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Des cultures étagées, le savoir-faire des canaux

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Table des figures

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FIGURE 39 LA MONTAGNE, UN ESPACE DESSINÉ PAR L’EAU ET LES HOMMES © F.BESSOUD-C.

Neige

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Glacier

Torrent

Lac proglaciaire

Sources Chalet d’ alpage

Ruisseau

Canaux

Troupeaux bovin Lac d’ altitude

Ruissellement Canaux

« Il y a un chemin que l’on fait souvent à vélo, j’aime le faire seule ou avec des clients. Il s’appelle le chemin du canal sur le versant du Beaufortain. Au niveau de l’Arbonne. En fait c’est un canal qui a été fait dans une très faible pente qu’on peut suivre à vélo. Je ne connais que celui-là mais c’est vachement sympa, c’est beau et simple » Caroline, monitrice de ski et de vélo aux Arcs

« L’image de l’eau pour moi c’est l’eau en abondance, ce sont les torrents qui marquent le paysage par leur beauté, leur fluidité, leur bruit. Ça marque le paysage et à mon avis c’est du patrimoine du même type qu’un alpage, qu’une forêt ou qu’une chapelle.» Jean-Yves Vallat, 76 ans, Professeur de géographie retraité, poète, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » du canton de Bourg-Saint-Maurice.

Avant de nous pencher sur l’aventure hydroélectrique que Bourg-Saint-Maurice a connu, il semble nécessaire de poser le contexte sur lequel celle-ci est venue se construire. De ce fait, la Tarentaise était un espace montagnard soumis à un climat difficile. Trop froid en hiver, trop sec en été, la société a dû s’adapter à ces conditions extrêmes, notamment aux risques auxquels elle était exposée. Les avalanches, les inondations ou encore les éboulements sont des phénomènes qui sont venus structurer le mode de vie tarin, mais surtout l’organisation spatiale (Coanus, 1995) (Figure 40 ). Ce mode d’organisation est basé sur l’optimisation des ressources présentes ou perçues comme telles, notamment par un étagement très marqué par

FIGURE 40 des systèmes d’exploitation des pentes et des RUE ÉTROITE DU HAMEAU DE LACHAL, BOURG-SAINT-MAURICE © F.BESSOUD-C. versants en fonction de l’exposition. Comme l’expliquent Y. Brêche et L. Chavoutier dans leur Petite histoire de la Tarentaise : « La société ancienne, c’est d’abord le paysage qui l’a formée, avant même qu’intervienne la volonté des hommes. Une nature âpre et dure et un climat rigoureux ont fait surgir des habitations serrées les unes contre les autres autour de l’église (…) L’organisation de l’espace requérait une discipline précise, des pratiques et contraintes collectives pour assurer la cohésion du groupe. C’est la vie qui commandait. C’est la terre qui donnait les lois (…) » (1975, p. 64). La terre commandait et l’eau était donc déjà à l’époque au cœur des préoccupations. Tantôt impétueuse, tantôt dormeuse, elle restait néanmoins indispensable à la vie, malgré le fait qu’elle ait toujours engendré des catastrophes (Coanus, 1995). L’idée reçue aujourd’hui pourrait être que l’eau soit à l’époque laissée en liberté, dans son « état naturel », sans intervention humaine. Et pourtant, les hommes ont très tôt commencé à aménager les cours d’eau, avant tout pour se protéger, mais surtout pour l’agriculture. En effet, « lorsqu’elle n’est pas trop abondante et ravageuse, l’eau en Tarentaise fait défaut. Par rapport à l’avant pays savoyard, le bassin supérieur de l’Isère est une zone plus sèche. » (Darroux, 2013, p. 20). Le climat local ainsi que l’exposition de la vallée induisent des zones soumises à des vents secs, même en hiver. Les hommes ont donc du très tôt remédier à cela en irriguant les champs et les pâtures. Pour cela, des systèmes ont été inventés très tôt. Des canaux d’alpages ainsi que des canaux d’arrosage servent à alimenter des chalets ou des pâturages, ou encore pour l’irrigation des près de fauche et des vergers17 . (Figure 44)

FIGURE 41 53 CANAL DE L’ARC À MONTRIGON, ANCIENNE SECTION EMPIERRÉE, BOURG-SAINT-MAURICE, 27 JUIN 2012, © B. MEILLEUR

FIGURE 42 CANAL DE VAUGELAZ ET SERGE ANXIONNAZ, BOURG-SAINTMAURICE, 27 JUIN 2012, © B. MEILLEUR

Les canaux d’arrosage ont participé à la construction des paysages agricoles du massif en tant qu’élément majeur et marqueurs de ces espaces (Figure 41, 42 & 43) (Brien, 2012). Ces canaux, toujours visibles aujourd’hui, ont fait l’objet d’une étude détaillé par le parc national de la Vanoise. Sur le territoire de Bourg-Saint-Maurice, on en à recensé une vingtaine en 2012, certains en plus ou moins bon état. Ce réseau peut être considéré comme le premier patrimoine hydraulique du territoire, comme le fruit du travail de l’homme marquant les pentes et dessinant ainsi un

FIGURE 43 CANAL DE VEIS D’EN HAUT, BOURG-SAINT-MAURICE, 27 AOÛT 2012, © B. MEILLEUR

paysage caractéristique du territoire. Si ce paysage montagnard provient de phénomènes géologiques à l’œuvre depuis « toujours », il est également marqué par le fruit d’un travail important de générations d’habitants. Ce phénomène est ainsi rappelé et décrit dans un ouvrage sur la Tarentaise : « Au passé géologique, nous devons une chaine de montagne, au labeur des hommes, un paysage ; aux conditions de vie, une race dure à la tâche, ouverte à la coopération et à l’entraide, entreprenante, acharnée à survivre. » (Chabert & Chavoutier, 1976, p. 29)

FIGURE 44 CANAL D’IRRIGATION DU VERGER DE M. ET MME VALLAT © F.BESSOUD-C.

Ces actions ont engendré de vastes espaces ouverts. Le mode de vie et les cultures étaient basés sur des étages, caractéristique de la culture de l’alpage. Ces étages très distincts se transposaient spatialement. Les abords des villages au niveau de la vallée (800 – 1400 m alt) étaient ouverts, pâturés, ils étaient entourés de près de fauches et parfois de vergers accompagnés de quelques Bourg-Saint-Maurice L’homme a donc cherché à s’adapter à ce territoire en agissant pour modeler une nature toujours plus hostile. Il en résulte ainsi des espaces marqués par ce travail, les populations ont « patiemment conquis la nature vierge pour fixer les contours de forêts et les limites des alpages » (idem, p. 7). On peut notamment noter l’importance que revêt l’eau depuis toujours dans cet espace montagnard, une importance stratégique pour les besoins vitaux, mais également ne suffisent pas à contenir les migrations feuillus. Au-dessus de la vallée, les forêts de la montagnette se caractérisent par la présence de résineux (épicéas, mélèzes, pins…), les alpages commencent a apparaître (1400 – 1600 m alt). Enfin de 1600 à 2400 m la strate arbustive disparait. Les grandes pelouses ornées de fleurs tapissent les pentes, les alpages se dévoilent. Audelà, un monde minéral et hostile se détache, entre glace et neiges éternelles. (Figure 45)

Alpages

Montagnette

Hameaux au-dessus

les activités18. Cependant, ces activités du chef lieux Fond de vallée et «delta» de l’Isère

FIGURE 45 CARTE POSTALE DE LA VALLÉE DE BSM; 1843. L’ÉTAGEMENT DES MODES DE VIE EST ENCORE MARQUÉ, LE FOND DE VALLÉE EST EN PARTIE INONDÉ PAR LE «DELTA» DE L’ISÈRE MARQUÉ PAR LES PEUPLIERS.

qui se font de plus en plus fortes. Même si l’émigration saisonnière faisait partie des modes de vie, à la fin du XIX-e siècle, elle prend une autre forme, de plus en plus définitive (Darroux, 2013). Finalement, ce que l’on retient concernant la place de l’eau au sein de BSM (pour des raisons pratiques, le terme « BSM » sera parfois employé pour la commune de Bourg-Saint-Maurice) avant l’arrivée de la modernité hydraulique, c’est qu’elle joue un rôle important dans « l’organisation sociale » (Darroux, 2013, p. 21), comme le rappelle

18. « L’eau est ici, comme c’est presque toujours le cas, un vecteur d’aménagement du territoire et une ressource structurante. Elle produit de la culture autour et dans les usages et les appropriations humaines qui en sont faites » Darroux, 2013, p. 15.

également l’étude ethnologique de T. Coanus sur le paysage et les risques naturels de la commune de Sainte Foy- Tarentaise (Figure 46). Son utilisation découle de longues pratiques concernant son usage pour diverses activités allant de l’irrigation à sa force hydraulique. Le paysage est directement issu de l’exploitation de cette ressource, qui pose les prémices d’un territoire tourné vers l’utilisation hydraulique. L’eau a donc commencé à avoir une dimension territorialisée, mais également « territorialisante » (Pecqueur et al., 2013).

Il est également intéressant de noter dans les propos recueillis durant nos rencontres qu’à l’époque, selon Jean-Yves Vallat, ancien Président de l’AAPPMA « Lacs et Torrents » de BSM, la neige n’était pas une ressource au même titre que l’eau. :

« Ici la neige ils s’en servaient avant, mais autrement, ce n’était pas une ressource, mais un bien. Ils s’étaient adaptés, c’était une culture à étage. L’hiver étant donné qu’il fallait beaucoup de foin, ils stockaient ce dernier l’été dans les chalets et en hiver en fonction de l’état de la neige, ils les descendaient en traîneaux faits en branches de sapin par des chemins très pentus. La neige ne produisait pas de l’argent, mais ils savaient l’utiliser, elle servait de moyen de transport. […] c’était pareil pour l’eau, elle était source de conflit, car elle était très précieuse, tous les canaux qu’on a évoqués en sont la preuve. L’eau était très utilisée. »

La neige était donc un bien plutôt qu’une ressource et son utilisation était plus pratique que récréative. Toutefois, l’idée que le territoire se construit autour de la ressource est importante, car on va ensuite observer sa construction à travers les grands équipements hydroélectriques que l’abondance de la ressource en eau a pu permettre.

FIGURE 46 MONTAGNETTE, LE BATIMENT «FAIT CORPS» AVEC UN ROCHER, EXTRAIT DE PAYSAGE, RISQUES NATURELS ET INTÉRÊTS LOCAUX, SAINTE-FOY-TARENTAISE, SAVOIE, 1995 © T.COANUS

FIGURE 47 BOURG-SAINT-MAURICE, ARRIVÉE DE L’HYDROÉLECTRICITÉ, AUGMENTATION DES ÉQUIPEMENTS EN FOND DE VALLÉE. © F.BESSOUD-C. D’APRÈS LES DONNÉES QGIS ET IGN 1960

Troupeaux bovins

s s

BSM Centrale de Malgovert Isère

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