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Un élément aux nombreux visages

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Table des figures

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« La neige c’est le silence. Les jours ou il neige en station j’adore parce qu’on entend le silence. Tous les bruits sont étouffés par la neige qui tombe. Le télésiège ne fait plus le même bruit, quand tu regardes la neige tombée tu entends le silence et j’adore ça. » Caroline, monitrice de ski et de vélo aux Arcs.

« Pour moi le paysage il est blanc. On prend pas mal de neige l’hiver ici quelque fois. Le problème de la neige après c’est qu’il faut l’enlever. Faut enlever la neige c’est un vrai problème, surtout pour l’évacuation. » Michel Giraudy, 74 ans, Maire de Bourg-Saint-Maurice.

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La neige à affiché de nombreux visages dans les représentations construites au sein de notre société. Cette histoire prend en compte le champ de l’art pictural, les affiches, les photos, et d’autres mediums au travers desquels la neige apparaît dans les regards de notre société. La façon dont elle est représentée suffit-elle à en faire une ressource ? L’artialisation, et au-delà la mise en image à travers toutes sortes de représentations figurées font-elles partie du processus de construction de la ressource ? Pour cela, la question de la représentation semble être une entrée nécessaire, car elle oriente implicitement sur la question du paysage. De même que pour celui-ci, on peut se demander quand est ce que la neige fut représentée pour la première fois au sein de notre société ? Alexis Metzger, géographe, s’est intéressé à cette question, il fait part de ses recherches dans un article intitulé « Premières neiges : le paysage d’hiver dans les enluminures ». Il dresse l’historique d’une période marquée par les premières représentations de paysages. Les paysages d’hiver étant ici au centre de l’étude concernant la période du XIV e - Ainsi, le « rapport entre paysage et représentations » est interrogé ici, en

FIGURE 7 PREMIÈRE REPRÉSENTATION DE LA NEIGE. TACUINUM SANITATIS, BNF, NOUV. ACQ. LAT. 1673 se basant sur des supports tels que les miniatures qui « présente un morceau choisi non pas d’une nature qui existerait

XVIe siècle. en soi, mais d’un regard qui se porte sur elle » (Metzger, 2012). L’évolution des représentations change donc simultanément avec les représentations mentales que se font les hommes et les femmes. On assiste ici aux premières représentations de « deux phénomènes météorologiques majeurs », car ils « caractérisent l’hiver et sont bien visibles dans les paysages : la glace et la

FIGURE 8 RUSKIN JOHN, PICS ALPINS, 1846. EXTRAIT DE MONTAGNES TERRITOIRES D’INVENTIONS neige » (Metzger, 2012, p. 4). Et c’est dans la seconde moitié du XIVe siècle « que la neige refait véritablement son apparition » (Metzger, 2012, p. 5), dans une image « positive » ou « deux adultes, plutôt aisés, aux vêtements légers et peu adaptés au froid, se lancent des boules de neige au premier plan alors que des montagnes composent le second » (Metzger, 2012, p. 5) (Figure 7). De ce fait, dans sa première illustration, l’image qu’elle renvoie est associée à l’imaginaire de la montagne, sans pour autant faire état d’une quelconque utilisation de la neige, hormis récréatif, ce qui n’est pas sans évoquer les usages récréatifs de notre époque. Le paysage peint reste cependant irréaliste, évoquant le froid et la rudesse dans l’image qu’il véhicule. De l’avis de l’auteur « à partir du moment où les enlumineurs s’intéressent au paysage, ils vont représenter des hivers enneigés. Un manteau neigeux, de faible épaisseur » (Metzger, 2012, p. 8). Les activités pratiquées à l’époque sont donc une occasion pour représenter l’environnement dans lequel elles sont effectuées (abattage de cochons, lancers de boules de neige, ramassage de bois…). Les saisons rythment ainsi le quotidien, l’hiver n’échappant pas à ce cycle. Les

premières représentations de la neige ne permettent donc pas d’affirmer que celle-ci était utilisée, néanmoins, elles témoignent d’un nouveau rapport qu’entretiennent les protagonistes de l’époque avec la nature, c’est cela que les peintres tentent de transmettre. Il faudra attendre la moitié du XVIIIe siècle pour que des « pays affreux » (Roger, 2017) comme les montagnes soient représentées et ainsi inventées lors de descriptions aussi bien picturales que littéraires. La découverte d’un milieu hostile par des pionniers comme H.-B De- Saussure (1740-1799) donne naissance à une diversité de paysages, « l’indifférence et la répulsion font place à l’exaltation et au lyrisme face au sublime. » (Equipe

FIGURE 9 VIOLET-LE-DUC, COUPE LONGITUDINALE PASSANT PAR CHAMONIX. EXTRAIT DE MONTAGNES TERRITOIRES D’INVENTIONS

de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 10). En effet, autrefois ces espaces de désolation figés sous la glace et la neige étaient décrits comme sous l’influence de forces maléfiques (Figure 8). Les grands explorateurs prennent prétexte de la science pour s’y aventurer, offrant des représentations de plus en plus variées et complètes. On passe alors de « l’Alpe verte, boisée et habitée, à l’Alpe blanche, cosmique et déserte, ou plus rien n’est familier aux hommes d’en bas. » (Equipe de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 12). De cette façon, la montagne devient un terrain de recherche représenté sous l’œil d’artistes, naturalistes, cartographes, glaciologues et géologues. Dans sa thèse sur « l’invention » du paysage, Serge Briffaud livre le contexte dans lequel les religions, les mythes ainsi que les sciences convergent avec des pratiques économiques ou politiques pour faire émerger la constitution du paysage de montagne ainsi que ces mutations dans la première moitié du XIXe siècle. De cette montagne « laboratoire », il en dégage trois points de vues envisageables : « la vision verticale tout d’abord, celle de l’aigle qui plane très haut au-dessus de la surface terrestre ; la vision panoramique ensuite, dont le modèle est précisément le point de vue qui s’offre à l’observateur placé au sommet d’une montagne ; la vision « pénétrante » enfin, qui met l’observateur en contact avec l’intérieur de la terre » (Briffaud, 1998, p. 219). Ces visions modifient la relation de l’homme à l’espace montagnard. Ce processus d’évolution contribue à la création du paysage de montagne. Les territoires de montagne deviennent ainsi attractifs : de la répulsion au désir10 . On constate donc que « des perspectives se dessinent, les plans se hiérarchisent, le chaos s’ordonne. » (Equipe de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 14), dans leur milieu de prédilection, la montagne, neige et glace deviennent ainsi objets de description et de recherches scientifiques. Elles participent également à la création d’un imaginaire autour d’espaces où l’on peut apprécier « l’air vif des hauteurs, la pureté du ciel, la légèreté du corps et de l’esprit, l’ivresse du sommet » (Equipe de recherche Architecture & Lyon-Caen, 2003, p. 12). Ces premières représentations ont participé à l’avènement de la conquête des cimes, visant une population bourgeoise et cultivée (Figure 9). Elles ont donc permis l’avènement de la montagne au XIXe siècle. Cette conquête se caractérise par l’essor de l’alpinisme dont « l’événement fondateur » reste selon P.Joutard l’ascension du mont Blanc conquis en 1786 par deux Chamoniards, Balmat et Paccard (Joutard, 1986, p. 198). Depuis cette période de conquête, comment ces représentations ont-elles évolué ? Le cas des Alpes Suisses est un bon exemple de la place que les artistes offrent à l’eau (sous toutes ses formes) dans la figuration des paysages de Montagne au XXe siècle. Dans une étude portant sur 100 affiches publicitaires Suisses de la fin du XIXe siècle, au XXe, Martine Tabeaud et Alexis

10. Désir de montagne qui renvoie au désir de rivage évoqué dans Alain Corbin, Le Territoire du vide. L’Occident et le désir du rivage, 1740-1840).

Metzger dressent le portrait d’une œuvre incontournable de l’imaginaire et de l’identité Suisse. Pour les auteurs : « Dans le paysage, l’eau liquide et solide est l’élément naturel le plus visible (64%). Elle s’identifie à la pureté de la montagne. Plus d’un quart des affiches montrent en gros plan de l’eau liquide courante sous la forme de torrents, de lacs, de cascades (26%). L’arrière-plan présente parfois un glacier (5 %), mais plus souvent des lambeaux de manteau neigeux, voire des névés (33 %) » (Tabeaud & Metzger, 2018, p. 17) (Figure 10). Les montagnes enneigées ou les cimes blanches sont en majorité représentées sur les affiches, « c’est un territoire, voire un terroir qui est promu » (Tabeaud & Metzger, 2018, p. 17), on assiste donc à la création d’une identité territoriale basée sur

FIGURE 10 A. TRIQUIER-TRIANON, LOUIS, LE CERVIN, 1900, AFFICHE PLM. B. CARDINAUX, EMIL, CHEMIN DE FER DE LA JUNGFRAU, 1928. C. BAUMBERGER, OTTO, LUCERNE-INTERLAKEN, 1937. la géographie. Elles font partie de la composition d’un « terroir » qui est promu dans cette publicité. Promotion également du paysage suisse qui se construit autour d’une identité, les montagnes. On y associe aussi de nombreuses activités, outre ces espaces de moyennes montagnes vouées habituellement à l’agro pastoralisme, on y trouve des « champs de neige » où sont dépeints des sportifs qui « doivent donner envie d’aller en Suisse » (Tabeaud & Metzger, 2018, p. 17). En effet, nous sommes au début de l’avènement des sports d’hiver et du tourisme de masse qui débuteront dans les années 1960, notamment suite aux premiers Jeux olympiques d’Hiver de Chamonix en 192411 (Figure 11). Les populations ciblées vont donc évoluer. Ainsi, s’ajoute à la classe sociale aisée, des familles de classe ouvrière. On constate donc que la neige occupe

11. La semaine internationale de Chamonix est requalifiée à posteriori comme étant les premiers Jeux olympiques d'hiver de l'histoire lors du congrès olympique de Prague le 27 mai 1925, donnant ainsi lieu à la création d'un cycle propre aux Jeux d'hiver et distinct de celui des Jeux d'été.

de plus en plus de place dans l’imaginaire du paysage de montagne, notamment dans les Alpes. Nous pouvons maintenant nous concentrer sur la place de la neige dans les représentations des territoires de montagne au sein de la société des années 60 à nos jours ? Depuis cette période, les représentations ontelles évolué ? Tout d’abord, tout au long du XXe siècle, c’est autour de la neige que s’est basée une économie particulière, celle des sports d’hiver. Qualifié « d’or blanc » (Francillon, 1976), elle a orienté pendant près d’un demi-siècle les grandes décisions d’aménagement des territoires de montagne. Symbolisé par le « plan neige » regroupant plusieurs séries de politiques publiques d’aménagement des montagnes françaises dès 1964. « Exploiter les gisements

FIGURE 11 PREMIERS J-O D’HIVER. MATISSE, AUGUSTE, JEUX OLYMPIQUES D’HIVER DE CHAMONIX, 1924. d’or blanc » ou « faire de la neige un piège à devise » (Francillon, 1976), tels sont les termes employés à l’époque pour qualifier cette matière. La neige se voit ainsi comparée à un précieux minerai que la France se doit d’exploiter en attirant les touristes du monde entier. De nombreuses affiches associeront donc la neige et le ski dans les montagnes enneigées de l’hiver où il est indispensable de venir se dépenser. Elle permet à la France de créer une filière de sports d’hiver et d’assurer la renommée internationale des stations alpines renforcée par les dixièmes Jeux olympiques d’hiver de Grenoble (1968). Ce système économique novateur à l’époque aura des effets territoriaux considérables sur l’orientation des territoires de montagne associant un système de « tout ski » et de « tout neige ». (Figure 12)

FIGURE 12 AFFICHE DE PUBLICITÉ DE LA SNCF POUR LES AMATEURS DE SKI DE TOUTES NATIONALITÉS. ABEL, 1951

Les sports d’hiver s’exportent même jusqu’au cinéma, en ce mois de janvier 2020 la station de Val-d’Isère a célébré les 40 ans du film « Les Bronzés font du ski » tourné en 1979 (Figure 13). Un film dont le succès et les anecdotes ont marqué des générations de téléspectateurs et skieurs12 . Deux idées importantes se dégagent, la représentation à travers le monde des images, ainsi que celui correspondant à l’imaginaire commun. Que reste-t-il aujourd’hui dans l’imaginaire commun ? Comment sont représentés ces territoires à l’heure où la neige tend à faire défaut ? En 40 ans le film des « bronzés » ne symboliset-il pas une époque révolue ? Comme une archive que les générations futures qualifieront d’un autre temps ? (Figure 14)

FIGURE 13 EXTRAIT DU FILM LES BRONZÉS FONT DU SKI, 1979, FIGURE 14 COUVERTURE D’UNE BANDE DÉSSINÉE, MARTINE À LA MONTAGNE, 1959.

12. https://www.ledauphine.com/insolite/2020/01/12/savoie-40-ans-des-bronzes-font-du-ski-val-d-isereretour-en-images)

FIGURE 15 AFCHAGE PUBLICITAIRE SUR LES SPORTS D’HIVER DANS LES COULOIRS DU MÉTRO 13, 29 OCT. 2019. ©F.BESSOUD-C. FIGURE 16 INSTALLATION D’UN TÉLÉPHÉRIQUE ORNÉ DE SKIS GARE DE LYON, PARIS. DÉC. 2019. ©F.BESSOUD-C.

Avant tout, on remarque que la neige s’exporte des cimes, elle est présente dans le métro parisien dès le mois d’octobre. (Figure 15). Signe que l’hiver approche, la neige, comme symbole d’une période qu’il faudra passer en montagne et en famille pour la « santé » ou le « dépaysement ». Autant de slogans que l’association France Montagnes13 met en avant à base de clips vidéo ou de panneaux publicitaires avec ces fameux dictons « la montagne, ça vous gagne »14 ou « la montagne, bienfait pour vous ». (France Montagnes, 2012). L’image des sports d’hiver est également présente dans la gare de Lyon (Paris), au départ d’un train au mois de décembre. (Figure 16). Bien plus qu’une simple descente à ski, la neige est associée à de nombreuses autres pratiques sportives. Elle reste donc perçue comme un support publicitaire intéressant pour la montagne. (Figure 17). Ces pubs visent en effet un public particulier, les touristes. Le terme paysage de « carte postale » est plus qu’approprié pour qualifier ces espaces depuis lesquels on pratique des sports de glisse.

FIGURE 17 LES ACTIVITÉS DE LA MONTGAGNE, EXTRAIT DE VIDEO, DÉCOUVREZ LA MONTAGNE EN HIVER, 2012. SOURCE : FRANCE MONTAGNES

13. France Montagnes est une association regroupant les principaux acteurs du tourisme de montagne en France afin de promouvoir la destination et ses bienfaits à l'échelle nationale et internationale. 14. Association Ski France Internationale

FIGURE 18 LABEL FLOCON VERT, CHAMROUSSE PREMIÈRE STATION FLOCON VERT D’ISÈRE. SOURCE : CHAMROUSSE.COM Mais depuis quelques années, il est important de noter que même la neige vire au vert ! Les stations on en effet de plus en plus « recours à des solutions de communication “verte“ » (Bourdeau, 2008, p. 6) (Figure 18). Dans Les défis environnementaux et culturels des stations de montagne, Philippe Bourdeau, géographe, rappelle que :

« Même si la crédibilité de ces démarches est souvent mise en cause comme simple “ verdissement “ (greenwashing), le lancement de la « Charte nationale en faveur du Développement durable dans les Stations de Montagne » par l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne (Ski France, 2007) semble indiquer qu’un volontarisme environnemental est désormais devenu irréversible, même s’il ne va pas sans tensions et controverses. » (Bourdeau, 2008, p. 4). Ces « tensions » et « controverses » autour des récentes exploitations de la neige sont également le terrain de recherche d’artistes contemporains qui n’hésitent pas à capturer les phénomènes que l’on retrouve dans les stations des Alpes. Pour Walter Niedelmayr, il s’agit d’une « critique du citadin et du sujet moderne » (Grout, 2012, p. 140) où on place la montagne comme un « objet culturel, un “instrument de sport “ » (Grout, 2012, p. 142).

FIGURE 19 NIEDERMAYR, WALTER, LECH RÜFIKOPF, 2015. SOURCE : ARTSY

Il met en relation deux forces qui s’opposent, la première est la force tellurique sous forme de roche et de glace, de plis et de formes géologiques fortes ; la seconde, les constructions humaines qui s’accumulent les unes après les autres. Comme un débat sans fin où l’on n’arrive pas à se mettre d’accord. L’accord est-il possible ? Tendons-nous vers un affrontement éternel ? (Figures 19 & 20). Par ces œuvres, l’auteur remet en question les «interrelations mentales » (la manière de se situer et de se repenser corrélativement à la montagne et à autrui), corporelle (s’il y a dialogue, contact, écart ou distanciation), culturelle et politique (quelles actions, quel devenir) des sujets contemporains (photographiés, nous-mêmes) dans et avec le paysage. » (Grout, 2012, p. 145). À travers son travail, Catherine Grout, interroge aussi le rapport qu’entretiennent les corps et la montagne au sein de la surface qui les relient, la neige. D’après l’auteur, « leur état de corps, leurs gestes et attitudes expriment une présence

FIGURE 20 NIEDERMAYR, WALTER, ST. ANTON AM ARIBERG 4, 2009. EXTRAIT DE DISJONCTION, LES CARNETS DU PAYSAGE, 2012 . sur le mode d’une occupation plus que d’une interrelation, d’une distance, parfois même d’une indifférence » (Grout, 2012, p. 137) (Figure 21 & 22). Ces propos révèlent une fracture entre les usagers et l’environnement où le paysage serait perçu simplement comme un « instrument du sport ». Néanmoins, ce point de vue peut être nuancé : en effet, pour certains pratiquants à la recherche de sensations que seules l’union de la neige et de la montagne peuvent offrir, se sentir glisser dans des pentes vertigineuses le souffle coupé par l’altitude reste une sensation que l’on ne peut éprouver qu’en montagne. Il s'agit d'une expérience qui engage tout le corps dans sa relation à la montagne et à la neige. D’autres installations contemporaines sont à l’opposé de cette relation (Figure 23). L’innovation technologique entraine de nouvelles visions de la neige et des sports d’hiver à travers des installations qui bouleversent le rapport neige/ montagne.

FIGURE 21 NIEDERMAYR, WALTER, RETTENBACHGLESCHER 1, 1999. EXTRAIT DE DISJONCTION, LES CARNETS DU PAYSAGE, 2012 .

FIGURE 22 NIEDERMAYR, WALTER, FELSKIN, 2005. SOURCE : ARTSY

FIGURE 25 COPENHILL, TOITURE SKIABLE DE L’USINE DE TRAITEMENT DE DÉCHETS, 2017, BJARKE INGELS © INSTA. COPHENHILL URBAN MOUNTAIN

À l’heure du changement climatique et de la diminution de la quantité de neige, les grands projets de « ski indoor » et autres « ski-dômes » sont quand même loin de faire l’unanimité. Ils reflètent une déconnexion totale du milieu sur la pratique de la neige par le ski. (Figure 23). Certains de ces projets sont par ailleurs encore très contestés, notamment en France avec l’élaboration d’un projet in door sur le glacier de Tignes, en savoie (Figure 24). En Europe, une « montagne » a même récemment poussée dans le paysage urbain de Copenhague. « Copenhill », une usine qui traite 400 000 tonnes de déchets par an est coiffée d’un toit en pente permettant 500 mètres de descente, une « montagne d'activité artificielle » (Bjarke Ingels, architecte du projet Amager Bakke 2017) au cœur de nos villes (Figures 25 & 26 ). Dans un pays essentiellement plat, l’acceptation de la verticalité passe ici par une activité emblématique des pentes. Quels horizons nous suggèrent ces espaces ? Loin des montagnes la neige s’exporte pourtant dans des projets pharaoniques.

FIGURE 23 SKIDOME DE COMINES, BELGIQUE EXTRAIT DU DOCUMENTAIRE L’ARGENT DE LA NEIGE, 2014, ARTLINE FILMS.

FIGURE 26 COPENHILL, TOITURE SKIABLE DE L’USINE DE TRAITEMENT DE DÉCHETS, 2017, BJARKE INGELS © INSTA. COPHENHILL URBAN MOUNTAIN

Par ailleurs, d’autres photographes comme Marco Zorzanello cherchent à mettre en avant l’utilisation de la neige en station par ce qu’il désigne comme le « tourisme climatique ». Ces clichés nous renvoient presque à l’image du ski dôme révélant un ruban blanc dans un environnement loin d’être recouvert par le manteau neigeux tant convoité. (Figure 27). Cette représentation presque absurde voire burlesque d’un modèle basé sur une matière qui se raréfie témoigne selon lui de l’idée naïve que l’être humain a nier ce qui se produit et de ne pas adapter son mode de vie aux changements qui se déroulent (Zorzanello, 2018). Un mode de vie qui, à l’avenir, devra se prévoir sans or blanc ? Mais les campagnes de promotions actuelles sont toujours orientées autour de la neige

FIGURE 24 PROJET DE SKI-LINE SUR LE GLACIER DE LA GRANDE-MOTTE DE TIGNES © D-L

FIGURE 27 ZORZANELLO, MARCO, SNOW-LAND, 2018. MARCOZORZANELLO.COM

Le rêve blanc semble peu à peu s’estomper même si la neige reste le premier outil de communication des territoires de montagne. D’ailleurs, lorsque l’on étudie la neige sous une approche touristique on se rend compte que « l’or blanc » attire toujours. Les chiffres peuvent l’attester : 10 millions de touristes en hiver, dont 7 millions pratiquants les sports de glisse, 120 000 emplois dépendent de l’ouverture des domaines skiables ou encore 2 milliards d’euros d’apport des stations de ski aux exportations commerciales françaises, c’est une économie (Figure 28). Cependant, la « démocratisation » du tourisme de montagne annoncée dans les années 1970 et évoquée précédemment n’est plus à l’ordre du jour, elle se confirme par « l’expulsion de fait des différentes formes de tourisme social (colonies, camps, classes de neige, laissant souvent des équipements abandonnés) » (Bourdeau, 2008, p. 2) mais également par le fait qu’aujourd’hui seulement 8 % des Français vont au ski durant l’hiver. Le marché de la neige est donc accessible pour une clientèle étrangère, le plus souvent aisée. Il faut cependant mettre en relation ces chiffres avec le travail de P-A. Métral qui à récemment publié ses travaux de recherches consacrés aux stations de sports d’hiver, Selon son étude, 169 stations des Alpes ont fermé entre 1951 et aujourd’hui, de plus, 45 % de ces fermetures sont liées au manque d’enneigement. (Figure 29)

Force est de constater que la représentation que l’on se fait de la neige et implicitement celle des territoires de montagnes se sont nourries l’une de l’autre. Cette construction au sein de l’imaginaire collectif a permis au fil du temps une exploitation toujours plus développée de la neige. L’exploitation de la neige sur ces territoires ne résulte pas seulement de la construction des représentations que l’on en a fait. Elle peut être le fruit de facteurs plus divers, impliquant néanmoins ces représentations dans le processus de création de ressources.

FIGURE 28 D’IMPORTANTES RECETTES AUTOUR DE LA FRÉQUENTATION DES DOMAINES SKIABLES, BAISSE À NOTER SUR LES SIX DERNIÈRES ANNÉES. SOURCE : LE SITE WEB : DOMAINES SKIABLES FRANCAIS FIGURE 29 ÉVOLUTION DU NOMBRE DE STATIONS DE SKI DANS LES ALPES DEPUIS LES ANNÉES 30. SOURCE : LE SITE WEB : SALTE.FR

Du don tombé du ciel à la ressource territoriale

« L’image de la neige c’est l’argent, c’est l’or blanc. S’il n’y avait pas la neige il n’y aurait rien ici […] mais c’est aussi une image classique d’enfance. C’est la paix, la tranquillité, la beauté. On est antinomique parce que là, ce n’est pas le cas. Même les gens qui travaillent dans le tourisme voient les premiers flocons qui tombent, ils ont tous le sourire dans les rues. Ce n’est pas parce que c’est l’argent qui tombe, mais parce que c’est beau. C’est le miracle extraordinaire de la neige. Les gens disent que c’est beau. » Jean-Yves Vallat, 76 ans, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-Saint-Maurice.

Comme vue dans la partie précédente, la représentation de la neige et sa présence ne suffisent pas à elles seules pour en faire une ressource. En effet, la société se construit sur des besoins, et ce sont « les inventions d’une société pour une activité donnée dans un temps donné » (C. Bertrand & Bertrand, 2014, p. 19) qui font que la pluie, la neige ou le soleil peuvent être considérés comme des « ressources naturelles » ou des « contraintes ». Ces besoins varient donc en fonction des époques et des territoires, la qualification ressource s’applique donc différemment. De plus, selon B. Pecqueur, économiste territorial, une ressource territoriale doit « se construire dans une démarche de cohésion entre les acteurs du territoire ». On peut donc s’accorder sur le fait que les ressources territoriales sont : « le fruit, à une époque donnée, d’une construction sociale et culturelle, voire politique dans laquelle la connaissance, notamment des phénomènes naturels, mais également les techniques, les schèmes culturels, dans laquelle les représentations du monde jouent un rôle essentiel. » (Toublanc, 2013, p. 102) Pour étudier la neige il est important de la définir. Étant donné les nombreux types de neige existants en fonction des éléments auxquels elle est confrontée, nous nous contenterons d’une définition simple : « Vapeur d'eau atmosphérique congelée généralement sous forme de fins cristaux blancs qui s'agglomèrent en flocons et s'éparpillent du ciel sur la terre. » (CNTRL, 2019) Il est intéressant de rappeler le lien étroit entre l’eau et la neige. En effet, les deux étant liés, il est difficile de ne pas traiter conjointement ces deux matières. Mais ce sont bien les propriétés de la neige qui nous intéressent pour le moment. On en notera cinq : « - La neige est blanche et renvoie une grande partie des radiations solaires visibles […] cela a des conséquences importantes pour le bilan énergétique de la Terre. -La neige est un très bon isolant thermique et, de ce fait, elle joue un grand rôle écologique […] c’est la neige qui met la flore et faune à l’abri des très grands froids. -La neige se transforme continuellement, sous l’effet de son propre poids, du vent, des gradients de température ou de l’eau de fonte qui percole au travers. -La neige est une surface glissante. -Enfin, la neige constitue un stock d’eau sous forme solide, parfois la seule eau qui sera disponible durant l’été. » (Encyclopaedia Universalis, 2008) (Figure 30)

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