l’énergie. Le sol est donc ici considéré comme un simple support sur lequel va atterrir un grand îlot architectural qui puise l’eau nécessaire à sa gestion énergétique directement dans le sous-sol, c’est l’îlot urbain intégré. On réfléchit donc la ville à l’échelle de « l’îlot ouvert », caractéristique de la ville de l’Âge III, théorisée par Portzamparc (Portzamparc, 1995) (Figure 44). La notion d’ilot est une des réflexions principales de cet architecte urbaniste qui affirme sa conviction réfléchir à une échelle intermédiaire entre la ville et le bâtiment, celle de l’ilot ouvert. La presqu’île devient donc le site d’expression de la mise en application de ses principes et théories urbanistiques et architecturales. De ce fait, l’îlot urbain intégré et la smart grid permettent la traduction des avancées technologiques sur la façon de faire la ville, il « constitue la brique de base qui doit s’intégrer à la fois à la ville et à son environnement naturel. Toutes les thématiques du projet (énergie, usages, mobilités, formes urbaines …) doivent être pensées à l’échelle de l’îlot de manière cohérente et dans un esprit de développement durable. Le projet de l’Écocité grenobloise met ainsi en avant l’îlot urbain intégré, conçu comme un point de départ et un vecteur de la mixité, de l’identité, du changement des comportements et des nouveaux usages » (Dossier de candidature) Mais spatialement, celle-ci donne lieu à l’élaboration d’ilots ouverts, caractéristiques de l’urbanisme des années 2000 avec un cœur d’îlot disposant d’un jardin privatif (parfois public à l’origine) et d’un alignement sur la rue, passant peu à peu d’une réflexion de l’îlot au bâtiment. Gilles Novarina
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va même plus loin en constatant selon lui que « l’urbanisme durable renoue ici avec des façons de faire propre à la ville moderne, qui privilégie l’objet architectural par rapport à la structure urbaine d’ensemble » (Novarina, 2017, 283). Cette vision centrée sur l’énergie et sa traduction architecturale est toujours présente lorsque pour les élus il s’agit d’évoquer la qualité de l’opération, celle-ci découle en grande partie de la performance énergétique des bâtiments : Figure 44 / Matrice spatiale des âges de la ville. Matrice inspirée des codes graphiques employés par Christian de Portzamparc (pour les représentations en plan des « trois âges de la ville ») et par Herzog et de Meuron (pour les représentations axonométriques de la « ville variée ») confrontés par Jacques Lucan (2012). © Ambrosino et Ramirez-Cobo, 2019.
02
« Elle conjugue un certain nombre de choses avec la prise en compte de la performance énergétique du bâti. C’était avant-gardiste par la nouvelle façon dont les entreprises du lieu voyaient l’aménagement et la construction. Puis il y a eu un accompagnement des espaces publics différents que dans d’autres secteurs. Ça reste une grosse réussite. Ça donne lieu d’autres choses et on a grandement transformé. » L. Bustos
La presqu’île, le site à l’épreuve des programmes
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Cela pose la question de l’innovation dans l’architecture, l’urbanisme et le paysage, mais force est de constater qu’ici la sophistication technologique s’opère à travers des dispositifs de transition énergétique et la mise en place de réseaux intelligents tels que les smart grids et reste peu perceptible dans la composition du quartier et de ses espaces publics (Laroquet 2015). Elle est visible dans la réalisation de pièces architecturales efficaces énergétiquement qui jouent un rôle de totem de la « ville durable » à la grenobloise (Figure 45). Le recours aux innovations des laboratoires grenoblois doit permettre de lancer la transition vers la construction d’une ville durable à l’effigie d’une smart city. Mais ces innovations se traduisent principalement dans l’architecture et la concentration de programmes importants qui s’y déclinent. Le recours aux figures opératoires montre ses limites sur certaines approches comme celle de la « nature en ville » ou malgré des chartes végétales et autres grandes orientations, une « logique aménagiste » persiste via des « copier-coller » qui relèvent davantage des progrès technologiques. Ils ne font pas appel à la sensibilité du lieu ou aux relations matérielles et immatérielles que le paradigme du paysage peut tenter de considérer. Plaidant pour une réelle conception écologique urbaine, mais surtout alliée a une conception sensible dans la volonté de tendre vers une « ville biodiversitaire » (Clergeau, 2020), Émeline Bailly constate qu’ « avec le développement durable, l'aménagement des espaces publics tend à se verdir à défaut de penser son lien au milieu naturel comme un fondement de la sphère sociétale. » (Bailly, 2020, 275). Il semble qu’un des éléments qui peut caractériser cette approche technologique de la ville qui peine à retrouver son milieu d’installation et notamment la relation entre le site et le programme peut être l’emploi de l’eau dans l’élaboration du projet.
86
Figure 45/ La tour Panache et son "green cloud" de balcons terrasses, architecte Edouard François © F.Bessoud-Cavillot
02
La presqu’île, le site à l’épreuve des programmes
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c // L’emploi de l’eau comme symbole d’une vision technologique
L’eau est au cœur des réflexions urbanistiques grenobloises depuis son origine. Comme expliqué précédemment, entre la houille blanche, les crues et sa présence sous toutes ces formes, l’eau, en tant que ressource, a été le moteur de développement du territoire. Nul besoin de rappeler la citation du géographe Raoul Blanchard concernant l’importance de l’eau et caractérisant le territoire grenoblois par ses confluents, à la fois de vallées, mais surtout de rivières. Dans ce cas, quels rapports à l’eau ont été imaginés ? À l’heure du changement climatique, d’une recherche de fraicheur en ville et de résilience, comment la ville durable grenobloise appréhende-t-elle ses paysages de l’eau ? On vient d’évoquer la réflexion urbanistique portée sur l’échelle des ilots ouverts avec un cœur d’ilot végétalisée. Si l’on s’attarde sur les ambitions évoquées par les paysagistes de l’équipe de Portzamparc pour l’ensemble des espaces publics de la presqu’ile, ils envisagent un « parti paysager » en partant FONTAINE
DRAC
Logements.
Trois zones de danger aux abords du Drac : ̶ L’arrière des digues, c’est-à-dire aux droits des ruptures. ̶ Les rues qui jouent le rôle de canaux. ̶ Les zones de cuvette, òu l’eau peut s’acccumuler.
Une ripisylve de plus en plus réstreinte. Le territoire est en pente ! Drac endigué mais avec des îles préservées.
Niveau de l’eau : Hautes eaux = mi-juin et février T°C min / max = 4,5°C / 18°C T°C moyenne = 11,5°C Débit moyen annuel de l’ea 100m3/s Niveau du Drac supérieur à celui de l’Isère ̶̶ Amplitude du Drac moins marquée que celle de l’isère.
Projet de turbine abandonné : Risques d’innondations sur Fontaine.
GEG
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Figure 46 / Plan de la charte végétale du projet © Pena Paysage
Figure 47 / Le transect comme outil d’analyse des réseaux énergétiques situés à la Presqu’île de Grenoble. Extrait 1 © Laroche & Tixier
« des deux rivières, le Drac et l’Isère et de recréer une « veinure hydrologique » qui ordonnance le paysage du site. » (Pena paysage) (Figure 46) Si la considération d’une approche liée au paysage de l’eau est affirmée, il n’en demeure pas moins que dans les faits, celle-ci est difficilement perceptible. L’organisation complexe du site lié aux difficultés de ce palimpseste entre de grandes infrastructures, des friches industrielles et des terrains en grande partie privés à sécuriser, ne facilite certainement pas la tâche. Mais dès l’origine du projet, le fait que celui-ci ne s’intéresse même pas au confluent ILL 8
BIOMAX 2020
LNCMI ̶ C
Centrale Biomasse. Livraison prévue en 2020.
Station de captage, filtrage et pompage
Laboratoire Magnétique de Cha
Principe de cogénération : unité de production de chaleur et d’éléctricité et centrale Biomasse. La métro (maître d’ouvrage) / CCIAG / CEA (mise à disposition)
1er enjeu : Approvisionnement discontinu porté par des organisations spatialisées.
VERS UNE
RÉCUPÉRATION DE LA CHALEUR FATALE
1/ Assurer aux chercheurs qu utilisent les installations des conditions de travail de qualité.
2ème enjeu : Raccordement avec l’obligation pour les bâtiments neufs à proximité de BioMax 2020 de se raccorder. (Schèma directeur d’énergie objectif 2030).
PRODUITE PAR LES
INSTALLATIONS
INDUSTRIELLE ÉLECTROINTENSIVES ?
2/ Régler une facture d’électr importante avec des consommations trés différent hiver / été jour / nuit
3/ Valorisation de la chaleur f Effacement industriel Valocal.
̶ Quid des causes des process d’usage ? ̶ Chalange sur l’existant
85 000 tonnes de bois / an Approvisionnement à 62km de Grenoble ENTRÉE DE BOIS
Production d’électricité
Turbine / alternateur
Production d’éléctricité : 37 000 MWh/an estimés
La
Consommation d’éléctricité : 4 200 MWh/an estimés
me
Qui peux accéder aux canalisations sous la A480 ?
tro
RTE
Sou
rce
:
Consommation d’éléctricité via RTE : 20 000 MWh/an mesurés Consommation forte pendant les heures creuses : été et nuit. Via GEG : 8 GWh rc e
ÉNERGIES NÉCESSAIRES AUX FONCTIONNEMENT DES AIMANTS
:L
NC
MI
ENTRÉE D’AIR
So
u
Électricité 24mW
Eau 1200 m3/h
Production d’eau chaude et de chauffage
Échangeur thermique
Capter - Filtrer - Pomper
Chauffage
RTE
Eau du Drac de 4 à 8°C
Eau du Drac
Eau du Drac 4 à 20°C
Eau chaude et chauffage (180°C)
GEG
GEG
02
La presqu’île, le site à l’épreuve des programmes
GEG
89
peut être évocateur de sens. Il aurait pourtant été intéressant de voir comment peut évoluer la « ville de l’Âge III » théorisée par Portzamparc, au regard de la considération de l’eau dans la conception et la configuration de la ville grenobloise, pour peutêtre tendre vers la « ville adaptable » de l’Âge IV, notre période contemporaine (Ambrosino et Ramirez-Cobo, 2019). Il semble pourtant que concernant le cas de la presqu’île, des chercheurs en architecture grenoblois se sont plutôt basés sur le parti pris inverse. De manière habile, à la suite de leur réflexion portée sur la ressource en eau liée aux enjeux énergétiques du quartier, ils ne parlent plus des paysages de l’eau, mais titrent leur article L’eau dans les paysages de l’énergie. Cette bascule sémantique est évocatrice de sens quant à son utilisation et sa perception. Dans leur démonstration, ils s’appuient sur une lecture du site via un transect afin de « révéler ce paysage misociotechnique, mi-géographique, et pour que soient débattues autrement dans des espaces de décision collective les relations entre ressources naturelles, exploitations énergétiques et paysages de l’eau. » (Laroche et Tixier, 2019) (Figure 47, 48 & 49). Cette lecture met en avant l’importance de la mobilisation de l’eau dans la gestion et la répartition de l’énergie du site, liée en partie aux partis pris architecturaux, mais celle-ci est peu perceptible dans les espaces publics. Selon eux, « pour le piéton qui traverse ce quartier, l’eau est la plupart du temps
I ̶ CNRS
Figure 48 / Le transect comme outil d’analyse des réseaux énergétiques situés à la Presqu’île de Grenoble. Extrait 2 © Laroche & Tixier
GREEN̶ER
PANACHE
OXYGÈN
Premier partenariat public privé du plan Campus. Projet de l’Opération Campus Université de l’Innovation. Groupement lauréat : Eiffage SA / Groupe 6 / Iosis / Jacobs. Étudié : 2011 ̶ contrat : mi-2012 ̶ livraison mi-2015.
Cogedim + Edouard François (mission courte) + Aktis Livraison : 2018.
Grenoble Habitat + Ateli (mission longue) Livraison : 2016.
Université de Recherche et d’enseignement Supérieur.
tique de Champs Magnétiques Intenses.
700 capteurs. Contrôles des pratiques et des consommations du bâtiment. Système relié et consultable en direct.
hercheurs qui ations des vail de
cture d’électricité des rés différentes en jour / nuit.
Cogedim 2018 42 logements.
Grenoble Habitât 112 logements étudian
VERS UNE PLUS GRANDE FLÉXIBILITÉ DANS LA CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE ?
Fraicheur ou Gand vert ?
QUELLES SONT LES
INTÉRDÉPENDANCES
e la chaleur fatale. triel Valocal.
Vues
ENTRE ̶ BÂTIMENT ̶ OCCUPANT ̶
Salades
GESTIONNAIRE ? Suivi Quotidien, centralisé (gestion technique du bâtiment) et contractualisé sur certains paramétres (T°C, plage de fonctionnement, condommation d’éléctricité...).
Un ananas à Paris Tokyo, Hawaï... Tomates
Centrale de traitement d’air Le plus gros poste en consommation énergétique. lex
Coeur d’îlot ouvert en journée ? Comment les traiter, les parcourir ? 4p
Dup
Qualité de l’eau : ‒ Débit ‒ Filtrage.
Projet d’habitat pour tous ?
Système de récupération de la chaleur du DATA Center vers l’agora.
Dup
lex
Pas de balcons.
WC
WC
WC
WC
Production d’éléctricité : 23 MWh/an mesurés
:A
RECHERCHES AUTOUR DES AIMANTS
c
e
ur
Consommation d’éléctricité : 167 MWh/an estimés
3p
So
4p
e HI rm is M efo Plat Pred
4p
WC
4p
WC
ree
Partenariat Public Privé EIFFAGE (financement, conception, construction et maintenance pendant 29 an) Université Grenoble Alpes / Comue. ̶ Des rapports de confiances complèxes et changeants. ̶ Les équipes techniques communiquent peu entres elles. ̶ Les réunions reflètent mal la réalité du travail de terrain. ̶ Des enjeux et contrôles à plusieurs niveaux. ̶ Les usagers ont informés mais participent peu aux décisions. ̶ Les sensibilisations sont rares.
WC
4p
WC
Volume tempéré
TA DA er nt Ce
WC
Aimants (x10)
Ag CR
ora
Hall d’entrée
OUS
Chauffage Eau process Eau confort glacé 7°C Été 19°C
Eau chauffage Hiver 30/35°C
Eau chauffage Sanitaire 90°C
EAU 180°C / C.C.I.A.G.
Eau Sanitaire Eau Arrosage
Réseau d’Exhaure
EAU DE PLUIE
Eau industrielle
—
système Val tur oca Fu l
LNCMI + CNRS
—
200m3/h
PAC AIR ̶ EAU
Eau vers Isère <29°C — 1200 m3/h
GEG
90
GEG
GEG
Thermos ?
absente de l’environnement paysager. Le Drac est masqué par des berges hautes et le passage de l’autoroute tout du long. L’Isère n’est accessible qu’à quelques endroits quand on se rapproche du centre-ville. » (Laroche et Tixier, 2019, 3) De ce fait, si l’eau est peu lisible dans l’espace public au cœur de la presqu’île, il en est de même pour les berges des deux rivières qui sont durement endiguées et peu accessibles. Malgré tout, c’est sur ces berges que la présence de l’eau est majeure, révélant des rives aux paysages remarquables et renfermant une biodiversité intéressante. Elles sont pourtant difficilement investies et utilisables, quelques usages sont à noter, mais elles servent majoritairement de déplacement pour les vélos, notamment sur les rives de l’Isère. Pour les auteurs de ce constat, « les programmes scientifiques, universitaires et de logements contribuent à rendre ce paysage de l’eau invisible spatialement, illisible techniquement dans son fonctionnement et dans sa relation à l’environnement alors que, contrairement aux réseaux urbains habituels, le fonctionnement de ces programmes est basé sur les ressources accessibles localement. […]. Elle est dans les faits aujourd’hui considérée comme une ressource quasi uniquement dédiée à la mise en œuvre de projets énergétiques. Pourtant, ces paysages de l’eau
NE
CASTEL’O & CASTEL’R
ABC
Isère habitat + R2K (mission courte) Livraison : 2016.
Livraison : 2020 Grenoble Habitat + Le Grand Plan d’Investissement.
ICP 2019 62 logements.
Isère Habitât 22 logements, 8 logements habitât participatifs.
nts.
ier A
Art R131.20 Code de l’habitation et de la construction.
̶ Objectifs de résultats pour les bâtiments de Cambridge : RT 2012 -30% sans recours aux photopiles ̶ T°C int hiver = 19°C ̶ T°C int été ne dois pas excéder 28°C pendant max 40h ̶ Recours à la géothermie aux réseaux d’Exhaure ̶ Végétalisation de la toiture : 50% min de la surface.
Qualités et caractéristiques de l’aquifère superficiel ? du sol ?
VERS UNE MISE
Quelle est la prise en compte de ces milieux dans le pro Cambridge phase I et II ?
CONSOMMATIO
PLACE D’UNE A
QUELLE E
L’INTERDÉPEND
ENTRE LES HAB ET LE RÉSEAU
ÉLÉCTRIQUE ?
Union de quartier Grenoble Confluence : Unir les hâbitant des différents pôles de la presqu’île.
Utilisation de ce bâtiment septembre - juin ̶ VMC simple flux ̶ Pas de volets = symbole de ce bâtiment fermé.
u Ea
de
plu
ie
Enjeux économiques très importants : ̶ Pas de végétation en toiture ̶ Pas de VMC double flux ̶ Pas de Volets. D
Comment sont pris en compte les enjeux d’énergie dans un programme de logements collectifs ?
ch ou
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Salle de sport avec climatisation.
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r, ie év
es, tt
la
Potabilisation
bo va
e ag in rd ja
Consommation d’éléctricité : 123 MWh/an estimés
Consommation d’éléctricité : 186 MWh/an estimés
Réseau
Batterie
eau du réseau
ÉLÉCTRICITÉ Réseau d’Exhaure
Réseau d’Exhaure
Potabilisation
Traitement eau usées
EAU
Réseau d’Exhaure
Volume = 7,5 M de m3 / heure
Eau rejetée par LNCMI <29°C
GEG
GEG
02
—
Débit 2030 m3 / heure
+
GEG
La presqu’île, le site à l’épreuve des programmes
Nappe phréatique des alluvions du Drac
—
Niveau de l’eau = à 5m sous le sol
—
15m de profondeur
—
Température moyenne = 13°C
—
30
Réseau de collecte des ea
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pourraient constituer une médiation inédite entre les usagers et le territoire de la Presqu’île et définir un « milieu associé », au sens développé par Gilbert Simondon (2005). » (Laroche et Tixier, 2019, 7-8) On est donc dans le cas où la ressource en eau engendre un paysage énergétique lié à son exploitation purement technique. Cette approche des différents programmes fait que l’eau est « considérée uniquement comme une matière permettant d’atteindre un objectif énergétique et économique, elle est exploitée et parfois commercialisée, mais rarement appréciée pour ce qu’elle est aussi, à savoir un « bien en commun » (Paquot, 2016). » (Laroche et Tixier, 2019, 9). À cette considération particulière s’ajoutent les impacts sur le milieu sur lequel le projet s’installe, car « on reste détaché du territoire et de son environnement alors même que ces consommations ou préservations énergétiques ont des impacts directs sur ceux-ci. Dans tous les cas, ces architectures manifestes et autres totems énergétiques doivent se connecter aux réseaux urbains, tant électriques qu’hydrauliques, et c’est là que les nœuds socioénergétiques et les interfaces aquifères sont le plus sensibles à définir dans leur conception autant que dans leur gestion. » (Besson, 2011, 8). Le fonctionnement de ces programmes est en partie basé sur les ressources du site, certes, mais ils ne considèrent pas
Figure 49 / Le transect comme outil d’analyse des réseaux énergétiques situés à la Presqu’île de Grenoble. Extrait 3 © Laroche & Tixier
ISÈRE
Vers la concrétisation d’un milieu associé et la formation d’espaces d’hésitation (Fontaine).
EN
TO-
Niveau de l’eau : hautes eaux = mai-juin et janvier T°C min / max = 3,5°C / 18°C T°C moyenne = 10°C
?
T
Débit moyen annuelle de l’eau = 180m3/s Niveau de l’Isère inférieur à celui du Drac Amplitude de l’Isère plus marquée que celle du Drac.
ANCE
TANTS
VERS LA DÉFINITION
D’UN TOTEM URBAIN
ÉNERGÉTIQUE (F. LOPEZ) OU D’UN ENSEMBLE
DE POUPÉES RUSSES (F. MENARD)
Quid de la dimension paysagère et urbaine des réseaux hydroéléctriques ?
Pompes x 4 le long des berges de la presqu’île.
Logements raccordés au réseau Exhaure
Les rejets du réseaux exhaure et des eaux du CEA et CNRS sont uniquement visibles depuis les berges de l’Isère ?
Réseau d’Exhaure
uviales CEA & CNRS
GEG
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Le
Coo Ce t
ces paysages comme un préalable propre à la définition de ces programmes. Si la polarité nord-ouest focalise en soi deux manières de faire la ville, la lecture des méthodes envisagées par le prisme de l’eau comme ressource est édifiante quant à la considération de l’élément en vue de ses vertus à la fois physique ou sensible dans le projet GIANT – Presqu’île, notamment sur l’élaboration des programmes quant au site du projet. Même s’il semble important de rappeler, comme l’a démontré Clément Quaeybeur, Docteur en Aménagement de l’espace et Urbanisme, dans son analyse de l’interface urbanisme / paysage entre l’urbanisme de programmation et l’urbanisme de révélation, que des pratiques liées à l’urbanisme de programmation ne signifie pas nier la considération du paysage existant : « L’urbanisme de programmation et le sur-urbanisme n’engageraient donc pas une étanchéité totale entre l’urbanisme et le paysage (ce que les auteurs de ces deux propositions ne défendaient d’ailleurs pas expressément). Le fait de positionner le programme comme déterminant du site projeté n’appelle pas à la disparition d’une considération du paysage. » (Quaeybeur, 2019, 51) Néanmoins, le cas de presqu’île engage difficilement ce changement de paradigme dans l’application du
PARC MIKADO
ST MARTIN LE VINOUX
Étang de Pique-Pierre.
Hôtel de Ville.
Site étudié de la presqu’ile non étanche aux massifs du Vercors et de la Chartreuse ?
Objectif routes, digues, nature et ville. ̶ Amener du rafraichissement en ville ̶ Faire valoir et relier les espace verts ̶ Signalétique sur place.
N481, Rupture dans la trame verte et bleue ?
Projet Mikado : Projet visant à une diminution de la pollution dans l’air et dans les nappes phréatiques, à l’aténuation des bruits du traffic et au développement de la biodiversité. Biodiversité existante et à venir ? Quelles infrastructures et quelles amènagements pour anticiper, absorber et réguler les risques d’inondations existants ?
GEG
02 La presqu’île, le site à l’éénergétiques preuve des programmes situés à la Presqu’île de Grenoble. e transect comme outil d’analyse des réseaux
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ordination : Nicolas Tixier et Sylvie Laroche (AAU_CRESSON, ENSAG) / Graphisme : Pauline Gorge (Ecole Supérieure d’Art et de Design à Valence) travail s’inscrit dans le CDP Eco-SESA « Eco-district: Safe, Efficient, Sustainable and Accessible energy (Eco-SESA) ». Financement IDEX université Grenoble Alpes, projet lauréat du « Cross Disciplinary Program »
paysage comme préalable à la réalisation de son opération. Elle fait la démonstration d’une posture de projet qui veut s’inscrire dans les principes du développement durable et qui, au regard des quelques éléments mis en exergue dans ce travail, tend finalement à illustrer une tendance d’attitude de projet lié à un urbanisme de programmation ou au sur-urbanisme. Nous avons tenté de mettre en évidence cette approche « sur-urbaniste » de la polarité nord-ouest qui, à l’origine, est le site choisi pour l’application de l’Écocité grenobloise et donc devait être le projet démonstrateur de la fabrique d’une ville durable. Dans la continuité de notre postulat de départ, la mise en tension avec une démarche postérieure de trois ans, la démarche Mikado, semble démontrer une approche différente de la polarité nord-ouest et de sa projection, dévoilant un autre paradigme urbanistique.
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Figure 50 / Situations des enjeux de la polarité liés à la topographie© TN+
3 // L’alternative Mikado a // La commande : « Faire polarité par le paysage »
En 2012, La MÉTRO (communauté d’agglomération Grenobloise) commande une étude de plan-guide pour la polarité Nord-Ouest de Grenoble qui s’inscrit toujours dans le cadre d’une réflexion plus large concernant les trois polarités. Elle consiste à connaître les enjeux propres à la polarité dans laquelle se développent une multitude de projets avec des temporalités, des visions et des interlocuteurs complétement hétérogènes (Porte du Vercors, Giant-Presqu’île, le parc d’Oxford...). Dès l’origine, la volonté des élus est claire : Comment développe-t-on la polarité nord-ouest par le paysage ? Une question qui peut paraitre simple, mais très vaste, notamment au vue du contexte précédemment évoqué. Le périmètre de cette réflexion comprend les communes de Sassenage, Saint-Martin le Vinoux, Grenoble et Fontaine. Mais très vite, l’équipe retenue pour mener ce plan guide fait état d’une incohérence dans ce périmètre et propose un élargissement au vue d’une logique du contexte géographique qui dépasse les limites administratives proposées : « Le périmètre était également défini, il aurait dû comprendre Saint Égrève dans la logique, mais ils n’ont pas accepté, il aurait aussi dû y avoir Seyssins et Seyssinet car en travaillant dessus on s’est assez vite rendu compte que le trait continuait vers le sud. Mais l’association n’a jamais eu lieu, certainement à cause d’une logique électorale ou pour ne pas faire trop grand, pourtant, ça semblait pourtant être la juste échelle. » B. Tanant
Ainsi, on remarque la volonté assumée de la part du prestataire de requestionner la commande dans le but de s’inscrire dans une logique géographique, celle de la plaine. Le groupement retenu, TN+ Paysagistes, SOBERCO Environnement et C. Blachot architecte, propose une note
02
L’alternative Mikado
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méthodologique s’appuyant sur la volonté d’une approche géographique cohérente pour le territoire de la polarité dans le but d’imaginer la ville de demain par un projet fédérateur. « C’est en pensant les espaces publics comme armature que la cohérence est initiée. C’est un moyen d’anticiper par le paysage, par le cadre de vie, le développement urbain et économique de cette polarité ; une figure qui s’inscrit fortement dans le cadre montagnard de la Métropole grenobloise pour le cours terme (2016) et le moyen terme (2025-2030) et le long terme (2050). » (Polarité Nord-Ouest. Dossier d’étape : présentation du pland guide / Avril 2013). Dès lors, le paysage est annoncé comme moyen de s’appuyer sur cette géographie mêlant le cadre de plaine et de la montagne, en considérant donc la cluse (Figure 50). Il révèle la complexité du territoire dans la façon dont celui-ci s’est construit et fait émerger la multitude de fragments urbains propres à la périphérie d’une ville centre. Ce palimpseste se compose de ces fragments qui se sédimentent entre un réseau d’infrastructures lourdes, d’anciens sites industriels et tissus de faubourgs, de centre de villages, d’équipements ou de zones pavillonnaires au milieux desquelles flottent des espaces verts de proximité. On se trouve dans la situation du territoire semblable à celle décrite et théorisée par Marot, la « suburbia », un contexte éprouvé par les approches paysagiste (Figure 51, 52, 53 & 54). De ce fait, l’utilisation explicite du
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Figure 52 /Des zones d'activités en pied de falaise © TN+
Figure 51 / Des ourlets comme palimpseste © TN+
Figure 53 / Chemin de digue en bord de canal © TN+
Figure 54 / Des formes urbaines diverses qui côtoient les champs © TN+
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terme « ville paysage » qualifiant la ville de Grenoble et ses alentours est employée dans un diagnostic où le paysage est mobilisé comme moyen d’interroger le site, mais également comme moyen et finalité de l’approche prospective du territoire : « La ville de Grenoble s’est développée dans un contexte géomorphologique marqué qui a contraint au fils des siècles l’urbanisation. L’installation humaine et le paysage ont toujours fonctionné de pair, nous chercherons donc à comprendre quelles sont les structures paysagères fortes qui ont orienté la morphologie urbaine, comment au fil de l’histoire, la ville s’est appropriée son territoire et quels sont les enjeux actuels soulevés par le développement urbain dans la polarité nordouest. » (Polarité Nord-Ouest. Dossier d’étape : présentation du pland guide / Avril 2013) La notion de « ville paysage » fait ici état d’une démarche qui s’appuie sur une structure urbaine et paysagère, qui se distingue et se singularise par l’approche culturelle d’un territoire. Pour cela, elle propose une inversion du regard en tentant de saisir les espaces ouverts et hétérogènes de cette ville aujourd’hui illisible en retrouvant un socle géographique originel. Dans sa récente publication traitant des disciplines
L’alternative Mikado
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du Paysage, urbanisme et projet : interfaces et médiations la qualité urbaine comme enjeu, Antonio Da Cunha y introduit ce terme de « ville paysage » et affirme que : « La démarche contemporaine de la ville-paysage propose toujours une ouverture du programme projectuelle grâce à une inscription du projet dans une géographie physique, culturelle, mais aussi phénoménale qui fait du site et du contexte spatial dans lequel il est inséré, une matière de la démarche de conception. […] Le projet de ville-paysage accueille la diversité des fonctions, des activités et des usages des habitants en rupture avec une vision strictement fonctionnelle de l’espace. De manière plus générale, le projet de ville-paysage s’oriente vers la production de la qualité urbaine (formelle, fonctionnelle, d’usage) et la reconstitution des milieux vivants et à l’échelle des agglomérations urbaines. » (Da Cunha, 2019, 21)
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Figure 55 / Les tracés de la figure géographiques © TN+
La démarche Mikado propose donc une figure en partant du site de la polarité nord-ouest (Figure 55), notamment par la configuration de la confluence qui se veut emblématique et oubliée. Elle tente de faire émerger le potentiel des espaces qui semblent peu qualitatifs mais qui sont pourtant une ressource permettant de donner une autre forme à la ville de demain. Le concept de Mikado nait autour de cette figure. « La figure était super simple, c’était fait pour être compris rapidement. C’est une figure avec des structures qui s’assemblent, tu en enlèves une ou tu en rajoutes une mais la structure d’ensemble reste, il y a des invariants justes parce qu’ils travaillent ensemble. Comme un des principe de base c’est qu’il y avait des projets en cours, des projets qui avaient débutés, d’autres presque terminés, d’autres à l’étude et dans la tête des élus avec en plus le Mikado par-dessus. Donc avec des temporalités, des visions et des interlocuteurs complétement hétérogènes. […] Il a fallu faire comprendre qu’on avait une structure géographique qui restera et qui perdura dans tout les cas et qu’il fallait construire avec, dans le temps long. L’enjeu, c’était aussi le fait de travailler sur des espaces que personnes ne regardait ou trouvait comme dérisoires ou inintéressant. Le confluent est emblématique de cette inculture sur le site, personne n’y allait ou ne le connaissait, il est pourtant sublime. » (B. Tanant)
A ce stade, on voit se construire un concept qui peut paraitre complexe, du fait notamment de la difficulté de manipuler des termes alliant les ressentis, la perception et ou de l’ordre du sensible, ce n’est pas simple de parler de paysage et encore moins dans une agglomération peu habituée à ce type d’approche. Cécile Branthomme, cheffe de projet arrivée en 2015 dans la démarche et en liens avec les élus et les prestataire se rappelle : « Tn+ avait cet aspect sensible que j’aime bien mais avec un vocabulaire particulier, assez conceptuel et donc ce n’était pas toujours facile à suivre. Au début, ce n’est quand même pas toujours évident, j’ai donc fait un travail de réappropriation avec une vison plus terre à terre pour permettre une réappropriation générale. C’était un jeu d’équilibriste pour que mon discours respecte la philosophie général du projet et que Tn+ soit en accord avec ce que je déduisais. Mais ce petit décalage je le trouve hyper riche quelque part, car cet aspect conceptuel fait la richesse du projet et permet d’avoir une vision globale et cette ambition avec un aspect sensible qui emmène
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Figure 56 / La confluence © F.Bessoud-Cavillot 100
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les élus avec un projet qui fait vibrer. » (C. Branthomme)
Pour Yannick Olivier, élus en charge de l’aménagement au sein de la métropole et dans le pilotage de l’étude, la démarche Mikado avait mis l’accent sur des spécificités territoriales encore inconnues et donc de potentiels éléments permettant d’appréhender différemment la façon d’aménager la polarité : « Je me suis rendu compte que l’équipe sélectionnée pour travailler sur le site a très vite bien sentie le territoire. B. Tanant montrait qu’au fond ce territoire Nord-ouest - et les autres territoires aussi bien sur - il avait de formidables capacités sur le plan écologique, hydrologique ou foncier. Et que plutôt que de répondre aux envies des communes qui avaient des désirs de construction de logements ou l’on y mettait un peu de pelouse pour que tout le monde soit content, il a démontré qu’au contraire, en amont, il fallait mettre en valeur les caractéristiques de ce territoire sur le plan géographique. Puis on a découvert un certain nombre de choses. Si vous regardez bien, il y a des lieux où des ruisseaux traversent des parkings, ou des espace comme ça et on s’est dit il faut mettre en valeur ces éléments pour construire en fonction de tout ça. C’est ça Mikado ! C’est tout le mérite de Tanant de nous avoir fait comprendre qu’il fallait du temps et de la patience pour aménager le territoire avant de construire, toujours en fonction des caractéristiques écologiques, hydrauliques, naturels... »
Cette nécessité de porter une vision partagée et commune sur la polarité est le fondement de la démarche et le paysage se veut être un médium porteur dans ce sens. Il donne lieu à une proposition forte du fait que ce sont les caractéristiques du site, par la considération du déjà là, qui vont permettre à ce territoire fragmenté, de le relier et de lui donner une cohérence paysagère en installant une structure, support des différents futurs projets urbains de la métropole de demain,
b // Au-delà d’une trame verte et bleue, une figure géographique fédératrice
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Figure 57 / Penser la ville au sein de la structure Mikado © TN+
18. Loi dite Grenelle 2, loi 2010-788 du 12 juillet 2010, article 121).
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L’un des enjeux majeur de la démarche est d’unir le territoire autour d’un projet fédérateur. Le repérage de secteurs emblématiques qui sont voués à muter et la volonté d’anticiper ces mutations par la considération du cadre de vie font émerger une nécessité, créer du lien (Figure 57). Il se trouve que la démarche Mikado s’effectue à la suite au Grenelle de l’environnement (2007), à la faveur duquel l’expression consacrée de « trame verte et bleue » émerge en 2010 en France, dans la loi dite Grenelle 218. Véhiculée par une écologie urbaine et une écologie du paysage élargissant leur champs d’action au milieu urbain, elle peut devenir un véritable moteur de projet du champs de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Comme le rappel Philippe Clergeau, écologue et urbaniste dans son ouvrage Urbanisme et biodiversité, vers un paysage vivant structurant le projet urbain : « La trame verte et bleue a pour objectif affiché par la loi française de réduire la fragmentation des milieux,
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d’identifier et de préserver les espaces de biodiversité et de les relier par des corridors écologiques, de mettre en œuvre des objectifs de qualité pour les zones humides et les eaux courantes, et d’améliorer la qualité des paysages (selon notamment les indications du code de l’environnement et du code de l’urbanisme.) » (Clergeau, 2020, 151). Bien que le paradigme du paysage soit considéré dans cet ouvrage, la mobilisation des enjeux du paysages ne sont pas portés de façon évidente dans les finalités évoquées par les lois de la trame verte et bleue (Toublanc et Bonin, 2012). Dans un article intitulé Planifier les trames vertes dans les aires urbaines : une alliance à trouver entre paysagisme et écologie, Monique Toublanc et Sophie Bonin, respectivement docteure en sociologie et docteure géographie, montrent aussi « comment l’idée de préserver, voire d’aménager des continuités naturelles, a perduré et a été réinterprétée selon les significations propres à chaque époque et selon les contextes territoriaux. » (Toublanc et Bonin, 2012, 1). Ce faisant, face à la transformation perpétuelle des villes, la volonté d’appliquer ces principes de continuité verte n’est pas en soit innovante mais elle constate qu’ils sont mobilisés depuis plusieurs siècles et très souvent portés par des paysagistes. Seulement, aujourd’hui, on met en avant le volet environnemental de cette démarche dans la considération de la biodiversité et de son déplacement. A ce titre, une réflexion urbaine pensée au sein d’une structure plurielle associant la ville et la prise en compte des dynamiques écologiques liées à une diversité de milieux engendrerait un urbanisme considérant le site dans son ensemble, en lien avec des continuités existantes. Dans l’histoire de l’urbanisme, une des réalisations majeures allant dans ce sens est celle de Frederik Law Olmsted. En tant que concepteur des parkways, une succession de parcs et promenades qu’il définit comme les éléments principaux d’organisation de la ville et de son développement, ce système de parc « constituerait l’une des principales assises « paysagistes » au concept de « trame verte et bleue. » » (Romeyer, 2018, 14). Même si à l’époque, les dynamiques de déplacement de la biodiversité ne sont pas évoquées (Toublanc et Bonin, 2012) C’est justement sur ce principe que les mikados se déploient pour faire du lien autour d’une figure géographique invariante
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Figure 58 / Formes urbaines projet Portes du Vercors © TN+
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allant au-delà des sites de projets (Figure 58). Les fragments doivent permettre un lien entre les massifs et les rivières, entre les communes, avec l’interface des projets en cours, entre les quartiers habités et les quartiers d’activités…
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MIKADO BLEU L’analyse que l’on peut faire de ces mikados révèle que dans le récit porté, ce sont les mikados bleus (hydrographiques) qui apparaissent comme le socle originel de la figure dans le but de révéler ce paysage effacé de la cluse. Ils font état de la valorisation d’une trame bleue, considérant effectivement les continuités hydrologiques des ruisseaux qu’elle révèle comme la petite Saône ou les sablons. Ils envisagent aussi des espaces de fraicheurs, de déambulation et surtout les effets des incertitudes climatiques qui – avec l’élaboration du nouveau PPRI du secteur – impact fortement les rives en cas d’inondation et obligent donc une reconsidération des abords du Drac avec la définition de zones de réservoirs d’eau, de zones tampons, d’espaces de décélération de la vitesse de l’eau, réconciliant les formes de la ville et les berges (Figure 59).
Figure 59 / Le Mikado bleu© TN+
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« Le mikado avait aussi un rôle quant à la révision du PPRI. Il y avait la définition de zones de réservoirs d’eau, de zones tampons, d’espaces de décélération de la vitesse de l’eau... à la MÉTRO la personne en charge du risque l’avait très bien compris ça. » 02
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Citation extraite de l'entretien avec Bruno Tanant 107
MIKADO VERT Les mikados verts sont ensuite signifiés comme éléments majeurs dans la structure de la polarité. Ce potentiel d’espaces est réellement qualifié pour tendre vers une mise en réseau d’espaces publics ouverts mettant en avant le caractère majeur de ce travail, l’inversion du regard. Par conséquent, on ne se concentre non plus principalement sur les surfaces bâties par des années de développement urbain mais sur les espaces ouverts résultant de ces surfaces bâties. Ils sont alors présentés comme partie intégrante de la réflexion, « le projet urbain de l’agglomération s’appuie donc sur les « vides » de son territoire […] Le projet urbain n’est donc plus pensé comme une addition de « pleins » mais comme une structuration des « vides ». (Buyck 2009, 87) (Figure 60).
Figure 60 / Le Mikado vert © TN+
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« Mikado ce n’est pas qu’une structure verte et de la trame verte et bleue. C’est un empilement d’éléments divers : il y a de la route, de l’eau, des mobilités, mais aussi différent types de végétation… »
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Citation extraite de l'entretien avec Bruno Tanant 109
MIKADO MOBILE Viennent ensuite les mikados mobilité, ils doivent palier aux manques de structurations et à la discontinuité du réseau existant en s’appuyant sur 3 axes importants : -des nouvelles voies structurantes comprenant les tramways ou le câble. -des circulations douces pour piétons et cycles offrant parfois des circuit « en boucle » -des créations ou restauration de nouveaux franchissements sur le Drac et l’Isère pour faciliter les liaisons d’une rive à l’autre. Les échelles de mobilités convoquées sont importantes car elles traitent autant du déplacement quotidien que l’on pourrait juger « utilitariste », que de la qualité des déplacements lié a la flânerie ou au tourisme. Elles visent à développer une écologie urbaine, un cadre de vie agréable en proposant des circuits pour relier “les curiosités” de la polarité, c’est à dire, les éléments attrayants historiques, de loisirs ou des paysages. Chaque boucle de Mikado pourrait également faire l’objet d’un projet de signalétique ludique et caractéristique pour que les habitants de la métropole prennent conscience de la pratique de leur territoire au sein du Mikado.
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Figure 61 / Le Mikado mobilité © TN+
« Cette polarité amène aussi la notion de circulation du quotidien ou en très peu de temps tu peux changer d’ambiances qui sont contrastées. On essayait de construire un réseau aussi diffèrent de l’autoroute à vélo ou tu fais du vélo pour faire du vélo, il n’y a pas ce truc en plus.» 02
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Citation extraite de l'entretien avec Bruno Tanant 111
MIKADO URBAIN Enfin, les mikados urbanité, ils répertorient plusieurs projets de quartiers mixtes en cours de réflexion ou d’élaboration sur la polarité qui fait l’objet d’un fort renouvellement urbain. La pensée portant sur l’échelle du territoire et du grand paysage de la polarité (piémonts, plaine, berges…) incite à organiser différentes typologies pour s’approprier le grand paysage en libérant les berges et les piémonts et en densifiant le centre en pensant : - un urbanisme dense et d’hauteur moyenne dans le centre ; - un urbanisme atypique sur les piémonts laissant une grande part au vide et au paysage ; - un urbanisme vertical et ouvert sur les berges. Enfin, cette nouvelle trame intègrerait des secteurs gardés en tant que « réserves foncières » pour l’avenir. Le but étant de répondre à des usages non prévisibles à l’avenir pour tenter d’anticiper les évolutions futures. Figure 62 / Le Mikado urbain © TN+
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« L’objectf du Mikado est d’installer une structure paysagère où l’architecture vient s’insérer à l’intérieur du parc, valorisant la complémentarité entre la cluse et les piémonts. »
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Citation extraite de l'entretien avec Bruno Tanant 113
On constate alors qu’à l’inverse du projet de Giant – Presqu’île où les figures de la ville durable sont mobilisées pour construire le concept et le projet, Mikado construit une figure à partir de la variété des éléments de la polarité. Pour cela, la description fine du territoire est constitutive du projet de paysage qui s’y établi. Ainsi, la classification de différentes catégories d’espaces ouverts, par leur composition matérielle ou immatérielle et traitant aussi du vivant, convoque ici une notion qui mêle écologie et géographie : le milieu19 (Figure 63). Pour Laurent Matthey, « c’est par la description patiente des choses vues que l’explication et la compréhension géographique trouvent leur moyen de réalisation. Dans la description, la nature d’un sol, la couleur d’une pierre, l’orientation d’un artéfact expriment un rapport de l’homme à son milieu. » (Matthey 2012b, 4). Selon lui, cette pratique caractéristique d’une démarche paysagiste peut s’apparenter à un « néo-vidalisme » (Matthey, 2012b), accentuant encore la portée géographique de leur démarche, qui « pourrait fonder de nouvelles approches théoriques du lieu, considéré comme un agencement d’acteurs, d’actants et de potentialités. » (Matthey 2012a, 225) Cette émergence de la notion de milieu dans les pratiques de projets est de plus en plus évoquée, que ce soit dans le travail de Paola Vigano sur l’urbanisme et le sol (Viganò, 2012; Vigano et al. 2020), de l’urbanisme des milieux vivants de l’agence TER (Masboungi 2018) ou le fait de « penser le paysage par le milieu » (Gaudin 2019). Néanmoins, Laurent Matthey par ce rapport à la figure de Géographie qu’est Vidal de la Blache, explore un champ d’interprétation du paysage en lien avec un « retour au site » (Matthey, 2012b). Il suppose que « par analogie avec le vidalisme classique, ce néo-vidalisme pourrait être défini comme un corps de doctrine caractérise par : une pensée du lieu, une pensée du grand paysage et des paysages ordinaires (si l’on focalise sur les objets) ; une pensée du sensible, une pensée des potentialités, une pensée de l’émergence (si l’on se concentre sur les états). Une doctrine qui mobilise une analytique rétrospective (anamnèse des structures fondamentales de l’espace) et une analytique prospective (herméneutique du devenir). » (Matthey 2012a, 225). Il rapproche ainsi les textes de Marot et Fromonot quant à la pratique de ce « néo-vidalisme » ou la posture de projet renverse les modes habituels de faire la ville en considérant le site avant le programme de telle sorte qu’il se base sur une
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19. En écologie on entend par « milieu » « la partie du monde avec laquelle un organisme vivant est en contact : c’est donc celle qui en détermine les réactions, les adaptations physiologiques et parfois même morphologiques ; celle qui est, en retour, modifiée, transformée, façonnée par ce contact avec le vivant ». (Gandolfo, 2008)
amplification de la géographie par une lecture du grand paysage et du paysage du quotidien. On peut donc affirmer que Mikado témoigne de cette subversion procédant par lecture fine des structures fondamentale de l’espace tout en tachant d’avoir une portée prospective sur le territoire. « C’est un entremêlement de structures, par la route, par la végétation, par les types de déplacements, par le parcellaire, la micro-topo, par les sols, on a beaucoup parlé de la qualité des sols ! Je pense qu’on a parlé de trop de choses en, qu’on a peut-être noyé l’idée. Mais il y avait une envie d’expliquer beaucoup de choses parce qu’il y avait des manques de partout. » B. Tanant
Figure 63 / Une mise en réseau de milieux © TN+
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La considération du sol évoquée par Bruno Tanant fait écho et s’inscrit dans l’hypothèse du projet de sol métropolitain que nous tentons de faire émerger. Mais si Mikado participe à sa construction, la démarche ambitieuse à l’origine a néanmoins connu un atterrissage laborieux, notamment dans sa traduction opérationnelle. Les « manques » évoqués au sein de la gouvernance territoriale, probablement causés par le passage de l’agglomération à la métropole et un manque de vision globale, peuvent aussi expliquer pourquoi cette démarche qui a, pendant un temps, supposée de se diffuser sur l’ensemble du territoire métropolitain, a simplement engendré la réalisation de quatre sites de projet, soit, un sur chaque commune du périmètre initiale.
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c // Les traces de sub-urbanisme dans une gouvernance métropolitaine fragile
Figure 65 / Armature du Mikado métropolitain © TN+
Une analogie entre le sub-urbanisme et la démarche Mikado semble se dessiner, la polarité Nord-ouest peut ainsi être considérée comme le théâtre de l’Écocité grenobloise avec Giant-Presqu’île, mais on y décèle aussi les traces d’un sub-urbanisme qui fait la démonstration d’une autre manière de faire la ville. Malgré le fait que cette subversion se voulait reproductible voir diffusable à l’ensemble du territoire métropolitain, elle reste difficilement perceptible, même si elle semble avoir infusée dans le discours métropolitain. Le Mikado de la polarité devait être une impulsion pour donner à l’ensemble du territoire disparate une identité singulière, ce principe se voulait diffusable pour fabriquer une nouvelle structure qui devait s’étendre aux trois portes de la métropole (Figure 64). Cette idée fut très bien accueillie et plutôt portée par une partie des élus concernés : « Moi j’ai tout de suite dit qu’il fallait l’étendre à l’ensemble de la métropole ! On ne peut plus aujourd’hui construire sans tenir compte des caractéristiques du foncier, donc de l’existant. » Y. Olivier
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Figure 64 / Projection d'une structure métropolitaine © TN+
De ce fait, TN+ esquisse le Mikado métropolitain avec la volonté « de constituer les paysages de la métropole avec le temps » en supposant déployer le plan guide jusqu’à l’horizon 2045. Ce processus de transformation de territoires étant long, il propose de rapidement tendre vers des « paysages de préfiguration » ouvrant rapidement des sites aux usagers avec des premières actions sur le sol qui vont rendre le mikado lisible (création de chemins, création de fossés, constitution de pépinières, création de parkings plantés, de belvédères…) Mais cette proposition de paysages de préfiguration par strate demandait une mobilisation générale d’ordre métropolitaine pour un repérage des potentiels existants puis aller au-delà de l’amorce de l’armature prioritaire de la polarité Nord-ouest. Si ces documents (Figure 65) donnaient une base et une matière
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de discussion pour orienter les dynamiques d’aménagement de l’époque vers une vision d’ensemble, ils n’ont cependant pas donné lieu à une réelle adhésion : « Je pense que quand on a parlé la première fois du Mikado métropolitain ça a intéressé les personnes présentes, mais je pense que c’est avec les grands décideurs derrière que ça a bloqué. Là, ce n’est pas de l’incompréhension ce sont des questions de volontés politiques. » B. Tanant
Il se trouve que cette remarque sur la gouvernance métropolitaine, en construction a l’époque, à été soulevée plusieurs fois, notamment par le vice-président en charge de l’aménagement et de Mikado : « Le principe Mikado qui dit qu’on met en valeur le territoire avant de construire a été acquis, mais pas si facilement. Allez déjà expliquer à l’ensemble des élus d’une métropole, c’est à dire 120 personnes, ce qu’est Mikado. D’abord on vous répond que c’est le jeux de société, ou alors il y a des interrogations sur la réalisation d’un parc japonais… si vous n’avait pas de pédagogie ce n’est pas facile. Sauf qu’une fois qu’on a essayé de synthétiser et de simplifier en disant qu’on a un territoire extraordinaire et qu’il faut le mettre en valeur, tout d’abord cela flatte les élus, et ensuite on explique qu’au lieu de bétonner tout de suite on met d’abord en valeur une base et on regarde ce qu’on va faire. Là, vous commencez à avoir une compression de leur part. […] Après, pour le Mikado métropolitain, ce qui a sans doute manqué c’est une majorité. Avant dans l’agglomération on avait une majorité opulente mais difficile à mener. Aujourd’hui, avec une majorité dissonante c’est pratiquement impossible. Ce qu’il a manqué pendant ce mandat c’est que les décisions devaient arranger tout le monde. Il n’y a pas eu, de la part de l’exécutif, une volonté politique affirmée. De part une incompréhension au début même si finalement la compréhension du concept a de plus en plus infusé. » Y. Olivier
Le constat de l’échec du Mikado métropolitain est révélateur de la difficile définition d’une vision globale du territoire, à l’échelle de la métropole, malgré la tentative de mobiliser l’imaginaire autour de la transformation des paysages. Si le mikado métropolitain est resté au stade de supposition, la polarité Nord-ouest a elle connut quelques réalisations qui ont tenté de faire atterrir la structure. Toutefois, il apparait que
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Figure 66 / Pointes et berges du confluent © C. Branthomme
Figure 67 / Requalification des berges du quartier ancien de Fontaine © F. Bessoud-Cavillot
la politique a peut-être une fois de plus pris le pas sur le temps long du projet, voulant rapidement mobiliser des actions sur le temps d’un mandat, et répartissant également un site témoin sur chaque commune concernée. Pour TN+ : « La demande des élus était d’avoir rapidement de l’opérationnel et chacun dans sa commune, il fallait qu’on voit qu’il se passait quelque chose. Les sites ne sont ni bien ni mal choisis, mais ils sont peut-être trop petits pour être efficaces en terme de visibilité pour les habitants. Je pensais qu’il fallait tout ou rien sinon ce n’était pas possible. Il y avait une certaine frustration car déjà que l’enveloppe était faible pour les travaux, la structure n’émerge pas. » B. Tanant
Du coté de la maitrise d’ouvrage aussi, pour Cécile Branthomme, en charge du projet : « Il y avait quelque chose de très frustrant, c’était de ne pas aller au-delà et d’être circonscrit à un territoire de projet et un budget. Avec plus d’argent on aurait été plus ambitieux mais on a été rattrapé par la réalité du terrain pour sortir le projet de terre. Là ou je suis satisfaite, c’est qu’on a eu des réalisations sur certains site, on n'est par resté sur une étude qui décore les placards. Les sites sont presque tous sortis donc c’est hyper positif. Mais le coté super frustrant c’est qu’on est parti de quelque chose de très ambitieux pour finir à aménager les berges de l’étang ! Donc dans le discours il faut garder cette échelle macro dans lesquelles s’inscrit la démarche. Après, chaque élus est content d’avoir son action aussi… Mais si on avait directement lancé le mikado 2 dans la suite du premier on aurait peut-être eu une autre dimension. » C. Branthomme
Figure 68 / Cinq sites choisis pour tenter d'impulser la structure © TN+
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Effectivement, les 5 sites choisis (la pointe et les berges de la confluence, une séquence de la petite Saône, l’étang piquepierre, la montée de la Casamaures et une séquence des berges de Fontaine) (Figure 66, 67, 68, 69 & 70) pour rendre rapidement opérationnelle cette figure font état de la difficile construction d’une narration convoquant le projet et l’imaginaire dans le but de fédérer une vision globale. Comme évoqué précédemment, les sites « ne sont pas bien ou mal choisis », mais on a du mal à se rattacher à la figure fédérant autour d’une vision pluri communale dans la réalisation de 5 sites au périmètre circonscrit. L’ambition originelle portée sur la volonté de liens et de mise en relation par une trame d’espace ouverts structurants est difficilement perceptible à l’heure actuelle. Aujourd’hui, la métropole entame son deuxième mandat. Avec du recul, les traces laissées par Mikado en font un jalon déterminant dans le processus d’inversion du regard qui vise un changement de paradigme urbanistique à Grenoble. Cette très timide subversion au profit du paysage, permettant une considération du site par rapport au programme, se veut être un réel exercice de démonstration en ce qu’elle propose d'élaborer un prototype (le Mikado Nord-ouest), qu’elle compte ensuite dupliquer à l’ensemble du territoire en fonction des résultats obtenus (Mikado métropolitain). Néanmoins, ce renversement a du mal à s’affirmer dans la métropole ou le « sur-urbanisme » reste ancré dans les pratiques locales. Pour Ludovic Bustos, nouveau vice-président en charge de l’urbanisme, l’aspect avantgardiste de Mikado a rendu compliqué son application : « Cette démarche peut être duplicable mais Mikado n’est pas arrivé au bon moment. On est passé métropole pendant l’étude, Grenoble a été une métropole de fait, par la loi, il n’y a pas eu une adhésion communale à l’origine. On a du mal à avoir un projet structurant quand le pouvoir est aussi partagé. […] Moi je pense que c’était avant-gardiste Mikado, mais c’est arrivé dans les mentalités un peu trop tôt. Aujourd’hui, les pouvoirs sont aussi métropolitains, la métropole peut donc donner sa vision, donner le tempo de tout ça. Si il y a un Mikado 2, il ne doit pas être manqué. Je suis très sensible à ce genre de pratique, si cela ça fonctionne, c’est une vrai plus-value. » L. Bustos
Au-delà du contexte gouvernemental complexe durant la démarche, il semble nécessaire de souligner aussi la difficile mobilisation du paysage dans les politiques publiques d’urbanisme
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Figure 69 / Requalification des berges du quartier ancien de © F. Bessoud-Cavillot
Figure 70 / Ponton de l'étang Piquepierre © C. Branthomme
depuis plus d’une vingtaine d’années. Mikado semble être une œuvre isolée dans les pratiques contemporaines Grenobloises. Ce manque de culture de l’urbanisme, voire de culture du paysage semble difficile à cerner : « On peut se dire qu’à Grenoble on est quelque part écrasé par le paysage et se dire que le paysage c’est ça [les montagnes] et le reste c’est autre chose, mais on ne sait pas trop ce que c’est du coup et on n’y prête pas intérêt. […] C’est un vrai mystère, je ne sais pas d’où ça vient, c’est difficile géographiquement et donc difficile pour les élus […] Il y a une histoire incroyable de l’urbanisme à Grenoble pourtant. » B. Tanant
Toutefois, cette nouvelle direction conceptuelle dans la perception et la construction de la ville tente de s’esquisser et Mikado en est l’un des piliers. L’analyse des pratiques urbanistiques grenobloises depuis plus de vingt ans, notamment dans ses polarités, expose donc un basculement (même timide) des représentations de l’organisation spatiale du territoire, notamment dans son rapport au paysage. Récemment, les réflexions menées dans le cadre du PLUi et de l’OAP Paysage et biodiversité le confirme, la charpente paysagère qui en découle mobilise les figures de la « ville parc » ou de la « ville paysage ». Mais le dessin d’un projet de sol métropolitain ( Mantziaras et Viganò, 2016 ; Ambrosino et Buyck, 2018) servant de socle à ce renversement doit passer par une lecture plus fine articulant l’ensemble des espaces ouverts permettant de passer du « sol support » au « sol sujet » (Vigano, Barcelloni Corte, et Vialle, 2020). Comme le rappelle Paola Vigano, l’échelle de ce projet de sol est déterminante, de ce fait, ces sols : « Fragmentés et menacés par l’urbanisation, ils doivent trouver une fonction à l’échelle régionale comme à celle de l’écosystème urbain (Durand, 198) dans une relation ville-campagne vertueuse, par l’interdépendance des écosystèmes urbains et ruraux. Ainsi, c’est une nouvelle vision de la nature en ville, par la prise en compte de « l’environnement naturel urbain » (Zutz, 159) dans la ville paysage, qui est à rechercher, trouvant dans le sol urbain un substrat vivant support « d’un paysage cultivé esthétiquement plaisant et écologiquement fonctionnel » (ibid., 168). » (Vigano, Barcelloni Corte, et Vialle, 2020) Dans cette considération des sols comme substrat pour tendre vers un paysage vivant dans « la ville paysage », le
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LE PROJET DE SOL DE CONTRAINTE À RESSOURCE, LE PAYSAGE COMME MÉDIUM À la suite de sa construction, la métropole grenobloise s’est dotée de documents règlementaires permettant d’avoir une vision qui se déploie à l’échelle de l’ensemble de son territoire. Le PLUi ou l’OAP Paysage et biodiversité sont le socle de cette réflexion qui tente, de faire émerger une première « charpente paysagère », convoquant notamment des ambiances telles que la « ville parc » et ayant pour but de renverser le regard porté sur le territoire. Bien que ces documents esquissent une volonté — encore timide — de concevoir un projet de territoire tenant compte de sa géographie, une vision intermédiaire, c’est-à-dire pluricommunale, semble nécessaire à l’établissement d’une structure paysagère plus fine. C’est avec cette volonté que la démarche prospective des carnets de territoire fait suite à l’OAP Paysage et biodiversité, dans le but de proposer une lecture plus fine des territoires qui composent la métropole en élaborant des figures de paysages qui s’appuient sur leurs espaces ouverts. Si 7 carnets composent le projet de sol, 3 seront présentés dans cette partie du fait de l’avancement de la démarche. Ce choix met néanmoins en avant une facette de l’étude qui est une reconsidération de la plaine métropolitaine, ainsi que ces caractéristiques géographiques.
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1 // Atterrissage du projet de sol : les carnets de territoires a // La nécessité de changer de regard
Depuis le schéma directeur de 2000, le SCOT de 2012, le PLUi de 2019, le territoire grenoblois a, à cœur de construire son intercommunalité à travers des documents de planification avec des échelles toujours plus emboitées et intégratrices. Aujourd’hui, les carnets veulent s’inscrire dans cette continuité. Tout d’abord, ils partent du constat alarmant porté par les rapports du GIEC à propos de l’influence des activités humaines sur les équilibres environnementaux de la planète qui incitent à rechercher de nouvelles organisations de nos sociétés productivistes qui réinterrogent nos modèles sociétaux et urbains. La conception de nos aménagements doit désormais en intégrer les 6 principes directeurs majeurs. Si la déclinaison de ces principes généraux doit se faire au niveau de chaque territoire en s’adaptant aux contextes locaux, c’est aussi l’opportunité d’inventer un nouveau modèle d’aménagement de l’espace en remplaçant les entrées programmatiques et fonctionnelles par des entrées environnementales et sociétales. Pour cela, il semble nécessaire de qualifier « le vide » avant de chercher à le remplir et s’en servir comme trame structurante de nos territoires, tel est le sens de ce travail. La construction d’une armature supra-communale et supra-fonctionnelle va permettre de concevoir les projets territoriaux au regard d’un projet majeur qui s’appuie sur les 6 principes directeurs énoncés. Pour Sophie Galland qui est à l'origine de la démarche : Les carnets s’inscrivent dans la continuité de l’élaboration de l’OAP Paysage et biodiversité. Selon moi, il manquait une formalisation spatiale de la charpente de l’OAP, puis un regard plus sensible. Elle n’était pas assez expressive, notamment en termes de figure mentale appropriable
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© Tous les documents de cette partie sont issus des ouvrages des Carnets de territoire
Préservation des espaces naturels et agricoles Sauvegarde de la biodiversité Prise en compte des risques naturels Recherche de l’économie des ressources Lutte contre le réchauffement climatique Intégration des problématiques de santé
et pouvant donner du sens à ces espaces ouverts. On a toujours été dans le souci de spatialiser les choses différemment à la suite de l’OAP qui malgré tout reste dans son registre réglementaire. Le carnet peut servir aux élus pour voir leur territoire autrement en se sentant plus proche de leurs voisins immédiats et pas non plus noyé dans une métropole. Le fait de se raccrocher à une figure fédératrice plus grande que leur commune peut permettre un co-portage et se sentir concerné dans un territoire plus vaste. Ce qui se joue chez eux peut avoir une mise en réseau plus large et donc plus intéressante.
De plus, établi en 2019, le Manifeste pour une cité métropolitaine du Projet métropolitain 2030 définit trois grandes directions politiques pour le territoire : -Faire Métropole, ensemble, communes et institution métropolitaine, comme condition première pour progresser, pour les habitants, pour notre territoire et au-delà ; -s’engager dans un nouveau mode de développement, inclusif, durable et résilient, pour répondre aux grands défis climatiques, économiques, environnementaux et sociétaux de demain ; -prendre nos responsabilités sociales à l’échelle de la Métropole, pour garantir l’égalité entre les métropolitains, pour une société plus juste et fraternelle. Ces trois grandes directions politiques nécessitent de « concevoir la ville autrement », en : -Décloisonnant les approches techniques et sectorielles ; -intégrant les problématiques environnementales relatives aux espaces naturels et agricoles, à la biodiversité, à l’économie des ressources et au réchauffement climatique ; -trouvant une autre armature pour un projet de densification du territoire pour passer d’un modèle urbain basé sur des fonctionnalités (habiter, travailler, se déplacer, se divertir) qui segmentent l’espace à celui d’un modèle urbain basé sur l’usage (conception, animation et copartage des lieux) comme moteur du ‘’mieux vivre ensemble’’ ; -considérer un nouvel urbanisme basé sur une structure éco paysagère pour y intégrer les projets urbains. Par conséquent, il nous semble envisageable – dans le but de s’inscrire dans ces grandes directions – de mobiliser à travers ces carnets ce que l’on peut nommer « un projet de sol ». Ce projet de sol de la métropole s’appuie sur les
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Atterrissage du projet de sol : les carnets de territoires
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caractéristiques du paysage et patrimoine, sur les continuités écologiques du territoire, sur les éléments remarquables comme sur les signaux faibles ou ordinaires, dans le but de les révéler et de les mettre en réseau. Il fait écho à notre démarche en ce qu’il « procède d’un changement de point de vue qui fait émerger de nouvelles possibilités, des potentiels latents et pousse à l’action pour un urbanisme des lieux vivants. Il opère « par témoignage comme par création, par description comme par mutation. » (Ambrosino et Buyck, 2018) À ce titre le sol recouvre plusieurs sens : - le sol comme milieu vivant aux dimensions pédologiques ; -le sol comme lieu de fondement de la mémoire urbaine et des stratifications historiques des activités humaines ; -le sol comme somme des surfaces non bâties, souvent localisées dans les interstices de la ville. Comme autant de « ‘creux’ , de ‘vides‘, de réserves de disponibilité à mettre en relation pour donner un sens nouveau à l’ensemble » (Secchi, 2006) De ce fait, ces carnets s’engagent dans la construction du « projet de sol métropolitain » par le médium du paysage qui est une ressource caractéristique des politiques métropolitaines. Ils aspirent à convoquer le rapport à la géographie dans le but de requalifier les espaces d’interfaces de la « métropole montagne » grenobloise (Ambrosino et Buyck, 2018). L’ensemble de ce ANNÉES 2000 COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DE L’Y GRENOBLOIS 33 COMMUNES - POS / PLU / RNU
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2012 GRANDS PROJETS DE TERRITOIRES NORD-OUEST / NORD-EST / CENTRALITÉ SUD / GRANDSUD
Figure 71 / Une inscription dans une nouvelle échelle de réflexion © F. Bessoud-Cavillot
2015 LA MÉTROPOLE GRENOBLE 49 COMMUNES
travail peut constituer un système propre à un équilibre entre les différentes polarités métropolitaines aujourd’hui défini comme seuil géographique caractéristique. Il consiste à structurer une trame paysagère d’envergure qui s’impose aux secteurs de projets, qui font sens, en les ouvrant sur leur environnement et sur des usages multiples en partant du vivant humain et non humain. C’est en concevant le renouvellement urbain comme une opportunité de concilier la nécessité de construction avec une mise en valeur et en réseau d’espaces interstitiels concourant à nos principes directeurs majeurs et à l’amélioration de la qualité de vie à l’intérieur de nos territoires urbains et ruraux qu’on arrivera à produire un urbanisme de qualité.
b // Du global au local, le paysage transversal
Les différentes démarches de planification engagées par la métropole visent à forger une vision collective, fédérée du territoire métropolitain (Figure 71).
2017 2019 4 GOUVERNANCES POLITIQUES GRENOBLE ALPES MÉTROPOLE NORD-OUEST / NORD-EST / CENTRALITÉ SUD / GRAND- PADD SPATIALISÉ / PLUI /OAP PAYSAGE ET BIODIVERSITÉ SUD
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Atterrissage du projet de sol : les carnets de territoires
2021 7 TERRITOIRES LES CARNETS DE TERRITOIRE
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Le PLUi, dernier document de planification approuvé à l’échelle de 49 communes se veut un fervent ciment de coopération et de solidarité aux travers de ses nouveaux outils déployés. L’OAP Paysage et Biodiversité, outil inédit en son genre, contribue à renforcer ce sentiment d’appartenance en portant une attention fine et détaillée sur la diversité des paysages qui composent le territoire, un référentiel de 14 ambiances paysagères a ainsi été établi selon un gradient de naturalité et d’urbanité. Cette prise en compte des paysages entend réhabiliter la valeur d’usage du sol en ne considérant plus seulement l’opposition entre zones constructibles et zones inconstructibles mais en opérant un changement de regard à l’échelle de la parcelle, en reconnaissant les espaces non construits de même valeur que les espaces bâtis. Ainsi, la diversité de formes urbaines qui s’est établie sur le territoire n’est plus seulement prise en compte sous le prisme de prospects, gabarits et hauteurs mais tout autant par les rapports qu’elle entretient avec les sols perméables, la place, le rôle du végétal, les porosités, les connectivités à l’échelle de la rue, de l’îlot. L’OAP Paysage et Biodiversité requestionne nos relations à notre environnement immédiat, proche, lointain à partir des sols non construits et du déjà-là. Les carnets de territoire s’inscrivent dans cette filiation et proposent de construire ou révéler de nouveaux référentiels de territoires à une échelle pluricommunale et ainsi consolider les structures paysagères de la Métropole en s’appuyant sur les travaux déjà amorcés dans les 7 carnets Paysage de l’OAP paysage et biodiversité que sont (Figure 72) : -Vallée de l’Isère amont -Vallée de l’Isère aval -Confluences grenobloise -La vallée du Drac et les rebords du Vercors -Le plateau de Champagnier et les piémonts de Belledonne -Les vallées de la Romanche -Les balcons de Chartreuse Ce découpage morpho-géographique s’intéresse aux bassins de vie des vallées et plateaux qui les animent, il s'inspire d'un découpage qui affirme une vision « biorégionale » (Sale, 2020; Rollot et Schaffner, 2021)20. S’autorisant à se soustraire aux limites administratives, les futures compositions spatialisées vont révéler des espaces de projet communs. Le parcours de
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20. "Parler de biorégion, c’est se demander où et avec qui nous vivons en ce sens large, pour réapprendre de ces lieux où nous sommes – et pour cohabiter avec d’autres vivants. Une biorégion, c’est un lieu de vie où toutes les parties prenantes s’efforcent de vivre ensemble de façon pérenne. En repartant des bassins-versants, des microclimats, des types de sols, de la vitalité de la faune et de la flore, nos territoires habituels se redessinent." (Rollot et Schaffner, 2021)
Figure 72 / Des territoires issus des carnets de paysages l'OAP Paysage et biodiversité © F. Bessoud-Cavillot
Balcons de Chartreuse
Isère Aval
Isère Amont
Confluences grenobloises
Plateau de Champagnier et piémonts de Belledonne
Vallée du Drac et rebord du Vercors
Vallée de la Romanche
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Atterrissage du projet de sol : les carnets de territoires
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l’eau, la prise en compte des usages, des risques, de la santé et des continuités vertes sont les maîtres mots qui vont structurer cette démarche. Vers un projet de paysage, une culture paysagère pour une Métropole Paysage, pour concevoir de nouvelles manières d’habiter ensemble les milieux vivants humains et non humains sur notre socle géographique mais aussi en accroche avec les territoires voisins (Vercors, Grésivaudan, Voironnais, Trièves…), pour définir de réelles continuités et synergies dans nos politiques de coopérations. Pour Sophie Galland, la mobilisation du paysage peut permettre d’appréhender de façon transversale ces territoires et donc tenter de convoquer les regards des nombreux services qui œuvrent sur la métropole : « L’approche par le paysage permet de dézoomer du site de projet. Ici, on a une approche très thématique de l’espace, presque monofonctionnelle si je puis dire de façon caricaturale. Alors que le paysage apporte cette dimension pluri thématique et cela devrait redonner du sens à des secteurs de projets. C’était aussi une façon de rentrer par rapport aux communes dans une approche qui fait fi des limites communale pour se sentir plus métropolitain. Pas uniquement à l’échelle des 49 communes car ce n’est pas forcément évident. Justement, la découpe par carnets de paysage dans l’OAP se voulait plus géographique en retrouvant un atterrissage autour d’un groupement de communes.»
Le projet de sol de la métropole doit être une démarche de construction collective pour un projet de développement local, pour construire un nouveau récit prospectif d’avenir, un désir de paysage. En réquisitionnant nos modes de vie, nos usages, on agit sur notre cadre de vie, sur l’image que l’on perçoit de notre territoire. En décloisonnant les approches, il peut amener par exemple à pacifier les conflits d’usage (habitatUN TERRITOIRE (DES ENJEUX)
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Figure 73 / Différentes composantes des carnets de territoire © F. Bessoud-Cavillot UN GÉORÉCIT (UNE HISTOIRE)
agriculture-loisirs, humains-espèces animales et végétales) par plus de lisibilité des lieux, des fonctions et des limites ou encore élaborer des perméabilités entre trames végétales et continuités vertes support de biodiversité aussi bien dans l’espace urbain qu’agricole. Ces défis doivent être portés et supportés collectivement ; les débats citoyens doivent s’incarner dans le territoire, dans sa géographie, son histoire. C’est pourquoi il est essentiel et fondamental de diffuser les grandes orientations au niveau du territoire métropolitain auprès de multiples relais et que leur construction et leur communication se fassent sous diverses formes d’animations : Élus communautaires et communaux / Services métropolitains et communaux / Territoires limitrophes / Partenaires publics et privés / Associations / Habitants via des Ateliers /Arpentages/ Consultations… Ainsi, un carnet se construit en partant des grands enjeux décelés par les documents de planification. Il développe un géo récit permettant de reconstituer la mémoire du sol dans une approche géographique et historique du territoire. Ils se complètent par une lecture fine du territoire prenant le paysage comme clé de lecture et capitalisant les différentes grandes études menées (Mikado pour la polarité NO ou Grand’Alp pour confluences grenobloise par exemple). Ce travail d’investigation permet de faire émerger une figure de paysage à l’échelle du territoire qui permet d’offrir une vision pluricommunale en tentant de consolider la structure paysagère par ses espaces ouverts. Elle prend appui sur la diversité des espaces rencontrés et permet de mettre en lumière des points de convergences et de réflexions pouvant réinterroger les réflexions en cours. Elle amène ainsi à une mise en projet par le paysage en développant des actions situées sur des espaces et situations qu’il semble intéressant d’illustrer au regard de cette figure (Figure 73). LE PAYSAGE SOCLE (UNE LECTURE FINE)
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MISE EN PROJET PAR LE PAYSAGE (UNE FIGURE)
Atterrissage du projet de sol : les carnets de territoires
DES ACTIONS SITUÉES (DES PROJETS)
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2// Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée Cette dernière partie fait état de la démarche des carnets de territoire conduite au cours de cette année en alternance. Elle propose une retranscription succincte de trois carnets permettant d’illustrer un maximum les productions appliquées à différentes échelles territoriales et générant de nouvelles représentations du sol métropolitain au travers de lectures de paysages.
a // Carnet : Vallée du Drac et rebord du Vercors
Figure 74 / Situation du territoire des Vallée du Drac et rebord du Vercors © F. Bessoud-Cavillot
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AUX (RES)SOURCES DE LA PLAINE DE REYMURE ET SES VALLÉES, UN TERRITOIRE À LA MARGE DES GRANDES POLARITÉS
Figure 75 / Lecture des strates du territoire par le prisme de la ressource © F. Bessoud-Cavillot
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Ce site a la particularité d’être en marge des grandes polarités définies sur la métropole (Figure 74). Il a joué et joue encore un rôle de « ressources » (aquifère, agricole, réserve naturelle, foncière, accès à la montagne...) qui a conditionné son développement en lien étroit avec la métropole. C’est par le prisme de la notion de ressources que l’on peut aborder sa construction, son état, mais également son futur qui, par ce statut, peut amener des opportunités nouvelles dans la façon de l’appréhender en considérant ses paysages comme une ressource à l’avenir. Cette ressource est révélée dans une lecture fine qui s’appuie sur les strates successives de sa construction en partant de sa géomorphologie (Figure 75). Un travail de cartographie s’ajoute à des arpentages sur le terrain et quelques rencontres. On considère ensuite l’exploitation de ses ressources aussi bien hydriques qu’agronomiques et les formes que cela a engendrées, notamment en termes de structure végétale et de trame agricole, qui dans ce cas s’altère de plus en plus. Enfin, on met en exergue que malgré
Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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le fait qu’il soit fortement marqué par les activités humaines (exploitation de la ressource en eau potable, exploitation hydroélectrique et industrielle, anciennes extractions de graviers, endiguement, réserve de foncier…), ce territoire abrite une très grande diversité de milieux. Ainsi, cette analyse paysagère met en avant le fait que les mises en réseau des fragments qui caractérisent la richesse de ce territoire peuvent être le support de nouvelle façon de le pratiquer et de l’habiter. Cela suppose un changement de paradigme quant aux ressources territoriales en tenant compte de la biodiversité et du sol comme ressources de demain. LE PAYSAGE MATRICE Pour cela, la suite de la réflexion cherche à s’appuyer sur cette structure écopaysagère21 (Figure 76 & 77) qui tente de créer du lien entre des espaces contrastés en proposant le dessin du cadre dans lequel vont s’implanter les projets annoncés sur le territoire pour les intégrer dans une trame paysagère via la considération du sol, du végétal, des actions humaines et non humaines. Cette structure nous amène à
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21. C’est la structure spatiale d'un paysage resultant d’un assemblage d’écosystèmes en relation ou non. L’écologie du paysage considère ainsi l’effet de l’échelle spatiale sur le fonctionnement des écocomplexes, et consiste en l’étude des variations spatiales des paysages à différentes échelles. « Élucider la relation entre le mode d’organisation du paysage et les processus écologiques est un but principal des recherches écologiques sur les paysages » (Turner et al., 2001) Elle fait également référence à la charpente de l'OAP Paysage et biodiversité
Figure 76 / État des lieux des strucutres du territoire© Bertrand Bodin / Sigreda / F. BessoudCavillot
Figure 77 / Une structure écopaysagère créant des liens entre des espaces constrastés © F. BessoudCavillot
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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CONVOQUER LA PERMANENCE DES TRACÉS La lecture du territoire a fait émerger l’impact de l’exploitation des ressources territoriales sur sa composition actuelle. Il hérite ainsi d’une géométrie caractéristique sur laquelle il s’agit aujourd’hui de s’appuyer par une lecture des espaces ouverts qui la structure. Si l'on part du postulat que la question du paysage peut se trouver à la limite où se confrontent géographie et géométrie, alors mettre la ville en relation avec la géographie suppose une recherche de la succession de tracés ayant conduit à la forme de ce territoire (Figure 78).
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Figure 78 / Permanence des tracés et structures créant des liens © F. Bessoud-Cavillot
Un manque de liens entre les espaces émerge, ils sont balafrés par des infrastructures importantes comme la voie ferrée et l’A51. Cependant, les fragments d’une structure invariable semblent se dessiner, le parcellaire, certains cours d’eau, des routes, des canaux, des lisières forestières... LA GRESSE UNE INTERFACE FÉDÉRATRICE Figure 79 / Une epaisseur variable créant des conintuités d’espaces ouverts hétérogènes et structurants © F. Bessoud-Cavillot
À cela, s’ajoute un invariant majeur qui a marqué le développement du territoire (Figure 79), un axe nord-sud. Cet liaison nord-sud qui relie Grenoble à Gap et qui le traverse reste A 51
D1075
Cours Saint André
Pont Lesdiguières
Hameau du Grand Rochefort
Parc Auguste Borel
Sentier de la Thiervoz / Berge du Drac Plaine de Reymure
Berges de la Gresse Piémont de la montagne d’Uriol
Ancienne carrière des caves
Friche et réflexion de la ZA Speyres, projet Coquand
Reflexion du corridor principal du Scot Friche des cimenteriesVicat
Restauration de la Gresse
Nouvel axe géographique
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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fortement ancrée dans ses tracés et son développement, tout comme dans les ambiances qu’il procure. Cette liaison indispensable - mais dommageable, car signe d’un étalement urbain non contrôlé - s’est confortée de manière hétérogène depuis un siècle. À l’heure où l’on compte poser un regard différent sur ce territoire, il semble intéressant d’opérer un basculement pour ne plus le centrer simplement sur les limites communales ou sur des entités majeurs comme le Drac ou la plaine de Reymure. Cela, en se recentrant sur un axe plus géographique qui émerge de ce travail, un tracé appuyé sur la diversité géographique du territoire qui peut faire un lien entre le nord et le sud de la métropole, mais également au sein du territoire entre des rives est et ouest contrastées (Figure 80). Ce lien nord-sud peut être conforté par une nouvelle ligne forte qui tient le territoire depuis le cours Saint-André à Pont de Claix, jusqu’au sud de la métropole. Elle peut avoir un rôle de lien entre le nord et le sud mais surtout entre l’est et l’ouest du territoire. Ce lien réside dans l’épaisseur de la Gresse qui dispose d’importants d’espaces hétérogènes (Figure 81) qui constituent la diversité ce nouveau tracé allant du parc Auguste Borel au centre ancien de Vif en passant par les lisières de la plaine de Reymure. Si pendant longtemps elle a marqué une limite physique claire entre la ville et la campagne, cette limite qui s’est peu à peu effritée reste ancrée dans l’imaginaire des habitants.
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Figure 80 / Transect des parcours de la biodiversité du terrioire, la Gresse comme interface entre les milieux © F. Bessoud-Cavillot
Figure 81 / Mosaïque de formes et textures, entre trames et surfaces © F. Bessoud-Cavillot
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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UNE FIGURE DE PAYSAGE PLURICOMMUNALE Comment réactiver des structures et des motifs de paysage dans les zones urbaines et périurbaines, voire agricoles lorsque celles-ci s’altèrent ? La recherche de la permanence des tracés du territoire et la reconnaissance de différents milieux témoignent de sa richesse. Cette recherche fait émerger un entremêlement de structures constitué de routes, végétations, parcellaire, du sol et du réseau hydrographique (Figure 82). Elle permet de représenter le territoire de façon différente, mais également de changer sa façon de le percevoir et de le parcourir. Ce travail sur la figure paysagère permet d’offrir une vision pluricommunale en tentant de consolider la structure paysagère du territoire par ces espaces ouverts (Figure 83). Elle prend appuie sur la diversité des espaces rencontrés allant des plaines Plateau de Champagnier Possible franchissement par le barrage du Saut du Moine Piémont du Vercors
Plaine de Reymure Canal de Malissoles et accès à la RNR du Drac
Passage sous l’A51
Berges de la Gresse
Ancienne carrière des caves
Lisière du plateau du Poyet Ruisseaux du Poyet
Gorges de la Gresse
Massif du Conest
Figure 82 / Traduction spatiale des corridors principaux du SCOT sur la Gresse © F. BessoudCavillot
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Figure 83 / Figure de paysage © F. BessoudCavillot
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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céréalières aux interstices urbains jusqu’aux contreforts dans le but de déceler le sol permettant de projeter la métropole poreuse. L’enjeu de cette figure réside maintenant dans sa construction collective avec les élus et habitants, sa capacité à questionner les projets en cours ou à venir. Enfin, on constate que la Gresse dispose également d’un nombre conséquent de projets qui s’accumulent à proximité de ses berges, dans des temporalités différentes (Figure 84). Au regard de la figure de paysage, leur spatialisation interroge la façon dont on peut leur donner un sens plus large si l’on s’appuie sur eux pour intensifier ce lien décelé dans le carnet, cela peut aussi provoquer de nouveaux projets (Figure 85 & 86).
Sentier de Thiervo la z
C M anal ar d CV joe e l CM ra a
«Pa ulin »
Rest aura tion
de la
Gre sse «Co qua nd»
Franchissement du corridor principal (SCOT) Installation de maraicher
Franchissement du corridor principal (SCOT)
Re Biodiversité sous qu alii les lignes THT cat ion du can al d eM alis sol es
La G irau dièr e
Elar giss eme nt d u
Lav anch on Zon e hu mid e du
Lava ncho n
Exte du P nsion d e ré d e l'O la ZE rme
Parc industriel Sud
Projet de gare
«Sous le pré» «Tête de Bourg» Projet de gare Projet de gare Accessibilité et restauration de la gravière de la Rivoire
Franchissement du corridor principal (SCOT)
«Vicat Bateau»
Franchissement du corridor principal (SCOT)
Rest aura tion
de la
Gre sse
«Vicat Biberons»
Figure 84 / Tisser des liens entre les projets comme levier de l’amélioration du cadre de vie et de l’emplois en les inscrivant dans la figure paysagère © F. Bessoud-Cavillot
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1h
15’
35’
4’
20
45
13‘
6’
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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b // Carnet : Isère aval
Le géorécit s’attache à la mémoire du sol, il peut permettre de retrouver les traces des activités humaines de la cluse, toujours présentes dans les strates de son territoire pour redonner une valeur paysagère et souligner la biodiversité de cette entrée de la métropole (Figure 88). Allant d’une forte présence de l’eau jusque dans les années 80 à un paysage fragmenté, qui se banalise de nos jours, la cluse a Figure 87 / Situation du territoire Isère aval © F. Bessoud-Cavillot
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Figure 88 / Géorécit des 3 grandes périodes déterminantes de la vallée © S. Lachenal
toujours été façonnée par son réseau hydrographique. Cependant, ses dimensions contraintes (allant de 1,5 km de large à 4 km) ont engendré un développement linéaire du territoire, selon un axe nord-sud, le long de l’Isère. L’accroche et le dialogue entre les deux flancs de montagne sont un obstacle difficile à surmonter, mais la réconciliation des communes avec leurs rives de l’Isère offre des marges de manœuvre intéressantes à exploiter. La mise en valeur du maillage hydrographique, identité première et motif paysager fort de la cluse par la « renaturation » du fond de vallée apparait comme un axe de travail intéressant à exploiter pour contribuer à la revalorisation de l’image de cette porte d’entrée des Alpes, certainement la plus grandiose de ce côté du massif alpin. LE MIKADO ÉTENDU L’enjeu majeur de ce territoire est probablement de faire dialoguer les différents lieux qui le constituent malgré les
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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Figure 91 / Différentes séquences composées par l'eau © F. Bessoud-Cavillot
Deux éléments structurant, contrastés. Le relief entre plaine alluviale et pelouses sèches. Le réseau hydrographique asséché, déconnecté de la plaine par des interventions humaines (digues, barrage...)
Une ripisylve relictuelle, des zones humides éparses qui peinent à se maintenir pour assurer un potentiel corridor au travers de la Cluse jusqu’au centre-ville de Grenoble.
Figure 89 / Émergence du socle de la cluse © F. Bessoud-Cavillot Figure 90 / Une mosaïque de milieux isolés, menacés © F. Bessoud-Cavillot Des ourlets boisés qui dessinent les pieds de massifs représentent les lieux de transition entre les pentes et la plaine. ils abritent souvent les centres anciens et un liens avec les massifs. Une mosaïque de milieux isolés, menacés
Les gîtes d’hiver telles que les grottes et autres galleries permettent l’hibernation de la plus grande chauve-souris d’Europe.
Le bois du Gélinot, une des dernières forêts alluviales de l’Isère mais qui s’assèche.
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Un socle d’espaces agricoles morcelé par l’étalement urbain, en sursie, où subsistent des îles à forte naturalité. Des espèces de types méridional se trouvent sur le rocher du Cuchet, le chênes pubescents ou le genévrier thurifère démontrent l’inluence méditerranéenne présente par endroits dans la cluse.
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Le socle du Mikado étendu à la Cluse Etendre Mikado dans la Cluse de l’Isère Faire émerger les nouveaux espaces de projets pour élaborer une vision partagée du territoire, mettant en valeur les potentiels de régénération, de réparation et de transition : -Deux éléments de structure -Le parc Mikado, une armature paysagère en relation avec la TVB -Le Mikado étendu, de la plaine jusqu’aux piémonts -Le Mikado étendu, les trames des îles
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
Figure 92 / Structure de la cluse © F. Bessoud-Cavillot
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importantes ruptures qui le lacèrent. Dans la continuité de la démarche Mikado initiée au niveau de la confluence de la presqu’île, il nous semble envisageable d’étendre ce concept sur l’entièreté de la cluse en partant des berges de l’Isère afin de montrer les liens qui peuvent exister entre les rives et les versants qui les entourent (Figure 89, 90, 91 & 92). UNE FIGURE DE PAYSAGE PLURICOMMUNALE De ce fait, en partant de la caractérisation et de la description du territoire en procédant par une lecture de paysage conciliant à la fois le vivant humain et non humain, on pose un socle qui tisse des liens entre l’espace central de l’Isère et ces abords allant jusqu’aux piémonts. Les berges prennent alors de l’épaisseur dans la multitude d’éléments hétérogènes qui constituent ce socle et révélent les possibles continuités d’espaces ouverts entre les piémonts et les berges, mais également du Vercors à la Chartreuse (Figure 95). L’une des clés de lecture du territoire est notamment la présence d’un corridor prioritaire. Un des principes de la méthode est de traduire spatialement ce
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Etang de pêche à carnassiers Etang de pêche de nuit
Réseau d’irrigation sous exploité Possible remise en eau du Gélinot
Berges du Lanfrey isolées du nouveau quartier Zone humide de laTannerie Clairière du parc des berges Berges du canal de laVence
Sentier du Ruisset aux berges abruptes
Figure 93 / Replacer l’eau au coeur du territoire © F. Bessoud-Cavillot
Haies bocagères éparses Couloir à faune «Dans le jardin de mon père» maraicher Potentiel nichoir à Chevêche d’Athéna Bois asséché du Gélinot
Passage de la grande faune : chevreuil / renard... Crib de stockage à maïs «Les jardins du Fontanil» maraicher AB Projet de la coullée verte ferroviaire
Figure 94 / Espaces ouverts qui composent le corridor prioritaire © F. Bessoud-Cavillot
Figure 95 / Figure de paysage © F. Bessoud-Cavillot
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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corridor prioritaire de la plaine pour faire émerger la richesse des espaces traversés en s’appuyant sur une diversité de trames transversales, des berges aux ruisseaux (Figure 93 & 94). Appliqué au reste du territoire, cela permet de faire émerger la figure du Mikado étendue à l’entièreté de la Cluse. La représentation de cette figure permet d’avoir une représentation partagée et pluricommunale de ces motifs du paysage qu’on pourrait presque oublier. Elle permet de considérer un nouvel espace linéaire le Carrière
Sentier du Poyet / Bec de l’Argentière
Ecole maternelle / élémentaire
Jardin de Mérone
Espace sportif Charles de Gaulle
Figure 96 / Une juxtaposition de milieux à connecter © F. Bessoud-Cavillot
Sentier du Ruisset
Lisières des hameaux isolés
// Flanc du Vercors
« Le grand tour »
Bois du Gélinot à sec
Maraicher « Au jardin de mon père »
Ripi pist
// Plaine agricole du Ruisset
D15
32
Isère
t
isse
ru Le
Conflit
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Rupture avec le milieu alluvial
Rupture
long des berges de l’Isère dans l’épaisseur des infrastructures respectives (A41 et canaux) pour étoffer ce corridor, en valorisant les gravières, interstices et délaissés et retrouver une diversité de zones de contact avec l’eau au-delà des activités de pêche pratiquées dans les étangs. En partant des berges, on imagine une nouvelle trame requalifiant les zones industrielles et commerciales installées de part et d’autre de l’autoroute, tout en reliant, maillant vers les tissus habités (Figure 96). Aquapole / Etangs
Zone humide de la Tannerie
Plantations en pépinière
Zone humide du Chemin de Sapetière grand Clody Grotte de la Lutinière
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// Parc des berges de l'Isère
// Flanc de Chartreuse - Rocher du Cuchet
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Rupture
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Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
Conflit
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ILLUSTRER DES TEMPS D'ACTIONS Cette figure de paysage permet ainsi de croiser cette nouvelle charpente paysagère avec les réflexions en cours sur le territoire. On peut aborder la problématique des corridors écologiques, en lien avec la restauration des milieux humides et des franchissements ou encore matérialiser les limites stratégiques définies dans le PLUi pour faire émerger les zones d’enjeux en termes de lisière à qualifier (Figure 97). Partant de ce principe, une suite « d’actions situées » tente de s’appuyer sur ces dynamiques en cours en croisant avec divers services afin d’illustrer les possibles pour des secteurs définis. Ces illustrations s’attachent à inscrire des actions dans un temps court (aux vues des opportunités en cours) mais également dans le temps long afin de considérer les espaces dans leurs intégralités voir au-delà et d’offrir un regard plus systémique au vu des actions envisageables (Figure 98).
Figure 97 / Maillage et imbrication des échelles et des projets © F. Bessoud-Cavillot
Entre plaine agricole et tissu urbain Actions zones humides
Lisières auxiliaires Lisières productives
Intégrer les études de franchissement des infrastructures pour renforcer les milieux et leurs connectivités en animant les motifs paysagers.
154
Marquer les nouvelles limites d’urbanisation (PLUI) comme structures paysagères avec différents traitements de lisières
Figure 98 / Des actions situées possibles © F. Bessoud-Cavillot
Temps long - Lisière productive Traversée d’espaces de jouissance paysagère en fonction des saisons
Agroforesterie associant fruitiers et grandes cultures (blé, féverolle...)
Gain de biomasse
Augmentation de l’infiiltration de l’eau Diminution de l’évaporation
2M
3M
6M
Lisière productive et accessible
Plus de vie biologique dans le sol et meilleur rendement
Ripisylve densifiée
Canal du Ruisset et chemin piéton
Temps long - Lisière contemplative
lisière boisée
Planter et signifer Abaissement de la berge le sentier / nouveau liens a l’eau
Conforter le sentier
Cultiver la lisière boisée
Temps court - Plan d’actions de zones humides, espaces de fraicheur Conjuguer accueil du public et espace sensible en créant des clairières entre les berges pour permettre l’accueil et la sensibilisation aux enjeux du site
Amélioration de l’accueil des pêcheurs et promeneurs sur les berges et chemins
Gestion de la végétation en place pour permettre le passage de la faune sauvage, sylviculture
Plantation hélophyte pour accélerer le processus de colonisation des remblais
Lieux de fraicheur à proximité (bord d’étang, baignade envisageable a long terme...)
Haut fond permettant le développement de la faune piscicole
03
Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
155
c // Carnet : Isère amont
Figure 99 / Situation du territoire Isère amont © F. Bessoud-Cavillot
UN SOCLE GÉOGRAPHIQUE ET NATUREL Le territoire Isère amont se compose de la polarité nordest définie par la métropole, mais s’attache surtout à considérer un socle géomorphologique, la vallée du Grésivaudan. La polarité marque la fin de cette vallée entourée de part et d’autre, par le massif de la Chartreuse au nord, et le massif de Belledonne au sud. Elle hérite d’une vallée à fond plat, une
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plaine commune, issue de l’érosion progressive du glacier de l’Isère. La caractérisation et la description fine de ce territoire permet d’appréhender une structure en lanière de la vallée, orientée nord-est / sud-ouest (Figure 100). Elle fait resurgir des séquences de paysages. Chacune de ces séquences est un paysage spécifique témoignant d’un rapport humain à un sol. Un rapport qui résulte de choix, de pratiques vernaculaires ou encore de volonté politique d’aménagements comme l’endiguement ou encore l’autoroute qui redéfinissent les frontières et les frottements entre les différentes séquences. Si une figure géographique se dessine déjà de façon assez évidente avec les boucles de l’Isère, l’enjeu de ce carnet est de partir de cette empreinte pour essayer de consolider cette accroche est de l’incarner à l’échelle des communes de la polarité, mais aussi du reste de la métropole. En effet, l’idée d’un « parc métropolitain » sur la polarité nord-est semble prendre de l’importance au sein des communes concernées et de la métropole. La démarche de projet de sol à travers ce carnet est l’opportunité de participer à l’élaboration d’un récit et de pièces graphiques sensibles pour discuter le territoire et le représenter d’une nouvelle manière afin de projeter ce parc intercommunal.
Figure 100 / La vallée du Grésivaudan, une gouttière géomorphologique © S.Doublet
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DU « VIDE » À UN ESPACE OUVERT STRUCTURANT Aujourd’hui, en termes d’aménagement ou de projet on constate qu’on a beaucoup d’éléments qui se concentrent sur les espaces bâtis et les enveloppes déjà très occupées (Figure 101). C’est pourquoi la plaine et ses abords constituent pour le moment « un vide » qui reste peu approprié ou même perçu du fait d’un manque de signification et de description. Ce vide est pourtant porteur d’une richesse à révéler. Pour rendre alors ce vide structurant, et fédérateur, cette démarche propose de s’appuyer sur ses différents sols comme des supports d’une vision inverse de l’actuelle. Elle interroge la vallée dans son linéaire en partant des boucles en tâchant de construire une épaisseur capable de générer des espaces ouverts redéfinissant une nouvelle vision. De ce fait, elle part du dessin des boucles, caractère principal de la plaine, qui rebondissent d’un versant à l’autre en allant chercher leurs affluents (Figure 102a). Elles composent des espaces de respiration réguliers le long de l’Isère entre des milieux humides et des forêts alluviales d’épaisseur variable. C’est une richesse de biodiversité non négligeable qui se trouve en majorité dans un état plutôt préoccupant malgré son potentiel (Figure102b). Sur leurs abords, des zones de grandes respirations forment des poches ouvertes sur des plaines riches en limon qui sont cultivées et pâturées. Ici, le regard s’arrête sur les lisières de forêts de berges avant de s’élever sur tous les sommets des massifs de montagnes (Figure102c). Au-delà
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Figure 101 / Spatialisation du cadre de vie et renouvellement urbain © PADD 2018
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Figure 102 / Lecture des lanières du paysage, d'un versant à l'autre © S.Doublet Du Drac à l’Isère, une plaine retrouvée
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des infrastructures délimitant ces plaines, une maille végétale à travers un tissu pavillonnaire délimite une grande partie des propriétés. Elles peuvent se lire comme des liens avec les vastes continuités forestières qui composent les pentes plus abruptes des massifs environnants (Figure 102d). Ces forêts entourent enfin des clairières, véritables belvédères pâturés qui sont une source de biodiversité s’ajoutant à la mosaïque d’écosystèmes riches des balcons de Belledonne ou des piémonts de chartreuse, elles permettent de prendre de la hauteur et d’apprécier différemment cette figure de la plaine (Figure 102e). Cette lecture permet de composer un nouveau socle d’éléments comprenant notamment l’installation du vivant, elle questionne aussi l’installation du non humain pour être attentive à cette diversité que l’on côtoie - ou que l’on côtoie mal - pour essayer d’épaissir ces rives de l’Isère qui finalement ne sont peut-être pas simplement les berges, mais peuvent s’étendre audelà. Enfin la superposition de ce socle avec la mémoire du sol dans laquelle les tracés des anciennes divagations de l’Isère font émerger des espaces de frottements entre la ville et la rivière. Des témoins du risque et des tracés qui persistent dans le parcellaire agricole, urbain ou forestier comme des indices de crue ou de potentiel point de contact sur lesquels s’appuyer (Figure 104 & 105).
Figure 104 / Espaces de frottement témoins du risque © S.Doublet
DOMÈNE
Crue bicentennale Habitats à risque
Crues torrentielles
Crues Isère
Torrents
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Canaux
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Tracé hydraulique 1820/1860 (État-major)
GIÈRES Ancien méandre de l’Isère Lignes de permanences VENON
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Figure 105 / Les frottements de l’eau sur la surface © S.Doublet
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TROIS FIGURES IMBRIQUÉES
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Figure 106 / D'une rive à l'autre, le besoin de franchir © S.Doublet
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En partant de la caractérisation et de la description de cet espace des boucles de l’Isère, la démarche permet d’étendre la vision du projet de parc métropolitain. La lecture du site fait émerger des enjeux autour de trois figures majeures qui esquissent le parc. Tout d’abord, l’espace ouvert structurant qui se compose d’une pluralité d’éléments précédemment décrits. Il correspond en grande partie à l’espace inondable qui signifie lit majeur de l’Isère et qui tient à distance l’urbanisation. À cela se greffent des tangentes qui sont impulsées par des continuités forestières, par les terrains à risques ou accidentés, ou par des vestiges d’anciennes haies bocagères. Ici, ils sont une base qui s’appuie en partie sur la trame verte et bleue et font fi des limites communales. Elles montrent surtout comment cet espace central est connecté à ses rives, ses versants, voire ses sommets. Enfin, la troisième est liée au fait que les rives de la vallée sont composées d’un archipel de lieux de densité et d’intensification entre les espaces de projets en cours et les espaces existants. Ces archipels sont en grande partie reliés par des infrastructures routières, la mise en place d’un parc métropolitain doit ainsi se penser de façon à inclure ces équipements et autres lieux d’intensités afin de repenser les modes de déplacements au sein de la vallée (Figure 107). On voit ainsi qu’en adossant un certain nombre d’éléments en partant des rives de l’Isère, on amène une nouvelle vision du parc, c’est-à-dire, nous n’avons pas juste un élément central, mais on va chercher des connexions avec chacune des communes. D’ailleurs, on a une question importante qui se dégage de cette lecture. Les franchissements, qu'ils soient sur l’Isère ou sur les infrastructures, seront majeurs dans la construction d’une figure commune (Figure 106).
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Figure 107 / Émergence de 3 figures structurantes © S.Doublet
ESPACE OUVERT STRUCTURANT
TANGENTES
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Émergence d’un squelette de paysages
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Figure 108 / Figure de paysage © S.Doublet
UNE FIGURE DE PAYSAGE PLURICOMMUNALE Ces trois figures conceptuelles permettent de re questionner la vision d’un possible parc métropolitain. D'abord au sein de la polarité, mais ensuite sur l’ensemble du territoire métropolitain. Elles proposent une inversion et un élargissement du regard en interrogeant la vallée dans son linéaire, par les boucles et les relations que cet espace pourrait entretenir avec lui-même et ses abords qu’ils soient habités ou travaillés. Une esquisse de figure de paysage pluricommunale vient tenter de faire atterrir ces concepts (Figure 108). Elle matérialise ainsi les boucles et de possibles liens avec les versants aux regards des sols, supports d’une vision pluricommunale. Cette forme de représentation doit être partagée pour alimenter l’imaginaire autour de la projection d’un possible parc pluricommunal. Il serait composé de son espace central, mais surtout de divers accès, en s’appuyant sur les espaces non bâtis pour valoriser les interstices qui vont aider à construire cette notion de « parc naturel urbain » de plus en plus évoquée. Si à l’origine, ce carnet hérite d’une rivière peu spatialisée, donc peu présente dans l’imaginaire, il permet de faire la démonstration qu’en partant d’une description fine du territoire, on peut donner lieu à des documents supports d’une autre vision. En effet, à l’heure actuelle, il se trouve que le carnet de territoire Isère amont sert de base de réflexion et de discussion entre les techniciens métropolitains et les techniciens des cinq communes qui composent la polarité nord-est. Ainsi, au cours de trois ateliers thématiques qui se dérouleront de mai à septembre, les points soulevés par la démarche seront des moteurs de débats avec comme objectif d’arriver à partager des ambitions autour d’une identité commune. Cela doit permettre de tendre vers une faisabilité opérationnelle à l’occasion du séminaire d’octobre entre les maires des communes concernées. Ces ateliers sont peut-être l’occasion de donner un sens aux projets lancés et en réflexions sur la polarité pour les inscrire dans une structure de paysages pluricommunale portée par le carnet et discutée au cours d’échanges où le projet de sol prendrait alors une réelle dimension. Ne serait-ce donc pas les prémices d’un possible atterrissage du projet de sol métropolitain dans lequel l’approche par le paysage serait l’instigatrice ? 164
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En ouverture
Pour terminer, il semble difficile de conclure sur une démarche qui n’est qu’à son commencement, mais les carnets de territoire laissent apparaitre des signes évocateurs de possibles manifestations du changement de regard évoqué dans ce travail. Il est alors préférable d’esquisser les pistes qu’ils amorcent. De ce fait, la lecture rétrospective qu’offre ce travail de recherche permet d’établir les grands jalons de la construction d’un projet de sol métropolitain, notamment au regard des études de cas de la polarité nord-ouest, mais aussi de la mise en place de l’institution métropolitaine. La tendance à s’orienter vers une nouvelle pratique urbanistique amorcée par ces jalons et énoncée dans l’hypothèse de départ semble se vérifier, notamment en ce qui concerne la démonstration réalisée par la démarche Mikado. Néanmoins, sa mise en application et sa traduction opérationnelle compliquée semblent dues au contexte gouvernemental complexe, mais aussi aux difficultés de mobilisation du paysage dans les politiques publiques d’urbanisme depuis plus d’une vingtaine d’années. D’ailleurs, les entretiens menés laissent supposer cette difficile prise en considération d’un contexte géographique malgré la volonté de créer une figure fédératrice pour une vision pluricommunale au travers d’une approche par le paysage. Toutefois, à l’heure actuelle, les carnets de territoire souhaitent s’inscrire dans les traces laissées par Mikado pour tenter d’engager une réelle démarche avec une part de prospective et d’imaginaire, qui convoquent la narration et la projection au travers d’une lecture de paysage. À l’inverse de Mikado ou de l’OAP Paysage et biodiversité, elle ne fait pas l’objet d’une commande ou d’une demande spécifique de la part des élus communaux ou métropolitains. Cette initiative née pourtant
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à la suite d’intuitions suite aux rencontres entre la charpente de l’OAP et les projets qui tentaient de se dessiner à l’échelle des polarités, puis cette notion de trame verte et bleue qu’on avait à l’échelle régionale. Ce sont donc des éléments déclencheurs de ce projet de sol, tel qu’il se définit et se déploie par l'intermédiaire de sept carnets. Il se veut complémentaire ainsi des documents réglementaires en vigueur. Peut-il opérer un renversement du regard sur le territoire et permettre de développer une figure commune de la métropole ? Cette considération de l’existant au travers d’une approche par le paysage peut-elle provoquer une inversion entre le rapport au site et le programme ? Au vu des indications soulevées par ce travail de recherche et de l’élaboration de la démarche des carnets, il semble que deux indices permettent d’imaginer ces possibles changements. Tout d’abord, lors de l’entretien avec l’actuel viceprésident à l’urbanisme, Ludovic Bustos, la problématique de la maitrise et de la vision du foncier de la métropole est ressortie comme un enjeu majeur de l’avenir du territoire. Selon lui, pour ne pas continuer à subir les lois du marché, le besoin de mettre en place une équipe transversale qui ait la capacité d’offrir une représentation commune sur les mutations futures à court terme, moyen terme et long terme est indispensable. Il est probable que les carnets puissent être mobilisés pour structurer ce foncier et offrir une approche différente dans la considération des espaces ouverts métropolitains. En souhaitant mobiliser les services des espaces publics, de l’habitat, de l’économie, de l’agriculture, et de l’urbanisme, il souhaite poser une véritable volonté de stratégie foncière avec une vision transversale. Les figures de paysages révélées par les carnets peuvent éventuellement servir de support à la construction de cette réflexion foncière, étant transversales par essence. Ce rôle de support offert par les carnets amène enfin le second indice. Comme évoqué précédemment, le carnet Isère amont sert actuellement de support de réflexion et de discussion dans l’élaboration du futur parc métropolitain de la polarité nordest. Si celui-ci est évoqué depuis plusieurs années, il se trouve qu’aucune figure partagée n’avait encore fait l’objet d’une réelle élaboration ou spatialisation. La notion de parc étant plutôt vague et relevant d’une sémantique assez riche, sa projection rend l’exercice complexe, qui plus est, à l’échelle de plusieurs
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communes. Ainsi, la mise en récit de ce projet s’élabore autour de l’analyse construite dans le carnet, elle a d’abord permis aux personnels de la métropole et de l’agence de partager et d’échanger autour de ces concepts et de la figure commune. Puis, lors d’un premier atelier avec les communes, la figure de paysage restait l’arrière-plan commun aux cartes déployées pour les échanges. Elle a d’ailleurs permis d’entamer des débats sur la composition des boucles de l’Isère, le rôle de l’eau dans la plaine et les représentations de ses abords allant chercher des espaces non signifiés à l’origine. Ce premier atelier démontre ainsi la nécessité d’offrir une vision élargie avec un parti pris convoqué ici par le dessin. Cette représentation est peut-être moins conventionnelle que les cartes actuelles telles celles du PADD spatialisées précédemment évoquées. Même si elles sont nécessaires dans leurs domaines, on constate qu’elles laissent aussi de coté des éléments qui sont essentiels à la considération d’un contexte.
Figure 109 / Animation d'un atelier intercommunal autour de la figure de paysage d'Isère amont pour une co-construction en devenir © F.Bessoud-Cavillot
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Dès l’instant où le crayon touche le calque, on part avec un partis pris, certes, mais cette figure offre au moins une lisibilité. Comme nous le souligne Sophie Galland à la fin de l’atelier : « On sort 3 cartes et plusieurs personnes voulaient repartir avec ! Cela montre l’intérêt et la nécessité de la démarche. Ici, on n’a pas ce reflexe multithématique. Avec la figure, on sort en fait de la flèche ou du très schématique, par le dessin on donne de l’épaisseur à ces lieux en les caractérisant. C’est encore plus flagrant dans les espaces non construits qui à l’inverse du bâti sont souvent plus flous. On ne ressent pas l’intensité des lieux alors que si on se penche réellement on peut y projeter des intensités. »
Pour le moment, ce premier atelier permet de reconnaitre qu’en partant en amont d’une approche de paysage mobilisant une vision transversale qui fait émerger des concepts pouvant parfois tendre vers l’abstraction, on atterrit tout de même sur des représentations tangibles. Elles permettent de soulever des questions très concrètes comme les accès, les abords ou les usages des sols de ce futur parc. Par exemple, une des réflexions principales qui a émergé des échanges autour des cartes était de savoir comment chaque commune descend à la rivière, et donc descend au parc. Le principe étant de s’appuyer sur les tangentes décelées et leurs multitudes d’éléments. Deux autres ateliers doivent avoir lieu d’ici octobre ainsi qu’un arpentage du site, les premiers éléments glanés vont permettre d’enrichir la figure au fur et à mesure, il semble ainsi qu’elle va perdurer au cours du processus et gagner en finesse et précision. Le carnet est donc à la fois une projection à très long terme et un point de départ à co construire (Figure 109). Par conséquent, la vocation expérimentale des carnets est ici pleinement exploitée. Si ce n’est qu’une facette de la multitude d’autres possibilités qu’ils offrent en matière de lecture du territoire, ils peuvent aussi faire l’objet d’une communication amenant à leur diffusion progressive. La nomination de Grenoble comme capitale verte européenne pour 2022 et son association avec la métropole peut être une des occasions marquant une étape significative dans leur application. Pour le moment, l’actuel géoréférencement progressif des figures de paysage peut aussi permettre d’en faire un outil de plus en plus mobilisable au sein du territoire, esquissant petit à petit le projet de sol métropolitain.
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Vigano P., Barcelloni Corte M., et Vialle A. 2020. Le sol de la villeterritoire. Revue d’anthropologie des connaissances. Viganò P., Lambert P. 2012. Les territoires de l’urbanisme : le projet comme producteur de connaissance. Genève : MētisPresses. Waldheim C. 2016. Landscape as urbanism : a general theory. Princeton : Princeton University Press. Younes C. 2020. Vers une nouvelle philosophie d’habiter. In Urbanisme et biodiversité : vers un paysage vivant structurant le projet urbain, Apogée, 73-79. Espace Des Sciences. Rennes.
PUBLICATIONS LOCALES Manifeste pour une cité métropolitaine, projet métropolitain 2030, 2018 VILLE DE GRENOBLE ET GRENOBLE ALPES MÉTROPOLE, 2011, Écocité grenobloise, dossier de candidature DOSSIERS OPÉRATIONNELS Février 2017 - Grenoble-Alpes Métropole / Parc Mikado / Phase 2 (Polarité Nord-Ouest. Dossier d’étape : présentation du plan-guide / AVRIL 2013) Atelier Christian de Portzamparc. Cahier des intentions urbaines, architecturales et environnementales version 4, juin 2013
SITES INTERNET https://marniquetaubouin.com/projets/les-portes-du-vercors/ https://www.agencedevillers.com/archives/719 https://penapaysages.com/fra/projet/24-presqu-ile https://www.christiandeportzamparc.com/fr/projects/grenoblepresquile/ http://www.tnplus.fr/equipe/ https://www.grenoble.fr/545-presqu-ile.htm
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GLOSSAIRE
OAP Paysage et biodiversité : L’OAP « Paysage & Biodiversité » est un document règlementaire d'orientation d'aménagement et de programmation. Elle permet d’intégrer en amont des projets d’aménagement et des dossiers réglementaires les enjeux de biodiversité et de paysage présent sur le territoire. PADD : Le Projet d'Aménagement et de Développement Durables (PADD) constitue la pièce maitresse du PLUi. Il définit les orientations générales d'aménagement et de développement durables retenues par les élus. Il définit et localise les grands projets. PLUi : Le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la Métropole grenobloise définit les règles de construction et d'occupation des sols des 49 communes du territoire. Approuvé le 20 décembre 2019, il remplace les POS et PLU communaux. SCOT : Le Schéma de cohérence et d'orientation territoriale, régi par le Code de l’urbanisme (articlesL.122-1 et suivants), est composé de trois pièces complémentaires : le Rapport de présentation, le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) et le Document d’Orientations et d’Objectifs (DOO). C’est la vision partagée de ce que l’on veut faire du territoire, dans le respect actif des principes d’un développement durable et solidaire. TVB : La Trame verte et bleue est un réseau formé de continuités écologiques terrestres et aquatiques identifiées par les schémas régionaux de cohérence écologique ainsi que par les documents de planification de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements.
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ANNEXE carnet
ISÈRE
AVAL
carnet
ISÈRE
AMONT
carnet
BALCONS
DE
CHARTREUSE
carnet
CONF LUENCES GRENOBLOISES
Couvertures des 7 Carnets de territoire © F.Bessoud-Cavillot
carnet
carnet
carnet
PLATEAU
VALLÉE
VALLÉE
REBORD
ROMANCHE
CHAMPAGNIER
PIÉMONT
BELLEDONNE
DU DRAC
DE
LA
DU VERCORS 177
Soutenu le lundi 5 juillet 2021 à l'institut d'urbanisme et de géographie alpine, l'auteur remercie encore les membres du jury : - Charles Ambrosino - Sophie Galland - Nicolas Tixier
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L’urbanisme et le paysage sont des disciplines aux approches multiples, mais complémentaires. La métropole grenobloise est ici le terrain d’exploration d’une approche par le paysage qui tente d’inverser le regard quant à la considération du site dans la pratique urbanistique contemporaine. La rétrospective de la construction de ce territoire ainsi que des projets Presqu’île et Mikado qui cristallisent des pratiques différentes de l’urbanisme permet de signifier les jalons de l’établissement de ce qu’on pourrait nommer un projet de sol métropolitain. La parole des acteurs de ces projets illustre ce processus et ouvre sur les limites rencontrées pour son élaboration. Ainsi, il semble que les traces laissées par la démarche Mikado peuvent être le signe d’un basculement envisagé dans la pratique de l’urbanisme grenoblois. Il peut se traduire dans la démarche des Carnets de territoire qui fait suite à l’OAP Paysage et biodiversité. Elle tente donc d’élaborer de nouvelles figures fédératrices qui cherchent à donner du sens à ces espaces ouverts, esquissant petit à petit le projet de sol métropolitain.
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