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L’efficacité énergétique des bâtiments est une idée qui a mis du temps à germer. Mais maintenant, tout devrait aller très vite. D’autant plus que les professionnels de l’immobilier sont fortement engagés dans cette dynamique. Il en va d'ailleurs de leur crédibilité, de leur rôle de conseil auprès de leurs clients. Ainsi, les gestionnaires d’un parc ancien sont tout à fait légitimes à préconiser les travaux de rénovation : sans ces travaux, leurs clients ne pourront peut-être plus payer leurs charges demain ! De même s’agissant de la valeur des biens immobiliers. Cet aspect patrimonial dépendra directement des mesures mises en œuvre : à défaut, l’immobilier – y compris de bureau – perdra de son prix et ne sera plus la "valeur refuge" préférée des Français. Ne pas alerter les clients reviendrait, pour un professionnel de l’immobilier, à scier la branche sur laquelle repose tout le marché ! Mais s’assurer de la valeur du bien acquis par une famille, faire baisser les charges de copropriétaires dont le pouvoir d’achat est loin d’être en progression, c’est aussi permettre aux gens de vivre mieux. N’en déplaise à certains mauvais esprits qui voudraient "diaboliser" nos métiers, cet objectif n’est jamais absent des préoccupations des professionnels de l’immobilier, qui confirment ainsi leur réelle utilité sociale. Les contributions réunies dans le présent ouvrage en témoignent. J'en remercie très chaleureusement leurs auteurs. C'est ensemble que nous pourrons faire du Grand Paris une ville durable. Une ville humaine. Vivable. Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France Avec les contributions de : Pierre-André de Chalendar, Claude Chetrit, Sabine Desnault, Richard Laganier, Myriam Maestroni, Pierre Mutz, Philippe Pelletier, Didier Ridoret, Pierre Veltz.

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - Juillet 2013 - N° 3 - 18 € Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-3-3 - ISSN : 2265-7940

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France

Les territoires urbains contribuant pour plus des deux tiers à la consommation mondiale d’énergie et pour plus de 70 % aux émissions globales de gaz carbonique, c'est dans les villes que va se jouer la transition énergétique. Et le logement est la clé essentielle de ce changement, tout particulièrement dans une région aussi dense que le Grand Paris.

Villes humaines, villes durables ?

Nous ne vivons pas une crise, mais une transformation. Profonde, rapide, voire brutale, elle déborde le champ économique, et même politique, pour imposer des changements de société, exiger une évolution de nos façons d'être, de vivre. Caractéristique de la modernité, de nos modes de vie hérités des révolutions industrielles des derniers siècles, le "principe de surabondance" est derrière nous. Tout simplement parce que ce principe n’est plus viable. Ainsi, même avec l’énergie nucléaire, et même si l’exploitation des gaz et pétrole de schiste devait se développer - y compris pourquoi pas en France ? -, cela ne remettrait pas en question l’effort à engager pour maîtriser notre consommation globale d’énergie. Et pour l’optimiser, par une réelle valorisation des déchets par exemple - une source d’énergie particulièrement prometteuse en milieu urbain. La transition vers davantage d’efficacité énergétique n’est pas une lubie, un luxe pour pays riche - un "grigri" pour "bobo" ! C’est un impératif à la fois social, écologique et économique.

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Villes humaines, villes durables ? Pour une révolution énergétique dans l'immobilier du Grand Paris


Villes humaines, villes durables ? Pour une révolution énergétique dans l’immobilier du Grand Paris


Déjà parus dans cette collection : Peur sur la ville ? Contributions pour un Grand Paris de la sécurité (mars 2012) Paris Brille-t-il ? L'urgence d'une véritable stratégie d'attractivité pour le Grand Paris (novembre 2012)

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France sont une plateforme d’échanges et de débats dans le cadre de l’avènement du Grand Paris. Autour d’un thème d’actualité, cette revue semestrielle permet à des personnalités d’horizons variés, responsables politiques et administratifs, experts, intellectuels et praticiens, de livrer leurs analyses, donner leur point de vue et stimuler la réflexion collective. Dans le monde complexe et mouvant qui est le nôtre, il importe de multiplier les approches, de décloisonner les savoirs. La réussite naît de l’échange et de l’interconnexion des réseaux. Par cette initiative, les professionnels de l’immobilier regroupés au sein de la FNAIM s’affirment comme des acteurs déterminés, ouverts et responsables, au cœur de la Cité.


Contexte et enjeux 7 Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

Présentation des intervenants 19 Entretiens Philippe Pelletier 23 Pierre Veltz 33 Didier Ridoret 39 Myriam Maestroni 47 Claude Chetrit 55 Pierre-André de Chalendar 63 Sabine Desnault 71 Pierre Mutz 79 Richard Laganier 87

Cahier de la FNAIM Paris Ile-de-France

Pour une révolution énergétique dans l'immobilier du Grand Paris

sommaire

Villes humaines, villes durables ?

Annexes Economies d'énergie : l'engagement de la FNAIM Paris Ile-de-France 95 Emprunt collectif de copropriété : le décret du 11 mars 2013 99 Orientations bibliographiques 101 Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - juillet 2013 - N° 3 Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-3-3 - ISSN : 2265-7940

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Les Cahiers n°



Mobilisation générale pour un habitat économe en énergie ! par Gilles Ricour de Bourgies Président de la FNAIM Paris Ile-de-France

contexte et enjeux

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"Nous ne vivons pas une crise, nous vivons un processus de transformation. Demain ne sera pas du tout comme hier, et, comme une chenille au moment de sa mue en papillon, nous subissons une réorganisation en profondeur de notre monde."1 Cette transformation est profonde, mais également rapide, voire violente. Elle déborde le champ économique, et même politique, pour imposer des changements de société, exiger une évolution de nos modes de vie. Le développement durable apparaît ainsi comme l’une des clés de sortie de nos difficultés. N’en doutons pas : nous sommes à présent à un tournant. Les économies d’énergies ne sont pas des choix pour demain, mais pour aujourd’hui. Le comprendre est vital pour le logement et pour l’économie en général. La question énergétique est en effet centrale. On semble le découvrir aujourd’hui, depuis le Grenelle de l’environnement et avec le débat national en cours sur la transition énergétique. Mais c’est en fait depuis le premier choc pétrolier, en 1973, qu’il est apparu nécessaire d’affirmer des choix énergétiques nouveaux. Avec deux leviers : la diversification des sources d’énergie - du "mix énergétique" - d’une part, la maîtrise globale de la consommation d’autre part. Sans doute avons-nous manqué Robert Branche. Cf. Les mers de l’incertitude. Diriger en lâchant prise, Éditions du Palio, mai 2010. 1

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France de motivation depuis plus de 30 ans… Pour preuve : l’Europe importait moins de 40 % de son énergie en 1980, aujourd’hui c’est 54 % ! "Couplée à la volatilité du prix de l’énergie, cette dépendance accrue augure d’une menace stratégique sérieuse et d’une pression économique insoutenable" remarque Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric2. Il y a donc urgence à agir : notre pays n’a tout simplement plus les moyens de gaspiller l’énergie qu’il consomme3. Et le monde dans son ensemble ne peut pas envisager son développement à venir sur le modèle énergétique et industriel de l’Europe des XIXe et XXe siècles. Sauf à prendre le risque de "pourrir la planète", de la rendre définitivement invivable. Ainsi que le souligne un récent rapport de l’OCDE : "L’évolution actuelle de la situation énergétique augmente la vulnérabilité et les risques de chocs et d’épuisement ou de destruction des ressources naturelles."4 Ce qui ne concerne pas seulement nos systèmes économiques, nos sociétés, mais également chaque citoyen. Une crise de la modernité Caractéristique de la modernité, de nos modes de vie hérités des révolutions industrielles, le "principe de surabondance" (Peter Sloterdijk) est derrière nous. Tout simplement parce que ce principe n’est plus viable. Les hommes ont déjà consommé en un siècle des stocks de ressources naturelles qui avaient mis 300 millions d’années à se constituer. Qui ne voit qu’un certain modèle est désormais dans l’impasse, et que de nouvelles modalités de croissance sont à inventer ? Ainsi, même avec l’énergie nucléaire, et même si l’exploitation des gaz et pétrole de schiste devait se développer, - y compris pourquoi pas en France ? - cela ne remettrait pas en question l’effort à engager pour maîtriser notre consommation globale d’énergie. Et pour l’optimiser, par une réelle valorisation des déchets par "La France doit relever le défi de la transition énergétique", tribune publiée par Les Échos, 30/05/2013. 3 En 2012, le déficit commercial généré par les importations de pétrole et de gaz a représenté 67 milliards d’euros, avec une pression importante sur le pouvoir d’achat des consommateurs. 4 Études de l’OCDE sur la croissance verte : Énergie, 2012. 2

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Villes humaines, villes durables ? exemple - une source d’énergie particulièrement prometteuse en milieu urbain. La transition vers davantage d’efficacité énergétique n’est pas une lubie, un luxe pour pays riche - un "grigri" pour "bobo" ! C’est un impératif à la fois social, écologique et économique. Et le logement est la clé essentielle de ce changement, tout particulièrement dans une région aussi dense que le Grand Paris. Le logement, au cœur de la "conversion écologique" de nos sociétés Une large part de la consommation d’énergie, et donc aujourd’hui de combustibles fossiles, est destinée au chauffage des logements et aux déplacements. C’est-à-dire pour l’essentiel à la vie urbaine telle qu’elle se développe dans le monde entier. Le climatologue Jean Jouzel l’explique : "En France, plus de 70 % de la consommation d’énergie finale sont ainsi liés au bâtiment – résidentiel et tertiaire – et au transport, avec une proportion croissante dans nos villes et agglomérations. Les constructions y sont généraleLe bâtiment consomme ment trop gourmandes en énergie et l’expanà lui seul 44 % de sion urbaine entraîne une extension sans fin des l'énergie finale. C'est besoins de mobilités."5 Le bâtiment consomme donc là qu'il faut agir. à lui seul 44 % de l’énergie finale (contre 32 % pour les transports, le reste étant le fait de l’industrie et de l’agriculture). C’est donc là qu’il faut agir. Le Grenelle de l’environnement ne s’y est pas trompé, en ciblant sur ce secteur les principaux efforts à réaliser pour respecter le protocole de Kyoto, c’est-à-dire diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 20506 : 98 % de cet objectif est à atteindre Préface à l’ouvrage Des villes et des hommes, Eiffage, 2013. Dans son rapport World Energy Outlook 2008, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estimait déjà que les territoires urbains contribuaient pour plus des deux tiers à la consommation mondiale d’énergie et pour plus de 70 % aux émissions globales de gaz carbonique. 6 S’y ajoute le paquet "énergie climat" adopté par l’Union européenne et sa règle des 3 fois 20, à savoir, à l’horizon 2020 : 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20 % d’économie d’énergie et 20 % de renouvelables dans la consommation totale d’énergie. 5

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France par le seul bâtiment. Au total, le Gouvernement entend diminuer, d’ici à 2020 et pour le seul logement, les consommations d’énergie de 38 % et les émissions de gaz à effet de serre de 50 %. Le défi est donc immense. Il est au centre du débat en cours sur la transition énergétique qui devrait déboucher sur un projet de loi à l’automne 2013. Dans un récent numéro de Futuribles consacré à la "société postcarbone", le prospectiviste Hugues de Jouvenel nous enjoint de "reconnaître que, plus long est le temps nécessaire pour opérer ces transformations, plus tôt il convient de les entreprendre, et que nul ne saurait se dispenser d’innover au prétexte que les autres s’en abstiennent"7… Un impératif écologique et social L’impératif est d’abord écologique. Il a trait à nos modes de gestion des ressources naturelles, à nos rapports avec la nature. Et ce n’est pas une question idéologique, partisane. Le souci écologique n’est pas l’apanage d’un parti. Il est d’essence philosophique. Il illustre une volonté de retrouver "de la mesure en toutes choses" (Horace), à rebours de l’hybris, la démesure, qui a parfois caractérisé nos différentes révolutions industrielles. Dès 1951, l’écrivain allemand Ernst Jünger parlait de "recours aux forêts" pour évoquer cette nécessité, non pas de fuite du monde réel, mais de ressourcement, où l’homme "se rencontre lui-même, en sa substance impérissable et indivisible"8. Fondamentalement, l’écologie est humaine. Elle ne vise pas à exclure et condamner l’homme pour ce qu’il est, mais à rétablir l’harmonie avec son environnement, son écosystème propre. Car l’enjeu de l’écologie bien comprise est, face au seul règne de l’objet, de la technique et de la marchandise, de "réinstituer" le monde des hommes. Dès lors, cet enjeu écologique rejoint la question de la justice sociale. Le défaut de maîtrise de la consommation d’énergie "Vers une société postcarbone", in Futuribles n°392, janvier-février 2013. Traité du rebelle ou le recours aux forêts, par Ernst Jünger, Seuil, Points Essais, 1986.

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Villes humaines, villes durables ? de son logement contribue au déchirement du lien social, à l’émergence d’une "France à deux vitesses". Si la pollution atmosphérique concerne tout le monde, et constitue un sujet de préoccupation dans nos grandes agglomérations, la précarité énergétique frappe les plus fragiles. L’INSEE définit cette précarité énergétique comme le fait de consacrer plus de 10 % de ses revenus à sa facture d’énergie, ce qui concerne 3,8 millions de foyers d’après ses données9. Un chiffre confirmé par le baromètre Powermetrix-AFP du 30 avril 201310, qui estime à plus de 6 millions le nombre d’habitants reconnaissant "avoir eu récemment des difficultés à payer leur facture d’électricité". Plus d’un Français sur 10 ! Et cette nouvelle forme de pauvreté est en augmentation, comme le confirme une récente étude commandée par l'Union nationale des centres communaux d'action sociale11. 77 % des centres communaux d'action sociale (CCAS) ont en effet constaté depuis trois ans une hausse des sollicitations relatives à l'énergie liée au logement (chauffage, cuisson et éclairage), dont 23 % faisant état d'une "forte hausse" des demandes. Seuls 21 % des quelque 800 CCAS Plus d'un Français ayant répondu à cette enquête menée entre sur dix aurait des octobre et décembre 2012 estiment que ces difficultés à payer sa demandes sont stables et 2 % qu’elles sont en facture d'électricité ! baisse. Certes, la précarité énergétique est d’autant plus forte en zone rurale et périurbaine. Mais le Grand Paris n’est pas épargné bien sûr. L’augmentation annoncée du coût de l’énergie ne fera qu’augmenter le nombre de ménages en difficulté pour se chauffer, d’autant plus que beaucoup sont déjà à la limite maximum de leur taux d’effort en matière de logement. Seule une politique vigoureuse d’économies d’énergie dans le logement pourra enrayer ce risque.

Sachant que la facture énergétique des ménages représente aujourd’hui en moyenne 9 % de leur budget, dont près de 5 % pour leur résidence. 10 "Plus de 6 millions de Français peinent à payer leur facture d’électricité", Le Monde.fr avec AFP, 30/04/2013. 11 Source : Localtis.info, 27/03/2013. 9

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Pour un véritable développement durable La notion est ancienne mais ce n’est qu’en 1987 que le Premier Ministre norvégien, Gro Harlem Brundtland, décrit le développement durable comme "un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs". En 1992, le fameux "Sommet de la Terre", tenu à Rio sous l'égide des Nations unies, officialise la définition du développement durable comme "un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable". Pourquoi le rappeler ? Parce que le développement durable ne marche bien que sur ses trois pieds (économie, écologie, social) et que l’économique n’est pas moins important que les autres. Et si le développement durable suggère un modèle de "ville frugale" (Jean Haëntjens)12, le terme ne doit pas prêter à confusion : l’objectif est bien d’offrir plus de satisfactions aux habitants en consommant moins de ressources. La sobriété énergétique n’est pas la décroissance, bien au contraire ! Pour l’ancienne ministre Corinne Lepage, "l’écologie est une solution, pas une punition !"13 D’ailleurs, on évalue à 75 000 le nombre d’emplois directs et indirects, créés ou maintenus, pour la rénovation de 500 000 logements par an. La conversion écologique nous invite cependant à un changement de paradigme, que nous avions déjà souligné dans le précédent numéro de cette collection de Cahiers : pour séduire, attirer ou retenir une population, le cadre et les modes de vie précèdent les activités économiques. Comme le rappelle Pierre Veltz, en soulignant le déficit migratoire croissant des actifs franciliens au-delà de 30 ans, "il n’y a pas d’un côté les problèmes économiques, et de l’autre les problèmes de la vie des gens. Ce sont ces derniers qui conditionnent en dernier ressort la dynamique économique de l’agglomération".14 La question La ville frugale, par Jean Haëntjens, FYP éditions, 2011. Source : Constructif n°31, janvier 2012. 14 Paris, France, Monde. Repenser l’économie par le territoire, par Pierre Veltz, éditions de l’Aube, 2012. Voir également sur cette question : Paris brille-t-il ? L’urgence d’une véritable stratégie d’attractivité pour le Grand Paris, Cahier de la FNAIM Paris Ile-de-France n°2, novembre 2012. 12 13

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Villes humaines, villes durables ? des économies d’énergie illustre parfaitement cette dynamique. Question tout à la fois sociale, écologique et économique, elle pourrait résumer à elle seule la notion de développement durable. L’efficacité énergétique des bâtiments est une idée qui a mis du temps à germer. Mais maintenant, notamment en raison des crises - économique, sociale, écologique – que nous traversons, tout va aller très vite. D’autant plus que les professionnels de l’immobilier sont fortement engagés dans cette dynamique. L’engagement résolu des professionnels de l’immobilier Le développement durable fait partie des axes stratégiques prioritaires de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France depuis de nombreuses années, qui nous ont vu nous inscrire dans une démarche de promotion du développement durable au sein des métiers de la copropriété, de l’administration de biens et de la transaction. Mais cet engagement s’est accéléré ces derniers mois pour se concrétiser notamment par : • la création, le 12 novembre 2012, de l’Agence francilienne des certificats d’économie d’énergie, en partenariat avec Economie d’Energie (EDE) SAS, permettant aux agences adhérentes et aux particuliers de disposer d’un La FNAIM Paris Ile-deoutil simple et interactif pour s’informer, choisir France a créé l'Agence les travaux et bénéficier d’éco-primes financées francilienne des par les certificats d’énergie ; certificats d'économie • la création d’une plateforme dédiée aux synd'énergie, signé des dics, qui constituent la clé de voûte de la copropartenariats avec EDF priété et l’élément moteur dans le lancement et la société EDE... d’un programme de rénovation énergétique réussi. Dans ce cadre, un partenariat avec EDF a été signé le 30 avril 2013.15 Économie d’énergie et développement durable font désormais clairement partie de l’ADN des professionnels de l’immobilier regroupés au sein de la FNAIM. Leur crédibilité tient à leur activité, à leur rôle de conseil auprès de leurs clients. Ainsi, les gestionnaires d’un parc ancien sont tout à fait légitimes à préconi15

Voir le détail de ces outils et partenariats en annexe.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France ser les travaux de rénovation : sans ces travaux, leurs clients ne pourront peut-être plus payer leurs charges demain ! De même s’agissant de la valeur des biens immobiliers. Cet aspect patrimonial dépendra directement des mesures mises en œuvre : à défaut, l’immobilier – y compris de bureau – perdra de son prix et ne sera plus la "valeur refuge" préférée des Français. Ne pas alerter les clients reviendrait, pour un professionnel de l’immobilier, à scier la branche sur laquelle repose tout le marché ! Mais s’assurer de la valeur du bien acquis par une famille, faire baisser les charges de copropriétaires dont le pouvoir d’achat est loin d’être en progression, c’est aussi permettre aux gens de vivre mieux. N’en déplaise à certains mauvais esprits, qui voudraient "diaboliser" nos métiers, cet objectif n’est jamais absent des préoccupations des professionnels de l’immobilier, qui confirment ainsi leur réelle utilité sociale. Une ville, ce sont des logements et des réseaux – y compris des réseaux de solidarité. Et l’approche par le développement durable nous incite à renouer avec une vision dans la durée. Qu’il s’agisse de la protection de l’environnement ou de celle du patrimoine de nos clients. Dès lors, l’agent immobilier n’est pas un commercial qui "fait sa vente". C’est un professionnel qui participe d’une économie de biens durables, qui accompagne son client dans le temps, après l’acte de vente, pour que son logement ait encore de la valeur dans 15 ans. C’est pratiquement un nouveau métier qui émerge, ouvrant des perspectives inédites. Et qui distingue encore plus clairement le professionnel du particulier, lequel sera rapidement disqualifié par cet impératif d’économies d’énergie. Cet engagement des professionnels, à la fois comme acteurs économiques et comme citoyens, est aujourd’hui indispensable. Même si le gouvernement annonce vouloir s’attaquer au problème, le retard pris est immense, et les mesures annoncées ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. Alors que la loi de programmation du Grenelle de 2009 fixait comme objectif la rénovation complète de 400 000 logements par an à compter de 2013, et que le candidat François Hollande avait promis de porter ce chiffre à 500 000, aujourd’hui seuls quelque 120 000 14


Villes humaines, villes durables ? logements privés et 25 000 logements sociaux sont rénovés chaque année. Qui peut croire sérieusement que les pouvoirs publics pourront à eux seuls, même avec beaucoup de volontarisme, atteindre dès 2015 le chiffre annoncé de 380 000 logements privés (dont 50 000 précaires) et 120 000 logements sociaux rénovés par an ? L’État a certes un rôle majeur à jouer. Notamment dans le financement de ces travaux : le levier fiscal est d’autant plus justifié que, en étant incités à entretenir leurs biens, les propriétaires fourniront de l’emploi qualifié et non délocalisable. Mais là encore, ce ne sera pas suffisant. L’initiative privée reste indispensable. Il faut rendre le pouvoir de décision aux donneurs d’ordre, avec des mécanismes novateurs, concrets, comme ceux mis en œuvre par la FNAIM Paris Ile-de-France avec EDE et EDF. L’essentiel du financement étant assuré de manière pluriannuelle, par décision des assemblées générales de copropriétaires, et gagé sur les économies à réaliser en termes de consommation d’énergie. Les économies d’énergie, moteur des villes "postcarbone" La question est éminemment politique. Le chantier de la rénovation thermique oblige à repenLe chantier de la ser la ville elle-même. Ses usages, les façons rénovation thermique de l’habiter, d’y travailler, de s’y déplacer. La ville est politique : il oblige durable qui se construit sous nos yeux sera à la à repenser la ville ellefois plus "dense" et plus "intense". même. • Dense, c’est-à-dire en mesure de limiter l’étalement urbain, l’emprise urbaine sur les terres agricoles, par un surhaussement modéré du bâti existant et la valorisation des "dents creuses" du tissu urbain actuel - mais en y préservant les espaces verts, voire "sauvages"16. • Intense, c’est-à-dire avec peu de déplacements internes.

Cf. Nathalie Machon (dir.), Sauvages de ma rue. Guide des plantes sauvages des villes de la région parisienne, coédition Le Passage et Museum national d’Histoire naturelle, 2011. Voir aussi à ce sujet La maison de l’immobilier n°6, février 2012. 16

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Afin, comme le préconise l’économiste et député européen écologiste Alain Lipietz dans le dernier numéro de la revue Constructif, d’"offrir aux gens la possibilité de travailler là où ils vivent, plutôt qu’ils se voient obligés de déménager là où ils ont quelques chances de trouver un emploi"17. Densité et intensité se retrouvent dans les nouveaux projets de construction durable centrés autour d’un bâtiment, d’un îlot ou d’un quartier. À cette échelle, l’énergie positive des constructions neuves peut profiter à la rénovation de l’existant, et la mixité des usages garantir un échelonnement de la consommation au cours de la journée (et de la nuit). L’objectif étant que la consommation et la production d’énergie s’équilibrent à l’échelle de l’îlot urbain. Solidarité et mutualisation deviennent les maîtres mots de la gestion de l’énergie en ville. Deux autres piliers de la construction durable sont explorés par les ingénieurs, notamment ceux du laboratoire Phosphore d’Eiffage. D’une part, l’exploitation des énergies renouvelables existantes localement (vent, mer, solaire, etc.). D’autre part, la prolongation de l’usage et donc de la durée de vie des bâtiments. Il doit être en effet possible de conserver et faire évoluer son logement en fonction de ses besoins, notamment la taille de sa famille, plutôt que de se contraindre à déménager. Cette modularité, qui est d’ores et déjà possible techniquement, et concerne au premier chef les bureaux, commerces et parkings, devrait se développer à terme dans le logement - y compris dans l’ancien. Deux autres moteurs doivent contribuer, dès maintenant, à accélérer la "conversion écologique" du bâti : la simplification normative et réglementaire, la réduction des coûts de construction. Dans ce dernier domaine aussi, les solutions techniques existent, du béton cellulaire aux ossatures bois, en passant par les enduits de mortier, les parois vitrées et les plaques de plâtre. Pour preuve, les constructions neuves intègrent sans grande difficulté, et à des coûts désormais maîtrisés, la règlementation thermique (RT) 2012, obligatoire depuis le 1er janvier 2013. 17

Constructif n°35, Densifier la ville ?, juin 2013.

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Villes humaines, villes durables ? La prise en compte des économies d’énergie va nécessairement modifier en profondeur la conception et la gestion de la ville. Au point de voir peut-être l’émergence de villes réellement postcarbone. C’est-à-dire des villes qui auraient "pour objectifs principaux : une division par quatre d’ici à 2050, par rapport à 1990, des émissions de gaz à effet de serre (dans les pays de Nord), une quasi-autonomie à l’égard des énergies carbonées (pétrole, gaz, charbon), une capacité suffisante d’adaptation aux changements climatiques, et enfin, une attention plus grande aux situations de précarité énergétique"18. Et lorsque l’on parle de villes, il faut en fait songer à la société dans son ensemble, puisque 80 % de la population française vit dans les grandes aires urbaines (et que moins de 5 % de la population échappe à l’influence des villes)19. Une réalité d’autant plus frappante à l’échelle du Grand Paris ! À quoi servent finalement les villes durables, voire si l’on y arrive, les sociétés postcarbone ? À générer de l’activité tout en réduisant notre empreinte écologique. C’est-à-dire à remettre la dimension humaine "au cœur de la Cité". Car en matière d’urbanisme et de logement, la véritable distinction n’est pas - ou n’est plus - entre les villes Prendre enfin en modernes et celles qui ne le seraient pas encore compte les attentes - ou pas assez. Elle est entre les villes invivables des gens, leur goût et les villes vivables. Prendre enfin en compte pour une vie saine, les attentes des gens, leur goût pour une vie équilibrée, où ils saine, équilibrée, où ils puissent s’épanouir, puissent s'épanouir... n’est pas la moindre des révolutions à suggérer à nos décideurs.

Jacques Theys et Eric Vidalenc, "Vers des villes postcarbones. Six scénarios contrastés", in Futuribles n°392, op. cit. 19 Chiffres INSEE, "Le nouveau zonage des aires urbaines de 2010", par Chantal Brutel et David Levy, INSEE Première n°1374, octobre 2011. 18

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Les intervenants Philippe Pelletier est avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit immobilier. Il s'est vu confier la présidence du plan bâtiment durable par lettre de mission du Gouvernement en date du 6 septembre 2012. Chargé d’enseignement à l’université Paris-II Panthéon Assas (Master 2 de droit immobilier), il est l'auteur de nombreux rapports publics relatifs au logement, au commerce et à l’urbanisme. Membre du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, il a été président de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) de 1998 à 2008 et de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) de 1989 à 1994, et en assure aujourd'hui la présidence d'honneur. Dans le domaine du développement durable, il a présidé le Comité opérationnel du Grenelle, consacré à la rénovation des bâtiments existants, ainsi que le Comité stratégique du plan bâtiment Grenelle de 2009 à 2012. Philippe Pelletier est Officier de la Légion d’Honneur. X-Ponts et docteur en sociologie, Pierre Veltz a mené une carrière mixte de chercheur et d'opérationnel. Il est Président directeur général de l’Etablissement public Paris-Saclay depuis sa création en 2010, après en avoir assuré la préfiguration comme délégué ministériel pour Paris-Saclay. Ancien directeur de l'Ecole de Ponts et président de ParisTech, il est membre du Comité de prospective de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Pierre Veltz est l'auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Mondialisation, villes et territoire : l'économie d'archipel (Puf 2005), La grande transition : la France dans le monde qui vient (Seuil 2008) ou Des lieux et des liens : Essai sur les politiques du territoire à l'heure de la mondialisation (éditions de l'Aube 2012). Paris, France, Monde, publié en septembre 2012 aux éditions de l'Aube, se veut une réflexion sur la place de la France et du Grand Paris dans la géographie mondiale de l'innovation. 19

présentation

Villes humaines, villes durables ?


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Didier Ridoret est entrepreneur et président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) depuis juin 2008. A ce titre, il est également membre du Conseil exécutif et du Bureau du Medef. Parmi ses nombreuses autres responsabilités, il est administrateur de l’Union d’Economie Sociale pour le Logement (UESL) et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), président de la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (CGI Bât) et du Conseil de surveillance de SAGENA (SA Générale d’Assurances). Membre du Conseil Economique et Social et Environnemental (CESE) depuis novembre 2010, Didier Ridoret est Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre national du Mérite. Myriam Maestroni. Diplômée de Sup de Co Bordeaux, titulaire d'un Post Graduate en finance de l'université de Barcelonne et d'un MBA à l’Esade, elle a évolué tout au long de sa carrière dans le secteur de l’énergie. Après un passage chez les pétroliers Dyneff et Agip, elle rejoint Primagaz en 1996, dont elle devient Directeur Général en 2005, à 38 ans. Elle est aujourd’hui à la tête d'Economie d'Energie SAS, une société spécialisée dans le traitement et la valorisation des certificats d’énergie. Lauréate 2012 de La Tribune Women’s Award, catégorie Green Business, elle intervient régulièrement au profit de grandes écoles de management et dans différents comités de direction (Auchan, Brink’s, SNCF, EDF…). Elle a publié Intelligence émotionnelle, services et croissance avec Luis M. Huete (éditions Maxima 2009) et Mutations énergétiques avec Jean-Marie Chevalier (éditions Alternatives 2010). Titulaire du DECS en comptabilité et d’une licence en droit de l’université Paris II Assas, Claude Chetrit dirige le cabinet Paris France Immobilier qu’il a créé il y a plus de 30 ans. Très engagé au sein de la Fédération nationale de l’immobilier, il est président adjoint de

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Villes humaines, villes durables ? la FNAIM Paris Ile-de-France, en charge de la copropriété et de l’administration de biens, après y avoir été responsable de la formation professionnelle. Il est par ailleurs administrateur de la Caisse de garantie de l’immobilier (CGAIM) et préside la commission "Administration de biens" de la Chambre Paris Ile-deFrance et de la FNAIM à l’échelon national. Pierre-André de Chalendar est Président directeur général du Groupe Saint-Gobain. Diplômé de l'ESSEC et ancien élève de l'ENA, ancien inspecteur des finances, il a été adjoint du Directeur Général chargé de l'Energie et des Matières Premières au ministère de l'Industrie avant de rejoindre la Compagnie de Saint-Gobain en 1989, à 30 ans. Il y réalise l'essentiel de sa carrière, notamment à l'international (Royaume-Uni et Irlande en 2000-2002), avant d'être élu administrateur en juin 2006, nommé Directeur Général en juin 2007 puis PDG en juin 2010. Administrateur de Veolia Environnement et de BNP Paribas, Pierre-André de Chalendar est également Président d’EPE (Entreprises Pour l’Environnement) depuis juin 2012. Il est Officier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre national du Mérite. Sabine Desnault. Titulaire du master en management immobilier de l’ESSEC et d’un DEA "Economie de l’Energie" à l’Institut Français du Pétrole (IFP), elle débute sa carrière professionnelle chez Renault en 1996, et devient notamment chef de projets à la Direction des Affaires Immobilières de 2004 à 2008. Puis elle rejoint Nexity pour créer la Direction "Process et Développement Durable", avec pour objectif de mieux intégrer les innovations, accentuer les efforts en matière de réduction des coûts de construction et organiser la mise en œuvre rapide de la stratégie de développement durable de Nexity. En 2009, elle devient Directrice du développement durable et intègre le Comité de direction de Nexity. Elle connaît bien l'Ile-de-France pour avoir été élue locale, maire adjoint de la ville de Colombes (Hauts-deSeine) de 2001 à 2008.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Pierre Mutz, Saint-Cyrien, Préfet honoraire. Après avoir été officier d'active prendant près de 20 ans, il entame une carrière préfectorale en 1980, comme Sous-préfet puis Commissaire adjoint de la République. En 1986, il rejoint la préfecture de police de Paris, où il occupe successivement, pendant 10 ans, les fonctions de Chef de cabinet, Sous-directeur du personnel et, en qualité de Préfet, Directeur du cabinet du préfet de police de Paris (1993-1996). Préfet de l'Essonne (1996-2000), de la région Limousin et de la Haute-Vienne (2000-2002), Directeur général de la Gendarmerie nationale (2002-2004), il retrouve la région parisienne en qualité de Préfet de Police (2004-2007) puis de Préfet de la région Ile-de-France, Préfet de Paris (2007-2008). Conseiller spécial du président d’Eiffage et Président du conseil de surveillance de Logement français depuis 2008, il a animé, en 2011, un groupe de travail de l'association Paris Ile-de-France Capitale Economique sur la mobilité en région parisienne. Titulaire de nombreuses médailles et distinctions, Pierre Mutz est Commandeur de la Légion d'Honneur et dans l'Ordre national du Mérite. Richard Laganier. Diplômé de l'université des Sciences et Techniques du Languedoc et Docteur en géographie, il est professeur à l’Université de Paris Diderot et membre du Pôle de Recherche pour l'Organisation et la Diffusion de l'Information Géographique (PRODIG) du CNRS. Ses thèmes de recherche portent notamment sur la gestion des risques hydrologiques et le développement des territoires, la gouvernance de l’environnement et des risques liés à la nature, l'évaluation de l’action publique. Membre du comité de rédaction de la revue Développement durable et territoires (www.revue-ddt.org), auteur ou co-auteur de très nombreux articles et ouvrages universitaires, Vice-Président de l’université Paris Diderot en charge du Conseil Scientifique de 2007 à 2012, Richard Laganier est par ailleurs Président du Comité National Français de Géographie, membre des conseils d'administration de la Fondation Paris Diderot et de l’Ecole d’Architecture Paris Val de Seine. 22


"La transition écologique n’est pas à contre-courant de la crise, elle en est une condition de sortie" Philippe Pelletier

Avocat spécialisé en droit immobilier Président du "Plan Bâtiment durable"

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Depuis le Grenelle de l’environnement, en 2007, un plan spécifique pour le bâtiment a été mis en place. Pourquoi un tel ciblage ? Et pourquoi, malgré tout, des freins persistent dans la "conversion écologique" du bâti ? En 2007, les tables rondes organisées dans le cadre du Grenelle de l’environnement ont pointé une double réalité. D’une part, c’est dans le secteur du bâtiment que la consommation d’énergie était la plus élevée, correspondant à plus de 40 % de la consommation d’énergie totale en France. Mais d’autre part, c’est probablement dans ce secteur que les progrès pouvaient être le plus facilement envisagés. C’est pourquoi les lois Grenelle 1 du 3 août 2009 et Grenelle 2 du 12 juillet 2010 ont en effet ciblé prioritairement les bâtiments et ce qui les agrège, à savoir la ville et l’urbanisme. Des avancées sensibles ont été réalisées dans ces domaines depuis 5 ans. Les principaux freins que vous évoquez sont en fait des interrogations. Elles sont à mon sens de trois ordres : • Premièrement, la réalité de la demande. Comment convaincre les ménages et les entreprises de la double nécessité de s’attaquer à leurs charges de chauffage, qui risquent de ne plus être maîtrisables, et de s’interroger sur la valeur de biens immobiliers qui resteraient énergivores ? • Deuxièmement, la qualité de l’offre de services pour réaliser cette mutation. Est-ce que l’ensemble de la filière, depuis les maîtres d’œuvre jusqu’aux gestionnaires d’immeubles, en pas23


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France sant par les entreprises du bâtiment, disposent de la qualification adéquate pour mener à bien cette transformation ? • Troisièmement : avec quelles ressources financières allonsnous relever ce défi ? Aujourd’hui, la demande me semble exister. Tant du côté des maîtres d’ouvrage, des propriétaires que des occupants, chacun convient que la maîtrise des coûts d’énergie est devenue une nécessité, et que ce qui risque de nous coûter encore plus cher est notre inaction collective sur les bâtiments. Déjà, pour 4 millions de ménages environ, soit 8 à 10 millions de personnes, les coûts du recours à l’énergie atteignent une limite insupportable, puisque ces personnes sont en situation de précarité énergique, c’est-à-dire qu’elles n’arrivent même pas à "mal se chauffer". Cette situation s’observe surtout en territoire périurbain ou rural, dans le bâtiment diffus : une maison individuelle, pour une surface équivalente, consomme au moins deux fois plus d’énergie qu’un appartement. La difficulté tient donc moins à la sensibilisation qu’au passage à l’acte. Une fois sensibilisé, on attend d’être rassuré par les résultats obtenus par ceux qui ont franchi le pas. Cela demande du temps pour créer un marché. Les chiffres parlent d’euxmêmes. Depuis les décisions du Grenelle, un million de logements ont été touchés par des rénovations lourdes. Cela peut paraître beaucoup, mais c’est malheureusement peu significatif au regard d’un parc français de plus 30 millions de logements. La question du marché soulève en réalité deux interrogations principales : sa solvabilité et la réalité de l’offre disponible. L’État a globalement rempli son rôle d’incitation et d’organisation. D’une part avec une aide massive pour les ménages les plus pauvres et des aides financières ou fiscales pour les autres ménages. D’autre part avec un système de repérage et une meilleure qualification des entreprises sur l’ensemble du territoire. Mais, aujourd’hui, il n'est pas encore évident que, sur tout le territoire, le chauffagiste qui interviendra sur votre chaudière en panne ne vous proposera pas une chaudière équivalente. Alors qu’il devrait être en mesure de vous présenter une chaudière plus performante, ou un "mix énergétique", de faire le tour 24


Villes humaines, villes durables ? de votre logement et vous dire que cela ne sert à rien d’installer une chaudière plus performante si vous n’isolez pas le toit. C’est une véritable révolution culturelle que l’on demande aux artisans. Certains ont fait le pas, mais pas tous. C’est l’une des raisons pour lesquelles la transition énergétique des logements ne s’est pas massivement mise en œuvre. Mais nous sommes désormais engagés dans un processus irréversible. Je n’imagine pas qu’il puisse y avoir un abandon de ce sujet. La situation de crise économique va peut-être retarder des actions. Elle ne va supprimer la conviction, maintenant largement partagée, que le coût de l’énergie a vocation à augmenter et, donc, que la capacité à maîtriser ses charges se prépare maintenant. Vous êtes en charge d’une nouvelle mission : le "Plan Bâtiment durable". De quoi s’agit-il ? Quels sont les nouveaux objectifs assignés ? Ce nouveau plan s’inscrit dans la droite ligne du plan bâtiment Grenelle qui concernait la période 2007-2012. Il garde le même objectif : amener à l’horizon 2050 l’ensemble des bâtiments de notre pays à une consomNous avons certes fait mation moyenne de 50 kWh par m² et par an. des progrès depuis le Sachant qu’aujourd’hui nous sommes à 5 fois plan bâtiment Grenelle, plus… Nous avons donc 40 ans pour réaliser mais nous ne sommes ce parcours, avec un objectif intermédiaire de pas encore dans le 150 kWh par m² en 2020. Nous avons certes fait rythme permettant des progrès, mais nous ne sommes pas encore de penser qu'on dans le rythme permettant de penser qu’on atatteindra en 2020 le teindra en 2020 ce point d’étape. point d'étape fixé à une consommation

Le Plan Bâtiment durable vise donc à accélémoyenne de 50 kWh rer ce rythme en mettant en œuvre des actions par m2 et par an. plus amples. La première vise la construction. La réglementation thermique dite RT 2012, applicable depuis le 1er janvier 2013, enjoint aux constructeurs et aux promoteurs d’utiliser tout procédé de leur choix en vue d’atteindre une performance d’ores et déjà fixée à 50 kWh par m² et par an. C’est 25


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France trois fois mieux que la précédente réglementation, la RT 2005, qui fixait un objectif de 150 KWh par m² et par an. La RT 2012 se met en place sans grande difficulté, ni technique ni financière, l’objectif initial étant que le coût pour l’acquéreur reste sensiblement identique. Déjà se profile une nouvelle réglementation, à l’horizon 2020, qui ne sera plus seulement caractérisée par la performance énergétique, mais sera davantage environnementale. Comment se mesurera cette "performance environnementale" ? Cette notion couvre trois sujets. • Le premier consiste à tenir compte du poids carbone par m², et pas seulement de la consommation d’énergie. Ce qui reviendra à privilégier les matériaux dits "décarbonés", qui émettent nettement moins de gaz à effet de serre au moment de leur fabrication et/ou de leur acheminement. Le ciment fabriqué à proximité d’un chantier, en France, sera ainsi davantage prisé que celui dont le clinker - la base du ciment - nous arrive par voie maritime par exemple. • La deuxième orientation vise à remettre l’occupant au centre du sujet. Il ne faut pas oublier que ces bâtiments nouveaux sont faits pour accueillir des gens ! On va donc s’occuper davantage du confort d’été, de la qualité de l’air intérieur, de l’isolation phonique… On s’est en effet aperçu qu’un bâtiment mieux isolé de l’extérieur est un bâtiment paradoxalement plus bruyant. Réduire le bruit de fond extérieur conduit à mieux entendre les sons intérieurs, d’étage à étage ou d’appartement à appartement, sur le même palier. Il faut donc prévoir d’améliorer l’isolation phonique des appartements. • La troisième orientation concerne les bâtiments à énergie positive, qui vont donner lieu à une production d’énergie à partir du bâtiment. On peut penser que cette production ne doit pas systématiquement être réalisée par chaque bâtiment pour assurer l’équivalent de sa consommation, mais être mutualisée au plan de la parcelle, du quartier, voire de la ville. Cette orientation soulève la question de l’autoconsommation, que la réglementation actuelle ne permet pas. Est-ce que l’énergie ainsi produite sera 26


Villes humaines, villes durables ? intégralement mise sur le réseau, ou sera-t-elle en partie autoconsommée, seul le surplus étant redistribué ? La philosophie est bien sûr différente, et a des implications en termes d’organisation urbaine ou d’égalité d’accès des citoyens à l’énergie. Mais ces sujets concernent pour l’essentiel le neuf. Qu’en est-il de la rénovation ? C’est le deuxième pilier du Plan bâtiment durable. Et c’est le plus important. Quantitativement, le neuf n’assure qu’1 % environ du renouvellement du parc immobilier par an : 99 % du sujet concerne donc l’existant ! Et ici, sont privilégiées l’incitation, la recherche d’adhésion. Pas encore, ou très peu, l’obligation. Il s’agit de susciter l’adhésion des gens en faisant appel à leur intelligence, puis de les inciter à l’action et d’aider les plus fragiles à franchir le pas. La nouveauté du plan, depuis son renouvellement en 2012, tient à la hausse des objectifs à atteindre : 500 000 logements par an. Et deux sujets doivent être traités dans ce cadre. Quel accompagnement proposer aux ménages pour qu’ils arrivent à prendre la décision et comment sécuriser la mise en œuvre de cette décision ? Quels financements, autres que d’État, peut-on inventer Quel accompagnement demain ? L’un de nos chantiers concerne donc proposer aux ménages ces financements innovants, notamment en pour qu'ils arrivent à partenariat avec la Caisse des dépôts, chargée prendre la décision et d’une mission sur ce sujet. comment sécuriser La FNAIM Paris Ile-de-France a mis en place un système d’éco-primes, avec son partenaire Economie d’Energie SAS. Que pensezvous de ce type d’initiatives ?

la mise en œuvre de cette décision ? Quels financements, autres que d'État, inventer demain ?

Cela va bien évidemment dans le bon sens et participe à ce double objectif qu’il est indispensable d’atteindre. Il faut en effet réussir, d’une part à accompagner les ménages dans leur prise de décision, et d’autre part à inventer des relais financiers pour remplacer ceux d’un État devenu incapable de les mettre en œuvre durablement. Lorsque l’État dit qu’il faut mettre en place un "service public de l’efficacité énergétique", 27


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France cela ne signifie pas qu’il faut créer des instances de nature administrative pour accompagner les ménages, mais qu’il faut engager partout une démarche d’intérêt général pour accompagner les ménages et développer les capacités de financement. L’action de la FNAIM Ile-de-France s’inscrit indubitablement dans ce projet. Plus globalement, qu’attendez-vous des professionnels de l’immobilier ? J’ai tendance à penser que l’État a eu un rôle essentiel dans la phase d’initiation, puis d’impulsion du processus. Mais qu’aujourd’hui, son rôle est devenu moins important. L'accompagnement des citoyens est nécessaire, on l’a vu, mais le relais est désormais celui de l’économie, et les leviers d’action sont ceux de la vie immobilière ordinaire. C'est-à-dire qu’il faut que les professionnels de l’immobilier jouent leur rôle de conseils, mais aussi de pilotes, qu’ils fassent preuve de créativité, mutualisent des moyens d’intervention pour emmener leur clientèle actuelle ou à venir dans cette démarche vers des immeubles sobres en énergie et des villes moins carbonées. C’est leur rôle en tant qu’acteurs privés et ils n’ont pas grandchose à attendre de l’État, désormais, dans cette mobilisation. Mais c’est d’autant plus important qu’ils ont une chance à saisir, une opportunité de donner de la valeur à leur rôle, à leur métier. Le sujet des économies d’énergie est créateur de valeur. Si un syndic de copropriété propose à ses clients une rénovation énergétique de leur immeuble et qu’il arrive à monter le financement, je pense que ces clients apprécieront à sa juste mesure cette valeur ajoutée. De même pour les administrateurs de biens ou ceux qui font de la gestion locative. Pour cela, il faut que les professionnels soient formés, qu’ils soient au bon niveau pour entraîner le mouvement. Mais je ne doute pas que ce soit l’une des priorités d’un syndicat professionnel comme la FNAIM. Comment éviter que la crise économique et sociale n’annihile les incitations à engager les travaux de mise en conformité des logements ? 28


Villes humaines, villes durables ? La réponse est un peu paradoxale. À première vue, on peut estimer que la crise ne va pas annihiler ce mouvement. Tout au plus peut-elle le ralentir en raison des disponibilités financières contraintes des ménages, de leurs priorités d’épargne aussi. Mais sur une trajectoire de 40 ans, ce ne sera pas forcément significatif. A contrario, on peut aussi penser que, pour certains acteurs, la crise va accélérer le processus de transition écologique. Le concept d’économie d’énergie parle assez bien à une société convaincue qu’il est temps d’en finir avec la gabegie et le gaspillage. Les ressorts de la crise économique générale et ceux de la démarche écologique en particulier ne sont pas en opposition. La transition écologique n’est pas à contre-courant de la crise, elle en est une condiIl y a une interaction tion de sortie. C’est ce qui explique que la rénovation énergétique vous paraisse si prioritaire ?

évidente entre l'enveloppe et les occupants. On occupe différemment un local plus isolé. À terme, c'est la façon d'habiter ou de travailler, d'utiliser des logements professionnels, qui sera modifiée.

Je me retrouve assez bien dans le livre de Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle. Le mouvement de transition est engagé à une échéance à plusieurs générations. Le bâtiment et la ville en sont des éléments centraux, parce qu’à terme c’est la façon d’habiter ou de travailler, d’utiliser les logements professionnels, qui sera modifiée. Comme il y a une interaction évidente entre l’enveloppe et les occupants, on occupera différemment un local plus isolé. Les relations humaines dans les entreprises qui se sont installées dans des bâtiments à énergie positive ont d’ores et déjà évolué. Auparavant, on s’interpellait de bureau à bureau, à haute voix ; maintenant, on y chuchote. Auparavant, chacun avait sa bouilloire ; maintenant, il y a des tisaneries et l’on s’y retrouve volontiers. C’est une autre façon de gérer les relations humaines. On observe la même évolution des comportements des habitants dans les logements sobres en énergie. Que vous inspire finalement la situation du logement en France ? Quelle serait pour vous une réelle politique publique dans ce domaine ? 29


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France La situation du logement peut paraître décourageante. Alors que, bon an mal an, 2 % du PIB sont consacrés à son financement, on n’observe pas de réduction significative des crises du logement… Les raisons sont nombreuses, mais quatre actions pourraient structurer, à mon sens, une véritable politique du logement. • Première action : développer le parc locatif à partir de l’initiative privée. Cela suppose de donner un statut économique aux bailleurs privés, de les reconnaître comme des entrepreneurs qui fournissent une prestation de services et qui peuvent à ce titre amortir leur outil d’investissement, l’amortissement étant accéléré, en contrepartie d’un engagement social - comme c’est le cas avec beaucoup d’efficacité en Allemagne. Le bailleur privé étant bien traité sur le plan économique, il ne se crispera plus sur la relation locative, car son intérêt sera de maintenir de façon pérenne le locataire dans son logement. C’est là une interaction entre une situation économique stable et améliorée du bailleur privé et une situation juridique stable et améliorée du locataire. • Deuxième action : se fixer comme objectif que nos compatriotes soient, majoritairement, propriétaires de leur logement au moment de leur retraite. C’est-à-dire répondre à la volonté très forte des Français d’être propriétaires, mais de façon un peu plus modeste que l’énoncé d’une "France de propriétaires" par le précédent Président de la République. L’objectif serait de favoriser une épargne retraite fléchée vers le logement. Ce serait en outre un moyen habile de réconcilier les Français avec la retraite par capitalisation, qui pourrait ainsi devenir "politiquement correcte", car socialement utile, donc acceptable par tous. • La troisième action concerne les coûts de construction. Nous construisons trop cher en France car nous ne sommes pas encore entrés dans l’ère de l’industrie immobilière. C'est-àdire une activité où l’on met en œuvre des process avant que chaque corps de métier n’aligne ses procédés. Aujourd’hui, chacun vient développer son art sans lien avec celui de l’autre. Il en résulte beaucoup de non qualités et une dépense de main30


Villes humaines, villes durables ? d’œuvre tout à fait excessive. Par une démarche collective d’approche du chantier, orientée sur la recherche de productivité, il est possible de maîtriser le temps de main-d’œuvre et donc de réduire considérablement les coûts de construction. C’est un vrai défi pour notre société. Mais tous les pans de l’industrie ont fait cette révolution. Il n’y a aucune raison de considérer l’industrie immobilière comme un secteur à part : les questions de compétitivité des entreprises concernent, aussi, l’immobilier et la construction. • Le quatrième sujet est celui de la gouvernance. Il faut impérativement développer le pouvoir des intercommunalités en matière d’urbanisme et de logement. Tant que l’on restera dans cette situation d’écartèlement entre un État impuissant, mais disposant en théorie des principaux leviers d’action, et des communes trop petites, mais qui ont en main la décision d’urbanisme, on ne progressera pas. La gouvernance n’est pas un sujet pour commission, congrès ou colloque : c’est un sujet tout à fait essentiel, en particulier dans une région comme l’Ile-de-France !

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Tant que l’on restera dans cette situation d’écartèlement entre un État impuissant, mais disposant en théorie des principaux leviers d’action, et des communes trop petites, mais qui ont en main la décision d’urbanisme, on ne progressera pas.



"La transition énergétique n'est pas qu'affaire de coûts et de prix" Pierre Veltz

Président directeur général de l’établissement public Paris-Saclay

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Vous estimez que l’efficacité énergétique est au cœur des enjeux territoriaux. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que l’efficacité énergétique d’un territoire urbain ? L’efficacité énergétique, c’est d’abord la sobriété, c’est-à-dire la maîtrise de la consommation des ressources, qu’elles soient fossiles ou renouvelables. Mais il faut sortir d’une approche purement individuelle - et culpabilisante - de la sobriété énergétique, et l’analyser à l’échelle territoriale. Utiliser de l’énergie n’est pas un péché. En revanche, il est indispensable d’examiner globalement le fonctionnement énergétique du territoire. Le contraire de l’efficacité énergétique est d’injecter quelques gouttes de BEPOS (Bâtiment à Energie Positive) dans un océan énergivore… Pour être sobre, un territoire doit donc être intelligent. Il doit mobiliser les ressources locales et tirer parti des complémentarités entre acteurs en organisant les échanges entre la production et la consommation ; entre la piscine, qui a besoin de chaleur toute l’année, et les immeubles de bureaux, qui en ont souvent trop. Cela demande de développer des solutions collectives, comme un réseau de chaleur par exemple, qui ne sont pas toujours les plus faciles à mettre en œuvre en raison de problèmes d’acceptabilité sociale ou des réflexes d’optimisation économique individuelle. Au moment de concevoir leurs projets, les collectivités locales et les aménageurs doivent donc se doter d’une vision claire des enjeux énergétiques propres à leur territoire, dans toutes leurs complexités. 33


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Ceci dit, la question à la fois centrale et très difficile est celle des échelles. Ce qui est pertinent à une échelle donnée peut engendrer des effets négatifs dans un périmètre plus vaste (un écoquartier mal situé mais très attractif engendrant des flux de déplacements nouveaux très élevés, par exemple). Les territoires sont des systèmes ouverts, et une addition d’optimisations locales ne conduit pas nécessairement à un optimum d’ensemble. Toute politique sur un bâtiment, sur un ensemble de bâtiments ou sur un territoire devrait se préoccuper de ces effets à échelle plus vaste. Faut-il penser une ville plus "compacte", aux activités plus concentrées ? L’étalement urbain est-il réellement "l’ennemi" du développement durable ou pourrait-il être compatible avec une approche plus économe des dépenses d’énergie ? Il y aurait beaucoup à dire sur cette opposition ritualisée entre compacité et étalement, qui tient lieu de credo urbanistique en France, mais qui mérite d’être affinée. Bien sûr, la ville compacte, parce qu’elle va de pair avec une forme de "densité énergétique", rend plus facile le déploiement des solutions collectives nécessaires aux échanges et à une utilisation plus intensive des ressources locales. Le cœur de notre stratégie urbaine à Paris-Saclay est d’ailleurs de promouvoir des quartiers compacts, en lieu et place des aménagements très étalés qui sont aujourd’hui la norme sur le plateau. Cependant, il faut être plus précis. Premièrement, il y a étalement et étalement : ce qui est très mauvais, c’est le saupoudrage de petits lotissements qu’on a connu en grande périphérie de nos villes, en Ile-de-France notamment. Loin des transports en commun, et faute de taille critique permettant un regroupement des services, ces formes urbaines multiplient les besoins de déplacements (pour faire les courses, emmener les enfants à l’école, au sport, etc.), obligeant souvent les ménages à avoir deux voitures. Des modèles urbains distribués, avec des quartiers importants organisés autour de pôles de transports en commun, comme à Berlin, permettent en revanche de concilier 34


Villes humaines, villes durables ? la soutenabilité et les modes de vie proches de la nature que recherchent beaucoup de nos concitoyens. Deuxièmement, n’oublions pas que la forte densité, du type de celle de la première couronne parisienne, produit aussi des surcoûts. Enfin, les problèmes que pose le modèle de l’étalement urbain ne sont pas d’abord énergétiques : bien sûr, les périurbains utilisent plus la voiture individuelle et moins les transports en commun ou le vélo ; mais les habitants des centres-villes prennent davantage l’avion… Si on raisonne sur l’année, et pas seulement sur la semaine ouvrable, on a de bonnes raisons de penser que la dépense énergétique de mobilité est davantage corrélée au revenu qu’à la localisation ! L’étalement urbain, sur le mode français, est en réalité insoutenable pour d’autres raisons : risque social (dont une forte sensibilité au prix de l’essence), consommation anarchique de foncier agricole et naturel, etc. Le modèle de la ville hyperdense est vertueux à de nombreux égards. Il correspond souvent à un moment du cycle de vie des ménages. Mais il n’est pas le seul possible. Outre le fait qu’en l’absence de régulation du marché foncier, et le vrai sujet est là, ce modèle tire les prix vers le haut et accentue les effets de centrifugation/éviction des moins riches. Je suis convaincu que les révolutions en cours (celles du numérique, de la mobilité) auront un impact considérable sur nos Le modèle de la modes de vie, et rendront possible de nouvelles ville hyperdense est formes de relation entre ville, densité, nature et vertueux à bien des mobilité décarbonée. La relation entre les dimenégards. Mais il faut sions énergie/GES et les formes urbaines peut éviter de construire changer. Et il faut se méfier des approches modans des lieux où les nocritères, et éviter de construire dans des lieux gens ne veulent ni vivre où les gens ne veulent ni vivre ni travailler… ni travailler… Quels liens peut-on établir, à l’échelle de la ville, ou plus largement du Grand Paris, entre efficacité énergétique et dynamisme économique ? L’énergie, tant en termes de disponibilité que de coûts, est un important facteur de compétitivité au plan national. Proposer une énergie à un coût maîtrisé, c’est se donner de bons atouts 35


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France pour la compétitivité du pays. La France, on le sait, est aujourd’hui plutôt bien placée à cet égard. La tendance à la raréfaction de l’énergie pourrait complexifier la donne. Demain, le coût de l’énergie sera davantage dépendant de facteurs locaux, car les ressources le seront davantage. Les territoires qui seront sobres et capables de proposer une énergie à moindre coût seront plus attractifs. La décentralisation de l’énergie que l’on sent poindre est une piste prometteuse et stimulante. Mais on ne peut pas la poursuivre à n’importe quel prix. Une forme de péréquation reste nécessaire. Le nouveau contexte est également une source d’opportunités pour les territoires qui auront su s’adapter. La transition énergétique vers les renouvelables et la décentralisation ne peuvent pas être évaluées seulement au regard des coûts et des prix. Les enjeux industriels de positionnement sur les nouveaux marchés sont essentiels. En Allemagne, où, rappelons-le, le prix de l’énergie est très supérieur au nôtre, cet aspect des choses est omniprésent, y compris dans la vision des Verts. Ces enjeux industriels concernent les composants (photovoltaïque, éoliennes, etc.) mais aussi la capacité de les faire fonctionner en systèmes. Sous cet angle, les effets de démonstration, sous forme de prototypes, mais aussi en vraie grandeur, sont un élément de compétitivité, appelant la coopération des industriels et des pouvoirs publics. Au dix-neuvième siècle, Paris a su impressionner le monde entier par sa capacité à créer des réseaux techniques très avancés qui fonctionnent encore aujourd’hui. Le projet du Grand Paris doit être considéré sous cet angle : exemplarité écologique et efficacité énergétique, recherche de résilience, dynamisme technologique et industriel sont trois dimensions qui ne s’excluent pas, bien au contraire. Quelle est l’importance de l’urbanisme et du logement dans cette vision stratégique ? On connaît les chiffres. Le bâtiment représente 43 % des consommations énergétiques, un quart des émissions de GES. Quant au logement, il absorbe en moyenne 30 % du budget 36


Villes humaines, villes durables ? des ménages. Il est donc à l’évidence un élément crucial pour la transition énergétique. Je n’insiste pas sur les enjeux bien connus qui concernent directement le logement en tant que tel : • risque de renchérissement des charges et d’augmentation de la précarité (je note au passage que la notion de "précarité énergétique" ne va pas de soi car elle n’est pas perçue isolément d’autres aspects, plus globaux) ; • importance cruciale de la rénovation thermique, alors même que le marché dans ce domaine décolle difficilement ; • rôle essentiel des comportements, surtout lorsque les bâtiments eux-mêmes s’approchent de performances élevées... Je voudrais en revanche souligner l’importance de l’interaction entre le logement et les autres composantes d’un quartier, c’est-à-dire le logement comme maillon essentiel de l’équilibre énergétique global d’un territoire. C’est une problématique majeure pour nous, dans le cas de Paris-Saclay, puisque nos programmes se répartissent environ à part égale entre logement, accueil d’entreprises et enseignement supérieur/recherche. Ainsi, le logement a des besoins en chaleur assez bien répartis sur l’année, car la production d’eau chaude sanitaire représente 50 % du total. Il est donc Le logement a des possible de jouer de la complémentarité entre besoins en chaleur les logements et des programmes qui ont des assez bien répartis besoins symétriques en froid. La mixité fonctionsur l'année, car la nelle est un atout en matière énergétique ! Enproduction d'eau fin, le logement est le lieu-support des usages chaude représente émergents de l’énergie. Pensons à l’alimenta50 % du total. La tion des appareils électroniques (ordinateurs, mixité fonctionnelle téléphones, etc.), mais aussi à la recharge des est un atout en matière véhicules électriques : autant d’usages qui auénergétique ! ront de plus en plus d’impact sur le réseau de distribution d’électricité. Le sujet du logement doit donc être abordé comme un élément d’une optimisation globale, dans une dynamique dont les moteurs relèvent de la technique, mais surtout, en dernier ressort, des modes de vie. Quels sont l’expérience et les projets de Paris-Saclay dans ce domaine ? 37


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Paris-Saclay est un extraordinaire laboratoire pour la transition énergétique pensée dans ses relations au territoire. C’est d’abord une concentration remarquable de compétences, industrielles et de recherche, sur un très large spectre de sujets. Plusieurs IEED (instituts d’excellence pour les énergies décarbonées) y sont en création : photovoltaïque, efficacité des systèmes industriels et urbains, mobilité décarbonée et communicante. Le pôle de compétitivité System@tic est aussi très présent sur ces sujets. Un tissu remarquable de PME et de grands comptes (EDF, Air Liquide, Alstom, Total, Renault, PSA, Valeo, notamment), sans compter les grands organismes (CEA, CNRS), les écoles et les universités composent un écosystème capable d’apporter à la fois des technologiques très spécifiques et des visions systémiques. D’autre part, le projet de campus urbain que nous menons (avec des programmes mixtes, comme je l’ai dit) constitue un terrain idéal pour déployer, avec les collectivités locales, une stratégie d’"éco-territoire" innovante et surtout intégrative, articulant trois échelles : les bâtiments eux-mêmes, les quartiers et le très vaste ensemble qui va de l’école polytechnique au CEA, sur plus de 6 kilomètres. Les mots clés de cette stratégie sont simples : sobre, malin (c’est-à-dire systémique et intégratif) et local (raisonnablement). En matière énergétique, nous étudions la faisabilité d’un réseau de chaleur à basse température alimenté par la géothermie dans l’Albien1. Cette boucle d’eau tempérée a l’immense avantage de permettre l’échange de flux d’énergie entre les acteurs. Elle sera combinée à une gestion intelligente de l’apport des autres énergies renouvelables (photovoltaïque surtout) et de l’électricité pour composer une "smart grid multi-énergie". Cette stratégie est bien sûr articulée avec les sujets essentiels de la mobilité, du métabolisme urbain (déchets, valorisation des échanges avec les activités agricoles et forestières), et de la gestion de l’eau. Un magnifique et vaste chantier, à l’image du projet Paris-Saclay dans son ensemble !

La nappe de l'Albien du bassin de Paris est une nappe d'eau souterraine qui contient des réserves estimées à 700 milliards de m3. 1

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"La situation est aujourd’hui bloquée. Or le temps est compté ! "

Didier Ridoret

Président de la Fédération Française du Bâtiment - FFB

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Parmi les vingt mesures gouvernementales récemment présentées dans le Plan d'investissement pour le logement (PIL), cinq portent sur la rénovation énergétique. Quelles sont-elles et à quels objectifs répondent-elles ? Avant de répondre précisément à cette question, il importe de signaler que ce qui change fondamentalement avec ce Plan, c’est le ton, la petite musique autour de l’immobilier. Dans les annexes au projet de Loi de finances pour 2013, en septembre/ octobre 2012 donc, l’immobilier était encore la source de presque tous les maux de la France, du fait des ponctions opérées sur les revenus des ménages, sur leur épargne, de son impact sur les salaires et donc sur la compétitivité française, etc. Fin mars 2013, il est devenu un secteur de croissance, à soutenir. L’approche des pouvoirs publics s’est inversée. Les cinq mesures en faveur de la rénovation énergétique s’inscrivent dans ce contexte, alors que tout à chacun a bien pris conscience que, d’une part, sans rapide et large développement de l’amélioration du parc existant, tant en matière de logement que de non-résidentiel d’ailleurs, il n’y aurait pas de transition énergétique réussie, et que, d’autre part, la situation était aujourd’hui bloquée. Les mesures prises en matière d’efficacité énergétique dans le cadre du PIL sont de trois ordres. 39


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Premièrement, deux d’entre elles visent à simplifier, harmoniser et, en quelque sorte, professionnaliser le conseil et l’accompagnement des ménages aux plans techniques, financier, etc., sur tout le territoire. À cette fin, le gouvernement prévoit la mise en place de guichets uniques (mesure 16), tant au plan national que local, ainsi que d’un millier d’ambassadeurs dédiés plus spécifiquement aux ménages en situation de précarité (mesure 17). Deuxièmement, à nouveau deux mesures adressent un message rassurant quant à l’évolution des aides à la rénovation énergétique. Il s’agit, d’une part, de la sanctuarisation du budget global fixé pour le Crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) et l’éco-prêt à taux zéro, ainsi que du renforcement des subventions distribuées par l’Anah (mesure 18), d’autre part, de l’amélioration de l’éco-prêt logement social destiné aux travaux énergétiques sur le parc locatif social (mesure 19). Troisièmement, une dernière mesure (n° 20) a pour objectif d’encourager la professionnalisation de la filière par une nouvelle confirmation de la mise en place de l’éco-conditionnalité. En clair, une entreprise "reconnue Grenelle environnement" (RGE) pourra attester de l’éligibilité des travaux réalisés aux différentes aides (éco-prêt à taux zéro, CIDD, subventions de l’Anah – dont la nouvelle prime de 1 350 € –, etc.) À défaut, il faudra faire intervenir un intermédiaire pour contrôler la conformité des travaux de performance énergétique et pouvoir bénéficier des mêmes aides. De notre point de vue, toutes ces mesures vont dans le bon sens. De fait, même si elles ne sont pas de nature à permettre à elles seules d’atteindre les 500 000 logements rénovés énergétiquement par an visés par le Gouvernement, elles sont néanmoins indispensables pour permettre de l’envisager. Reste que le temps est compté. C’est pourquoi il faut saluer la très récente annonce d’une mise en œuvre de l’éco-conditionnalité à partir du 1er juillet 2014. C’est une étape cruciale dans l’application de ce plan, qui marque une avancée majeure pour le marché de la rénovation énergétique des bâtiments et doit permettre un soutien fort à l’emploi. 40


Villes humaines, villes durables ? Quel lien établissez-vous entre urbanisation et développement durable ? La densification, en particulier, est-elle inéluctable ? Le lien fort passe par ce qu’on appelle l’artificialisation des sols, c’est-à-dire la transformation d’usage de ces derniers. Plus particulièrement, en ce qui nous concerne, c’est la question de l’extension des villes, de l’urbanisation des zones périurbaines qui est posée à la filière de la construction. Du strict point de vue du développement durable, toute modification de l’usage naturel d’une parcelle constitue une atteinte. Trois choses doivent toutefois être précisées. Premièrement, au cours des vingt-cinq dernières années, seuls 15 % de la construction neuve (logement et non-résidentiel) s’est faite hors zones urbanisées. Deuxièmement, du point de vue d’une entreprise de bâtiment, construire en centre-ville ou construire au milieu des champs, c’est à peu près égal. D’un côté comme de l’autre, c’est de l’activité et c’est ce qui compte aujourd’hui. Troisièmement, du point de vue du maître d’ouvrage ou de l’acquéreur, les choses sont en revanche très différentes, notamment parce que les prix diffèrent, du fait, certes, du coût du foncier, mais aussi des coûts Pour nos de construction. Les règles, les normes, les agglomérations, contraintes de déplacement, de stationnement, l'intérêt de la etc. conduisent à des coûts d’intervention sendensification est siblement plus élevés en zone urbaine. Certes, indéniable. Il convient on peut espérer tirer quelques avantages en de soutenir un tel contrepartie, pendant la durée d’occupation du mouvement. bien (services publics de transport, bénéfice des réseaux de chaleur,…) mais l’horizon auquel ces avantages finiraient par compenser le surcoût initial est bien au-delà de celui d’un ménage moyen. Pour autant, l’intérêt de la densification de nos agglomérations est indéniable. Il convient dès lors de soutenir, y compris budgétairement, un tel mouvement pour qu’il se développe réellement. A contrario, personne ne comprendrait que l’on commence par l’interdiction de toute artificialisation car dans ce 41


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France cas, on peine à imaginer comment articuler offre et réponse aux besoins, en quantité et en prix, alors que le pouvoir d’achat des ménages baisse et que le marché du crédit s’est nettement affaissé. Ce thème passionnant de la densification, ainsi que les voies et moyens à réunir pour parvenir à un équilibre satisfaisant, reste encore largement débattu. La FFB vient d’ailleurs d’y consacrer un beau numéro de sa revue Constructif1. En matière d'efficacité énergétique, plutôt qu'une obligation de travaux, vous plaidez en faveur d'une "incitation" bien comprise en direction des logements anciens. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Comment s’assurer de l’efficacité de cette incitation ? Le choix de la FFB en faveur de l’incitation et du refus de l’obligation de travaux découle d’une raison simple et forte, que nous nous sommes forgée en analysant les expériences passées : il n’y a rien de mieux qu’une obligation pour bloquer le marché ! Tout d’abord, personne n’imagine évidemment que les capacités financières des ménages sont extensibles à l’infini. Or, engager des travaux réellement efficaces du point de vue de la consommation énergétique, c’est-à-dire atteindre ou au moins tendre vers le niveau BBC "existant", présente un coût non négligeable : de l’ordre de 40 000 € à 60 000 € dans bien des cas. Faute de retour sur investissement à un terme raisonnable, avec un budget des ménages contraint, quatre raisonnements peuvent être tenus : soit des aides publiques massives viennent accompagner l’obligation, ce qui est aujourd’hui peu probable ; soit les ménages coupent fortement dans leurs autres dépenses (alimentaires, vestimentaires, de loisir, etc.), ce qui n’est guère réaliste ; soit on définit une obligation sans effet car non respectée (mais qui pourrait l’imaginer ?) ; soit on bâcle les travaux ! Par ailleurs, comment croire que l’obligation s’appliquera sans difficulté dans les copropriétés ? Comment croire aussi que de potentiels investisseurs en secteur locatif seront totalement insensibles à ces coûts supplémentaires ? 1

Densifier la ville ?, Constructif n°35, juin 2013, www.constructif.fr. 42


Villes humaines, villes durables ? Enfin, comment faire lorsque les coûts des travaux de mise à niveau s’avèrent supérieurs à la valeur vénale des biens, voire en cas de "negative equity", c'est-à-dire lorsque ces mêmes coûts s’avèrent supérieurs au capital amorti ? Il y a fort à craindre que de telles situations se traduisent par des retraits massifs de biens disponibles sur le marché, tant en accession qu’en locatif. La crise du logement en serait aggravée d’autant, au détriment des plus fragiles. Au fond, il y a dans l’idée d’obligation une double perversion. La première revient à masquer, par l’édiction d’une énième règle, le fait que le marché de la rénovation énergétique ne se développe pas au rythme espéré parce que, dans beaucoup de cas, le temps de retour sur investissement des travaux sont supérieurs à vingt, trente ans ou plus quand ce n’est pas 100 ans. En d’autres termes, la loi pallierait le fait que le baril de pétrole n’atteigne pas les 200 $ prévus par certains ! La seconde perversion revient à faire miroiter le développement du marché. Mais, aujourd’hui comme il y a quelques années, comment croire ceux qui annoncent 40, voire 50 milliards d’euros d’activité supplémentaire, alors que le marché de l’amélioration-entretien logeTout n'est pas additif ! ment, dans son ensemble, ne représente qu’un Le budget alloué aux peu plus de 40 milliards d’euros ? Tout n’est pas travaux d'efficacité additif, le budget alloué aux travaux d’efficacité énergétique serait, énergétique serait, pour une large part, pris ailpour une large part, leurs, sur d’autres postes de dépenses et d’inpris ailleurs, sur vestissement. d'autres postes de dépenses et

Bref, nous ne croyons guère aux effets de l’oblid'investissements. gation pure et simple, nécessairement mal comprise par nos concitoyens. Il faut, dans un premier temps, qui peut encore être long, continuer à inciter. Quant à s’assurer du bon usage de ces incitations, la mise en place du guichet unique, l’éco-conditionnalité, ainsi qu’une relance de l’éco-prêt à taux zéro et la réouverture du PTZ+ à l’acquisition dans l’ancien avec de gros travaux de rénovation énergétique forment très probablement l’un des meilleurs cocktails de solutions qui puissent être imaginées. 43


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Comment voyez-vous l'évolution de l'offre de logements et de bureaux "énergétiquement efficaces" dans le cadre du Grand Paris à l'horizon 2020 ? L’urgence me semble être d’abord quantitative. Or, derrière cette approche se cache un véritable problème de fond qui touche à la régulation dans notre pays. Tant qu’on n’aura pas réussi à mettre en place un système qui permette à celui qui gère l’urbanisme et l’octroi des permis de construire de s’abstraire, au moins pour partie, des effets de la tendance naturelle des citoyens-électeurs au malthusianisme foncier, s’interroger sur les perspectives quantitatives en matière d’offre de logements et de bureaux n’aura guère de sens sur un ensemble, pour l’heure morcelé, tel que le Grand Paris. Or, la récente décision du Sénat de purement et simplement biffer les articles concernant l’Ile-de-France dans le premier projet de loi sur la décentralisation ne laisse guère d’espoir à court terme. Toutefois, si on se limite à la seule question de la qualité énergétique des biens, deux remarques, qui valent pour le Grand Paris mais aussi pour le reste du territoire national, peuvent être faites. Du côté du non-résidentiel, et notamment en ce qui concerne les bureaux, la "valeur verte" a d’ores et déjà pris du sens sur le marché. De ce fait, on doit s’attendre à un relèvement, probablement assez rapide, de la qualité énergétique de ce parc. Il pourrait d’ailleurs s’accompagner du développement d’un nouveau type de friches composées de bâtiments laissés en déshérence, faute de pouvoir les mettre au goût du jour moyennant un investissement jugé soutenable. Il n’en est pas de même pour le logement, où deux types de marchés semblent aujourd’hui se dessiner : ceux qu’on peut qualifier d’actifs ou de tendus, où la qualité énergétique des biens ne compte qu’à la marge dans la formation des prix ; et ceux qui sont atones, où une "passoire thermique" n’a plus de prix, car elle est simplement sortie du marché. La tendance d’ensemble pour l’avenir s’avère donc difficile à déterminer.

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Villes humaines, villes durables ? Pensez-vous que le savoir-faire français en matière d'efficacité énergétique peut constituer un modèle pour d'autres métropoles mondiales ? Il faut, je crois, se garder de tout triomphalisme excessif. Nous ne pourrons répondre à cette question qu’avec du recul, dans quelques années. Ce qui est déjà Si nous parvenons à vrai en revanche, c’est que nous construisons transformer l'essai, en marchant un modèle original, celui de la alors oui, toute la prise en compte du développement durable au filière aura défini une sein d’agglomérations existantes et en pleine méthode que nous croissance démographiques. Ce ne sont ni le pourrons exporter. développement de friches en centre-ville, ni la création de villes nouvelles qui motivent les travaux en cours. Si nous parvenons à transformer l’essai, alors oui, toute la filière aura défini une méthode que nous pourrons exporter.

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"Il en va de la valeur des biens mais aussi de leurs coûts d’usage, donc du coût de la vie" Myriam Maestroni

Présidente d’Economie d’Energie SAS

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Pourquoi s’intéresser autant à l’efficacité énergétique de son logement ? Soulignons de prime abord que l’intérêt porté au coefficient de performance énergétique d’un logement est très récent. Il n’est apparu qu’à partir de 2006, en application du Grenelle de l’environnement et de la loi de programmation et d’orientation de la politique énergétique (POPE). Mais il s’est rapidement démocratisé et fait aujourd’hui partie de notre quotidien. On a ainsi vu fleurir dans toutes les agences immobilières, qu’il s’agisse de vente ou de mise en location de biens, cette fameuse étiquette énergie. Dans les métiers de l’immobilier, non seulement cette mesure de l’efficacité énergétique est apparue, mais elle est devenue obligatoire pour toute transaction, en complément des autres diagnostics comme le bilan amiante. Or il est rare qu’une obligation se convertisse, ou se superpose, à une prise de conscience générale. Une telle diffusion n’est donc pas anodine : on mesure la capacité de notre société à changer notamment en fonction du temps qui sépare une décision de sa mise en application, de son appropriation par le grand public. Ceci posé, le fait de rendre obligatoire la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique - le fameux DPE - a permis de découvrir que son logement s’inscrivait dans une catégorie plus ou moins performante. Cela a également révélé que tous les logements n’étaient pas égaux face à la problématique de l’énergie. Si l’on a une maison en catégorie A, qui correspond 47


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France au standard que doivent respecter les constructions nouvelles, on va dépenser 50 kWh par m2 et par an. Mais si l’on est dans la catégorie G, le logement sera au minimum neuf fois plus consommateur d’énergie. Quand on sait que les prix du pétrole et du gaz sont appelés à augmenter, on va donc être rapidement confrontés à des coûts très importants. Des coûts d’autant plus importants que nous sommes désormais dans des économies sans croissance : le poids de l’énergie dans le budget total des ménages est appelé à progresser encore davantage. Comment calculer cette performance énergétique ? Comment l’optimiser ? Les professionnels qui se rendent sur place contrôlent une série de paramètres regroupés au sein de trois grands chapitres. Le premier concerne l’efficacité passive du bâtiment, qui s’apprécie d’abord en fonction de sa localisation, de son exposition, de ses caractéristiques géographiques et techniques. Il est bien évident, par exemple, qu’une maison située dans le nord de la France ou dans les Alpes sera plus consommatrice en chauffage que si elle était située sur la Côte d’Azur. C’est ce que l’on appelle la consommation liée à la zone climatique. De même, une maison exposée au Sud consommera moins que si elle était exposée au Nord. Et une maison de deux étages et de 200 m2 consommera davantage qu’une maison de plain-pied de 50 m2. Dans ce premier volet, un certain nombre de critères est également lié à la composition du ménage, aux caractéristiques familiales. Qui vit dans le bien en question ? Une famille nombreuse, des personnes âgées ou des enfants en bas âge, des retraités engendrent une consommation supérieure à celle d’un couple sans enfant qui, de surcroît, quitte le domicile de nombreuses heures dans la journée pour aller travailler. Le deuxième volet est plus directement technique. Il s’attache à l’étude de la consommation d’énergie en fonction de trois critères : le bâti (isolation, ventilation, régulation de la température), le système de chauffage et plus généralement les appareils consommateurs d’énergie (chaudière, radiateurs, type d’énergie consommée…), l’existence ou non d’apport par des 48


Villes humaines, villes durables ? sources d’énergie renouvelable (panneaux solaires, géothermie, etc.). C’est l’ensemble de ce bilan technique qui sera retracé dans le DPE. Celui-ci peut être réalisé par un professionnel – ce qui est obligatoire dans le cadre d’une transaction immobilière – mais chacun peut réaliser un pré-diagnostic gratuit, en ligne, afin de vérifier les caractéristiques de son logement, par exemple sur notre site www.economiedenergie.fr. Ce type d’outil est particulièrement adapté aux besoins des personnes qui envisagent de vendre ou de louer un bien, mais ne sont pas encore décidées, ou qui souhaitent améliorer la performance énergétique de leur logement pour faire des économies de chauffage et valoriser à terme ce logement. La troisième composante d’un bilan énergétique est liée aux comportements : réduire le nombre de bains, écourter le temps passé sous sa douche, baisser d’un degré sa température de chauffage, etc. C’est important mais marginal si le logement est mal isolé et équipé d’un système ou d’un matériel de chauffage ancien. D’ailleurs, le comportement n’est pas retracé dans le DPE. Cela sera peut-être le cas dans le futur, lorsque l’on aura les moyens de contrôler les consommations au regard de la composition du ménage, le type d’énergie utilisé par type de besoins, dans quelles proportions, La composante du etc. Aujourd’hui, on connaît notre consommation bilan énergétique liée d’électricité et de gaz, mais pas la proportion aux comportements des différentes utilisations dans notre consomest importante, mais mation d’énergie globale (pour laver notre linge, finalement marginale. faire bouillir notre eau, nous laver, etc.). Un comportement Les consommateurs sont parfois perdus entre les différentes normes et certificats, ou découragés par la complexité des démarches ou l’ampleur des travaux à prévoir. Comment les aider ?

vertueux ne sert pas à grand-chose si le logement est mal isolé et équipé d’un système ou d'un matériel de chauffage ancien.

Paradoxalement, le fait d’avoir mis en place cette mesure de l’étiquette énergie avec le DPE, qu’il soit réalisé en ligne ou par un professionnel, a déjà permis à chacun de comprendre quels étaient les principaux leviers qui pouvaient 49


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France faire la différence. Par exemple, sur notre site, on dispose d’un bilan des principaux points de consommation, auxquels est attribuée une note de 0 à 20, qui permet de repérer facilement les urgences. Il vaut mieux ainsi commencer par l’isolation d’une maison avant de s’intéresser aux modes de chauffage, prévoir le changement rapide d’une chaudière qui a plus de 15 ans d’âge, etc. En général, les familles de travaux sont connues. Mais, sauf projet de rénovation intégrale, le vrai sujet concerne leur hiérarchisation dans le temps, l’identification des priorités. Par quoi je commence ? C’est là que les outils proposés sur Internet trouvent toute leur pertinence, notamment lorsqu’ils permettent des simulations. Si les gens s’intéressent au sujet, c’est malheureusement en raison de l’état du parc immobilier. En France, aujourd’hui, on estime que plus de 54 % des logements - soit 15 millions - ont une étiquette énergie inférieure à D. Cette estimation est issue d’une étude conduite en 2011 à partir d’un échantillon de 100 000 DPE réalisés par le réseau national des diagnostics immobiliers. Elle est confirmée par la bonne perception que nous avons du parc français, qui comprend beaucoup de logements anciens dont les caractéristiques de construction, propres à chaque époque, sont connues. Or le marché actuel de la rénovation ne concerne que 150 000 à 300 000 logements par an et même les nouveaux objectifs fixés par l’État, à 500 000 logements, sont très en deçà des besoins réels. Dans une optique volontariste, un million de logements devraient être rénovés chaque année. C’est un rythme de croisière qu’il faudrait atteindre d’ici 3 à 5 ans si l’on veut vraiment avoir une action significative au regard du nombre de logements énergivores. Il est important de fixer le cap. Car on ne peut pas imaginer qu’à partir du moment où un problème est identifié, on ne se donne pas l’objectif – et les moyens – de le résoudre. Pourquoi une telle politique vous paraît-elle indispensable ? Le risque est de voir se dessiner une France à deux vitesses, avec des habitants bénéficiant de logements consommant 50


Villes humaines, villes durables ? moins de 50 kWh par m2 et par an, comme c’est la norme désormais pour le neuf, et d’autres occupant des logements anciens qui sont à plus de 170 kWh. Dans la durée, si l’on ne fait rien, l’écart entre le neuf et l’existant va continuer à se creuser, contribuant à dévaloriser toujours davantage les biens de personnes qui sont déjà, souvent, en situation de précarité énergétique. Compte tenu des coûts de l’énergie évoqués précédemment, mais aussi de la contraction du pouvoir d’achat des Français avec la crise économique et financière que nous connaissons, cela me semble socialement - et donc politiquement – intenable. Il en va de la valeur des biens mais aussi de leurs coûts d’usage, donc du coût de la vie. Or la population française est vieillissante. Comment accepter de voir se conjuguer le problème du vieillissement de la population avec les suraffectations budgétaires sur le poste énergie des personnes âgées qui, en général, ne vivent pas dans les logements récemment construits ? Ce serait dramatique. C’est un vrai sujet de société. Un vrai sujet économique aussi, puisque le chantier de la rénovation des logements est susceptible de créer 150 000 à 200 000 emplois non délocalisables. La rénovation C’est donc un sujet qui mérite une mobilisation énergétique des générale, beaucoup plus importante qu’initiée logements est un vrai jusqu’à présent. sujet de société, qui L’un des principaux obstacles n’est-il pas d’ordre financier ?

mérite une mobilisation générale, beaucoup plus importante qu'initiée jusqu'à présent.

Je ne le crois pas du tout. Je pense même que c’est un faux prétexte. Aujourd’hui, l’expérience prouve que cet argument ne tient pas. Il est évident que l’on ne peut pas demander à des familles de dépenser en moyenne 250 euros par m2 pour rénover intégralement leur logement, ce qui supposerait de mobiliser un budget total de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Non seulement elles n’en ont pas toujours les moyens, mais elles n’en ont pas davantage la possibilité, puisqu’elles vivent dans le logement en question, qui ne peut donc être "envahi" pendant des semaines par autant 51


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France d’artisans qu’il y a de corps de métiers concernés. Le réalisme suggère donc une rénovation progressive, étape par étape. Au moins pour le logement privé et individuel, qui est majoritaire en France. Dès lors, il devient plus facile pour nos compatriotes d’envisager, sur 3, 5 ou 10 ans, de faire remonter en gamme leur maison en réalisant les travaux dans l’ordre de priorité que permettent de fixer les outils, notamment basés sur Internet, que j’évoquais précédemment. Nous réfléchissons d’ailleurs beaucoup avec la FNAIM Paris Ile-de-France à des solutions comme le "Passeport énergie", qui permet d’étaler la dépense liée aux travaux de rénovation dans la durée. Envisagé sous cet angle, on se rend compte que le problème financier n’est certes pas supprimé, mais pour partie et très largement dépassé. Ce qui est certainement beaucoup plus important est de savoir quels travaux faire, dans quel ordre, avec quels types de professionnels et quelles garanties. D’autant plus que, parmi les financements mobilisables, figurent ceux liés aux certificats d’énergie… Les certificats d’économie d’énergie constituent en effet la deuxième mesure phare, avec les DPE, de la loi POPE issue du Grenelle. Plutôt que de payer un impôt supplémentaire à l’État, lié à leurs activités économiques, les grands opérateurs d’énergie sont incités à sensibiliser les Français à la nécessité d’économiser l’énergie, mais également à les aider à réaliser des travaux de rénovation. Les montants alloués au titre de ces certificats représentent 10 % du montant de ces travaux – un taux de prise en charge d’ailleurs susceptible d’augmenter à l’avenir. Les certificats d’économie d’énergie ont donc pour première vertu de proposer un financement d’amorçage. Mais ils se sont également traduits par un énorme effort de sensibilisation, d’information et finalement de conviction du grand public, dont on peut mesurer chaque jour l’efficacité. Economie d’Energie SAS a déjà traité 150 000 dossiers de Français ayant réalisé des travaux : dans 20 % des cas, leur décision a été prise suite à une discussion avec un proche, par effet de bouche à oreille. Cela signifie que vous ne changez plus votre chaudière 52


Villes humaines, villes durables ? comme auparavant, parce qu’elle est tombée en panne, mais parce que votre voisin vous a expliqué avoir changé la sienne en bénéficiant de l’ensemble des aides disponibles - dont les éco-primes permises par les certificats d’énergie et que nous instruisons en Ile-de-France en partenariat avec la FNAIM. Les certificats d’économie d’énergie, basés sur un mécanisme de fiscalité innovant, permettant une aide directe, ont donc un effet levier tout à fait déterminant. Chaque Français peut en bénéficier, sous réserve bien sûr de l’éligibilité des travaux qu’il envisage, tant en termes d’objectif (ils doivent favoriser l’efficacité énergétique du logement) que de mise en œuvre (ils doivent être réalisés par des professionnels, avec du matériel homologué). Bien utilisés et bien compris, ils constituent une manière originale d’aider à comprendre par quels travaux commencer et comment les financer. Quel est plus généralement le sens de votre partenariat avec la FNAIM Paris Ile-de-France et avec les professionnels de l’immobilier ? Ce partenariat constitue l’une de mes fiertés. Il s’appuie sur un réseau de professionnels reconnus, au contact direct des personnes qui ont à acheter, vendre Le partenariat conclu ou louer un bien immobilier, et qui sont donc avec la FNAIM Paris plus naturellement sensibilisées à l’importance Ile-de-France constitue de la performance énergétique de ce bien. La l'une de mes fiertés. Chambre FNAIM Paris Ile-de-France a comLa Chambre a compris pris avant beaucoup d’autres l’importance de avant beaucoup la vague de fond qui était en train de se lever. d'autres l'importance Et elle n’a pas été effrayée par la nouveauté de de la vague de fond ce vaste chantier. C’est suffisamment rare pour qui était en train de se être souligné car, en France, on donne souvent lever. l’impression que "nouveauté" est synonyme de "complexité" ! Je crois au contraire qu’il faut apprendre à vivre avec des choses innovantes qui, par définition, tranchent avec les habitudes prises. Les agents immobiliers se sont retrouvés, presque du jour au lendemain, à accoler une étiquette énergie à chaque bien faisant l’objet d’une transaction, et ils l’ont fait avec une très grande efficacité. Aujourd’hui, l’étape supplé53


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France mentaire est dans le conseil et l’accompagnement des clients sur ces sujets. Ces missions nouvelles induisent de nouvelles compétences. Un bien classé A ou B a-t-il la même valeur qu’un autre étiqueté F ou G ? Comment garantir la valeur - la "valeur verte" - de son logement ? Les anciennes caractéristiques sont bien sûr toujours valables. Un bien d’exception, ou situé dans un quartier d’exception, restera très bien valorisé. Mais la question de l’efficacité énergétique du logement sera de plus en plus importante. Tout particulièrement en Ile-de-France, où l’on retrouve tout l’éventail des formes juridiques et fonctionnelles, mais aussi des âges, de l’immobilier.

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"Il faut prendre conscience qu’il y a urgence" Claude Chetrit

Gérant de Paris France Immobilier Président adjoint de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Vous êtes un professionnel reconnu de l'immobilier. Pourquoi et comment améliorer la performance énergétique de son logement ?

L’objectif est de réduire notre consommation en énergie. Pour des raisons écologiques, en vue de diminuer les gaz à effet de serre. Pour des raisons économiques, parce qu’aujourd’hui nous consommons trop de combustibles que nous ne produisons pas nous-mêmes. Pour des raisons sociales enfin, car ce contexte génère pour les ménages des charges importantes, qui ne sont pas maîtrisées. Il faut donc agir ! Comment ? Notre rôle, en tant que professionnels de l’immobilier, est d’informer les copropriétaires sur toutes les possibilités qu’ils ont de remédier à cette situation de manière simple, et relativement peu coûteuse. Des idées, des comportements ou des travaux peuvent entraîner une baisse conséquente de la consommation de leur logement. C’est d’autant plus urgent que l’on a connu, ces trois dernières années, soit des hivers très longs et froids, soit moins longs mais très rigoureux. Les budgets de chauffage, tant individuels que collectifs, ont donc explosé. Quelles pistes concrètes d’amélioration peut-on indiquer aux propriétaires ? Dans un immeuble collectif de plus de 50 lots, avec un chauffage collectif, les copropriétaires n’ont pas le choix. Ils ont jusqu’au 31 décembre 2017 pour mettre en place un audit 55


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France énergétique. Si l’immeuble est inférieur à 50 lots, ils ne peuvent échapper au diagnostic de performance énergétique (DPE) amélioré. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de prendre conscience de la réalité des dépenses d’énergie d’un immeuble et d’étudier les moyens de réduire ces dépenses. Deux pistes sont immédiatement envisageables. Tout d’abord, le remplacement des fenêtres palières dans les parties communes, ainsi que celles de chaque propriétaire ou occupant. Ce point est important car une surconsommation dans un seul logement a des répercussions directes sur les coûts à supporter par l’ensemble de la copropriété. Ensuite, il faut assurer le remplacement de la chaudière, si elle est traditionnelle, par une chaudière à condensation. Si le chauffage collectif est au fuel, il peut être en toute hypothèse envisagé de le remplacer par un chauffage au gaz, un combustible certes toujours fossile mais moins coûteux, notamment parce qu’il ne nécessite pas d’être commandé, livré, entreposé, etc. Et pour les immeubles sans chauffage collectif ? Il n’y a pas encore d’obligation réglementaire, mais les mêmes problèmes se posent, en particulier s’agissant de l’isolation des murs et fenêtres. Les propriétaires doivent donc réfléchir aux solutions accessibles. Ils peuvent par exemple, à titre individuel, se doter de chaudières à condensation, réviser l’isolation des canalisations d’eau chaude sanitaire, mettre en place des robinets thermostatiques ou un programmateur pour adapter la température de chauffage aux conditions d’utilisation du logement, qui sont différentes en fonction des heures de la journée. D’autres idées relèvent du comportement des consommateurs. Et c’est souvent très simple. Par exemple, en baissant d’un degré son chauffage, on peut faire jusqu’à 7 % d’économie. De même en programmant une température moyenne de 19 °C, suffisante pour le confort du logement et de ses occupants. Il est dans notre rôle de professionnels de l’immobilier de donner ces conseils, ou de les rappeler, à nos clients. Ces conseils valent bien sûr également pour le logement individuel. Si le pavillon est énergivore, le propriétaire a tout intérêt 56


Villes humaines, villes durables ? à engager des travaux d’isolation (toit, caves, murs, fenêtres) et de mise aux normes des moyens de chauffage. Sinon, il rencontrera les plus grandes difficultés pour revendre son logement, tout en supportant d’ici cette transaction des charges énormes, et croissantes. Cette "obligation" vaut-elle également pour les propriétaires non occupants, qui louent leurs biens à l’année ? Bien sûr. Même si la pénurie des logements disponibles en Ilede-France joue aujourd’hui en leur faveur, les bailleurs doivent également se préparer à un moment où, avec le temps et la diffusion de l’information, la sensibilisation des clients, ceuxci arbitreront de plus en plus en faveur de logements basse consommation. Là encore pour des raisons très concrètes. Car si le chauffage n’est pas compris dans les charges, il s’ajoute au prix du loyer qui est bien souvent, déjà, au maximum des capacités de dépense de logement des ménages, dont le pouvoir d’achat n’est pas près de s’améliorer de façon spectaculaire. Qu’en est-il des immeubles de type haussmannien, ou en briques, très nombreux au cœur de l’agglomération parisienne, et dont les façades extérieures ne peuvent pas être traitées par les procédés actuels pour être isolées ?

On ne peut pas mettre une isolation extérieure sur un immeuble en pierre de taille ou même en brique, côté rue. Mais on peut travailler sur les courettes, isoler les caves, les parties communes, la toiture…

On ne peut pas en effet mettre une isolation extérieure sur un immeuble en pierre de taille ou même en brique, côté rue. Mais on peut déjà travailler sur les courettes, isoler les caves, les parties communes, la toiture… Si la copropriété refait une terrasse ou une couverture, il est impératif que soit prévue une isolation entre l’étanchéité ou la couverture et le plancher haut de l’immeuble. S’il y a un pignon à refaire, il est également possible de réaliser un bardage isolant. Il faut bien sûr que tout le monde joue le jeu. Je pense en particulier aux Bâtiments de France et aux architectes des villes, qui ne sont pas toujours conciliants au prétexte du respect des règles 57


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France d’urbanisme. C’est donc aussi aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités en assurant la cohérence nécessaire entre les objectifs des différentes politiques mises en œuvre. Aujourd’hui, dans les grandes agglomérations comme Paris, compte tenu des tensions du marché immobilier, le caractère énergivore d’un immeuble ou d’un appartement joue peu sur sa valorisation. Les clients restent en général davantage focalisés sur le prix que sur la performance énergétique. Mais ce n’est qu’une question de temps. La multiplication des constructions "Bâtiment Basse Consommation" (BBC) va contraindre rapidement l’ancien à s’aligner sur des normes énergétiques plus vertueuses. Regardez le XIIIe arrondissement, où se multiplient les rénovations ! Il m’apparaît donc important de tenir un langage de vérité à ce sujet. L’isolation complète, à Paris, a fortiori dans l’haussmannien, conduira à diminuer la superficie Carrez des appartements. Donc à prévoir le réaménagement intérieur de ces appartements, pour que cette réduction de surface ne s’accompagne pas d’une baisse de qualité de vie, de confort. De même, la différence de coût entre un ravalement simple et un ravalement isolant est aujourd’hui de 40 à 70 %, voire du simple au double. C’est important, mais comme l’on constate la multiplication d’entreprises spécialisées dans ce type d’isolation, la concurrence va permettre de diminuer progressivement les tarifs. Le coût des travaux à engager peut certes constituer un obstacle, mais il peut et doit être dépassé. Quelles aides les propriétaires peuvent-ils mobiliser ? Il existe aujourd’hui beaucoup d’aides financières. En premier lieu celles distribuées par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), en faveur des propriétaires bailleurs, des syndicats de copropriétaires et des propriétaires occupants. Pour les bailleurs, les aides concernent essentiellement les logements considérés comme indignes ou très dégradés. Les travaux d’amélioration peuvent également concerner l’adaptation au handicap du logement et de ses accès, ou encore la transfor58


Villes humaines, villes durables ? mation d’usage d’un local afin de le rendre habitable. Le logement doit atteindre, après les travaux, un niveau de performance énergétique correspondant au moins à l’étiquette "E". Pour les syndicats de copropriétaires, des subventions peuvent être accordées pour des travaux portant sur les parties communes et les équipements communs de l’immeuble. Pour les propriétaires occupants enfin, sous conditions de ressources et avec là encore un ciblage en faveur des logements les plus dégradés et des personnes handicapées, les subventions de l’Anah peuvent prendre en charge jusqu’à 50 % du coût des travaux de rénovation et de mise aux normes. Les propriétaires occupants aux ressources les plus modestes peuvent en outre accéder au programme "Habiter Mieux" spécifiquement dédié à la rénovation thermique des logements, en vue de lutter contre la précarité énergétique. Ce programme prend la forme d’une prime forfaitaire d’un montant de 1 600 €, accordée si les travaux réalisés améliorent d’au moins 25 % la performance énergétique du logement. Les collectivités locales distribuent aussi parfois des aides. Ainsi, le Conseil régional d’Ile-de-France propose un dispositif d’aide directe aux particuliers La géothermie est une propriétaires occupant une maison individuelle, spécialité francilienne, pour l’installation d’un chauffe-eau solaire, d’un dont bénéficient système solaire combiné, de capteurs photodéjà plus de 150 000 voltaïques, d’une toiture végétalisée, ou encore équivalents logements d’une pompe à chaleur géothermale. La géodans la région. thermie est en effet une spécialité francilienne, dont bénéficient déjà plus de 150 000 équivalents logements dans la région. Pour les travaux, le Conseil régional privilégie le secteur du logement social et les bâtiments tertiaires. Mais, par l’intermédiaire de l’Ademe, elle peut aussi aider à financer les diagnostics et audits énergétiques. D’autres collectivités ont leur propre dispositif. Ainsi de la Ville de Paris, qui peut intervenir en complément d’autres acteurs publics, avec son dispositif "Copropriétés : objectif climat", ou de façon plus ciblée. Par exemple, l’"Opération programmée d’amélioration thermique des bâtiments" (OPATB) est aujourd’hui centrée sur le XIIIe arrondissement, où les grandes tours construites dans les 59


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France années 1960 se révèlent particulièrement énergivores. Selon l’importance des économies d’énergie à réaliser, d’autres financements sont accessibles. Cependant, ces aides publiques directes, qui étaient plus nombreuses il y a quelques années, vont sans doute peu à peu décroître en raison de la crise. C’est pourquoi d’autres pistes doivent être envisagées. En vertu du décret du 23 novembre 2009, le propriétaire bailleur peut proposer à un locataire une augmentation raisonnable de son loyer afin de partager les coûts des travaux, mais également les économies qui en résultent. Il existe surtout le crédit d’impôt et l’éco-prêt à taux zéro (PTZ), dont chaque propriétaire peut bénéficier individuellement, en attendant la mise en place effective de l’éco-PTZ collectif, dont pourraient bénéficier les copropriétés pour financer les travaux d'économie d'énergie dans les parties communes des copropriétés ou les travaux d'intérêt collectif dans parties privatives. Enfin, il y a les certificats d’économie d’énergie. En quoi consiste le partenariat signé entre la FNAIM Paris Ile-de-France et la société Economie d’Energie (EDE) ? L’objectif est d’utiliser les financements assurés par le dispositif des certificats d’économie d’énergie au profit de la rénovation des logements en Ile-de-France. Depuis le Grenelle de l’environnement et le vote en 2005 de la loi de Programmation et d’Orientation de la Politique Énergétique (POPE), les fournisseurs d’énergie et de carburants sont en effet tenus de réaliser ou d’inciter à la réalisation d’économies d’énergie. En contrepartie, ces fournisseurs, appelés "obligés", obtiennent un volume équivalent de certificats d’économies d’énergie (CEE) lorsque leurs actions ont eu un rôle moteur dans la réalisation, par le consommateur, d’opérations d’économies d’énergie. Ces entreprises sont donc fortement incitées à financer, directement ou indirectement, de telles opérations. Consciente des enjeux et désireuse de s’investir au profit de ses membres, la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France a choisi la société Total comme "obligé" et a signé un partenariat avec la société Economie d’Energie SAS, spécialisé dans le conseil sur le marché de l’énergie 60


Villes humaines, villes durables ? et les travaux d’économie d’énergie, afin de mobiliser au mieux ce dispositif. Ainsi est née, en septembre 2012, l’Agence francilienne des certificats d’énergie (AFCEE). Très concrètement l’AFCEE se présente sous la forme d’un site internet, simple et interactif, accessible depuis le site de la Chambre www.lamaisondelimmobilier.org, où chacun peut réaliser un pré-diagnostic énergétique, choisir les travaux éligibles et estimer le montant des éco-primes, qui peuvent atteindre un montant conséquent, selon la nature des travaux à réaliser. Ce programme novateur s’adresse à tout particulier souhaitant réaliser des travaux individuels d’économies d’énergies, en Ile-de-France et dans l’Oise, mais également aux professionnels, qui peuvent ainsi conseiller concrètement leurs clients et leur proposer une aide financière supplémentaire. Comment être conseillé et orienté dans ce "maquis" d’aides ? Lorsque l’on met en place un audit énergétique par exemple, on s’entoure de personnes qui montent les dossiers dans le but de mobiliser les différentes aides possibles. L’inconvénient majeur est que celles-ci ne sont pas versées en amont, mais une fois les travaux réalisés, et L'inconvénient majeur souvent bien longtemps après. Les copropriédes aides publiques taires doivent donc supporter les coûts, avancer est d'être versées, non l’intégralité des sommes avant de bénéficier des pas en amont, mais remboursements prévus. Je pense qu’il serait une fois les travaux plus simple, et surtout plus efficace, de déclenréalisés, et souvent cher les aides à partir de la décision de réalibien longtemps après. ser l’audit, sur la base du vote de la copropriété Il serait plus efficace concernée. Le coût de cet audit étant compris de déclencher les aides entre 7 000 et 15 000 euros, il est évident que à partir de la décision cela peut être un frein dans bon nombre de pede réaliser l'audit tites copropriétés. Mais l’essentiel est que cela énergétique. soit réalisé par de bons professionnels, à même de garantir que les travaux recommandés seront efficaces, et de chiffrer le montant des économies ainsi réalisées. Il faut aussi que ces professionnels ne conseillent que les travaux indispensables à l’atteinte des résultats fixés… Consciente là 61


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France encore de l’enjeu, la FNAIM Paris Ile-de-France a signé un partenariat avec l’Agence parisienne du climat, afin d’accompagner les syndics et les conseils syndicaux dans la réalisation de ces audits et donc de référencer les meilleurs professionnels. Il faut bien prendre conscience qu’il y a urgence. Pour les bâtiments à chauffage collectif, comme je l’ai rappelé, ces audits doivent être réalisés d’ici à 2017. C’est-à-dire qu’il faut s’en préoccuper aujourd’hui ! Plus généralement, les propriétaires ont tout intérêt à ne pas perdre de temps. Rien ne garantit en effet que toutes les aides actuellement disponibles existeront encore dans un an ou deux, en tout cas avec les mêmes montants et les mêmes bénéficiaires. Plus on attend, plus ce sera difficile. C’est donc dès maintenant qu’il faut saisir l’opportunité de valoriser son bien pour les décennies à venir.

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"Il est temps de viser l'efficacité et d'utiliser davantage le volet réglementaire !" Pierre-André de Chalendar

Président directeur général du Groupe Saint-Gobain

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Les pouvoirs publics souhaitent faire de la "transition écologique" une priorité et accélérer les économies d’énergie, tout particulièrement dans le logement. Qu’en pensez-vous ? Le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources naturelles imposent indubitablement de nouveaux efforts, notamment dans le secteur du bâtiment. Celui-ci est en effet l’un des plus gros consommateurs d’énergie, avec ce que cela implique comme effets négatifs sur l’environnement. Environ 40 % de la consommation d’énergie est aujourd’hui, en France, le fait des bâtiments. Or, faire des économies d’énergie dans le bâtiment c’est facile ! On sait déjà construire des bâtiments qui ne consomment pas d’énergie, voire des bâtiments à énergie positive, qui produisent davantage d’énergie qu’ils n’en consomment. Pour le neuf, le problème est en quelque sorte réglé depuis le Grenelle de l’environnement et la mise en place de la RT 2012. Mais cela ne porte que sur 1 % du parc immobilier chaque année. Le sujet le plus important, et qui reste largement devant nous, est donc celui de l’ancien. Si l’on veut améliorer de façon substantielle l’efficacité énergétique globale des bâtiments, il faut agir sur leur rénovation. Comment ? Les méthodes sont les mêmes pour le neuf et l’ancien. Elles supposent d’agir sur les trois piliers que sont l’enveloppe du bâ63


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France timent - une spécialité de tous les métiers de Saint-Gobain -, les équipements et les comportements des utilisateurs. Mais force est de constater que nous sommes très en retard sur les objectifs fixés par l’État dans le cadre du Grenelle. J’attends donc que le débat sur la transition énergétique débouche sur des décisions plus vigoureuses, en particulier lors de leur transcription législative à l’automne prochain. D’autant plus que les annonces du Président de la République, dans le cadre du plan d’urgence pour le logement présenté en mars dernier, ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux de rénovation du bâti. Les nouveaux logements sont une nouvelle fois au centre du dispositif annoncé alors qu’ils ne constituent plus le nœud du problème. Les mesures annoncées sur la rénovation sont essentiellement limitées à la mise en place progressive d’un tiers financeur, à l’augmentation des subventions pour certains ménages, et à la meilleure information du public. Tout ceci reste très flou et est loin d’être suffisant. Pourquoi le Grenelle n’a-t-il pas obtenu les résultats escomptés ? Le sujet de la rénovation a été uniquement pris comme un sujet financier. Les banques, avec le crédit d’impôt développement durable et l’éco-prêt à taux zéro, se sont vu confier un rôle trop important. Or elles ne sont pas outillées pour assurer la transition énergétique : il n’entre pas dans leurs missions et compétences de vérifier, contrôler, que les travaux concernés sont correctement menés ! Je préconise des solutions faisant davantage appel au volet réglementaire, qui a démontré son efficacité pour le neuf. L’heure est venue de s’orienter, de manière progressive et ciblée bien sûr, vers des rénovations obligatoires. Quelques pistes peuvent être ouvertes sur ce sujet. Nous disposons tout d’abord de la directive européenne du 19 mai 2010, qui supprime toute surface minimum pour introduire des critères de performance énergétique lors des rénovations significatives. La transposition en droit français de cette directive, qui se fait toujours attendre, pourrait permettre à la France d’aller au-delà des critères européens. 64


Villes humaines, villes durables ? Une deuxième piste à creuser concerne le "moment opportun". Car il y a un certain nombre de moments dans la vie des biens où les travaux sont plus faciles à réaliser. Pourquoi ne pas imaginer de rendre obligatoires les travaux de mise aux normes environnementales lors de la vente d’un bien ? Aujourd’hui, le Grenelle a uniquement prévu une obligation de réalisation d’un diagnostic de performance énergétique (DPE). Et, sans aucune obligation légale, puisqu’il était initialement réservé à l’acheteur, ce DPE est désormais affiché pour chaque bien, dans toutes les agences immobilières. Cela prouve que, progressivement, les clients et les professionnels de l’immobilier se sont rendu compte que l’efficacité énergétique d’un logement participe pleinement de l’estimation de sa valeur. Donc, au moment où le bien est mis en vente, et par conséquent monétisé, on pourrait tout à fait imaginer de rendre obligatoire son amélioration. Que cette dépense soit supportée par le vendeur Pourquoi ne pas ou l’acheteur, ou que son montant soit bloqué au imaginer de rendre même titre que les frais de notaire par exemple, obligatoires les travaux importe peu. Au moment de la transaction, le bien de mise aux normes a un prix, qui permet de supporter cette dépense environnementales lors nécessaire. Ce dispositif serait progressif bien de la vente d'un bien ? sûr, voire concentré sur les biens présentant les indices de consommation d’énergie les plus défavorables (par exemple les indices F et G). Bien sûr, il faudrait concentrer les aides existantes pour accompagner en priorité ces travaux. La question du financement des travaux est en effet souvent présentée comme le principal frein à la rénovation de l’ancien… C’est pourquoi je crois à la possibilité d’un financement au moment de la vente, lorsqu’il y a monétisation du bien. Mais cela n’est envisageable que pour l’habitat individuel. Le sujet se pose différemment pour l’habitat collectif. La rénovation des logements collectifs doit devenir une priorité du Grand Paris ! Y a-t-il une spécificité francilienne en la matière ? La région se caractérise par une surreprésentation de l’habitat 65


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France collectif. Or, alors que ce type d’habitat est en règle générale de meilleure qualité que les maisons individuelles, souvent plus anciennes, la performance énergétique du bâti n’y est pas meilleure que dans les autres régions françaises. Tout simplement parce que c’est en Ile-de-France que l’on trouve la proportion la plus importante d’immeubles collectifs construits dans les années où les économies d’énergie ne constituaient pas une priorité. La rénovation énergétique des immeubles collectifs franciliens appelle des solutions nouvelles. Quelles pourraient être ces solutions ? Pour l’habitat collectif, deux séries de mesures me semblent possibles. La première s’inspirerait de l’action d’André Malraux en faveur de l’obligation de ravalement. Cela paraît naturel à tout le monde aujourd’hui, mais l’idée d’obliger les gens à nettoyer régulièrement leur façade, a fortiori pour des raisons uniquement esthétiques, n’allait pas de soi ! On pourrait donc définir, dans un certain nombre d’habitats collectifs, en fonction là encore de leur performance énergétique, une obligation d’améliorer la performance thermique au moment des ravalements. Ne seraient pas concernés les immeubles en brique et en pierre de taille, en particulier les immeubles haussmanniens, pour lesquels on ne pourra pas échapper à une action sur les murs intérieurs, engendrant une réduction, mais minime, de la surface des logements. Le deuxième axe d’effort devrait porter sur une évolution du droit de la copropriété. La manière dont fonctionnent aujourd’hui les copropriétés est un obstacle évident au déclenchement de travaux importants. Il faudrait faciliter la prise de décision. Je suis donc très clairement partisan d’utiliser le volet réglementaire, qui a l’avantage de pouvoir concentrer les aides éventuelles de façon plus efficace, en contrepartie d’obligations nouvelles. Nous devons avoir le souci des finances publiques, dont chacun connaît l’état. Mais il y a de l’argent disponible : il faut mieux l’utiliser ! La dépense publique doit retrouver sa fonction initiale d’effet levier pour initier et accompagner le changement. 66


Villes humaines, villes durables ? Vous avez évoqué la perspective d’une réduction de la surface des appartements anciens suite à des travaux de rénovation thermique. Comment convaincre les propriétaires lorsque l’on sait que le prix d’un logement reste encore très largement calculé en fonction de sa superficie ? Il y aurait beaucoup à dire sur cette focalisation des prix sur une donnée purement arithmétique. De nombreux autres critères existent. Nous avons parlé de la performance énergétique. L’avenir réside également dans la modularité. Elle s’impose déjà dans les bureaux et se développera dans le logement. Techniquement, il est d’ores et déjà possible de moduler un habitat, notamment en fonction des différents usages d’une pièce selon le moment de la journée, mais aussi des différentes époques de la vie, de l’âge des enfants, des besoins que l’on peut avoir en avançant en âge, etc. Cela participe de la fonctionnalité, et donc de la valeur, d’un logement. Plus globalement, le concept de "ville durable" nous oblige à réfléchir à la notion de confort. Pour moi, une ville "plus durable" est une ville "plus confortable". C’est même l’une des conditions pour que l’efficacité énergéPour moi, une ville tique ne soit pas vécue comme une contrainte, "plus durable" est une mais au contraire comme un progrès. Toute la ville "plus confortable". stratégie de Saint-Gobain est ainsi basée sur la C'est même l'une des notion d’"habitat Multi-Confort". Cela concerne conditions pour que la modularité, dont je viens de parler, mais aussi l'efficacité énergétique tous les autres aspects de l’habitat. Le confort ne soit pas vécue thermique en premier lieu, bien sûr, car une maicomme une contrainte, son, un immeuble ou un bureau plus efficace sur mais au contraire le plan énergétique est plus agréable à vivre. comme un progrès. On peut consommer moins, dépenser moins et vivre mieux ! Le confort est également visuel, avec l’utilisation de toute une série de matériaux comme le verre, qui permet un éclairage naturel et se combine très bien avec la recherche d’efficacité énergétique. Le confort acoustique aussi, auquel la ville de demain sera particulièrement attachée compte tenu de l’importance du problème des nuisances sonores, y compris dans les bureaux et l’habitat collectif. Ici aussi, isolation acous67


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France tique et thermique se combinent naturellement. La qualité de l’air intérieur enfin, où beaucoup d’innovations sont possibles. Tous ces nouveaux conforts sont parfaitement compatibles avec une moindre dépense d’énergie. La frugalité n’est pas la restriction. Quels sont d’ailleurs les nouveaux procédés qui permettent la construction ou la rénovation de logements plus économes en énergie ? Saint-Gobain travaille beaucoup sur ce sujet, notamment sur les vitrages, les isolants, la plaque de plâtre, etc. Les matériaux incorporent progressivement, de manière passive ou active, toute une série de fonctionnalités. Je pense par exemple aux verres à couches, qui disposent de fonctions actives qui les font changer de propriétés lorsqu’ils sont soumis à un courant électrique. Ou encore à la plaque de plâtre qui se révèle capable d’absorber un certain nombre de substances toxiques présentes dans l’air de manière volatile. On travaille également sur les ponts thermiques en matière d’isolation… L’innovation est pratiquement sans limite dans tous ces domaines. Elle concerne tous les acteurs de l’immobilier, des pouvoirs publics aux clients, en passant par l’ensemble des professionnels qui interviennent sur la chaîne de valeur. Comment, justement, améliorer les synergies entre toutes ces parties prenantes, et notamment mieux impliquer les professionnels de l’immobilier ? Comme vous le savez, le bâtiment se caractérise par la multiplicité de ses acteurs. Les circuits de décision sont complexes entre l’utilisateur final, l’architecte, le bureau d’études, les intermédiaires immobiliers, les artisans, les constructeurs, les distributeurs et les fabricants. Il faut donc sensibiliser l’ensemble de ces acteurs, autour d’un enjeu très important : celui de la formation. Car pour créer le marché, il ne faut pas seulement stimuler la demande. Il faut s’assurer d’une offre de qualité, accessible et fiable. La deuxième spécificité du secteur est qu’il est conservateur et souvent réticent à utiliser de nouveaux pro68


Villes humaines, villes durables ? cédés non encore éprouvés, alors que l’on construit pour durer et que les innovations sont innombrables. Ces deux spécificités du bâtiment sont à prendre en compte si l’on veut y introduire des changements. J’ai souligné l’importance de l’aspect réglementaire, qui concerne les pouvoirs publics. Les décisions à prendre doivent se faire dans la concertation. Les débats en cours sur la transition énergétique telle qu’initiés par le gouvernement doivent donc être le catalyseur d’une réflexion associant toutes les parties prenantes de façon plus efficace. Il est temps en effet de viser l’efficacité. Les professionnels, notamment ceux de l’immobilier réunis au sein de la FNAIM, doivent contribuer à cet objectif de "politique publique" bien comprise. Saint-Gobain bénéficie d’une très forte implantation à l’international. Quelles grandes tendances pouvez-vous y observer ? La France a longtemps été en retard par rapport à l’Allemagne et aux pays du nord de l’Europe. Le Grenelle nous a remis à niveau sur les standards de construction des bâtiments neufs. La RT 2012, en particulier, compte Le Grenelle nous a parmi les meilleurs standards internationaux en remis à niveau sur matière d’économie d’énergie. Sur les sujets de les standards de rénovation, la France reste très en retard, y comconstruction des pris là encore par rapport à l’Allemagne. bâtiments neufs. La RT 2012 compte parmi les

En Europe, des raisons climatiques évidentes meilleurs standards font de l’Autriche et de la Scandinavie des pays internationaux en très avancés, quand les nations du sud de matière d'économie l’Europe restent encore en retrait. Pourtant, la d'énergie. Mais sur les chaleur soulève également des problèmes de sujets de rénovation, consommation énergétique. Dans le sud des la France reste très en États-Unis en particulier, les besoins en termes retard… de climatisation sont une préoccupation croissante. Saint-Gobain travaille donc également sur la protection de la chaleur, qui reste "un problème de riche" car directement lié au niveau de vie : tout le monde cherche à se protéger du 69


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France froid, mais seuls les plus riches peuvent se protéger du chaud ! Un sujet qui concerne au premier chef les pays émergents, où se distingue l’importance accordée à cette question énergétique par la Chine. Même si l’écart reste immense entre les objectifs fixés par les pouvoirs publics centraux et la manière dont ils sont mis en œuvre localement, cela bouge très vite, ne serait-ce qu’en raison de la pollution. Pékin va ainsi s’attaquer beaucoup plus rapidement qu’on peut parfois le croire à ce problème. Cette vision internationale ne souligne-t-elle pas finalement que la question des économies d’énergie est de nature stratégique ? Bien sûr. C’est pourquoi le débat actuel sur la transition énergétique est l’occasion de prendre conscience de l’importance des économies d’énergie, en particulier dans le bâtiment, mais aussi de l’importance de l’énergie comme facteur de compétitivité de notre industrie. Les économies d’énergie s’imposent bien sûr par souci écologique, notamment en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais aussi pour des objectifs économiques et stratégiques : utiliser moins et mieux l’énergie est le meilleur moyen de garantir le bon fonctionnement de notre économie et la sécurité énergétique du pays. Le développement durable ne saurait ici se confondre, bien au contraire, avec la décroissance !

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"Être un acteur engagé du territoire durable" Sabine Desnault

Directrice du développement durable du Groupe NEXITY

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Comment une entreprise de l’immobilier comme Nexity intègre-t-elle la notion de développement durable, et en particulier les économies d’énergie dans le logement ?

Aujourd’hui, l’épuisement des ressources, l’augmentation du prix de l’énergie, ainsi que de la précarité énergétique, ne sont plus des risques. Ce sont des réalités. Face à ces phénomènes, comment opérer le nécessaire virage ? Comment proposer des produits et services adaptés aux nouvelles attentes des clients, avec des modèles économiques qui soient toujours créateurs de valeur pour un acteur immobilier ? Cela suppose de profondes remises en question. De nouvelles économies émergent déjà. Ainsi apparaît l’économie de fonctionnalité, qu’illustre par exemple le Velib’, ou encore l’économie circulaire, où le déchet de l’un devient le matériau entrant de l’autre. C’est une question qui interroge directement nos métiers : la façon d’envisager l’accès au logement doit-elle être revisitée ? L’écosystème des acteurs doit-il être modifié ? Le développement durable a souffert pendant longtemps d’être cantonné à son aspect technique. Comment répondre à la réglementation thermique ? Faut-il installer des panneaux photovoltaïques ?, etc. Or la technique n’est qu’un moyen au service d’un enjeu plus large : comment accompagner la transformation de la société et l’émergence de nouveaux modes de vie avec des modèles économiques adaptés ? Pour l’entreprise, la question centrale est donc bien celle de ces nouveaux modèles économiques plus vertueux pour la société dans son en71


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France semble et pour ses usagers. Les orientations stratégiques de développement durable de Nexity se déclinent ainsi selon deux grands axes. Le premier est de considérer qu’en tant qu’acteur de l’immobilier, notre premier enjeu sociétal est de favoriser l’accès au logement et, de plus en plus, le maintien dans le logement. Le deuxième axe est d’apporter des réponses territoriales durables. En effet, compte tenu de la diversité et de la complémentarité de nos métiers (aménagement, promotion, services immobiliers...), nous entendons être un acteur engagé du territoire durable. Ce qui, encore une fois, dépasse les solutions techniques : ce n’est pas parce qu’il y aura des bâtiments basse consommation partout sur un territoire que celui-ci sera durable ! Qu’est-ce donc pour vous qu’un "territoire durable" ? Pour Nexity, un territoire durable doit être à la fois pour tous, sur mesure, connecté et bas carbone. • Un territoire pour tous, qui favorise réellement l’accès et le maintien dans le logement, mais qui traite aussi des sujets de concertation, de mixité sociale et fonctionnelle, de densité, d’intergénérationnel, etc. Lorsque nous lançons une opération d’aménagement et promotion, nous nous demandons systématiquement si le projet favorise ces exigences sociétales. • Un territoire sur mesure, parce que chaque territoire dispose de ses propres particularités (proximité de la mer ou de la montagne, site pollué ou proche d’une autoroute, etc.). Il y a donc des solutions différentes, des offres spécifiques à proposer, notamment s’agissant du traitement des paysages, de la biodiversité, de la gestion de l’eau ou de la qualité de l’air. • Un territoire connecté, parce que la "connexion" est déterminante pour accompagner les nouveaux modes de vie et de conception de la ville que nous évoquions précédemment. Nous devons intégrer les nouvelles logiques de flux et de mutualisation. Elles organisent le maillage des réseaux, des transports, des nouvelles mobilités. Il existe dorénavant de véritables arbi72


Villes humaines, villes durables ? trages entre la mobilité physique et la mobilité numérique. Face au développement du e-commerce, de la e-activité, et demain de la e-éducation ou encore de la e-santé, l’organisation des territoires et les besoins en termes de produits et services vont évoluer. La connexion doit s’entendre également au sens énergétique. L’échelle de réflexion n’est plus tant celle du bâtiment que celle du macro-lot ou du quartier. Les réglementations à venir autour du bâtiment positif vont d’ailleurs dans ce sens. La question énergétique nous incite donc à étendre nos réflexions sur le logement à un périmètre plus large que celui du seul bâti. Aujourd’hui déjà nous travaillons à la mise en place de réseaux de chaleur, économes en énergie, autant que possible alimentés par des énergies renouvelables, et susceptibles de fournir plusieurs quartiers. Demain, la loi NOME, qui introduit de nouvelles tarifications énergétiques à partir de 2016, conduit à imaginer des logiques de délestage ou d’effacement à l’échelle de plusieurs bâtiments interconnectés. • Un territoire bas carbone enfin, car le territoire durable doit encore plus aujourd’hui qu’hier réduire sa dépendance énergétique. L’enjeu est de taille pour tous les consommateurs, particuliers, entreprises, collectivités locales. Si la réglementation thermique est un outil fort, la réSi la réglementation novation énergétique, les quartiers bas carbone thermique est un outil et le pilotage énergétique sont des solutions en fort, la rénovation plein développement. Il faut par ailleurs garder à énergétique, les l’esprit que l’augmentation du coût de l’énergie quartiers bas peut avoir un impact significatif sur les coûts de carbone et le pilotage construction. Car faire du béton, des fenêtres ou énergétique sont des du carrelage nécessite de l’énergie. Les amener solutions en plein sur les chantiers aussi ! La conception bas cardéveloppement. bone doit donc intégrer l’ensemble du cycle de fabrication des produits. Comment dès lors maîtriser les coûts de construction, donc proposer une offre qui reste accessible socialement ? Nous avons fait le choix de l’innovation, en travaillant sur de nouveaux procédés constructifs qui s’inspirent des bonnes pra73


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France tiques de l’industrie et nous permettent d’améliorer également nos process internes. Nous avons ainsi créé en 2010 une direction de l’innovation et des partenariats. À titre d’exemple, nous avons livré à Brest un programme d’habitat collectif BBC, en bois, avec un prix inférieur de 15 % à celui du marché et un délai de livraison réduit de 6 mois. Par ailleurs, nous structurons notre politique achat et sommes convaincus qu’il faut innover en ingénierie financière. Je crois qu’il faut retenir que les exigences économiques, sociétales et environnementales entraînent une véritable révolution dans la filière. Une ville "durable" est-elle selon vous nécessairement une ville plus "dense" ? Densité et économies d’énergies sontelles strictement liées ? 15 % des Français sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique et la problématique d’étalement urbain est connue dans certaines agglomérations françaises. Oui, la densification peut être une réponse, mais pas la seule, aux économies d’énergie. On ne pourra pas faire l’économie de la densification. Mais il est possible de densifier de façon intelligente. Le mot densité fait souvent peur, mais la densité perçue et vécue est totalement différente. Pour exemple, les ensembles d’habitats collectifs des années 1970 sont très peu denses alors que les immeubles haussmanniens le sont. C’est pourquoi nos équipes d’ensembliers urbains ont travaillé avec celles des architectes de Roland Castro, dans le cadre du Grand Paris, pour proposer de nouvelles façons de vivre ensemble. Denses, certes, mais dont la densité perçue serait humainement et socialement acceptable. Le projet est dénommé "Habiter le ciel". Il propose des immeubles qui, lorsque vous arrivez à votre étage, ne soient pas conçus autour d’un couloir desservant des dizaines de portes anonymes, mais un espace de vie, différent selon les étages, tel qu'un terrain de pétanque, une aire de jeux pour les enfants, ou encore un espace zen. Chaque appartement s’ouvre sur ces espaces de vie comme autant de places de village à l’intérieur des immeubles… 74


Villes humaines, villes durables ? Où a-t-on besoin de densifier en priorité ? Les réponses sont multiples et il faut les adapter à chaque territoire. Notre attention se porte plus naturellement vers les secteurs à proximité des gares, à proximité des zones d’activité économique ou encore connaissant une pression foncière significative. La densification permet d’amortir le coût du foncier sur un nombre de logements plus importants et réduit ainsi le coût d’accès au logement, qui est un objectif majeur de notre politique de développement durable. Comment y parvenir dans l’ancien, le bâti existant ? Par la rénovation énergétique ! L’un des points bloquants de cette rénovation est le modèle économique. Les retours sur investissements sont longs (supérieurs à 15 ans) et le niveau de solvabilité des copropriétaires est très hétérogène. Là aussi, la densification peut être une réponse. En effet, si l’on peut ajouter un étage ou deux au bâti existant, la valorisation de ces logements supplémentaires, dont le foncier a d’ores et déjà été payé par les copropriétaires actuels, serait à même de financer tout ou partie des travaux Si l'on peut ajouter un de rénovation énergétique. Cette piste relève étage ou deux au bâti forcément du cas par cas, car il faut non seuexistant, la valorisation lement que l’immeuble supporte une rénovation de ces logements incluant une telle surélévation, mais aussi que supplémentaires serait le PLU le permette… et bien sûr que les coproà même de financer priétaires le décident ! Il est donc là encore diffitout ou partie des cile de déployer largement ces solutions. Il reste travaux de rénovation néanmoins important de les envisager dans les énergétique. zones urbaines, denses, comme le Grand Paris en particulier. La rénovation reste cependant toujours compliquée… La rénovation est un défi à la fois majeur et extrêmement complexe à relever. Dans son métier de syndic de copropriété, Nexity accompagne ses clients dans l’étude de la rénovation énergétique de leur bâtiment. Nous avons d’ailleurs signé, l’an75


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France née dernière, le premier contrat de performance énergétique en copropriété privée de France. Nous sommes bien placés pour connaître la complexité du problème. Une complexité qui n’est pas, fondamentalement, liée à des obstacles techniques, que l’on finit toujours par lever. Même si cela peut prendre un certain temps, il y a suffisamment d’ingénieurs et de cerveaux bien faits en France pour trouver des solutions ! Le sujet est principalement économique. Cela reste très coûteux de faire des rénovations énergétiques dans du bâtiment existant, qui est habité, de surcroît par des populations souvent hétérogènes socialement, dont toutes n’ont pas l’envie ou ne disposent pas des moyens pour financer ce type de travaux à un moment donné. S’y ajoutent des délais généralement assez longs, compte tenu du rythme des assemblées générales et, il faut bien l’admettre, de l’absence d’obligation en la matière. Un groupe de travail s’est ouvert dans le cadre du "Plan bâtiment durable" sur cette question de l’obligation de la rénovation énergétique des bâtiments existants. Aujourd’hui, la seule obligation est de réaliser, soit des audits énergétiques, soit des DPE pour les bâtiments à chauffage collectif. Nous sommes très investis sur ces sujets qui posent clairement pour nos copropriétaires la question de la maîtrise des charges et de la valorisation de leur patrimoine. L’innovation financière et probablement fiscale est indispensable si l’on veut avancer. Il existe justement des innovations financières sur le périmètre parisien ? Il y en a même plusieurs. Nous finançons par exemple, avec l’agence parisienne du climat, le projet de "coach copro" à destination des copropriétaires de la capitale et réfléchissons avec les différents partenaires à la façon de monter des contrats de performance énergétiques adaptés. Nous étudions également l’offre de la SEM Energie Posit'if, société d'économie mixte dédiée à l'efficacité énergétique et aux énergies renouvelables à l’échelle de l’Ile-de-France, qui propose de se positionner comme tiers financeur pour la rénovation des copropriétés et de se rémunérer sur les économies d’énergie en découlant. Ce qui nous intéresse, c’est d’expérimenter des solutions avec ces 76


Villes humaines, villes durables ? partenaires, au cas par cas, via des opérations pilotes, car nous savons a contrario n’avoir pas encore trouvé, collectivement, de modèle récurrent et performant pour assurer de façon massive la rénovation énergétique du bâti ancien. Côté financement, il existe certes des aides financières, comme les crédits d’impôt développement durable ou l’éco-PTZ. Elles sont absolument nécessaires dans le dispositif, mais pourraient à mon sens être encore plus efficaces si elles venaient également soutenir des travaux d’aménagement pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées ou dépendantes. Cela nous aiderait à convaincre les plus réticents, mais surtout cela pourrait se traduire par des économies pour l’État et une meilleure qualité de vie dans le temps pour les occupants. Voilà une aide que l’on pourrait qualifier de durable à plusieurs titres. Définitivement, les sujets de développement durable obligent à nous interroger de façon globale sur nos modes de vie. Qu’estce qu’une ville durable ? Une ville où l’on a envie de rester, d’habiter, de vivre. Non seulement parce qu’elle est économe en énergie, mais parce qu’elle facilite l’accès au logement, le maintien dans le logement, l’accès au travail. Elle favorise une certaine mixité sociale et un La "pensée vertueuse" équilibre entre les espaces privés et publics. La n'est pas une fin en soi. "pensée vertueuse" n’est pas une fin en soi. Elle Il faut expérimenter incite à se tourner résolument vers les nouveaux des solutions via des usages et modes de vie de la ville. opérations pilotes, car Comment faites-vous partager ces objectifs aux différents acteurs du marché de l’immobilier ?

nous savons n'avoir pas encore trouvé de modèle pour assurer de façon massive la rénovation énergétique du bâti ancien.

Nexity est bien impliquée dans les débats portant sur les sujets de développement durable dans l’immobilier. Nous avons été copilotes du chantier "logement" à l’époque du Grenelle puis du chantier "copropriété" l’année dernière. Nous participons également aux groupes de travail sur le tertiaire, sur l’obligation en copropriété, etc. et sommes membre fondateur de l’Observatoire de l’immobilier 77


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France durable. Nous sommes donc actifs et présents. Nous essayons de promouvoir une approche réaliste, qui ne s’enferme pas dans une forme de "dogmatisme énergétique" mais prend en compte l’ensemble du spectre du développement durable. Il y a certes un problème énergétique, qu’il faut traiter. Et des solutions techniques existent. Mais les modes de vie et les usages doivent rester au cœur d’une approche territoriale en veillant tout particulièrement à ne pas générer de l’exclusion. Enfin, si l’on veut réellement convaincre nos clients, particuliers ou utilisateurs de tertiaire, on devra passer d’une obligation de moyens à un engagement de résultats. Lorsque nous avons signé le premier contrat de performance énergétique en copropriété privée, nous nous sommes engagés, après travaux, à une baisse de 40 % de la consommation de chauffage, mesurée en KWh, de la copropriété en question. C’est un engagement signé : si l’objectif n’est pas atteint, il y aura remboursement de la différence aux copropriétaires. Ce sont donc des logiques tout à fait nouvelles.

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"C'est l'aménagement global de nos villes qui doit être repensé" Pierre Mutz

Conseiller d’Eiffage et Président du conseil de surveillance de Logement français, ancien Préfet de la région Ile-deFrance, Préfet de Paris (2007-2008).

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Pourquoi les économies d’énergie dans le logement vous semblent-elles essentielles ? Tout d’abord parce que le bilan énergétique du parc immobilier représente l’un des premiers gisements d’économies d’énergies. Quelques chiffres soutiennent ce constat : 33 millions de logements, dont 18,6 millions de maisons individuelles, absorbent chaque année 30 % de la consommation totale d’énergie finale et représentent 20 % des émissions de CO2. La transition énergétique dans l’habitat est donc l’une des urgences écologiques majeures, mais pas seulement. Le bilan social et économique est également préoccupant. En 2008, les ménages français ont dépensé en moyenne 2 300 € pour leur consommation énergétique, et ce budget ne fera qu’augmenter compte tenu de l’évolution tendancielle du prix des énergies. Si l'on ajoute les deux millions de ménages qui habitent des logements mal chauffés, près de 10 % de la population est potentiellement concernée par la précarité énergétique. L’urgence est palpable : il faut redoubler d’efforts pour atteindre les objectifs du Grenelle de l'Environnement soit, d'ici 2020, une réduction des consommations d'énergie de 38 % et des émissions de CO2 de 50 %. J’ajoute que la réflexion sur la question de l’énergie ne se limite pas aux seules frontières de l’habitat. En 2010, les transports sont responsables de 36 % des émissions de CO2, le résidentiel-tertiaire en représente 25 %, et l’industrie 19 %. Au total, 79


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France les villes engloutissent les deux tiers de l’énergie produite et sont à l’origine d’environ 70 % des émissions de CO2. Autrement dit, "construire autrement" est certes nécessaire mais non suffisant : c’est l’aménagement global de nos villes qui doit être repensé en intégrant la question des mobilités, des déchets, des nouveaux modes de vie, de la répartition des emplois, ou encore des services écologiques que la nature peut rendre gratuitement en milieu urbain tels que l’épuration de l’air et de l’eau. Comment parvenir à des villes authentiquement durables, plus sobres, voire à terme "post-carbones" et productrices de leur propre énergie ? Notre planète est devenue radicalement urbaine. Si 50 % des hommes vivent en ville depuis 2008, ils seront bientôt 70 % d’ici 2030. La demande de logements, de services et de mobilités est à la fois croissante et insatiable. Pourtant, la sobriété semble bien être la première pierre d’un modèle d’urbanisation soutenable, en la déclinant à toutes les échelles : de la ville au logement, en passant par l’îlot urbain. Alimenter en énergie une ville entière, avec une empreinte carbone aussi maîtrisée que possible, commence par la réduction de la demande énergétique à la source. Le laboratoire de prospective en développement urbain durable d’Eiffage, Phosphore, promeut plusieurs pistes : • la sobriété tout d’abord, à travers la réduction des besoins de puissance, la mutualisation des transports et des équipements (encore appelée "intensification d’usage"), l’amélioration des systèmes existants de chauffage, d’éclairage et d’information, ou encore la récupération de l’énergie fatale1 ; • puis, l’exploitation quasi-exclusive du potentiel local en énergies renouvelables, variable en fonction des caractéristiques géographiques et climatiques du territoire ; L’énergie fatale correspond à l’énergie inéluctablement coproduite par certains processus. Elle peut être récupérée et valorisée (ex : la récupération de la chaleur produite par l’incinération de déchets). 1

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Villes humaines, villes durables ? • une architecture bioclimatique et un traitement exigeant des enveloppes énergétiquement performantes, afin que le bâti neuf et rénové devienne support de production d’énergies renouvelables ; • et enfin, l’accompagnement, notamment via les nouvelles technologies numériques, des comportements individuels, responsables de gaspillages énergétiques importants. Comment le bâti, neuf ou rénové, peut-il très concrètement y participer ? Le taux de renouvellement du parc immobilier en France est inférieur à 1 % par an, alors que le nombre d’unités de logement construites avant la première réglementation thermique avoisine les 66 %. On voit donc que la construction neuve ultra-performante ne saurait, à elle seule, infléchir la courbe des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre imputables à l’habitat et au tertiaire. Si le bâtiment à énergie positive reste une réponse innovante incontournable, le plan d’urgence concerne davantage l’éco-rénovation du parc existant. Sans oublier que prolonger la durée de vie du bâti existant permet d’amortir l’énergie grise2 et les gaz à effet de serre émis lors de sa construction. Le taux de Au-delà de l’échelle du bâtiment, la production d’énergie peut aussi être appréhendée au sein de l’écosystème urbain. Le laboratoire Phosphore envisage ainsi des formes de partage des performances entre les bâtiments neufs et anciens d’un même îlot. Ce mode opératoire est appelé Solidarité énergétique® : le quartier fonctionne comme un système solidaire capable d’optimiser les productions d’électricité et les usages associés, les échanges s’opèrent entre le parc existant et les bâtiments neufs, les bureaux, les logements et les services, etc.

renouvellement du parc immobilier est inférieur à 1 % par an. La construction neuve ultra-performante ne saurait, à elle seule, infléchir la courbe des consommations d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre imputables à l'habitat et au tertiaire.

L’énergie grise correspond à l’énergie dépensée lors de la production et la fabrication de matériaux ou de produits industriels.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Pourquoi cette solidarité énergétique est-elle "au cœur de la cité" ? Plusieurs traductions concrètes de la Solidarité énergétique® sont possibles : • En cœur d’îlot, les bâtiments neufs à énergie positive jouent le rôle de centrales d’énergies renouvelables de proximité pour eux-mêmes, mais aussi au profit de bâtiments voisins, débiteurs en énergie et dont le potentiel de rénovation est épuisé. • Au sein d’un même bâti, la solidarité peut s’exercer par ajout d’une extension neuve énergétiquement efficiente, en interaction avec la partie ancienne de la construction, qui, même après rénovation, reste moins performante. • Enfin, à l’intérieur d’un même immeuble, la programmation mixte permet également de mutualiser l’énergie produite dans une approche dite "chronotopique" de l’espace, c’est-à-dire qu’elle est variable en fonction des heures de la journée : la chaleur produite par les bureaux la journée peut ainsi par exemple chauffer les logements des étages voisins la nuit. Vous avez mené des propositions d’aménagements virtuels exemplaires à Marseille, Strasbourg et dans l’agglomération de Grenoble. Sont-elles transposables à l’échelle du Grand Paris ? À quelles conditions ? La première règle est de prendre strictement en compte toutes les caractéristiques du territoire : propriétés physiques, naturelles et culturelles du lieu, évolutions socio-démographiques, composition urbaine et architecturale… L’idée est de proposer des solutions d’écomobilités, de renouvellement urbain et de productions énergétiques renouvelables en parfaite résonance avec le génie du territoire, et donner ainsi sens à ce qui sera conservé, valorisé, rénové, requalifié ou, pourquoi pas, effacé et renaturé. À Marseille par exemple, les équipes du laboratoire ont conçu un bouquet énergétique renouvelable en fonction des éléments dominants du site : le mistral, le soleil et la mer dont l’inertie thermique est exploitée par pompes à chaleur réversibles. À 82


Villes humaines, villes durables ? Grenoble, le relief environnant rend l’exposition solaire et les vents turbulents moins propices à la production d’énergie. Le bouquet énergétique s’appuie alors sur la complémentarité entre productions hydroélectrique et photovoltaïque, biométhane et biomasse issue de l’abondante ressource en bois. De nombreuses solutions sont adaptables au Grand Paris comme à d’autres métropoles, qui vivent partout les mêmes enjeux immédiats et complexes : place des écomobilités, besoin de maîtrise énergétique et d’adaptation des logements et des services urbains à l’évolution des modes de vie, nécessaire densification pour protéger les espaces naturels d’une artificialisation excessive. Autrement dit, c’est dans l’articulation entre le démesurément grand des métropoles du XXIe siècle et l’infiniment petit des solutions sur mesure en termes de logements et de services, qu’il nous faut essayer de comprendre la ville de demain. En quoi la mise aux normes environnementales participe également à la sécurité et à la valorisation d’un logement ? Ce qui est standard aujourd’hui sera discount demain ! Du simple point de vue de la valeur vénale ou locative d’un bien, il ne sera plus acceptable de payer à la fois un loyer important et des charges énergétiques conséquentes. Dans une perspective économique, la mise aux normes du logement participe déjà à sa valorisation financière, aujourd’hui et dans la durée.

Du simple point de vue de la valeur vénale ou locative d'un bien, il ne sera plus acceptable de payer à la fois un loyer important et des charges énergétiques conséquentes. La mise aux normes du logement participe déjà à sa valorisation financière, aujourd'hui et dans la durée.

L’utilisation de systèmes domotiques intégrés ouvre également des voies intéressantes pour optimiser les consommations énergétiques, mais aussi, dans les versions les plus prometteuses, améliorer le confort hygrothermique, acoustique et lumineux, voire la sécurité du logement en avertissant ses usagers de toute anomalie.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Un autre point de valorisation est constitué par l’adaptation du logement et la question de son évolutivité. Nous vivons des mutations sociologiques de fond, qu’il s’agisse du vieillissement de la population, des nouveaux comportements de multi-habitation en lien fréquent avec les exigences professionnelles, ou encore des phénomènes de décohabitation issus de la fréquence des divorces et des parcours personnels non linéaires. Penser des volumes facilement aménageables, avec des cloisons déplaçables, ou encore prévoir l’adaptation des pièces aux besoins d’une personne à mobilité réduite sont autant de réponses pertinentes que le logement peut proposer dans un modèle de ville durable pour tous. Comment assurer le financement d’une telle révolution, alors que les énergies renouvelables restent encore très coûteuses et que la crise économique et sociale réduit les marges de manœuvre des pouvoirs publics et des ménages ? Concernant la mutation vers les énergies renouvelables, les pouvoirs publics sont aujourd’hui à la manœuvre. Le débat sur la transition énergétique en est une preuve. Il est vrai que notre modèle énergétique national s’est révélé particulièrement efficace et équitable dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale et qu’il a formaté notre pensée. Le passage à grande échelle aux énergies renouvelables locales devra en revanche s’appuyer sur un autre modèle "sur mesure", à l’instar des dispositifs de type "solidarité énergétique" décrits précédemment. Concernant les marges de manœuvre des ménages, en particulier des primo-accédants, il est certain que les prix excessifs de l’immobilier pèsent aujourd’hui lourdement dans l’assiette de l’emprunteur. Dès lors, comment celui-ci peut-il financer et réaliser immédiatement les travaux de rénovation, y compris énergétique ? S’il n’y a pas de solution miracle en période de très forte demande, j’entrevois cependant deux solutions complémentaires possibles. D’une part, une baisse des coûts d’achat en fonction de l’état du bien. C’est l’objectif que visait dès 2006 84


Villes humaines, villes durables ? la publication obligatoire du diagnostic de performance énergétique pour toute vente immobilière, puis dès 2007 pour toute location. Cela contribue à la meilleure information de l’acquéreur et, il faut l’espérer, donne quelques marges de négociation. D’autre part, l’émergence de prêts bancaires en coût global. Le fonctionnement de ce type de prêt réinjecte dans le calcul de l’assiette éligible de l’emprunteur les économies réalisées grâce aux travaux immédiats de rénovation énergétique. Tout le monde y trouve son compte : l’acquéreur qui soulage, dès son emménagement, ses charges énergétiques domestiques, et le banquier qui maîtrise mieux ses risques avec un gage immobilier rénové et mieux valorisé. Or, aujourd’hui, seule une ou deux banques le pratiquent en France, c’est dommage. Quel rôle attribuer aux professionnels de l’immobilier dans les évolutions que vous décrivez ? Les experts de l’immobilier sont particulièrement conscients des enjeux du marché, ainsi que des difficultés juridiques et économiques liées à la transition énergétique dans le bâtiment. En tant que principaux interlocuteurs des acquéreurs, locataires, bailleurs, propriétaires, ou conseils syndicaux, ils ont un rôle de pédagogues, capables de faire Les professionnels valoir auprès de leurs clients les bénéfices écode l'immobilier ont un nomiques et le gain de confort qu’apportent des rôle de pédagogues, travaux d’éco-rénovation. Ils peuvent clairement capables de faire contribuer à assainir le marché en intégrant les valoir auprès de leurs impératifs énergétiques et en déclenchant les clients les bénéfices décisions de travaux de rénovation par un travail économiques et le gain de sensibilisation. Ils sont également des relais de confort qu'apportent entre les pouvoirs publics et les ménages et des travaux d'écopeuvent se constituer comme acteurs du chanrénovation. gement, dans le sens d’une prise de conscience de l’urgence environnementale et sociale que pose la question de l’habitat.

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"Une ville durable est une ville sûre et attractive" Richard Laganier

Professeur à l’Université de Paris Diderot Président du Comité national français de géographie

entretiens

Villes humaines, villes durables ?

Qu’est-ce qu’une "ville durable" ? Comment assurer un "développement urbain durable" ? Une ville durable est avant tout une ville dont le développement ne se réalise pas au détriment d’autres territoires ou des populations. Elle maîtrise les risques inhérents à ce développement, en prenant en compte ses impacts environnementaux et sociaux négatifs. Elle est donc, aussi, le creuset d’une mise en cohérence des politiques publiques, par une plus grande transversalité d’action, ce qui nécessite un réel courage politique. Une ville durable est enfin une ville solidaire, dans l’espace et dans le temps, puisque l’enjeu essentiel est que son développement ne soit pas assuré par le sacrifice des ressources nécessaires aux générations à venir. Quels types de politiques publiques s’affirment pour assurer une transition vers des villes plus durables ? Les politiques conduites dans ce cadre se sont orientées vers une priorité : la réduction des émissions de CO2. Cette action se décline sur plusieurs volets : la maîtrise de la demande énergétique, le développement des énergies renouvelables, l’écoconstruction, les nouvelles mobilités… Bref, on observe la mise en place d’un faisceau de politiques publiques liées par une prise en compte des questions énergétiques. La problématique du transport durable est ici essentielle. Il s’agit d’assurer les besoins de mobilité en les rendant compatibles avec l’utilisation de 87


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France ressources renouvelables, sans mettre en danger la santé des populations ou le fonctionnement des écosystèmes. Beaucoup de choses ont déjà été engagées dans ce domaine, notamment s’agissant des mobilités de courte distance. J’en veux pour preuve le renouveau des transports publics urbains (tram, bus électriques) et l’essor des mobilités douces (vélo), qui débouchent sur une réduction des pollutions tout en en contribuant à décongestionner les axes routiers. L’efficacité d’une politique de transports fait partie des éléments clés de la transition énergétique. Mais elle est indissociable d’une politique plus globale d’urbanisme qui met en cohérence l’aménagement, l’habitat, les lieux de travail et les réseaux de transport collectif. Quel est précisément le rôle de l’habitat, et du logement en particulier, dans cette transition écologique ? Dans ce domaine aussi, il convient de souligner l’importance des initiatives d’ores et déjà engagées. Cela va de la question de l’écoconstruction à celle de la densification du bâti, de l’adaptation de celui-ci aux contraintes environnementales, jusqu’à la prise en compte des inégalités sociales - y compris s’agissant de la question de l’insalubrité - ou de la mixité sociale de quartier. Autant d’éléments et d’enjeux qui participent de la construction d’une ville durable. Les acteurs du développement urbain (élus, architectes, urbanistes, professionnels de l’immobilier) sont donc confrontés à ces défis, qui incluent également le changement climatique, la gestion des déchets et rejets de la ville dans son environnement, etc. Cela nécessite une nouvelle façon de penser la ville, et se concrétise par des projets urbains d’un genre nouveau, qu’illustrent par exemple les éco-quartiers. À une échelle plus fine, cela a donné lieu à une prise en compte de la requalification énergétique des logements. Le Grenelle de l’environnement de 2007 avait d’ailleurs affiché des objectifs ambitieux en matière de réduction de la consommation énergétique des bâtiments. Toutes ces initiatives s’inscrivent dans une logique d’adaptation du bâti et du logement aux enjeux d’économie de ressources (eau, énergie…) et de consommation énergétiques. 88


Villes humaines, villes durables ? La priorité étant mise sur les économies de ressources, "durable" est-il nécessairement synonyme de "frugal" ? Une ville durable recherche par nature un développement économe, à la fois d’espace et de ressources. C’est une ville moins dépendante des énergies fossiles, ce qui la conduit à penser différemment son fonctionnement. Le modèle ancien, qui s’est imposé à la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe, était hygiéniste et fonctionnaliste. Il reposait sur une séparation des fonctions (zones industrielles ou plus généralement d’activités, espaces d’habitat, zones vertes…) qui a débouché sur l’étalement urbain. Il était aussi fondé sur un construit urbain qui se voulait soucieux des questions de santé publique (ouverture d’artères pour "aérer" l’espace urbain, enterrement des réseaux d’eau pour limiter les miasmes). Ce modèle est aujourd’hui totalement remis en question par la mixité fonctionnelle. Très concrètement, cela signifie que, à la ville diffuse et qui s’étale s’oppose le modèle de la ville dense, compacte. On voit aussi des évolutions significatives dans le champ de la gestion La promotion de l’eau, où l’objectif est de renouer avec le cycle d'un modèle de naturel pour optimiser la ressource par le biais ville compacte de mesures compensatoires et la reconstitution suppose d'intégrer de trames bleues (et vertes) plutôt que de cherune démarche cher à faire disparaître l’eau du paysage urbain. économe dans la

façon de construire Aujourd’hui, on cherche donc à promouvoir un mais également modèle de ville compacte, qui limite les mobilide réhabiliter les tés, les consommations de temps et d’énergie logements. La associées aux déplacements. Cela suppose problématique du pour partie d’intégrer cette démarche économe, renouvellement urbain dans la façon de construire mais également de est au cœur du projet réhabiliter des quartiers et des logements. La de ville durable. problématique du renouvellement urbain est ainsi au cœur du projet de ville durable. La nouvelle façon de penser la ville conduit à construire ou renouveler d’anciens quartiers en essayant d’adapter les nouveaux construits aux contraintes existantes sur les territoires. Cependant, l’erreur serait de penser que la durabilité urbaine ne se définirait qu’à travers des réponses techniques.

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Les nouveaux quartiers s’inscrivent également dans un projet social, basé sur la "mobilisation citoyenne", c’est-à-dire la participation des habitants. L’université Paris Diderot, où j’enseigne, en constitue un bon exemple. Elle est située au cœur d’une zone urbaine inondable (Paris Rive Gauche) qui a été totalement renouvelée en s’adaptant pour partie à la contrainte hydrologique. Le vieux quartier industriel a laissé place à un tissu urbain qui mêle habitat, entreprises et espaces verts, et au sein duquel l’université est totalement imbriquée. Nous disposons d’un très beau campus au cœur même de la ville, un campus ouvert sur son quartier qui propose notamment une diffusion des savoirs scientifiques et techniques par l’ouverture de notre bibliothèque universitaire aux habitants et l’organisation de diverses manifestations "grand public" (Treize Minutes, Entretien des Grands Moulins, Fête de la Science…). Le périurbain est-il incompatible avec cette nouvelle approche ? La périurbain est un lieu d’expression de multiples tensions, en raison de la question du coût du foncier bien sûr, du mitage et des inégalités sociales et spatiales qui s’y expriment sans doute plus qu’ailleurs. Mais c’est aussi un lieu où l’on expérimente de nouvelles façons de penser l’aménagement urbain. On y teste un certain nombre de pratiques nouvelles. Il s’agit donc de territoires sociologiquement très contrastés, où s’expriment de fortes inégalités sociales, mais où apparaissent aussi de nombreuses innovations. Plutôt que d’être un peu trop facilement et systématiquement décrié, le périurbain devrait faire l’objet de toutes les attentions des politiques urbaines. Une partie de vos travaux porte sur la vulnérabilité et la résilience des villes face aux risques liés à la nature, comme les inondations par exemple. En quoi le développement durable peut-il être un facteur de résilience pour une ville, une société ? Un territoire est confronté à deux grandes formes de vulnérabilité. La première est d’ordre biophysique. Elle se décline en une 90


Villes humaines, villes durables ? vulnérabilité matérielle (le risque d’atteinte au bâti ou aux infrastructures), une vulnérabilité structurelle (l’altération possible ou la désorganisation d’une structure, comme une entreprise ou un réseau technique suite à une inondation par exemple), une vulnérabilité fonctionnelle enfin (la dégradation voire l’interruption du service rendu à la ville par cette même entreprise ou ce réseau). Pour conserver l’exemple de l’inondation, qui constitue d’ailleurs le risque naturel le plus vraisemblable en Ile-deFrance, un réseau de transport comme le métro parisien peut être atteint au niveau de sa propre infrastructure, puisqu’elle est en très grande partie souterraine, mais également au niveau de sa gestion. Si les personnels ne peuvent pas accéder à leur poste de travail ou faire fonctionner le réseau, ils ne pourront pas assurer le service attendu par les usagers. C’est une forme de vulnérabilité que l’on peut donc rencontrer à Paris. La deuxième forme de vulnérabilité est de nature sociale. Elle renvoie à différentes formes de déficits qui s’observent plus particulièrement dans les territoires urbains. Ces déficits sont d’ordre culturel d’abord : quelle est la culture ou la mémoire du risque dans une société de plus en plus mobile ? Lorsqu’on s’installe dans une ville, on ne connaît Quelle est la culture ou pas forcément les dangers associés aux risques la mémoire du risque naturels ou technologiques. De même avonsdans une société de nous une insuffisante connaissance des bonnes plus en plus mobile ? pratiques à mettre en œuvre à l’échelle indiviLorsque l'on s'installe duelle le jour où la crise surviendra. L’absence dans une ville, on ne de connaissance est donc un facteur de vulnéconnaît pas forcément rabilité. S’y ajoutent des déficits de nature orgales dangers associés nisationnelle et collective, en particulier l’efficaaux risques naturels ou cité du système de gestion de crise mis en place technologiques… pour faire face aux crises à venir. C’est bien cette double vulnérabilité, biophysique et sociale, sous-jacente au système urbain, qui transforme un événement en catastrophe. Si une ville et ses habitants sont bien adaptés à la présence d’une contrainte, il n’y aura pas de catastrophe lors d’inondations de forte intensité. Il y aura simplement une crise, de plus ou moins grande ampleur, à "gérer". La conso91


Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France lidation de notre système urbain suppose donc de limiter ces facteurs de vulnérabilité, en faisant en sorte que la ville et ses habitants deviennent plus résilients, mieux armés face aux risques. Autrement dit, la ville résiliente a réfléchi aux formes de vulnérabilité, elle a fait en sorte de remédier aux vulnérabilités sous-jacentes d’un système urbain. C’est en ce sens qu’elle est, aussi, une ville durable. En quoi une ville durable peut-elle être également facteur de développement économique et d’attractivité ? La notion même de développement durable nous invite à penser les liens entre les questions qui relèvent de l’environnement (changements climatiques, révolution énergétique…) et les questions économiques et sociales. Finalement, quel est l’objectif du développement durable ? C’est de mieux vivre ensemble, d’assurer une meilleure qualité de vie sans compromettre l’avenir, c’est-à-dire sans épuiser les ressources qui assurent ce développement. Cet objectif général débouche sur des réponses qui concernent autant la sécurité des biens et des personnes que les enjeux de développement économique. Une ville sûre est une ville attractive, qui est donc capable de se développer économiquement en attirant des entreprises, des activités nouvelles. Mais également en exportant. Penser une nouvelle forme de construit urbain, de nouvelles façons d’habiter, est un levier important en matière d’innovations technologiques. Or ces innovations sont susceptibles de créer des emplois et d’exporter des savoir-faire à l’étranger - d’autant plus que la "ville durable" est un enjeu qui se pose partout sur la planète ! Comme toutes les thématiques liées aux économies d’énergie invitent à l’innovation technologique, elles peuvent par là même assurer des emplois d’autant plus précieux, pour un territoire, qu’ils ne sont pas délocalisables. Ils sont inscrits dans des logiques de proximité géographiques. Je pense en particulier à la rénovation du parc immobilier. Plusieurs millions de logements sont concernés. Ils pourraient générer plus de 100 000 emplois nouveaux. Il en est de même en matière de rénovation 92


Villes humaines, villes durables ? des infrastructures de transports, de diversification des sources d’énergie, de recyclage des déchets, du passage à une agriculture de circuits courts, de transformation du parc automobile pour produire des véhicules moins consommateurs et peu émetteurs de CO2, etc. La palette de champs d’investigations pour construire la ville durable est susceptible de créer de nouvelles activités et de nouveaux métiers dans de nombreux secteurs. C’est pourquoi le modèle de ville durable est particulièrement vertueux. Étant plus attractive, la ville durable peut bénéficier du renforcement de son développement par apports externes, par les flux (hommes, entreprises, capitaux) qu’elle est Le caractère "durable" susceptible de capter à son profit, de valoriser. d'une ville est facteur Mais son caractère "durable" est également facde développement teur de développement endogène. Il induit de endogène, centré sur nouvelles façons de penser la ville en termes le bien-être de ses économiques et d’emplois, centrées sur le bienhabitants actuels être de ses habitants actuels et à venir. Donc et à venir. Donc sur sur l’humain. l'humain.

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Economies d'énergie : l'engagement de la FNAIM Paris Ile-de-France

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La Chambre FNAIM Paris Ile-de-France s’inscrit dans une démarche de promotion du développement durable au sein des métiers de la copropriété, de l’administration de biens et de la transaction. Elle se positionne activement en 2013 sur le thème des économies d'énergie en apportant des solutions très concrètes à ses adhérents et à leurs clients, notamment par la mobilisation du dispositif des certificats d’économie d’énergie, créé par les articles 14 à 17 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, dite "loi POPE", en application du Grenelle de l'environnement.

1. La première étape a été la création par la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France de l'Agence Francilienne des Certificats d'Economie d'Energie (AFCEE) en partenariat avec la société Economie d’Energie SAS (EDE), afin de permettre aux agences adhérentes de la FNAIM Paris Ile-de-France et aux particuliers de disposer d'un outil simple et interactif pour s'informer, choisir les travaux et bénéficier d'éco-primes financées par les certificats d’économie d’énergie (CEE). EDE procède à la promotion du dispositif de CEE à destination des adhérents de la Chambre et de leurs clients. Cette promotion comprend notamment le versement de primes aux clients particuliers et professionnels en vue de les inciter à la réalisation de travaux individuels reconnus comme des opérations standardisées au sens du dispositif, et collecte pour son compte les CEE générés. La signature de la convention de partenariat entre la FNAIM Paris Ile-de-France et EDE est intervenue le 12 novembre 2012. La mise en ligne début 2013 du site Internet AFCEE.FR et d'un call center spécifique a permis de donner accès à une base d'informations sur l'efficacité énergétique pour les professionnels adhérents de la FNAIM Paris Ile-de-France et pour les particuliers, afin de les conseiller sur la rénovation des biens immobiliers et sur les éco-

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France primes dont ils peuvent bénéficier (assiettes de dépenses éligibles, montants, conditions d'obtention, etc.). Le site AFCEE est accessible depuis le site de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France www.lamaisondelimmobilier.org ou directement à l’adresse suivante : www.afcee.fr. Sur ce site, l’internaute peut se connecter à tout moment pour : • Réaliser un pré-diagnostic énergétique indicatif pour l'étiquette énergétique de son bien. • Consulter la liste des travaux de rénovation reconnus par le dispositif CEE. • Simuler en ligne le montant exact des éco-primes CEE à recevoir à la fin des travaux. • S'inscrire, créer un espace personnel et déposer directement le dossier de demande d'éco-primes. Le dossier pour obtenir des éco-primes est ensuite entièrement traité par la plateforme AFCEE. Aucune démarche administrative n’est à effectuer par le particulier. Quant à l’adhérent FNAIM Paris Ile-de-France, il peut orienter ses clients vers le site AFCEE et les inciter ainsi à réaliser des économies d’énergie et à valoriser leurs biens. 2. La deuxième étape de l'engagement de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France est la création, toujours avec EDE, d’une plateforme dédiée aux syndics, clef de voûte de la copropriété et élément moteur pour lancer une rénovation énergétique réussie. Dans ce cadre, un partenariat avec EDF a été signé le 30 avril 2013. La Chambre FNAIM Paris Ile-de-France et le groupe EDF, inscrit depuis longtemps dans une démarche de développement durable, ont en effet décidé de collaborer en vue de l’obtention de CEE par EDF au titre des actions mises en œuvre par les adhérents de la FNAIM Paris Ile-de-France. Ils ont également souhaité associer leurs compétences afin de proposer aux syndics adhérents de la FNAIM Paris Ile-de-France : • des informations sur les économies d’énergie et les dispositifs qui en découlent, • des solutions d’efficacité économique énergétique adaptées aux professionnels de l’immobilier,

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• plus généralement, des offres destinées à satisfaire les besoins de leurs clients et adhérents, tout particulièrement en matière de mobilisation d'éco-primes.

Une plateforme dédiée aux syndics adhérents de la FNAIM Paris Ile-de-France leur permet de déposer un dossier pour l’obtention d’éco-primes dans le cadre de travaux de rénovation énergétique entrepris pour l’ensemble d’une copropriété (isolation des murs, isolation de la toiture, changement de la chaudière collective…).

Ce nouveau service complète donc utilement la possibilité offerte aux copropriétés d'un financement de ces travaux par le recours à un emprunt collectif (cf. annexe suivante).

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Emprunt collectif de copropriété : le décret du 11 mars 2013

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• Objet : copropriété des immeubles bâtis - travaux et acquisitions financement par l’emprunt bancaire. • Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.

• Publics concernés : syndicats de copropriétaires, syndics de copropriété professionnels ou bénévoles, copropriétaires, établissements bancaires, entreprises d’assurance spécialement agréées, établissements de crédit. • Description de ce texte : les articles 26-4 à 26-8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ont déterminé les conditions dans lesquelles peut être souscrit, au nom du syndicat des copropriétaires, un emprunt bancaire destiné à financer des travaux ou des actes d’acquisition régulièrement votés ou à préfinancer les subventions publiques accordées au syndicat pour la réalisation de travaux votés. Le présent décret prévoit que le montant de l’emprunt souscrit au nom du syndicat apparaît dans la première partie de l’état daté, document qui est transmis par le syndic au notaire avant l’établissement de tout acte réalisant ou constatant le transfert ou la création d’un droit réel sur un lot. Il impose la notification au syndic, en cas de transfert de la propriété d’un lot, de l’accord du prêteur, de la caution et du nouveau propriétaire à ce que les sommes restant dues au titre du remboursement de l’emprunt collectif par l’ancien propriétaire du lot soient désormais à la charge de l’acquéreur du lot. Il complète la liste des informations notifiées par le syndic aux copropriétaires en vue de la tenue de leur assemblée générale pour y faire figurer les conditions générales et particulières du projet de

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Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France contrat de prêt collectif ainsi que la proposition d’engagement de caution correspondante. Enfin, il définit la notion de défaillance du copropriétaire, qui est une condition de mise en œuvre de la garantie mentionnée à l’article 26-7 de la loi du 10 juillet 1965. • Références : ce décret n° 2013-205 est pris pour l’application de l’article 103 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. Il a été publié au JORF n°0061 du 13 mars 2013. Le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 modifié par le présent décret peut être consulté, dans sa rédaction issue de cette modification, sur le site Légifrance : www. legifrance.gouv.fr.

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Orientations bibliographiques Ouvrages généraux

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Autres ressources "Vers des villes postcarbones", table ronde organisée par Futuribles international, animée par Jacques Theys et Éric Vidalenc, 12/03/2013. "Ville et développement durable", colloque organisé par l'IRIS et la ville d'Enghien-les-Bains avec l'université Paris 8, 26/10/2012.

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L’efficacité énergétique des bâtiments est une idée qui a mis du temps à germer. Mais maintenant, tout devrait aller très vite. D’autant plus que les professionnels de l’immobilier sont fortement engagés dans cette dynamique. Il en va d'ailleurs de leur crédibilité, de leur rôle de conseil auprès de leurs clients. Ainsi, les gestionnaires d’un parc ancien sont tout à fait légitimes à préconiser les travaux de rénovation : sans ces travaux, leurs clients ne pourront peut-être plus payer leurs charges demain ! De même s’agissant de la valeur des biens immobiliers. Cet aspect patrimonial dépendra directement des mesures mises en œuvre : à défaut, l’immobilier – y compris de bureau – perdra de son prix et ne sera plus la "valeur refuge" préférée des Français. Ne pas alerter les clients reviendrait, pour un professionnel de l’immobilier, à scier la branche sur laquelle repose tout le marché ! Mais s’assurer de la valeur du bien acquis par une famille, faire baisser les charges de copropriétaires dont le pouvoir d’achat est loin d’être en progression, c’est aussi permettre aux gens de vivre mieux. N’en déplaise à certains mauvais esprits qui voudraient "diaboliser" nos métiers, cet objectif n’est jamais absent des préoccupations des professionnels de l’immobilier, qui confirment ainsi leur réelle utilité sociale. Les contributions réunies dans le présent ouvrage en témoignent. J'en remercie très chaleureusement leurs auteurs. C'est ensemble que nous pourrons faire du Grand Paris une ville durable. Une ville humaine. Vivable. Gilles Ricour de Bourgies Président de la Chambre FNAIM Paris Ile-de-France Avec les contributions de : Pierre-André de Chalendar, Claude Chetrit, Sabine Desnault, Richard Laganier, Myriam Maestroni, Pierre Mutz, Philippe Pelletier, Didier Ridoret, Pierre Veltz.

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France Une publication de la FNAIM Paris Ile-de-France - Juillet 2013 - N° 3 - 18 € Directeur de publication : Gilles Ricour de Bourgies N°ISBN 978-2-9521616-3-3 - ISSN : 2265-7940

9 782952 161633

Les Cahiers de la FNAIM Paris Ile-de-France

Les territoires urbains contribuant pour plus des deux tiers à la consommation mondiale d’énergie et pour plus de 70 % aux émissions globales de gaz carbonique, c'est dans les villes que va se jouer la transition énergétique. Et le logement est la clé essentielle de ce changement, tout particulièrement dans une région aussi dense que le Grand Paris.

Villes humaines, villes durables ?

Nous ne vivons pas une crise, mais une transformation. Profonde, rapide, voire brutale, elle déborde le champ économique, et même politique, pour imposer des changements de société, exiger une évolution de nos façons d'être, de vivre. Caractéristique de la modernité, de nos modes de vie hérités des révolutions industrielles des derniers siècles, le "principe de surabondance" est derrière nous. Tout simplement parce que ce principe n’est plus viable. Ainsi, même avec l’énergie nucléaire, et même si l’exploitation des gaz et pétrole de schiste devait se développer - y compris pourquoi pas en France ? -, cela ne remettrait pas en question l’effort à engager pour maîtriser notre consommation globale d’énergie. Et pour l’optimiser, par une réelle valorisation des déchets par exemple - une source d’énergie particulièrement prometteuse en milieu urbain. La transition vers davantage d’efficacité énergétique n’est pas une lubie, un luxe pour pays riche - un "grigri" pour "bobo" ! C’est un impératif à la fois social, écologique et économique.

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Villes humaines, villes durables ? Pour une révolution énergétique dans l'immobilier du Grand Paris


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