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Les unités de la région
Chronologie
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En 1914, les régiments étaient régionalisés. La grande majorité des soldats ont donc été mobilisés dans des unités proches de leur lieu de résidence. Voici la liste de ces unités
Hors-série
18e région militaire (Bordeaux)
Régiments non endivisionnés : 218e RI (Pau), 249e RI (Bayonne), escadron du train des équipages militaires de Bordeaux. Régiments territoriaux (hommes de plus de 35 ans) : 137e RIT (Saintes), 138e RIT (La Rochelle), 139e RIT (Libourne), 140e RIT (Bordeaux), 141e RIT (Mont-de-Marsan), 142e RIT (Bayonne), 143e RIT (Pau), 144e RIT (Tarbes). 17e région militaire (Toulouse). Les Lot-et-Garonnais et les Gersois étaient rattachés à la 17e région militaire : 9e RI (Agen), 20e RI (Marmande), 88e RI (Auch), 18e régiment d’artillerie de campagne (Agen), 129e RIT (Agen), 130e RIT (Marmande), 135e RIT (Mirande), escadron de cavalerie légère (Auch). 12e région militaire (Limoges) Les Charentais et les Dordognots étaient rattachés à la 12e région militaire : 107e RI (Angoulême), 50e RI (Périgueux), 108e RI (Bergerac), 51e, 21e et 34e régiments d’artillerie de campagne (Angoulême et Périgueux). Régiments non endivisionnés : 93e RIT (Périgueux), 94e RIT (Angoulême), 96e RIT (Bergerac).
Les prisonniers de guerre sont envoyés à l’arrière. Ici, sur les quais de Bordeaux, des centaines d’Allemands s’apprêtent à embarquer pour le Maroc. Photo Archives La Mémoire de Bordeaux, collection Bertrand de Quay
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HORS-SÉRIE SUD OUEST / FÉVRIER 2014 / 1914-1918 : NOTRE RÉGION DANS LA GUERRE
35e division d’infanterie : 6e RI (Saintes), 123e RI (La Rochelle), 57e RI (Libourne-Rochefort), 144e RI (Bordeaux), 1er escadron 10e hussards (Tarbes). 36e division d’infanterie : 34e RI (Mont-de-Marsan), 49e RI (Bayonne), 12e RI (Tarbes), 18e RI (Pau), 58e, 24e et 14e régiments d’artillerie de campagne (Bordeaux et Tarbes). 15e dragons (Libourne)
1914 28 juin : assassinat à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand, hériter de l’Empire austro-hongrois. 28 juillet : déclaration de guerre de l’AutricheHongrie à la Serbie. 30 juillet : mobilisation générale en Russie. 1er août : déclaration de guerre de l’Allemagne à la Russie. Mobilisation générale en France. 3 août : déclaration de guerre de l’Allemagne à la France. 4 août : déclaration de guerre du Royaume-Uni à l’Allemagne. 5 août-6 septembre : offensive allemande en Belgique et en France (à 30 kilomètres de Paris), retraite française. 6-13 septembre : bataille de la Marne puis guerre de positions.
1915 23 mai : l’Italie déclare la guerre à l’AutricheHongrie. Janvier à décembre : guerre de tranchées.
1916 21 février : bataille de Verdun (février à décembre). 275 000 Français et 240 000 Allemands sont tués. 1er juillet : début de la bataille de la Somme (jusqu’en novembre). 442 000 morts français, britanniques et allemands, et 620 000 blessés.
1917 6 avril : entrée en guerre des États-Unis. 16 avril : bataille du Chemin des Dames (jusqu’en octobre). Environ 200 000 tués français. Premières mutineries en avril. 554 condamnations à mort, 49 exécutions. 15 décembre : armistice entre la Russie et l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie
1914-1918
Notre région dans la guerre
1918 21 mars : offensive allemande, bombardement de Paris. 15 juillet : seconde bataille de la Marne. Août : offensive générale alliée. 11 novembre : signature de l’armistice.
1919 28 juin : signature du traité de paix à Versailles.
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Chasseur alpin
Fantassin
Fantassin
Fusiller marin
Zouave
Aviateur
Infanterie anglaise
Infanterie écossaise
Tirailleur marocain
Infanterie belge
Infanterie belge
Infanterie indienne
Allemand
Cavalerie allemand
Chasseur allemand
Etat major allemand
Officier infanterie allemand
Hussard de la mort
SOMMAIRE L’interview de Jean-Yves Le Naour
4-7
LA RÉGION DANS LA GUERRE
Chapitre 1
EN ROUTE POUR LE FRONT
Nontron, un canton à la veille de la guerre Les paysans du Sud-Ouest Rouge garance et vert-de-gris Premières images Quatre familles dans la guerre :1914-1915 2 I 1914-1918 : Notre région dans la guerre
Chapitre 2
12-18 19 20-21 22-27 28-35
Avec le 34e RI de Mont-de-Marsan
38-43
La division Gascogne à Craonne
44-45
Destins de guerre
46-50
Dans les tranchées
52-54
Le gouvernement à Bordeaux
54-56
Les Américains dans le Sud-Ouest
58-61
Quatre familles dans la guerre : 1916
66-73
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1914-1918 : Notre région dans la guerre
Chasseur à cheval
Dragon
Tirailleur sénégalais
Turco
Gendarme
Highlander
Infanterie japonaise
Infanterie serbe
Cosaque
Garibaldien
Infanterie montenegrine
Infanterie russe
Infanterie allemand
Infanterie autrichien
Infanterie bavarois
Major autrichien
Infanterie autrichien
Infanterie turc
Chapitre 3
Chapitre 4
LA VIE ICI
LE RETOUR
Des milliers de blessés à soigner Reconversion de l’industrie Le vin, ami du poilu Les femmes dans la guerre La vie malgré tout Images de l’arrière Quatre familles dans la guerre : 1917
76-77 78-81 82-83 84-91 92-93 94-97 98-103
Nontron quatre ans après Le poids des blessés et des mutilés Bilan des morts dans la région L’économie régionale après la guerre Images du retour Quatre familles dans la guerre : 1918 Bibliographie et remerciements
105-111 112-118 119 124-129 130-135 136-143 144
1914-1918 : Notre région dans la guerre I 3
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L’assassinat de l’archiduc François-Joseph par l’étudiant serbe Princip. Mais « pourquoi n’a-t-on pas arrêté l’engrenage? » s’intérroge Jean-Yves Le naour Photo archives Sud Ouest
L’engrenage d’une paranoïa collective La Grande Guerre ne fut inévitable que parce que ses acteurs, dans l’atmosphère de peur d’avant 1914, ont pensé qu’elle l’était et n’ont pas cherché à l’empêcher. L’analyse de l’historien Jean-Yves Le Naour Propos recueillis par Christophe Lucet 4 I 1914-1918 : Notre région dans la guerre
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Entretien « Sud Ouest ». La guerre de 1914 fut un cataclysme. Pourtant, on garde l’impression qu’elle aurait pu être évitée… Jean-Yves Le Naour. Il n’y a pas de fatalité en histoire. Cela n’existe qu’en littérature, dans les tragédies. L’histoire est faite par des hommes et des femmes, elle n’est pas écrite. Une décision peut tout changer, un malentendu tout compliquer. Croire que les choses devaient se passer ainsi parce qu’elles se sont passées ainsi, c’est faire de la téléologie ou se complaire dans une pensée paresseuse. Non, la guerre de 1914 n’était pas inévitable. Ce qui l’a rendu inévitable est la croyance des contemporains en son inéluctabilité. Pourquoi les Européens de 1914 sont-ils si pessimistes ? Parce qu’une angoisse plane. Depuis les tensions de 1911 entre Paris et Berlin au sujet du Maroc, on parle de plus en plus de la guerre. Cela ne veut pas dire qu’on y
croit mais la paix dure depuis longtemps ! L’Allemagne, première puissance industrielle, se sent étouffée entre la France et la Russie : partie tard dans la conquête co-
« Il est fascinant de voir que tous entrent en guerre avec l’idée qu’ils sont agressés. » loniale, elle cherche plutôt son espace vital en Europe dans la ligne de ce que pensait Bismarck. Et le pangermanisme se développe contre la peur d’une marée slave. Mais la volonté de Berlin de se faire une place dans le concert des nations se heurte à l’Angleterre. Celle-ci craint la volonté allemande de bâtir une flotte et refuse de céder sa suprématie sur les mers, d’où une course à l’armement naval. Tout cela crée
une paranoïa collective où la guerre finit par apparaître comme une solution. Les peuples se sont jetés dans la guerre ? Non. « Nous ne voulons pas la guerre mais nous la ferons », dit von Moltke, chef des armées du Reich. En écho, des instituteurs français rapportent la stupeur des gens quand sonne le tocsin le 31 août 1914 et leur réaction : « Puisqu’ils veulent la guerre, ils l’auront. » L’orage éclate, c’est presque un soulagement. Il est fascinant de voir que tous entrent en guerre avec l’idée qu’ils sont agressés. La cause est-elle l’engrenage des alliances après l’attentat de Sarajevo ? Ne prenons pas les conséquences pour la cause. Il y a, bien sûr, un engrenage d’alliances qui, à partir d’un conflit austroserbe, amène entre le 28 juillet et le 4 août 1914 les grandes puissances européennes
Poilus partant à l’assaut après un bombardement. Photo collection famille Léclair
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En route 10 I 1914-1918 : Notre rĂŠgion dans la guerre
pour le f
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1
PARTIE 1 : NONTRON
UN CANTON À LA VEILLE DE LA GUERRE
12 à 18 EN ROUGE GARANCE ET VERT-DE-GRIS
20 à 21 Août 1914 : les soldats du 34e régiment d’infanterie de Mont-de-Marsan montent dans un train décoré de fleurs. Photo archives amicale du 34e RI
front
PREMIÈRES IMAGES DU CONFLIT
22 à 27 QUATRE FAMILLES DU SUD-OUEST DANS LA GUERRE
28 à 35 1914-1918 : Notre région dans la guerre I 11
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Rouge Garance Illustrations : Nicolas Dumonteil
En août 1914, voici quels étaient les uniformes et les équipements des soldats français et allemands
Le poilu de 14
Au début de la guerre, l’équipement du soldat français est d’une autre époque, trop voyant, trop lourd, pas assez protecteur. Il ne comporte pas de casque (le casque ne sera donné aux soldats qu’à partir de septembre 1915) mais un képi modèle 1884. Son havresac pèse entre 20 et 25 kilos et renferme notamment vêtements, nourriture, lampe, pansements, ustensiles de cuisine, etc. À cela il faut ajouter le poids des cartouchières, du bidon, des musettes, du fusil Lebel modèle 1893 qui pèse 4,180 kg et de la baïonnette. 20 I 1914-1918 : Notre région dans la guerre
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Uniformes
et vert de gris Le soldat allemand L’uniforme de couleur gris-vert se prête mieux au camouflage. De plus, le soldat est protégé par un casque. Son sac à dos est plus léger, environ une quinzaine de kilos. Il emporte également une gourde de 2 litres et des cartouchières. L’arme réglementaire est le fusil Mauser modèle 1889, avec baïonnette, dont la portée est supérieure au Lebel français.
Un dessinateur bordelais Nicolas Dumontheuil a 46 ans et vit à Bordeaux. Il a reçu l’Alph-Art du meilleur album au festival de la bande dessinée d’ Angoulême pour son ouvrage « Qui a tué l’idiot ? » paru en 1996. Trois ans plus tôt sortait sa première BD « L’Enclave » (Dargaud). Son dernier album, « La colonne » (Futuropolis), s’intéresse à un jeune tirailleur sénégalais à la fin du XIXème siècle. Nous lui avons demandé d’illustrer ces pages sur les soldat allemand et français car il est aussi l’auteur du « Roi cassé » (Casterman) où il raconte l’histoire du poilu Simon Virjusse, dernier tué du conflit, déserteur qui attend l’armistice mais finalement happé par la mort lorsqu’il tue un soldat ennemi et saute sur une mine. Nicolas Dumontheuil l’accompagne dans un flashback, 9 mois en arrière, pour modifier le cours de la guerre.
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Quatre familles dans la guerre
1914-1915 Grâce aux lettres qu’ils ont écrites, aux photos qu’ils ont prises et surtout grâce au formidable travail de mémoire de leurs descendants, voici l’histoire vraie de quatre soldats et de leur famille de la région. Quatre poilus dont nous vous invitons à partager le quotidien de ces quatre années. En 1914 les vies d’André Claude, Albert Dubouilh, Victor Massias et de Jean Teilhaud s’apprêtent à basculer Textes : Fabien Pont - Dessins : Sandrine Revel
Famille Massias Saint-Mariens (33)
Famille Dubouilh Saint-Macaire (33)
Famille Teilhaud Segonzac (16)
28 I 1914-1918 : Notre région dans la guerre
Famille Claude
Saint-Jean-de-Luz (64)
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Famille Claude Un adolescent impatient André Claude n’a pas encore soufflé ses seize bougies lorsque les soldats allemands envahissent la Belgique. Mais cet employé de l’hôtel Avenida Palace de Lisbonne, intelligent et déjà très mature, enrage d’être trop jeune. Il envie son père Gaston, qui a quitté son poste de sous-directeur de la compagnie des Wagons-Lits à Madrid pour répondre à la mobilisation. À 41 ans, celui-ci endosse un uniforme qu’il avait quitté en 1898 en se mariant avec Renée Macquarie, âgée seulement de 16 ans, mais déjà enceinte d’André. En août 1914, Gaston Claude rapatrie sa femme Renée et ses filles, Suzanne, 12 ans, et Georgette, 2 ans, à Saint-Jeande-Luz, là où les expatriés français travaillant à Madrid ont l’habitude de passer leurs vacances. Beaucoup de leurs compatriotes dans la même situation les rejoignent pour accomplir leur devoir. Parmi eux, le docteur Baro, ophtalmologiste du roi Alphonse XIII (1). « Chère maman, je viens de recevoir la lettre de papa m’annonçant son départ pour la guerre », écrit le 3 août André, depuis
Gaston Claude, à Saint-Jean-de-Luz avec ses deux filles, Suzanne (debout) et Colette. Photo collection famille Bourdil
Lisbonne. « Je pensais bien qu’il devait partir car tous mes camarades s’en vont et je reste tout seul à l’hôtel, c’est pourquoi j’ai beaucoup de travail. » Un mois plus tard, au front, Gaston Claude est grièvement blessé au bras, hospitalisé, puis envoyé en soins à Saint-Jean-de-Luz. Cette blessure n’enlève rien à l’envie de « faire son devoir » que manifeste son fils. Bien au contraire. Le 30 septembre, dans une lettre à sa mère, André réaffirme cette détermination : « D’après ce que tu me dis, il semble que sa blessure ne va pas trop mal. Si j’avais trois ans de plus, je pourrais servir à quelque chose et aller le remplacer. »
Entre affaires et engagement Tandis que Gaston Claude poursuit sa convalescence, André bout toujours d’impatience. Le 17 juillet 1915, alors qu’il n’a pas 17 ans, il écrit à son père nommé instructeur après sa guérison : « Je te demanderai, si tu m’écris, de me donner tous les tuyaux que tu pourras avoir car, inutile de te le dire, j’ai plus que jamais l’intention de m’engager. » À Lisbonne, il se rend au consulat pour incorporer l’armée française. En vain. Entre-temps, le jeune homme se soucie du bien-être matériel de ses parents. Il envoie de l’argent et réalise une affaire pour acheter des aigrettes, dont les plumes ornent les chapeaux. Le 11 septembre, il confirme à sa mère l’envoi d’une aigrette : « Elle n’est pas tout à fait propre. Il faudra la faire nettoyer seulement avec de l’eau et du savon. Ne pas adjoindre d’eau oxygénée ni autre chose du même genre parce que ça rend les brins plus cassants et ça finit par jaunir. Pour sortir le plumet, se conformer aux indications que je mets dans le carton. » Et André d’expliquer à son père, le 13 septembre, qu’il « a déniché un chasseur d’aigrettes qui revenait du Brésil avec un stock à écouler ». Mais, en cette année 1915, c’est d’abord à la guerre et au front que vont ses pensées, même s’il demeure partagé entre son 1914-1918 : Notre région dans la guerre I 29
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La rĂŠgion 36 I 1914-1918 : Notre rĂŠgion dans la guerre
dans la g
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2 LES SOLDATS RACONTENT
38 à 45 DESTINS DE GUERRE
46 à 50 Des brancardiers de la division gasconne ont revêtu des peaux de mouton sur leur capote militaire pour se protéger du froid. Photo archives « Sud Ouest »
guerre
LE GOUVERNEMENT À BORDEAUX
54 à 57 LES AMÉRICAINS DANS LE SUD-OUEST
60 à 61 1914-1918 : Notre région dans la guerre I 37
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Le monument érigé en l’honneur de la division Gascogne à Oulches-la-Vallée-Foulon, dans l’Aisne. Photo Philippe Taris
La gloire, le sang e et le drame du 18 RI Héroïque dans les combats du Chemin des Dames, le régiment s’est mutiné après avoir subi des pertes inouïes. Texte : Bernard Broustet
A
u pied d’un obélisque, la statue en pierre d’un personnage qu’on pourrait qualifier de soldat basque inconnu. Il est coiffé non d’un casque, mais d’un béret. Son regard ne porte pas vers le nord, où se situe le champ tout proche des effroyables batailles de Craonne, mais en direction du sud et de son lointain pays natal, d’où il a été arraché pour partir à la boucherie. Érigé à Oulches-la-Vallée-Foulon, l’une des communes du secteur du Chemin des
44 I 1914-1918 : Notre région dans la guerre
Dames, cet ensemble est connu sous le nom de « monument des Basques », en raison du parti artistique choisi par le sculpteur Claude Grange, lui-même ancien combattant décoré de la croix de guerre. Mais ce monument, inauguré à la fin des années 1920, célèbre en fait l’ensemble des régiments qui constituaient la 36e division d’infanterie et qui étaient basés tant à Bayonne qu’à Pau, Tarbes ou Mont-de-Marsan. Pour les unités qui composaient cette division, l’essentiel de la guerre s’est déroulé dans cette zone du Chemin des Dames –
nom de lieu à la connotation galante, voire primesautière, qui contraste de façon quasi obscène avec la violence des affrontements dont il fut le théâtre. Comme les autres régiments de la division, le 18e RI, basé à Pau, opéra dès le dernier trimestre 1914 dans ce secteur où, selon son JMO (journal des marches et des opérations), les journées qualifiées alors de « calmes » par le commandement se soldaient par une ou plusieurs demi-douzaines de morts, et où l’on déplora, pour le seul 25 janvier 1915, 2 000 tués et blessés
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Journal d’un régiment lors des combats de la Creute et du bois de Foulon. C’était, si l’on peut dire, le hors-d’œuvre de la bataille du printemps 1917, où l’offensive annoncée comme décisive par le généralissime Nivelle ne déboucha que sur une avancée restreinte, avec un coût humain évalué à plus 100 000 morts et blessés français.
Condamnés puis réintégrés Lors de cette page noire de l’histoire, le 18e eut plus que sa part de gloire, de sang et de drame. Les 4 et 5 mai, il conquit le village de Craonne, puis les parties sud et nord du plateau adjacent de Californie, position stratégique dominant la vallée de l’Aisne. Ces assauts et le déluge d’artillerie déclenché ensuite en riposte par les Allemands firent, selon les sources, entre 800 et 1 000 morts et blessés. Si bien que, à la fin de cette bataille, le régiment avait perdu en moins de trois ans autant d’hommes qu’il en comptait à l’été 1914. Relevé, puis cantonné un peu plus au sud, le 18e fut gagné par une mutinerie. Après l’annonce d’un retour au front, des officiers, dont le colonel Decherf, furent molestés et il y eut des coups de feu, avant que les choses ne rentrent dans l’ordre. Outre plusieurs dizaines de sanctions disciplinaires, 12 soldats passèrent en conseil de guerre. Cinq furent condamnés à mort. Et la grâce demandée par la majorité de ce même conseil ne fut accordée par le président Poincaré qu’à l’un d’entre eux, Fidèle Cordonnier. La nuit précédant l’exécution, l’un des quatre autres, le Landais Vincent Moulia, originaire de Nassiet et précédemment décoré de la croix de guerre pour sa conduite au feu, profita du bombardement de la remise à betteraves, où il se trouvait enfermé, pour s’évader et gagner sa Chalosse natale, puis l’Espagne, où il resta exilé près de vingt ans avant de revenir chez lui. Mais ses trois infortunés camarades, dont le Béarnais Jean-Louis Lasplacettes, furent fusillés non loin du cime-
Jean Louis Lasplacettes, paysan d’Aydius, fusillé en 1917 et réhabilité en 2009. Photo DR
tière de Maizy, où ils sont censés avoir été inhumés dans une fosse commune, sans que pendant plus de neuf décennies rien ne vienne attester sur place la tragédie qui s’était jouée là. Comme l’avait souhaité en 1998 Lionel Jospin, demandant que les mutins soient réintégrés « dans la mémoire collective nationale », le cimetière de Maizy, jouxtant les ruines de l’église, abrite depuis 2009 une petite stèle en souvenir de Jean-Louis Lasplacettes ainsi que de Camille Canel
et Alphonse Didier, ses compagnons d’infortune. Et, à la satisfaction de sa petitenièce Martine Lacout-Loustalet, le nom de Jean-Louis Lasplacettes, qui fut lui aussi un courageux soldat, figure maintenant sur le monument aux morts de sa commune natale d’Aydius, en vallée d’Aspe. Une vallée qui, comme tant d’autres pays de France, a payé un tribut inouï. Elle comptait quelque 10 000 habitants à l’orée de la guerre. Et celle-ci n’a pas fauché moins de 361 de ses fils. 1914-1918 : Notre région dans la guerre I 45
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Le 4 juillet 1918, sur promenade du Mail à La Rochelle se déroule la célébration du Mémorial Day en présence du général Hubert commandant d’armes et du colonel Lee commandant la base alliée. Photo collection Yves Le Dret
Cigarettes, jazz et p’tites pépées Entre 1917 et 1919, la présence de milliers de soldats américains a bouleversé le quotidien des Rochelais. Une centaine de jeunes femmes n’y ont d’ailleurs pas résisté. Texte : Sylvain Cottin
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Les Américains dans le Sud-Ouest
O
utre les 2 millions de soldats américains déployés dans l’Hexagone à l’heure de l’Armistice, la petite histoire retiendra que des dizaines de milliers de chevaux auront auparavant franchi l’Atlantique à la rescousse de la cavalerie française. Ainsi, dès Noël 1914, c’est un bateau chargé de 1 400 canassons que les Rochelais voient par surprise arriver à bord du vapeur « Ouessant ». Sachant qu’une seule batterie d’artillerie nécessitait alors quelque 250 bêtes, le renfort hippomobile fut loin d’être une bagatelle. Souvent débarqués en piteux état, les troupeaux seront d’ailleurs ensuite aux petits soins des vétérinaires français, ceux-là n’hésitant pas à les accompagner systématiquement depuis New York.
Sur le port, une corne d’abondance Pas plus que de leurs bêtes, les Rochelais n’ont pourtant guère conservé le souvenir d’avoir abrité – d’octobre 1917 à juin 1919 – la base d’opération n° 7, l’un des plus grands repaires logistiques du pays. Quatre mois après l’arrivée triomphale du général Pershing à Boulogne-sur-Mer, les Sammies prennent ainsi possession de ce port de La Pallice qu’ils vont profondément moderniser. Approvisionnant les quais telle une corne d’abondance perchée au sommet de leurs grues électriques, c’est un véritable débarquement d’automobiles, d’essence ou de viandes congelées qui, chaque jour ou presque, déferle sur le rivage rochelais, aiguisant alors l’admiration autant que l’appétit de la population. Depuis trop longtemps en chantier, le quartier de la gare pousse lui aussi soudainement comme un village du Far West. Parsemée de baraquements de bois aujourd’hui disparus, la petite cité interdite construit aussitôt à la chaîne wagons frigorifiques et citernes destinés au front. Dotés de l’éclairage électrique, du chauffage, de salles de bains débordant d’eau chaude
et d’un salon de coiffure, les Yankees contiennent alors fort bien le mal du pays. Un siècle plus loin, c’est d’ailleurs à l’héritage de cette industrie de guerre que La Rochelle et la France doivent leur fleuron ferroviaire. Déplacés à quelques traverses du centre-ville en 1920, les ateliers américains de Bongraine sont, depuis 1972, ceux du constructeur des trains à grande vitesse Alstom.
Concerts, base-ball et films US Soldats zélés, les Sammies le sont aussi à chaque permission de sortie. Sans parler d’américanisation de la société rochelaise, force est tout de même d’entendre que les notes de jazz résonneront vite aussi
« Un siècle plus loin, c’est d’ailleurs à l’héritage de cette industrie de guerre que La Rochelle et la France doivent leur fleuron ferroviaire » fort que les complaintes d’accordéon. Outre de nombreux concerts ouverts à la population, la presse fait également régulièrement l’annonce de matchs de base-ball au stade du Trianon, tandis que le cinéma Olympia diffuse les derniers films US en vogue. Quasiment intégrées à notre bon vieux calendrier tricolore, les grandes fêtes américaines déplacent trois années durant les foules autochtones. Thanksgiving en novembre, le Memorial Day en mai, et puis ce fameux Independance Day qui, le 4 juillet 1918, devient d’ailleurs fête nationale partout en France. En dégoisant à tue-tête du « La Fayette, nous voilà ! » sur les allées du Mail, combien sont-ils alors à savoir qu’ils voisinent Rochefort, ce port d’où le marquis libérateur avait embarqué à bord de l’« Hermione » 137 années plus tôt ?
Des amourettes et des bagarres L’alcool coulant à grands flots, les mœurs aussi se relâchent parfois jusque dans l’intime. Avant que leurs cadets ne courent le jupon normand et parisien en 1944, les cow-boys de la Grande Guerre eurent en effet la main déjà bien leste. Troublées par leurs égards a priori courtois autant que par l’espoir d’une vie meilleure, une centaine de jeunes Rochelaises iront même jusqu’au mariage entre 1918 et 1919. Lingères, couturières ou commerçantes, pour la plupart celles-ci suivront leur homme outre-Atlantique une fois l’heure de la démobilisation sonnée. Éconduits ou simplement fidèles à leur lointaine maîtresse de maison, d’autres se répandront abondamment sur la vénalité de ces Françaises si faciles. À toutes fins utiles, l’état-major offrira d’ailleurs à ses soldats une station de prophylaxie censée les préserver des maladies vénériennes. À côté de cette fraternisation plutôt bon enfant, les archives de la préfecture noteront tout de même çà et là quelques éthy-
UN PONT A TALMONT Située sur les coteaux de Gironde, en bordure de l’estuaire, la magnifique cité saintongeaise de Talmont a été choisie en 1917 comme base navale. Facilement abordable et surtout en eau relativement profonde, la baie de Talmont a été l’objet de grands travaux effectués par le 18e régiment du génie américain. Persuadés que la guerre durerait encore plusieurs années, les Alliés avaient entrepris de réaliser un port opérationnel en février 1919 pour y débarquer surtout du matériel. Ce fut d’abord la construction d’une voie ferrée longue de 10 kilomètres entre Saint-Georges-de-Didonne et Talmont. Des falaises furent également dynamitées, mais le projet resta inachevé en raison de l’armistice du 11 novembre 1918, et le site exceptionnel de Talmont fut ainsi préservé. 1914-1918 : Notre région dans la guerre I 59
portfolio
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Images du front
Fauchés par la mitraille En rangs serrés et baïonnette au canon, en ces premiers jours de guerre les soldats français, ont été fauchés par les mitrailleuses allemandes. Ce tambour qui porte son officier semble malgré tout très déterminé. Photo collection famille Pont
Décimés Cette photo a été prise après la bataille de Craonne. Le soldat Laurent Dessarps de Cantenac du 249e de Bayonne (2e rang, 2e à partir de la droite) a inscrit ce commentaire : « Voilà ce qui reste de la 17e compagnie après la bataille de Craonne. Sur 250. Rendez-vous compte ! » Photo collection famille Chardon.
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Retour de chasse Parmi les corvées des poilus figure celle de la chasse aux rats qui pullulent dans les tranchées. Ce soldat est pris en photo par le lieutenant Lavitry, de Montguyon, 63e RIT. Photo collection famille Pont
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Repos Incorporé au 144e RI de Bordeaux, le soldat André Louis de SaintMédard-de-Guizières, profite d’une pause pour se faire prendre en photo. On remarque bien tout l’équipement qu’il porte. André Louis reviendra vivant de la guerre. Partie de quilles Moment de détente pour les officiers du 141e RIT de Mont-de-Marsan en cette année 1916, près du front. Les Landais restent régionalistes : bérets et jeu de quilles.
Photo collection famille Louis
Photo collection amicale du 34e RI
En basque Le soldat Firmin Arramendy de Saint-Jean-de-Luz, appartenant au 57e RI de Bayonne,bien qu’interné, garde le moral. Il a inscrit dans sa langue d’origine les coordonnées de son lieu d’internement. Photo collection famille Arramendy
Dérision Marcel Canguilhem surnommé « Cel le gaucher » après avoir perdu son bras droit était un dessinateur de talent dont les croquis et les caricatures étaient très appréciés de ses camarades du 34e RI de Mont-de-Marsan. Photo collection amicale du 34e RI
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La vie à 74 I 1914-1918 : Notre région dans la guerre
l’arrière
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3 BLESSÉS ET CONVALESCENTS AFFLUENT DANS LA RÉGION
76 à 77 L’INDUSTRIE SE RECONVERTIT, LA VITICULTURE SOUFFRE
78 à 83 LES FEMMES DANS LA GUERRE Infirmières de la Croix-Rouge à l’hôpital de Libourne Photo archives de la Croix-Rouge
84 à 91 LA VIE MALGRÉ TOUT
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Poudrerie de Bergerac. Les femmes alimentent le séchoir à coton qui entre dans la fabrication de la nitrocellulose nécessaire aux munitions. Photo archives Poudrerie de Bergerac
Ces dames retroussent leurs manches Aux champs, dans les usines, les commerces, les hôpitaux et les écoles, la gent féminine occupe durant ces années de guerre les postes et fonctions jusqu’alors dévolus aux hommes Texte : Axelle Maquin-Roy
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Les femmes dans la guerre
L
a guerre est une affaire d’homme ! En 1914, les femmes regardent leur père, leur mari, leur fiancé rejoindre fièrement le front. Après quelques mois, il faut se rendre à l’évidence : les hommes ne reviendront pas de sitôt. Ils seront même chaque année plus nombreux à gagner les rangs militaires. Celles qui se sont vu refuser le droit de vote aux législatives d’avril 1914 sont à leur tour mobilisées. Des champs aux usines, dans les écoles comme aux bistrots, aux commandes de tramways ou au chevet des blessés, le « sexe faible » assure réconfort, instruction, et permet à la France, épuisée par la guerre, de continuer à produire. Claire Berton n’a que 14 ans lorsqu’elle voit son père partir. À peine sortie de l’enfance, c’est à elle –et à sa mère, Noémie – qu’échoit la responsabilité de poursuivre le métayage de la ferme de Villenouvelle, à Villeneuve-la Comtesse, en pays saintongeais. Stanislas explique alors par courrier à ses « chères enfants » comment gérer l’exploitation. En quatre ans de service, pas une lettre de l’abondante correspondance du caporal du 67e régiment territorial d’infanterie dans laquelle Claude Finot, son arrière-petite-fille, ne relève consignes et préconisations sur la bonne tenue « de nos affaires ». Dix jours après son premier courrier, Stanislas s’inquiète de « la récolte des pommes de terre ; dites-moi s’il y en a beaucoup, si vous avez battu et si le résultat est bon » (27 août 1914). Les saisons passent, et « Stanis », comme l’appelle son épouse, poursuit ses recommandations. Lorsqu’en décembre Noémie projette de labourer, il écrit : « Il serait préférable de laisser les champs ainsi, ils serviraient de pâturage au printemps où à ce moment, […] je ferai ce que je jugerai utile. » Mais le père de famille reste quinze mois sans une permission. Les lettres rédigées sur les pages détachées d’un cahier se succèdent. Sans rien perdre de leur bon sens fermier. À 37 ans, Noémie s’exécute ; vend les
vaches, engraisse les veaux et doit envisager seule, avec ses filles, de « sarcler et de serrer le foin » en mars. Et fait face, en juin 1915, alors qu’« ici il fait mauvais » et que « [leurs] foins ne sèchent pas ».
À peine sortie de l’enfance, c’est à elle – et à sa mère, Noémie – qu’échoit la responsabilité de poursuivre le métayage de la ferme de Villenouvelle « Au-dessus de vos forces » La concision des courriers n’enlève rien à l’intérêt que le fermier de 39 ans porte à sa famille. « Je vois bien […] que souvent vous travaillez au-dessus de vos forces ; tâchez surtout qu’il ne vous arrive aucun accident » (8 juillet 1915). Toute « vaillante » qu’elle est, Noémie Berton n’est toutefois pas indépendante. Pour preuve cette réponse de septembre 1915 : « J’ai lu hier votre lettre dans laquelle vous auriez demandé quelque argent à la Caisse d’épargne. Si réellement vous avez besoin, dites-moi le. Je vous donnerai l’autorisation nécessaire. » Mais pour les affaires courantes, Noémie se débrouille, comme Raymonde, la cadette de la famille le rapporte à son père dans sa lettre du 11 novembre 1915 : « Maman est partie à Villeneuve chercher un boulon pour réparer la charrue. » Après une année et demie à travailler ainsi seule, Noémie trouve des bras pour l’aider. Avec l’assentiment de son époux. « Vous avez bien fait de gager Roger, j’espère qu’il travaillera bien […]. Peut-être pourriez-vous lui faire faire quelques fagots […] ; vous labourerez à la forêt […] pour y mettre des pommes de terre, au fief […] pour des bet-
teraves, à la fausse […] pour des choux fourragers. Voyez aussi le jardin que vous pourrez lui faire faire avec avantage. » À la Saint-Michel de l’année 1916, la situation de la famille Berton connaît un bouleversement. Alors que Stanislas annonce : « Vous ferrez les battages sans moi », le bail de location des terres touche à sa fin. Et le propriétaire veut les reprendre. « M. Cotereau pourrait peut-être prendre tout ou partie du cheptel, comme il voudrait, après entente du prix avec nous », écrit Stanislas. Noémie et ses deux filles quittent seules Villeneuve-la-Comtesse pour s’installer en fin d’année à Saint-Jeand’Angély, non sans avoir dû se dépêtrer d’un propriétaire prompt à profiter de la situation… Noémie trouve une place de couturière dans un atelier. Elle continue à exploiter un jardin pour subvenir aux besoins familiaux et suit toujours les conseils de son homme : « Surtout mettez-y des haricots, vous pouvez en semer jusqu’au 20 mai »
Noémie et Stanislas Berton (dans les années 1950), métayers. C’est grâce aux instructions de son mari, transmises par lettres, que Noémie a géré l’exploitation des terres, seule, avec ses filles. Photo collection famille Finot
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Retour 104 I 1914-1918 : Notre rĂŠgion dans la guerre
au pays
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NONTRON, UN CANTON APRÈS LA GUERRE
105 à 111 MUTILÉS, CEUX DU SUD-OUEST RACONTENT
112 à 119 L’ÉCONOMIE DE LA RÉGION MODIFIÉE PAR LA GUERRE Le 10 septembre 1919, le 123e régiment d’infanterie fait un retour triomphal dans sa ville de La Rochelle, ici sous la Grosse Horloge. Photo collection Yves Le Dret
124 à 127 DOULOUREUSES RETROUVAILLES POUR LES QUATRE FAMILLES
136 à 143 1914-1918 : Notre région dans la guerre I 105
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Blessés aux jambes ou aux pieds à l’hôpital de Cognac. Photo collection famille Dubouilh
C’est le pays entier qui est mutilé Aux 1 300 000 tués de la guerre s’ajoutent plus de 3 millions de blessés, dont 1 500 000 invalides. Et, parmi eux, 300 000 mutilés et 500 000 blessés de la face, dont les 15 000 « gueules cassées » Texte : Danielle Hoursiangou 112 I 1914-1918 : Notre région dans la guerre
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Blessés et veuves de guerre
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oute la société va devoir faire face aux conséquences du conflit, pendant les quatre années de son déroulement, mais également au fil des années qui suivirent l’armistice. Et c’est précisément le sort des blessés, malades, mutilés, veuves et orphelins de guerre qui est à l’origine de la création des associations d’anciens combattants. Dès 1918, un véritable mouvement se crée autour de la solidarité et du lien entre les camarades de combat. Ces associations inspireront par leurs actions ce qu’on appellera plus tard l’État providence. Avec une première résonance dans les courants de pensée qui ont présidé aux revendications de 1936.
Emplois réservés Mais que se passe-t-il dans la réalité pour les mutilés, dont le retour à la vie civile pose un problème complexe ? Les patrons ont tendance à employer ceux qu’ils connaissent pour combler, tout au long du conflit, le déficit de main-d’œuvre causé par la mobilisation. Le retour des hommes valides va ensuite les mettre sur la touche. Lorsqu’ils se trouvent sans le soutien d’une famille ou d’un cercle d’amis, ils sont parfois réduits à la mendicité ou au placement dans une institution (hospice, hôpital). Les mutilés et grands blessés sont soumis à ce qu’on pourrait appeler la double peine. Ils ont été durement touchés dans leur chair, seront pour certains lourdement handicapés à vie, et, comme si cela ne suffisait pas, le retour à la vie civile constituera très vite une désillusion. La société, après leur avoir témoigné de la solidarité en leur réservant une place dans les entreprises et administrations, se détournera de bon nombre d’entre eux pour compter sur ses hommes valides de retour du front et se consacrer à la reconstruction et à la prospérité. Première difficulté, l’accès à un emploi réservé fait suite à une sélection établie à partir d’étapes : instruction du dossier, attestation, via des certificats, que le demandeur relève du statut de victime de
guerre, examen de la situation familiale et de la bonne moralité, aptitudes physiques et professionnelles. En 1919 est votée la loi qui fixe notamment la pension d’invalidité militaire en fonction du grade et du taux d’invalidité, qui, lui, est établi sur les capacités professionnelles du pensionné. En ce qui concerne les soins gratuits aux mutilés et réformés de la guerre, en consultant les rapports annuels à partir de 1927, on constate que la liste des bénéficiaires, en Dordogne, ne cesse d’augmenter. En 1927, le service départemental des soins gratuits aux mutilés réformés comptabilise 6 539 bénéficiaires inscrits à l’accès aux soins gratuits, dont 2 719 qui ont demandé des soins ; en 1932, on compte 9 343 ins-
« Les mutilés et grands blessés sont soumis à ce qu’on pourrait appeler la double peine »
Ramassage de blessés dans les tranchées. Photo archives « Sud Ouest »
crits bénéficiaires des soins gratuits ; en 1933, 9 800 ; et 10 019 en 1934. Autre augmentation, celle des frais d’hospitalisation et de séjour dans les sanatoriums, notamment dans celui de Clairvivre, dans ce même département. Beaucoup de soldats étaient en effet atteints de tuberculose.
Amputé Des dizaines de milliers d’autres ont été plus lourdement handicapés encore et vivront toute leur vie avec leur infirmité. C’est le cas de deux Périgourdins. Le premier, Jean Tamarelle, sous-lieutenant, affecté d’abord au 50e régiment de Périgueux puis au 142e de Mende, a été blessé au front en 1918, dans la nuit du 19 au 20 août, alors qu’il ramenait dans les
lignes françaises un de ses hommes grièvement atteint. Cette action lui vaudra la croix de guerre avec palme et la Légion d’honneur, mais aussi d’éternelles souffrances. Amputé au tiers supérieur du tibia de la jambe gauche, il effectuera de longs séjours dans les hôpitaux de la région : Bergerac et Talence notamment. « C’est pendant sa convalescence à Talence que mon père fit la connaissance de deux autres officiers », raconte son fils Jean, qui habite Bordeaux. « Les trois hommes décidèrent de réunir leurs économies pour se lancer dans les affaires en achetant et revendant du matériel militaire américain. Ils achetèrent donc ce matériel qu’ils revendirent avant que mon père n’ouvre une épicerie à Arcachon, puis cours de la Somme, à Bordeaux.
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portfolio
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Entre liesse et chaos soulagement Le 7 novembre 1918, les parlementaires allemands franchissent les lignes alliées à bord d’un véhicule muni d’un drapeau blanc. Photo archives « Sud Ouest »
c’est fini Soldats français manifestant leur joie à l’annonce de l’armistice. Photo archives « Sud Ouest »
accueillis en héros Le 10 septembre 1919, les troupes du 123e arrivent en gare de La Rochelle (gare du PO, Paris à Orléans, aujourd’hui disparue ; à cet endroit se trouve l’hôtel Océanide). Photo collection Yves Le Dret
130 I 1914-1918 La région en: 1914 Notre région dans la guerre
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paysages de guerre Un avion français survole le Nord et ses paysages dévastés par les bombes et les obus. Photo collection famille Anceau
croix de bois La paix signée, les familles endeuillées partent à la recherche de leurs parents morts à la guerre et enterrés sommairement dans des cimetières militaires, comme ici celui d’Hartennes. Photo collection famille Teilhaud
défilé Le 14 juillet 1919 est l’occasion d’une gigantesque parade. Ici, les porte-drapeaux du 50e RI de Périgueux s’apprêtent à marcher sur les Champs-Élysées. Photo collection famille Pont
passage Dès 1919, les « boys » rentrent chez eux. Des immeubles bordelais comme celui de l’hôtel Meyer, allées de Tourny, qui a accueilli au premier étage le siège des Young Men’s Christian Association (YMCA), garderont le souvenir de leur passage. Mention obligatoire Archives La Mémoire de Bordeaux, collection Jean-Claude Bertreau
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Les unités de la région
Chronologie
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En 1914, les régiments étaient régionalisés. La grande majorité des soldats ont donc été mobilisés dans des unités proches de leur lieu de résidence. Voici la liste de ces unités
Hors-série
18e région militaire (Bordeaux)
Régiments non endivisionnés : 218e RI (Pau), 249e RI (Bayonne), escadron du train des équipages militaires de Bordeaux. Régiments territoriaux (hommes de plus de 35 ans) : 137e RIT (Saintes), 138e RIT (La Rochelle), 139e RIT (Libourne), 140e RIT (Bordeaux), 141e RIT (Mont-de-Marsan), 142e RIT (Bayonne), 143e RIT (Pau), 144e RIT (Tarbes). 17e région militaire (Toulouse). Les Lot-et-Garonnais et les Gersois étaient rattachés à la 17e région militaire : 9e RI (Agen), 20e RI (Marmande), 88e RI (Auch), 18e régiment d’artillerie de campagne (Agen), 129e RIT (Agen), 130e RIT (Marmande), 135e RIT (Mirande), escadron de cavalerie légère (Auch). 12e région militaire (Limoges) Les Charentais et les Dordognots étaient rattachés à la 12e région militaire : 107e RI (Angoulême), 50e RI (Périgueux), 108e RI (Bergerac), 51e, 21e et 34e régiments d’artillerie de campagne (Angoulême et Périgueux). Régiments non endivisionnés : 93e RIT (Périgueux), 94e RIT (Angoulême), 96e RIT (Bergerac).
Les prisonniers de guerre sont envoyés à l’arrière. Ici, sur les quais de Bordeaux, des centaines d’Allemands s’apprêtent à embarquer pour le Maroc. Photo Archives La Mémoire de Bordeaux, collection Bertrand de Quay
R20319 0368 5,90€
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HORS-SÉRIE SUD OUEST / FÉVRIER 2014 / 1914-1918 : NOTRE RÉGION DANS LA GUERRE
35e division d’infanterie : 6e RI (Saintes), 123e RI (La Rochelle), 57e RI (Libourne-Rochefort), 144e RI (Bordeaux), 1er escadron 10e hussards (Tarbes). 36e division d’infanterie : 34e RI (Mont-de-Marsan), 49e RI (Bayonne), 12e RI (Tarbes), 18e RI (Pau), 58e, 24e et 14e régiments d’artillerie de campagne (Bordeaux et Tarbes). 15e dragons (Libourne)
1914 28 juin : assassinat à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand, hériter de l’Empire austro-hongrois. 28 juillet : déclaration de guerre de l’AutricheHongrie à la Serbie. 30 juillet : mobilisation générale en Russie. 1er août : déclaration de guerre de l’Allemagne à la Russie. Mobilisation générale en France. 3 août : déclaration de guerre de l’Allemagne à la France. 4 août : déclaration de guerre du Royaume-Uni à l’Allemagne. 5 août-6 septembre : offensive allemande en Belgique et en France (à 30 kilomètres de Paris), retraite française. 6-13 septembre : bataille de la Marne puis guerre de positions.
1915 23 mai : l’Italie déclare la guerre à l’AutricheHongrie. Janvier à décembre : guerre de tranchées.
1916 21 février : bataille de Verdun (février à décembre). 275 000 Français et 240 000 Allemands sont tués. 1er juillet : début de la bataille de la Somme (jusqu’en novembre). 442 000 morts français, britanniques et allemands, et 620 000 blessés.
1917 6 avril : entrée en guerre des États-Unis. 16 avril : bataille du Chemin des Dames (jusqu’en octobre). Environ 200 000 tués français. Premières mutineries en avril. 554 condamnations à mort, 49 exécutions. 15 décembre : armistice entre la Russie et l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie
1914-1918
Notre région dans la guerre
1918 21 mars : offensive allemande, bombardement de Paris. 15 juillet : seconde bataille de la Marne. Août : offensive générale alliée. 11 novembre : signature de l’armistice.
1919 28 juin : signature du traité de paix à Versailles.