numéro
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I
M a i 2015
I
Photo Sébastien Lebègue
N umé ro 5
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éditorial
P A R MIC HA E L G O L D B ERG - マイケル・ゴールドバーグ
L’ultime frontière La sagesse de D.T. Suzuki
p a r M IC HA E L G O L D B E R G - マイケル・ゴールドバーグ
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エミの森 - Emi no mori Tokyo forest allegory
p a r S é b ast ien L ebè g ue - ルベーグ・セバスチャン
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Frontières
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Par-dessus bord
40
Aux lisières de l’intime et du monde
p a r Mart i n F a yn o t - マルタン p a r Li o nel D e rs o t - リオネル・デルソ
Photographies de Yu Hirai et Takuji Shimmura
内的世界と外の世界の境目で - 写真家、ひらいゆうと新村卓之の仕事 p a r V al é rie D o u n ia u x - ヴァレリー・ドゥニオ
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L’esprit Plastique
プラスチックの心
p a r b ix & M a r ki
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- F r e e l a n c e Fr a n c e Ja pon
56
Tokyo visa Island
東京ヴィザ・アイランド
p a r J ulie B la nch i n - ブランシャン・ジュリ
64
Frontières culturelles Se comprendre par le biais de l’art
様々な文化の境界 - 芸術作品を通して自分を理解すること p a r C é line B o nnet-L a qui ta i ne - セリーン・ボネラキテーン
76 82
Il était une frontière
p a r Laet i t ia Busseui l - レティシヤ・ブセイユ
Mille ans d’une frontière-horizon À la poursuite du chemin de l’Est 東路の果てに - 千年の境界と地平 p a r Yuk i k o Ka no - 加納由起子
96
Takahashi Hisao, Peintre par-delà les frontières 高橋久雄、越境する画家
p a r Yuk i k o Ka no - 加納由起子
108
Sébastien Lebègue
ルベーグ・ セバスチャン
P ho t o g raphe & dessi nat eu r - 写真家・イラストレーター P r o p o s r e cu eillis p a r Géral dine Oudi N
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FREELANCE FRANCE JAPON Q U’E ST-C E Q U E C ’ ES T ?
Photo - Aoyama © Sébastien Lebègue
Éditorial par Michael Goldberg
マイケル・ゴールドバーグ
traduit du français par Yukiko Kano 訳:加納由起子
Penser l’indépendance professionnelle, et agir Frontières - Vous Chacun travaillezde dans quelle nous est entreprise confronté ?au quotidien à de nombreuses frontières attendues et inattendues, temporelles et physiques, visibles et invisibles, littérales et littéraires, réelles ou imaginaires. - Je suis indépendant. Le ma 間 japonais, la fois brèche, vide, décalage, interstice, et moment résume Combien de fois ce court àdialogue répété intervalle, au fil des années provoque, selon lesécart métiers exercés,propice, des regards ébahis parfois un pour moi les différents que nous donnons frontières. interprétation dépend du contexte indépendants brin goguenards. Plutôt que desens laisser à d’autres le soin àdeces définir ce qu’il Son convient d’être, c’est aux professionnels derègles l’attitude de chacun. des concepts quiplurielles. font appel à ce kanji est le tokonoma 床の間, petite de fixeretles de leurs discoursL’un et de leurs identités alcôve nichée dans un renfoncement du mur de certaines pièces des maisons traditionnelles japonaises. Quand un tokonoma est vide, l’équilibre de la salle est rompu. L’harmonie est rétablie lorsqu’on y place une Au Japon, les professionnels indépendants sont particulièrement invisibles. Dans un pays où la reconnaissance est d’abord calligraphie, une estampe, un objet d’art ou une œuvre d’ ikebana qui reflète la saison, l’occasion et son liée au(x) groupe(s) auquel chacun appartient, notre statut administratif est celui du marchand de quatre saisons du coin de la humeur personnelle. rue. Mais en tant que membre à part entière de la shotengai, ce dernier jouit d’un statut social mieux défini que le notre. L’année 2015, dès les premiers jours, nous a montré à quel point notre monde peut être bouleversé Vouspar ne des lirezidées rien dans la presse sur l’indépendance professionnelle. L’absence discours à ce sujet en dit long sur extrêmes et deslocale passions antagonistes, divisé par des frontières de de haine et d’intolérance. Nous avonsmonopolistique, d’autant plus besoin de moyens de communication et d’une d’espaces intermédiaires où tout l’a priori énorme, selon lequel tout travail se fait dans lelibre cadre entreprise. Le décalage avec l’Occident, et jugement de le valeur estanglophone, proscrit. en particulier avec monde est considérable. Les livres japonais qui traitent de la question se répartissent entre manuels d’aide pour remplir sa déclaration annuelle de revenus, et comment vivoter en restant chez soi devant son ordinateur. Les membres Freelancedes France Japon tissent des liens — entre le Japon et le monde francophone, Les statistiques sur ladepopulation travailleurs indépendants pourtant nombreux — sont absentes mais ou anciennes. Les aussi entre différents secteurs, unissant leurs compétences et s’aidant mutuellement. Dans ce cinquième associations locales sont apathiques. numéro d’Éclectiques, nous leur avons offert leur propre tokonoma où mettre en scène des mots, des images, des sons, quelques fragments pour arrondir le thème de cette nouvelle édition. FFJ n’a pas pour ambition de se substituer à ce vide, mais à créer un plein qui bénéficie en premier lieu à ses membres. Les indépendants pasprésente pour réputation d’avoir la fibreaudunom réseautage professionnel, et pourtant l’aventure de FFJ et d’Eclectiques Enfin, n’ont je vous toutes mes excuses du comité pour le retard de parution de ce numéro. suggère que la volonté d’agir peut faire mentir les clichés. Car malgré la diversité de nos professions, les préoccupations communes sont faciles à énoncer : développement d’une identité professionnelle, formation et autoformation, stratégies de présence Michael sur Internet ne sont que quelques uns des thèmes abordés par nos membres Goldbergen ligne et lors des réunions mensuelles.
Directeur de publication
Cette fois ci, nous avons choisi d’aller regarder ce qui se passe au-delà des clichés, au sens propre comme au figuré. Comme toujours, les articles de ce numéro sont aussi divers que les activités des membres de FFJ. Nous espérons que cette variété des contributions permettra à chaque lecteur d’y trouver son bonheur. Le Japon est depuis plusieurs mois déjà le théâtre d’un drame, celui de Fukushima. Pour ceux dont la vie professionnelle et la vie personnelle sont, comme les nôtres, intimement liées au Japon, le choc est particulièrement rude. Certains articles ont été écrits avant le 11 mars, d’autres plus tard. Certains d’entre nous ont passé énormément de temps dans les zones sinistrées, pour le travail ou en tant que bénévole. C’est cette réalité, leur réalité, qu’ils ont choisi de raconter en mots ou en images. D’autres ont apporté leur aide à distance en levant des fonds ou en mettant leurs compétences à disposition des associations ou des individus en ayant le plus besoin. Mais quel que soit l’endroit où nous vivions et l’endroit où nous travaillons, nous croyons en la capacité du Japon à se reconstruire et nous voulons l’accompagner chacun à notre façon.
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- F r e e l a n c e Fr a n c e Ja pon
あ が
デ
En attente de version Japonaise
境界
FFJは、業種を問わず、 日本とフランス語圏諸国間に関わる業務に従事しているフリーランサーの連携と交流を支援します。なぜならば、 フリーで 私たちは一人一人、毎日数知れない境界にぶつかりながら生きています。想像通りの境界もあれば、思いもしなかった境界もあります。時間的な あることが必ずしも孤立を意味するわけではないから。 なぜならば、情報とコミットメントが原動力を生み出してくれるから。 なぜならば、各メンバー もの、物理的な障碍として現れるものもあります。見える境界、見えない境界があります。文字通りの境界、あるいは比喩的な境界があります。現実 がネットワークに貢献することで、FFJ のメリットでもある専門知識と経験の多様性を共有することができるから。 の境界、 あるいは想像の境界があります。
あえて補足するなら、 このイニシアティブには先例がありませんでした。 とはいえ、2008年4月の創設以来、FFJが成し遂げてきた快挙はそのモ 日本語の「間」は、隙間、距離、何もない空間、ずれ、合間、ギャップという意味を同時にあらわし、 また、程いい間合いという意味にも訳せる言葉で デルの有効性を立証しています。 す。私にとっては、 これらすべての意味を総括している言葉です。その時々の状況や、私たち自身の物の見方よって、 「 間」の意味あいは大きく変わって きます。例えば、間という漢字を使った表現に「床の間」があります。床の間は、伝統的な日本家屋の座敷などに設けられた奥まった空間、小さなア ルコーヴのことです。床の間に何も置かれていなければ、部屋の均衡は崩れます。床の間に書画などの掛け物や、版画や、美術品や、あるいは季節、 祭事またはその時の気分に応じた生け花などを飾ることで、場に調和が生まれます。 今、極端な思想間の衝突や敵対する感情が世界を分解させています。そうした世界を分ける境界は、憎しみと排他性が生み出した境界に他なり ません。2015年という年は、年明け早々から、私たちにそうした引き裂かれた世界の実像を垣間みせてくれました。一方、そのような世界であるか らこそ、私たちはこれまで以上に、意思疎通の手段が保たれ、閉鎖的な価値判断が保留される仲介的な空間を必要としています。 フリーランス・フランス・ジャポンの会員たちは、日本とフランス語圏世界との絆を日々深めています。様々な分野で才能を生かしながら、持てる 叡智を結集し、助け合っています。2015年4月発刊の『エクレクティック』第5号は、そんな彼らの「床の間」を演出すべく創られました。今回もまた、 新しいテーマをめぐって、様々な言葉、 イメージ、音が集まりました。 当初、2014年末の刊行が予定されていましたが、やむなく4ヶ月の延期となりましたことを、編集部一同お詫び申し上げます。
『エクレクティック』編集長
マイケル・ゴールドバーグ
AVERTISSEMENT Les opinions exprimées dans Éclectiques n’engagent que leurs auteurs. En aucun cas la responsabilité de la rédaction, des traducteurs ou de l’association Freelance France Japon ne saurait être mis en cause.
【免責事項】 『エクレクティック』に掲載された記事に表明された見解は寄稿者個人のもの であり、 『エクレクティック』編集部、およびフリーランス・フランス・ジャポンの 責任に帰されるものではありません。
Éclectiques, le magazine de F r e e l a n c e F r a n c e J a p o n Le réseau des professionnels indépendants et entrepreneurs franco-japonais 2015 © Tous droits réservés Photo - Tokyo Tower © Sébastien Lebègue
L’ultime frontière La sagesse de D.T. Suzuki p ar
M ichael G o ldbe r g
vid eas t e
マイケル・ゴールドバーグ (記録映画の監督)文
D.T. Suzuki et chaton Photographie © Mihoko OKAMURA
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- F r e e l a n c e Fr a n c e Ja pon
D.T. Suzuki et chaton Photographie Š Mihoko OKAMURA
Fre e l an ce Fran ce Ja p o n -
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D.T. SUZUKI Né : 18 octobre 1870 Mort : 12 juillet 1966
Le philosophe bouddhiste Daisetsu Teitarō SUZUKI a vécu - pleinement - presque 96 ans. C’est à ce Daruma-san de notre ère, plus célèbre outre-mer qu’au Japon, que l’on attribue l’introduction du zen à l’Ouest. Certes, l’essor du zen n’a été possible que grâce aux initiatives et au dévouement de nombreuses personnes mais, avant D.T. Suzuki, le bouddhisme était fort peu connu. Tout juste en avait-on entendu parler à travers quelques supposés « mystiques » occidentaux qui s’étaient principalement penchés sur la branche Theravada (ou Hinayana), répandue en Asie du Sud. Leur interprétation était au mieux superficielle, le plus souvent erronée. Suzuki est le premier spécialiste de la pensée bouddhiste Mahayana, répandue dans le nord de l’Asie, à avoir expliqué celle-ci – si tant est que cela soit possible - aux Occidentaux.
D.T. Suzuki :
Quand je croque un morceau de sucre, je le trouve sucré. Mais cet adjectif n’a aucun sens pour qui n’a jamais fait l’expérience du sucré. C’est même tout à fait absurde pour ceux qui n’ont jamais goûté au sucre. Le terme « sucré » n’est intelligible que pour ceux qui y ont goûté, ne serait-ce qu’une fois.
L’expérience du satori (l’illumination) - fondement même du zen - est profondément et essentiellement personnelle. Elle ne peut pas être décrite. Malgré tout, Suzuki a essayé de montrer le début du chemin qui mène à la compréhension et de rendre la philosophie bouddhiste plus accessible, en s’appuyant sur les termes employés par la religion catholique et par la psychanalyse, ce qui lui a valu quelques critiques. Cependant, souvenons-nous qu’à l’époque l’Occident était une tabula rasa. La terminologie bouddhiste n’avait pas encore été traduite en anglais, tout comme il n’y avait pas de caractères chinois pour les mots sanskrits lorsque le moine Bodhidharma est arrivé dans l’empire du milieu après avoir quitté les Indes vers le cinquième siècle. Même les rōshi (maîtres) zen, qui préfèrent la méditation à la parole, sont reconnaissants envers Suzuki, doué en anglais, d’avoir déblayé le chemin aux États-Unis et en Europe à sa façon - simple et personnelle - avec humilité et honnêteté. Au cours de sa longue vie, D.T. Suzuki a traversé maintes frontières - physiques, symboliques, intellectuelles et métaphysiques. Voici une toute petite partie de ce qu’il a découvert au cours de son passage parmi nous, selon ses propres mots, traduits et édités par mes soins.
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La frontière entre soi et autrui
D.T. Suzuki :
Nous employons souvent le terme de « moi ». Pourtant, ce « moi » ne peut être situé : ce n’est rien de plus qu’un concept utile, auquel nous faisons appel lorsque nous parlons du réseau infiniment complexe des relations de toutes sortes qui nous relient les uns aux autres. La plupart des problèmes que nous rencontrons dans ce monde surgissent quand les hommes se cramponnent à ce que nous appelons « l’ego ». Mais cet ego est relatif et superficiel, ce n’est pas le vrai moi. Les Occidentaux insistent sur l’importance de l’individualité. L’individu s’affirme au détriment d’autres personnes. Toutes sortes de séparations antithèse, antipathie et sentiments antagonistes - prennent alors le dessus. Les conflits naissent d’une conception dualiste de la vie. Quand la vie est comprise comme étant l’union de toutes choses, les conflits disparaissent par eux-mêmes. Selon la définition bouddhiste, la foi n’implique pas de croire en autre chose qu’en soi-même. Croire en soi est à la fois une preuve de foi (du point de vue religieux) et d’éveil spirituel (du point de vue épistémologique ou intellectuel). La véritable « prise de conscience » ou « maîtrise » de soi-même dépasse toute forme de dichotomie. Cela n’a rien à voir avec l’acceptation, la résignation et autres concepts cognitifs. Ce qui se produit est une identification avec l’absolu ou l’infini, avec le cosmos dans son sens le plus métaphysique ou avec Dieu luimême. C’est ce que j’appelle la « subjectivité absolue ». Ne comptez pas sur les autres. Lorsque quelqu’un dépend d’autrui, il appréhende le monde du point de vue de cette personne, et non du sien. Lorsqu’on se consacre à l’étude de la religion, il est important que la révélation vienne du plus profond de soi-même. Sinon, tout appartient à quelqu’un d’autre. Ce que je vous dis m’appartient et ne sera jamais à vous. Ce dont vous avez besoin est en vous. À quoi bon écouter et retenir les paroles d’autrui ? Les mots sont vides. Ils ne seront d’aucun secours lorsque vous en aurez le plus besoin, aux moments critiques, au seuil de la mort. Vous n’aurez pas le temps d’ouvrir vos livres ou vos cahiers pour trouver le passage qui vous permettra de faire face à la crise ou d’affronter votre mort imminente. Vous devrez réagir à la situation d’une façon qui vous est propre, avec vos propres moyens. Ces moyens sont en vous, pas dans l’esprit ou dans les enseignements d’autrui.
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Frontière entre les limites et la liberté
D.T. Suzuki :
Dès que le monde est divisé en deux, sujet/objet, soi/autrui, en soi/pour soi (en français dans l’original), il n’y a plus de liberté. Il ne peut y avoir aucune liberté quand le « sujet » se définit par rapport à un « objet ». Pour faire l’expérience de la liberté, il faut être libre de la dichotomie sujet-objet, qui sont des créations de la conscience. Les idées ont une telle emprise sur nous que nous devenons leurs esclaves. Nous avons créé de nombreux concepts, pensant qu’ils nous permettraient d’interpréter nos expériences et nous suffiraient. Malheureusement, ils continuent d’exercer leur pouvoir contraignant sur nous après avoir cessé de nous être utiles, car il n’est pas si simple d’y renoncer. Une fois que nous avons fait usage de ces concepts, au lieu de travailler pour nous, ceux-ci s’emparent de nous et nous gouvernent. Ils semblent avoir leur propre façon d’arriver à des conclusions hors de notre contrôle. Nous devons donc être très prudents lorsque nous créons et utilisons des concepts. Quand nous nous rendons compte qu’ils sont obsolètes, il ne faut pas hésiter à les abandonner et les jeter à la poubelle. Objectivement parlant, nos activités sont forcément limitées. Malgré ces contraintes, nous conservons un sentiment intérieur de liberté. Il est possible de jouir d’un sentiment certain de liberté intérieure quelles que soient les conditions extérieures, même en cas de contraintes sévères. Notre monde intellectuel limite tout. L’intellect a tendance à construire luimême la cage qui l’emprisonne. Le zen cherche à sortir du cadre que l’intellect a érigé autour de lui. Lorsque ce monde limité brise toutes les chaînes qui le restreignent, il bascule dans le monde de l’infini. Toutes les barrières tombent. C’est l’expérience de l’illumination. L’illumination, c’est la liberté, l’expérience de la liberté. On parle beaucoup de nos jours de la liberté, dans la vie politique en particulier : liberté de la presse, liberté d’expression, liberté de se rassembler, liberté de pensée et ainsi de suite. Mais sans prise de conscience religieuse, pas de liberté réelle. L’illumination nous libère. Les Chrétiens diraient que la vérité nous libère. Peu importe ce qu’ils entendent par la vérité : selon le bouddhisme tout ce qui nous libère est illumination. Nous pourrions dire que la vérité chrétienne est l’illumination bouddhiste. Les barrières tombent, l’être devient de plus en plus ouvert d’esprit, il est dans la tolérance. Sans cela, il est impossible de s’entendre dans ce monde.
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Frontière entre la science et la spiritualité
D.T. Suzuki :
De nos jours, on parle beaucoup de la science, qui est censée ne pas être en accord avec la conscience religieuse. En bref, la religion et la science seraient incompatibles. Si la science a raison, la religion a forcément tort. Si la religion a raison, la science doit se tromper. Ces deux choses ne peuvent pas être complètement en accord ou en harmonie. Le temps est un problème scientifique, mais pas l’intemporalité. L’intemporalité est complètement exclue des études scientifiques, parce qu’elle ne peut être mesurée. Au cours de la méditation zen, l’esprit se vide. Le vide n’est pas synonyme de vacuité, il contient toutes les possibilités. « Ici et maintenant » est le point zéro infini (dans l’espace) et éternel (dans le temps). Les spécialistes peuvent se moquer de moi, mais j’aime dire que zéro est égal à l’infini. C’est un point hors de l’espace et du temps, mais c’est aussi leur point de départ, une source d’où jaillissent toutes les possibilités. Mondō zen « Qui étiez-vous avant votre naissance ? »
Dans le zen, la chronologie et le temps n’ont aucun sens. Vous n’êtes jamais né, et par conséquent vous ne mourrez jamais. L’histoire témoigne du passé, et nous anticipons en quelque sorte le futur. Mais qu’est-ce que le présent ? Nous pouvons parcourir le cours de l’histoire du commencement au présent et du présent à la fin des temps, si tant est qu’il y en ait une. Pourtant, le présent rejoint le passé en moins de temps qu’il n’en faut pour le nommer. Il n’y a pas de « présent ». Le présent est le point zéro. Les regrets appartiennent au passé, les angoisses et la peur, à l’avenir. La conscience sépare le temps entre passé et futur, souvenir et attente. Ce sont là de belles choses dont jouit l’être humain. Mais en même temps, cette division fait des ravages sur l’âme. Les animaux et les plantes n’ont pas de regrets. Dieu n’a aucun regret. Avoir des regrets est un privilège - ou une faiblesse – réservé à l’être humain. Ceux qui sont libres de regrets sont également libérés de l’angoisse. Celui qui a véritablement transcendé le temps n’est pas affecté par les regrets et par la peur. Des regrets, des inquiétudes peuvent le perturber à un niveau superficiel, mais le noyau de sa personnalité n’est pas atteint. Son vrai moi, qui sous-tend le moi superficiel (le pseudo moi ou le moi relatif), n’est pas inquiet du tout. Il n’a aucun regret.
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Frontière entre le fini et l’infini
D.T. Suzuki :
L’écart entre le fini et l’infini est de plus en plus marqué. C’est un problème clé du monde actuel. Les émotions peuvent limiter ou libérer. La fierté, l’orgueil et l’arrogance limitent. L’humilité, la passivité, l’abandon de soi et l’acceptation libèrent. Sur le plan affectif, la fierté, l’orgueil et l’arrogance se rangent du côté du fini. Du côté de l’infini, nous trouvons l’humilité, la passivité, l’abandon de soi, l’acceptation ou le consentement. En d’autres termes, le conflit entre le fini et l’infini est une lutte entre les parties et l’ensemble, entre des parties et le tout. Un voile invisible, que nous ne parvenons pas à identifier, nous empêche de voir l’éternité à laquelle nous aspirons. Elle semble flotter perpétuellement devant nos yeux, et nous essayons de l’attraper. Notre désir d’une vie éternelle, de l’immortalité de l’âme, est à la source de cette quête. Les philosophes parlent beaucoup du « sens de la vie ». L’illumination n’est pas une explication intellectuelle ou philosophique du problème de l’existence. Je la décrirais plutôt comme une prise de conscience fondamentale, à la base de notre conscience. La tranquillité d’esprit apporte l’illumination. On peut aussi dire que l’illumination apporte la tranquillité d’esprit, ce qui correspond peut-être à « la vie éternelle » en termes chrétiens. Quand une personne atteint l’illumination, elle réalise que la vie se poursuit éternellement. Il n’est pas nécessaire d’employer les mots « vie éternelle » ou « immortalité ». Quand on vit pleinement la vie, quand on comprend sa nature, on sait qu’on vit éternellement. Il n’est pas nécessaire de penser à la vie éternelle, qui est une sorte de tautologie. Quand on a intégré sa signification, on connaît le sens de sa propre vie.
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Frontière entre la vie et la mort Le nom bouddhiste Daisetsu – qui signifie « simplicité ultime » - lui a été donné par son maître zen, lorsque ce dernier reconnut que Suzuki avait vécu sa première « illumination » ou révélation profonde (kenshō ou satori).
D.T. Suzuki :
Psychologiquement parlant, cette expérience peut durer un instant, mais sa signification métaphysique est éternelle. Elle couvre le moment, mais elle dure aussi éternellement parce qu’elle est à la racine même de toute chose.
C’est « Daisetsu » et non son prénom « Teitarō » qui figure sur le tombeau de Suzuki - ou plutôt sur ses trois tombeaux car, après la crémation, ses cendres et ses os ont été répartis entre plusieurs de ses proches. La plupart des Japonais reçoivent leur nom bouddhiste pour « l’au-delà » après leur décès, en caractères chinois choisis par le prêtre du temple où ils sont enterrés. La philosophie zen ne distingue pas entre la vie et la mort, qui s’inscrivent dans la continuité de l’existence. Lorsqu’un pratiquant zen arrive à résoudre pour lui-même « la grande question » existentielle, à travers un processus de méditations, de privations, de questions insolubles (les « mondō ») et le refus de son maître d’accepter les réponses qu’il y trouve, il réalise subitement, d’après Suzuki, que nous sommes des « morts-vivants ». Autrement dit, il n’y a ni début ni fin à la vie. Il n’y a ni futur ni passé, ni naissance ni mort. Il n’y a que le présent - le moment infinitésimal actuel. On garde donc le nom choisit par son rōshi après cette révélation, pour le reste de la vie et après.
D.T. Suzuki :
La meilleure chose est d’être vivant, sans l’être. Mourir, sans mourir. C’est cela l’objet de la discipline zen. Être et ne pas être, à la fois. Passer « d’être ou de ne pas être », à « être et ne pas être ».
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Cette philosophie me touche profondément. Né à Montréal en 1945, après les bombes atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, j’ai grandi à l’époque de la prolifération des armes nucléaires et de la « guerre froide ». J’ai réalisé, après la « crise des missiles » de Cuba, que je pourrais facilement mourir du jour au lendemain. J’ai décidé de vivre pleinement le moment en conséquence. Mon père juif « orthodoxe moderne » m’a barré la porte le jour où je suis rentré de ma première classe de l’université un samedi, car il m’était défendu de « travailler », d’utiliser l’électricité, d’avoir de l’argent en poche, de prendre le train, etc., le jour du sabbat. C’est à ce moment que ma vie indépendante a commencé, d’un coup. Malgré les difficultés que j’ai traversées par la suite, je ne l’ai jamais regretté. J’ai appris par hasard qu’il avait, plus tard, fait célébrer mes propres obsèques en mon absence ! Ayant laissé derrière moi la « vraie » voie religieuse, j’étais mort à ses yeux. Tout comme un adepte zen, je suis donc un mort-vivant.
Question : « Puis-je déterminer ma propre fin, ou a-t-elle déjà été décidée pour moi »? D.T. Suzuki :
Si vous croyez que vous décidez par vous-même, c’est le cas. Sinon, non.
Ce texte a été publié avec l’aimable permission des archives D.T. Suzuki, Matsugaoka Bunko.
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Administrateur du réseau FFJ, Michael Goldberg a réalisé en 2006 un documentaire en anglais de 77 minutes, intitulé A ZEN LIFE - D.T. Suzuki. Pour visionner la bande-annonce, rendez-vous sur http://www.martygrossfilms.com/films/zen/zen.html
http://www.ivw.co.jp/fr/pd_top.html
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エミの森 Emi no Mori
Tokyo forest allegory
Par
Séba stien L eb ègue
Photog rap he d ess inateur
ルベーグ・セバスチャン 写真家、イラストレーター、ルポルタージュ作家
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東京 TOKYO
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Emi no mori est une allégorie photographique qui évoque la rencontre à Tokyo de l’urbain et du végétal, de l’artificiel et du naturel. Situées en plein cœur de la ville, les forêts confondues de Meiji-jingu et de Yoyogi forment l’un des poumons verts de la mégalopole. Abritant respectivement un sanctuaire shinto et un parc, la végétation y est dense, luxuriante, et évoque une nature primaire. À l’est, dans l’arrondissement de Shibuya, ces forêts se heurtent à la limite franche dessinée par une ligne ferroviaire et un front bâti dense : Harajuku. Ce quartier, dont l’un des axes forts est Takeshita Dori, est le symbole social d’une jeunesse éprise de renouveau et en quête d’une mode toujours plus extravagante. Emi est l’une de ces jeunes Tokyoïtes. Partagée entre une culture séculaire conformiste et un désir d’avant-garde, elle se laisse porter par les tendances d’Harajuku et, tout en revendiquant son appartenance à ce monde artificiel, elle joue de son apparence atypique. Telle une Alice à l’orée d’un autre monde, Emi franchit les limites urbaines et entame une errance dans un environnement aussi naturel qu’improbable, situé au seuil de l’onirique. Ce projet photographique, adoptant une forme artistique malgré sa base documentaire, fut mis en scène dans le cadre d’un projet plus vaste, « Forest among us ». Ce dernier, organisé par le groupe de photographe Tokyo-Ga et sa curatrice Naoko Ohta, vise à parler de l’intégration des forêts de Tokyo dans leur environnement urbain.
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M od èle Emi Wakita
脇田 恵実 モデル
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Sébastien Lebègue est photographe et dessinateur installé à Tokyo depuis 2008. Attiré par l’humain et la diversité des cultures, il produit des documentaires narratifs photographiques et dessinés. Indépendant depuis 2007, il est révélé en 2010 par deux ouvrages publiés sur les îles Marquises et sur la ville de Tokyo. Il est ensuite primé en 2012 lorsqu’il est sélectionné par la Bourse du Talent et lauréat d’un concours de photographie sociale pour un reportage réalisé sur le tsunami au Japon. Il expose cette même année à Londres, Paris, Bruxelles et Papeete, puis en février 2014 à l’Indianapolis Museum of Art (Indianapolis, Indiana, États-Unis) pour la rétrospective de Robert Indiana. En 2013 et 2014, il réalise un reportage sur la société Kanak en Nouvelle Calédonie, sujet qu’il présente dans une exposition personnelle « Coutume Kanak » de novembre 2014 à août 2015 au centre Culturel Tjibaou à Nouméa. www.sebastienlebegue.com
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マルタン イラストレーター
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Martin Faynot Après plusieurs années en France en tant que graphiste-illustrateur freelance pour la publicité et l’édition, son grand intérêt pour le Japon et ses univers graphiques l’amènent à s’y installer en 2002. Il travaille depuis avec de nombreux éditeurs japonais pour lesquels il illustre livres et manuels. Depuis 2012, il multiplie les collaborations avec NHK : participation aux émissions de français TV et radio, illustrations, ainsi que la publication mensuelle (3e saison en cours) de la série Un papa français au Japon dans le mensuel NHK TV de Furansugo. Il a également dessiné une histoire en BD dans le livre collectif Kokekokko publié en septembre 2014 aux éditions Issekinicho. http://www.cafemarutan.com Twitter : @BaronMarutan Facebook : Martin Faynot illustrations
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Par-dessus bord Te xte & ima g e p a r
L i o n el De rs o t
E NTR E PR E N E U R
リオネル・デルソ 事業者 - 文・写真
Les voyageurs habitués à Narita qui ont eu l’occasion, plus récemment, de partir de Haneda, se souviennent sans doute de l’effet de surprise lorsque descendant du monorail pour la première fois, ils se sont retrouvés au-delà du portillon des tickets, immédiatement précipités dans l’enceinte du terminal international. Ici nulle transition, alors qu’à Narita, c’est d’une transhumance qu’il s’agit. Cette traînée de bagages trop lourds - on s’était promis pourtant cette fois encore de n’emporter que l’essentiel - ajoute au stress du départ nourri par les pensées multiples et opposées qui crépitent dans l’esprit. Le passage du quai à l’escalator, le petit slalom au niveau des plots de métal ayant pour rôle d’empêcher le passage des chariots à bagages, puis le vaste couloir où vous attend ce premier contrôle stupide et inutile des passeports. Il reste encore bien trop de pas et de détours, de pentes et d’escaliers roulants ou de courtscircuits par les ascenseurs excentrés pour enfin arriver, soucieux ou libéré, dans la salle d’enregistrement, là où se déclenche enfin le vrai compte à rebours jusqu’à l’envol. Ici, le temps prend une autre dimension qui va s’intensifier au fur et à mesure des passages par sas interposés à travers les strates du parcours qui s’achèvera
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enfin à la porte d’embarquement. Sans y penser, le voyageur est passé par une succession d’espaces de plus en plus étroits, comme un entonnoir. Montrer patte blanche et poches vides à l’entrée constitue la phase culminante du franchissement de multiples frontières. L’attente de passagers est toute autre. Le dialogue qui débutera plus tard s’engage bien avant, mentalement. Le train file vers l’aérodrome. Alors même que sur le smartphone l’arrivée du vol ABC123 n’est prévue que dans deux heures, les rafraîchissements fébriles et inutiles de l’écran traduisent l’impatience. Une fois sur place, on est dans le noir total. Impossible d’observer ne seraitce qu’un point dans le ciel qui grossit, un navire qui débouche au détour d’une crique, un train qui entre gare. Comment et sur quoi, sur qui faire tourner la caméra autour des embrassades sur un quai - chabadabada - quand ledit quai est invisible, quand les espaces intermédiaires qui n’autorisent que les travellings de la pensée sont proscrits de la vue ? Cette dernière bute sur un mur stupide, ennemi froid, avec des fentes sur le côté, ou portes vitrées de brouillard, où apparaissent soudain dans le désordre, les fourbus, les joyeux, les tendus, les perdus, les indifférents, les pressés, les lents
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ankylosés d’être restés assis trop longtemps. Les autres toujours, mais pas ceux qu’on attend. Et aussi la vision au ralenti d’un danseur qui se détache de ses sbires surveillants, qui court comme un danseur sait le faire, avec puissance et désinvolture, qui franchit l’espace mental, culturel et politique de deux bords antagonistes pour se retrouver dans les bras d’autres sbires, de l’autre côté, promesses de liberté. Le sac cousu balancé dans l’espace par-dessus bord de la geôle, piton d’If, Dantès qui tombe comme un boulet à travers l’éther pour passer de l’état de prisonnier à celui de vengeur. Certaines frontières sauvent en se sauvant. Puis ils arrivent, ils sont arrivés, ils ont franchi la frontière, sans que l’on sache par quel miracle. Entre leur absence et leur apparition, il n’y a rien que des heures blanches. Seuls les politiques, les sportifs, les vedettes du rock devenus placements financiers sur pattes de 70 ans (dont 50 de tournées mondiales à fredonner la révolution), ont droit à l’exposition télévisuelle alors qu’ils transitent, statiques ou mobiles, blasés ou hilares, sur le tapis roulant qu’une caméra filme, courant sur le côté pour inscrire dans la postérité une scène d’une insondable banalité. J’écris ceci alors que Joan Rivers vient de mourir, et c’est en apprenant sa mort que j’ai découvert son existence. Le comique qui ose franchir les barrières de la bienséance, de l’immoralité, salves d’invectives, irrévérences verbales appréciables dès lors qu’elles ne sont destinées qu’à soi-même, a toujours historiquement pris des risques et est ainsi l’héritier d’une lignée d’individus qui ont osé mettre les illusions à plat. On en a conduit au bûcher pour moins.
Tony Judt est mort, lui, depuis plusieurs années, léguant aux générations futures un ticket pour un vol panoramique à travers l’histoire contemporaine de l’Europe, une mise en garde contre l’usage pandémique de la peur comme hochet de manipulation, comme agent inhibant l’envie d’ailleurs, qui est d’abord l’envie de franchir. Les écrivains, les poètes peut-être plus que tout autres réalisent ainsi à travers les mots, à chaque page de livres ce miracle de l’osmose entre l’intemporel, le présent et le futur. Ils renouvellent ainsi au delà de la mort, par oeuvre interposée, le contentement, le bouleversement et l’ébahissement que ressent chaque nouveau lecteur qui les découvre. Si passages de frontières il y a, ce sont les passeurs, douaniers éternels qui méritent une reconnaissance sans fin. Mais dans l’immédiat, une fois le portail franchi, ce sont les méandres du chemin pavé en désordre trompeur qui vous attendent, ce chemin promesse d’un ailleurs, ce chemin qui vous oblige gentiment à marcher de front, seul, même si vous suivez un guide. On n’y marche pas côte à côte. C’est d’une mise en condition qu’il s’agit, une mue, desquamation des oripeaux du théâtre quotidien vers une autre scène. La verdure du jardin, herbes folles calculées, bosquets laissés dans un abandon voulu, vous contemple. Elle vous salue d’une haleine verte. Vous quittez la médiocrité d’un paysage de province dont les émanations sonores et olfactives automobiles se dissolvent au fur et à mesure de vos pas. Oui, c’est d’un chemin courtois, empathique dont il s’agit, pas d’une allée droite vers le château ou l’autel qui en impose. Il est aussi des frontières dont on hume le passage, en attendant, en espérant avec connivence ce qui nous attend, au bout.
Lionel Dersot représente des entreprises étrangères à Tokyo, organise des voyages au Japon et en Europe, et interprète à l’occasion. L’année passée, il a franchi chaque semaine, dans le cadre d’un projet photographique, cette frontière entre deux mondes.
http://www.lioneldersot.com
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Zaoh Blue II 2001 © Yu Hirai 40
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Aux lisières de l’intime et du monde. Photographies de
Yu Hirai et Takuji Shimmura 内的世界と外の世界の境目で 写真家、ひらいゆうと新村卓之の仕事
Par V alérie D OU N IAUX
D o c t e u r e n hist o ire d e l ’ art m o d ern e e t c o n t emp o rain japon ais
ヴァレリー・ドゥニオ 近現代美術史博士
Tr a d u ctio n j a p o na ise Yukiko KANO 加納由起子 訳
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Berlin 2010 © Takuji Shimmura
La notion de frontière peut sembler évidente à toute personne qui, comme moi, est née à quelque pas d’un pays étranger (en l’occurrence la Belgique, où j’ai également des racines, comme beaucoup de Nordistes). Le concept est beaucoup plus difficile à appréhender pour des insulaires tels que les Japonais, pour lesquels franchir une frontière signifie forcément embarquer sur un bateau ou dans un avion, traverser les océans. Nulle surprise donc d’apprendre que cette possibilité de passer aisément d’un pays à l’autre par des voies terrestres soit l’un des motifs majeurs d’étonnement des Japonais venant s’installer en Europe. Les artistes en particulier s’intéressent à cette façon inédite d’envisager les limites géographiques. L’intégrant de manière plus ou moins consciente dans leur travail, ils y trouvent comme un écho à leurs propres préoccupations, une chance de redéfinir ou d’affiner leur conception de l’espace et du monde, leur expérience du mouvement et du territoire. Les notions de dedans et dehors (uchi et soto), de sphère personnelle et publique, si chères aux Japonais, se
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私のようにすぐ隣に外国の土地がある国に育った人間に は、境界や国境の概念は日常の一部である。私の生まれた フランスの都市はベルギー国境と隣り合わせだったし、多く のフランス北部出身者がそうであるように、私の家族にはベ ルギーの血統も混ざっている。 しかし、日本のような島国に おいて、国境はそれほど簡単に考えられるものではない。な ぜなら、国境を越えるということ自体、日本人にとっては船 や飛行機で海を渡ること、 まさしく 「海外へ行く」 ことと等し いからである。 だから、 ヨーロッパの国境が地続きであり、国から国へ 容易に移動できることが、そこに移住した日本人にとって一 番驚くことの一つであっても不思議はない。 アーティストで あればなおさら、今まで考えたこともない見方で地理的境 界をとらえ直すことは創作上の大きな刺激となろう。半ば 意識的、半ば無意識に、彼らは自らの芸術的関心にそうし た境界のイメージを重ね合わせ、空間や世界についての概 念や、個人的な移動の経験や国土との関係を再考し、ある いは研澄ます。日本人にとって重要な「うち」 と 「そと」の区
Berlin 2007 © Takuji Shimmura
confrontent alors aux circonstances de la vie à l’étranger, se frottent concrètement au passage physique des frontières. Prenons par exemple des artistes aussi dissemblables que Yu Hirai (née en 1963 à Tōkyō) et Takuji Shimmura (né en 1966 à Ōsaka), avec qui j’ai la chance de collaborer régulièrement. Tous deux installés en France, ils ont fait du medium photographique leur outil de prédilection (même si Yu Hirai a débuté par le dessin) et se sont largement penchés au fil de leurs carrières respectives sur le concept de frontière, avec des résultats foncièrement distincts. Les termes d’uchi et de soto semblent d’ailleurs pouvoir être utilisés pour désigner respectivement les partis pris réflexifs et visuels de Yu Hirai et de Takuji Shimmura. La première pratique une photographie que l’on pourrait qualifier d’uchi, en grande partie liée à ses propres expériences, dans la lignée d’une tradition littéraire et artistique japonaise qui va des journaux des dames de la cour aux images intimes de Nobuyoshi Araki ; tandis que l’exploration par le second des banlieues des grandes villes européennes serait plus de
別、 プライベート空間と公的空間の区別、そういった対コン セプトも海外生活の様々な状況下で変化を余儀なくされ、 身を以てする越境経験という具体的な刺激にさらされる。 例えば 、ひらいゆう( 1 9 6 3 年 東 京 生 )と新 村 卓 之 (1966年大阪生) という、 とても違った二人のアーティス トの国境経験を考えてみよう。私は二人と定期的に仕事を する機会に恵まれている。彼らは二人ともフランスに居を構 え、写真という表現媒体を選んだ(ひらいゆうのスタートは デッサンだが)。そして二人とも、その行程を通して境界・国 境というコンセプトを考えてきた。根本的に違った結果が生 まれたとしても、 「うち・そと」の概念的区分が二人のそれぞ れ思索的・視覚的な表現の立場を特徴付けているという点 では共通している。 ひらいゆうの芸術は、個人的な経験に深 く結びついた「うち」的な写真と呼べるものであり、平安時 代の女房文学から現代の荒木経惟の私的写真に至る日本 の文学的・芸術的伝統の系譜に属するまで、 こうした内面性 の追求がある。一方、ヨーロッパ都市の郊外の風景を追う 新村の写真は、 「そと」を表現する芸術と呼べるかもしれな
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l’ordre du soto, non seulement par le choix des sujets, mais aussi par la position de l’artiste face à ces sujets. En effet, Takuji Shimmura ne relate pas son parcours personnel dans ses travaux ; il évoque une histoire plus large, qu’il n’a pas vécue, même s’il retrouve avec plaisir dans ses vagabondages périurbains des souvenirs de sa jeunesse à Ōsaka. Les œuvres de Yu Hirai dressent une cartographie croisée des pérégrinations physiques et des cheminements intérieurs de l’artiste, qui s’aventure dans les méandres d’une photographie onirique bien que fondée sur des questions ancrées dans la réalité. Mais Yu Hirai brouille les pistes, ne se représentant que sous la protection d’un masque coloré, ou ajoutant un écran supplémentaire avec l’utilisation de poupées qui deviennent les interprètes de sentiments dont sa pudeur freine l’extériorisation. La photographe donne ainsi vie à un petit théâtre dans lequel les visages grimés de blanc évoquent autant le kabuki et le butō que la comédie italienne, et où les virils Action Men revêtent robes et parures. Les frontières entre féminin et masculin, entre rêve et réalité, s’enfoncent dans l’ombre, perdent de leur netteté.
い。主題の選択のみならず、主題に向かう作家の立場が徹 底して外部者のものだからである。新村は作品の中で私的 な経験を語らない。彼が語るのは、 自分の経験したことのな い物語であり、歴史である。もちろん、都市の辺縁を徘徊す る彼の眼差しには、若い時代を過ごした大阪の下町への思 い出が残っているかもしれないが。 ひらいゆうの作品は、肉体が逍遥する世界と内的な行 程が辿る世界が重なった二重の地図と言えよう。現実との 折衝を通してアーティストが抱いた問いかけをベースとし ながら、その写真は夢幻の迷宮を織りなす果てしない世界 を構成している。 アーティストはその中に分け入って行くの である。 しかし、ひらいゆう自身はその足跡をくらます。例え ば、自画像の顔の部分を色で塗りつぶしたり、羞恥心が感 情の表面化を抑制するかのように小さな人のシルエットを 使って感情の媒介とし、それによって見る人との間にさらな る遮断物を設置したりしてしか本人は姿を現さない。小さ な劇場の舞台のような彼女の写真の中では、歌舞伎や舞 踏、あるいはイタリアの仮面演劇のように、真っ白に塗られ た顔がうごめき、米TVシリーズAction Man のようなたく ましい男たちが華麗な装いで目をくらませる。女性的なもの と男性的なものとの間に、あるいは夢と現実の間にある境
La nouvelle série de l’artiste témoigne de préoccupations identiques. Errance poétique entre chien et loup, BLUEs insuffle un mouvement supplémentaire au récit (parfois littéralement, par le biais de la vidéo), mais les enjeux restent les mêmes : explorer un monde étrange(r) par le truchement d’un alter ego de plastique ou de chair et d’os, redéfinir son identité, mettre à nu, tout en gardant voilé, son moi profond et le faire interagir avec un environnement donné. Le monde devient un terrain de jeu et d’autoanalyse. En préparant son départ pour l’étranger, Yu Hirai a en effet découvert que son père, bien que né et ayant grandi au Japon, était un zainichi kankokujin (émigré coréen) de la deuxième génération et avait dû cacher ses racines. Suite à cette révélation, qu’elle allait garder longtemps pour elle, l’idée de participer d’une culture tout en demeurant intrinsèquement autre prenait à ses yeux une importance accrue et, à l’enjeu déjà considérable d’un déplacement spatial, s’ajoutait celui d’un changement mental, profondément personnel. Le travail de Yu Hirai s’interroge ainsi sur ce que signifie être Japonaise de père Coréen et vivant en France. Les concepts de territoire intime, de nationalité, ont-ils encore un sens, ou se diluent-ils au fil des voyages et des rencontres ? Il n’est d’ailleurs pas anodin que toutes les étapes choisies par Yu Hirai soient des lieux dont les contours ou l’appartenance nationale ont été redéfinis au cours de l’histoire, des espaces riches d’une culture particulière, que leurs habitants mettent un point d’honneur à affirmer et défendre. De l’Irlande, dont elle met
界は闇に落ち込み、 どこにあるか分からなくなってしまう。 最新のシリーズでも、ひらいゆうはまったく同じ芸術 的懸念を表明している。BLUEsと題された新しい展示企画 の写真は、もののあやめが分からない黄昏の時間を移ろう 詩的漂流である。 このシリーズはこれまで以上に物語の要 素が豊富であるが(時には、 ビデオを使って実際に語りなが ら)、その趣旨は同じである。つまり、奇妙な異界を、人工物 の、または実際の人を使ったアルテル・エゴ(もう一人の自 分) を通して探索すること、 自らのアイデンティティーを規定 し直すこと、そのようにして顔を隠した本来の自分を逆説的 に裸にし、設定ごとに違った環境と交流させることである。 彼女の写真の中では、世界は遊びと自己分析の場所とな る。 ひらいゆうが初めて父親の出自を知ったのは、海外渡 航の準備をしていた時だった。彼女の父は日本に生まれ、 日 本に育ったのだが、実は在日朝鮮人第二世であり、そのこと を隠して生きてきた。知ってしまった彼女もまた、父の秘密 を長い間一人で抱えることになった。同時に、ある文化の中 に、その一部として生きつつも他人である、 という考えは、彼 女にとってますます重要なものとなっていった。海外移住と いうすでに大きな賭けに、きわめて私的で精神的な変化の 要請が重なったのだった。 朝鮮人の父親から生まれた日本人がフランスに生きる とはどういうことか、 ひらいゆうの作品はその問題を問い続
Madame Action Charlotte - 2011 © Yu Hirai
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Ecoumène 2007 © Takuji Shimmura
le destin en parallèle avec celui de la Corée, à Barcelone, en passant par Bruxelles ou Berlin, chacun de ces lieux a dû à un moment ou un autre redéfinir son identité. Et même si Paris n’a pas connu de tels tiraillements, l’artiste poursuit dans sa nouvelle ville cette réflexion sur les notions de limites et de frontières, fussent-elles physiques, sociales ou mentales. Fondé sur un double mouvement introspectif et ouvert, le travail de Yu Hirai demeure donc principalement centré sur la « figure ». Takuji Shimmura, au contraire, exclut presque entièrement les personnages de ses paysages urbains à l’intensité silencieuse. Les habitants des banlieues européennes arpentées par le photographe semblent avoir déserté les lieux, poussés par des événements politiques dramatiques ou par les circonstances économiques, ne laissant derrière eux que quelques traces matérielles de
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けている。私的な領域や国籍といった概念にはそれでも意 味があるのだろうか、それとも、人が移動し、出会いを重ね る間に次第に意味を失うものなのだろうか。ひらいゆうが、 アーティストとしての行程の段階ごとに、歴史によって特徴 と国籍が形成されてきたような場所、つまり独自の文化に 属する空間を擁し、その住人たちが誇りをもって表明し、守 るような場所を選んできたということは重要だ。例えば、彼 女が朝鮮と運命を重ねて見たアイルランド、またはバルセ ロナ、 ブリュッセル、ベルリンといった、歴史のある時点でア イデンティティーについての再考に迫られた町である。そう した深刻な状況はこれまでなかったパリにおいても、そこに 居を定めてからというもの、 ひらいゆうは人間を隔てる身体 的、精神的、 あるいは社会的な境界や限界といったものにつ いて考え続けている。 内省の動きと外に開かれた動きという二つの動きを抱
Ecoumène 2008 © Takuji Shimmura
leur passage... Cependant, à mieux y regarder, on devine à de nombreux détails le bruissement de toute une activité humaine dans ces espaces apparemment vides. Une activité qui rappelle à Takuji Shimmura celle du quartier de son enfance, désormais occupé par d’uniformes blocs d’habitation et dont l’animation passée n’existe plus que dans les mémoires. Malgré des différences superficielles et les aléas de l’histoire, les aspects les plus fondamentaux de la vie quotidienne sont universels, et il n’est donc guère étonnant que le photographe japonais ait perçu dans les secteurs urbains populaires et les banlieues d’Europe des réminiscences de ses premières années à Ōsaka, un environnement où chacun partageait les mêmes codes de la classe moyenne et où un voyage hors du Japon relevait de l’inimaginable.
え持つひらいゆうの作品は、必然的に「顔」を中心として展 開される。一方、ひらいゆうの対極にいる新村卓之は、彼の 風景写真から完全に人間の姿を排除している。新村の撮る 無人の世界にはテンションの高い沈黙がある。それは彼が 歩き回ったヨーロッパの都市の郊外であるが、 そこに住んで いたはずの人々は、写真から姿を消している。 もしかしたら、 劇的な政治的事件によって一掃されたのかもしれない、不 況のあおりで出て行ったのかもしれない。誰もいなくなった 風景には、わずかな物質的な痕跡が残っていて、彼らが一 時そこにいたことをかろうじて伝えている。 しかし、何も起こらないように見える風景の中であって も、 よく注意すれば、そこには人間生活の営みの音が遠くか ら響いていることが分かる。その音は、新村が幼少時代を過 ごした都市の一角にあったのと同じ音であろう。現在、その 場所にはのっぺりとした壁の団地が建ち並び、その頃の人
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Berlin 2006 Š Takuji Shimmura
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々の生活の営みは記憶の中にしか残っていない。表面的な 差異や歴史の偶然を除けば、都市の日常生活の基本的側 面は、 どの文化にも共通するものである。だから、日本人の 写真家がヨーロッパの下町や都市郊外の風景に、彼自身が 幼少期を過ごした大阪の思い出を見いだしたとしても何ら 不思議なことはないのである。かつての大阪でも、中流家庭 が共通する規範のもとに生活し、日本を出て外国を旅する など想像外のことであるような世界があった。 ひらいゆうが表現主義的な画面や映画のような照明 効果を好むのに対して、新村卓之はくっきりした線、簡素で 平板な画面を好む。彼は、郊外の団地や集団住宅の建物を 威容たっぷりに撮影する。時に表面的で、時に奇妙に洗練 されて見えるそれらの建物を通して、少しずつ伸張を続ける 都市の姿が浮かび上がる。最初ささやかな集合住宅地だっ た場所が、数世紀にわたって成長し、巨大な都市となる様 子を、 これらの建物は眺めている。新村は、造形的な探求と 実録的な探求の間の境界(またしても)に身を置いて、視覚 的な時空表象について考えている。彼の写真の中で、建物の ファサードは、その向こうにかつて存在した生活の記憶を生 き生きと保ちつつも、抽象性の高い表面となっている。それ は、ポストカードの写真からはほど遠い風景である。極東の 島国出身者の眼差しは、 ヨーロッパ大都市の周辺に広がる 単調な郊外の光景の間をさまよう。郊外は徐々に中心部か ら外縁を広げて外へ広がり、もはや止まることのない動き を作り出しているように見える。新村はまた、孤立状態から 抜け出したばかりの東ヨーロッパの新興国に特別な関心を 向けている。彼は傍証者として、彼のものではないヨーロッ パの歴史の重層的な側面に光を当てる。彼の写真は、かつ て考古学の発展においてカメラが果たした役割を考えさせ る。彼は時間と歴史が空間にもたらす変化をあらわにし、都 市的要素の連続的な伸張と 「エクメーネ」 の残照を描き出す。 (「エクメーネ」は「人間の居住地域」を表す地理学上の用 語である。新村はアルメニアのエレバンを映した一連の風景 写真にこのタイトルを与えた。 この写真集は2008年、新村 にリュシアン・エ・ロドルフ・エルヴェ賞をもたらした。) ひらいゆうが、国際社会の変化に従う再定義を受け、 ジェンダーと国籍の間のますます曖昧になる境界をビジュ アル化しているとすれば、新村卓之は、 これもますます不明 瞭の度合いを増している都市の臨界を記録している。そこ
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À l’expressionnisme et aux éclairages cinématographiques favorisés par Yu Hirai, Takuji Shimmura préfère les contours précis, la sobriété de la planéité. Il exalte l’allure austère, tantôt dérisoire, tantôt étrangement élégante, des immeubles et lotissements qui, petit à petit, étendent le tissu urbain et voient au fil des siècles les humbles cités devenir de gigantesques métropoles. Dans une démarche aux frontières (une fois encore) des recherches plastiques et du documentaire, le photographe s’interroge sur les moyens de représenter visuellement l’espace-temps. Les façades deviennent surfaces abstraites, tout en gardant vivace la mémoire des destinées qu’elles ont abritées. Loin des habituelles images de carte postale, l’artiste japonais promène son regard d’Extrême-Oriental, d’insulaire, sur les monotones banlieues qui encerclent les grandes villes européennes en un mouvement centrifuge qui semble ne jamais devoir s’arrêter. Il s’intéresse en particulier aux nations en plein renouveau, aux pays de l’Est fraîchement sortis d’années d’isolement. Témoin extérieur, Takuji Shimmura met en lumière les strates superposées d’une histoire qui n’est pas la sienne et, rappelant le rôle actif de la photographie dans le développement de l’archéologie, il révèle les effets du temps et de l’histoire, le déploiement continu de l’urbain et les vestiges de l’ « écoumène » (titre de sa série de photographies sur Erevan qui lui a permis de remporter le prix Lucien Hervé et Rodolf Hervé en 2008). Là où Yu Hirai met en images les limites de plus en plus floues du genre ou de l’appartenance nationale, redéfinies par l’évolution de nos sociétés, Takuji Shimmura évoque donc les confins tout aussi imprécis des villes, ces entre-deux sans cesse changeants où la civilisation prend le pas sur la nature, laquelle tente autant que possible de reprendre ses droits. Takuji Shimmura peut être qualifié de photographe-flâneur, en attente d’une rencontre avec l’esprit des lieux qu’il explore (lieux pourtant souvent qualifiés de « sans âme » en raison de leur manque d’attrait). Toujours aux aguets, il tente selon ses propres mots « de réveiller » leur genus loci paisiblement endormi, dont il ressent instinctivement la présence et dont la photographie favorise la manifestation. Par des biais très différents donc, les deux photographes utilisent leur altérité pour nous offrir un
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Madame Action Rosemary Photographies 2009 © Yu Hirai
Madame Action Rosemary II 2009 © Yu Hirai
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miroir dans lequel nous plonger, dans lequel redécouvrir ce qui fait nos spécificités nationales et européennes. Chacun à sa manière apporte une définition aux termes de limite, de territoire, de frontière ou d’appartenance culturelle, tout en pouvant en retour évaluer son propre positionnement en tant qu’étranger, son intégration dans sa nouvelle patrie, et au final mieux définir sa place entre sa culture natale et son pays d’adoption.
Uchi et soto, frontières entre l’individu et le groupe, entre la sphère personnelle et la sphère publique, entre féminin et masculin, frontières entre l’urbain et le rural, entre les pays et même entre les continents, frontières plus évanescentes entre réel et imaginaire, entre réalité et fiction, tous les aspects que peut revêtir la notion de frontière se retrouvent donc jaugées, mises en images par ces deux photographes, aux travaux complémentaires bien qu’en apparence singulièrement différents.
では文明が自然を駆逐したと思ったら、次第に自然が再び 頭をもたげて文明の名残の上に領土を広げる、 といった二 つの状態の間の振り子状態が描き出される。ある場所を歩 き回りながら、その土地に眠る魂との出会いを待ち続けて 写真を撮る新村を、私たちは「フラヌール(遊歩者)写真家」 と呼ぶことができるかもしれない。 (とは言え、彼の選ぶ場 所は、一般的に 「魂がない」、 つまり魅力がないと思われてい る場所なのだが。)新村自身の言葉を借りれば、彼は常に意 識を集中させて、 ある場所に静かに眠っている地霊 genius loci を 「目覚めさせる」瞬間を待っている。彼は、何でもない 場所にそうした魂の存在を感じ取り、写真が促すその顕在 を待つのである。 このように、二人の写真家はまったく違う道を辿りなが らも、彼らの手に入れた「他者性」 というものを使って作品 を作り出している。彼らの写真は、私たちヨーロッパ人に鏡 をつきつける。その鏡に入りこんだ時、私たちは国家やヨー ロッパ民族の特殊性を再発見するのだ。二人の写真家は、 それぞれ独自のやり方で、限界、国土、境界、文化的な属性 について新しい定義をもたらしてくれる。 また、彼ら自身もそ うすることで、外国人としての自らの立場と新しく選んだ祖 国への同化状況を確かめ、最終的には、出身文化と選んだ 文化の間で、 自分の居る場所を正しく測り出すのである。 「うち」 と 「そと」の間にある境界は、個人と集団の間の境 界であり、 プライベート空間と公的空間の間の境界であり、 女の世界と男の世界の境界である。 さらには、都市と田舎の 境界でもあり、国家の間の、 あるいは大陸の間にある境界で ある。もっと抽象的な言い方をすれば、現実世界と想像界 の間の境界、現実と虚構の間の境界である。境界というター ムが包摂するあらゆる性格と側面は、二人の写真家によっ てあますところなく探索され、画面に表現されている。一見 驚くほどに異なる二人の仕事は、実は見事に補完的なので ある。
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Ecoumène 2006 © Takuji Shimmura
Docteur en histoire de l’art moderne et contemporain japonais, Valérie Douniaux se dédie aux échanges artistiques et culturels entre la France et le Japon. Elle organise des expositions, en particulier photographiques, et donne des conférences et cours sur l’art ou la culture du Japon. Passionnée d’écriture, elle est l’auteur de nombreux livres, catalogues d’expositions et articles. Elle a ainsi participé à la publication de Révélations, nouvelle photographie japonaise (Le Lézard Noir, 2013), et a écrit le premier guide en français sur le thé japonais (Le guide des thés du Japon, Félix Torres Éditeur, 2011). 日本近現代美術史専攻の歴史学博士であるヴァレリー・ドゥニオは、日仏アーティスト、特に写真家の芸術的・文化的交 流をコーディネートすることを仕事とし、写真を中心とした展示会の開催、日本のアートと文化についての講義・講演などを 行っている。文筆にも情熱を注ぎ、 これまで多くの単著・共著、および展示会のカタログや記事をものしてきた。その主なもの は、2011年にフェリックス・トレス社から刊行された単著で、 フランス語初の日本茶事典である 『日本茶ガイド』(Le guide des thés du Japon, Félix Torres Éditeur, 2011)および、2013年にル・レザール・ノワール社から刊行された共著『日本の新し い写真芸術の発見』(Révélations, nouvelle photographie japonaise, Le Lézard Noir, 2013)である。 http://www.valeriedouniaux.com http://www.takuji-shimmura.com http://www.yuhirai.com
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L’ESPRIT PLASTIQUE プラスチックの心 par
B i x & M arki D u o s o f t Jazz
舞台の奥の暗闇で 影と光の遊びが天井で起こる 飛行物体が 地球の周りの軌道を回る それは大気圏の中に浮かぶ心 なぜそれは空気の中にあるのか 私の言いたい事の中に私の一部が入っている 私に何が起こる 私は誰 これは人生をより知る得る道ですか 私は何が欲しい? 私が持っていないものが欲しい それはどんなものですか? あるものを全部見て あそこで何が起v?それは変わって私となる 今夜、君は何を捜している? 飛んでいる残骸 私は理解したい 舞台の奥の暗闇で 影と光の遊びが天井で起こる 飛行物体が 地球の周りの軌道を回る それは大気圏の中に浮かぶ物語 なぜそれは空気の中にあるのか 私の言いたい事の中に私の一部が入っている 私に何が起こる 私は誰 これは人生をより知る得る道ですか 私は何が欲しい? 私が持っていないものが欲しい それはどんなものですか? あるものを全部見て あそこで何が起こっているのですか?それは変わって私となる 今夜、君は何を捜している? 飛んでいる残骸 私は理解したい
Ecoutez L’esprit plastique par Bix&Marki http://freelancefrancejapon.org/public_html/news/musique/
Réfléchir. acrylique sur toile 2014 © Beatrix Fife
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Dans le noir de la scène au fond, un jeu a lieu au plafond, lumière et ombre Des objets volants tournent autour de la terre en orbite Ce sont des esprits qui errent dans l’atmosphère Pourquoi sont-ils dans l’air ? Il y a des parties de moi dans ce que je voudrais dire Qu’est-ce qui m’arrive ? Qui suis-je ? Est-ce bien ce chemin qui mène à mieux comprendre la vie ? Qu’est-ce que je voudrais ? Des choses que je n’ai pas Quelles sont ces choses là ? Vois tout ce qu’il y a Qu’est ce qui se passe là-bas ? Ça tourne, tourne en moi Que cherches-tu ce soir ? Des débris volent, je voudrais comprendre Dans le noir de la scène au fond, un jeu a lieu au plafond, lumière et ombre Des objets volants tournent autour de la terre en orbite Ce sont des histoires qui errent dans l’atmosphère Pourquoi sont-elles dans l’air ? Il y a des parties de moi dans ce que je voudrais dire Qu’est-ce qui m’arrive ? Qui suis-je ? Est-ce bien ce chemin qui mène à mieux comprendre la vie ? Qu’est-ce que je voudrais ? Des choses que je n’ai pas Quelles sont ces choses là ? Vois tout ce qu’il y a Qu’est ce qui se passe là-bas ? Ça tourne, tourne en moi Que cherches-tu ce soir ? Des débris volent, je voudrais comprendre
Bix&Marki est un duo de soft jazz-chanson basé à Tokyo depuis 2011. Beatrix Fife est artiste peintre, flûtiste, auteur et interprète, Mamoru Katagiri est guitariste et compositeur. Ils vivent leur vie comme leur musique, et leur musique comme leur vie. www.makbx.com
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P ar Julie B L ANCHIN
Ill us tra trice
ブランシャン・ジュリ イラストレーター
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東京ヴィザ・アイランド
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Après plusieurs voyages en tant qu’illustratrice documentaire en Australie, en Polynésie, en Guyane et en Amazonie, Julie Blanchin découvre le Japon un peu par hasard en octobre 2008. Un an plus tard, elle s’installe à Tokyo. Une nouvelle aventure commence alors : Julie est tour à tour professeur de dessin, étudiante en japonais, graphiste salariée, assistante pâtissière, ébéniste… avant de trouver un petit coin d’atelier tranquille à Kiyosumi Shirakawa, où elle exerce désormais son activité d’illustratrice freelance à temps plein. 62
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website : www.julieblanchin.com blog : www.blog.julieblanchin.com Facebook : julieblanchinbox
ジュリ・ブランシャンは、記録イラストレーターとして、オーストラリア、ポリネシア、ギアナ、アマゾンなど様々なところを旅してきまし た。2008年、ほとんど偶然の成り行きで、 日本を発見することになりました。 その一年後、東京に住むことを決めたジュリ。彼女の新しい冒険が始まりました。デッサンの先生になったり、日本語の生徒になった り、CGとして雇われたり、お菓子屋さんの助手をしたり、家具を作ったりと、忙しい毎日。そんな中で、 ジュリもやっと、深川の片隅にアトリエ を見つけて落ち着くことができました。今は、そこでフルタイムのフリーイラストレーターの毎日をエンジョイしています。 Fre e l an ce Fran ce Ja p o n -
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Frontières culturelles Se comprendre par le biais de l’art 様々な文化の境界
芸術作品を通して自分を理解すること
Par Céli ne B o nnet- Laq u i ta ine
Pr o fesse u r d e fra n çais e t d ’ his t o ire d e l’ ar t A g e n t p o u r art ist es jap on ais
セリーン・ボネラキテーン フランス美術史とフランス語講師 日本人アーチストのエージェント T ra d u c t io n j a p o n a is e Yukiko KANO
加納由起子 訳
L’art serait-il un outil pour mieux comprendre ce qui nous sépare et ce qui nous unit ? Nos coutumes nous font appréhender notre environnement, notre entourage, et même les formes et les couleurs, de façon différente. Il est souvent difficile de comprendre les œuvres issues d’une culture lointaine, mais aussi l’interprétation que d’autres en font. Lorsque je vivais au Japon, mes activités me menaient à échanger quotidiennement sur ce sujet avec des Japonais. En cours, je demandais à mes élèves de décrire une œuvre puis de donner leur avis. Ensuite, je leur apportais les clés nécessaires pour mieux comprendre le contexte culturel, historique et intime de l’artiste. Cela leur permettait à la fois de mieux connaître la société occidentale (française, européenne ou américaine) et d’analyser les différences entre différentes cultures. En partageant dans cet article certains de mes échanges avec des élèves, amis et artistes japonais au sujet de l’art, j’espère pouvoir mettre en évidence la diversité de leurs ressentis sur la culture occidentale, la culture japonaise et le mariage des deux afin de, peut-être, toucher du doigt ce qui nous rapproche malgré tout.
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芸術は、私たちの間の差異や類似点を理解することを助けて くれるでしょうか。誰でも人は、その習性に従って環境や人間関 係を解釈します。習性の違いは、物の形や色までの解釈にまで及 びます。遠い国の文化に依拠する芸術作品を解釈することは簡 単ではありません。 また、一つのオブジェについて、他人の解釈を 理解することは実に難しいのです。 私は日本にいた時、毎日のように日本の人たちとこの点につ いて議論しました。美術史の授業では、私はまずある美術作品を 示して、生徒たち自身に説明してもらい、意見を述べてもらいまし た。その上で、その作品が制作された社会や時代や伝記的な背 景などについての指標を与えていました。私は生徒たちに西洋社 会(フランス、欧州、 あるいはアメリカ)についての知識を与えると 同時に、欧日の文化的差異について分析する方法を見つけてほ しかったのです。 このエッセーには、私が生徒や友人や日本人アーチストたち と交わした芸術作品をめぐる意見交換の跡が載っています。彼ら は、西洋文化と日本文化についてのみならず、両者の結びつきや 類似点についても、実に多様な意見を述べてくれました。
Les Nymphéas de Monet au musée de l’Orangerie - オランジュリー美術館所蔵のモネの連作『睡蓮』 Photographie © LWYang
La sensibilité à l’art occidental Lors d’un cours privé, Akihiko Asami (la soixantaine, architecte à la retraite), a partagé avec moi, par écrit, son engouement pour les cinémas américain et français des années 1950, passion qu’il a développée durant son adolescence. Son témoignage suggère que le cinéma occidental a fortement marqué la génération du baby-boom au Japon, sans doute parce que celle-ci découvrait à la fois le septième art et des cultures exotiques. M. Asami m’a permis de comprendre comment de nombreux Japonais ont découvert la culture occidentale, ainsi que leur fascination pour les visages, les paysages et les intrigues venus d’ailleurs. Trois films de ma jeunesse, par Akihiko Asami
« Au Japon, jusqu’en 1959, les familles ordinaires n’avaient pas la télévision. Donc, durant mon adolescence, mon loisir préféré était d’aller voir des films au cinéma. Nous étions attirés par les actrices élégantes et les beaux acteurs. De plus, les paysages occidentaux étaient merveilleux, comme dans un rêve. J’ai notamment beaucoup aimé deux films français et un film américain, Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle, Vertigo d’Alfred Hitchcock et Les Amants du Tage d’Henri Verneuil, trois histoires d’amour éphémères au dénouement imprévu. J’ai enfin pu avoir la télévision à la maison en 1959. C’était en noir et blanc, mais toute la famille était surexcitée ! »
西洋文化への日本的感性 個人授業をしていた生徒の一人、 アサミ・アキヒコさん(60歳 代男性、定年退職した建築家)からもらった手紙には、彼が青春 時代、アメリカやフランスの映画に熱中していたことが書かれて ありました。それは1950年代のことで、彼はまだ10代でした。 ア サミさんは日本のベビーブーム世代の例に漏れず、多感な青春期 に欧米の映画に非常に影響を受けました。彼らにとって、その経 験は映画という芸術ジャンルとの出会いであったとともに、異郷 の文化との出会いでもありました。 アサミさんは、映画を通して出 会った西洋の人間の顔や風景や物語について、彼がどう思った かをこう述べています。 アサミさんの「青春の3本」 「日本の一般家庭にテレビが入ってきたのは1959年のこと です。だから、10代の頃、私の一番の楽しみは映画館に行くこと でした。私たちは皆、優雅な女優や二枚目俳優に夢中でした。映 画で観る外国の風景は夢のように美しかったことを覚えていま す。私の青春時代の思い出の映画は3本あります。 フランス映画 が2本、 アメリカ映画が1本です。ルイ・マルの『死刑台のエレベー ター』、 ヒッチコックの『めまい』、アンリ・ヴェルヌイユの『過去を もつ愛情』。意外な終わり方をする悲恋の物語ばかり。1959年 になって、 ようやく我が家にもテレビがやってきました。 まだ白黒 でしたけれど、家族一同、それは大喜びでした。」
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Le pont des Arts à Paris, 2011 - パリのポン・デ・ザール Photographie © Myrabella
Les Nymphéas de Monet au musée de l’Orangerie, par Yuko et Ayumi Deux élèves m’ont surprise en décrivant les sensations presque surnaturelles qu’elles ont ressenties à la vision des Nymphéas de Monet, au musée de l’Orangerie. Yūko (la quarantaine, musicienne) m’a ainsi raconté : « Dès que je suis entrée dans le musée et que j’ai vu Les Nymphéas, j’ai entendu la musique de Debussy et des gouttes d’eau tomber. C’était un choc émotionnel ». Ayumi (du même âge, médecin) m’a également parlé de son expérience au même endroit : « J’ai eu l’impression de voir l’eau et les plantes peintes par Monet, comme si je regardais la réalité, grâce à la lumière naturelle ».
ユウコとアユミが見た『睡蓮』 (モネ) 二人の生徒、ユウコとアユミは、オランジュリー美術館で鑑 賞したモネの『睡蓮』の印象をこう語ってくれました。私にとって は想像もしなかった感性です。 ユウコ (40代女性、音楽家)はこう言います。 「 展示室に入っ て睡蓮の絵が目に飛び込んだ途端、私の耳にはドビュッシーの 音楽、そして水滴が落ちる音が聞こえました。感動しました。」 ア ユミ (同じく40代の女性、医師)は、 「モネが描いた水や植物が、 まるで実際にそこにあるかのように感じました。自然光を使った 展示だからですね」 と述べました。 ヤノ・ダイスケさんが見たポン・デ・ザール、 そしてパリ
Paris depuis le pont des Arts, par Daisuke Yano Daisuke Yano (la trentaine, architecte et philosophe), s’intéresse aux rapports affectifs et existentiels entre l’homme et son environnement :
« C’était tellement beau et impressionnant que j’en ai oublié de respirer. Je me suis senti isolé parmi des choses qui me semblaient étrangères : l’île de la Cité, la coupole de la bibliothèque Mazarine, la ligne de peupliers, la façade grise du musée du Louvre, la tour Eiffel, le soleil et les reflets sur la Seine. Dans mon isolement, j’essayais de comprendre ces choses étrangères en leur donnant du sens, comme si je les faisais raconter elles-mêmes leur histoire. Mais, à chaque fois que le vent soufflait, il me donnait l’impression d’être un grand esprit, l’esprit de toutes les personnes du passé et du présent. Finalement, ce que le pont des Arts m’indique sur l’essence de l’art, c’est que l’existence de l’homme n’est qu’une succession
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ヤノ・ダイスケさん(30代男性、建築家、哲学者)は、人間と
その周囲の環境の間に生まれる情緒的な関係、そして実在的な 関係に関心を持っています。
「それは、あまりに美しく、圧倒的な光景だったので、息をす るのも忘れるほどでした。私の周りには、 シテ島、 マザリーヌ図書 館の丸屋根、ポプラの並木、ルーブル美術館へ続く灰色の扉、遠 くにはエッフェル塔、太陽、そして陽光を跳ね返しているセーヌ 川の川面など、異郷の景色が広がっていました。私は一人だけ周 囲から切り離されたような気持ちがしました。たった一人で、私 は外国の物事に意味を与えようとしていました。あたかも、事物 にその歴史を語らせようとしているかのように。風が起こるたび、 過去と現在の人々の精神が押し寄せてくるような気がしました。 ポン・デ・ザールという場所が教えてくれたのは、芸術の神髄でし た。私はそこで、人間の存在とは次々と現れる企図の連続にほか
de projets, et que c’est la finitude de l’homme qui donne naissance à l’infinité. » Ces trois personnes, très conscientes de leurs émotions, m’ont fait partager leur univers. En restant ouverte à la différence, j’ai eu plaisir à me rapprocher d’une nouvelle sensibilité, au-delà des premières incompréhensions.
L’interprétation de l’art Lisons maintenant un ami et un élève sur les interprétations occidentales et japonaises d’une même œuvre d’art (des céramiques) ou d’un même sujet (les maisons closes).
ならないこと、そして、人生の時間が限られているからこそ、永遠 という考えが生まれたのだということを悟りました。」 これら三組の人たちは皆、自分の感情を意識的に語ることで 彼らの内面世界を覗かせてくれます。私の感覚と大変違う彼ら の感じ方は、すぐに理解できるものではありませんでした。でも、 その違いを受け入れた上で、異なる感性をよりよく理解すること は、私にとって大変楽しいことと思われました。
芸術作品の解釈 今度は、一つのオブジェ (陶器)について、 あるいは一つの絵画 の主題(ここでは売春宿) を取り上げて、 日本人の友人とアーチス トそれぞれの見解を聞いてみましょう。同じ物についての西洋的
La céramique japonaise contemporaine, par Len Dans le but de promouvoir le céramiste contemporain Aoki Kōji aux États-Unis, j’ai mené une petite enquête auprès de mes connaissances américaines, afin de mieux connaître leurs goûts. Len, un ami nippo-américain qui a grandi au Japon et étudié aux États-Unis, m’a donné son point de vue sur les différentes esthétiques que lui évoquent ces pièces, aux formes et aux couleurs épurées :
« Les Américains qui s’intéressent à la culture japonaise aimeraient peut-être les couleurs sombres du style wabi-sabi1, surtout le vert foncé, qui leur rappelle le thé vert. Je pense que les pièces bleues sont à l’opposé de cet esprit et plus proches de la sensibilité occidentale. Cela dit, elles peuvent être introduites dans un environnement wabi-sabi, comme une petite touche, un accent différent. Personnellement, j’aime la lumière positive qu’elles dégagent. » Len rapproche ainsi des couleurs et des formes a priori simples de sensations et concepts précis, envers lesquels il a développé une certaine sensibilité en grandissant dans une double culture.
な解釈と日本的な解釈の違いが明らかになるはずです。 レンが見る日本の現代陶芸 現代日本の陶芸作家、青木浩二をアメリカに紹介したいと思 った私は、 アメリカ人の嗜好を知るためのアンケートを数人のア メリカ人友人に向けて行いました。その一人であるレンは、日本 で育ち、 アメリカで成長した日米ハーフです。彼は、 日本の陶芸作 品の簡素な色と形を媒介として、日米の美的嗜好の違いがはっ きりと現れるものと考えています。 「日本文化に関心を持つアメリカ人ならば、侘び寂び様式の 暗い色、特に緑茶の色を思わせる濃い緑を好むはずです。反対 に、明るい青はあまりにも西洋的で、日本好きな人たちの好みに はあわないでしょう。 とは言え、侘び寂びの世界に明るい青が導 入されていることによって異なる感覚が生まれます。個人的に僕 は好きです。明るい雰囲気になっていいと思います。」 レンは、陶芸作品の「簡素な」色や形と、二重の文化環境の中 で育つうちに彼の中に育った特定の感覚および観念を関係づけ ています。
Wabi et sabi se réfèrent à une esthétique austère, simple et élégante, à l’éphémère et à l’harmonie entre l’humain et la nature. 1
Mélange de style japonais wabi-sabi et de couleurs modernes chez le céramiste Aoki Koji 陶芸家青木浩二による侘び寂び様式と現代的色彩の融合。
Photographie © Céline Bonnet
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Les maisons closes de Toulouse-Lautrec et Utamaro, par Kunioki Yanagishita Un autre élève, Kunioki Yanagishita, la soixantaine, nous fait part quant à lui de ses impressions sur les différentes façons de représenter la vie dans les maisons closes en France et au Japon. Ce professeur d’anglais, traducteur à la retraite du célèbre Kenzabur ō Ōe, traduit actuellement, pour le plaisir, des pièces de théâtre kabuki. Il est donc aussi sensible à l’art japonais traditionnel qu’ouvert aux cultures occidentales. Nous avons étudié en classe des peintures de Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901), artiste qui a capturé dans ses œuvres la vie intime des prostituées. M. Yanagishita a choisi de comparer les représentations des maisons closes par Toulouse-Lautrec à Paris, au dix-neuvième siècle, à celles d’Utamaro à Edo (l’ancienne Tōkyō) au dixhuitième siècle. Il a écrit dans son devoir :
Quelle différence entre les peintures de Lautrec et les ukiyo-e d’Utamaro ! Je pense que cela vient de la culture, notamment de la religion. Tandis que Lautrec a essayé d’éliminer le sens du vice associé aux prostituées, les artistes d’ukiyo-e représentaient naturellement ce qui était naturel. Leur tâche était d’exprimer la beauté des femmes, c’est tout. Les maisons closes n’étaient pas des « maisons de mauvaise réputation », mais un élément de quartiers entiers dédiés au divertissement.
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柳下国興さんによるトゥールーズ・ロートレックの売春宿と
歌麿の遊郭の比較
もう一人の生徒、柳下国興さんは、 フランスと日本の絵画に おける売春宿というテーマの扱い方の違いについて、彼の考えを 語ってくれます。彼は60代の男性で、退官した英文学教授です。 大江健三郎の英訳者でもあります。退官後の今は、歌舞伎の英 訳を楽しんでいます。日本の芸術的伝統と西洋文化に対して同 様に鋭い感性を持った人です。 美術史の講義の中で、私はアンリ・トゥールーズ・ロートレッ ク (1864-1901)の作品を題材として選びました。ロートレック は、周知のように、パリ世紀末の売春婦たちの日常生活をとらえ た画家です。柳下さんは、 ロートレックの絵に描かれた19世紀末 パリの売春宿と、歌麿が描いた18世紀(江戸時代)の遊郭を比 べて、 こう言います。 「ロートレックの油 絵と歌 麿の浮 世 絵の間の明らかな違い は、おそらく文化の違い、特に宗教の違いに負うところが多いと 思います。ロートレックは、娼婦の通念につきまとう悪徳の匂い をぬぐい去ろうとしていますが、歌麿はじめ、浮世絵師の遊女は 自然態そのものです。浮世絵師はただ女性の美しさを描くことを 目的としていて、それ以上のことは考えていなかった。なぜなら、 当時の日本で、遊郭は決して 「悪い評判のある場所」ではなくて、 歓楽街の要素の一つに過ぎなかったからです。」
À gauche, Salon, Rue des moulins, 1894, Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) Musée Toulouse-Lautrec, Albi トゥールーズ・ロートレック (1864-1901) の 『ムーラン通りのサロ ン』 (1894年、 アルビ・トゥールーズ・ロートレック美術館蔵)
Deux geishas et un client éméché, 1794, Utamaro (1753-1806) (au Philadelphia Museum of Art) 喜多川歌麿(1753-1806) の 『二人の遊女と酔客』 (フィラデルフィア美術館蔵)
Monsieur et Madame Edouard Manet, Edgar Degas (1834–1917), vers 1868 (au Municipal Museum of Art de Kitakyushu) エドガール・ドガ(1834–1917) 『エドワール・マネ夫妻』 (1868年頃、北九州市立美術館蔵)
Cette comparaison nous éclaire sur les différences de perceptions artistiques, mais aussi sur ce que les prostituées représentaient dans chaque société : un tabou pour les moralisateurs chrétiens contemporains de Lautrec, un simple aspect de la vie quotidienne pour certains citadins japonais avant l’occidentalisation du pays. Ce même élève a été inspiré par un tableau impressionniste, qu’il a interprété avec justesse selon des références culturelles occidentales, avant de le décrire selon les critères asiatiques. Le vide dans une peinture française et dans la culture japonaise, par Kunioki Yanagishita En classe, nous avons étudié la peinture Monsieur et Madame Édouard Manet d’Edgar Degas. M. Yanagishita a ressenti la forte présence du vide dans ce tableau :
J’ai l’impression que le vide exprime plus que le plein. On peut deviner l’absence de communication dans ce couple. Le vide est d’ailleurs un aspect très présent et nécessaire dans les arts japonais de l’ikebana ou de la calligraphie ; dans les dessins bouddhistes, le monde est un cercle entouré du néant. Le silence aussi est très important, parce qu’il n’y a pas toujours besoin de mots pour se comprendre. Ici, la « peur du vide » perceptible dans certains styles européens tels quel le baroque ou l’art nouveau s’oppose
柳下さんの比較は、同じ物に向けられた二人の画家の視線が まったく違っていたこと、さらには文化によって娼婦という職業 の意味合いが違っていることを明らかにしてくれます。ロートレッ クの時代のキリスト教的道徳に満たされた社会では、娼婦はタブ ーでした。一方、西洋近代が訪れる前の日本では、都市風景の要 素にすぎませんでした。印象派絵画がとても好きだと言う柳下さ んは、西洋文化の規範を見事に分析し、 さらにそれをアジア的な 基準をもとに説明してくれたのです。 柳下さんが見る、 フランスの絵画における何もない空間と日
本文化の「間」
美術史の授業では、 ドガの『マネ夫妻の肖像』についても分析 しました。柳下さんは、 この絵に見られる何もない空間の重要さ をこう語ります。 「この絵の何もない空間は、何かが描かれた空間よりもずっ と多くを表現しているように思われます。 この空間は、夫婦の間 に対話がなくなっていることを雄弁に語っている。日本文化にお いて、何もない空間はとても大事です。生け花や書道では必要な ものです。その美意識は、世界を虚空を取り囲む円と考える仏教 的世界観から来ています。沈黙もとても大事です。互いに理解し 合うためには、常に言葉が必要なわけではないからです。」 バロックからアール・ヌーボーまで、 ヨーロッパが生んだ様式
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à un minimalisme significatif dans l’esthétique japonaise. Le silence, un « blanc » gênant que l’on cherche à remplir dans les conversations en Occident, est au contraire un signe d’écoute, de respect et d’équilibre dans la culture japonaise. Len et M. Yanagishita nous prouvent que nous pouvons percevoir une œuvre d’art de différentes façons à cause de connotations, de préjugés et d’une sensibilité que nous développons inconsciemment dans un environnement limité. Pour simplifier, tout serait une question d’habitudes, mais qui connaît le Japon sait que les Japonais parviennent à préserver une partie importante de leur culture tout en intégrant l’influence de l’Ouest, du moins dans la vie quotidienne.
るミニマリズムはその対極にあると言えます。西洋人は会話の中 でも沈黙や「空白」をできるだけ言葉でカバーしようとしますが、 日本文化では何も言わないことは、むしろ敬意や注意を向けてい ることや間合いをとろうとしていることのサインなのです。 レンと 柳下さんのような人たちが教えてくれるのは、私たちの芸術作品 の解釈は含意や偏見、あるいは限定的な環境の中で育つ感性と いったものに導かれており、そのために多様だということです。習 慣の違いと言えばそれまでですが、日本人が西洋の影響を日常 生活に取り入れつつも、 もともとの文化の重要な部分を感性のう ちに厳重に守っていることは、 日本を知る人なら誰もが理解する ことです。
Le Japon ambigu : entre Asie et Occident
曖昧な日本——アジアと西洋
Kenzaburō Ōe, lauréat du prix Nobel de littérature en 1994, explique dans son recueil de discours Moi, d’un Japon ambigu (Gallimard, 2001) la fascination des Japonais pour les cultures occidentales qu’ils ont commencé à assimiler après la Seconde Guerre mondiale. Dans le cadre des cours sur l’impressionnisme de Monet, j’ai demandé à mes élèves de comparer la maison du peintre à Giverny à leur logement tokyoïte. Nous avons ainsi pu distinguer les principales différences entre les deux, les aspects japonais et occidentaux, mais aussi révéler en quoi notre environnement quotidien influence notre vision du monde.
賞式のためのスピーチと諸エッセーを『あいまいな日本の私』
La maison et le jardin de Monet à Giverny et mon logement à Tokyo. Rieko décrit la résidence japonaise moderne comme « de style mi-japonais, mi-occidental, devenue plus fonctionnelle et pratique, avec par exemple un salon européen ou un bureau en parquet ». Elle rappelle également que « de nos jours, la résidence de style japonais traditionnel est en train de disparaître ». Yoshimitsu affirme préserver l’aspect traditionnel dans sa résidence : « Mon appartement est moderne, mais nous avons une pièce à tatamis pour garder l’ambiance japonaise, même si nous ne l’utilisons presque pas ». De même, Hiroko décrit l’armoire qu’elle réserve aux kimonos, bien qu’elle n’en porte presque jamais. Rieko compare le jardin de Monet, où « les jardiniers ont cherché la profusion des couleurs pour créer une atmosphère féerique », au jardin japonais, où « les artisans respectent les proportions de la vue d’ensemble en créant différents espaces à contempler, afin de refléter l’harmonie spirituelle par la sérénité ou la tranquillité ». Kazuo explique par ailleurs que « les Japonais construisent de grandes maisons sur un petit terrain. Par conséquent, ils disposent rarement d’un jardin et vont admirer les fleurs dans celui des sanctuaires shintoïstes. Le jardin devient alors une partie de l’institution
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の多くには「沈黙の恐怖」が感じられますが、日本的美学におけ
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1994年ノーベル文学賞を受賞した作家大江健三郎は、授 (2001年、ガリマール社) と題された一冊にまとめました。彼は そこで、敗戦後の日本がどのように西洋文化に魅了されたかを語 ってくれます。私は大江の言葉をヒントに、授業でモネの印象主 義を扱った際、生徒たちに画家のジヴェルニーの家と戦後の日 本人の東京の家を比較してもらいました。二つの場所の主要な 違いを比べることで、住居についての西洋的特徴と日本的特徴 を区別し、その上で住居がいかに私たちの世界観を左右するも のかについて考える契機としました。 マネのジヴェルニーの家と庭、私の東京の家 レイコは現代の日本家屋を「和洋折衷様式」 と呼びます。 「西 洋風の居間とフローリングの書斎などのおかげで、機能的で便 利な場所になりました」。また、 「 今の時代、純和風の家屋はどん どん消失しています。」 ヨシミツはそうした日本的な雰囲気をでき るだけ彼の家には残す努力をしていると言います。 「 近代建築の マンションにも畳の部屋はあります。滅多に使わないけれど。」 ヒ ロコは自宅にいつも着物を保存していると言います。 もちろん、ほ とんど着ないにせよ。 レイコはモネの庭を見て、 「 庭師はできるだ け多彩な色を散乱させて、 おとぎ話のような賑やかな世界を作ろ うとしたみたい」だと言います。一方、日本庭園は「細かい場所に それ自体の完成された姿を与えつつ、造園職人は全体のバラン スを常に考えて造るもの」 だと言います。 「 庭を平和で静かな場所 にすることで、精神的な調和の世界を実現する」のが造園なので す。 カズオは、 「 小さな場所にできるだけ大きな住宅を建てようと する日本人は庭を犠牲にせざるを得ず、 だから神社に花見に行く んですよ」 と言います。そのために 「神社仏閣は必ず素晴らしい庭 を持っている」のだそうです。 さらにカズオは、自然の前で人間は とても脆いもの、 という述懐に移ります。 「 大きな地震や津波の時 には高い場所に避難する必要があるけれど、そこでも庭はとても
religieuse au Japon ». Kazuo rappelle également la fragilité de l’humain face à la nature : « les jardins jouent un rôle de refuge aménagé dans les hauteurs, indispensable à cause des tremblements de terre et des tsunamis. Le grand tremblement de terre qui a frappé le nord-est du Japon en 2011 nous a aussi donné une leçon quant à l’utilisation de ces espaces ». Tomoko précise aussi que son buffet est bas « parce qu’il y a beaucoup de tremblements de terre au Japon ». Malgré l’adoption du style de vie occidental pour son aspect pratique, ces élèves mettent en avant l’importance de garder une part d’esthétique traditionnelle dans leur quotidien, ainsi qu’un attachement à la nature comme lieu de contemplation et de sécurité. Pour ma part, j’ai aussi développé cette sensibilité et ces attachements en vivant au Japon. En effet, après avoir vécu le grand séisme de 2011 et bien d’autres, je partage cette inquiétude à la vue d’objets fragiles sur un meuble haut. Arrivée en Californie, je me suis même surprise à me sentir en sécurité dans les quartiers spacieux, pensant que rien ne me tomberait dessus en cas de séisme !
大事な役割を果たすんです。2011年の東日本大震災は庭の使 い方を私たちに教えてくれました。」 トモコはまた、背の低い家具 しか使わない理由をこう述べます。 「日本には地震が多いから」。 機能的な理由で西洋の様式を選んだにせよ、 これらの生徒た ちは皆、日常に日本的美意識を残しておきたいと述べます。日本 的な要素は、瞑想と安全の在処である自然への日本人の強いつ ながりとも関わっています。私自身、日本で生活しているうちに 自分の中にそうした感性が育っていることを知りました。それは 2011年の大震災をくぐり抜け、その他にも小さな災害を日常的 に経験する中で、日本人の不安を共有するにいたったからです。 私自身、不安定な物が高い家具の上に置かれているのを見ると、 理由もなく怖くなります。 カリフォルニアに移り住んだ今も、広い 空間に出るたびほっとしている自分を発見して驚きます。 どこか でまだ、広い場所だと何が落ちてきても安全だと考えているので す。 今度は、環境が私たちの感情に与える影響について考えて みましょう。建築家の生徒が貴重な証言をしてくれています。
Puisque nous parlons d’environnement, penchonsnous sur l’influence que ce dernier a sur les sentiments, à travers le témoignage d’un élève architecte.
L’environnement architectural M. Hirata m’a confié son étonnement face aux différences environnementales entre la France et le Japon : « En France, les jardins, les bâtiments et les villes, presque tout est symétrique ! ». Les photographies de mes amis japonais ayant voyagé en France montrent d’ailleurs une forte ressemblance : on y voit le ciel coupé par de longues façades linéaires. Architecture et philosophie en France et au Japon, par Daisuke Yano Exerçant le métier d’architecte, Daisuke Yano s’est intéressé à l’influence qu’à notre environnement sur les pensées françaises et japonaises. Ayant vécu deux ans à Paris, il a interprété le rapport à l’environnement urbain des Français et des Japonais en comparant leurs sujets de conversation : « À Paris, j’ai entendu des personnes parler des philosophes Sartre et Arendt, dans un café, tôt le matin ! Tandis que les Français utilisent des concepts pour expliquer l’actualité, les Japonais, en général, ne discutent pas de sujets philosophiques mais plutôt socioculturels, comme la famille, la communauté, la localité, etc. ». M. Yano pense que cela est en partie dû au fait que les individus font partie intégrante du paysage urbain : « En
生活環境と建築物 ヒラタさんは、 フランスと日本の生活環境の違いへの驚きを 隠しません。 「フランスでは、庭も建物も町もすべて左右対称でび っくりしましたよ。」私の日本人の友人がフランスに旅行して撮る 写真には、確かにいつも同じような光景が映っています。 まっすぐ に続く建物の正面が、狭い空を区切っている様子です。 ヤノ・ダイスケさんにとっての日仏の建築と哲学 建築家として働く間に、ヤノさんは生活環境が日仏の思想 的な違いに及ぼす影響に関心を持ちました。パリに2年住んだ経 験から、彼は次のように日本人とフランス人の会話に現れる主題 を通して、日仏の都市環境への関わり方の違いを分析します。 「 パリでは、 カフェで朝一番のコーヒーを飲んでいる人たちの口か ら、サルトルやアーレントの名前が飛び出してくるのを聞きまし た。 フランス人は現代の社会問題を議論する時に概念的なコン セプトを使いますが、日本人はそんな哲学的な話し方はしない。 私たちは、家族とか、共同体とか、市町村などの社会文化的な主 題を好むのです。」ヤノさんは、それはおそらく、 フランスのような 国では個人が都市環境の一部を成しているせいだろうと言いま す。 「フランスでは、一つの町の中で都市的要素はそれぞれ一つ の単位をなしており、道路や建物の正面の直線がそれらの間の
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Des façades à Paris. パリの建物正面 Photographie © Céline Bonnet
France, les îlots urbains sont nettement séparés par des façades et des rues en ligne droite, tandis qu’au Japon, les limites sont irrégulières, à facettes, ce qui crée un sentiment d’instabilité. Les habitants se replient donc sur le quotidien qui leur est familier ». Ce témoignage suggère que l’architecture influence nos pensées, nos sentiments et nos comportements. Ainsi, connaître les caractéristiques de l’endroit où nous habitons peut permettre de mieux appréhender certaines différences culturelles. Dans mes cours, je tenais à dépasser les frontières nationales, rappelant qu’il n’y a pas de pureté culturelle dans l’origine des créations et que la Nation est un concept moderne. En étudiant de nombreux bâtiments aux diverses influences, et en confrontant notre ressenti, mes élèves et moi avons réalisé qu’il existe des sensibilités communes aux humains, qui varieraient plus selon la personnalité de chaque individu que selon la culture dont il est issu.
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違いをはっきりと峻別しています。反対に、日本では都市の中の生 活空間の境界は曖昧で、それぞれがいくつもの側面を持っている。 そのために、私たちは不安定な場所に住んでいる気持ちがするの です。だから、 日本人は親密な空間に閉じこもり、 日常の話ばかりを するのでしょう。」 確かに、建築は私たちの考えや感情や行動に深く作用している のかもしれません。 とすれば、私たちは、 自分の住む場所の特徴をよ く知ることで文化的な違いを乗越えることが出来るでしょう。 私は、毎回の授業を通して、国の境界を乗越えることを目指し てきました。文化的創造の根幹に純粋な国民文化などといったも のはありません。国家民族といった考え方自体、近代になって発明 されたものなのです。異なる環境のもとに発展した多くの建築様式 を研究しつつ、そこに重なる私たち自身の本能的な感覚を客体化 しながら、私と生徒たちは徐々に、差異を超えた人間に共通する感 性の領域にいたりました。そうした感性は、出身文化以上に個人的 な要因によって変化するものなのです。
共通の感性
Des sensibilités communes Nous avons évidemment des sentiments communs qui ne se limitent pas aux traditions. Hiroyasu Fujioka, professeur d’histoire de l’architecture, donne un avis pertinent sur la définition de tradition en général, et de tradition japonaise en particulier : d’après lui, « rien n’est vraiment authentiquement japonais », sachant que « la tradition peut être créée de toutes pièces »2 et que « son interprétation est ouverte, relative et n’a rien d’absolu ». Cette définition a d’ailleurs été utilisée par la France et l’Allemagne dans un climat nationaliste, à la veille de la Première Guerre mondiale, et par le Japon pour justifier sa supériorité sur la Chine dans les années 1920. Je ressentais donc un fort sentiment d’accomplissement lorsque des élèves me confiaient leur satisfaction de découvrir l’art français comme le résultat d’influences croisées. Gorota Kume (la soixantaine, professeur à l’université) m’a écrit :
« Dans le monde de l’art les frontières s’effacent souvent, mais les publics prennent encore souvent conscience des pays et nationalités des artistes en premier lieu. Il est donc intéressant de suivre vos cours sur l’art français, parce que nous apprenons qu’il a été influencé par d’autres cultures. » Mes élèves et moi avons par exemple remarqué des similarités dans nos sensibilités lors de la visite de l’école « Jiyū Gakuen » (école de la liberté), construite vers 1921. L’école de la liberté de Frank Lloyd Wright et Arata Endô à Tokyo Le célèbre architecte américain Frank Lloyd Wright (1867-1959) et son disciple japonais Arata Endō (18891951) ont su mêler les caractéristiques classiques, modernes et japonaises avec talent. Ainsi, l’œuvre de Wright au Japon est aussi populaire auprès des Japonais que des Occidentaux, parce que chacun y retrouve une atmosphère à la fois originale et familière. Mes élèves ont beaucoup aimé la conception unique des fenêtres aux lignes géométriques, mais aussi l’aspect chaleureux qui leur rappelle les maisons traditionnelles japonaises, intégrées à la nature et adaptées au climat. En effet, l’architecte a réussi à préserver les caractéristiques vernaculaires par l’utilisation de matériaux locaux, de lanternes en papier à la lumière tamisée, de marron et de vert, de toits bas aux lignes horizontales prolongées et par une continuité entre l’intérieur et l’extérieur grâce à l’alignement du plancher sur le jardin. Plusieurs élèves ont expliqué avoir ressenti Symposium Le Corbusier et le Japon, Picard, Paris, 2007, p. 87 2
私たちの感性は、 もちろん伝統の枠内に閉じ込められてはいま せん。生徒の一人、建築史の先生でもあるフジオカ・ヒロヤスさ んは、一般的な伝統の意味について、そして特に日本における伝 統の意味について、非常に鋭い意見を述べてくれました。彼によ れば、 「 純粋に日本的な伝統などありません」。 「なぜなら、伝統は 「 解釈は いろんな物の借り物から構成されるからです。」1そして、 いつも自由で、相対的で、絶対の指標などないのです。」伝統の実 体的定義は、第一次大戦の折にフランスやドイツが利用したもの であり、1920年代、中国への侵略にあたって日本が利用したも のでもありました。 生徒たちが、私の講義を通して、 フランスの芸術の歴史は様 々な影響が混ざった結果に外ならないことを発見してくれたこと は、私に大きな満足感と達成感をもたらしてくれました。 クメ・ゴ ロタさん (60代男性、大学教授)はこのような感想をくれました。 「芸術の世界では、国境などあって無きに等しいけれど、私た ちは今でも画家の国籍や出身国を最初に考慮します。 セリーヌ先 生の授業では、 フランス芸術が他の他文化の影響の産物だった ことを知ることができて、大変興味深いと思いました。」 また、授業の一環で私は生徒たちと一緒に自由学園を訪れ ました。1921年に開館した歴史的な建築物です。 フランク・ロイド・ライトと遠藤新が東京に創った自由学園 アメリカの高名な建築家フランク・ロイド・ライト (18671959) とその日本人の弟子、遠藤新(1889-1951)は、古典建 築と現代建築と日本建築を見事に融合させることに成功しまし た。 ライトが設計した建築物が、西洋人の間のみならず日本人の 間でも高い評判を保っているのはその故でしょう。 ライトの建築 は西洋的でありながら、 日本人にも懐かしい気持ちを起こさせる のです。私の生徒たちは、 自由学園の幾何学的なラインで象られ た窓の独創的な設計に感嘆するとともに、周囲の自然と天候に とけ込むように創られた、日本の伝統的な建築物を思わせる暖 かい構成を楽しみました。 ライトは、 日本固有の素材を使い、 また 紗がかかったような光を作り出す、茶色や緑に彩色された紙の提 灯や、横長のラインを強調した低い天井という内装によって、ま た天井を庭まで連続させて内部と外部を一つの単位につなぐこ とによって、家庭的空間の特徴を保存し得たのです。何人かの生 徒たちは、あたかも昔から知っていた空間のように感じたと語り ました。 マリコはこう言っています。 「 木や粗塗りの漆喰や大谷石 材などの自然素材が使われているからでしょうか。すごく暖かい 1
シンポジウム 『ル・コルビュジエと日本』 (2007年)、87頁。
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« Jiyū Gakuen » (école de la liberté) de Frank Lloyd Wright et Arata Endo à Tokyo フランク・ロイド・ライトと遠藤新の設計による、東京の 「自由学園」Photographie © Céline Bonnet
un fort sentiment de familiarité. Ainsi, explique Mariko : « je ressens un aspect chaleureux grâce aux matériaux naturels comme le bois, le crépi et la pierre Oya ». Pour ma part, j’ai apprécié la combinaison de la symétrie et de l’harmonie, typiques de l’architecture classique, avec les caractéristiques chaleureuses et naturelles que nous venons de décrire. Il semblerait que nous ayons partagé lors de cette visite un goût pour ce qui nous semble original et familier à la fois. L’exemple qui suit montre que nous sommes également sensibles à la simplicité des formes, qui est d’ailleurs commune à l’architecture japonaise traditionnelle et à l’architecture européenne moderne.
場所だと思いました。」私も、古典的な調和を醸し出す左右対称の 構成が、生徒たちが指摘するような自然で暖かい要素と見事に融 合している建物に非常に感銘を受けました。 自由学園訪問の際に、私と生徒たちが分かち合ったのは、おそら く独創的で、なおかつ身近な感覚を与えるものに惹き付けられる気 持ちだったと思います。次のエピソードは、国籍や文化は違っても 私たちは誰でも簡素な形式を賛美する感性を持っている、 というこ との例証となるでしょう。簡素さは、もちろん明らかな日本の伝統 建築の特徴ですが、 ヨーロッパの現代建築の特徴でもあるのです。 簡素への嗜好 仏系スイス人の建築家ル・コルビュジエ(1887-1965)は、 日
Le goût de la simplicité L’architecte franco-suisse Le Corbusier (18871965) est célébré au Japon comme le chef de file de l’architecture moderne, avec de nombreux disciples japonais, dont Junzō Sakakura (1901-1969), qui a conçu l’Institut français de Tōkyō, A l’occasion de la visite de cet établissement avec mes élèves, j’ai remarqué que ces derniers étaient très avertis au sujet de ces architectes. Aussi, on peut penser que les formes épurées modernes correspondent au goût japonais pour la simplicité, que l’on Symposium Le Corbusier et le Japon, Picard, Paris, 2007, p. 157 3
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本において現代建築の祖としてあがめられています。彼の多くの日 本人弟子たちの一人、坂倉淳三(1901-1969)が東京の日仏学院 を設計しました。生徒たちと一緒に日仏学院の建物を見学した際、 私は彼らが建築家たちの名前をよく知っていることに気がつきま した。おそらく、現代建築の洗練されたミニマリズムが一般的な日 本人の嗜好にぴったりとくるからなのでしょう。数寄屋建築を見て も分かるように、そうした嗜好は日本においては伝統的に存在しま す。建築家、岡部憲明も 「日本の伝統建築と欧米の現代建築の間の 空間理解の類似」2について分析しています。 2
シンポジウム 『ル・コルビュジエと日本』 (2007年)、157頁。
L’Institut français de Tokyo. 東京日仏学院 Photographie © Céline Bonnet
retrouve dans la sukiya, maison traditionnelle. L’architecte Noriaki Okabe a en effet évoqué « la ressemblance entre la conception de l’espace dans l’architecture traditionnelle japonaise et dans l’architecture moderne »». Dans une galerie d’art à Tōkyō, j’écoutais deux sculpteurs discuter. L’un défendait l’hypothèse que l’humain a développé un goût pour l’art par la connaissance, influencée par l’éducation et la culture, ce à quoi l’autre répliquait que tout homme est doté d’une conscience naturelle permettant d’apprécier l’art. À mon avis, la première émotion ressentie à la vue d’une œuvre est modifiée, voire renforcée, par les connaissances et par la compréhension de chacun. J’ai l’impression que les nombreux Japonais avec lesquels j’ai pu échanger ont développé une très forte sensibilité pour l’esthétique du quotidien et pour le détail, valorisant la perception affective du monde et de leur entourage.
ある時私は、東京のある画廊で彫刻家の会話を聞いていまし た。一人は、人間が持つ芸術への関心は、教育や教養の影響のも と、知識によって作り出された嗜好に基づくもとと主張し、 もう一 人は人間なら誰でもが生まれながらに作られた形を評価するた めの感覚を持っている、 と主張していました。私が思うには、ある 芸術作品に出会った時に生まれた最初の印象や感動は、知識と 個人的な理解を通して、その後形を変え、あるいは増幅します。 私と意見交換してくれたたくさんの日本人友人たちは、知識を得 ることで、明らかに日常の美学とディテールへの興味を増幅させ ました。そうすることで、彼ら自身、情緒的な世界観と身近で親密 な環境への個人的つながりを大事にすることを覚えたのです。
Céline Bonnet-Laquitaine a enseigné l’histoire de l’art à l’Institut français de Tokyo pendant trois ans, tout en prêtant une oreille attentive à son entourage afin de mieux décrypter la culture japonaise. Résidant désormais en Californie, elle tente de faire le lien entre la France, le Japon et les États-unis. Découvrez sur son blog ses articles sur l’art et des entretiens sur divers sujets. www.tseline.blogspot.jp
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Il était une frontière Te xte & illu str a tio ns p a r
L ae ti tia B u s s e u i l E n t repre n e u se
レティシヤ・ブセイユ 文・イラストレーション
Je me souviens d’un voyage en bus de nuit quelque part en Asie du sud-est. Envoûtée par le défilement de décors exotiques qui se détachaient dans l’obscurité, je repoussais autant que possible les limites de l’éveil afin de savourer l’excitation que me procurait l’approche de la frontière.
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Sans que je ne sache trop pourquoi, traverser cette délimitation par la route suscitait en moi beaucoup d’émotions. J’étais pourtant habituée en Europe à passer d’un pays à l’autre - même si, depuis la création de l’espace Schengen, la plupart des postes de contrôle ont été remplacés par des panneaux plutôt discrets. Je savais d’ailleurs que cette facilité à enjamber les nations faisait des envieux au Japon où, insularité oblige, seuls les cachets délivrés dans les ports ou les aéroports permettent de matérialiser le passage d’une frontière.
Mon agitation était sans doute exacerbée par une lointaine sensation de danger. Je revoyais ces mappemondes qui me faisaient rêver enfant et tous ces petits pointillés à l’air insignifiant, pourtant capables de faire naître chez les hommes des sentiments aussi diversifiés que l’appartenance, la soif de conquête, la souffrance ou encore la fascination.
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Il y a des frontières mythiques…
Celles qui attirent des hordes de curieux…
Des démarcations osées…
Des lignes tracées à l’équerre…
Et des terres mises en abîme (triple enclave de Dahala Khagrabari entre l’Inde et le Pakistan)…
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Puis il y a des frontières qui n’en sont pas vraiment et qui continuent à faire couler beaucoup de sang et d’encre…
Tandis que d’autres hantent les nuits de bien des hommes.
Ainsi la frontière divise les uns, regroupe les autres et s’exprime parfois sous une forme inattendue
On utilise souvent ce mot pour désigner les fossés linguistiques et culturels entre les personnes
Il m’évoque aussi les limites de la pensée, de l’imaginaire ou encore du réel…
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Fatigué de cavaler dans ces contrées lointaines, mon esprit, lui, avait fini par franchir les portes du royaume des songes.
C’est alors que la voix du chauffeur s’est élevée et, dans un accent dépaysant, nous a demandé de descendre pour rejoindre le poste frontalier.
Ni portes géantes ni loups affamés n’étaient au rendez-vous. Seuls quelques gendarmes et un employé au regard endormi qui, de sa cabine en préfabriqué, a décoré mon passeport d’un tampon coloré.
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Je retournai à mon siège, quelque peu déçue mais tout de même rassurée, et surtout reconnaissante pour cette précieuse liberté qui m’était accordée.
De l’autre côté de la frontière, le décor avait légèrement changé. Les bâtiments étaient plus droits, les visages moins marqués. Quant à moi, je continuais à rêver de pénétrer toujours un peu plus loin dans de nouvelles contrées.
Laetitia Busseuil a vécu au Japon entre 2005 et 2008 et réside actuellement à Lyon. De l’enseignement du japonais à la traduction de livres de loisirs créatifs en passant par des recherches historiques et de la coordination pour des médias japonais, elle multiplie depuis 2009 les expériences professionnelles en lien avec le Japon. Elle continue à répondre à divers missions faisant appel à sa connaissance du japonais tout en développant une activité autour d’une passion qui lui est chère : l’illustration. Son site d’illustration : http://laetitiabusseuil.com
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Mille ans d’une frontière-horizon À la poursuite du chemin de l’Est
東路の果てに 千年の境界と地平
Pour le Tohoku du présent et d’autrefois 今と昔の東北のために
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- - Fr Freeeel a l annccee Fr Fraannce ce Ja Japon pon
Ve r sio n f r a nça ise e t j a p o na ise p a r
Yu k i k o K an o Tra d u c t rice
加納由起子 翻訳者
Mappemonde Sanson 1691 Fre Freeel an l ance ce Fran France ce Ja Jappoonn - -
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Mots de frontière La notion de frontière se conçoit en général de deux façons : d’une part, c’est la ligne de démarcation entre deux entités territoriales existantes, qu’elles soient nationales, régionales ou communautaires. D’autre part, elle recèle quelque chose d’un « nœud gordien », évoquant un acte d’affranchissement d’interdits absurdes qui auraient longtemps défendu l’accès à une nouvelle étape dans l’évolution de la connaissance. Si la première conception est cartographique, la seconde participe de la mythologie des planteurs de drapeau, conquérants de l’espace comme du savoir, qui émane directement de la vieille croyance du pouvoir géographique dont nous ne sommes pas encore sortis. Chacune de ces deux visions est marquée par une volonté de contrôle de la part du sujet humain sur la réalité spatiale, représentée de l’extérieur. Par ailleurs, en japonais, on utilise généralement l’idéogramme 境, à la double phonétique de sakai/kyō, pour rendre les notions étrangères de border ou de frontière, tout en l’associant à un certain nombre d’autres signes qui en varient les modalités d’usage. La résonance sémantique de cet idéogramme est tributaire d’un système particulier de représentation du frontalier, bien différent de son équivalent occidental. Tout d’abord, le terme japonais ne donne pas d’importance au tracé ou au traçage, mais plutôt à ce qui peut émerger, littéralement, d’entre les lignes. Ainsi, le terme kyōkai (境界) souvent employé pour traduire le mot étranger de frontière dans son sens le plus large, fut longtemps considéré comme relevant du même registre terminologique que celui de kyōgai (境涯). Or, si la première expression désigne à la fois « la frontière entre deux ou plusieurs zones » et « la zone frontalière » (sorte de marche germanique médiévale) avec toute l’ambiguïté propre à une langue agglutinante, la seconde n’en dénote pas moins une « situation de précarité passagère ». Par ailleurs, l’équivocité généreusement humaine du signe 境 a permis de donner une nouvelle acception au terme henkyō (辺境) – indiquant communément la « périphérie » – afin de traduire le concept de frontier spécifique à l’anglais américain : la ligne de front de settlement, au-delà de laquelle s’étend un monde de wilderness (cf. Frederick J. Turner). Mais il y a une autre notion qui transcenderait bien tous ces décalages : la frontière envisagée et vécue comme horizon, comme perspective. Or, la frontière-horizon existe dans toutes les cultures historiques. Tapie dans la partie primitive du cœur humain, qui agit et rêve collectivement, elle ne demande ni à être déchiffrée à l’aide de coordonnées géographiques, ni à être tranchée d’un coup d’épée magistral. En revanche, ne cessant de reculer à mesure qu’on tente de s’en approcher, conformément à la nature de l’horizon, renvoyant le désir de chaque époque, et enfin semant le chemin du voyageur d’une infinité d’étapes, elle
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synthétise et humanise à la fois la quête de l’absolu que poursuivent les hommes. Aussi la frontière-horizon est-elle toujours représentée par une direction cardinale précise, laquelle indique à chaque époque, en tant que repère à la fois astral et humain, sa destination collective. Il y a en nous une boussole de la mémoire des anciens.
Une boussole à l’horizon En témoigne par exemple l’horizon du Nord que transportait Nicolas Bouvier (1929-1998) tout au long de son trajet vers l’Est au milieu des années 1950, partant de Genève et à travers l’Anatolie, l’Afghanistan, l’Inde, etc. Sa référence septentrionale se réveilla une fois qu’il se trouva au Japon, d’où il ne pouvait plus continuer dans la même direction. Puis, ce vieux Japon, autarcique et jalousement possessif de ses valeurs historiques au point de refuser aux voyageurs toute possibilité de personnalisation de ses lieux et rites, lui fit prendre conscience de la nécessité de renouveler son regard à l’aide de son axe de l’absolu : le Nord. En lisant le journal de voyage de Bouvier à Hokkaid ō, on a l’impression que l’auteur a toujours eu cet horizon en tête et qu’il aurait même court-circuité son voyage pour aller vite à l’essentiel, d’autant que cet homme rationnel et brillant fait bien partie des types dont on se dit d’habitude, avec confort et complaisance, qu’ils ont toujours su ce qu’ils voulaient. Lentement, pourtant, le voile se lève devant ses yeux, en cours de route, jusqu’à ce matin brumeux d’octobre, dans une cabane de pêcheurs au fond d’un village perdu sur le cap d’Erimo, où lui vient le sentiment de comprendre enfin ce qu’« il était venu chercher sur cette île ». Dans l’élan de joie sereine, il nomma son Hokkaidō « île sans mémoire », fantasme fait réalité. La grisante virginité qu’il percevait dans le regard et l’attitude des gens, jamais photographiés avant son passage, magnifiait les paysages qui lui semblaient naître sous ses pieds. Une nouvelle histoire du Japon devrait être écrite à partir de cet élan, suivant l’axe du Nord, se serait dit alors Bouvier. Mais le Nord qu’il prenait pour axe absolu, c’était bien son Nord à lui. Le Nord vu de l’Occident, par un réflexe de marin, c’est un peu comme l’Ouest dans l’Amérique des Whitman et des Thoreau, à une différence près. Car ce Nord-là est une abstraction et doit sa pérennité à l’idéalisme juvénile qui le fonde. Jack London aura beaucoup contribué, comme les récits des Amundsen, à édifier ce mythe au cœur de l’Occident moderne. Cet axe est le seul à être « clean », dénué de tout soupçon d’orientalisme, étiquette devenue si stigmatisante. Quoi qu’il en soit, à mesure que la littérature se mondialise, le Nord devrait illuminer davantage l’espace créé, puisque cette nouvelle tendance, cette magnifique « littérature-monde », reste à l’heure actuelle au stade
「境界」 という言葉 英語やフランス語でボーダー、 あるいはフロンティエール
境界を指す羅針盤 たとえば、ニコラ・ブーヴィエ(1929-1998)が日本ま
と言えば、大きく二つの意味がある。まず、二つの領土圏を
で後生大事に抱えてやってきた北という指標がそれであ
分ける境界線の意味。もう一つは、アレクサンドル大王の
る。1950年代半ば、 ジュネーヴを出発し、 アナトリアからア
「ゴルギアスの結び目」が表すような、因習によって閉ざさ
フガニスタン、インドを超えて東進し続けたブーヴィエは、 日
れた新たな生存の領域への扉を開く 「突破口」のニュアン
本に着いてやっと、北への志向を明らかにした。それ以上、
ス。最初のものは地図作成上の概念であり、二つ目のもの
東へ進み続けられなかったからかもしれない。あるいは、伝
は空間の覇者(未踏の地に旗を立てる人たち)を神話化す
統的で因循姑息な西日本が、旅人に日本の土地や習慣を、
るイメージである。 どちらにせよ、 こうした一般的なボーダ
個人的な経験として作り替えることを許さなかったからかも
ーの見方の底には、人間主体が空間的現実に対して示す統
しれない。 ブーヴィエは日本で、北へ向かうことで視線を新
制の意志がある。
たにする必要に迫られた。 ともあれ、彼の北海道旅行記を読
一方、古・現代日本語に共通する「境」 という漢字は、他
むと、その北の地平は常に彼に寄り添っていたような印象
の漢字と組み合わせて、外国語のボーダーという概念の様
を受ける。 まるで、無意味にうろうろと探しまわるかわりに、
々なニュアンスを文脈に応じて訳す時に必ず使うものであ
さっさと一番肝要なところから探索を始めたかのように。 ブ
るが、その意味体系は、西洋言語の「境界」の意味体系とは
ーヴィエという人自身、合理的な自己イメージに固執するあ
少し重心がずれている。 「 境」は、境界の線や線引きそのもの
まり、常に最初から決められた目的に従って行動したような
を表すというよりは、その線の間から生まれる空間に重きを
印象を与える。読者は、人間は結局見た通りである、誰にも
置く視点を包摂している。例えば、ボーダーの一般的訳とし
意外な部分などないのだ、 と勝手に悦に入り、勝手に安堵す
て 「境界」 という語がある。 この語がかつては「境涯」 と同義
るのだが、それはブーヴィエの真実ではないだろう。
語として使われていたことは興味深い(荻生徂徠など)。 「境
むしろブーヴィエは徐々に、手探りで、歩きながら自分の
界」が「界の境」なのか「境の界」なのかは読む人次第であ
方角を模索したようだ。そしてある霧深い10月の朝、襟裳
る。 しかし 「境涯」が「人生における一時的な限界状況」 を示
岬の寒村の漁師小屋で、初めて自分が「何を探し求めてこの
すことに曖昧さはない。
島までやってきたのか」 を理解する気持ちに襲われたのだっ
加えて、通常「辺縁」を意味する 「辺境」 という言葉に与え
た。穏やかな喜びの中で、彼は北海道を「記憶のない島」 と
られた新たな意味を鑑みれば、いかに 「境」が響き多彩な語
名付けた。夢が現実となった土地。 ブーヴィエ以前、誰から
であるかは推し量れる。一九世紀末のアメリカ史家ターナ
も写真に撮られたことのない人々の視線と態度には、酔い
ーは、西部開拓時代の「セツルメント」の前線、その向こうに
しれるほどの真っ白さがあった。 ブーヴィエは、歩く足の下
は「荒地(ウィルダネス)」が広がっているような動く境界を
から風景が生まれ、発見されたばかりの人の心がその風景
「フロンティア」 と名付けたが、現代日本語はその訳として 「辺境」 を充てたのである。
を輝かせるように感じた。 日本の新しい歴史は、北の発見の喜びの中から書かれる
しかし、 こうした様々に展開される「ボーダー」への視点
べきだ、そうブーヴィエは思ったかもしれない。 しかし、彼が
を統合するような境界の捉え方がある。主観的世界の限
目指した北は、彼の北、 つまり西洋の北の想像の産物であっ
界であり、視野の地平として感じられ、経験される境界であ
た。西洋から見た北の地平は、ホイットマンやソローが謳っ
る。そうした境界は、あらゆる時代のあらゆる文化に横たわ
たアメリカの西部に似ている。一つ大きな違いは、西洋の北
っている。人の心の最も根源的な部分、集団で動き、集団で
の神話を支えるものは、その憧れのきわめて理想主義的な
夢見る部分、そうしたところに横たわっている。そうした境
若々しさにある、 ということだろうか。 ジャック・ロンドンやア
界は地理的な指標を必要としない。征服者の剣で一刀両断
ムンゼンの功績は大きかっただろう。確かに、北は西洋社会
にされるべき封印で閉じられてもいない。近寄るほどに遠ざ
にとって唯一「クリーン」な方角なのである。その他の方角が
かる地平線は、境界を目指す旅人に次々と道標を示す。絶
すべて 「オリエンタリズム」の疑惑に塗れてしまった今となっ
対へ向かい、同時にそれぞれの時代の欲望の鏡である人の
ては。
心の動きがそこに重なる。星の動きと人間の想像力に同時
文学が世界化するにつれ、北の神話はますます創作の空
に導かれた境界は、いつもいずれかの羅針方位と結びつい
間を支配するようになるだろう。 「ワールド文学」 といった新
ている。時代ごとに、人間集団の憧れや欲望が目指す決めら
しい潮流は、今のところ、まさにそうした理念的存在にとど
れた方角に。
まっている。ダニー・ラフェリエールも使っている。最近邦訳
そうして、かつて生きて死んだ人々の羅針盤は、私たちの 中にまだ残っている。
も出た2008年の傑作『我輩は日本作家である』 ( 立花英裕 訳、藤原書店、2014年)は、 こう始まる。 「 詩の道はたった一
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d’idéalité. Dany Laferrière pose ce postulat au début de son excellent Je suis un écrivain japonais (2008) : « Le chemin de la poésie est un, et chacun l’emprunte à sa manière », postulat qu’il reprend ainsi, à la fin du livre : « Je cherche, moi aussi, la fameuse barrière que Bashō fut si heureux de franchir pour prendre la route “étroite et difficile” qui mène vers les districts du Nord ». Si Laferrière se réfère au titre d’Oku no Hosomichi de Bashō (1644-1694) comme à une Bible pour les errants du beau sans frontières, c’est à travers la traduction française qu’en a faite Bouvier (La Route étroite vers les districts du Nord de 1957) à partir d’une traduction anglaise, Narrow Road to a Far Province. La poésie, le Nord et le Japon – l’association date assurément de Bouvier, pas même d’Isabella Bird. La constance du Nord en Occident est évidente. Mais une interrogation demeure : est-ce que Bashō a vraiment atteint le Nord dans son voyage de 1689, ou, plus précisément, est-ce bien dans cette direction qu’il se dirigeait ? Cette question n’est pas aussi dérisoire qu’elle en a l’air. Car la réponse, c’est non. Tout d’abord, le point le plus au nord du territoire pour les Japonais d’alors, simple indication topologique subjective sur la « carte de Gyôki » à l’usage du peuple, transmise de génération en génération sans la moindre modification entre le 8e et le 17e siècles, se trouvait à Nao-Etsu (Niigata), et non pas dans Tōhoku où Bashō se rendit. Le Tōhoku portait à l’époque un autre nom : Michinoku. Sur la carte mentale des anciens Japonais – qui ignoraient tout du monde extérieur et des contours de leur univers et firmament – cette province était simplement située « au-delà » des provinces orientales qu’on appelait génériquement Azuma (avec l’idéogramme de l’Est, 東 ). De surcroît, pendant la majorité de son existence historique, Michinoku resta sans frontières septentrionales définies. Il suffit d’observer, une fois encore, les cartes anciennes d’avant le 18e siècle, où l’« Est » est représenté par une vaste bande de terre couchée presque à l’horizontale, s’étendant d’Ōmi (Shiga) à Michinoku (Fukushima, Miyagi, Iwate), dont l’extrémité déborde de la carte. Le T ōhoku était perçu au temps de Bashō comme une province pour ainsi dire extrême-orientale. C’est d’ailleurs exactement ce que dit l’intitulé de Bashō : Oku no Hosomichi. Oku n’est autre que l’abréviation coutumière de Michinoku, qui signifie littéralement « au bout du chemin », le chemin en question renvoyant clairement au Tōsandō 東山道, la première grande route nationale qui reliait Kyōto au dernier front oriental par le biais des montagnes de Shinano (Nagano et Gunma). Bashō est explicite quant à l’horizon de son voyage et à sa dette en matière de poésie du voyage vis-à-vis de ses prédécesseurs, qui n’avaient cessé depuis l’Antiquité, et en particulier pendant la période postmédiévale, d’ériger le chemin traversant Azuma et visant Michinoku en voie privilégiée des poètes et des personnes en quête de renouveau spirituel. 86
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Le chemin de l’Est à son apogée Cependant, il conviendrait de préciser que l’« Est » dont nous parlons ici, dans le cadre de l’imaginaire territorial de l’ancien Japon, ne forme couple avec aucun Ouest. À cet horizon marquant la fin du monde subjectivement connu, les gens de la capitale opposaient naturellement le « Centre », où ils se trouvaient. L’axe Est-Ouest est une invention de la modernité, car l’histoire humaine s’est toujours plutôt articulée autour d’axes horizon-centre, comme il est de règle, au fond, pour toute prise de position de soi par rapport à la réalité phénoménale. Quant à l’« Ouest » historique japonais, il avait surtout un statut d’objet de culte, en plus de sa fonction d’indication topographique.
Carte d’Ishikawa Tomonobu (circa 1700) Collection Ashida Meiji Univ. 元禄期の石川流宣地図
つ、 でも皆、それぞれのやり方でその道を辿るだけなんだ」。
アイコンとなっていることはいい。 しかし、芭蕉はその1689
その道とはどの道かと言えば、それは小説の最後の節を読
年の旅で、実際に北へ向かったのか―いや、北へ行こうと思
めばいい。 「 私もまた探している、芭蕉が大喜びで越えた関
ったのだろうか。一見些細な疑問だけれど、実は大事なこと
の向こうに続く、北国へ向かう隘路を。」 『 北国へ向かう隘
だと思う。なぜなら、その答えは否だからである。まず結論
路』はブーヴィエが芭蕉(1644〜1694) の『おくのほそ道』
から言えば、当時の日本人の主観的な方位によって作られ
(1703)を最初に仏訳したときのタイトルである。 ブーヴィ
た日本地図によれば(8世紀から17世紀まで複写され続け
エは、1950年代に芭蕉に出会い、同時期に出版された英訳
た行基図)、北の方角が定められているのは新潟の直江津
『遠国への狭い道』から重訳をした。日本と詩、そして北の 方角、 これらの旅の条件を作り出したのはブーヴィエであ る。 イザベラ・バードでも、その他の誰でもない。 しかし、一つの疑問が残る。芭蕉が現代ワールド文学の
近辺であり、芭蕉が赴いた東北の方角ではない。 近代以前、東北には別の名前があった。 「みちのく (陸奥)」 である。陸奥国が置かれていたのは、外から自分の国の形を 見たことのなかった日本人の頭の中の地図においては、 「東
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Seulement, puisque consacré par la foi bouddhique, son caractère métaphysique et absolu était bien plus prononcé que celui de l’« Est ». Or, l’« Est » du Japon ancien avait été matérialisé par le chemin qui mène de la capitale aux provinces d’Azuma/Michinoku. Il y eut une période où poursuivre le chemin de l’Est signifiait, purement et simplement, se découvrir, s’affirmer, et enfin se créer en tant que nation. Mais à un moment donné, ce chemin fut abandonné. Après le Moyen-Âge, quand les intérêts géopolitiques du « Centre » s’en détournèrent au profit d’une autre direction, la région au-delà de l’horizon du monde ancien commençait à s’imposer davantage dans l’imagination des poètes-voyageurs, eu égard à son rattachement à un passé défunt. Au cours de l’histoire, l’« Est » subit en effet des transformations, de figure de vie à figure de mort. Et au début du 19e siècle, l’histoire médiévale et postmédiévale du chemin de l’Est, arpenté le plus souvent par des poètes, ceux-là mêmes qui avaient fait du voyage un acte de résistance contre le cours du temps, devait se terminer pour de bon. Voici comment les choses se sont déroulées. C’est à partir de la promulgation au 7e siècle du Code qui institua les sept grandes routes nationales reliant les soixante-huit provinces administrées que l’on commence à suivre le développement de l’histoire séculaire du chemin de l’Est. La route, partant de la capitale s’allongea suivant l’expansion de la riziculture, de l’écriture et du bouddhisme. Du 7e siècle au haut Moyen-Âge (fin du 12e siècle), elle fut successivement arpentée par des centaines de milliers de soldats de l’armée d’empereurs-chefs de guerre, par des générations d’administrateurs régionaux, de marchands, de mercenaires, d’exilés, et enfin par des aristocrates libéraux à la recherche de terrains privés où construire leurs manoirs. Ces voyageurs repoussèrent à chaque passage le front de leur conquête, militaire, mercantile ou symbolique. Pour information : en ces temps-là, la forteresse d’Isawa, qui se dressait entre Morioka et Hiraizumi (Iwate), restait le front le plus avancé de la défense nationale contre les Emishi locaux. Du 10e siècle au milieu du 11e siècle, ce fut le temps de l’indifférence du point de vue de Kyōto. Les campagnes militaires de grande envergure conduites par l’État dans ces régions-là avaient cessé depuis deux cents ans. L’aristocratie ne distinguait plus les étapes de la route d’Azuma. Pour elle, toutes les terres s’étendant de la barrière d’Ōsaka (entre Kyōto et Shiga) à celle de Shirakawa (entre Ibaragi et Fukushima), faisaient désormais indistinctement partie « d’Azuma » (notons que le terme de barrière – seki 関 – a un sens spécifique dans l’administration ancienne japonaise. Il désigne une sorte de bureau de contrôle et de douane, du fait que
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toutes les provinces étaient alors considérées comme des pays étrangers les uns aux autres). C’est du moins ce que l’on constate, à lire les poètes puisant leurs sujets dans l’imaginaire Azuma/Michinoku, comme par exemple Tachibana no Norimitsu, et surtout le célèbre moine Nō-in qui le chantait sans s’y être rendu. Pourtant, les émeutes régionales se succédant à l’Est, dans les années 950 puis dans les années 1020, entre des clans locaux formant des dynasties, avaient été bien rapportées à Kyōto, et la cour investissait à chaque fois les chefs de nouveaux clans d’un mandat pour pacifier la région, nourrissant ainsi la propension déjà forte à l’autonomie dans cette nouvelle catégorie d’hommes à cheval et à épée. Au même moment, il semble qu’au cœur même de Kyōto, cette ancienne cité de la Paix et la Tranquillité qui croyait non seulement être le centre de l’Univers, mais aussi constituer à elle seule tout l’Univers, une courtisane observatrice des passions humaines ait été saisie par un pressentiment de l’arrivée d’une nouvelle époque, anarchique et vigoureuse, dont elle situait l’origine à l’Est. Avant les années 1020, Murasaki Shikibu terminait les derniers chapitres du Dit du Genji. Or, dans ceux-ci, le ton change et vire à la mélancolie. Le déclin de l’Ordre ancien, pressenti avec une sensibilité presque morbide, y est décrit avec minutie. La dernière héroïne conçue pour illustrer cette partie particulièrement tragique est désignée comme « la fille de l’Est », pour avoir été élevée dans les provinces de Michinoku et d’Hitachi (Ibaragi). Elle est belle, inculte et possédée par le besoin fiévreux de n’appartenir qu’à ellemême. À la fois objet de mépris et de convoitise de la part des partisans de l’Ordre, elle sera la seule, dans ce roman, à élever le chagrin d’amour au rang de souffrance d’être et à mettre sa vie en jeu afin de soutenir son refus à se rallier à cet Ordre-là. On ne sait pas exactement à quelle nouvelle frontière Shikibu pensait en termes d’un orient émergeant. En tout cas, à peine trente ans après la mort de la romancière, un Extrême-Est allait faire irruption dans l’histoire officielle du Japon. La partie indomptée de Michinoku entra en mouvement, les premiers incidents de la guerre de l’indépendance régionale éclatèrent dans les années 1050, organisés par le chef autoproclamé des « barbares de l’Est ». Les clans rivaux s’affrontèrent et s’allièrent tour à tour face à l’armée déléguée de la capitale impériale, source de combats incessants qui se poursuivirent sans répit jusque dans les années 1080, épuisant la terre de Michinoku. Dès 1090, le dernier survivant et héritier de l’ensemble des domaines de Michinoku, Fujiwara no Kiyohira (1056-1128), fédéra toutes les tribus locales. Ainsi, sur les décombres des guerres, posa-t-il le premier jalon de fondation de la future Cité d’Hiraizumi.
国」 よりも 「もう少し遠く」 だった。東国八国(今の関東地方)
10世紀、京都で摂関政治が軌道に乗ると、11世紀半ば
は、 「あづま」 と呼ばれたが、 もちろん「あづま」の名称にはよ
まで、中央が東への積極的な関心を失う時期となった。何
り広範囲の「東」の意味もあった。律令で陸奥国が置かれた
万という軍隊を繰り出しての大規模な蝦夷征討は過去のこ
時から千年にわたり、陸奥には最北の境界がなかった。行
ととなっていた。京都の貴族は、 「 東路」 と聞いても、京と近
基の地図もさることながら、芭蕉と同時代の元禄時代の石
江の境にある逢坂の関から常陸と陸奥の境にある白河の関
川流宣の地図を見てみよう。 「 東」は近江に始まり、陸奥に
まで、 ひとしなみに 「あづま」 と考えるようになっていた。その
終わる横に寝た長い土地のことである。その果ての地平は
頃の橘則光や能因法師といった京の貴族が詠んだあづま
断ち切られている。芭蕉の時代の東北は、言わば日本国内の
を主題にした和歌を見れば分かることである。
「極東」 であったと言えようか。
しかし、東の独立の機運は高まっていた。950年代の天
芭蕉の紀行の題名もまさにその意味でつけられている。
慶の乱、1020年代の忠常の乱、 このような大事件はもちろ
「おく」というのは「みちのおく=みちのく」のことであり、
ん朝廷に報告され、そのたびに朝廷はその他の地方で在地
「みち」は東山道のこと、つまり古代七道のうち最大最長の
官人化した軍事貴族から押領使を選び、追討させた。朝廷
もので、京都から信濃の山脈を越え、足柄峠を通って東に
は、 もともと自立への傾向が強い、馬と弓を得意とする下層
延び、 「東夷」 の国に律令国家が打ち立てた最先端の城柵に
貴族の集団が、 ますますそうした責任によって自信を強めて
いたるものであった。 芭蕉はこの題名で、旅の行き先につ
いるとは考えなかった。 またその頃、形骸化が進んでいた古
いて明らかに述べているのみならず、その旅が先人の轍を
い都の因習の中に住み、人の情念を見つめていた一人の女
踏んでいることも言明している。芭蕉の先人たちとは、古代
房も、敏感に東の胎動を感じていた。
から、特に鎌倉以後の中世時代、 「あづま・みちのく」の道を 詩人と求道者の道として歌い上げた人々であった。
1020年より前に、紫式部は『源氏物語』を終了させてい た。宇治十帖と呼ばれる最後の部分は、それまでの部分と 違い、明らかに古い宮廷社会の凋落の予感がある。時代に 死臭を感じ取ったかのような感性である。紫式部が54帖、
東路が新たな地平へ延びた時代―あづま・みちのく 東の境界と地平、 日本人が歩き続けた方角、そこから、世
皇族3代にわたる物語の最後に生み出したヒロインは、 「あ づまの女」 と呼ばれる。幼い頃から成人するまで、受領の継 父について陸奥と常陸に育ったからである。彼女は健康で、
俗民族国家の道(仏教徒は西を志向した)、中世以後の遁
美しく、無知である。そして、 自分自身であることの必要に取
世放浪の詩人たちが内面の旅を昇華した道が生まれた。あ
り憑かれている。旧秩序の特権階級からの軽蔑と欲望の対
づま・みちのくの神話は、千年の歴史を通して変貌を遂げ
象となりながら、 この娘はただ一人、男女のあわれの問題を
た。新たな地平と生きる糧の象徴であった東の方位は、 いつ
生死の問題にまで考えつめる。それはまた、早く来すぎた東
しか過去と死と虚無の象徴となった。そして19世紀に入る
の人間が旧世界の秩序に抗おうとする姿でもあった。
頃、東は日本人の心の地平から消失した。東の道の最盛期 はいつだったのだろう。 それをしばらく見てみよう。
新興あづまというイメージで、式部が正確にどのような東 を念頭に置いていたか、それは分からない。確かなことは、 式部が没して30年の後、遠いみちのくの大地で目覚めが
• • • 飛鳥時代、律令が制定されて、七道が中央から六八の地 方国をつないだ時から、東へ向かう道の発展を確かめるこ とができる。東山道と東海道は、稲作と書き言葉と仏教の 伝播の流れに従って、徐々にその顔を明らかにしていった。 律令の初期の時代から中世初期(12世紀末)にいたるま で、東への道を歩いたのは、天皇総帥が率いた東征軍に集 まる数十万の兵士たち、代々の受領、在地官人たち、何万と いう商人たち、傭兵たち、流れ者たち、そして荘園の蓄積を 目指し、東へ向かった権門と皇族の一族。彼らの一歩一歩 は、着実に最東の境界を押し広げた。王朝時代の陸奥の 「対蝦夷」最前線は胆沢城(岩手県水沢市)にあった。
始まったということである。1050年代になって、 「 東夷の酋 長」 と自ら名乗る地方豪族の集団が、定められていた境界 を破って、律令の領土に踏み込み、東の独立を主張した。広 い意味での「あづま」が「極東」を軸として、正統日本史に食 い入ってきた最初の出来事であった。奥州合戦と呼ばれる 戦乱の時代は、断続的に1080年代まで続く。合戦のたび、 敵味方は入り乱れ、地元の豪族同士の戦いになったり、豪 族連合と中央軍との戦いになったりした。 みちのくの大地は 疲弊した。戦いは一人のみちのく後継者を残して終わった。 みちのく全土の主要豪族の血を受けた藤原清衡(11561128)は、1090年頃、広大な極東の大地に新たな国家を 築き始めた。それが平泉である。
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Le Moyen-Âge, son Centre oriental et le Michinoku oublié
Herbes de l’été Des valeureux guerriers Traces d’un songe (trad. René Sieffert)
En 1689, au mois de juin, Bashō composa ce célèbre poème en se recueillant devant les ruines d’Hiraizumi. Il s’était écoulé exactement cinq cents ans depuis la chute du royaume de Kiyohira. Durant ces siècles, la légende d’or appelée Hiraizumi, oubliée par l’histoire nationale obnubilée par les péripéties qui occupaient les gagnants du « Centre », avait été ravivée par l’imagination des poètes. Sous l’impact du nihilisme médiéval, la poésie japonaise avait elle aussi subi tout un processus de transformation. À partir du Moyen-Âge, elle s’imprégna du sentiment d’impermanence véhiculé par la nouvelle philosophie du zen, omniprésent et profondément corrosif jusque dans tous les recoins de la vie quotidienne. D’art galant de la cour, elle se mua en art de survie de la pensée oubliée dans l’oubli, autrement dit, une forme de contemplation du néant par le néant. Ainsi, Bashō n’évoque pas dans ces vers un quelconque bruit de l’histoire « ayant été », mais le silence des disparus « n’étant plus » : la voix de l’absence qui souligne l’impermanence du présent. Il a appris cela de ses maîtres en art de créer à travers le néant : Chōmei (1155-1216) et Sōgi (1421-1502), mais surtout Saigyō (1118-1190), qui inventa le genre de voyage érigé en poésie, pénétrée d’un sentiment d’impermanence : le voyage comme un perpétuel départ sans retour à travers la mort. Il est vrai que depuis Saigyō et son voyage à Hiraizumi, la figure de l’Est avait changé, commençant à s’imprégner d’une essence que l’on pourrait qualifier d’anachronisme, d’isolement dans le temps, ou de dynamique de la mort, dans le domaine de la poésie du moins. Or, le voyage de Saigyō se présente, à nos yeux distants, empreint d’une telle ambivalence. Le pressentiment de la mort prochaine, tant pour lui-même que pour le royaume d’Hiraizumi ainsi que pour toute une époque formée en regard de Michinoku, semble avoir accompagné les pas du poète en cette fin du 12e siècle. Saigyō revint certes de ce voyage, mais son âme aurait pu rester là où il avait dû voir que tout un monde d’ordre et d’harmonie était en passe de se faire balayer en un tournemain jusqu’à sa dernière trace, davantage par le vent de l’impermanence que par un destin politique. Après lui, le chemin d’Azuma/Michinoku deviendra, pour les poètes qui l’emprunteront, le chemin
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même de l’endeavor (à la Hobbes) de la poésie à rebours du temps et contre la vie. De l’automne à l’hiver 1186, le vieux poète âgé de soixante-neuf ans parcourut seul les 700 kilomètres qui séparaient Kyōto de Hiraizumi, avec pour mission de faire parvenir une requête de la cour à Fujiwara no Hidehira (1122-1187), troisième héritier d’Hiraizumi. Pour marquer son dernier passage à l’Est, il chanta :
Sous le poids de l’âge N’aurais jamais pu revoir Ce col de montagne menant à l’Est Bénie soit la vie… (trad. Yukiko Kano) Le seigneur Hidehira mourut l’année suivante, laissant Hiraizumi à son fils. Celui-ci ne tint pas deux ans. En 1189, face à l’arrivée imminente de l’armée du gouvernement de Kamakura, il mit feu à toute la cité d’Hiraizumi. Sous la pluie fine d’octobre du flamboyant Tōhoku, le royaume doré de Michinoku s’écroula dans des flammes de l’auto immolation, effaçant toute trace de l’Extrême-Est de l’histoire du Japon. L’année suivant la fin d’Hiraizumi, en mars, Saigyō mourut à son tour, à l’Ouest. Durant un siècle, Hiraizumi avait unifié la terre de Michinoku, définie par Kiyohira lui-même comme s’étendant de « la Barrière de Shirakawa (sud de Fukushima) à Sotogahama (baie de Tsugaru) ». Première entité géopolitique au Japon à être née de la force intrinsèque d’une région, ce royaume d’une dynastie originaire de Michinoku avait été comparé à un moment à Kyōto pour son rayonnement culturel. Il semble même que Marco « Milione » Polo en fît un récit, inspiré par son opulence basée sur l’économie de l’or. Aussi ce royaume n’avait-il cessé de peser de tout son poids sur l’équilibre politique national, à partir de cette terre extrême-orientale. Or, la fin d’Hiraizumi marqua l’avènement d’un nouvel Azuma en tant que second centre du pays. Au 13e siècle, la notion d’Azuma, jusqu’à lors vague et sans véritables racines, prit soudain corps, désignant une région bien concrète composée de huit districts placés sous la dépendance directe de Kamakura : le Kantō actuel. Toute l’attention de ce nouveau centre oriental était tournée vers Kyōto. De l’équilibre maintenu en permanence entre la force d’intégration institutionnelle du centre oriental et l’attraction mythique de Kyōto découlera la nouvelle dynamique politique du temps médiéval. L’axe Est-Ouest étant polarisé, entre Kyōto et Azuma, le Michinoku extrêmeoriental – cette quintessence de l’Est ancien – fut éjecté de la piste. Il sembla dès lors aliéné, hors de l’histoire des vainqueurs.
中世、中央となるあづま、忘れられたみちのく
西行が秀衡と別れて平泉を発った翌年、 この奥州の覇者 は死んだ。その息子、泰衡は2年ともたなかった。1189年、 迫り来る鎌倉軍を前にして、泰衡は平泉の都に火を放った。
夏草や 兵どもが 夢の跡
東北の10月の霧雨が降り続く中、みちのくの黄金王国は燃 え上がり、倒壊し、塵埃に帰した。それと同時に、正統日本
あまりにも 有 名 な『 おくの ほ そ 道 』平 泉 段 の 句 で あ
史の中からこの「内なる極東」の跡もまた消えた。西行はそ
る。1689年6月、平泉焼亡のちょうど五百年後、芭蕉は現
の数ヶ月後、翌年の3月に西で亡くなっている。最後まで、平
地でこう詠んだ。中世以来、平泉の物語は歴史よりも詩によ
泉については何も言わないまま。
って救い出され、詩によって生き延びた。その詩は、禅と無 常の影響のもと、虚無についての夢想の芸術となった。
一世紀にわたり、平泉はみちのくの諸部族と土地を統合 した。清衡は平泉管区を 「白河の関から外が浜まで(福島南
この句でも、芭蕉は決して「かつてあった」歴史のざわめ
端から津軽湾)」 としている。日本で初めての地方がその内
きをとらえようとしていない。 「 もはやいない」死者の沈黙
発的な要請によって作り上げた地政単位であり、みちのく
に聞き入っている。不在者の沈黙が浮かび上がらせるもの
全土を出自とする一族の直系支配による王国であった。そ
は今の無常である。虚無を通して形を作り出す方法を、芭
の文化的栄光は一時は京都にも比され、金交易を基盤とす
蕉は先人たちから学んだ。芭蕉が列挙する先人には、西行
るその富は、 マルコ・ポーロもその法螺話の素材にしたと言
(1118-1190)、鴨長明(1155-1216)、宗祇(1421-
われる。一世紀の間、みちのくという極東の地から、平泉は
1502)がいる。特に西行は、旅を内面化し、無常観に満ち
中央政治の力学の重心の一つとなり続けた。
た詩の異名としたことで、芭蕉の直接の師であった。西行に
平泉の終焉は新しい「あづま」の台頭と軌を一にしてい
とって、旅は際限ない死への出発であった。そして西行がそ
る。13世紀初頭、中世が軌道に乗ると同時に、それまで曖
の生存の最後の時期にあった平泉を訪れた旅から、確かに
昧で可動的な境界の中にあった「あづま」は、鎌倉政権の直
あづま・みちのくの神話は変わった。東への旅には、はっきり
轄にあった東国八国(現在の関東)に定着した。鎌倉は強力
とアナクロニスム、反時代的な孤立、死の力学、 といった独
な中央集権的な制度となって、日本全土にその支配の網の
特の色合いと性格が生まれた。少なくとも詩歌の領域にお
目を張り巡らせた。あづまが東国に定まると同時に、 「 東」は
いては。
辺境であることをやめ、 もう一つの国の中央となったのだっ
一面、それは西行自身が、 この最後の旅を自らの人生の
た。平泉の焼亡以来、鎌倉の関心はもはや極東にはなかっ
終わりと重ねて見ていた、 ということもある。 また、西行はこ
た。その関心と野心のすべては京都に向いていた。旧貴族社
の旅から西に戻ったが、その魂はもしかしたら平泉に残っ
会の支配機構の枢要を手の内にすること、 これだけが鎌倉
たのではないかと思えなくもない。終焉間近の平泉で、西行
の願いであった。13世紀に始まる中世の二世紀は、京都と
は、秩序と調和を体現したある世界が、 まもなくその記憶ま
鎌倉の二大中心の間に二極化された政治力学の中に展開
でも一瞬にして音もなく消し去られるだろうとの予感を受
することとなる。 「 極東」みちのくは軌道から外れ、忘れられ
けただろうから。それは、彼にとって、政治的な運命というよ
ることとなった。東北の歴史は疎外され、勝利者の歴史の外
りも、世の無常のあるべき姿と思われただろうから。西行以
側の論理に組み込まれた。
後の旅の詩人たちにとっても、 あづま・みちのくの道は、時間 と生命の流れに逆らう 「エンデヴァー(努力)」 ( ホッブス流 に) の道となったはずである。 1186年の秋から冬にかけて、西行は人生最後の東行き を敢行した。平泉三代目の奥州藤原秀衡(1122-1187)へ
・・・そして北の時代が始まった 平泉消滅から五百年後、現地を訪れ、死者の沈黙に思い
の勧進のためだった。その時、彼は69歳。京都から平泉まで
を馳せた芭蕉も、同時代を生きる肉体を持った人間として、
およそ七百キロある。その距離を一人歩いた。東に向かう入
心は未来に向かっていた。芭蕉の生きた17世紀末、古代か
り口に立った時、そのことだけでも信じられない思いで、彼
ら日本人の心が常に向かい続けた東の方角は、詩の中にの
はこう詠っている。
み生き続ける状態であった。 芭蕉自身、東北旅行のある瞬間のことを、 このように思い
年たけてまた越ゆべしと思いきや命なりけり小夜の中山
出している。芭蕉の旅は、平泉から北上することはせず、酒
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… Et le Nord émergeait. Il s’était passé cinq cents ans après la chute d’Hiraizumi lorsque Bashō s’y rendit et rêva au silence des morts. Mais son cœur – celui de l’homme Bashō, vivant son temps et son voyage tout aussi physiquement que mentalement – était ailleurs. Car à la fin du 17e siècle, la direction et l’horizon de l’Est, si chers aux anciens Japonais, ne survivaient plus que dans la poésie. Ainsi, Bashō se souviendra-t-il de ce moment d’égarement survenu pendant son voyage au Michinoku, contrée depuis longtemps figée dans le passé, quand, après avoir quitté Hiraizumi, il prit la direction de l’ouest, vers Dewa (Yamagata). Il fut alors saisi, d’après ses propres mots, d’une forte envie de « continuer la route vers le nord, jusqu’à la côte de Tsugaru, dans le seul but d’apercevoir la silhouette de l’île des barbares du Nord, sur l’autre rive du détroit ». Ce qu’il ne fit pas. À la fin des années 1950, Nicolas Bouvier reprit le voyage là où Bashō l’avait laissé en 1689 et songea même, semble-t-il, à écrire une nouvelle histoire du Japon du point de vue de l’« île des barbares du Nord ». D’après sa version de l’histoire japonaise, il ne se serait pratiquement rien passé entre le 13e siècle et la fin du 18e siècle, entre la dernière intervention militaire sur le Nord au début du 13e siècle et les premiers accrochages entre des navires russes abordant des côtes de Hokkaidō et d’Iwate et la population locale, à la fin 18e siècle. Bouvier ignorait que ces derniers incidents avaient incité le gouvernement Tokugawa à financer une vague d’expéditions scientifiques sur les côtes du Tōhoku et d’Hokkaidō. La gigantesque entreprise d’arpentage tous azimuts bien connue, conduite par Inō Tadataka (1745-1818), avec pour objectif d’établir une première cartographie scientifique, débuta dans la foulée, exactement en 1800. Ce nouveau courant d’intérêt conduisit effectivement le Japon à la découverte du chemin du Nord, ainsi qu’à une modernité technique. • • • Quoi qu’il en soit, comment aurait-on pu croire que l’horizon de l’Est disparu pourrait se prolonger dans une direction sans enracinement dans notre mémoire ? En réalité, le chemin du Nord n’exerça jamais une véritable attraction en dehors des directives du gouvernement de Meiji. À peine embarqué dans le 20e siècle, l’État japonais abandonnait déjà ses projets sur le Nord afin de se consacrer à l’Ouest, la Mandchourie. Entre-temps,
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田から奥州山脈を越えて出羽へ向 かうことになっていた。 しかし、彼は急に北上したい 思いにとらわれた。 「 猶うたふ鳴そとの浜辺よりえぞ がちしまをみやらんまでと、 しきりに思い立はべるを、 心たゆみて云々」 (『幻住庵記』、元禄3年秋)。芭蕉は この思いを打ち消し、 日本海側へと回った。 1950年代後半、 ニコラ・ブーヴィエは、1689年 に芭蕉がやり遂げられなかった行程を引き継いだ。 そ して、 「えぞがちしま」から見た日本史を書こうとした。 ブーヴィエの日本史によれば、北の日本には13世紀 から18世紀の間、ほとんど何も起こらなかった。13 世紀初めには、中央からの最後の大規模反蝦夷遠征 があった。18世紀末には、ヨーロッパの商船が北海 道と岩手の沿岸に接近し、現地人との初めての衝突 があった。 ブーヴィエは知らなかったことであるが、 こ の最後の出来事は、徳川幕府の注意を惹き、その頃 から組織的に東北と北海道の沿岸調査が行われるよ うになった。伊能忠敬(1745-1818)による、初めて の天体観測に裏打ちされた科学的な日本沿岸測量 という大事業が始まったのは、ちょうど1800年のこ とであった。18世紀半ばから19世紀初めにかけての 新たな中央の関心は、北の道を開いた。日本は北の 発見とともに、技術的近代の道を自発的に歩みだす ことになる。 • • • 幕末から明治末年まで、北の地平は確かに日本 人の心を惹きつけ、その開拓は明治政府の一大事業 となったが、政府の関心が薄れた明治以降は生き延 びなかった。20世紀の最初の数年で、政府は新たな 地平と境界を西に見つけたからである。満州は大日 本帝国臣民の新天地として喧伝された。満州が民族 国家主義に酔った日本人の欲望の対象となったの は、その向こうにロシアがあったからである。 「 世界」 の眼から見た国土の小ささに衝撃を受けた近代日本 人は、小さな領土の限界をめぐる日本固有の地政史 を固陋の割拠主義とみなす共通認識を受け入れた。 欧州の帝国植民主義の遅すぎる模倣はここから始ま った。 一方、近代開幕から戦後まで、断続的に農民移 住のプロパガンダも組織された。ブラジル、カリフォ ルニア、ハワイなど、次々と新たな入植地が提案され た。 しかし、 どの新天地も日本人の新たな境界として Carte militaire du Japon datant de1878 réalisée à partir du modèle établi par Ino Tadataka en 1827. 1827年の伊能忠敬地図をもとに作られた明治時代の日本地図
定着しなかった。政治的・経済的な外国の地への投 資政策は常に単発的で、対象を変えても情緒的な投 影のシステムを日本人の中に生みだすにはいたらな
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il y eut sporadiquement le Brésil, Hawaï, la Californie à l’horizon, toujours suivant les ordres de l’État. Aucun de ces projets n’a été couronné de succès à long terme, à l’image des intérêts politico-économiques éphémères qu’ils représentaient. Le Japon ancien, qui s’est formé en poursuivant une frontière-horizon intérieure, semble avoir perdu son axe quand il a intériorisé le regard de l’extérieur. Pourquoi ? Parce qu’en définitive, la destination collective, ou frontière-horizon, s’ébauche dans les limites d’une perspective historiquement conditionnée qui s’ignore. Tout cœur qui aspire à l’horizon suit un mouvement gravé dans la mémoire collective. C’est elle qui guide notre chemin, visant un point défini mais inatteignable d’étape en étape. Ce mouvement ressemblerait à l’auto-formation de la conscience de soi sui generis. Aussi, une telle aspiration, n’aura-t-elle jamais eu rien à voir, au fond, avec le désir d’un quelconque monde « mondialisé », tel que perçu par un regard dit universel qui, en réalité, n’appartient à personne. Du moins, c’est ce que semble me suggérer l’histoire du chemin de l’Est disparu, ayant guidé les Japonais pendant mille ans, dans l’enceinte de leur monde resté sans contours externes et étranger à toute échelle, qu’avanthier encore, ils croyaient si grand, si profond.
かった。何も不思議なことではない。 「 東」 という境界と地平 に向けられた過去の人々の切実な希求が、にわか仕立ての 「新天地」にそのまま受け継がれるなどと、誰に信じること ができただろうか。 内なる境界を追い続けた日本人は、外の視線を受け て、その絶対の指標を失ったのだ。なぜか。おそらくそれは、 集団の心が向かう境界は、ある歴史的条件下にありなが ら、それを知らない精神的な展望の限界といったものの中 でのみ形成されるからではないか。集団の記憶に刻まれた、 境界を追い求める心が自ら歩くべき道を作り出す様は、自 意識の自発的生成の過程にも似ている。その心の動きは、 所謂「グローバルな」世界への欲望とは基本的に無縁なの である。 少なくとも、 「 東」の境界の歴史は、私にそうしたことを 語る。ほぼ千年にわたって、日本人は内なる境界であり、象 徴としての「中心」に対する辺縁である「東」を追い続けた。 「東」の神話が過去の遺物となってしまった後も、彼らの憧 れは鎮まる術をもたなかった。千年間、 自分たちの住む世界 の外形を知らず、その位置と規模への客観的認識を欠いた まま、 「 東」に果てしなく広く、果てしなく深い世界が広がっ ていると信じた。彼らの夢は、脆く矮小な現実の基盤の上に 立ち、それゆえに強靭であったのだ。
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Kitakami, antique porte du Tohoku ©Hiroyuki Doi 東北の玄関、北上川 ©土井祐之
Yukiko Kano – Docteur ès lettres à l’Université Paris 8 (2004), chercheuse en histoire médicale européenne moderne (2005-), professeur d’université de langue et culture françaises (2006-), traductrice japonais/anglais/français ; depuis quelques années, l’auteur s’engage également dans des recherches en histoire ancienne japonaise. 加納由起子 — 京都出身。パリ第8大学フランス文学博士(2004年)、西洋医学史研究者(2005年より)、 フランス語と文化の講義を受 け持つ大学教員 (2006年より)、英仏日語の翻訳者。近年、 日本上古代の社会史および文学史に関心を持って調べている。
Contact : yukilot@gmail.com
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Takahashi Hisao, peintre par-delà les frontières Restaurer et créer à la vertu de l’« innocence »
高橋久雄、越境する画家
修復と創作の境界を越える 「無心」の力
Pr o p o s r e cu e illis p a r
Yu k ik o Kan o
T r a d u c t ri c e
インタビュー・日仏テキスト 加納由起子 翻訳者
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Takahashi Hisao, restaurateur et créateur de fresques de style roman, a cette année 78 ans. C’est en 1966 qu’il quitta le Japon et vint en France pour la première fois. Il réside actuellement à Autun, en Bourgogne, où il a acheté une tour médiévale afin de faire du mur intérieur, haut de plus de 30 mètres pour une superficie de 400 mètres carrés, le support privilégié de la première fresque de sa création.
Jusqu’en 1997, année de son installation à Autun, il était le premier et seul Japonais restaurateur de peintures murales agréé par le Ministère de la Culture français. Pendant plus de 30 ans, il a parcouru tout le territoire français, du Limousin en Île-de-France, de Bourgogne en Alsace, pour briser les barrières qui cachaient d’anciennes peintures sacrées. Or, restaurer une fresque requiert des connaissances approfondies en archéologie et en iconographie médiévale. Une fois son apprentissage terminé, le jeune Takahashi Hisao fut chargé de missions commandées par le Ministère, qui le menèrent au fil du temps dans une cinquantaine de villages en France. C’était l’époque où tous les médias du monde parlaient, tambour battant, de la grande entreprise de la restauration des fresques de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine du Vatican, faisant connaître le métier de restaurateur des fresques au grand public à travers le monde. Loin de tout ce bruit, monsieur Takahashi se consacrait aux chapelles et cathédrales oubliées d’une France profonde, au portail à moitié effondré et aux cloîtres moisis, restées à l’abri du vent de la Renaissance. Ainsi allait-il trouver des peintures ensevelies derrière l’épaisse couche du temps. Il lui était égal que le chantier fût l’église d’un grand diocèse ou la ruine d’une chapelle abandonnée, que le peintre fût célèbre ou pas. Du reste, il n’a jamais été attiré par les peintres du Quattrocento, qui firent de la fresque un moyen d’expression personnelle. Au contraire, il tirait son plus grand plaisir de la rencontre avec l’âme de peintres d’un temps antérieur à celui-là, restés dans l’anonymat et dans l’obéissance au patron, sans avoir jamais songé à en dévier. « Ce que je déterre, c’est toujours un esprit. Car tout en matière de peinture est une affaire d’esprit, jusqu’à la technique de restauration », dit-il. Ainsi aura-t-il consacré près de 13 ans à un seul chantier : une église abandonnée à Moutiers, village bourguignon,
(Double-page précédente) En tant que restaurateur... 修復家 © Gon Kishiyama
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dont les murs dissimulaient une peinture murale d’environ 200 mètres carrés, découverte tout à fait par hasard par des villageois durant un été particulièrement sec. Aujourd’hui, il peut s’enorgueillir d’avoir reçu maints honneurs institutionnels, du titre de premier « Citoyen d’Honneur de la Bourgogne » (institué en 1994) à celui de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur ; les autorités régionales et diplomatiques ne tarissent pas d’éloges et de dithyrambes à son égard, comme si elles s’adressaient à une personnalité historique déjà transportée au Panthéon. Toutefois, admettons que les frontières et limites que monsieur Takahashi a franchies n’ont finalement été connues que de lui jusqu’à ce jour. De même, celles qu’il est en train de traverser en tant que peintre autodidacte, restent une affaire strictement personnelle, voire intérieure. Les frontières temporelles et matérielles Quand il était encore un restaurateur obscur venu d’Orient, il était souvent forcé de se battre pour obtenir gain de cause dans ses plans de travail face aux inspecteurs envoyés par le Centre, tout en se demandant par quels moyens franchir les murs, les vrais, derrière lesquels sommeillaient l’œuvre et l’âme d’un peintre. Mais les conditions et limites, à la fois d’ordre institutionnel et matériel, posées devant lui, l’ont incité à aller toujours de l’avant. Tous les épisodes qu’il nous livre des aventures vécues du temps où il était un restaurateur soumis aux ordres de l’État français nous disent implicitement ceci : les frontières entre différents pays, régimes politiques, cultures et langues sont certes des barrières de taille, mais dans la mesure où elles ont été créées de main d’homme, suivant des exigences sociales temporaires, elles ne sont pas, finalement, les plus difficiles à dépasser. Chaque fois
Yokohama, novembre 2014 2014年11月横浜港で © Yukiko Kano
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qu’il se heurtait à des obstacles de ce genre, il éprouvait, dit-il, un « regain de courage », un « redoublement de fierté japonaise », ou « un acharnement ». Autrement dit, à part des réactions émotionnelles momentanées, ces obstacles ou ces frontières n’auront pas eu un si grand impact sur ses motivations profondes. Toujours est-il que pour le restaurateur, les obstacles institutionnels s’accompagnent de difficultés matérielles. Puisque la fresque médiévale se trouve souvent ensevelie en dessous d’un enduit épaissi au fil des siècles passés, le restaurateur doit d’abord la découvrir, en enlevant les couches de mortier, patiemment et soigneusement.
Au bout d’un moment, une main est apparue, puis une couleur de vêtement, au fond du trou que je perçais dans l’enduit… je sus que c’était ce que je cherchais, j’en étais ému. Ces couches de mortier auront été autant de frontières à franchir à travers le temps pour atteindre l’âme du peintre, que ce soit celle du peintre de l’Antiquité ou la sienne propre. L’émotion apportée par le moment de la découverte de traces d’une antique peinture cachée aux yeux du monde depuis des siècles est infiniment plus grande que tout l’acharnement nécessaire pour surmonter les épreuves séculaires. L’épisode de la restauration à Limoges est particulièrement saisissant.
Je me rappelle tout le tracas que j’eus pour restaurer le plafond de la cathédrale de Limoges. Une partie des inscriptions latines couronnant l’image sainte était devenue presque illisible, et la peinture là-dessus s’en trouvait détachée du plafond, à cause de fuites d’eau répétées. Il aurait suffi d’effleurer un bout de ces lambeaux pour que toute cette partie se décolle complètement et irrémédiablement de son socle. Certes la première chose à faire était de fixer d’abord cette partie avec de la colle. Mais cette fois-ci, il s’agissait du plafond. La méthode d’injection de colle par seringue qu’on emploie d’habitude dans de pareils cas était exclue d’emblée. Je restais confus face au plafond, à me demander quoi faire, sans solution. La moindre maladresse entraînerait fatalement la perte de tout un patrimoine, me disais-je. On pourrait même attribuer cet échec au fait que le restaurateur soit Japonais. Un tourbillon d’hypothèses négatives occupait alors l’esprit agité du restaurateur. Mais, dans sa contemplation du mur muet, il finit par retrouver le calme, en vidant son esprit du bourdonnement des idées parasites.
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En attendant que la solution m’apparaisse, je m’enfermai seul dans la cathédrale. Et m’y livrai, toutes les nuits, à d’interminables dialogues avec la peinture invisible, ma seule interlocutrice. Je l’interrogeais en pensée : comment pourrais-je te faire ressusciter ? Alors voilà, chose curieuse, des idées naissent presque spontanément quand on y met du cœur. L’application de liant plus dilué que la colle de résine, comme de la caséine, à l’aide d’un très fin pinceau japonais, me parut un coup à tenter. Je dosai alors moi-même de la caséine et de l’alcool pour créer mon propre liant, dont j’humectai ensuite le bout d’un pinceau. Après avoir répété plusieurs fois l’opération sur le mur voisin, je rapprochai mon pinceau du plafond. Je n’avais droit qu’à une seule tentative. En cas d’échec, il n’y aurait pas de seconde chance, je le savais. Et ça a marché. J’avais visé juste. Sous mes yeux, les lambeaux de peinture détachés se recollèrent au plafond. Monsieur Takahashi se rappelle bien ces moments : à mesure qu’il progressait dans son « dialogue avec la peinture », au milieu du silence de la nuit, il sentait naître en lui un « certain état d’âme qu’on appelle peut-être la prière », qui finit par remplacer totalement son habituel « acharnement ». Comme si la foi médiévale, ce leitmotiv de l’esthétique antique, s’était emparée de la personne du restaurateur oriental du 20e siècle. Or, dans le monde médiéval dominé par la foi chrétienne, toutes les prières devaient pouvoir s’attendre à rencontrer un miracle comme réponse. Dans le cas de monsieur Takahashi, le miracle aura eu lieu, tout à fait à la hauteur des attentes qu’on avait placées en lui. Car si, une fois affranchie d’obstacles matériels, la beauté invisible est réapparue, c’est avant tout ce moment-là, celui où une concordance miraculeuse se réalise entre le soi et l’autre, entre le présent et le passé, mais aussi entre la restauration et la création, qui aura marqué le restaurateur. Restauration et création de peintures – ces deux métiers souvent considérés comme inconciliables, voire opposés – se seront rapprochées infiniment l’une de l’autre dans son esprit, pour une fois, peut-être. De ces expériences miraculeuses, connues certainement à plus d’une reprise au cours de sa carrière, monsieur Takahashi en est venu à soutenir, n’en doutons pas, la supériorité, face à l’art, du cœur simple et naïf, ou encore, « primitif » en quelque sorte, des peintres chrétiens du Moyen-Âge sur le moi des artistes modernes. De la restauration à la création En 2010, une réunion officielle fut organisée pour célébrer le premier coup de pinceau posé par monsieur
今年78歳の高橋久雄さんは、フランスに住むロマネス ク・フレスコ壁画の修復家・創作者である。1966年、初めて フランスに渡った。今ではブルゴーニュのオータンに住み、
たということだ。 一方、修復家にとって、制度的障壁は人為を超えた物理 的障壁を伴ってやってくる。中世のフレスコ壁画は、漆喰の
そこに買った中世の塔を修復して、その30メートルの高さ
下にある。漆喰は世紀ごとに塗り重ねられてきた。中世の絵
と400平米近くの広さを持つ内壁に、独自のフレスコ壁画
の層に遡るためには、ひたすら壁を薄く削り続けるしかな
を制作している。
い。
1997年にブルゴーニュに移るまで、 日本人として唯一の フランス文化省公認の壁画修復家として働いた。 リムーザ
「削って行くうちに漆喰の下から手の形が現れる、衣服
ンからイル・ド・フランス、 ブルゴーニュからアルザスまで、 フ
の色が透けて見える、びっくりした。 これだと思った。感動し
ランス全土を三十余年にわたって踏査した。 フレスコ壁画
た。」
修復には、考古学と図像学と建築の知識がいる。修業を終 えた高橋さんは、 フランス全土の数十カ所に派遣された。 ち
画家の魂を持つ人間にとって、時間と物質の性質が作り
ょうど、 システィーナ礼拝堂のミケランジェロによる天井壁
出す境界こそが真剣に向き合うべきものだっただろう。その
画の修復工事がメディアをあげての国際的イベントとなり、
真剣さとそこから得られる感動は、制度的な境界に対する 「
フレスコ修復の職業が世界的な知名度を得始めていた頃の
意地」 や勝利感などとは比べ物にならないくらい深かっただ
ことであった。高橋さんは、ルネッサンスから取り残されたフ
ろう。
ランスの田舎の、朽ちた門の奥、黴に覆われた聖堂の壁に 埋もれた壁画を、丹念に削り出し続けていた。仕事場が大
例えば、彼がよく語るリモージュの例に感銘を受けな い人はいまい。
司教区の聖堂か村の小寺院か、画家が有名であるか無名で あるかを問わなかった。 フレスコ壁画を自己表現の一つとし
「リモージュの大聖堂壁画の修復を依頼された時は大
たクワトロチェントの画家を斥け、型に忠実であったそれ以
変だった。天井壁画の絵の具は雨漏りでにじんで、剥離して
前の無名の画家たちに出会うことを無上の喜びとした。 「技
浮き上がっていた。触っただけで落ちてくる。 しかも天井だ。
術は精神、埋もれているのも精神、絵は精神だから」 と彼は
一度固定しなければ仕事にすら入れないが、触れただけで
言う。 ブルゴーニュ、ムティエ村に石灰などで塗りつぶされ
落ちてくるような状態だった。普通このような場合、はがれ
て残っていたサン・ピエール教会の壁画など、一カ所だけの
た部分と壁の間に注射器で糊を注入するけれど、天井では
発掘と修復に13年かけたこともある。
それも無理だった。 どうしたらいいか、皆目分からなかった。
ブルゴーニュ名誉市民の称号が1994年に制定され、そ
一瞬のミスで取り返しのつかないことが起こるだろう。歴史
の第一号に輝いた。 また、 レジオン・ドヌールのシュヴァリエ
的な文化遺産が永遠に失われるだろう。その上、日本人に
位章など制度的な栄光に包まれ、彼を語る公式の言葉には
任せたからこうなった、なんてことも言われるだろう。」
まるで過去の偉人に対するような手放しの賞讃以外のもの はないが、高橋さんが越えてきた境界、そして今越えている 境界は高橋さんだけが知っている。
混乱した頭にはいろんな考えがめぐった。 しかし、一人で 何も言わない壁と向き合っているうちに、高橋さんの心は澄 んできた。
時間と物質の境界
「この場合も、壁画に手をつけるまで、長い間壁と対話し た。何日も閉じこもった。夜中、一人で天井の壁を睨んだ。 も
まだ東洋から来た無名の修復家であった時、彼は手を触
ちろん誰にも相談できない。壁と向き合うことにだけ集中し
れたら崩れるに違いない状態の壁を睨みつつ、その奥に眠
た。必死に語りかけた。何も答えない壁に向かって、 どうやっ
る絵に語りかけながら、文化省の監査官と渡り合った。その
たら蘇るのか、 と問い続けた。」
ような時、制度の障壁と自然の障壁は、渾然と一体になっ て高橋さんの足取りを導いた。国境や政治体制の違い、あ
「そうすると、不思議なことにアイデアというものは自然
るいは異文化や他言語といった壁は確かに大きい。 しかし、
に生まれてくるんですね。日本画の筆を使うことを思いつい
それらがすべて人間社会の要請に基づいて設置された制度
た。糊も樹脂では駄目。細かく入るカゼインから作る。 カゼイ
である限り、越えられないはずはない。高橋さんの苦労譚は
ンの糊とアルコールを自分の勘で配合して、それを日本画
すべてその暗黙の了解にいたる。そういった壁にぶつかるた
の筆に含ませようと思った。 まず実験をする。 うまくいきそう
び、高橋さんは、 「 意地」 とか「日本人の誇り」 とか、 あるいは「
だった。天井に向かった。一回きりの試行。二度目は与えら
執念」を覚えたと言う。別の言い方をすれば、そうした一時
れない。 うまくいった。はがれかかっていた絵の具が、 自然に
の感情以外、彼のうちに大きな感興は呼び起こされなかっ
壁に吸い付いた。」
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La voûte de la Tour ユルスリーヌ塔の丸天井 © Gon Kishiyama
Takahashi sur le mur encore vierge de la Tour des Ursulines. Il apposa alors sous les yeux des caméras une touche de peinture rouge, couleur qui devait s’étendre sur tout le motif ornant désormais la voûte. Pour l’occasion, nombre de personnalités administratives de la région et de diplomates représentant le Japon en France, dont l’ambassadeur luimême, avaient été invités, ainsi que des journalistes des deux pays. Devant eux, monsieur Takahashi déclara : « je désire créer et peindre, en me laissant habiter par le même état d’esprit que les peintres médiévaux anonymes qui, eux, peignaient en toute innocence, ne pensant à rien d’autre qu’à représenter sur terre la gloire de leur Dieu et leurs saints. » Il s’agit d’une part, bien évidemment, d’une lointaine résonance des leçons de la Bible sur la « grandeur des petits » ou l’« ignorance protectrice des péchés ». Ces idéaux renvoyant à la notion d’« innocence » médiévale à travers les mots du restaurateur s’immiscent dans le personnage romanesque créé par Fujita Norinaga, romancier contemporain japonais, avec pour modèle monsieur Takahashi, dans son recueil de nouvelles de
1999, intitulé Le Restaurateur1. Toutefois, la sensibilité du romancier, particulièrement moderne, ne reste pas dupe face à la prétendue pureté de cœur d’un homme de notre époque. Il charge son personnage d’une complexité mélancolique émanant de son passé refoulé, sans jamais s’afficher comme telle, qui le fait ressembler à un ecclésiastique ayant perdu la foi. Comme si, par les temps qui courent, où la prière seule ne peut être confiée à personne, la simplicité apparente d’un homme moderne ne pouvait jamais tout à fait égaler l’innocence des médiévaux. Monsieur Takahashi se souvient : « le peintre que je préférais entre tous dans ma jeunesse, c’était Van Gogh. Plus tard, quand j’étais étudiant en art de la fresque, j’admirais l’œuvre de Giotto, que je trouvais presque divine. Maintenant, je ne les vois plus du tout comme avant ». À chaque fois que nous engageons une conversation au sujet de l’histoire de l’art occidental, il laisse entendre que la majorité des « grands peintres » ne l’intéressent plus, avant d’expliquer pourquoi, comme en aparté : « il y a trop d’Égo, déjà ». Aux antipodes de ces peintres, il a déjà trouvé 1
Fujita Norinaga, Le Restaurateur (Hekiga Shufuku shi), 1999, éd.
Shincho-sha, Ltd.
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Initiale de Philippe II sous la voûte 丸天井のフィリップ2世のイニシャル © Gon Kishiyama
夜中にじっと天井の奥の「壁画と対話」 しているうちに、 普段の「執念」は消えて、 「 祈るような気持ち」が生まれた、 と
行われた。高橋さんは創作の企図をこう語った。 「 遠い中世 時代に聖堂を飾った無名の人々が神や聖人たちを無心に
高橋さんは思い出す。まるで中世美学の主調低音である信
描いたのと同じ気持ちで、私もフレスコ壁画を創作したい」。
仰心が、20世紀の東洋の修復家に乗り移ったかのように。
そうした人々の姿には、聖書の「偉大なる小さき者」、 「 聖な
近代以前のキリスト教的信心の世界では、祈りは常に奇跡
る無知」 という理想が響いている。例えば、藤田宣永の小説
で報われることになっている。奇跡はここで、まさに奇跡た
『壁画修復師』 ( 1999年、新潮社刊)は高橋さんをモデル
る面目を果たした。物質の障碍が取り払われた時、絵が生
にして書かれたが、そうした中世的「無心」はフィクションの
まれ、過去が蘇った。それは修復家にとって、他と我、現在と
人物造型にも影響している。同時に、小説家の鋭い感性は、
過去、蘇生と創造が一致した瞬間として感じられただろう。
現代に蘇った中世的信仰の人がそれほど素朴ではあり得
常に対置される修復と絵画は、 ここで果てしなく近づいたと
ないことも見抜いている。過去を封印して忘却の中で生き
言えるかもしれない。 フレスコのロマネスク様式が表現する
ようとする異国の壁画修復師は、信仰を失った司祭にも似
ような「プリミティヴ」なキリスト者の心を、芸術にたずさわ
て、祈りだけが残って祈りを託する相手がいなくなった時代
る者の理想と高橋さんが考えるようになったとしたら、それ
の懊悩を心の奥に秘めている。現代人の見せかけの素朴さ
は修復家の祈りから創造の奇跡が生じる瞬間を何度も経
は、中世キリスト者の無知とは決して合致しないというかの
験したからに違いない。
ように。 高橋さんは言う。 「 若い時、一番好きだった画家はゴッ
修復と絵画の境界、そして 「無心」
ホ。本当に素晴らしいと思っていた。その後フレスコを勉強 し始めてから、ジオットーに夢中になった。今では異なった
2010年、高橋さんが初めて創作するユルスリーヌ塔壁
次元で接している。」西洋美術史上の偉人の話題になるた
画の筆入れ式が、 日仏の外交機関の代表を招いて大々的に
び、高橋さんは彼らのほとんどに「興味がない」理由につい Fre e l an ce Fran ce Ja p o n -
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son modèle d’esprit créateur, il y a longtemps, dans les fresques byzantines de Macédoine. Depuis le premier jour où elles l’ont frappé, il est revenu à plusieurs reprises sur place pour les contempler à nouveau, et a fini par devenir le premier chercheur au Japon à se spécialiser en histoire de cet art2. Ce qu’il y a trouvé, ce sont les traces d’un esprit antique, bien plus robuste et vif que les expressions naïves de la fresque médiévale. La fresque macédonienne a en effet ouvert devant lui tout un monde où les mystères et les miracles étaient encore des évidences, dans le cœur d’hommes auxquels les rigoureuses règles formelles de l’art devaient paraître avoir toujours existé, héritage d’un temps plus ancien que la mémoire collective humaine, et que l’idée d’originalité individuelle n’avait jamais effleuré. Pourtant, cela fait si longtemps que l’homme a fini par arracher à Dieu le titre de Créateur en la matière du beau, pour produire des œuvres d’art en leur nom, que l’art moderne constitue aujourd’hui à lui seul un patrimoine culturel. Dans ces conditions, il n’est plus possible de reproduire pleinement l’esprit médiéval dans l’art, même moyennant la reconstitution parfaite d’une technique et d’une symbolique anciennes, ainsi que monsieur Takahashi doit bien le savoir, d’autant que l’épaisseur historique qui couvre la vérité a toujours été, justement, son domaine. Il est par-dessus tout impossible qu’il remonte ou efface le cours du temps et redevienne médiéval. Aussi me répond-il d’instinct, quand je lui demande s’il n’a jamais pensé à faire de la restauration comme ceux qui exercent ce métier au Louvre, par exemple : « Jamais. Car c’est de la peinture. La peinture des autres ne m’intéresse pas. Le peintre, c’est moi ». « Je désire créer et peindre comme les peintres médiévaux restés dans l’anonymat, en toute innocence », poursuit-il. Ces mots pourraient être compris comme une injonction à soumettre la logique de la création à celle de la restauration, ou l’individu à l’histoire. Cependant, considérant la complexité inhérente à la notion d’« innocence » prononcée par ce peintre qui a traversé bien des frontières, on devrait plutôt y entendre le sens contraire. Comment, du reste, quelqu’un qui est en train de tenter de créer une forme nouvelle du beau pourrait-il croire en la vertu du nonmoi en art, ou verser dans le moindre passéisme ? Lorsqu’il en appelle à une « innocence » en tant que peintre, celleci ne devrait-elle pas faire partie d’une logique de création, constituer à elle seule un principe esthétique ? Auquel cas, il ne s’agirait plus, évidemment, de mimer l’« innocence » chrétienne, mais de retrouver une autre « innocence » et un autre esprit médiéval. Nous serions alors revenus au Moyen Âge japonais. Le Moyen Âge japonais a eu sa propre philosophie de l’« innocence », selon laquelle toute connaissance aboutie
2
Takahashi Hisao, L’art de la fresque en Macédoine, 1989, éd.
Paru Shuppan.
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menait à sa négation, toute complexité poussée à l’extrême atteignant une ultime simplicité, purement formelle, ne contenant aucune part de naïveté. L’« innocence » médiévale japonaise s’établit entre le temps où Saigyō (1118-1190) chanta :
Pensée se reproduit dans mon cœur Mon être se repaît de son tourment Pauvre de moi ainsi traqué ! (Trad. Yukiko Kano) et celui où le moine Ippen (1239-1289) libéra la situation humaine :
Rien dans la fleur que de la couleur Rien dans la lune que de la clarté Alors rien dans mon cœur que de la joie. (Trad. Yukiko Kano) Pour ces saints laïques japonais, plus humains que
修復なんてしない。画家は自分、絵なら自分が描く」。 「中世の無名の画家たちと同じような気持ちで創作した い」。 この言葉は、創作の論理を修復の倫理に従属させ、独 創を歴史の定めに従わせているものと思われるかもしれな い。 しかし、 「 無心」の複雑な様相をよく考慮すれば、そこに はむしろ、反対の意味が汲み取れよう。新しい美の形式を生 み出そうとしている人が「無心」を語る時、それは我の抹消 や懐古主義を意味はしない。創作の論理そのものを指して いるはずである。そうした「無心」、それはむしろ、キリスト者 的なものと言うよりも、 日本中世のものに近い。 日本的「無心」は、西行(1118-1190) の 心から心にものを思はせて身を苦しむる我が身なりけり という嘆きが、一遍(1239-1289) の 花はいろ月はひかりとながむればこころはものを思はざ りけり にいたる間に成り立った。日本中世の「無心」、それは無 常に帰依する心が、造化への志向を極限にまで押し進めた ものであった。 このブルゴーニュ名誉市民の中には、今もな お日本的感性の泉が滾々と湧き出ているということだろう か。
En tant que restaurateur... 修復の仕事 © Gon Kishiyama
越境する中世 2010年に竣工されたユルスリーヌ塔の壁画が生まれる
て、小さな声で「自我がある」 と付け加える。対極には、高橋
ために、多くの境界が越えられてきた。その一つに 「中世」が
さんが実地に赴いて研究を続け、日本語で書かれた初めて
ある。 ジャック・ル・ゴフが言った 「19世紀半ばにいたるまで、
で唯一の専門書までものするほどに強い啓示を受けた美術
ゆっくりとその形を変え続けた長い、長い中世」 (池上俊一訳
がある。 マケドニアのビザンチン様式聖堂壁画だ(高橋久雄
『中世の夢』、1992年、名古屋大学出版会刊)は、確かに高
著、 『マケドニア聖堂壁画』、1989年、ぱる出版刊)。そこに
橋さんと壁画、およびブルゴーニュの地を結びつける紐帯と
は、神秘や奇跡が自明のことであり、厳密な形式は人間の
して、その無類の生命力を発揮している。中世の想像を通し
記憶を超えて世の初めから存在し、個人の独創など介在す
て、高橋さんはまたしても見えない境界を越える。
らしなかった世界があった。中世のナイーヴな表現よりはる かに生々しく、骨太な人間精神の痕跡があった。 しかし、人間が美の創造者としての立場を神から奪い、
壁画のモチーフはブルゴーニュ公国の歴史である。ユ ルスリーヌ塔は12世紀に建造され、13世紀に修道院に下 賜されたものであるが、14世紀から16世紀にかけて四代の
自分の思念や感情に過剰な価値を与えて独創などというも
ヴァロワ朝ブルゴーニュ公の所有にあった。 ヴァロワ朝ブル
のを始めてすでに久しく、近代美術はそれ自体が文化遺産
ゴーニュは、 フランスにおける奥州藤原氏とでも言える存在
となっている。歴史の厚みを体で知る高橋さんであればこ
で、傍系の王統が独立王国をなしたものであった。ポワチエ
そ、中世の技法や象徴体系の再現をもってしても、現代にお
の戦いと百年戦争の間にあって古いフランスの王国は弱体
いてルネッサンス以前の精神を実践することは不可能であ
化していた。最先端の技術はイギリスに、文化と学問の中心
ることを一番よく知っているに違いない。何よりも、彼自身
はフィレンツェに移行しつつあったこの時代、 ブルゴーニュを
が中世人にはなれないのだ。近代の美術品修復はされない
基軸にして、中世芸術と中世騎士道の最後の花が開いた。
のですか、 という質問に、彼は反射的に答える。 「 人の絵を
高橋さんの壁画の内容はブルゴーニュ公四代の物語で
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tout homme, ainsi plus modernes que nous-mêmes, l’« innocence » faisait référence à l’état d’une âme humaine devenue chose. Pour ces poètes qui faisaient de l’Impermanence leur seul objet de croyance, il n’y avait même plus de frontière entre leur perception et la chose perçue, tout se résolvant dans l’ordre de la Forme. Je veux presque dire que chez ce citoyen d’honneur de la Bourgogne, il reste encore une source de sensibilité japonaise qui, loin de se tarir, nourrit constamment son rapport à l’art. Le Moyen Âge sans frontières Parmi toutes les frontières que monsieur Takahashi a jusqu’à ce jour franchies pour parvenir aujourd’hui à faire naître sa propre fresque sur le mur de la Tour des Ursulines, la révélation du Moyen-Âge, précisément de ce « très long Moyen-Âge dont les structures n’évoluent que lentement », comme le qualifiait Jacques Le Goff, occupe une place particulière. Cet imaginaire médiéval recouvre toute son extraordinaire vitalité lorsqu’il se révèle capable de lier monsieur Takahashi à sa vocation de restaurateur et à la terre de Bourgogne, ainsi que d’ouvrir sous ses yeux un nouvel horizon. À travers son Moyen Âge imaginaire, monsieur Takahashi traverse aujourd’hui une toute nouvelle frontière. Le thème de la fresque de près de 400 mètres carrés, qu’il est en train d’achever, c’est la généalogie des ducs de Bourgogne. Ayant jadis appartenu aux ducs durant le siècle de leur règne entre la fin du 14e siècle et le tout début 16e siècle, la tour elle-même est un lieu symbolique, adéquat pour célébrer l’histoire de la dynastie des Valois. Or, les Valois de Bourgogne sont au Royaume de France ce que les Fujiwara d’Hiraizumi sont à la cour de Kyōto du 12e siècle : une lignée royale s’étant établie comme royaume parallèle au Centre. Durant ce siècle du début de la Renaissance, le royaume de France ressentait déjà son déclin, fatigué entre la bataille de Poitiers et la longue guerre avec l’Angleterre. Celle-ci était alors en passe de devenir une nouvelle puissance, possédant la technologie ; et, du côté italien, une effervescence culturelle s’emparait
de Florence, qui s’établissait comme le centre intellectuel d’Europe de l’époque à venir. C’est à ce moment-là que l’art médiéval et la chevalerie refleurirent pour une dernière fois sur la terre de Bourgogne. Représentant l’histoire des quatre générations du duché, monsieur Takahashi donne dans sa fresque la place symbolique au premier duc de Bourgogne des Valois, Philippe II « le Hardi » (1342-1404). La première lettre de son nom « P » couronne la peinture de la Tour, en bon esprit protecteur. De Philippe le Hardi, régent du dauphin et prudent politique que Froissart appelait « Grand Sire », nous sont parvenus quelques portraits d’âge mûr, sur lesquels on remarque un nez protubérant et recourbé, touchant presque le menton prognathe. Mais le Philippe que monsieur Takahashi s’imagine, et dont il fait le protecteur de sa peinture, ce n’est pas celui-là. C’est un jeune guerrier de 14 ans, participant pour la première fois à une guerre de taille sur les champs de bataille de Poitiers. Philippe, le benjamin, fut le seul fils du roi de France à rester auprès de son père lorsque ce dernier fut assiégé par l’ennemi anglais. Il émerveilla l’armée anglaise par sa vivacité, son courage et sa volonté de protéger de ses petits bras son cher père jusqu’au bout, avant d’être fait noble prisonnier aux côtés de ce dernier. Or, c’est en ce jeune chevalier que monsieur Takahashi trouva « son » esprit. La jeunesse, l’amour filial, la précoce et vive intelligence, le caractère à la fois intrépide et prudent, caractérisent le jeune Philippe, et ces qualités auront été, sans nul doute, présentes chez le jeune Takahashi Hisao. Ainsi, le Philippe II de monsieur Takahashi, symbole de la jeunesse médiévale, transmet-il ses plus belles inspirations à la postérité, à savoir l’art et la chevalerie comme passions spirituelles, afin qu’un jour, le Takahashi Hisao du futur les reçoive en héritage. L’initiale « P » de Philippe II, énorme blason rouge écarlate comme gravé sous la voûte, surplombe le spectacle de pétales de cerisiers qui couvrent tout le mur intérieur de la tour, de haut en bas. La fresque devrait être achevée en 2016-2017. Ce jour-là, la grande frontière aura été franchie et le pont venant du lointain passé se sera allongé vers l’avenir.
La Tour des Ursulines et sa Vierge Photo © Gon Kishiyama La Tour des Ursulines à Autun (Saône et Loire). Au sommet de cette tour de plus de 30 mètres, une statue de la Vierge haute de 5 mètres tourne son regard vers la terre. Classée monument historique en 1994, la tour a été acquise en 1997 par monsieur Takahashi, qui y a fondé en 2000 son « Centre international de la Tour des Ursulines » (CITU), lieu de formation à l’art de la fresque et d’échanges culturels entre diverses structures régionales, françaises, européennes et japonaises. Grâce au jumelage scellé entre l’université nationale des arts de Dijon et l’université des beaux-arts de Nagoya où monsieur Takahashi est professeur émérite, le CITU Bourgogne accueille chaque année depuis 1998 des groupes d’étudiants en art venant de Paris, de Dijon ou du Japon. Le CITU a par la suite ouvert une antenne à Tōkyō et en 2014, un troisième bureau a vu le jour dans le village dont monsieur Takahashi est originaire, au fond des montagnes de Chichibu, dans la préfecture de Saitama.
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あるが、一 門の象 徴として塔の丸 天 井にその名のしるし が刻まれている人物は、初代のフィリップ2世(ル・アルデ ィ、1342-1404) である。多くの権力者を記述したフロワサ ールが唯一「偉大な殿」 と呼んだ政治家で、大きな鉤鼻とし ゃくれた下顎が特徴的な壮年期の肖像画が出回っている。 しかし、ユルスリーヌ塔の守護神であるフィリップは、もっと 若々しく、凛々しい。高橋さんは、彼を初戦のポワチエの戦 いに参加した時の姿で思い描く。最年少の皇太子であった フィリップはその時まだ14歳。敵に囲まれ、孤立した父王の 傍をたった一人離れず、イギリスのベテランを相手に立派に 立ち回り、父を守り抜いた。彼の若さ、父への愛、早熟な理 知、潔く果敢な行動、それらは修復家として独立するずっと 以前の若き日の高橋さんの姿ではなかっただろうか。高橋 さんの心に描くフィリップは中世の若々しい息吹を現代に 伝える。歴代ブルゴーニュ公の肖像を通して、若さの神髄、 あ るいは騎士道の精神は、未来の高橋さんの分身へと確かに 伝えられるだろう。 塔の丸天井には、 フィリップの名を示すPの字が中世の 朱色で描かれ、壁に散る花を見下ろしている。ユルスリーヌ 塔の壁画は、2016年に完成が見込まれている。 それは言葉 のあらゆる意味での越境の成果であり、すべての越境がそ うであるように、未来への架け橋である。
Site internet (CITU France) : http://www.citu-autun.org Photos de la tour et du chantier ©Gon Kishiyama ユルスリーヌ塔とマリア像 © Gon Kishiyama (塔の写真解題) ソーヌ・エ・ロワール県、オータンのユルスリーヌ塔。高さ30メートルの八角形の塔の頂上からは5メートルの聖母マリアが下 界を見下ろしている。1994年、歴史記念建造物に指定。1997年、高橋久雄さんが購入した。2000年、 ここを拠点に、 ユルスリーヌ国際文化セ ンター(CITU) と名付けられた日仏文化交流と教育の機関が発足した。 その後CITU日本支部も発足。高橋さんの生地である埼玉県にもCITU ちちぶが生まれた。 ブルゴーニュでは、高橋さんが名誉教授も務める名古屋芸術大学とフランス国立ディジョン美術大学の間に姉妹校提携が 結ばれ、1998年より日本およびパリやディジョンの美大生たち、 ユルスリーヌ塔にフレスコ画を学びにやってきている。 ユルスリーヌ塔壁画は、 5年の制作を経て、来年完成予定である。
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Sébastien Lebègue Photographe & dessinateur
ルベーグ・セバスチャン 写真家・イラストレーター
Photographe, dessinateur, reporter, auteur, artiste sans aucun doute, Sébastien Lebègue réalise des documentaires narratifs qu’il donne à voir et à lire sous forme de séries photographiques et de carnets illustrés. Résidant à Tokyo depuis début 2008, il propose ses services de photographe à une clientèle variée et exigeante sous le nom commercial « Akamaru Photography ». Il exerce dans des domaines allant du reportage à la couverture d’événement, de la photo commerciale au portrait d’entreprise ou privé. En parallèle, il assure également un service d’impression, de montage de tirages photographiques et de tirage d’art haut de gamme. 写真家であり、 イラストレーターであり、 ルポライターであり、作家であり、 おそらくアーティストでも あるセバスチアン・ルベーグは、 オリジナルのドキュメンタリーを制作している。彼のドキュメンタリー は、一連の写真とイラストブック (イラスト入りのノート) という、画像とテキストで構成される語りのス タイルを持っている。 ルベーグは2008年に東京に居を構えて以来、 「Akamaru Photography」 のブ ランドネームのもとで、様々な顧客の高度な要求に応じながら写真家としての仕事をこなしてきた。 そ の領域は、 ルポルタージュからイベント取材、広告から企業や個人の紹介写真までと多岐にわたってい る。 また、写真印刷やモンタージュ写真、高品質のアート写真編集も行っている。
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1. Sous quel statut exercez-vous ? Depuis quand ? Je suis indépendant (entrepreneur individuel) depuis 2007 en France et depuis 2010 au Japon. Que cela soit dans le cadre de mon activité de photographe ou lorsque je réalise mes reportages personnels, j’ai pour habitude de travailler seul. Ce statut correspond donc tout à fait à ma démarche de production et à mon rapport avec la clientèle. En tant que créatif, j’ai besoin d’une certaine flexibilité. Même si j’adapte souvent ma production à une demande du client, j’aime pouvoir prendre les décisions par moi-même et travailler à mon rythme. 1.現在、社会的にはどんな立場で仕 事をされていますか。 またそれはいつ から。 フランスでは2007年から、 日本では 2010年からフリーランサーとして仕事 をしています。写真家としての仕事であ れ、 あるいは自分で企画したルポルター ジュ制作であれ、仕事する時はいつも一 人です。 フリーランサーという立場は、私 の制作の進め方やクライアントとの関 係のあり方に沿うものです。一方、 自主 的な制作を行うクリエーターとしては、 常にある程度の自由が必要です。 もちろ ん、 クライアントの要望に合わせて制作 を調整することは多々ありますが、 自分 の意志で決定し、 自分のリズムで仕事が できるところがいいですね。 2. Avez-vous toujours été indépendant ? Si non, parlez-nous de votre « vie d’avant ». J’ai débuté la photo à 15 ans, au cours de mes études d’arts appliqués à Marseille. J’ai ensuite suivi des études d’architecture. Puis, c’est à l’Université de Strasbourg que j’ai pu affirmer mon écriture photographique. Pendant une dizaine d’années, j’ai été professeur d’arts appliqués de l’Éducation Nationale. J’enseignais le design d’objet et le design graphique et j’ai eu l’occasion d’animer des ateliers photo et labo en argentique. Ces compétences pédagogiques me permettent aujourd’hui de proposer
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des stages photographiques ouverts à un large public allant du particulier à l’entreprise, ou au photographe confirmé désirant faire un parcours photo à Tokyo. 2. これまでずっとフリーランスで働 いてこられたのですか。 もしそうでなけ れば、 「以前の生活」はどんなものでし たか。 15歳のときに写真を始めました。 その 頃、 マルセイユで応用美術を学んでいま した。 その後、建築の勉強を始めました が、 ストラスブール大学に在学中、 自分 の表現方法は写真にあると確信しまし た。 その後10年ほど、国民教育省の公 務員として応用美術の講師をしていまし た。私が教えていたのは、 オブジェのデ ザインとグラフィックデザインです。教え ながら、写真のワークショップやフィル ム写真研究グループを指導する機会が ありました。教員時代に培ったスキルの おかげで、今では個人から企業まで広く 一般を対象とした写真の研修プログラ ムを提案したり、既に写真家としての地 位を確立していて東京での撮影ツアー を希望されている方々に指南することも できます。
3. Combien de temps vous a-til fallu pour vivre de votre activité indépendante ? Les débuts de l’indépendance professionnelle ont été assez laborieux financièrement car j’ai concentré mes efforts sur la production de projets documentaires autofinancés : lorsqu’ils généraient des recettes, ce n’était que par le biais de la vente des livres ou lors des expositions. Pendant ce temps, mes revenus étaient assurés par la photographie et le design graphique. Aujourd’hui, mes reportages sont financés par des subventions en France et par des partenariats privés à l’international. Ma clientèle à Tokyo s’est également élargie. 3. フリーランサーとして生活が安定 するまでにどのくらいかかりましたか。 フリーランスを始めた当時は、 自費制 作のドキュメンタリーに集中してエネル
ギーを注ぎ込んでいたため、経済的にと ても困窮しました。 ドキュメンタリーが 利益を生むとしても、 それは書籍の売り 上げや、展示会収入に限られます。収入 の大半は写真やグラフィックデザインに よるものです。現在、私はフランスや海外 の民間パートナーから資金援助を得て ドキュメンタリーの制作ができるように なりました。 また、東京のクライアントの 幅も随分と広がりました。 4. Quels sont vos liens avec le Japon/la France ? D’autres pays ? Je réside au Japon par choix familial et pour le confort de vie, mais c’est surtout un point central qui me permet de couvrir toute la zone Asie Pacifique. En 2013 et 2014, j’ai par exemple réalisé un reportage sur la coutume Kanak en Nouvelle-Calédonie. Mes services photographiques sont implantés au Japon et plus particulièrement à Tokyo, où la clientèle potentielle est assez conséquente, même si certaines commandes viennent parfois de France ou d’ailleurs. En 2014 par exemple, une de mes photographies a été exposée lors de la rétrospective The essential Robert Indiana à l’Indianapolis Museum of Art aux États-Unis. 4. フリーランスで自立するようにな るまで、 どのくらいかかりましたか。 来日したばかりの頃は、雇用者がすぐ には見つかりませんでした。折しもバブ ル期の好景気に乗って、 フリーランスで 同時に複数の仕事を掛け持ちすること が短期間で可能になりました。 こうして、 始めはフランスの大衆向けサイエンス・ マガジン数誌の記者、翻訳者、 また翻訳 者として仕事しました。 5. Maîtrisez-vous le japonais ? À quel niveau ? Comment avez-vous appris la langue ? Mon niveau de japonais est basique, mais suffisant pour me faire comprendre au téléphone. J’apprends la langue depuis que je suis arrivé au Japon, mais je dois bien avouer que cela n’est pas ma spécialité et qu’il faudrait que j’y consacre plus de temps.
Sébastien Lebègue dans son bureau à Tokyo - Portrait de la série Parole Kanak au premier plan Photo panoramique © Bob Leenaers
5. 日本語のレベルはどのどのくらい ですか。 また、 どのように学ばれました か。 私の日本語は基本会話レベルです。電 話で理解してもらうに十分な程度です。 日本語を始めたのは来日してからです。 語学が専門というわけではないので、怠 けていたかもしれません。 もっと時間を とって勉強すべきですね。 6. Pourquoi avez-vous choisi d’exercer en indépendant ? Quels sont pour vous les avantages de ce statut ? Le plus grand avantage est la
flexibilité. Je dois pouvoir me rendre totalement disponible pour un client lorsqu’il a un projet à mener à bien ou, au contraire, mettre mes activités de photographe en veilleuse pour me consacrer à mes propres reportages. Je ne connais pas d’autre situation qui pourrait m’offrir autant de souplesse et d’adaptabilité. Je n’ai pas choisi ce statut pour des raisons financières, car même si l’activité de photographe me permet d’avoir un niveau de vie suffisant, certains de mes autres projets sont non lucratifs. 6.なぜフリーランスで活動すること を選択されたのですか。 フリーランスで
あることの利点、 あるいは不都合な点と は何でしょうか。 フリーランスの最大の利点は時間の 融通がきくことです。私について言えば、 例えばあるクライアントから依頼された 企画だけに集中しようと思えばできる し、 あるいは、写真家の仕事は保留にし て、 自分が企画したルポルタージュの制 作に専念したいと思えばできるというこ とです。 フリーランス以外に、 これほどに 柔軟で、 その都度状況に適応できる立 場があるでしょうか。私は経済的な理由 でフリーランスを選んだ訳ではありませ ん。写真家としては生計が成り立ってい ますが、 その他の活動のほとんどは利益 が見込めないものばかりですから。
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ADCK - Centre Culturel Tjibaou, lieu accueillant l’exposition Coutume Kanak de Sébastien Lebègue Novembre 2014/Août 2015 - Nouméa, Nouvelle-Calédonie (Architecture Renzo Piano) Photo © Sébastien Lebègue À droite : Série Parole Kanak présentée dans la Case Kanaké du Centre culturel Tjibaou
7. À quoi ressemble votre journée type ? Cela dépend. Pour une prise de vue, je peux être sur le terrain ou en studio pour quelques heures ou plusieurs journées d’affilée. Lorsque je suis en reportage, je peux rester en immersion sur une période allant jusqu’à deux mois. Quoi qu’il en soit, la partie édition des images ou le service d’impression photographique se font quant à eux en atelier ou face à un ordinateur. Je passe également beaucoup de temps à la communication de mes activités et à approfondir mes compétences personnelles. 7.典型的な一日の流れはどんな感じ ですか。 時によりますね。例えば、 ロケーション 現場で、 あるいはスタジオでの撮影が入 っていれば、一日数時間、 または数日、 連続で拘束されています。 ルポルタージ
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ュの仕事に集中しているときには一定 期間没頭していて、 それが時には二ヶ月 にも及ぶことがあります。 とは言え、画像 編集や印刷業務は常にアトリエ内、 ある いはパソコンの前で作業しています。一 方、連絡業務や広報には多くの時間を かけています。 また、 自分自身の向上や、 能力をさらに磨くためにも時間をかけて います。 8. Parlez-nous de vos activités actuelles. J’évoquais le reportage sur la coutume Kanak en Nouvelle-Calédonie. Depuis début 2013 et probablement jusqu’à la fin 2016, cette activité occupe la majeure partie de mon temps. J’ai passé un peu moins de quatre mois sur le territoire, mais en termes de recherche, d’édition d’images, d’écriture, de production picturale en atelier, de préparation d’expositions et de mise en forme du livre, sans même parler de
toute la partie administrative et la communication, je ne compte pas mes heures. Ce projet a une très grande importance pour moi, car la chance d’intégrer un milieu aussi fermé que celui de la coutume kanak n’est pas donnée à tout le monde. Aucun projet aussi conséquent n’avait été mené sur le sujet. Ce travail sera exposé pendant dix mois (de novembre 2014 à août 2015) au Centre culturel Tjibaou à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), avant de prendre la direction de Tokyo et de Paris, à la Maison de la NouvelleCalédonie. Un livre sera publié début 2016, mais il me reste encore beaucoup de travail à effectuer pour le mener à bien. Côté photographie, j’ai travaillé cette année en partenariat avec l’auteure Manami Okazaki sur un ouvrage présentant des kimonos de créateurs et intitulé Kimono now. Publié par les éditions Prestel, il sortira en avril
2015 au Royaume-Uni et en mai aux États-Unis. Auteur de la couverture, j’ai également réalisé un grand nombre d’images à Tokyo et à Kyoto, allant du portrait de couturier à la photo de mode en studio ou en extérieur, en passant par des prises de vue plus « corporate » documentant la production des obi. 8.今のご活動について教えてくださ い。
ような閉鎖的な社会に入り込むチャン スは誰にでも与えられている訳ではあり ませんから、私にとってこのプロジェクト は大変重要な意味を持っています。 かつ て、 カナック族の風習についての調査で、 これほど一貫したものはなかったでしょ う。 この調査は10ヶ月の間(2014年11 月から2015年8月まで)、 ニューカレド ニアの首都ヌーメアのチバウ文化センタ ーで展示されます。 その後、東京とパリ のニューカレドニア文化会館にやってく ることになっています。2016年初めに は本が出版されることになっています。 しかし、 まだやるべき作業がたくさん残 っています。
先ほど、 ニューカレドニアのカナック族 の風習についてのルポルタージュを制 作した、 と申し上げました。2013年初頭 に始まったこの仕事は2016年末まで 写真家としては、今年からManami 続くと思われ、私の時間の大半を費やす Okazakiというクリエーターと組んで、 ことになるでしょう。現地滞在は四ヶ月 「Kimono Now」 と題する創作着物の 弱ですが、 その他に、調査、画像の編集、 写真集を制作しました。 プレステル社よ 執筆、 アトリエでの絵画制作、展示会の り、2015年4月にはイギリスで、5月には 準備、執筆した本の仕上げなど、事務処 アメリカで出版されることになっていま 理や連絡などに費やした時間は計算に す。 この本の写真責任者として、私は京 入れなくても、全体でどれだけの時間を 都と東京で数多くの撮影をしました。 デ 費やしたかわかりません。 カナック族の ザイナーのポートレートを初め、 スタジ
オや屋外で撮影したファッション写真、 あるいはより 「伝統産業」 に焦点を合わ せた視点から、帯の制作を取材した写真 もあります。 9. Préférez-vous la photographie ou le dessin ? Je crois que la photographie occupe la plus grande part de ma production d’image. Ce sont deux techniques qui ont chacune leur plasticité et j’utilise l’une et l’autre selon la situation. Je ne les associe graphiquement que très rarement. Avoir une seule écriture visuelle ne me correspond pas. Photographie couleur ou monochrome, documentaire ou plasticienne, croquis rapide au stylo ou au crayon, peinture, aquarelle, note écrite ou son, je dois pouvoir changer de médium en fonction de ce que j’ai à dire. Je ne me soucie pas de la reconnaissance visuelle associée à un style unique. Il s’agit avant tout d’une
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Inauguration de l’exposition Coutume Kanak le 4 novembre 2014 - Salle Kavitara Photo © Eric Dell’erba /ADCK - Centre culturel Tjibaou
démarche et d’une attitude productive. Lorsque je suis en reportage, le dessin me permet de prendre le temps de faire corps avec ce que je note. Il facilite la rencontre et l’échange, génère la confiance. La photographie intervient souvent alors qu’un dessin est en cours, le moment est alors fixé plus rapidement, dans cette même confiance, sans la peur de l’objectif. Dessiner ou peindre offre la lenteur d’exécution, la touche graphique et personnelle, la matière, la liberté expressive. Sur le vif ou en atelier, j’aime dessiner. La photographie, quant à elle, permet la mobilité, autorise à fixer le présent dans l’instantané, l’action ou l’expression, lorsque, selon un point de vue, tout se met en place et
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se compose idéalement. Elle révèle cette part du réel éphémère, noté par le regard et dont la mémoire seule ne pourrait me permettre de retransmettre la beauté. J’aime beaucoup la photographie. 9.写真とデッサン、 どちらがお好き ですか。 画像制作の中では、写真が大半を占 めていると思います。 どちらも造形の技 であり、状況によって使い分けています。 しかし、同じ画像の中で組み合わせるこ とは大変稀です。 ビジュアル表現をひと つの手段に限ってしまうというのは、私 のスタイルに適していません。 カラー写 真、 モノクロ写真、記録画像、 あるいは造 形的な画像、鉛筆あるいはペンの素描、
油彩画、水彩画、 メモ、録音など、何をど う表現したいかに従って、媒体を使い分 けています。 あるひとつの様式に徹して、 ビジュアル表現としての価値を与えられ るかどうか、 ということについて私はさ ほど気に留めません。創作活動では、 ま ずどのような姿勢で、 どのように制作を 進めるか、 ということの方が問題となる のです。 例えば、 ルポルタージュの制作中に デッサンをすることは、書き留めている ノートを自分のものとする時間を与えて くれます。 デッサンが出会いや交流を助 け、信頼関係を生み出してくれるのです。 デッサンの途中で写真を撮ることがあり ますが、 デッサンによって作られた信頼 関係のおかげで、相手に恐怖心を与える ことなく、 自然に決定的瞬間を切り取る ことができます。
デッサンをしたり絵を描くという作業 では、時間はゆっくりと流れ、描く人の 筆使いや素材の選択を際立たせる自由 な表現が可能となります。写生であって も、 アトリエであっても、絵を描くことが 好きなんです。 写真はと言えば、 ある動作であれ、表 情であれ、動きの中で今という一瞬を捉 えます。視点によって、対象の状況が理 想的な構図を呈示した、 その瞬間を捉 えるのです。写真は、視線がとらえている 現実のはかない側面を浮き彫りにしま す。記憶だけでは、 そうした瞬間の美を 再構成するには足りないのです。私は、 写真も大好きです。 10. Quels sont vos liens avec vos collègues indépendants ? Je fais partie de Freelance France Japon depuis 2010. J’aime travailler seul, mais être membre d’un groupe d’indépendants me permet de renforcer ma position à travers l’échange d’informations, ainsi que par le partage de compétences
ou d’expériences, et parfois de clientèle. Il est impossible de travailler uniquement seul, car ce statut qui pourrait faire penser à un vase clos oblige au contraire à tisser un réseau professionnel et relationnel. Il faut faire connaître son activité dans un premier temps, mais il faut également se faire reconnaître en tant que « bon » professionnel, voire spécialiste incontournable, par son réseau et sa clientèle. 10. フリーランスの同僚、仲間とはど のような関係ですか。 私がフリーランス・フランス・ジャポン に参加したのは、2010年のことです。基 本、私は一人で働くことを好みますが、 フ リーランサーのグループの一員になり、 情報交換をしたり、技術や経験を共有 し、時にはクライアントまでも共有する ことを通じて、 自分の立場を固めること ができたと思います。実際に一人だけで 仕事をすることは不可能です。 フリーラ ンサーという言葉は孤絶した状態を想
起させるかもしれません。が、 フリーラン サーであるからこそ、同業者とのネット ワークを広げ、関係を築く必要がありま す。 フリーランサーはまず自分の活動を 周囲に知らしめなければなりませんが、 それと同時に、同じ仕事の同僚ネットワ ークやクライアントから 「優秀」 と評価さ れ、 さらには確かな専門家として認知さ れる必要があります。 11. Quels conseils donneriez-vous à une personne souhaitant s’établir en indépendant au Japon ? Ici comme ailleurs, faites ce que vous aimez, et construisez en conséquence ! 11. これから日本を拠点としてフリー ランスで活動したいと考えている人へ、 どんなアドバイスがありますか。 日本でも他の国でも大事なことは一 つ。 自分の好きなことをやること。 そして、 その結果を積み上げることです。
Sébastien Lebègue dans la rue du projet Sono michi Photo panoramique © Bob Leenaers Po u r en s a v o ir p lu s s u r Séba s t ien L eb è gue
ht t p : //w w w . s e bas t ie n le be g u e . c o m Pr opo s r e cu e i l l i s p a r G é ral di ne o udi n 聞き手:ジェラルディン ・ ウダ T r adu i t d u f r a n ça i s p a r Yuk i k o Ka no 訳: 加納由起子
Pr o j e t Coutume Kanak : ht t p://w w w .c o ut ume -k a n a k .c om F a c e bo ok : Co ut ume Ka n a k Se r vice p h o to : contact@sebastienlebegue.com
En-tête d’article : Photographie © Sébastien Lebègue
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FREELANCE FRANCE JAPON Q U ’ EST CE Q U E C’ E ST ?
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Créé par Lionel Dersot en avril 2008, le réseau Freelance France Japon a pour objectif de fédérer les professionnels indépendants pratiquant dans la sphère francophone-japonaise, qu’ils soient établis au Japon ou en dehors. Loin de se limiter à une présence en ligne, FFJ est une communauté ancrée dans la vraie vie, dans laquelle le mot collégialité a encore un sens. Des réunions formelles et informelles sont régulièrement organisées, en particulier à Tokyo. Ce projet sans équivalent a généré de nombreux échanges entre les membres, mais également de nouvelles opportunités de travail. FFJ rassemble une cinquantaine de professionnels issus d’horizons divers : audiovisuel, langues, communication, photographie, arts graphiques, droit, tourisme et bien d’autres activités. Nous accueillons en priorité les indépendants établis et proactifs, capables de contribuer à la dynamique du réseau. Cependant, les personnes intéressées qui ne remplissent pas ou pas encore les conditions d’inscriptions détaillées sur le site peuvent devenir membres associés et sont les bienvenues lors des rencontres. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à visiter notre site Internet.
http: // freelancefrancejapon.org Ainsi que les pages Éclectiques et Freelance France Japon sur Facebook.
https://www.facebook.com/EclectiquesFreelance/
https://www.facebook.com/groups/freelancefrancejapon/
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© pSébastien Lebègue FrePhoto e l an ceCrossing Fran ce Ja on 119
Free l an c e France Japon - numéro 5 - Frontières
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