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L’aventure des Arcs
FIGURE 71 LE NOUVEAU PAYSAGE DES STATIONS DE BSM, DES ÉLÉMENTS SUPPLÉMENTAIRES DANS LE CYCLE DE L’EAU © F.BESSOUD-C.
Canons à neige Retenue collinaire
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Sation ex nihilo Remontées mécaniques
« Le paysage particulier que la neige m’évoque ce sont les aquarelles de Samivel. […] Ce n’est pas l’aquarelle en soit mais l’ambiance. » Fred, Rédacteur du PACT Tarentaise, né à Bourg-Saint-Maurice
« La neige c’est le silence. Les jours où il neige en station j’adore parce qu’on entend le silence. Tous les bruits sont étouffés par la neige qui tombe. Le télésiège ne fait plus le même bruit, quand tu regardes la neige tomber, tu entends le silence et j’adore ça. » Caroline, monitrice ESF aux Arcs
Entre 1930 et 1960, on assiste à des bouleversements sociétaux et économiques favorisant le développement des congés payés. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l’avènement de l’ère industrielle et des congés payés engendre une croissance exceptionnelle du tourisme en France. Le gouvernement lance ainsi le plan neige en 1960. Cette véritable doctrine d’aménagement de la montagne cherche à développer une filière de sports d’hiver sur le territoire afin d’assurer la constitution d’un véritable nouveau secteur économique. Dès lors, des organismes, des promoteurs et des architectes se lancent dans la recherche et l’étude de sites propices à la création de ces nouvelles stations. (Figure 72 ) La Tarentaise se trouve alors au cœur de ces préoccupations. Elle a déjà connu le développement de la première génération de station dite « village montagne » (Lyon-Caen, 2018) avec le développement de Val d’Isère dans les années 1930. Puis les stations « ski aux pieds » (Lyon-Caen, 2018), dite ex nihilo, qui sont des ensembles situés aux pieds des domaines skiables à l’arrivée des pistes. Ce sont des stations situées au-dessus de 1600 m d’altitude comme Courchevel 1850 ou Tignesle-Lac. Enfin, c’est au niveau de Bourg-SaintMaurice et de la commune de HautevilleGondon que la Tarentaise va connaitre le développement de la troisième génération de stations dites « intégrées » (Lyon-Caen, 2018). On assiste ainsi durant la fin des années 60, à la création de grand domaines skiables associés à des stations intégrées comme les Arcs, La Plagne et Aime 2000. Elles sont nommées ainsi car c’est l’aménageur qui détient la
1930 1945
«Village montagne»
Val d’Isère Tignes «Station ex nihilo»
Courchevel direction des principales composantes comme l’aménagement du domaine skiable, des infrastructures, de l’urbanisme, de l’immobilier et du commerce. Il en a une gestion globale. (Figure 73) Le contexte national a donc permis ce développement à une échelle locale qui comme démontré dans la partie précédente sort de grands travaux hydrauliques qui ont favorisé l’émergence de nouvelles idées innovantes. De ce fait, la station des Arcs est née d’une rencontre. Un enfant du pays, Robert Blanc (1933-1980) ancien berger et moniteur de ski qui cherchait à rester au pays en s’investissant dans le ski, et d’un promoteur chambérien, Roger Godino. Godino a ensuite solicité des architectes-urbanistes, Gaston Regairaz (un ami d’enfance) et Guy Rey-Millet. Puis, la cette équipe pluridisciplinaire était dirigée par Charlotte Perriand, architecte, urbaniste et designer. Ces rencontres furent déterminantes et la fusion de compétences pluridisciplinaires ont permis le développement d’un projet créatif et novateur pour l’époque. Ce fut cependant un « déchirement » pour d’autres, comme le rappel certains habitants interrogés. Car le site « vierge » choisi n’était pas vierge de toutes activités. De nombreuses expropriations furent nécessaires pour bénéficier des alpages indispensables au développement des pistes. (Figure 74) Cette aventure démarre donc grâce à une suite d’opportunités, des contextes sociaux économiques nationaux et locaux favorables, ainsi qu’un terrain où l’élément clé tombe du ciel.
1960
«Station intégrée»
Les Arcs La Plagne Aime
FIGURE 72 CHRONOLOGIE DE L’INSTALLATION DES STATIONS DE TARENTAISE © F.BESSOUD-C.
Carte generale Tarentaise Bourg-SaintMaurice
Les Arcs
La Plagne
Aime 2000
Tignes
Courchevel Val d’Isère
FIGURE 73 LES GRANDES STATIONS DE LA TARENTAISE © F.BESSOUD-C.
FIGURE 74 C. PERRIAND, G. REGAIRAZ, R. GODINO, G. REY-MILLET, 1998, D’APRÈS LES CARNETS DE MONTAGNE.
« Les Arcs, c’est le résultat d’un travail d’équipe. C’est absolument nécessaire étant donné l’ampleur du travail. » (Perriand-Barsac, 2013, p. 61)
« Architecture privilégiant les programmes et la vie des occupants et de ceux qui y travaillent, elle procède du dedans au dehors et vice versa, ménageant à chaque partie habitable, une relation avec l’environnement : la montagne – superbe –, même les faces nord sans soleil sont face au Mont-Blanc, lointain, étincelant. La poésie n’est pas absente. » (Perriand-Barsac, 2013, p. 61)
Le choix du site est déterminant pour la station mais également pour la commune de Bourg-Saint-Maurice. Cet espace est choisi en 1962, situé en balcon sur la vallée de l’Isère et au-dessus de la commune de Bourg-SaintMaurice (Figure 75). Il regroupe toutes les caractéristiques nécessaires à l’exploitation de la ressource en neige, abondante dans cette vallée où la station la plus basse doit se situer à 1600 m d’altitude, au début des alpages. C’est donc sur ces pentes orientées nord-nordouest et face à l’immensité de la montagne que se construit un complexe de 30 000 lits. Il se répartit sur trois sites, où chaque station est autonome et reliée par une route. Ces trois stations sont « considérées d’emblée comme des références, autant par leur inventivité dans les domaines de l’équipement que dans ceux de l’urbanisme, du paysage et de l’architecture. » (Lyon-Caen, 2018) (Figure 76). Elles se démarquent notamment par une approche novatrice pour l’époque consistant à séparer radicalement la voiture, du skieur et du piéton. Ces stations sans voiture sont le fruit de réflexions sur l’espace et le terrain existant, laissant la place au corps et à la contemplation de l’environnement. Un téléphérique relie BSM à arc 1600 dès la construction. Il est remplacé en 1989 par un funiculaire qui s’inscrit dans une logique de développement sans voiture et de liens entre la vallée et ces stations. L’essor de l’exploitation de l’or blanc a donc totalement bouleversé l’utilisation de ces espaces autrefois à vocation agricole, modifiant ainsi l’espace et le paysage de BSM.
FIGURE 75 COUPE DE L’ENSEMBLE RÉSIDENTIEL VERSANT SUD ET ADRET, ARC 1600. RELEVÉ DESSINÉ PAR NORI GOTO, ARCHITECTE DANS URBANISME ET ARCHITECTURE CONTEMPORAINE EN PAYS DE NEIGE, DENY PRADELLE (AAM)
FIGURE 76 MAQUETTE DES STATIONS D’ARC 1600 ET 1800 EN SECOND PLAN, UN TERRAIN PROPICE EN BALCON. EXPOSÉE À LA FONDATION LOUIS VUITTON 25.01.20 © F.BESSOUD-C.
L’exploitation de la ressource en neige est à l’origine de la construction des grands équipements de BSM. (Figure 77) Tandis que l’utilisation de la ressource en eau s’est d’abord concentrée sur l’agriculture des alpages et des vergers, puis sur les rivières et les lacs en contre bas, la neige oriente le regard vers le haut. Elle redéfinie les usages de ces pentes et ainsi le paysage Tarin. Plus qu’une simple activité récréative, les fondateurs des Arcs cherchent à offrir un art de vie à la montagne, celui-ci se pense en fonction de l’espace existant, aussi bien dans l’architecture que dans ce qui l’entoure. Cet art de vie se traduit spatialement par des bâtiments emblématiques épousant le relief existant et offrant depuis l’intérieur une vision avec pour seul vis-à-vis la montagne et son immensité. L’importance accordée à l’intérieur va de pair avec l’extérieur, entre ce qu’on donne a voir, percevoir et ressentir : le paysage. Les stations se répartissent ainsi sur trois zones Sur l’ubac de la commune de BSM sont édifiées les stations Arc 1600 et Arc 1800 à l’altitude des anciens alpages des Lanches, de Pierre-Blanche, du Charvet, de Chantel, des Villards et de Charmetoger. Les innovations architecturales qu’ont offert ces équipements sont toujours appréciées aujourd’hui (Figure 78). D’après Flore, monitrice de ski, 68 ans, qui vit à Arc 1600 depuis bientôt 50 ans :
« C’est agréable à vivre ici c’est parce qu’on a un décor fabuleux, un panorama extraordinaire. Regardez la vue (en nous montrant sa fenêtre orientée au sud). On est dedans, on est tout le temps dedans avec la vue sur les pistes ou les versants. Ce dedans il est agréable, il est beau. L’hiver il est vivifiant, l’été il est vert, il y a de très beaux verts, il y a plein de fleurs en juillet, c’est un bel endroit pour vivre. ».
1967
Arc 1600
FIGURE 77 CHRONOLOGIE DE LA CONSTRUCTION DES STATIONS DES ARCS. © F.BESSOUD-C. 1974
Arc 1800 1979
Arc 2000 2003
Arc 1950
FIGURE 78 SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES STATIONS ET IMPLANTATION PAR RAPPORT AU BOURG © F.BESSOUD-C.
Arc 1600
Arc 1800
Arc 1950
« Versant du so leil»
TGV / Eurostar Funiculaire Arc 1600
Arc 1800
Liaison La Plagne
Aiguille Grive Isère
Arc 1950/2000
De l’autre coté des pentes de l’Aiguille Grive (2732 m alt.) constituant une partie du domaine skiable, s’étend le vallon suspendu de l’Arc. C’est au bas de ce vallon que s’implante Arc 2000 (1979) et plus tard Arc 1950 (2003). Elles sont dominées au sud par l’Aiguille Rouge et son glacier (3227 m alt.) aujourd’hui accessible en téléphérique et également skiable. Véritable laboratoire d’expérimentation et d’innovation architecturale et urbanistique, les Arcs sont réfléchis depuis le grand paysage jusqu’au mobilier intérieur et la petite cuillère que Charlotte Perriand s’est engagée à dessiner. Cela en recherchant un tracé horizontal qui suit les courbes de niveaux en permettant une intégration maximume au site tout en répondant
Arc 2000
à la demande d’une société confrontée aux besoins du tourisme de masse. Cet héritage a aujourd’hui une valeur patrimoniale ancrée dans l’identité du territoire. Il a permis à des générations de pouvoir rester au pays tout en offrant des conditions d’accès au ski pour tous. Il pose actuellement des questions sur le devenir de ces espaces en termes de gouvernance ou de développement, ne pouvant mettre de côté les interrogations autour de la ressource en neige et parallèlement la ressource en eau.
Cet art de vivre à la montagne est finalement une question d’espace.
FIGURE 79 A. PHOTO AÉRIENNE DES ALPAGES PIERRE BLANCHE, 1960 B. PHOTO AÉRIENNE DES ALPAGES DU VILLARD, 1960 C. PHOTO AÉRIENNE DU VALLON SUSP,ENDU DE L’ARC, 1960.
A.
B.
C. FIGURE 80 A. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1600, 2008 B. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1800, 2008 C. PHOTO AÉRIENNE D’ARC 1950 / 2000, 2008
Arc 1600 (Figures 79A, 80A & 81A) Un site en balcon avec en moyenne 30 % de pente. C’est sur cet espace que l’équipe de concepteurs a reflechi un urbanisme en «couchant» de grands bâtiments sur la pente (6). D’autres sont inscrits directement dans l’intérieur, épousant le relief existant (10). Ainsi, des espaces piétons se libèrent, de même que des espaces publics traversant l’architecture, ouvrant sur le paysage et l’immensité de la montagne (5). A.
Arc 1800 (Figures 79B, 80B & 81B) Fort de l’expérience du laboratoire d’Arc 1600, les promoteurs sont conscients que le taux de remplissage de la station est essentiel pour la rentabilité de l’opération. Arc 1800 est ainsi conçu pour assurer une clientèle hivernale et estivale. Des bâtiments en rampes viennent s’insérer dans les pentes. Un golf sur une légère pente structure l’espace, skiable l’hiver et praticable l’été. Les abords sont les lieux des dernières constructions d’Arc 1800, il se trouve donc en pied de façade. (Grange, 2016) B. Arc 2000 (Figures 79C, 80C & 81C) Le parcours d’Arc 2000 fut différent. Dans cette « chasse gardée » (Grange, p.112) par de nouveaux promoteurs et un terrain très pentu aux conditions climatiques extrêmes aux alentours de 2200 m d’altitude. Perriand et Taillefer signèrent l’hôtel de l’Aiguille Rouge mais le projet final reste inachevé suite au départ de Roger Godino et au début de la crise de l’immobilier de loisir.
FIGURE 81 A. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 1600. ÉQUIPE D’URBANISTES ANIMÉE PAR CHARLOTTE PERRIAND, AAM, NON DATÉE B. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 1800. ÉQUIPE D’URBANISTES ANIMÉE PAR CHARLOTTE PERRIAND, AAM, NON DATÉE C. PERSPECTIVE D’ENSEMBLE D’ARC 2000 PAR BERNARD TAILLEFER, NON DATÉE. SIAF/ CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE, CENTRE D’ARCHIVES D’ARCHITECTURE DU XXE SIÈCLE, FONDS DAU.
C.
L’art de vivre à la montagne est promu durant cette période comme bénéfique pour tous. L’essor des sports d’hiver marque une démocratisation des ces espaces qui s’offrent à de nouvelles classes sociales moins aisées. Symbole de cette vocation, les classes de neige, dans lesquelles sont envoyés les enfants pour se « dépenser » mais « également pour des «vertus curatives », tels sont les termes utilisés dans les reportages d’époque21. (Figure 82 D ). Dès lors, la neige et les sports d’hiver se « démocratisent » grâce au tourisme social. L’image renvoyée par la neige est signe de providence, un don tombé du ciel. C’est le cas à Bourg-Saint-Maurice où Godino (un des fondateurs de la station) le rappelle durant un reportage concernant l’aménagement de la montagne en 1976 : « il y avait dans cette vallée un potentiel de développement. Il y avait dans cette vallée un désir de développement.»
B.
C. FIGURE 82 IMAGE DU REPORTAGE LE PLAN NEIGE POUR L’AMÉNAGEMENT DE LA MONTAGNE, 1976. A. GLACIER DE L’AIGUILLE ROUGE, LES ARCS B. BATIMENTS DE LA STATION DES ARC 1600 D. C. ROGER GODINO, PROMOTEUR DE LA STATION DE SKI DES ARCS D. DES ENFANTS AU SKI DURANT LES COURS, CLASSES DE NEIGE, 1953, INA
Exemple type où une ressource est jusqu’alors encore inconnue mais présente, révelée puis exploitée. On vient alors « exploiter les gisements d’or blanc » ou « faire de la neige un piège à devise » (Francillon, 1976)22. (Figure 82 A, B & C)
Les modes de représentations sont ainsi mis à profit pour promouvoir la neige. Des reportages d’époque mais également des affiches mettant en avant le caractère moderne de la station des Arcs qui dispose d’une gare SNCF (Figure 83) à BSM ou une affiche promotionnelle révélant une quantité de neige fraîche fumant derrière les spatules de Robert Blanc, autre créateur de la station (Figure 84). Une exploitation qui s’est traduite spatialement, physiquement sur les pentes de la commune. Mais également dans les esprits et l’imaginaire que ces espaces renvoient, jusqu’à aujourd’hui.
FIGURE 83 AFFICHE DE PROMOTION DU SKI A BOURG-SAINT-MAURICE, 1965. FIGURE 84 LES ARCS - BOURG SAINT-MAURICE SAVOIE 1600/3000 - LE HAUT DOMAINE DU SKI , 1970, PETER MILLER
La station des Arcs offre ainsi la possibilité d’accéder à ce que certains nomme « un paysage naturel de loisir ». Terme recueillis dans L’Atlas paysager de la région Rhône-Alpes23, publié en 2005 par la DIREN, responsable des politiques d’aménagement du territoire avant l’actuelle DREAL. Elle dénombre ainsi « 7 familles de paysages, en Rhône-Alpes, des paysages pluriels pour un territoire singulier ».
Ainsi, cet atlas met en avant la rupture entre un « paysage naturel »24 (Figure 85) et un « paysage naturel de loisirs » (Figure 86). Le premier est un espace de liberté, où les seules traces humaines sont très ponctuelles, voire inexistantes. Ces caractéristiques lui procurent des qualités paysagères évidentes. Mais cet attrait amène à des contradictions entre la volonté de percevoir une nature « vierge » et des conditions de confort et d’accès toujours plus développées. D’ailleurs, en 2005, les objectifs fixés par cet atlas étaient déjà25 :
FIGURE 85 CROQUIS DE « PAYSAGE NATUREL » CLAIRE FOLLIET, DIREN, 2005 -Identifier et conserver des superficies “vierges” importantes. -Limiter l’impact visuel des aménagements -Définir des capacités d’accueil des sites. -Soutenir l’entretien agricole, forestier ou pastoral dans certains milieux semi-naturels (espèces forestières remarquables, prairies sèches, marais, alpages, etc.). -Reconquérir ou entretenir des points de vue remarquables menacés par la fermeture des vues. -Conserver l’ambiance sonore calme de ces paysages.
On peut évidemment imaginer ce qu’offre l’implantation d’un domaine skiable tel que les Arcs. Ces grands aménagements de la montagne font basculer ces espaces vers d’autres usages avec comme idée phare : « La nature pour terrain de jeux ».
FIGURE 86 CROQUIS DE « PAYSAGE NATUREL DE LOISIRS » CLAIRE FOLLIET, DIREN, 2005
23. http://www.paysages.auvergne-rhone-alpes.gouv.fr/IMG/pdf/les_7_familles_de_paysages_en_rhone-alpes_cle6f17bc-5. pdf 24. «Au-delà des paysages réellement naturels, telle que la haute montagne au-dessus des alpages, les paysages « naturels » concernent ici tous les espaces où la main de l’homme est perçue comme marginale par rapport aux forces de la nature » ( la vallée des glaciers au nord de BSM est caractéritsitque de ce type de paysage) 25. Extrait de http://www.paysages.auvergne-rhone-alpes.gouv.fr/IMG/pdf/les_7_familles_de_paysages_en_rhonealpes_cle6f17bc-5.pdf
Ce terme de paysage « naturel de loisirs » peut se discuter lorsque l’on constate l’anthropisation parfois extrême de ces espaces de montagne. Ils tendent aujourd’hui vers des modèles d’influence urbaine laissant transparaître des motifs urbains tels que des vastes parkings, sans parler des nombreux équipements propres aux domaines skiables (fFigure 87). C’est donc sur un socle naturel que sont venus s’implanter des bâtiments et des équipements. On cherchent à maîtriser chaque phénomène qui s’applique sur cet environnement. Cela, en créant des percées entre les arbres, en reboisant les zones non-skiables et même en faisant tomber la neige. Le domaine skiable des Arcs s’inscrit donc dans ces espaces caractéristiques, traduisant l’éternelle volonté humaine de la conquête des sommets. Ces domaines skiables avaient eux aussi fait l’objet, en 2005, d’une liste d’objectifs qui montre que les préoccupations de notre étude ne sont pas récentes et qu’ils sont nombreux à ne pas avoir été pris en compte depuis : -Rechercher la réversibilité hiver-été des aménagements. -Limiter l’enneigement artificiel dont les impacts directs et indirects sur l’environnement peuvent être indélébiles (fondations profondes des canons à neige, terrassements, diminution de la ressource en eau). -Favoriser la restructuration des domaines skiables existants plutôt que leur extension. -Favoriser la desserte collective des stations afin de limiter l’impact des espaces de l’automobile dans les paysages. -Repérer et démonter les installations obsolètes afin de remettre en état les sites. -Préserver et développer une architecture contemporaine spécifique des stations de ski, en excluant le recours à des modèles urbains peu adaptés à la morphologie montagnarde
FIGURE 87 A. SELFIE «RECHERCHÉ» AU SOMMET DE L’AIGUILLE ROUGE DEPUIS LA PLATEFORME DU TÉLÉPHÉRIQUE PERMETTANT UNE VUE PANORAMIQUE SUR LES ALPES ET LE MONT-BLANC, © F.BESSOUD-C. B. PISTES ET GARES DE TÉLÉSIÈGE D’ARCS 1800, © F.BESSOUD-C. C. ARRIVÉE À SKI AU MILIEU DES SAPINS, ARC 2000 EN ARRIÈRE-PLAN.© F.BESSOUD-C.
La commune de Bourg-Saint-Maurice c’est donc aujourd’hui :
-Un bourg (Figure 88) -Trente-cinq hameaux (Figure 89) -Quatres stations de ski (Figure 90)
En l'espace de 150 ans, le bourg rural de fond de vallée est devenu la petite capitale de la haute vallée de la Tarentaise, à l'économie touristique florissante. Ces mutations économiques se sont
FIGURE 88 BOURG-SAINT-MAURICE, CHEF LIEU © F.BESSOUD-C. inscrites au cours du temps dans l'espace du bourg avec un développement urbain marqué et l’arrivée de nombreux équipements et zones commerciales. Au-dessus, les Arcs ont connu un développement exponentiel pour aujourd’hui compter 4 stations, 210 km de pistes et 34 400 lits.26 Avec une population annuelle s’élevant à 7228 habitants en 2015, ces stations représentent un véritable capital logement qui durant les périodes de hautes fréquentations modifient totalement le rythme de vie. En outre, on remarque déjà sur
FIGURE 89 DE NOMBREUX HAMEAUX ET LIEUX DIT SUR L’ENSEMBLE DE LA COMMUNE, UNE FORTE CONCENTRATION AUTOUR DU BOURG CENTRAL © F.BESSOUD-C.
ces cartes le contraste d’occupation d’espace, les constructions baties étant principalement concentrées au sud de la commune, comme on le distingue au niveau du versant des Arcs. (Figure 91) Néanmoins, ces « villes nouvelles » comme les qualifient l’architecte urbaniste Denis Pradelle (1913-1999)27 bouleversent l’espace de la commune de Bourg-Saint-Maurice. Implantées en balcon au-dessus du bourg, les constructions d’origine de la station restent peu visibles depuis
FIGURE 90 QUATRES STATIONS DE SPORT D’HIVER IMPLANTÉES EN BALCON AU DESSUS DU BOURG © F.BESSOUD-C. la vallée, le mimétisme recherché fonctionne. (Figures 92, 93, 94, 95, 96 & & 97) L’espace laissé libre au sol permet une circulation fluide et claire au sein des stations et laisse le champ libre à l’immensité de la montagne. Mais de nouveaux flux sont engendrés par cette implantation et ils sont accentués par des constructions plus récentes qui s’accumulent depuis 20 ans. Certaines de ces constructions ont bouleversé le mimétisme d’origine et crées des conflits et des tensions audelà même de la critique du geste architectural.
FIGURE 91 UN BOURG, TRENTE CINQ HAMEAUX, QUATRES STATIONS DE SKI. CONTRASTE ENTRE LE VERSANT DES ARCS ET «LE VERSANT DU SOLEIL» © F.BESSOUD-C.
Alti. -m.
FIGURE 92 ARC 1600 EN BALCON AU DESSUS DU HAMEAUXDE LA GRANGE, RELIÉ PAR LE FUNICULAIRE © F.BESSOUD-C.
2500
2250
2000
1750
1500
1250
1000
1.25 000
1 . 2 5 0 0 0
FIGURE 95 ARC 1600, «STATION CLAIRIÈRE» SUR UN COTEAUX ENFICHÉS © F.BESSOUD-C. FIGURE 93 ARC 1800 EN BALCON AU DESSUS DU HAMEAU DE MONTVENIX, VASTE ÉTENDUE OUVERTE AU DESSUS DES PENTES BOISÉES ET ENFRICHÉES © F.BESSOUD-C.
FIGURE 96 ARC 1800, DES VASTES ESPACES OUVERTS AUX PIEDS DES BATIMENTS IMPLANTÉS DANS LA PENTE © F.BESSOUD-C.
FIGURE 94 ARC 1950 / 2000, AU PIED DU VALLON SUSPENDU DE L’ARC, EN CONTRE-BAS DE LA PLUS GRANDE RETENUE COLINAIRE D’EUROPE © F.BESSOUD-C.
FIGURE 97 ARC 1950 / 2000, STATION AUX PIEDS DES PENTES PATURÉS DE HAUTE-MONTAGNE © F.BESSOUD-C.
La question des flux est aujourd’hui déterminante dans les relations qu’entretiennent le bourg et ses stations. Au -delà des coteaux qui se referment (Figure 98 & 99), les mouvements pendulaires dans la vallée sont importants et on distingue une pollution notable de l’air qui vient s’ajouter aux nuisances des déplacements. Ceci engendre des changements qui ne peuvent échapper aux habitant(e)s comme Flore, monitrice ESF à Arc 1600 ;
« Il y a quelque chose qu’on ne voyait pas avant c’est la neige jaune. Quand vous êtes à l’Arpette à 2400, au printemps. Quand l’air est un peu froid en haut et que la pollution monte, et bien vous avez une barre jaune. Un voile de pollution jaune qui monte et qui fait que la neige est blanche à notre gauche et jaune sur le versant d’en face. Et encore, on n’est pas la vallée la plus polluée ! » Ainsi le funiculaire reliant la gare à Arc 1600 est certainement sous utilisé. Selon Guillaume Desrues, tête de liste du collectif BAM28 : «Ce funiculaire peut être une pièce centrale à l’avenir. [...] il faut diversifier pour l’optimiser»
Cette optimisation doit néanmoins s’incrire dans une vision globale qui prend en compte l’échelle de la vallée, ainsi qu’une liaison correcte avec la gare SNCF (Figures 100 & 101).
L’autre flux important est au niveau de la ressource en eau, il s’agit des eaux usées qui saturent littéralement en hiver. Un sujet d’avenir donc qui doit se penser en ayant une vision globale du territoire malgré le déni des faits29 .
FIGURE 100 FUNICULAIRE REVENANT D’ARC 1600, UNE NOUVELLE ÉLÉVATION VERS LES CIMES. © T.MCKENZIE
FIGURE 98 VERSANT DES ARCS OUVERT ET PATURÉ, VUE DEPUIS LE VERSANT DU SOLEIL, NON DATÉE MAIS AUX ALENTOURS DE 1960, DELCAMPE.NET FIGURE 99 VERSANT DES ARCS AUX PENTES QUI SE REFERMENT, LE FUNICULAIRE TRACE UN SILLION PROLONGÉ PAR LES PISTES DE SKI, 20 FEV. 2020. © T.MCKENZIE
28. Bourg-Saint-Maurice - Les Arcs - & moi (BAM) est une organisaton politique qui se présente au municipale 2020 et qui cherche à « inscrire ses réflexions dans la globalité du territoire en prenant en compte les enjeux sur le long. terme » (45,85% au premier tour) 29. https://www.pact-tarentaise.com/lenquete
FIGURE 101 VUE DEPUIS LA VITRE PANORAMIQUE DU FUNICULAIRE, UN MATIN D’HIVER, PLONGÉ SUR LA VALLÉE ET SES VERSANTS ENCORE ENDORMIS. © F.BESSOUD-C.
FIGURE 102 CARTOGRAPHIE DES ZONES D’ACTIONS DES ACTEURS DU TERRTIOIRE INTERVIEWÉS, MISE EN PAGE PAR © F.BESSOUD-C.