numéro
8
I
décembre
2021
I
photo
Yukihide Nakano
RENOUVEAU 再生 N UM ÉRO 8
S OM M AI RE
2
Préparation pour une conférence © Sébastien Lebegue / Ikono.photo
Bienvenue dans Éclectiques , le magazine de Freelance France Japon.
... Prenez place !
S OM M AI RE
8
Sommaire 6
エディトリアル par M ICHAEL GO L D BER G - マイケル・ゴールドバーグ
ÉDITORIAL -
Notre dossier
8 Freelance フリーランス 10
日本におけるフリーランス ER IC D UPUY - エリック・デュピュイ
10
FREELANCE AU JAPON -
20
ADAPTER SON ACTIVITÉ e n fo n c t io n de se s vale urs e t de s be s o in s du m arc h é , e n t re la F r an c e e t le Japo n HUGO BR IO NNE - ヒューゴ・ブリオネ
24
REGARDS CROISÉS SUR L’ENTREPRENARIAT ê t re c h e f d’ e n t re prise pe n dan t la c rise PHÉBÉ L ER O YER - フェベ・レロウイエ
30
APPRENDRE, la voie de la transformation 学ぶということ、変容への道 CHIE WATAHIK I - 綿引 千恵
20
92
4
- Fr e e l a n c e Fr a n ce Ja pon
S O MMAIRE
Notre thème
32 Renouveau 再生 34
IL ÉTAIT UN JARDIN
40
SANTÉ !
一つの庭があった G É R A LDI N E OUDI N ジェラルディン・ウダ
Le bonheur des bonnes habitudes
M A R C C ARP E N TI E R マーク・カーポンティエ
48
50
TIENS BON
JÉ R Ô ME P AC E ジェローム・パチェ
Nos professionnels
50
LE MÉTABOLISME AU JAPON L’architecture conjugée au futur antérieur JÉ R É MI E S OUTE YRAT ジェレミ・ステラ
64
68
78
126 Portraits d’indépendants フリーランスのポートレート
LE CHAMP DES POSSIBLES M A R T IN FAYN OT マルタン
128
MICHAEL GOLDBERG
134
EMMANUELLE SAGNARD
136
PHÉBÉ LEROYER
138
CHIE WATAHIKI
LES MILLE VIES D’ANNA
アンナのたくさんの人生 E M M A N UE LLE SAGN ARD エマニュエル・サニア
LA PROMESSE DU RENOUVEAU 安全神話 (anzen shinwa),
le mythe de la sécurité absolue
M I C HAE L GOLDB E RG マイケル・ゴールドバーグ
92
DU COTON CONTRE L’OUBLI
102
REIKO SUDO & MAI MIYAKE,
JO HA NN FLE URI ジョアン・フルリ
Le premier vidéaste étranger au Japon
Correctrice et relectrice en langue française
Journaliste
Traductrice et interprète
Le renouveau selon deux artistes japonaises d’exception
須藤玲子さん、 ミヤケマイさん、日本の卓越したアーティスト M I DO RI MAKI LARRI E U ラリュー 牧 みどり
114
118
124
138
DANSE CÉLESTE
天空のダンス JE N N IFE R S I C LARI , dite Kirin
ジェニフェール・シクラリ
144
CRÉDITS
145
ÉCLECTIQUES
妻の外国勤務により、夫婦の関係は深化する! P HÉ B É LE ROYE R フェベ・レロウイエ
146
REMERCIEMENTS
LA PUISSANCE DU DESSIN
148
FREELANCE FRANCE JAPON
RÉINVENTER LE COUPLE, quand madame s’expatrie !
B E A T R I X FI FE , dite B ix ビートリックス(ビックス)・ファイフ
Les équipes éditoriales Anciens numéros Les contributeurs Qu’est-ce que c’est ?
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
5
É DI TORIA L
Éditorial
エディトリアル
En haut, modélisation d’une vue aérienne du sanctuaire Ise Jingu - Mie © Google map images En bas, à gauche, le sanctuaire reconstruit en 2013, et à droite l’emplacement de l’ancien sanctuaire et du prochain en 2033 © Sébastien Lebègue
Éclectiques , le magazine de F r e e l a n c e F r a n c e J a p o n Le réseau des professionnels indépendants et entrepreneurs franco-japonais 2021 © Tous droits réservés
6
- Fr e e l a n c e Fr a n ce Ja pon
É D IT O RIAL
Le Japon — terre paradoxale où se mêlent traditions ancestrales et modernité débordante. Ces deux réalités semblent contradictoires ; pourtant, elles coexistent. Si de nombreux Japonais sont ouverts d’esprit, créatifs et innovants, celui qui propose un « renouveau » se heurte parfois à une réticence institutionnalisée, ancrée dans la structure sociale. Il est des sanctuaires shintos ou des temples bouddhistes dont les bâtiments de bois, parfaitement conservés, résistent envers et contre tout depuis 1 300 ans, témoins immobiles et immuables du passage du temps. Paradoxalement, l’édifice principal d’Ise Jingu, un des lieux les plus sacrés de l’archipel, est démoli puis reconstruit tous les vingt ans depuis près de 2 000 ans, un rituel qui rappelle l’impermanence de l’existence. J’habite à Tokyo depuis plus de 40 ans et la ville ne ressemble guère à celle que j’ai connue en 1971 ni à celle d’il y a seulement dix ans. Le Japon est sans cesse en évolution ! Face à la pandémie qui bouscule notre quotidien, les professionnels de l’écrit et de l’image de Freelance France Japon ont voulu partager avec vous leur vision du renouveau. Certains ont été inspirés par la nature, d’autres ont interrogé les rapports sociaux, se sont laissés porter par l’art, se sont penchés sur la condition de travailleur indépendant… ou sur eux-mêmes. En accord avec le fil conducteur de cette 8e édition, Éclectiques adopte un nouveau format et comprend désormais trois parties : outre le carnet thématique, vous découvrirez le parcours de certains de nos membres, mais aussi des informations utiles à ceux qui souhaitent se lancer. Nous avons choisi de permettre aux nouveaux venus de contribuer à la revue, car l’un des objectifs de Freelance France Japon est de soutenir les personnes en voie d’installation ou de reconversion. Elle propose également beaucoup plus de contenu en japonais que les numéros précédents. Cette évolution a été rendue possible grâce au dévouement de nos équipes éditoriales, à la créativité de nos auteurs et à la rigueur de nos traductrices et de nos relecteurs expérimentés, tous bénévoles. Nous espérons que cette démarche mettra davantage en valeur la diversité des domaines d’expertise des membres de FFJ, le réseau des indépendants et entrepreneurs franco-japonais, et que chaque lecteur trouvera dans ces pages des sources d’inspiration et d’enrichissement de sa vie professionnelle.
先人たちから受け継いだ伝統とあふれんばかりのモダン、そんな相反す
るものを合わせ持つ国、日本。 これら2つの現実は矛盾しているようだが、 共存している。日本人の多くが、開かれた精神を持ち、創造的で革新的で
あるのも事実だが、いざ「変革/再生」 となると、時としてその提案は、社会
構造の中で制度化され根付いたある種のためらい、慎重な態度に直面す
ることもある。
神 社や仏 閣 の 建 物 は 、木 造でありながら完 全 な状 態で 現 存してお
り、1300年来、万難に打ち勝つかのように耐久している。時の流れを見
守り続ける、不動にして不変の証人なのだ。日本で最も神聖な場所のひ
とつである伊勢神宮の社殿は、20年ごとに解体され、新たに再構築され る。一種、逆説的なこの行事(式年遷宮)は、2000年近く続いており、存
在の無常を我々に想起させる。私は、40年以上前から東京に住んでいる
が、1971年に目にしていたものと、ほんの10年前とでは、街の様子は少し
も似つかない。日本は、絶えず進化し続けているのだ!
文章や写真・映像・画像を通して表現するプロとして活動するフリーラ
ンス・フランス・ジャポンの会員らは、我々の日常に混乱をもたらしたパン デミックに直面し、再生という言葉からそれぞれが思い描いたものを分か
ち合いたいと願った。自然界から着想を得た者もいれば、社会とのつなが
りを考察した者、アートに主軸を置いた者、 フリーランスの労働条件に関 心を寄せた者…、 あるいは自分自身を見つめる機会にした者もいる。
ÉCLECTIQUES誌では第8号となる本号より、新しいフォーマットとし
て三部構成を採用することにした。テーマに沿った内容に加えて、FFJ会
員の経歴紹介や、 フリーランスとして挑戦していきたい人たちに役立つ情
報を提供している。今回、新しい会員たちに本誌制作に協力してもらうと
いう選択をしたが、それはフリーランス・フランス・ジャポンが、開業準備
中の人や、業種を変更中の人たちを支えることを目的のひとつに掲げてい
るからだ。 また、今回、日本語で書かれた内容をより多く盛り込んだ点もバ
ックナンバーとの違いである。 こうした進化が可能になったのもひとえに、 献身的な編集チーム、創造力に満ちた執筆陣、豊富な経験を活かし精度
の高い翻訳と校正を担当する人たちのおかげである。 しかも全員がボラン
ティアである。
こうしたアプローチによって、フランス語圏および日本で活動するフリ
ーランスや企業者たちのネットワークであるFFJ会員の専門領域の多様
性がより際立つことになればと願うとともに、読者のみなさまが、本誌の
ページをめくりながら、自身のビジネス活動のインスピレーション・ソース
や、その活動をより豊かなものにするヒントを見出だしてくださることを 期待している。
Michael Goldberg
Directeur de la publication
Traduit du français par Chie Watahiki AVERTISSEMENT Les opinions exprimées dans Éclectiques n’engagent que leurs auteurs. En aucun cas la responsabilité de la rédaction, des traducteurs ou de l’association Freelance France Japon ne saurait être mise en cause.
マイケル・ゴールドバーグ
『エクレクティック』編集主幹
訳 : 綿引千恵 【免責事項】 『エクレクティック』に掲載された記事に表明された見解は寄稿者個人のものであ り、 『エクレクティック』編集部、およびフリーランス・フランス・ジャポンの責任に帰さ れるものではありません。
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
7
Do s sier FR E E L A N C E
8
Une membre de Freelance France Japon dans ses activités quotidiennes © Sébastien Lebègue / Ikono.photo
D o ssi er FR E E L ANCE
Notre dossier, nos métiers
フリーランス
Freelance 10
FREELANCE AU JAPON -
20
ADAPTER SON ACTIVITÉ
日本におけるフリーランス
e n fo n c t io n de se s vale urs e t de s be s o in s du m arc h é , e n t re la F r an c e e t le Japo n
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REGARDS CROISÉS SUR L’ENTREPRENARIAT ê t re c h e f d’ e n t re prise pe n dan t la c rise
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APPRENDRE, la voie de la transformation 学ぶということ、変容への道
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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Do s sier FR E E L A N C E
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Conférence © Sébastien Lebègue / Ikono.photo
D o ssi er FR E E L ANCE
Freelance auJapon
日本におけるフリーランス par
ÉRIC DU P U Y
E N S E I G N A N T D E F RA N Ç A I S L A N G U E É TRA NGÈR E
エリック・デュピュイ 外国語としてのフランス語講師 T r a d u ctio n à p a r tir d u j a p o na is p a r ÉRIC DUPUY 訳 : エリック・デュピュイ
Depuis quelques années, le gouvernement japonais propose des avantages fiscaux pour faciliter l’installation d’entrepreneurs individuels. Cet article apporte des informations sur la place prise dans la société japonaise par les travailleurs indépendants, ainsi que leurs droits et leur couverture sociale. Les informations fournies dans cet article proviennent d’un avocat d’affaires, qui m’a autorisé à les publier en japonais et à les traduire en français. この情報は、 日本社会におけるフリーランサーの立場を知りたい、理解したいと望んでいる方のために、充分な関連性 を持って開示されています。前述の通り、数年後には古くて役に立たなくなってしまう情報かもしれませんが、 日本社会に おけるフリーランサーの立場が進化していくことを評価していきましょう! ここ数年、 日本政府は自営業に対して、税制や他の優遇措置を実施していますが、2020年初頭からのパンデミックの 後も、 こうした取り組みを続けてほしいと願います。
Ⅰ. フリーランスの定義
Définition de freelance Les termes « freelance », « entrepreneur individuel » ou « kojinjigyo » n’ont pas de définition juridique. Dans les Directives pour la création d’un environnement de travail sûr et sécurisé pour les freelances formulées par le Secrétariat du Cabinet (Naikaku-kambo, agence du gouvernement
japonais), le freelance est défini comme une personne indépendante ou un président qui ne dispose pas de magasin physique et n’emploie pas de salariés, et qui gagne un revenu en utilisant sa propre expérience, ses connaissances et ses compétences.
「フリーランス」は、法令上の用語ではな いため、 その定義は様々である。 内閣官房が策定した 「フリーランスとして 安心して働ける環境を整備するためのガイド ライン」 では、 「フリーランス」 とは、 「実店舗が なく、雇人もいない自営業主や一人社長であ って、自身の経験や知識、スキルを活用して 収入を得る者を指す」 と定義されている。
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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Do s sier FR E E L A N C E
La réalité des freelances En mai 2020, le Secrétariat du Cabinet a publié les résultats d’un sondage1 mené auprès de freelances. Selon ce rapport, leur nombre au Japon est estimé à 4,62 millions, dont 2,14 millions vivent uniquement des revenus gagnés en tant que freelances. À la question de la raison du choix de devenir freelance, 60 % des personnes ont répondu qu’elles voulaient avoir leur propre style de travail, et 40 % ont répondu « pour être libre du temps et du lieu de travail » (plusieurs raisons possibles). En ce qui concerne leur satisfaction, plus de 70 % des freelances se disent satisfaits des relations et de l’environnement de travail (horaires, lieux, etc.), de l’équilibre vie privée - vie professionnelle, du sentiment d’accomplissement et d’épanouissement, tandis que 40 % sont satisfaits de leur revenu. Si l’on regarde les revenus en détail, on remarque que le pourcentage de freelances par tranches de revenu annuel correspond pratiquement à celui des salariés (salarymen) pour les mêmes catégories. Quant aux revenus des ménages qui comprennent au moins un travailleur indépendant, ils suivent la même courbe que l’ensemble des salariés. 60 % des personnes interrogées ont déclaré qu’un revenu faible ou instable était un obstacle à l’installation en tant que freelance. On remarque que le pourcentage de freelances par catégorie de revenus est presque identique à celui des salariés correspondant à la même catégorie. En un mot, la tranche de revenu annuel serait quasi-similaire entre freelances et employés (Fig. 1 & Fig. 2). Le temps de travail des freelances est représenté ci-contre (Fig. 3 à Fig. 5).
1 - Enquête menée du 10 février au 6 mars 2020, dont le rapport est consultable sur le site (kantei.go.jp)
12
- Fr e e l a n c e Fr a n ce Ja pon
Fig. 1 : Tableau de comparaison selon les revenus individuels 個別収入でみるフリーランスと会社員との比較
Fig. 2 : Tableau de comparaison selon les revenus des ménages 世帯収入でみるフリーランスと会社員との比較
D o ssi er FR E E L ANCE
Ⅱ. フリーランスの実態 11%
内閣府は、 2020年2月10日から3月 6日にかけてフリーランスの実態調査を行
30%
い、その結果を同年5月に公表した。 これに
17%
よると、 日本国内におけるフリーランスの人 数は462万人であり、 このうち、 フリーラン ≤ ≥ ≥ ≥ ≥
20% 22%
29 ans 30 ans 40 ans 50 ans 60 ans
Fig. 3 : Répartition des freelances par tranche d’âge
フリーランスの年齢構成
3,2% 2,6%
スを本業としている者の数は214万人で あるとそれぞれ試算されている。 フリーランスの年齢構成は、 40代以上 のミドル・シニア層が中心で、全体の7割を 占めている。 また、 フリーランスという働き方を選択し た理由としては、 「自分の仕事のスタイルで 働きたいため」 と回答した者が6割おり、 「働 く時間や場所を自由とするため」 と回答した 者も4割いた (複数回答可能)。
11,4%
満足度に関しては、 7割以上のフリーラ
10,8%
ンスが「仕事上の人間関係」、 「就業環境(働 く時間や場所など)」、 「プライベートとの両
13,1%
19,6%
19,8% 19,4%
1 heure 1 à 2 heures 2 à 4 heures 4 à 6 heures 6 à 8 heures 8 à 10 heures 10 à 12 heures ≥ 12 heures
Fig. 4 : Heures de travail journalières 1日の就業時間
立」、 「達成感や充足感」 に満足を覚えている とする一方で、 「収入」 に満足しているフリー ランスは4割であった。 収入について詳しく見ると、主たる生計 者が本業として行うフリーランスの年収は、 200万円以上300万円未満が19%と 最も多く、次いで多いのは、 100万円以上 200万円未満、及び300万円以上400 万円未満の16%であった。 1000万円以 上の年収があるフリーランスは4%であっ た。なお、年収を100万円単位で分けた場 合における各区分に対応するフリーランス の割合は、同様の区分に対応する雇用者
17% 25%
(サラリーマン) の割合とほぼ同じであった。 つまり、各年収の層を構成する割合は、 フリ ーランスと雇用者でほぼ同じということにな
16%
14% 13%
15%
1 jour 6 à 10 jours 11 à 15 jours 16 à 20 jours 21 à 25 jours ≥ 26 jours
Fig. 5 : Nombre de jours travaillés par mois
月ごとの就業時間
る。 また、 フリーランスの世帯年収は、 300 万円以上400万円未満の世帯が16%と 最も多く、 400万円以上500万円未満の 世帯の13%、 200万円以上300万円未 満の世帯の12%がこれに次いでいる。 こう した実態を反映してか、 フリーランスとして 働く上での障壁として 「収入が少ない・安定 しない」 と回答した者が6割に及んでいた。 就 業 時 間・就 業日数 は 、さまざまであ る。1日当たりの平 均 就 業 時 間としては、
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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Do s sier FR E E L A N C E
Salaryman à Shimbashi - Tokyo © Sébastien Lebègue
1時間未満が11. 4%、 1時間以上2時間 未満が13. 1%、 2時間以上4時間未満が 19. 8%、 4時間以上6時間未満が19. 4%、 6時間以上8時間未満が19. 6%、 8時間 以上10時間未満が10. 8%、 10時間以 上12時間未満が3. 2%であった。 また、 1 月当たりの平均就業日数は、 5日以内が2 3. 5%、 6日以上10日以内が14. 3%、 1 1日以上15日以内が12. 4%、 16日以 上20日以内が15. 7%、 21日以上25日 以内が17. 6%、 26日以上が16. 4%で あった。
Ⅲ.フリーランスに対する法的 保護・法的サービス 1.労働者災害補償保険(労災保険) 労働者災害補償保険法に基づく労働者 災害補償保険(労災保険)は、業務上の事 由又は通勤による、労働者の負傷、疾病、障 害、死亡等に対して、必要な保険給付をする こと等を目的している。 労働者災害補償保険は、原則として、企 労働者災害補償保険は、労働者の保護を目
的とした制度であるから、 自ら事業主を行う 来、労働者災害補償保険の保護の対象とに ならない。 なお、国民健康保険を使って治療 等を受けることは可能である。 しかし、企 業などとの雇用 契 約はない が、業務の実態や災害の発生状況などから 見て、労働者に準じて保護することがふさわ
- Fr e e l a n c e Fr a n ce Ja pon
制度として、労働者災害補償保険の「特別 加入制度」 が設けられている。 フリーランスでも労働者と似た働き方を していると認められる場合には、 「 特別加入 制度」に加入することも可能であるが、特別 加入することができる範囲は限定されてい る。 フリーランスの行っている事業が、 自動車 による旅客・貨物運送、土木・建築等、漁業、 林業、医薬品配置販売業、再生利用廃棄物 収集運搬処理業、船員である場合に限って、
業などに雇われた者が対象である。 つまり、 フリーランスは特別加入制度に加入するこ
フリーランスなど労働者ではない者は、本
14
しい者もいる。 こうした者を保護するための
とができる。 なお、政府は、多様な働き方を推進する 一環として、労働者災害補償保険の特別加 入制度の対象範囲を拡大する方針を明示 しており、今後は、上記以外の業務を行うフ リーランスも労働者災害補償保険による保 護を受けられる場合が増えることが期待さ れる。
D o ssi er FR E E L ANCE
Protection sociale pour les freelances
opérations autres que celles énoncées cidessus puissent bénéficier d’une protection contre les accidents du travail.
1 - Assurance accidents du travail
2 - Assurance maladie nationale
L’assurance accident du travail vise à fournir les prestations d’assurance qui couvrent les blessures, les maladies, l‘incapacité, le décès, etc., survenus pour des raisons professionnelles ou pendant les déplacements quotidiens. En règle générale, l’assurance accidents du travail s’adresse aux personnes employées par des entreprises. La personne non-salariée, telle un freelance qui est travailleur indépendant, n’est pas à l’origine bénéficiaire de cette protection. Néanmoins, les freelances ont la possibilité de recevoir une compensation en utilisant l’assurance maladie nationale. Cependant, il existe des cas d’indépendants sans contrat de travail avec une entreprise, mais qui sont protégés au même titre que les salariés, compte tenu des conditions réelles de leur travail et de la survenue d’événements. Pour accompagner ces personnes, un système d’inscription spécial à l’assurance accidents du travail a été mis en place. Si un freelance est reconnu comme travaillant d’une manière similaire à celle d’un salarié, il peut adhérer à ce système, avec toutefois une portée limitée. Les indépendants ne peuvent s’inscrire au système d’inscription spécial que si leur activité concerne : • le transport de passagers ou de marchandises, • le génie civil, • la construction, la pêche, la foresterie, • le placement et la vente de produits pharmaceutiques, • la collecte et le traitement des déchets recyclés, • les ouvriers de la mer.
Au Japon, tout citoyen bénéficie d’une forme quelconque d’assurance maladie publique. Les freelances sont affiliés à l’assurance maladie nationale. Si une personne qui était salariée devient indépendante, il lui est nécessaire de résilier l’assurance maladie reconnue par son ancien employeur et de rejoindre l’assurance maladie nationale. Un étranger ayant un statut de résidence de plus de 3 mois doit adhérer obligatoirement à l’assurance maladie nationale, sauf dans les cas suivants : • Ceux qui n’ont plus d’autorisation de résidence, • Ceux qui ont un statut de résidence de séjour de courte durée, de diplomate ou d’utilisation officielle, • Ceux qui séjournent au Japon à des fins médicales et leurs accompagnateurs pour des activités spécialement désignées, • Ceux qui ont un accord de sécurité sociale avec le Japon qui comprend une assurance médicale et ont un certificat d’inscription de sécurité sociale de leur gouvernement d’origine, • Ceux qui ont une autre assurance maladie légale, • Ceux qui ont une autre assurance maladie légale en tant que personne à charge, • Ceux qui bénéficient de l’aide publique.
Dans le cadre de ses efforts visant à promouvoir diverses conditions de travail, le gouvernement a clairement énoncé sa politique d’élargissement du champ d’application du système d’inscription spécial aux assurances. On s’attend à l’avenir à ce que les freelances qui effectuent des
4 - Retraite
3 - Assurance emploi Il n’existe pas de système d’assurance publique permettant aux freelances de percevoir des indemnités de chômage.
Le système de retraite japonais est composé de trois niveaux cumulables comme suit : 1er niveau : pension nationale (pension de base pour toute personne entre
20 et 60 ans), 2e niveau : pension d’aide sociale (salariés et fonctionnaires), 3e niveau : pension d’entreprise (capital retraite d’entreprise). La pension nationale de premier niveau, appelée aussi « pension de base » est obligatoire pour toutes les personnes âgées de 20 à 60 ans vivant au Japon (article 7 de la loi nationale sur les pensions). Que vous soyez un indépendant ou un propriétaire d’entreprise unipersonnelle, un employé d’entreprise ou une femme au foyer, vous êtes tenu de vous affilier au régime national de retraite. Même les ressortissants étrangers doivent s’affilier au régime de pension nationale lorsqu’ils résident au Japon. En adhérant à la pension nationale et en payant un certain montant mensuel d’assurance, vous pouvez déclencher trois types de pensions : • la pension de base pour la vieillesse, • la pension de base pour invalidité, • la pension de réversion pour la famille endeuillée. Les cotisations versées entrent dans l’assiette d’abattement des revenus, comme la cotisation d’assurance maladie, au moment de la déclaration de revenus. En revanche, les deuxième et troisième niveaux peuvent être déductibles ou non, selon leur statut. Outre le régime de retraite national (régime de retraite de base), les salariés sont inscrits au régime de retraite des employés, auquel l’entreprise cotise. Celle-ci doit prendre à sa charge la moitié de la cotisation. Lorsque les freelances n’ont pas de contrat de travail avec une entreprise, ils ne peuvent pas adhérer à la pension d’aide sociale ni à la pension de 3e niveau.
5 - L’impôt Les revenus des freelances, en tant que revenus professionnels, sont soumis à l’impôt sur le revenu, à la taxe d’habitation et à la taxe sur les entreprises individuelles. Si le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 10 millions de yens par an, une taxe sur la consommation peut également être due.
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
15
Do s sier FR E E L A N C E
• Impôt sur le revenu L’impôt sur le revenu est un impôt national, déduit du revenu d’un freelance. Le montant de l’impôt est calculé en soustrayant les frais de tous les revenus gagnés au cours de l’année et en appliquant le taux d’imposition à la somme imposable restante. Le montant de l’impôt national est déterminé par la déclaration de revenus du contribuable à l’administration fiscale par lui-même, et ce montant d’impôt confirmé doit être payé par lui-même. C’est ce qu’on appelle le « système de déclaration de revenus ». En vertu de ce système, si la personne qui doit produire une déclaration ne l’a pas déclarée ou si elle le fait après la date limite de dépôt, une « taxe supplémentaire » ou une « pénalité » peut être imposée. Le revenu est divisé en 10 types selon sa nature, et pour chaque type, la fourchette des revenus et des dépenses applicables ainsi que la méthode de calcul sont stipulées. Le taux d’imposition augmente graduellement et proportionnellement au revenu, et les contribuables paient l’impôt équitablement en fonction de leur capacité. Le montant imposable est calculé après déduction de tous les revenus. Les déductions d’impôt sont utilisées pour ajuster la charge fiscale en tenant compte des circonstances personnelles telles que le nombre de personnes à charge. Il existe au total 15 types de déductions, comme : • les frais médicaux, • la prime d’assurance sociale, • les personnes à charge, • etc. En utilisant le « système de déclaration bleue » (青色申告), il est possible d’appliquer une déduction spéciale allant jusqu’à 650 000 yens en plus des 15 types cidessus. • Taxe d’habitation La taxe d’habitation est l’un des impôts locaux imposés par le gouvernement aux personnes physiques et morales ayant une adresse ou un bureau dans la région. La taxe d’habitation se compose d’une « taxe
16
- Fr e e l a n c e Fr a n ce Ja pon
de citoyen » et d’une « taxe métropolitaine d’habitant », chacune d’entre elles étant subdivisée en une « taxe par habitant » et un « impôt sur le revenu ». La taxe « par habitant » est payée de manière égale par tous ceux qui sont en mesure de la supporter, et la taxe « par revenu » est payée en fonction du montant du revenu de la personne. Le montant total du taux d’imposition de ces deux taxes constitue le montant de l’impôt annuel. La taxe d’habitation est calculée en fonction des revenus de l’année passée et est payable l’année en cours. Par exemple, si un contribuable ne perçoit aucun revenu pendant l’année 2020 (du 1er janvier au 31 décembre), aucune taxe d’habitation ne sera calculée pour l’année 2021. En revanche, si les revenus dépassent un certain montant au cours de l’année 2020, le contribuable sera soumis à la taxe en 2021, même sans aucun revenu au cours de l’année. • Taxe sur les entreprises individuelles Cet impôt est prélevé sur les entreprises exploitées par des personnes physiques qui sont définies par les lois fiscales locales (industries statutaires), et constitue l’un des impôts locaux. Lorsqu’elle exerce son activité, l’entreprise bénéficie de services publics tels que l’utilisation de divers équipements comme les routes, etc. La taxe individuelle sur les entreprises fait payer à l’entreprise une partie du coût de ces services publics. À l’heure actuelle (année 2021), 70 types de métiers sont rattachés aux impôts locaux, ce qui en fait la plus grande partie. Toutefois, si le travail effectué par les freelances est celui de rédacteur, d‘ingénieur système ou de programmeur, ces emplois ne faisant pas partie des 70 types de métiers concernés, cet impôt n’est pas exigible. Cependant, quelle que soit la désignation de l’activité déclarée, du fait que l’entreprise soit considérée comme contractante, la taxe sur les entreprises individuelles peut être perçue. En outre, si vous soumettez une déclaration sur le revenu au bureau des impôts, il est admis que vous avez également soumis une déclaration sur
les entreprises individuelles et il n’est pas nécessaire d’en soumettre une distincte. • Taxe sur la consommation En principe, les obligations fiscales de la taxe sur la consommation se produisent lorsque les ventes annuelles imposables dépassent dix millions de yens sur deux ans. En d’autres termes, si les ventes imposables annuelles sont égales à ce montant ou l’excèdent, une obligation de paiement d’impôt sera encourue après l’année suivante. Toutefois, les freelances qui créent leur propre entreprise sont exonérés de cette taxe pendant les deux ans qui suivent la création.
6 - Système de déclaration bleue (青色申告) Comme mentionné ci-dessus, le système de l’impôt sur le revenu repose sur une déclaration précise que le contribuable déclare conformément à la loi fiscale. Afin de calculer et de déclarer correctement le montant imposable, il est nécessaire d’enregistrer l’état des transactions quotidiennes liées aux montants des revenus et des dépenses dans les livres de comptes puis de conserver les documents et reçus en fonction de celles-ci. La feuille bleue, du nom de la couleur du formulaire, est un système qui traite avantageusement les personnes qui font des déclarations précises, basées sur la comptabilité. La comptabilité des déclarations bleues est basée sur une comptabilité officielle qui permet la création du bilan des relevés de bénéfices et de pertes, mais il est aussi bon d’avoir une comptabilité simple avec des documents tels que : • un livre de caisse, • un livre de comptes clients, • un livre de comptes fournisseurs, • un livre de dépenses, • un livre d’immobilisations. Ces livres et documents doivent être conservés pendant sept ans, mais les factures, devis, bons de livraison, factures, etc. peuvent ne l’être que pendant cinq ans.
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Photo © Pierre Boutier / Ikono.photo
2.国民健康保険
4.国民年金
医療保険に加入しなければならない(国民
て構造であるといわれている。
日本ではすべての国民がなんらかの公的
皆保険制度)。 フリーランスは、国民健康保険に加入す ることになる。会社員であった者がフリーラ
日本の年金制度は、次のとおり、 3階建 複数の年金制度を利用すれば、 それだけ支
払う保険料は大きくなるが、 その分、 将来受け 取る年金額も増えるという仕組みである。
ンスとして独立した場合には、会社で加入し
3階:企業年金
ていた健康保険を脱退し、新たに国民健康
2階:厚生年金
保険に加入する必要がある。
1階:国民年金(基礎年金)
なお、外国人であっても、 3カ月を超える 在留資格のある者は、下記の者を除き国民 健康保険へ加入しなければならない。 【国民健康保険に加入できない者】 ・在留期限が切れている者 ・在留資格が「短期滞在」、 「 外交」、 「公 用」 の者 ・ 「特定活動」の在留資格のうち医療目 的で滞在する者とその帯同者 ・日本と医療保険を含む社会保障協定 を結んでいる国の者で本国政府からの 社会保障加入の証明書がある者 ・法に基づく他の健康保険に加入してい る者 ・法に基づく他の健康保険に被扶養者と して加入している者 ・生活保護を受けている者
3.雇用保険
フリーランスには、失業の状態になった
場合に給付を受けることができる公的な保 険制度は存在しない。
1階部分に当たる国民年金は、 日本国内 に住んでいる20歳以上60歳未満の者す べてが加入を義務づけられており (国民年
含まれており、会社は、厚生年金保険料の 半額を負担しなければならない。 他方、会社との雇用契約がないフリーラ ンスは、厚生年金に加入することはできな い。
5.税金(公租公課)
フリーランスの収入は、事業所得として、
所得税や住民税の対象となるほか、売上高 が1000万円以上の場合には、消費税が 発生することもある。 前述の国民健康保険料及び国民年金保 険料以外に、 フリーランスが支払うべき税金
金法第7条)、 「 基礎年金」 とも呼ばれてい (公租公課) として考えられるものは、 所得税、
る。 フリーランス等の個人事業主でも、会社
員でも、専業主婦でも、国民年金には加入 しなければならない。外国籍の者であって も、 日本に居住するときは、国民年金に加入 しなければならない。 国民年金に加入して、毎月、一定の保険 料を支払うことで、老齢基礎年金、障害基 礎年金、遺族基礎年金の3種類の年金を受 け取ることができる。 また。支払った保険料 は、確定申告の際に 「社会保険料控除」 の対 象となり、所得控除が受けられる。 これに対して、 2階部分、 3階部分は、働 き方によって、利用できるものと利用できな いものがある。 会社員は、国民年金(基礎年金)に加え て、会社が加入する厚生年金に加入する。 厚生年金保険料には、国民年金の保険料が
住民税、 個人事業税、 消費税の4つである。 所得税
所得税は、国税のひとつであり、個人の
所得に対してかかる税金である。 1年間の 全ての所得から所得控除を差し引いた残り の課税所得に税率を適用し、税額を計算す る。国の税金は、納税者が自ら税務署へ所 得等の申告を行うことにより税額が確定し、 この確定した税額を自ら納付することにな っている。 これを 「申告納税制度」 という。申 告納税制度では、申告をしなければならな い者が申告しなかったり、申告期限を過ぎ てから申告したりすると、 「 加算税」や「延滞 税」 が課されることがある。 所得は、その性質によって10種類に分 かれ、 それぞれの所得について、収入や必要
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経費の範囲あるいは所得の計算方法など が定められている。 このうち、 フリーランスが 支払う所得税は事業所得にかかる税金で ある。なお、所得税の税率は、所得が多くな るに従って段階的に高くなり、納税者がそ の支払能力に応じて公平に税を負担する仕 組みになっている。 課税所得金額は、全ての所得から所得 控除額を差し引いて算出する。 所得控除とは、控除の対象となる扶養親 族が何人いるかなどの個人的な事情を加味 して税負担を調整するものであり、医療費 控除、社会保険料控除、配偶者控除、扶養 控除等、全部で15種類ある。 事業所得がある者は、青色申告制度を 利用することにより、上記15種類の所得控 除の他に、最大で65万円の「青色申告特 別控除」 を受けることができる。
個人事業税
個人が営む事業のうち、地方税法等で定
められた事業(法定業種) に対してかかる税 金であり、地方税のひとつである。事業を行 う場合には、道路など各種の公共施設を利
住民税は、地方税のひとつであり、地方
公共団体がその区域内に住所、事務所を 持つ個人、法人に対して課す税金である。 住民税は「市民税」 と 「都民税」から構成さ れ、それぞれがさらに 「均等割」 と 「所得割」 に区分される。 「 均等割」は税金を負担する 能力のある全ての者が均等の税額を納める ものであり、 「 所得割」はその者の所得金額 に応じて納めるものである。均等割と所得 割を合わせた金額が1年間に納める年税額 である。
個人事業税は、 こうした公共サービスの経
例えば、 2020年中(1月1日から同年 12月31日)に収入(所得)がない場合は、 2021年度の住民税はかからない。逆に、 2020年中に収入(所得)が一定額以上あ れば、 2021中に収入がなくても2021 年度の住民税は課税される。 なお、住民税は所得税の確定申告書を 基に計 算されるため、住 民 税の確 定申告 は、原則として不要である。
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法に従って所得金額と税額を正しく計算し 納税するという申告納税制度を採っている。 所得金額を正しく計算し、申告するため
取引の状況を帳簿に記載し、取引に伴い作
費の一部を事業者に負担させるものである。 成した書類や受け取った書類を保存してお 現在、法定業種は70の業種があり、ほ
とんどの事業がこの70種類のいずれかに 該当する。 フリーランスが行う業務が、 ライ ターの業務、 システムエンジニアの業務、 プ ログラマーの業務である場合、 これらの業 務は法定業種に該当しないため個人事業 税は課税されない。 ただし、呼称にかかわら ず、業務の実態に則して判断されるため、業 務内容によっては請負業と判断され、個人 事業税が課税される場合もある。 提出すれば、個人事業税の申告書も提出し たとみなされ、個人事業税の申告書を別に 提出する必要はない。 消費税
消費税の納税義務は、原則として2年前
の年間の課税売上高が1000万円を超え る場合に発生する。すなわち、年間の課税
く必要がある。一定の水準の記帳を行い、 そ の記帳に基づいて正しい申告をする者を有 利に取り扱う制度が青色申告制度である。 青色申告という名称は、申告書の色が青色 であることによる。 青色申告の記帳は、貸借対照表と損益 計算書を作成することができるような正規 の簿記によることが原則であるが、現金出 納帳、売掛帳、買掛帳、経費帳、固定資産台 帳のような帳簿を備え付けて簡易な記帳 をするだけでも良いとされている。 これらの 帳簿及び書類は、原則として7年間保存し なければならないが、請求書、見積書、納品 書、送り状などは5年間の保存でも良いとさ れている。 青色申告には、次のような特典がある。 ① 青色申告特別控除 不動産所得又は事業所得が業を営んで いる青色申告者で、 これらの所得に係る取
売上高が1000万円以上になった場合、 引を複式簿記により記帳し、その記帳に基
その2年後(翌々年)から消費税の納税義 務が発生する。 ただし、個人事業主として開
業したフリーランスの場合は、基本的に開
住民税は前年の所得に応じて算出され、 業後2年間は消費税の納税義務が免除さ
翌年度に課税される。
前述のとおり、所得税は、納税者が自ら税
用するなどの公共サービスを受けているが、 には、収入金額や必要経費に関する日々の
なお、所得税の確定申告書を税務署に
住民税
6.青色申告制度
れる。
づいて作成した貸借対照表及び損益計算 書を確定申告書に添付して法定申告期限 内に提出している場合には、原則として最高 65万円が控除される。 ② 青色事業専従者給与 青色申告者と同一の生計にある配偶者、
この記事に記載されている統計データや
その他の親族のうち、年齢が15歳以上で、
数字は、2021年初めにインターネットで
その青色申告者の事業に専ら従事している
収集した内容に基づいています。内閣官房
者に支払った給与は、 事前に提出された届出
より発表された日本の成長戦略に関する
書に記載された金額の範囲内で、専従者の
ものです。
労務の対価として適正な金額であれば、 必要
https://www.kantei.go.jp/jp/ singi/keizaisaisei/miraitoshikaigi/ suishinkaigo2018/koyou/report.pdf
経費に算入することができる。 ただし、 青色事 業専従者として給与の支払を受ける人は、控 除対象配偶者や扶養親族にはなれない。
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Éric Dupuy lors de la conférence sur les visas organisée par Freelance France Japon, avec l’invité M. Niitsu, conseiller juridique - 2016 © Sébastien Lebègue / Ikono.photo
Les déclarations bleues permettent les avantages suivants : 1 - Déduction spéciale Un déclarant de l’impôt « bleu », qui soumet un bilan et un compte de pertes et profits préparé sur une base comptable avant la date d’échéance légale, a le droit de déduire jusqu’à 650 000 yens, s’il fait sa déclaration sur Internet ou 550 000 yens s’il l’adresse par courrier.
2 - Salaire des employés à temps plein Le salaire versé à un conjoint ou à un autre membre de sa famille de plus de 15 ans qui a la même source de gain que le déclarant et qui est exclusivement engagé dans la même entreprise peut être inclus dans les dépenses déductibles. La déduction pour personne à charge ne peut pas s’appliquer si le salaire versé entre dans les charges déductibles.
Les statistiques et chiffres présentés dans cet article proviennent d’un site Internet consulté en début d’année 2021. La référence fut donnée par le Secrétariat du cabinet général de la revitalisation économique du Japon : https://www.kantei.go.jp/jp/ singi/keizaisaisei/miraitoshikaigi/ suishinkaigo2018/koyou/report.pdf
Éric Dupuy Établi au Japon depuis décembre 1997. Il a travaillé dans un atelier de création d’objets d’art et dans des écoles de langues pour enfin se perfectionner dans l’apprentissage du « silent way », un enseignement par les couleurs pour éveiller les prises de conscience. Il a ouvert une école de français ainsi qu’un espace de location pour des événements et des expositions à Tokyo. エリック・デュピュイ
1997年12月より日本在住。工芸品創作ワークショップや語学学校での勤務経験を通して、意識に訴える色彩の働きを利用した外国語習得法「サイレント・
ウェイ」 を会得するに至る。
現在、東京都内でフランス語学校を運営すると同時に、 イベントやエキシビションのためのレンタルスペースを提供している。
École de français フランス語学校 : https://espaceagogo.com/ Espace de location レンタルスペース : https://atelier-haco.com/
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Adapter son activité
en fonction de ses valeurs et des besoins du marché, entre la France et le Japon par
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ヒューゴ・ブリオネ クリエイティブ・デザイナー À son compte depuis trois ans, Hugo a déjà réalisé plusieurs projets en France et au Japon pour des clients français. Il nous transmet quelques clés qui lui ont permis de construire et maintenir son activité de freelance, avec comme principe fondateur l’expérience utilisateur.
Convertir ses différences en force La période d’apprentissage scolaire, jusqu’à la fin de mes études en France, s’est avérée difficile et peu glorieuse. L’enseignement ne me convenait pas et m’ennuyait : je suis finalement resté tout au long de ma scolarité un élève très moyen et peu motivé. Heureusement, pendant mes années de lycée, l’immense étendue d’Internet a commencé à m’intéresser et les quelques expériences d’observation en milieu professionnel m’ont permis de faire preuve de détermination et de me fixer des objectifs : me former sur Photoshop et apprendre les langages HTML et CSS pour réaliser mon premier site Internet. J’ai passé une grande partie de mon temps à apprendre les techniques de
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développement Web sur le site du zéro 1 et à créer des sites Internet principalement axés sur le thème des jeux vidéo et de la culture hip-hop. Depuis, le site du zéro a évolué pour devenir OpenClassrooms et propose désormais à des étudiants un accompagnement par des professionnels. Cette nouvelle façon d’enseigner permet aux élèves d’apprendre en autonomie tout en restant encadrés par un spécialiste qui leur apporte l’expérience du métier et les recommandations sur son travail. J’ai souhaité m’impliquer dans cette société et l’ai rejointe en tant que mentor depuis quelques années. Ma mission est d’accompagner mes élèves au cours de leur formation à l’UX design et au développement Web. Je peux leur apporter un soutien et des conseils, cette
assistance qui m’avait tellement manqué à mes débuts ! « C’est en faisant des erreurs que l’on grandit. Il faut accepter d’être médiocre afin de devenir bon. » – Paula Scher Le plus pour le client : L’implication dans une formation permet de renforcer ses compétences pédagogiques et de maintenir un niveau de connaissances toujours à la pointe des nouveautés. 1 - Créé par Mathieu Nebra en 1999, le site du zéro proposait des cours d’informatique sous forme de tutoriels gratuits, partagés entre formateurs informaticiens et utilisateurs qui souhaitent apprendre à coder. Il est devenu OpenClassrooms en 2013, s’est professionnalisé et propose maintenant des formations payantes diplômantes.
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Livre Les Marques positives, LAVILLE Elisabeth, Pearson France, 2019. Direction artistique et maquettage par Hugo Brionne
Mettre l’expérience de l’utilisateur au cœur des projets Une de mes sources d’inspiration a été mon environnement familial. Des profils et expériences très diversifiés qui m’ont poussé à lancer mon activité. Entrepreneur informaticien passionné, designer à succès, psychologue et même chef d’entreprise, ils ont tous contribué à forger mes convictions. J’ai ainsi développé ma curiosité et je suis devenu polyvalent. L’importance du design d’expérience permet d’influencer et de convaincre les utilisateurs : ma vision sur le fonctionnement de notre environnement s’est affutée pour proposer des solutions qui répondent à un besoin. Finalement, je suis devenu capable de gérer un projet dans sa globalité, tout en m’adaptant en permanence. Cette polyvalence est devenue ma force. J’ai construit mon activité sur ce
modèle, en remarquant que la plupart des clients avec qui je travaillais étaient perdus entre les différents profils et compétences nécessaires pour créer un site Web. En particulier, plusieurs d’entre eux ignoraient la différence entre un développeur Web et un Web designer. En positionnant le design et le parcours utilisateur au cœur du projet, j’ai proposé une méthode qui garantissait la réussite du projet conformément à ses objectifs. Cette connaissance de toutes les phases s’est transformée en un véritable atout et une compétence valable sur le marché. Je suis resté marqué par Steve Jobs lors d’une conférence, qui a dit : «You’ve got to start with the customer experience and work backwards to the technology 2 ». C’est ainsi que je suis devenu UX Designer.
Le plus pour le client : L’approche à travers l’UX et la maîtrise de toutes les phases d’un projet de création ou d’audit de site Web incluent l’expérience utilisateur dès le cadrage et permettent aux clients de mieux comprendre les enjeux, les objectifs et la perception du produit.
Qu’est-ce qu’un UX Designer ? L’UX Designer est un professionnel qui gère l’ensemble des outils permettant de rendre une interface, un produit ou un service intuitif, facile d’utilisation, rapide, agréable, pratique, utile, fiable, accessible, etc. À travers l’animation d’ateliers de co-conception, il peut également collecter la vision, les opinions, questions et requêtes des utilisateurs, pour optimiser les choix de conception. 2 - Litt. « Vous devez définir dans un premier temps l’expérience client à créer et ensuite travailler sur la technologie ».
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Donner du sens à son activité professionnelle en appliquant ses valeurs Sensible au développement durable et à l’impact de notre quotidien sur notre planète depuis plusieurs années, j’ai commencé à me questionner sur ma contribution et sur ma place dans ce mouvement, inspiré par des proches et des personnes de mon réseau. Il y a tout juste deux ans, j’ai pu saisir des opportunités pour m’impliquer dans des projets portant sur le développement durable. Les Marques positives3, une étude de cas passionnante sur l’impact des plus grandes marques mondiales à travers le prisme d’une dizaine d’enjeux sociétaux et qui présente une panoplie d’outils pratiques, a contribué à renforcer mes convictions. La direction artistique et la mise en page que l’on m’a confiées m’ont permis d’explorer en profondeur les possibilités graphiques et de donner libre cours à ma créativité. Le plus pour le client : Le brief avec le client est le moment où la confiance s’installe, à partir duquel une planche de tendance (moodboard ) est réalisée. Il s’agit d’une composition qui présente les prémices de plusieurs inspirations et pistes graphiques possibles. Les compétences en design et l’écoute du
3 - LAVILLE Elisabeth, Les Marques positives, Pearson France, 2019.
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client permettent de le conforter dans la direction que prend le projet. « Ce livre est d’une rare élégance. Le design est impressionnant et les exemples sont bien choisis. Malgré son prix un peu élevé, je recommande ! » Pascal. P, client sur Amazon France le 18 février 2020. Plus orientée vers la proposition de solutions digitales, key4events4 est une entreprise française du domaine de l’événementiel, avec qui je collabore depuis mon arrivée au Japon. La pandémie a été l’occasion de mettre en avant la capacité de cette société à gérer des événements en ligne. Le premier projet qui m’a été confié est la conception et le développement de son site Internet vitrine. L’objectif était de promouvoir ses services et son expertise à travers un nouveau design reflétant les valeurs innovantes de l’entreprise, le tout administrable depuis un CMS (Content Management System, ou système de gestion de contenu) et mettre en place un blog. Une fois en ligne, la qualité du site Web a été confirmée par des tests utilisateurs et un audit réalisés quelques mois plus tard. Le parcours utilisateur et le design ont été affinés de façon à totalement répondre aux objectifs du site et corriger les quelques biais cognitifs rencontrés lors de la navigation.
4 - https://key4.events/
Le plus pour le client : Grâce à une implication dans le projet depuis l’amont jusqu’à la phase finale y compris la maintenance, les échanges sont simplifiés et une relation directe privilégiée s’installe entre le client et le prestataire. L’expérience utilisateur constitue la validation de la qualité et de la réussite du projet. Depuis, key4events a mis en place une RSE (responsabilité sociétale d’entreprise) et a lancé une solution hybride innovante qui permet à ses clients de faire face aux problématiques liées au Covid. Mon conseil concernant le matériel et son impact sur l’environnement l’a orientée vers un choix de datacenter alimenté à 100 % par les énergies renouvelables. Je contribue à la mise en œuvre de sa politique de développement durable tout en étant fidèle à mes principes. Cette confiance gagnée ouvre sur d’autres projets, Web et graphiques (site Internet, charte de documents internes, support de présentation, infographies, etc.) Le plus pour le client : Le conseiller suivant ses attentes et conformément à ses valeurs permet de lui proposer des solutions techniques innovantes tout en diminuant son impact environnemental.
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Essayer, c’est une façon d’être agile Le Japon a éveillé ma curiosité lorsque j’ai commencé à acheter mes premiers vinyles, en découvrant des labels de musique japonais, comme Jazzy Sport5. La différence culturelle, les paysages, la fascination pour les kanas et les kanjis ont suffi à me décider à entreprendre un premier voyage de trois mois. Mais la découverte de l’archipel a dû être compatible avec la gestion de deux projets importants pour des clients français. C’était l’occasion pour moi de tester la prestation à distance. Le décalage horaire s’est avéré être un atout : j’ai pu adapter mon rythme de travail pour laisser les clients proposer leurs retours au moment où cela les arrangeait le plus. J’ai adopté une gestion du travail agile, qui a été finalement bien perçue par mes interlocuteurs. Après un bref retour en France, ma situation s’est stabilisée au Japon et je continue à travailler pour une clientèle française. L’obtention de nouveaux contrats est possible grâce à des recommandations de clients français. Mon objectif désormais : continuer à étendre mes relations au pays du SoleilLevant ! Captures d’écran du site key4events Conception graphique, développement Web et audit UX par Hugo Brionne 5 - Jazzy Sport, c’est aussi un disquaire qui a ouvert un café à Kyoto.
Hugo Brionne Indépendant depuis 2017 sous le nom de Yo_Studio, sa mission est de conseiller, accompagner et concevoir des solutions graphiques et digitales pour répondre au mieux aux besoins de ses clients. Sa polyvalence et curiosité lui permettent d’agir sur de nombreux terrains comme l’UX Design, l’intégration de sites Web, la direction artistique ou encore la photographie. ヒューゴ・ブリオネ
2017年来、Yo_Studioという名でフリーのデザイナーとして活動。クライアントのニーズに最適なグラフィック&デジタル・ソリューションの
デザイン設計をめざし、 アドバイスやサポートを行うのを使命としている。 マルチな才能と好奇心を活かし、UXデザイン、 ウェブサイト統合、 アート ディレクション、 さらには写真など様々な領域で活動中。
Contact : hugobrionne@yostudio.org LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/hugo-brionne-5346673a/ Site Internet : https://yostudio.org Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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Visioconférence - Éric Dupuy en grand sur l’écran © Sébastien Lebègue / Ikono.photo
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Regards croisés sur l’entreprenariat être chef d’entreprise pendant la crise E n t r e tie n me né e t r e cu e illi p a r
PHÉB É LE RO Y E R
JOU RN A L I S TE I N D É P E N D A N TE
フェベ・レロウイエ フリージャーナリスト Créer son entreprise, cela a de quoi faire rêver. Si au Japon, les démarches sont assez simples, faire prospérer son affaire peut apporter son lot de difficultés. Surtout en pleine pandémie, lorsque la situation conduit à redéfinir l’entreprenariat.
Pour beaucoup, monter son activité est synonyme de liberté. Pour l’autonomie de décision, le sens de l’innovation, le droit à l’opportunité, ils sont nombreux à vouloir devenir leur propre patron et gagner en confort professionnel. Notamment au Japon, où les heures supplémentaires et la mentalité de groupe peuvent parfois dérouter les salariés étrangers. Chez FFJ, Nathalie, Éric et Hugues ont fait de ce rêve une réalité. Alors que la pandémie du Covid-19 impacte de nombreuses entreprises à travers le globe, redéfinissant quelquefois les chemins de vie, ces trois entrepreneurs nous présentent leurs parcours et leurs visions du métier lors d’un entretien croisé.
Nom de code : entrepreneur Rien ne prédestinait Nathalie à devenir chef d’entreprise. Alors salariée dans une école de langue, cette mère de famille perd son emploi du jour au lendemain, lorsque l’établissement met la clé sous la porte. « On s’est retrouvés indépendants contre
notre volonté, confie-t-elle. Mon mari était musicien et traversait une mauvaise passe ; moi, je venais de me faire licencier. J’ai touché un héritage et on s’est dit qu’on allait investir dans quelque chose ». Désormais, c’est avec le sourire et la bonne humeur qu’elle tient le café Mimi à Kichijoji, où elle donne parallèlement quelques leçons de français. Également professeur, Éric s’est installé au Japon il y a plus de 20 ans. Responsable de l’Atelier Haco à Nishi-Ogikubo, il donne des cours dans une partie de cet espace qu’il loue pour des évènements. Une activité qu’il exerce en toute autonomie, lui pour qui l’indépendance était une évidence. « J’étais déjà travailleur indépendant en France, depuis l’âge de 25 ans, raconte-t-il. En entreprise, j’avais du mal à accepter ce qu’on me demandait de faire quand je trouvais que ce n’était pas justifié (rires) ». Comme Éric, c’est ce désir de liberté – et un profond intérêt pour la prise d’initiatives – qui a poussé Hugues à
continuer sa carrière en solo. « Plus que l’indépendance, j’ai toujours été intéressé par l’entreprenariat. Je me suis toujours dit que je monterais mon propre business un jour ou l’autre ». Alors salarié chez Yahoo Japan, le jeune homme décide de voler de ses propres ailes en 2015. Il est aujourd’hui directeur de la marque d’huiles essentielles Lémur, et jongle entre son commerce en ligne et son activité de consultant en management et stratégie d’entreprise. Malgré leurs parcours différents, nos invités sont tous les trois entrepreneurs. Un statut dont il est difficile de tracer les contours, puisque les définitions fusent et ne se ressemblent pas. Si pour certains il suffit de démarrer une activité en indépendant pour se proclamer chef d’entreprise, pour nos membres la réalité serait plus complexe. Et la limite entre freelance et entreprenariat étant assez floue au Japon, il est primordial de se positionner avant de débuter son projet.
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« Il faut faire la différence entre un freelance et un entrepreneur », confie Nathalie. Pour cette dernière, l’entreprise existerait par sa forme physique. Elle s’apparenterait à « une mise en valeur de services dans un espace », par opposition aux services proposés par les prestataires indépendants qui ne disposeraient pas de local. Mais alors comment qualifier les commerçants à la tête des sites de vente en ligne ? Selon Hugues, c’est la dynamique organisationnelle qui changerait la donne. « Dans l’entreprenariat, il y a quelque chose de structurel et d’organisationnel. On a une structure physique ou non, qui peut évoluer pour répondre aux besoins de la clientèle. Ce qu’on n’a pas en tant que freelance. [...] Si tout ce que tu vends, c’est toi et ton service sans pouvoir l’agrandir ou l’adapter, ce n’est pas de l’entreprenariat ». Avec la possibilité d’embaucher et d’investir, l’entreprenariat se traduirait par toute une gamme d’actions et de décisions propres au chef d’entreprise. Une idée qu’on retrouve également chez Éric, pour qui le rapport intrinsèque entre l’entrepreneur et son activité est à la base de la définition. « Pour moi, l’entreprenariat, c’est avant tout la relation entre moi – en tant que personne – et ce que je fais. Je suis travailleur indépendant, mais j’ai un espace dans lequel j’offre une prestation qui est à la fois la mienne et celle de l’espace ».
jouera au moment de la déposition des statuts, quand il faut choisir entre celui de travailleur indépendant (jigyōka) et celui d’entrepreneur (kabushikigaisha). « Créer son entreprise au Japon, c’est très simple », explique Éric, qui s’est tourné vers le statut de travailleur indépendant. « Avec ce statut, il suffit de déclarer ses taxes en indépendant pour être considéré comme chef d’entreprise ». « Administrativement, c’est très facile », confirme Nathalie qui a également opté pour le statut de jigyōka. Pour ouvrir son café, Nathalie a seulement dû participer à un stage complémentaire organisé par les services d’hygiène. Une bagatelle, qui n’a pas pris plus d’une journée. « Mon mari a passé une journée de formation. On nous a tamponné un papier, et c’était fini. [...] Au Japon, on peut vraiment devenir indépendant du jour au lendemain ! » Si le statut de travailleur autonome est plébiscité pour sa simplicité, il a tout de même ses limites. « À partir du moment où on fait un gros chiffre d’affaires ou qu’on possède des actionnaires, il faut passer au statut de kabushikigaisha pour s’assurer », rappelle Éric. C’est la solution qu’a alors choisie
Hugues. Voulant revendre des parts de son entreprise, le directeur de Lémur a très rapidement revêtu le statut d’entrepreneur. Et là encore, les démarches étaient relativement simples. « Pour passer en kabushikigaisha, il faut définir ses statuts et ses objectifs. Il faut aussi rassembler un capital de départ et en prouver l’origine », explique-t-il. « Il y a beaucoup de papiers à faire, mais en passant par un notaire, ça ne prend que deux semaines ». Pour lui, cette facilité administrative serait une conséquence directe de la mentalité entrepreneuriale japonaise. Un état d’esprit privilégiant les compétences de chacun, et donnant à tous les mêmes chances de réussite. « Le Japon est une terre d’opportunités pour les entrepreneurs. Il y a plein de choses à faire. [...] La société japonaise a aussi moins de préjugés quand il s’agit de créer son entreprise. On peut ne pas sortir d’une grande école et réussir quand même à monter son projet. [...] On laisse sa chance à tout le monde ». La plus grande difficulté, au final ? Trouver un local pour s’installer. « Pour nous, il fallait s’assurer qu’on puisse cuisiner dedans par exemple », confie
Si la pluralité des définitions peut faire sourire, elle n’est pourtant pas anodine. Et quand vient le moment de créer son affaire, la juridiction japonaise offre plusieurs statuts juridiques.
Monter son entreprise au Japon : un jeu d’enfant ? Contrairement à la France, où les démarches administratives relèvent parfois du parcours du combattant, devenir créateur d’entreprise sur l’archipel est assez simple. Tout se
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Visioconférence - Nathalie Oshima en grand sur l’écran © Sébastien Lebègue / Ikono.photo
D o ssi er FR E E L ANCE
Nathalie. Au Japon, les agences immobilières ont en effet le droit de limiter les activités des propriétés qu’elles louent. Ces dernières seront alors soumises à de nombreuses assurances, souvent coûteuses, pour lesquelles un garant japonais sera demandé. « En tant qu’étranger, l’une des difficultés principales sera de trouver un sponsor qui assurera nos arrières », ajoute Éric. « Le conjoint par exemple ne peut pas se porter garant. Il faut donc connaître des gens dès le départ ». C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont poussé Hugues à se tourner vers le partage de bureaux. « Le share-office permet d’avoir une activité commerciale et des locaux quand on en a besoin à un prix raisonnable », explique l’entrepreneur. Pour Hugues, qui est enregistré en tant que kabushikigaisha, ce sont les justificatifs du capital de départ qui ont constitué la principale source de difficultés. « Dans la loi relative aux kabushikigaisha, il faut seulement 1 yen de capital pour ouvrir son business. Mais il faut aussi payer plus de 50 000 yens de taxes pour y être éligible ». Contrairement à ce qui se lit sur la Toile, la création d’une entreprise en tant qu’entrepreneur ne nécessite pas 5 millions de yens. Visa et statut sont deux choses différentes, comme le rappelle le jeune homme. « Les informations qui courent (N.D.L.R. : sur les 5 millions de yens), c’est pour avoir un visa d’entrepreneur. Pour ce visa-ci, effectivement, il faut posséder 5 millions de yens de capital ou embaucher 3 employés à temps plein. [...] Créer son entreprise, ça ne concerne pas l’immigration », précise-t-il. « Quand on crée une entreprise, on ne va pas vous demander votre type de visa. Là où ça va coincer, c’est au moment où on va vous demander votre activité pour rester sur le territoire. Si vous dites que vous êtes entrepreneur, mais que vous n’avez pas de visa vous permettant d’avoir une activité entrepreneuriale, là, il y aura un problème ». Les visas qui vous permettront donc de rester sur l’archipel pour diriger votre affaire ? Le visa d’entrepreneur ou
Visioconférence - Phébé Leroyer © Sébastien Lebègue / Ikono.photo
le visa permanent qu’Hugues et Nathalie possèdent. « Monter son entreprise au Japon, ce n’est donc pas difficile, conclut Éric. La véritable difficulté, c’est de faire évoluer son activité par la suite ! » Et en période de pandémie mondiale, le challenge peut être ardu.
L’art de rebondir pendant la crise : le vrai défi d’un entrepreneur Comme de nombreux chefs d’entreprise à travers le monde, Éric et Nathalie ont été touchés par la pandémie. « Pour Nathalie et moi, qui travaillons avec une clientèle locale, il est évident qu’on a été impactés ! » Impossibilité de donner des cours en face à face, restriction d’horaires d’ouverture et couvre-feux à répétition imposés par la gouverneure de Tokyo ont limité les activités de nos entrepreneurs. « En tant que café-restaurant, on a été impacté, confirme Nathalie. Comme nous n’ouvrons pas le soir, nous n’étions pas concernés par les restrictions demandées par le gouvernement. Cela dit, j’ai perdu quelques étudiants. Et je n’ai pas pu passer à la vidéoconférence, comme j’étais au café ».
Face à ces difficultés, nos membres ont alors dû trouver des solutions pour rebondir. « On a été obligé de s’adapter, poursuit Éric. Moi, j’ai donné quelques leçons en téléconférence. Ça m’a aussi permis de toucher un public qui ne voulait pas forcément venir sur place, mais qui était intéressé par les cours en ligne ». « De notre côté, nous avons développé la vente à emporter, explique la propriétaire du café Mimi. Et nous avons bénéficié de subventions ». Pour aider les commerces qui ont souffert de l’état d’urgence, des subventions jusqu’à 1 million de yens ont été allouées aux entreprises, sous réserve de justifier une diminution de 50 % de leurs revenus sur l’année. « Il suffisait de prouver cette baisse sur trois mois, précise Nathalie. Avec mon mari, on en a donc profité pour fermer deux semaines, car c’était la seule aide à laquelle on avait droit ». En parallèle, nos entrepreneurs ont mis un point d’honneur à respecter les mesures de sécurité promulguées par les instances gouvernementales. Un préalable pour fidéliser une clientèle réticente aux sorties. « J’ai montré que je faisais attention, témoigne Éric. D’ordinaire, on accepte des événements qui peuvent regrouper jusqu’à 30 personnes dans la salle. Mais là, on a divisé par deux, voire
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par trois, notre capacité d’accueil. On s’est arrangé par exemple avec un artiste régulier pour qu’il fasse deux spectacles en comité réduit au lieu d’un ». « C’est important de montrer aux clients qu’on peut nous faire confiance, renchérit Nathalie. Par exemple, quand le gouvernement a commencé à dire que les masques en tissu n’étaient pas bons, nous sommes passés aux masques en papier. Ce ne sont que des petites choses, mais c’est important ». Et la recette semble fonctionner, puisque le café Mimi a continué de recevoir ses habitués lors du premier état d’urgence. « On a des clients qui sont venus nous acheter quelque chose tous les jours pour nous soutenir. On a aussi un groupe d’étudiants qui s’est cotisé pour nous donner 50 000 yens alors qu’on n’avait rien demandé. [...] Si les gens ont confiance, ils soutiennent ». De son côté, Hugues n’a pas souffert de la pandémie. Bien au contraire, son
chiffre d’affaires en a même bénéficié. « Je suis dans une position privilégiée, car le coronavirus m’a apporté beaucoup plus de clients, que ce soit au niveau des huiles essentielles comme au niveau du consulting, puisqu’à ce moment-là je travaillais avec une entreprise de TI (Technologies de l’Information) qui se concentrait sur le télétravail ». Riche de cette expérience, le jeune homme a alors décidé de recentrer son activité. « La pandémie m’a fait réfléchir [...]. Le fait de développer me paraît aujourd’hui plus intéressant. À défaut de garder ma liberté, je préfère développer des choses plus grandes, plus fortes ». C’est pourquoi il revend Lémur, pour devenir co-gérant de l’entreprise qui l’employait comme consultant l’année passée. « C’est aussi ça, l’entreprenariat, souligne le propriétaire de l’Atelier Haco. On peut s’adapter et se réorienter quand on le souhaite ».
Finalement, cette capacité de rebond ne serait-elle pas ce qui définirait le mieux le chef d’entreprise ? « L’entreprenariat, c’est un état d’esprit, conclut Hugues. Beaucoup de gens se plaignent qu’ils n’ont pas de garant, pas de fonds, mais le problème, ce n’est pas un problème d’entrepreneur. C’est un problème de personnalité ». Savoir prendre des risques et anticiper, bifurquer si besoin et accepter l’échec : la pérennité d’une entreprise suppose aussi une philosophie de l’être. Notamment en période de pandémie, quand le plan de départ n’a pas fonctionné comme prévu. « Il faut trouver l’équilibre entre sa fierté et l’humilité, conseille notre entrepreneur. Il faut avoir l’humilité, pendant une crise, de se dire que ce qu’on sait faire ne sert plus à rien, et qu’il va falloir repartir de zéro ».
INTERVIEW MENÉE PAR : • Phébé Leroyer フェベ・レロウイエ Biographie en page 123 & portrait en page 136 INTERVENANTS : • Éric Dupuy エリック・デュピュイ Biographie en page 19 • Nathalie Oshima ナタリー・大島 Professeur de français, restauratrice. フランス語講師・飲食店経営 https://tabelog.com/en/tokyo/A1320/A132001/13136050/ • Hugues Stillebacher ユーグ・スティレバシェール Consultant indépendant. フリーコンサルタント https://lemur.co.jp Contact : hugues@fortes-soli.com
Visioconférence - Hugues Stillebacher en grand sur l’écran © Sébastien Lebègue / Ikono.photo 28
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Do s sier FR E E L A N C E
Apprendre, la voie de la transformation
学ぶということ、変容への道 par
CHIE W A T A HI KI
T RAD UC T RIC E – INT E RP RÈ TE – E N S E I G N A N TE – H Y P N OTH É RA P E U TE
綿引 千恵 翻訳・通訳・講師・ヒプノセラピスト
http://www.photorigami.fr/exemple-origami-papillon
2020年、世界が大きく動いた。誰もが一
先には、変貌が起こり美しい姿を得られる。
斉にこれまでを振り返り、 これから進む道を 模索しただろう。私もまた然り。そして、その 間よく耳にしていたのは「変容」 という言葉 だった。
再び適応することが難しくなることがある。 日本社会の規定通り、学歴が高いこと、大
日仏を何度か行き来し、オーストラリア
企業で正社員として働くこと、意見を言わず
でも1年間生活し、スペイン語も勉強した。 集団に同調すること...... それで、 自分に誠 様々な国籍の人たちと出逢い、新たな経験
実でいられるのだろうか?
を重ねるたびに、私には変容が起こっていっ 変容は、蝶のサナギに例えられる。幼虫
た。20歳以降、私という人間はとにかく進化
からあの美しい羽をつける姿に生まれ変わ
している。フランスで生活することは、日本
外国語を学ばないこと、外国人に日本語を
るため、 サナギはその中でドロドロの状態に
人として、 アジア人として、外国人として、す
話すように求めること...... それで、世界を
なるという。時期がくれば、否応なしにそれ
べてが順風だったわけではない。疎外感を
語れるのだろうか?
まで持っていた姿をなくさなければならな
抱くこともあった。それでも、自分の言葉で
サナギ状態になってみたものの、悶々とし
い。 しかし、一度失うからこそ蝶の美しい姿
きちんと意見すること、 日本や他国を新たな
てドロドロの状態から出られず、蝶になれな
が誕生するというのは、真に自然の神秘だ
視点で見つめること、特に、人生を楽しむこ
いかもしれないという恐怖を何度も体験し
と思う。
と等、人生において大切なことをたくさん学
た。
就職浪人しないために留学しないこと、
ばせてもらった。 人はどのようにして変容するのだろうか。
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そのうち、 さらに進化する機会が訪れた。
偶然の何かをきっかけに自分がすっかり変
日本人の振る舞いは異なる。 日本への帰
語学に加えて、ヒプノセラピーを勉強した
わってしまうような現象は、日常でもよく起
国後は、家族や職場、社会からは日本人らし
のだ。年齢に関係なく、自分を成長させ、理
こる。私の人生の最大の転機は、 フランスで
くあることを求められ、私に重くのしかかっ
想を描くことが可能だとわかった。外国語、
生活したことだった。大きくなって学ぶとい
てきた。 自分の一部を抹消しなくてはいけな
コミュニケーション、他者に対してできるこ
うことは、色々なものを引き換えにする。何
いかのようだった。外国での生活を経験し
と...... すべてが交差する。学びと変容を繰
よりも精神的な葛藤に対しての努力が必要
た人ならわかるだろうが、一度海外に出る
り返して、私はどんどん進化していく。
となる。それでも、困難に耐え、成し遂げた
と母国であっても、大好きな国であっても、
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D o ssi er FR E E L ANCE
En 2020, le monde a changé. Chacun a fait le point sur sa vie d’avant et a réfléchi à son avenir, moi y compris. Une année pendant laquelle j’ai beaucoup entendu parler de transformation. Cette transition, c’est celle d’un papillon qui mue. Pour que la larve devienne cet être aux ailes délicates, la chrysalide se transforme d’abord en petit insecte visqueux. Une fois le moment venu, cette enveloppe doit inévitablement perdre sa forme initiale. Cependant, grâce à cet abandon, un magnifique papillon vient au monde – selon moi, un véritable mystère de la nature. Comment les hommes se transformentils eux aussi ? Les hasards de la vie quotidienne provoquent souvent des métamorphoses. Ma vie a pris un nouveau tournant grâce à mon séjour en France. Une expérience formidable à un moment où les portes des langues étrangères se sont ouvertes à moi. À l’âge d’adulte, l’apprentissage requiert un investissement et de gros efforts. C’est un combat mental avec soi-même. Les résultats sont laborieux, mais la persévérance est la clé de cette évolution qui nous embellit.
J’ai fait des allers-retours entre le Japon et la France, vécu pendant un an en Australie puis appris l’espagnol. Toutes ces nouvelles expériences, riches de rencontres avec des personnes de nationalités différentes ont contribué à mon adaptation. Depuis l’âge de 20 ans, ma personnalité continue d’évoluer. Vivre à l’étranger en tant que Japonaise et Asiatique, ou tout simplement étrangère, n’a pas été de tout repos. J’ai parfois eu le sentiment d’être rejetée. Malgré cela, je me suis initiée à une nouvelle vie. Par exemple, comment exprimer correctement mes opinions, mais aussi comment regarder le Japon et le monde avec une perspective différente et surtout comment profiter de chaque instant. Le comportement des Japonais est très différent. Après mon retour, les exigences de ma famille, de mes collègues et de la société en général ont pesé sur moi, comme s’il fallait effacer une partie de ma personnalité. Ceux qui ont vécu à l’étranger comprendront qu’il peut être difficile de se réadapter à son pays d’origine, malgré tout l’attachement qu’il nous inspire. Au Japon, pour réaliser un parcours dans la norme, il faut sortir d’une bonne université,
décrocher un poste en CDI dans une grande entreprise et être en phase avec la société tout en réservant son opinion… Mais ces principes me conviennent-ils ? Si l’étudiant, pour une question d’image au moment de la recherche d’emploi, s’empêche de partir étudier à l’étranger et si l’on demande obligatoirement aux étrangers ici de parler le japonais, quelles sont ses chances de développer sa propre vision du monde ? J’ai eu peur plusieurs fois de m’arrêter à l’étape de la larve, au milieu de ma métamorphose. Mais la persévérance et un hasard de plus m’ont permis encore de progresser. Après les langues, il s’agit d’une compétence complémentaire que j’ai choisi d’acquérir, l’hypnothérapie. Quel que soit son âge, on a la chance de pouvoir mûrir et exprimer ses envies. Un nouveau développement personnel à la croisée des chemins entre langues étrangères, communication et apport aux autres me permettra d’évoluer en me transformant encore et encore.
À droite : Broche papillon origami © fraiseausucre.com
Chie Watahiki Titulaire d’un Master FLE et de l’habilitation à corriger le DELF. Expériences professionnelles dans des entreprises internationales, en ambassade francophone, à la CCIFJ à Tokyo. Expérience en traduction et interprétariat dans le domaine académique et dans l’enseignement des langues. Suite aux réflexions en communication interculturelle dans des organisations, elle s’intéresse au développement personnel et offre des services d’hypnothérapie (disponibles à Tokyo et en ligne). Traduction/interprétariat en françaisanglais-espagnol-japonais. 綿引 千恵
専門はフランス語教育(FLE修士号 / DELF面接官・採点官)。研究資料翻訳、講演会通訳、語学講師などに加えて、外資系企業・大使館・商工会議所での勤
務経験あり。組織内の異文化コミュニケーションに携わったことから、 自己成長の分野に興味を持ち、 ヒプノセラピストとしても活動中 (都内・オンライン)。対 応言語はフランス語、英語、 スペイン語。
Facebook : https://www.facebook.com/chie.watapiki Site Internet : https://langue-c.amebaownd.com/
Instagram : https://www.instagram.com/pave.vision LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/chie-watahiki/
Voir le portrait de Chie Watahiki en page 138
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Éternité figée © Jérôme Pace
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Notre thème, nos visions éclectiques
再生
Renouveau 一つの庭があった
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IL ÉTAIT UN JARDIN
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SANTÉ ! Le bonheur des bonnes habitudes
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TIENS BON
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LE MÉTABOLISME AU JAPON
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LE CHAMP DES POSSIBLES
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LES MILLE VIES D’ANNA
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LA PROMESSE DU RENOUVEAU
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DU COTON CONTRE L’OUBLI
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REIKO SUDO & MAI MIYAKE,
L’architecture conjugée au futur antérieur
アンナのたくさんの人生
安全神話 (anzen shinwa), le mythe de la sécurité absolue
Le renouveau selon deux artistes japonaises d’exception 須藤玲子さん、 ミヤケマイさん、日本の卓越したアーティスト 天空のダンス
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DANSE CÉLESTE
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RÉINVENTER LE COUPLE, quand madame s’expatrie !
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妻の外国勤務により、夫婦の関係は深化する!
LA PUISSANCE DU DESSIN
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Il était un jardin
一つの庭があった par
GÉRA L D I N E OUD IN
T RADU C T RIC E
ジェラルディン・ウダ 翻訳家 T r a d u ctio n à p a r tir d u f r a nça is p a r MAKI KAWATO 訳 : 河戸麻紀
À gauche, Les dernières tomates © Géraldine Oudin
1 - L’attente pour une parcelle dans un jardin familial va de quelques mois dans la campagne anglaise à une dizaine d’années pour les sites les plus demandés de la capitale. 1)家庭菜園で一区画を得るのに待 機しなければならない期間は、英国 の田園 地 帯で数ヵ月、首 都の最も 人気のある地域で約10年にまで及 ぶ。
2 - Les tarifs varient d’une dizaine à un peu moins de cent livres par an, en fonction de la commune, de la surface et des équipements présents (notamment de l’accès ou non à l’eau courante). 2)料金は、自治体・面積・現行設備 ( 特に水 道 設 備 へのアクセスの有 無)に応じて、年間約10ポンドから 100ポンド弱といった差がある。
Il était une fois un potager. Une petite bande de terre de six mètres de large par vingt mètres de long, encadrée par de nombreux rectangles identiques. Une oasis au cœur de la capitale d’une nation de jardiniers. Un havre de paix qui se mérite1, dont la valeur est inestimable et dont le coût2 se chiffre avant tout en heures. Heures de dur labeur parfois, mais surtout heures hors du temps, presque hors de moi lorsque, tous sens en éveil, je pénètre dans cette bulle, laissant derrière moi le brouhaha de la ville et de la vie. C’est souvent dans cet état de calme et de concentration intenses que, entre deux rangs de carottes, se révèle à moi, comme une évidence, le mot juste ou la tournure parfaite que je cherche depuis des jours. Les gestes maintes fois observés me reviennent naturellement, comme s’il avait suffi de ce modeste lopin pour faire germer, croître et s’épanouir le savoir que des générations de travailleurs de la terre avaient enfoui profondément en moi. Je ressens très vite les bénéfices d’une activité physique régulière.
かつて一枚の野菜畑があった。幅6メートル、長 さ20メートルの帯状の土地で、同じような細長い 土地にびっしりと周りを囲まれていた。ガーデニン グ好きが多いある国の、首都中心部に位置するオア シスである。貴重な安らぎの場 1であり、その価値は 計り知れず、第一、 その時間単位の費用2も相当な額 になる。時に骨が折れる作業も必要だが、 とりわけ、 時間を忘れ、全身の感覚は研ぎ澄まされていながら ほとんど忘我とも言える境地で過ごせる時間。都会 の喧騒や雑多な日常を置き去りにして、そんな泡沫 の中に没入できる。大抵がこんな風に、2つの人参 の畝の間で、心の平穏と集中力が深く保たれた状態 にある時なのだ。何日も前から探し求めていた的確 な語や完璧な表現が、 まるで自明のものだったかの ごとく頭に降りてくるのは。 何度となく経験したこうした行動を、私はごく自 然に思い出せる。それはあたかも、何世代にもわた り土いじりを行ってきた先人たちの存在が、自分の 奥深くに埋もれていたこと、その気づきを芽生えさ せ、育み、そして花開かせるのに、 この慎ましやかな
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Nigella sp © Géraldine Oudin
Bientôt, je récolte les premiers fruits de mon labeur. Je savoure les petits pois et les asperges crus, je découvre l’enivrant parfum de vanille des fleurs de scorsonère, qu’aucun semencier ne semble avoir remarqué, et l’immense diversité des variétés potagères3.
3 - Pour ne donner qu’un exemple, en France, 223 variétés de pommes de terre sont inscrites au catalogue officiel des espèces dont les semences sont autorisées à la vente. Dans le monde, on estime qu’il en existe près de 10 000, chacune avec ses particularités, visuelles, gustatives et culturales. On est bien loin de la dyade « pommes de terre blanches/ pommes de terre rouges » de nos supermarchés.
Les saisons passent, chacune apportant dans son sillage de quoi m’émerveiller et me sustenter, même au cœur de l’hiver, quand s’épanouissent les crocus et que le givre adoucit l’amertume des choux frisés. Les saisons passent et je mène des expériences, m’essaie à la culture du quinoa et de l’amarante, des shiitakés et des pleurotes. Les saisons passent et un jour, le moment est venu de quitter avec gratitude ce jardin qui m’a nourrie si longtemps. Au bout du chemin, une autre parcelle, inattendue. Une bande de huit mètres de large par seize mètres de long. Un cabanon, quelques outils. Un sol presque rouge, caillouteux, qui colle aux bottes et se craquelle sous le soleil. De la terre de vigne, me dit-on. Une nouvelle page vierge à verdir.
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Scorzonera hispanica, au parfum de vanille © Géraldine Oudin
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小さな畑が十分に役目を果たしてくれたと思えるの だ。定期的な身体活動の恩恵は、非常に早く感じ取 ることができるものだ。 程なく、 これまでの農作業の成果として、初めて の収穫を行う。自家製のエンドウ豆とアスパラガス を味わう。 どの種苗会社も注目していないようだが、 西洋ゴボウの花はうっとりするようなバニラの香り がすること、それから、野菜品種の限りない多様性 3 をも、私は発見している。 季節が移り変わっていくと、真冬であろうと、 クロ ッカスが開花し霜がケールの苦みを和らげる時季 であろうと、 その各々の季節ごとに、驚きと栄養を与 えてくれるものたちに動きがもたらされる。季節は また移り変わり、私は実験を重ね、 キヌアとハゲイト ウ、それからシイタケとヒラタケの栽培にも挑戦す る。 さらに季節は過ぎゆき、ある日、 この庭に別れを 告げる時が訪れたのだった。 こんなにも長い間、自 分を育んでくれたこの庭に、感謝の念を抱きながら。 道の果てには思いがけず、 もう一区画が待ってい た。幅8メートル、長さ16メートルの帯状の土地で ある。一棟の小屋と用具が数個。ほとんど赤に近い 石ころだらけの土は、長靴にくっつきやすく、 日差し の下でひび割れている。 ブドウ畑から運び入れた土 なのだそうだ。 まっさらな白紙の1ページが、緑色に 染められるのを待っている。 3)一つだけ例を挙げてみると、 フランスにおいては、 ジャガイモで は223品種が、種子販売が認可された品種の公式カタログに登録 されている。世界では10,000品種近くが存在すると推定され、各 々の特性・外観・味・栽培方法がある。我が国のスーパーマーケット には「白ジャガイモ/赤ジャガイモ」 といったペアは未だ現れてい ない。
Achillea millefolium et Salvia ‘Caradonna’ © Géraldine Oudin
Géraldine Oudin Géraldine Oudin traduit des ouvrages de fiction et de non-fiction du japonais et de l’anglais vers le français depuis 2008. Elle est diplômée en études japonaises, en traductologie, en sciences sociales et en horticulture. ジェラルディン・ウダ
2008年よりフィクションおよびノンフィクションの作品を、 日本語および英語からフランス語に翻訳。 日本研究・翻訳学・社会科学・園芸の各分野にて
修士号を取得。
http://zentranslations.com
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Marche pour le climat Paris 2018 © Hugo Brionne
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Santé !
Le bonheur des bonnes habitudes par
M A RC C ARPE N TI E R
JO U R N A L I ST E - R É A L I SA T E U R
マーク・カーポンティエ ジャーナリスト・メディアディレクター
Trop souvent, nous mangeons trop. Trop d’aliments qui sont difficiles à digérer. De trop grosses portions. Trop aisément grâce aux facilités de la société moderne – accès rapide à des denrées abondantes de toutes sortes, précuites, préparées, conservées, surgelées, fréquemment bourrées de résidus d’engrais, de pesticides, d’hormones de croissance, d’antibiotiques, importées de tous les coins de la planète à des vitesses inhumaines – le tout pour satisfaire nos envies immédiates et nos goûts excessivement stimulés. Nous mangeons trop de viande, de fromages, de glaces, de sel, de sucre raffiné, de pâtisseries, de desserts, de fruits exotiques, de breuvages gazéifiés, sucrés ou alcoolisés. Trop souvent, nous avalons sans nous rendre compte des effets possiblement néfastes qu’ont nos aliments sur notre santé. Et trop souvent, c’est quand nous tombons malade que nous commençons à nous poser des questions.
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C’est ce qui m’est arrivé il y a 35 ans. Je n’arrivais plus à digérer correctement. Tout ce que je mangeais me tombait sur l’estomac comme du plomb. Lourdeurs, ballonnements, constipation, troubles du sommeil… j’avais perdu le goût de manger. Je n’étais plus heureux. C’est un collègue qui, lors d’une rencontre fortuite, m’a mis sur une piste. L’année précédente, il avait subi une chirurgie pour lui enlever une tumeur maligne du côlon. Une acupunctrice lui avait suggéré de suivre un régime macrobiotique, une philosophie alimentaire basée sur les principes taoïstes du yin et du yang. En moins de trois mois, il avait retrouvé pleinement la santé. Je suis allé consulter cette même thérapeute qui m’a aussi mis au régime avec des résultats identiques à ceux de mon collègue. Après quelques
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Repas macrobiotique automnal © Marc Carpentier Riz (brun) complet, soupe miso avec oignons verts, haricots azuki avec courge kabocha, algue hijiki avec carotte et racine de lotus, fleurettes de brocoli, cornichons de navet, condiment de sésame noir grillé.
semaines, j’ai commencé à sentir une nette amélioration de ma digestion et un allègement des symptômes. Les effets étaient si impressionnants que j’ai poursuivi l’étude et la pratique de cette diète avec fidélité.
Le bonheur des bonnes habitudes J’ai dû réapprendre à cuisiner en suivant à la lettre les instructions de livres de recettes macrobiotiques. Réussir un plat de riz brun ni trop sec, ni trop mou ni trop salé – sans brûler le fond de la poêle – m’a pris du temps et beaucoup de patience. J’ai dû apprendre à bien doser les ingrédients, ajuster la chaleur du feu, bien calculer le temps de cuisson, etc. Aussi fallait-il que je m’ajuste au goût naturel des plats. Sans épices ni herbes, je trouvais
qu’ils n’avaient pas de saveur. J’ai appris que mes papilles sur-stimulées avaient été habituées aux goûts forts. Après quelques semaines, mon palais s’était éveillé de nouveau et je pouvais pour la première fois pleinement apprécier la sapidité subtile et délicieuse du riz et des légumes.
La redécouverte de vieux principes Peu importent notre cadre de vie et nos activités, notre santé dépend d’abord et avant tout de notre alimentation. La nourriture constitue notre plus importante source d’énergie, non sous forme de calories, mais surtout de force vitale. Bien avant la révolution Industrielle, les communautés traditionnelles savaient vivre en harmonie avec leur environnement. Elles trouvaient dans la nature tout ce dont elles avaient besoin pour maintenir leur santé et guérir des maladies.
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La médecine moderne a évolué au-delà des connaissances anciennes et naturelles. Bien qu’elle représente la panacée pour nous aider à guérir de nos maux et affections, et qu’elle nous offre des façons rapides et souvent drastiques de contrer nos maladies, ses approches relèvent des domaines de la chimie et de la technologie avancée. Fréquemment, la pratique s’attache à atténuer les symptômes plutôt qu’à chercher la source des troubles. Il existe une pilule pour tout. Avant la médecine moderne, nous trouvions nos remèdes dans la nature et dans nos aliments. Nous fortifiions notre énergie vitale par un choix judicieux de plantes nutritives et un ajustement de nos activités physiques quotidiennes. Maintes études compilées par l’Institut Kushi (centre de formation en macrobiotique fondé à Brookline, Massachusetts, États-Unis, par les Japonais Michio et Aveline Kushi) ont démontré que tous les éléments nécessaires pour maintenir une bonne santé se trouvent dans les aliments entiers non altérés et non enrichis. Aucun supplément n’est indispensable. Nul besoin de calculer la teneur en protéines, en hydrates de carbone, en vitamines et minéraux si nous savons choisir, préparer et doser nos aliments naturels selon notre environnement, nos activités, notre constitution et un ordre bien établi dans les cycles de la nature suivant les principes universels.
s’étouffera et intoxiquera notre sang et nos tissus, ce qui créera des malaises et mènera à la maladie. Il nous faut rester sur notre faim pour que le feu puisse brûler plus régulièrement. Ce concept est à la base du dicton japonais hara hachibun me, qui veut dire « à quatre-vingts pour cent rassasié ». Des aliments trop froids sont aussi nocifs pour la santé. Avant l’invention du réfrigérateur, on ne consommait ni glaces ni boissons fraîches. Le bon sens dictait qu’il fallait chauffer ses aliments avant de les consommer. Durant les chaleurs de l’été, il est bon de consommer des denrées qui compenseront les effets de la chaleur ardente. Mais on choisira ces produits froids avec parcimonie et on les consommera en petites quantités, juste assez pour maintenir un bon équilibre énergétique.
Équilibre énergétique - Le yin et le yang Chaque aliment a une qualité énergétique intrinsèque selon son genre, ses composants, sa provenance, son contenu en oligoéléments, etc. Cette caractéristique est déterminée par les forces de la nature. Les grands sages de l’Orient avaient compris que le secret de la manifestation de la matière dépend de la relation dynamique entre les deux forces fondamentales de l’univers, celles de la répulsion et de l’attraction, aussi appelées « yin » et « yang ». Toute matière visible et invisible est le résultat d’un équilibre entre ces deux formes d’énergie.
Principe premier : Énergie vitale - Le feu de la vie La qualité de ce que nous appelons « énergie vitale » est constamment changeante selon ce que nous consommons. La plus fondamentale de ses caractéristiques prend la forme du feu. Pour survivre, notre corps doit rester chaud. Quelques degrés de fluctuation marquent la différence entre la vie et la mort. Si l’énergie du corps est le feu de la vie, notre bouche en est le foyer et nos aliments en sont le combustible. Tout comme la réussite d’un brasier dépend du montant et du type de bois qu’on y introduit, une bonne qualité et une juste quantité d’aliments bien mâchés produiront un feu qui brûlera lentement de façon constante et complètement sans créer de résidus toxiques. Si nous consommons trop d’aliments, le foyer
YANG Énergie active midi été feu
Énergie montante matin printemps bois
Énergie descendante après-midi été indien terre
Énergie flottante nuit hiver eau
Énergie rassemblante soirée automne métal
YIN 42
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Cycle journalier et saisonnier du yin et du yang par Marc Carpentier à partir des principes apparaissant dans The Book of Macrobiotics © Michio Kushi
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Ces deux forces sont à la fois antagonistes et complémentaires. De même source, l’une et l’autre sont interdépendantes. Leur rencontre crée une tension énergétique et cyclique qui maintient un système en équilibre, comme les électrons qui tournent autour du noyau de l’atome, les planètes qui évoluent autour du Soleil, les étoiles autour du centre galactique, et ainsi de suite. Le jeu des forces de l’attraction et de la répulsion maintient l’univers et lui permet de s’animer.
Ci-dessous : Aliments sur l’échelle yin-yang The Book of Macrobiotics © Michio Kushi
En termes simplifiés, la force yin est répulsive et centrifuge. Sa direction part du centre et s’étend vers la périphérie. Tandis que la force yang est attrayante et centripète et sa direction est – à l’inverse du yin – de la périphérie vers le centre. Et l’une affecte l’autre. Par exemple, la chaleur du Soleil (yang) fait pousser la flore (yin). Plus la chaleur est intense, comme dans les tropiques, plus la végétation pousse à profusion. Le froid (yin) sous les latitudes polaires, concentre la matière, comme l’eau, qui est liquide au chaud et devient solide au froid.
YANG EXTRÊME Poissons à chair blanche
Poissons à chair rouge ou peau bleue
Coquillages Crustacés Poulpe
Sel raffiné Sel iodé Sel gris brut Ginseng
Il en est de même de notre constitution, selon que nous sommes d’une carrure forte (yang) ou faible (yin) ; de notre activité physique, selon que nous sommes ouvriers (yang) ou employés de bureau (yin) ; du lieu où nous vivons, selon que nous habitons sous les tropiques (milieu yang) ou les régions nordiques (milieu yin) ; et de notre condition de santé, selon que nous sommes malades ou affaiblis (excès de yin), trop statiques et manquant d’exercice (excès de yang) ou en excellente santé (harmonie yin/yang). Le choix de nos aliments et de leur préparation suivant ces principes aidera à maintenir un bon équilibre énergétique selon nos besoins.
ALIMENTS MODÉRÉS (Climat tempéré)
Viandes rouges Volailles
Œuf
Chaque élément naturel dispose d’une qualité énergétique dont le rapport yin/yang est spécifique. Les légumes enfouis sont en général plus yang que les fruits qui poussent au-dessus de la terre. Les aliments cultivés plus près de l’équateur (zone chaude) sont plus yin que ceux cultivés dans les régions polaires (zones froides).
Condiments Feuille de moutarde Gomasio - Kombu salé Nori - Poudre d’algues Prune umeboshi Sésame grillé Shiso - Tekka Céréales complètes et produits dérivés Riz brun - Millet Orge - Blé entier Avoine - Seigle Sarrasin - Maïs Mochi - Pain avec ou sans levain Pâtes et nouilles Couscous - Boulgour Graines et noix Amande - Arachide Aveline - Châtaigne Graine de citrouille et de courge Graine de pavot Graine de sésame Graine de tournesol Noix - Noix de pécan Pistache Autres noix et graines de climat tempéré
Légumineuses et produits dérivés Azuki Haricot blanc Haricot de lima Haricot pinto Haricot rouge Lentille - pois chiche Petit pois séché Soja noir - Miso - Natto Tempeh - Tofu Autres haricots & autres produits dérivés Cornichons et marinades traditionnelles Algues marines Assaisonnements Amazake - Gingembre Daikon et radis râpés Huile de sésame, de maïs, de tournesol, de graine de moutarde, d’olive Jus d’agrume Lie de saké Malt d’orge et de riz Mirin - Miso - Poivre Prune umeboshi Raifort - Saké Sauce tamari et soja Saumure de choucroute Sel marin brut Vinaigre d’umeboshi Vinaigre de riz Autres assaisonnements naturels
Légumes (racines) Racine de bardane Betterave Carotte - Daikon Navet - Panais Racine de lotus Racine de pissenlit Radis - Rutabaga Taro - Topinambour Légumes (de terre) Bette à carde Brocoli Champignon Chou - Chou-fleur Chou de Bruxelles Concombre Courge - Courgette Oignon Petit pois Légumes (feuillus) Céleri Chou chinois Chou frisé Ciboulette Cresson Endive Feuille de moutarde Feuille de carotte Feuille de daikon Feuille de pissenlit Graine germée Herbes sauvages Laitue Pak-choï Poireau
YIN EXTRÊME Fruits (frais et séchés) Abricot - Baie sauvage Cantaloup - Citron Framboise - Melon Mûre - Myrtille Nectarine - Olive Orange - Pêche - Poire Pomme - Prune Raisin - Tangerine Autres fruits de climat tempéré Boissons (usage quotidien) Eau de source Thé bancha, d’orge, de grains rôtis, de kombu, de riz, thé kukicha Boissons (Usage occasionnel) Amazake Thé de pissenlit, de racine de lotus, de bardane - Autres thés traditionnels non aromatiques, non stimulants Boissons (Usage rare) Bière/vin naturellement fermentés - Cidre Jus d’herbe d’orge Jus de fruits Jus de légumes Lait de soja - Saké Édulcorants Amazake Fruit cuit ou séché Jus de fruits Malt d’orge et de riz Sirop d’érable
Aliments tropicaux Asperge Aubergine Avocat Banane Datte Épinard Figue Huile de palme Igname Kiwi Mangue Noix du Brésil Noix de cajou Noix de coco Pamplemousse Papaye Plantain Poivron vert Poivron rouge Pomme de terre Tomate Produits laitiers Beurre Crème Crème aigre Crème fouettée Crème glacée Fromage Kéfir Lait Yaourt Assaisonnements Épices Graisse animale Herbes Lard Margarine Mayonnaise Piment fort Vinaigre blanc
Édulcorants Aspartame Poudre de caroube Chocolat Édulcorant artificiel Fructose Glucose Mélasse Miel Sirop de maïs Sucre blanc Sucre brun Sucre de canne Stimulants Boisson gazeuse Café Cannelle Chocolat Cola Curry Thé à la menthe Thé noir Thé vert Autres épices & autres thés stimulants et aromatiques Aliments transformés Aliment en conserve Aliment instantané Aliment non biologique Aliment surgelé Farine blanche Riz blanc Supplément alimentaire
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Vivre en accord avec le climat et les saisons L’un des fondements des communautés traditionnelles est de consommer ce qui pousse dans un climat similaire à celui où elles habitent et suivant le cycle saisonnier. Ces sociétés ont compris que maintenir une bonne santé dépend de l’harmonie avec l’environnement. En général, les personnes qui évoluent dans les régions polaires consomment une plus grande quantité de nourriture provenant de chair animale (énergie plus yang), alors que celles qui demeurent dans les régions tropicales peuvent consommer une alimentation presque entièrement végétale (énergie plus yin). Et pour celles qui vivent entre ces deux zones extrêmes, dans des lieux où il existe quatre saisons, le choix des aliments change selon l’époque – nourriture et cuisson plus yin durant les mois d’été, devenant progressivement plus yang à l’approche de l’hiver –, pour ensuite s’alléger de nouveau à l’arrivée du printemps.
Les 5 éléments et leurs ramifications (saisons, organes, goûts, etc.) L’application des principes du yin et du yang remonte à la Chine ancienne. La médecine chinoise traditionnelle (MCT) et ses modalités, l’acupuncture et l’herbologie, constituent l’un des plus vieux systèmes médicaux au monde. Ces idées sont détaillées dans le recueil Huangdi neijing, « The Yellow Emperor’s Inner Classic », qui date du IIe siècle avant J.-C. La MCT vise à rétablir et maintenir la santé en équilibrant les forces du
Soupe froide © Marc Carpentier
TRANSFORMATIONS
BOIS
FEU
TERRE
MÉTAL
EAU
ORGANES COMPACTS
Fois
Cœur
Rate
Poumons
Reins
ORGANES CREUX
Vésicule biliaire
Intestin grêle
Estomac
Gros intestin
Vessie
RACINES PHYSIQUES
Yeux
Langue
Lèvres
Nez
Oreilles
SYSTHÈMES PHYSIQUES
Tissus
Vaisseaux sanguins
Muscles
Peau
Os
DIRECTIONS
Est
Sud
Centre
Ouest
Nord
HEURES DU JOUR
Matin
Midi
Après-midi
Soirée
Nuit
SAISONS
Printemps
Été
Fin de l’été
Automne
Hiver
COULEURS
Bleu
Rouge
Jaune
Pâle
Noir
GOÛTS
Aigre
Amer
Sucré
Épicé
Salé
ODEURS
Huileuse
Brûlée
Odoriférant
Odeur poisson
Putréfaction
ENVIRONNEMENTS
Vent
Chaleur
Humidité
Sécheresse
Froid
ÉMOTIONS
Colère
Rire
Émerveillement
Inquiétude
Peur
CÉRÉALES & LÉGUMINEUSES
Blé
Maïs
Millet
Riz
Fèves
Les cinq transformations © Complete Guide to Macrobiotic Cooking de Aveline Kushi
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T hème - R E NO U VE AU
YANG EXTRÊME
CHAUD
AIL
•
ÉCHALOTE
•
GINGEMBRE
•
CHAUFFANT
BLÉ
•
FEUILLE DE MOUTARDE
•
CENTRANT
BARDANE
•
CAROTTE
•
CÉLERI
•
CHOUX
•
FÈVE AZUKI
•
FÈVE SOJA
•
RIZ BRUN
•
REFROIDISSANT
CONCOMBRE
•
DAIKON
•
LOTUS GRAINE
•
OGRE PERLÉ
•
FROID
KOMBU
•
KUZU
•
LOTUS RACINE
•
NORII
• Degré de la valeur calorifique © Complete Guide to Macrobiotic Cooking de Aveline Kushi
yin et du yang. Les sages d’antan ont, selon leurs observations, établi un calendrier qui comprend non pas quatre mais bien cinq saisons. L’étude des cycles de la nature a mené à établir un lien entre les saisons et les attributs physiologiques des milieux extérieur et intérieur. Les anciens avaient déjà compris que tous les éléments naturels sont dynamiquement connectés et interdépendants. L’univers intérieur, celui du corps et de l’esprit, découle de l’univers extérieur, celui du milieu environnant. La santé de l’individu résulte de son équilibre avec les forces de son entourage. Les principes traditionnels de la diététique suivent les mêmes préceptes et ont donné naissance à des philosophies « bio-naturelles » telles que la macrobiotique. Si le choix de nos aliments est contraint par le climat, les combinaisons sont illimitées et permettent une parfaite adaptation à nos besoins selon notre constitution, notre activité physique et mentale, notre environnement, les saisons, la météo, l’heure de la journée, visant à maintenir un équilibre énergétique et une bonne santé.
Choix des aliments Cette approche est philosophique et part du principe que les meilleurs médicaments sont nos aliments. Selon que nous voulons simplement cuisiner pour notre bien-être quotidien ou celui de notre famille, ou pour soutenir une convalescence après une maladie grave, les denrées peuvent être choisies et préparées simplement et de façon appétissante, tout en incluant une grande variété d’ingrédients. • Céréales complètes – Idéalement, les céréales complètes formeront le plus grand pourcentage (50 %) du volume total de nos menus quotidiens. Ils englobent le riz brun, le millet, l’orge, l’avoine, le blé, le seigle, le sarrasin et le maïs. Les produits à base de farine tels que les nouilles, le pain, le boulgour, le couscous sont susceptibles d’être servis à l’occasion. • Soupes – Les soupes de toutes sortes constitueront 4 à 10 % du volume total quotidien. Elles peuvent être composées de légumes, d’algues marines, parfois de poisson, et assaisonnées avec du sel, du miso ou de la sauce soja.
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• Légumes – Les légumes frais, biologiques ou naturels autant que possible, formeront 30 % du volume total quotidien. Chaque jour, un choix équilibré de racines, de légumes de terre et feuillus sera servi. Un tiers de cette portion peut comprendre des crudités, des salades, des cornichons et marinades. Dans les zones tempérées, il est recommandé d’éviter de consommer des légumes d’origine tropicale. • Légumineuses – Une sélection de légumineuses constituera 10 % du volume quotidien. Cela comprend aussi leurs produits dérivés comme le tofu et le natto. • Algues marines – Les algues sont une excellente source de minéraux et de vitamines et peuvent être préparées en petite quantité tous les jours comme plat d’accompagnement ou incorporées à des plats de légumes et de légumineuses. • Assaisonnements – Le sel marin brut, le miso, la sauce soja ou la prune umeboshi sont utilisés pour rehausser les plats et leur donner un léger goût salé. • Huiles – Les huiles végétales sont de nature yin et certaines ont tendance à se dégrader rapidement sous l’effet de la chaleur, ce qui peut créer des résidus toxiques. Les meilleurs lipides pour une utilisation quotidienne sont l’huile de sésame rôti, d’olive, de noix, ou autres du moment qu’elles sont non raffinées et de haute qualité. • Boissons – Les meilleurs choix de boissons seront l’eau de source non frigorifiée, le thé de brindilles rôties, de grains rôtis, ou tout autre breuvage à base d’éléments naturels, pourvu qu’ils ne soient pas trop aromatiques ou stimulants. Le lait n’est pas recommandé, car il est de nature animale et difficile à digérer par les êtres humains. Il engendre une formation excessive de mucus et de résidus toxiques dans le corps. • Viandes et chairs animales – Pour les disciples de la macrobiotique et les végétariens, les viandes rouges sont généralement interdites. Si l’on vit dans les régions tempérées, la qualité énergétique extrêmement yang de la viande la rend difficile à équilibrer. Certains l’éviteront pour des raisons environnementales ou philosophiques. Les personnes vivant dans les climats froids et dont la
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constitution le permet choisiront de consommer en petite quantité une viande de source biologique ou naturelle. Les chairs de source animale les plus faciles à équilibrer sont le poisson, de préférence de chair blanche, et la volaille. • Noix et graines – Les noix et graines légèrement rôties peuvent être consommées modérément car elles contiennent beaucoup d’huile. Les beurres de noix sont encore plus huileux et donc à apprécier avec parcimonie. • Fruits – On peut consommer des fruits quelques fois par semaine. On choisira des produits locaux et selon la période de l’année. Puisque les fruits ont une forte nature yin, il est préférable de les savourer cuits ou séchés. Les fruits frais peuvent être appréciés en saison. • Desserts – Les desserts sont de nature yin et peuvent être dégustés plusieurs fois par semaine s’ils sont préparés avec des édulcorants naturels tels que les malts de riz et d’orge, le sirop d’érable, l’amazake ou le jus de pomme. Il est préférable d’éviter le miel (produit animal), la mélasse, le fructose, le sucre et tout autre édulcorant raffiné ou artificiel.
Modes de cuisson Pour la cuisson, il est recommandé de se servir d’une cuisinière à gaz pour maintenir la qualité des nutriments. De façon générale, nos aliments végétaux ont une énergie intrinsèque plutôt yin. La chaleur aura pour effet de leur transmettre une qualité yang équilibrante. Le genre de cuisson dépendra de plusieurs facteurs tels que mentionnés plus haut : l’aliment, la saison, les conditions climatiques, notre constitution, etc. Nous choisirons parmi les modes de préparation suivants : à pression, bouilli, sauté, frit, au four, et grillé. Chacune de ces méthodes contribuera à modifier goût, texture et apparence de la nourriture, et affectera aussi différemment notre condition physique et mentale.
Conclusion L’étude du yin et du yang et de ses multiples applications alimentaires demande du temps pour arriver à saisir le rapport et la dynamique de ces forces universelles sur nos aliments et leurs effets
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sur notre santé. Cuisiner suivant ces principes quoique simples dans la préparation des plats requiert de la pratique. Changer nos habitudes acquises depuis longtemps est un défi en soi, surtout quand il s’agit d’altérer la saveur et la texture de nos mets préférés. Les goûts ont aussi un effet psychologique. Trop souvent, nous mangeons par envie pour satisfaire ou soulager un état d’âme, comme une glace ou le chocolat à la texture crémeuse pour nous calmer émotionnellement, un café dont l’arôme nous stimule quand nous nous sentons fatigués, ou une viande rouge après une journée de labeur physique. Cela soulage l’esprit, mais pas nécessairement le corps pour lequel ces aliments peuvent avoir des effets néfastes. L’étude des principes macrobiotiques peut nous servir d’inspiration dans l’adoption d’une approche de la vie quotidienne plus saine et équilibrée. Nous vivons au rythme d’une société hyper moderne axée sur l’aisance, réglée pour répondre instantanément à nos besoins et satisfaire nos moindres désirs, trop souvent aux dépens de la nature et de notre santé. La macrobiotique, le végétarisme ou le véganisme peuvent nous permettre de mieux nous connaître, de vivre une vie plus harmonieuse. Une fois ces principes appris, nous pourrons de nouveau apprécier les petits écarts, mais de façon mesurée, car nous avons le contrôle de ce que nous consommons pour notre bien-être et celui de la planète.
Soupe de lentilles © Marc Carpentier
Si la pandémie nous a mis en état de crise, elle a surtout éveillé en nous un besoin de changer nos habitudes. Si nous écoutions cette impulsion et prenions la décision de nous lancer dans une nouvelle aventure alimentaire, peut-être pourrionsnous atteindre un équilibre en nous adaptant aux restrictions en temps de pandémie et retrouver la voie du bien-être.
Marc Carpentier Le journaliste-réalisateur Marc Carpentier est conseiller et formateur auprès des journalistes et chefs d’antenne des services internationaux de la NHK. Au Canada, il a étudié le shiatsu et détient un certificat en thérapie shiatsu de l’école Sourcepoint à Vancouver, Colombie-Britanique. Il a commencé l’étude et la pratique de la macrobiotique en 1984 et a suivi une formation à l’école de macrobiotique de l’Institut Kushi à Becket, Massachussetts, É.-U. マーク・カーポンティエ
NHK国際放送局の記者やニュースキャスターのアドバイザー、 インストラクターを務める。 カナダで指圧を学び、 ブリティッシュコロンビア州バンクーバーの
ソースポイント校で指圧療法の免状を取得。1984年にはマクロビオティックの習得と実践を開始、米国マサチューセッツ州ベケットにあるクシ・インスティ チュートのマクロビオティック校に学ぶ。
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Brave, désert d’Atacama, Chili © Jérôme Pace
Jérôme Pace Spécialiste des mythologies du Proche-Orient ancien, acteur ou encore journaliste culturel indépendant, Jérôme a vécu mille et une vies. Aujourd’hui consultant littéraire, auteur et photographe, il n’a de cesse d’explorer le monde et de s’ouvrir à de nouveaux horizons. Il dirige deux collections sur le Japon : Lettres japonaises et Japon. Études du fait japonais. ジェローム・パチェ
古代中近東神話学の専門家、俳優、 さらにはフリーのカルチャー系ジャーナリスト…など、 これまで千変万化の人生を歩む。現在は文芸コンサルタントのみ
ならず、作家、写真家としても活動するなど、世界の探究と新たな領域の開拓を続けている。
『日本文学』叢書、 『日本:日本の現象研究』叢書の主幹を務める。
Site : www.jerome-pace.com Instagram : @d_un_mythe_a_l_autre
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par
JÉRÔME PAC E
CONSU L TANT L ITTÉRAIRE, AUTEUR, P HO T O G R A PHE
ジェローム・パチェ 文芸コンサルタント、写真家
Il n’est humanité qui n’ait été bâtie À force de douleur, de la vertu le prix. Entends-tu, cœur ami, cette voix intérieure Qui sans cesse te crie : tu oublieras tes peurs ? Facile est sentiment quand il est indécis, Enfer a toujours su devenir paradis. Entends-tu, cœur ami, cette voix d’outre-tombe ? Aux âmes affranchies, les chants du Nouveau Monde. Puisse celui enfoui, et dont tu es l’enfant, Te guider en tes pas, et cet acharnement À vivre, idée fragile, en ce cœur étranger, Qu’est de l’Autre le cœur, avide volupté. Le temps doit être pris de connaître velours, Ce cadeau impérieux qui nous est fait ce jour Où nous hurlons rieurs pour la première fois, Et toisons l’Univers béni de nos émois. Il n’est de lendemain auquel tu dois penser, Que celui de l’instant, superbe éternité Qui nourrit ton regard et implore, fureur, De saisir son reflet à l’aune de son heur. Puisse celui enfoui, et dont tu es l’enfant, Te guider en tes pas, et cet acharnement À vivre, idée fragile, en ce cœur étranger, Qu’est de l’Autre le cœur, avide volupté. De l’ombre le reflet, de l’ombre la relève, Qu’importe le vide et qu’importent les rêves, Entends-tu, cœur ami, cette voix acharnée De la vie qui t’en prie de ne l’abandonner ?
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Nakagin Capsule Tower à Tokyo (Kisho Kurokawa, 1972). © Jérémie Souteyrat
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métabolisme au Japon Le
L’architecture conjuguée au futur antérieur par
JÉRÉM IE SOU TE Y RAT
P HO TO G RAP HE
ジェレミ・ステラ 写真家
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Nakagin Capsule Tower à Tokyo (Kisho Kurokawa, 1972). Lampe-souvenir vintage, fabriquée pour célébrer la construction du bâtiment en 1972. © Jérémie Souteyrat
À la fin des années 1950, le Japon, largement détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, entame un cycle de haute croissance économique. Pendant une dizaine d’années, jusqu’au choc pétrolier de 1973, une nouvelle génération d’architectes va développer des projets utopiques et visionnaires dont les enjeux sont de contrôler et de développer la croissance urbaine. Emmenés par Kenzo Tange, ils fondèrent le mouvement métaboliste (新陳代謝、メタボリズム), dont l’idée est de créer des bâtiments et mégastructures basés sur les principes biologiques de la croissance. Certains d’entre eux deviendront de futurs grands noms de l’architecture, comme Fumihiko Maki et Arata Isozaki qui reçurent le prix Pritzker en 1993 et 2019. Peu de projets concrets verront finalement le jour de ces expérimentations. L’un des plus
emblématiques, la Nakagin Capsule Tower, fait partie de cette espèce en voie de disparition. Située à Tokyo, aidée par un engouement touristique et médiatique, elle survit pour l’instant à la pression foncière et à l’appel du neuf. D’autres bâtiments n’ont pas eu cette chance, ils ont été démolis car trop coûteux à entretenir et situés dans des provinces faisant face à la crise démographique. C’est le cas de plusieurs de ceux présentés dans ces photographies, depuis que le projet a commencé en 2016. Ce reportage vient documenter dans leur environnement les derniers survivants d’une architecture éphémère, à travers tout le Japon. Malgré son futurisme, le métabolisme se situe finalement dans la lignée de traditions shintoïstes millénaires basées sur le renouvellement permanent : détruire pour reconstruire.
À droite : Portrait de Takayuki Sekine, 52 ans, propriétaire de l’une des 140 capsules de 10 m 2. À l’origine, les capsules étaient vendues dans les centres commerciaux fréquentés par les hommes d’affaires. M. Sekine et sa femme ont acheté la leur pour 4 millions de yens (environ 35 000 euros) et se battent maintenant pour la rénovation du bâtiment. Sa destruction avait été votée par les copropriétaires en 2007, mais la crise des subprimes a engendré la faillite de la société qui devait financer l’opération. Depuis, certains copropriétaires s’organisent pour racheter des capsules et faire pencher la balance du côté de la rénovation. © Jérémie Souteyrat
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Kyoto International Conference Center (Sachio Otani, 1966) C’est dans ce bâtiment qu’a été signé le protocole de Kyoto en 1997. © Jérémie Souteyrat
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En haut à gauche : Antennes sur le toit du Yamanashi Press and Broadcast Center (Kenzo Tange, 1966). Grâce à sa morphologie évolutive, comme souvent dans les constructions métabolistes, plusieurs étages intermédiaires ont été ajoutés au bâtiment au cours des ans. © Jérémie Souteyrat
Plafond du hall d’entrée du Noa Building à Tokyo (Seiichi Shirai, 1974). © Jérémie Souteyrat
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Hôtel Tokoen dans la province de Tottori (Kiyonori Kikutake, 1964). Kikutake est un des architectes fondateurs du métabolisme. C’est lui qui a soumis l’idée du nom lors de la création du mouvement. © Jérémie Souteyrat
Hôtel Tokoen (Kiyonori KIKUTAKE, 1964). © Jérémie Souteyrat
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Le bâtiment administratif du temple Izumo dans la province de Shimane (Kiyonori KIKUTAKE, 1963). Il sera détruit en novembre 2016, 2 mois après cette photo, pour faire place à une nouvelle construction. © Jérémie Souteyrat Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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En haut : Miyakonojo Civic Center dans la région de Miyazaki (Kiyonori Kikutake, 1966). Symbole de l’âge d’or de la petite ville de Miyakonojo, cette salle municipale extraordinaire a dû fermer au public en 2007, faute de moyens pour l’entretenir ou la rénover. La mairie a procédé à sa destruction en 2019. © Jérémie Souteyrat Ci-dessus : Ambassade du Koweït à Tokyo (Kenzo Tange, 1970). 15 ans après le mémorial de la Paix à Hiroshima, ce bâtiment est le symbole du succès international de Kenzo Tange et fait écho à de nombreux projets dans le golfe Persique. Alors que cet ouvrage était menacé de destruction en 2020, la crise du Covid-19 semble lui avoir apporté un peu de répit. © Jérémie Souteyrat
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K House dans les forêts de Karuizawa (Kisho Kurokawa, 1973). Cette maison de vacances appartenant à l’architecte est conçue avec un noyau central en béton, sur lequel s’attachent 4 capsules identiques à celle de la Nakagin Capsule Tower de Tokyo. © Jérémie Souteyrat
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En bas à gauche de l’image : Shizuoka Press & Broadcasting Center à Tokyo (Kenzo Tange, 1967). Sur cette vue du quartier de Shimbashi, on distingue dans le fond, au bout de l’autoroute, la Nakagin Capsule Tower (Kisho Kurokawa, 1972). À l’époque de sa construction, elle était parmi les plus hauts bâtiments des environs. © Jérémie Souteyrat
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Ces photographies sont issues d’une commande pour un livre paru aux éditions du Lézard Noir. (Souteyrat Jérémie, Jacquet Benoît, L’architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, Le Lézard Noir, oct. 2020, ISBN : 978-2-35348-113-2)
Jérémie Souteyrat Photographe. Vit et travaille à Londres, Royaume-Uni. Après des études et un diplôme d’ingénieur, Jérémie Souteyrat a commencé à considérer la photographie comme moyen d’expression lors de ses voyages à l’étranger. Poussé par l’envie de découvrir une nouvelle culture et un mode de vie différent, Jérémie quitte son travail d’ingénieur à Paris et s’installe comme photographe au Japon en 2009. Depuis Tokyo, il répond à des commandes éditoriales (The New York Times, The Guardian, Le Monde, Elle, Der Spiegel, etc.) et institutionnelles (Louis Vuitton, Bouygues, Nissan, Toshiba, etc.) Il publie en 2014 son premier livre : tokyo no ie (maisons de Tokyo). Jérémie déménage à Londres en avril 2018, en quête de nouvelles aventures. ジェレミ・ステラ
写真家。英国ロンドンに暮らし、現地で活動中。
大学でエンジニアのディプロマを取得後、世界を旅する中で、表現方法とし
ての写真に目覚める。
未知の文化や異なる生活様式を発見する欲求に突き動かされ、パリでの
エンジニア職にピリオドを打ち、2009年より写真家として日本に居を構え
る。東京を拠点に、新聞・雑誌(ニューヨーク・タイムズ紙、 ガーディアン紙、 ル・モンド紙、 エル誌、 デア・シュピーゲル誌等) や企業(ルイ・ヴィトン社、 ブ
イグ社、 日産、東芝、等) の依頼を受け、写真を提供。
2014年には初の写真集『tokyo no ie /東京の家』 を刊行。 2018年4月、新たな冒険を求めてロンドンに拠点を移す。
http://www.jeremie-souteyrat.com Facebook : jeremie.souteyrat Instagram : jeremiesouteyrat Twitter : Jeremie Souteyrat @djaydjay
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LE CHAMP DES POSSIBLES La curiosité n’est pas un vilain défaut ! par
M A RTIN FAY N O T
I L L U ST R A T E U R
マルタン・フェノ イラストレーター
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Martin Faynot Après plusieurs années en France en tant que graphiste-illustrateur freelance pour la publicité et l’édition, son grand intérêt pour le Japon et ses univers graphiques l’amènent à s’y installer en 2002. Il travaille depuis avec de nombreux éditeurs japonais pour lesquels il illustre livres et manuels. Depuis 2012, il multiplie les collaborations avec NHK : TV, radio, illustrations ainsi que la série « Un papa français au Japon » dans le mensuel Tabi suru Furansugo. Il explore actuellement de nouvelles formes de narration à travers l’illustration et la BD.
https://www.cafemarutan.com 66
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Twitter & Instagram : @Baronmarutan
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マルタン・フェノ 長年フランスの広告や出版業界で、 フリーランスのグラフィック・デザイナー、 イラストレーターとして活躍後、 日本への強い関心と、 自身のグラフィ ックの世界観が求めるまま、2002年、 日本に拠点を移す。 以後、 日本の数々の出版社と仕事をし、書籍や教科書のイラストを手がける。2012年よりNHKの放送番組でも活躍の場を広げ、 テレビやラジオへ の出演と共に、同局の語学番組の月刊テキスト 『旅するフランス語』にて 『僕はイクメンフランス人』 という人気子育て漫画エッセイを4年間連載す るなど、 イラストレーターとしても協力。 現在は、 イラストや漫画を通じて新たなストーリーの表現方法を研究中。
https://www.cafemarutan.com
Twitter & Instagram : @Baronmarutan Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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Le début de la maladie, le repli - 2020 © Alicedefi
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Les mille vies d’
アンナのたくさんの人生 par
EM M A N U EL L E S AG N ARD
R E L E C T R I C E -C O R R E C T R I C E E N F R A N Ç A IS
エマニュエル・サニア フランス語校正者
T r a d u ctio n à p a r tir d u f r a nça is p a r MIDORI MATSUDA 訳 : 松田みどり P h o to g ra p hies p a r ALICE DE FIGUEIREDO MAINGUET, d it e A L I CE D E FI
写真 : アリス・デ・フィゲレド・マンゲ (アリスデフィ)
De sa famille en France, Anna se rappelle l’immobilité absolue. Des parents portugais immigrés qui parvenaient difficilement à s’intégrer dans une communauté française où ils étaient presque réduits au statut de travailleurs et de contributeurs. Peu d’amis, pas d’invités à la maison. Et puis la maladie de sa mère qui surgit alors qu’Anna aurait aimé construire des amitiés solides au lycée. Une mère qui proféra volontairement, un matin d’école, des mensonges pour couper les liens pourtant si ténus qu’Anna entretenait avec ses copines de classe. Une figure maternelle à la fois protectrice et effacée, qui ne fixait pas de règles, mais qui restreignait progressivement l’espace de liberté au seul domicile. Une famille qui se refermait sur ellemême, s’isolait inexorablement. Anna, cette jeune fille maladroite, devenait solitaire, entre une mère distante, un père perdu et un petit frère réservé. « Je me dis parfois que mes copines ont de la chance. Leurs parents leur ont donné l’accès à d’autres enfants de leur âge pour échanger, jouer, apprendre ensemble. » La schizophrénie, cette pathologie mentale évolutive qui atteint la mère d’Anna, bouleverse la vie de la jeune fille déjà timide. Oh, que cette
アンナのフランスの家族の思い出には、絶対的 な閉塞感が付きまとっていた。ポルトガルからの移 民であり、いわば労働者・納税者だった両親がフラ ンス社会に溶け込むには大変な苦労があったのだ。 両親に友人は少なく、家には来客も無かった。そし て、彼女が高校でしっかりした友人関係を築きたい と思っていた時期に、母親の病気が発覚した。ある 朝、 アンナの母親は、娘がクラスの友人との間に築 き始めていた淡い友情を壊すために、わざと嘘をつ いた。保護的で控え目なタイプでもあった母親は、 はじめこそ規則を決めなかったものの、次第に自宅 以外に自由を与えなくなっていった。自分たちの中 に閉じこもり、否応なく孤立していくような家族だっ た。 この不器用な少女アンナは、冷ややかな母親、 混乱した父親、遠慮がちな弟との間で、孤独を好む ように育っていった。 「時々、まわりの友達はいいなと羨んでいたわ。 みんなの親は同世代の子供たちと一緒に交流
したり、遊んだり、学んだりする機会を与えてい たから。」
アンナの母親は統合失調症という進行性の精神 疾患に侵されるのだが、それはもとより引っ込み思 案な少女の人生を一変させることになる。 この病気
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maladie est sournoise ! Au début, invisible et imperceptible, elle se dissimule. Un peu comme le lierre qui se développe à ras de terre, rampant. La mère d’Anna, qui s’est probablement doutée qu’elle était malade, est peut-être atteinte depuis la fin de sa propre adolescence. Mais, comme avec la plante grimpante qui s’accroche et qui finit par devenir envahissante, des épisodes surviennent. Des « passages à l’acte » marquent l’éclosion de la maladie et perturbent Anna et son frère, qui soudain ne reconnaissent plus leur mère. Une nuit, celle-ci s’introduit par effraction chez l’une des connaissances de la famille et, affolée, termine la nuit au poste de police. Puis, l’année suivante, elle brise volontairement la vitrine d’une boutique et doit entrer en hôpital psychiatrique, assommée par un traitement de cheval. Elle développe une paranoïa maladive, croyant sans cesse être la victime de machinations perpétrées par sa propre famille et visant à la blesser. Elle s’imagine que sa fille a été clonée, qu’elle a changé d’identité pour lui nuire. Ses visions sont de plus en plus fréquentes. La réalité est trop difficile à vivre pour cette femme qui, sur la défensive en permanence, s’enferme dans son propre monde. « J’ai observé maman entrer dans le couloir. Cela faisait plusieurs mois que je ne l’avais pas vue. Elle avait perdu 20 kg. Amaigrie, elle marchait lentement, comme une petite mamie. La tête légèrement penchée sur le côté. Elle n’arrivait plus à la maintenir droite, elle bavait, car elle ne réussissait plus à retenir ses lèvres. J’ai su à ce moment précis que j’avais perdu ma mère et que je ne la retrouverai plus. Il fallait maintenant que j’apprenne à vivre avec cette autre personne qu’elle était devenue. » Anna, docile, se sent obligée d’assister et de soigner sa mère au quotidien : elle est le contact privilégié du corps médical, injecte à sa maman vieillissante ses doses de médicaments neuroleptiques, parfois de force, recherche les spécialistes qui pourraient la soulager. Son espace de vie exclusif est celui de la maison familiale. Sa mère refusant qu’elle sorte seule, ses uniques lieux de liberté sont le lycée, où elle se surinvestit et qui lui apporte la nourriture intellectuelle dont elle est privée à la maison, et l’église, bienveillante, où elle peut s’exprimer en grand ou petit groupe. Et puis son propre monde intérieur, celui des livres, des romans, des recettes de cuisine. C’est cet espace
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personnel qu’Anna, assoiffée de culture, développe en premier. Une vie d’imagination qui s’enrichit des auteurs français réalistes et romantiques, recommandés par les enseignants de lettres classiques. « La lecture, c’était ma bouffée d’oxygène. Je m’envolais ailleurs, à une autre époque, avec d’autres personnages. Enfermée dans ma petite chambre comme dans un cocon protecteur, mais libre dans ma tête. » Anna continue sa routine, entre des études de psychologie, probablement choisies dans l’espoir de comprendre les souffrances de sa mère, et un métier d’assistante documentaliste. Cultivée, toujours entourée d’ouvrages, avec des contacts sociaux limités, elle parvient néanmoins à se faire quelques amis. Comment sortir de cet enfermement confortable que procurent les habitudes ? Anna, peu confiante, demande souvent conseil aux autres, comme si elle ne parvenait pas à prendre des décisions seule. Elle reçoit le soutien d’un psychiatre. Elle accepte que des amis organisent une soirée pour lui présenter un jeune homme, étudiant comme elle, moment ô combien pitoyable. Parfois, Anna ressent un bouillonnement intérieur : elle éprouve le besoin de s’exposer, elle qui pourtant n’est pas audacieuse. Avide de sensations fortes, elle commence à se lancer des défis. L’une de ses premières ambitions est de décrocher un stage chez TF1, entreprise de média tellement éloignée de ses valeurs familiales : elle y parvient grâce à sa ténacité, malgré les critiques de son père. Elle rencontre aussi plusieurs garçons avec lesquels elle passe un peu de temps. Il lui est impossible de s’investir sur le long terme, elle qui n’arrive pas à se projeter. Paradoxalement, Anna ne recherche pas, à cette époque, la sécurité d’une relation amoureuse stable. Aussi elle se lance dans le sport, éperdument. Les sorties parisiennes en rollers n’ont plus de secret pour elle. Elle se confronte à la réalité, un peu maladroitement. « Quand tu es libre, tu n’as pas de portes à forcer. Mais quand tu es enfermée, c’est nécessaire. » L’année de ses 28 ans, une volonté soudaine la pousse à quitter le domicile de ses parents. Non pas qu’elle souhaite abandonner sa mère malade, non ! Elle a compris que celle-ci était en
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はなんて陰湿なのだろう!はじめは、 目にも見えない し、感じ取れなくて、 ひっそりと身を潜めている。 まる で地面すれすれを這いながら広がっていく蔦のよう に。 アンナの母親は自身の病気に薄々感じてはいた だろうが、発症時期は恐らく青年期の終わり頃だっ
ない知的な栄養を得られる場所であり、 やり過ぎな くらい勉強に励んだ。教会は慈善心に満ちていて、 少人数でも大人数の中でも、 自分の考えを話すこと ができる場所だった。そして、自分の内なる世界は 本、小説、料理のレシピなどの中にあった。文化を渇
たであろう。 ところが、つる植物が壁にへばり付き、 望するアンナは、 まずこれらのパーソナルスペースを
ついには一面を覆ってしまうように、いろいろな出
来事が徐々に起こっていった。 「 行動に現れる」 とい うことは病の発症を示すことであり、アンナと弟を 混乱させた。 もはやその姿を母親とは思えぬほどだ った。 ある夜、母親は知人の女性の家に不法侵入を し、パニックに陥り、警察署で一晩を過ごすことにな った。そして翌年には、 あるお店のショーウインドー を故意に割り、精神病院に入ることを余儀なくされ た。 そこでは荒療治に打ちのめされてしまった。次第 に彼女は異常な妄想を膨らませていった。 自身の家 族が自分を傷つけようと陰謀を企てていて、自分は 彼らの犠牲者なのだと常に信じていた。また、娘の クローンが作られて、 自分に害を及ぼすために娘は アイデンティティを変えたのだと勝手に思い込んで いた。彼女の幻影を見る頻度は高くなっていった。常 に身構えて、自分だけの世界に閉じこもるこの女性 にとって、現実を生きるのはあまりにも過酷だった。 「母が廊下に出てきたのを見ていたわ。数ヶ月 姿を見ていなかったの。20キロくらい体重が落
ちていたようだった。痩せこけて、ゆっくりした 足取りで歩いていて、 まるで小さなお婆さんみた
作り上げていった。古典文学の先生達から勧められ たフランス写実主義やロマン主義の作家の作品に よって、想像力は豊かに育まれていったのだ。 「読書は私にとっての息抜きだったわ。本を読 んでいる時間は、別の時代へ、別の登場人物達
の元へ飛んで行けた。繭の中で守られているか
のように小さな部屋に閉じ込められていたけれ
ど、頭の中は自由だった。」
アンナは、母親の苦しみを理解したい期待から 選んだであろう心理学の勉強と、文書係補佐の仕 事との間で、決まり切った日常生活を続けていた。 教養豊かで、常に本に囲まれていた彼女の交際範 囲は限られたものだったが、それでも数人の友人に 恵まれていた。 日常生活のこの快適ともいえる閉ざ された環境からどのように抜け出せるのだろうか? 自分に自信があまりなかったアンナは、 自分一人で は物事を決断できないかのように、 よく人に助言を 求めていた。精神科医のサポートも受けていた。友 人たちが彼女に同世代の男子学生を紹介するため のパーティーを開いてくれるのをアンナは受け入れ
いだったわ。頭は少し片側に傾いていた。真っ直
た。 なんて哀れな時間だろう。
た。唇を閉じておくことができなかったのよ。正
感じた。大胆な気性ではなかったが、自分を人前に
ぐに顔を上げていられずに、よだれが垂れてい
時にアンナは、 自分の中に激しい感情の高ぶりを
にその瞬間に、私はお母さんを失った、 もとのお
さらす必要性を感じるのだった。強い刺激に飢えて
の。これからはこの別人のように変わり果てた
野望としては、 テレビ局TF1のインターンシップを勝
母さんにはもう二度と会えないんだって悟った
お母さんと共に生きていかなければならないん
だって。」
従順な性格のアンナは日常的に母親を助け、世 話をするのが自分の義務だと思っていた。彼女が主 に医療関係者達とのコンタクトを取り、老いた母親 に神経弛緩薬の注射を、時には力尽くで打たなけれ ばならないこともあった。そして母親を楽にしてくれ る専門家を探し続けた。 アンナの生活の場はもっぱ ら家族と暮らす家だった。母親は一人で外出するこ とを拒んだので、 アンナが唯一自由でいられる場所 は高校と教会だけだった。高校は、家では与えられ
いた彼女は、思い切って挑戦を始めていく。最初の ち取ることだった。TF1は、彼女の家とはあまりにも 価値観の異なるメディア企業だ。父親からの批判を 受けながらも、彼女の粘り強さが功を奏しアンナは 成功する。複数の男の子との出会いもあった。彼ら とは束の間の時を過ごした。相手に自分を投影しき れない彼女には長く交際することは不可能だった。 逆説的に言えば、 この時期にアンナは安定した恋愛 関係がもたらす安心感を求めていなかったのだけれ ど。 また、彼女はスポーツにも夢中になった。パリの 街をローラーブレードで滑走するのは、 もう秘密に するようなことでもなかった。彼女は少し不器用で はあったけれど、現実の生活と対峙していたのだ。
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train de l’enfermer avec elle. L’emprise parentale est tellement solide que le choix est déchirant pour Anna qui se sent coupable de quitter ce lieu de privations. Elle doit rompre avec le modèle maternel basé sur la conviction que la réalité est dangereuse et que la sécurité n’est possible qu’au sein d’un monde intérieur. Ce premier élan de liberté la sauve temporairement. Car les contacts sociaux, quelle difficulté ! Dans la rue, Anna engage la conversation avec plusieurs sans-abris. Comment créer des liens de sympathie, d’amour alors que peu d’occasions le permettent ? Des contacts avec des personnes plus âgées, peutêtre ? Alors que des occasions de faire preuve d’innovation et d’acceptation du changement dans son métier se présentent, Anna ne parvient pas à prendre le chemin de la nouveauté. Même servir les usagers de la bibliothèque lui demande beaucoup d’efforts. « Comme c’est difficile, je me sens enfermée ici. Mon bureau se trouve derrière un mur. Ce mur crée une distance, me protège et en même temps, les gens passent sans me voir. »
Aussi ses conversations amoureuses se font par l’intermédiaire des sites Internet. C’est plus facile, cachée derrière un écran d’ordinateur. Un jour, une rencontre se concrétise. Un homme qui la comprend et auquel Anna trouve le moyen de s’adapter. Oh, ils se ressemblent un peu tous les deux ! Un homme à l’image d’Anna, quelque peu pessimiste, très proche de sa propre famille et fort investi dans son travail. Le cercle d’Anna s’agrandit tout doucement. Anna quitte son travail, cherche une nouvelle voie. De l’univers des livres poussiéreux de psychanalyse, elle passe à un domaine qui est en plein essor, la réalisation d’images en trois dimensions grâce aux technologies du numérique. Elle choisit aussi d’abandonner le salariat et prend ainsi de nouveaux risques. Elle veut se dépasser, réussir une prouesse. En qualité de commerciale, elle se lance et entame des actions « coup de poing ». Il suffit d’un succès pour lui laisser entrevoir la possibilité d’une autre vie, comme un rideau de théâtre qui s’ouvre devant elle : un gros contrat.
Premiers pas vers la liberté - 2020 © Alicedefi
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「あなたが自由なら、 こじ開けなきゃいけない扉
活に見切りをつけて、新たなリスクを取ることにし
はないでしょ。でも、閉じ込められている時は、 こじ
た。自分の限界を超えたい、快挙を成し遂げたいと
28歳の年に、突然に実家を出たいという欲求に
くのを目の当たりにするように、一度の成功体験さ
駆られた。病気の母親を見捨てたかったのではな
えあれば、彼女はまた別の人生の可能性を感じるこ
い。違う!母親がアンナのことを自分と一緒に閉じ
とができる。 それは大きな契約だった。
開けないといけないのよ。」
思った。商業の世界に乗り込み、 「パンチの効いた」 戦略に取りかかる。 まるで劇場の舞台カーテンが開
込めようとしていることがわかったのだ。親の支配 力があまりにも強固で、 この奪い合いの場を去るこ とに罪悪感を覚えるアンナにとって身が引き裂かれ るような選択だった。現実は危険であり、内側の世 界にしか安全は得られないという信念に基づいた 母性モデルから彼女は決別しなければならなかっ た。 この最初の自由への跳躍が、一時的にでも彼女 を救うことになる。 というのも、社会の人々と心を通わせることは彼 女にとって容易でなかったからだ。 だから、路上で生 活をするホームレスたちと会話することを始めた。
「クライアントを納得させることに成功したわ。 結局、 自分の仕事を信じて、働けば良いだけなの
よ。そうすれば最後にはやり遂げられる。毎日絶
えず試して、経験を積んで、そして落胆しないこ
とだわ。」
アンナは毎晩遅くまで仕事に激しく没頭した結 果、徐々に自信を持てるようになり、同時に確かな 実力を付けていった。 これまでのパートナーとは、お互いに離れてい
社会の中で共感や愛情の関係を築ける機会はとて
く結果で終わり、そして新たにアンナは愛を探しに
も少ないのに、 どうやって絆は生まれていくのか?た
いっていたのだが、今回は決定的に、自分に基準を
ぶん、年長者たちとの交流がもたらすことなのだろ
課した。 そして人生で初めて、 ありのままの彼女と彼
うか?職場で革新的な行動や変化を受け入れる能
女が抱えるもの、迷い、遠く離れた家族のこと、安心
力を発揮する機会があった時に、 アンナは新しいこ
感を求める気持ちや、世界に開かれたものを渇望す
とを始めることができずにいた。図書館利用者の対
る気持ちなども受け入れてくれる男性に出会った。
応にすら、大変な労力を費やす始末だったのだ。
彼は彼女の意志を汲み取ってくれる人でもあった。 そして、二人はフランスで結婚した。
「難しくて、 ここに閉じ込められている感じにな
アンナは40歳で母となった。仕事も手は抜けな
るの。私のデスクは壁の後ろ側にあるわ。 この壁
いが成長真っ盛り。 まるで贈り物であるかのように、
時に、人が通る時も私を見ずに通り過ぎるの。」
特に教育を受けなかった彼女は、自分の子供の教
そしてまた、彼女の愛の会話はインターネットサ
こと、そして子供が夫婦から影響を受けることは否
イトを介して交わされた。パソコンの画面の後ろに
めないということを意識するようになる。彼女は、娘
隠れているので気が楽なのだ。ある日、一つの出会
に寄り添い、包み込み、暴力のない、能力を開花さ
いが実を結んだ。彼女のことを理解してくれる男性
せられるような環境を作ってあげたいと心に決めて
が現れたのだ。 アンナは、合うと感じた。 あぁ、 この二
いる。子供に伝え残していく基盤を作っているのだ。
が距離を作って私を守ってくれているけれど、同
新しい人生が彼女の前に差し出されていた。親から 育において自らが重要な選択をしなければならない
人はお互いにどこか似ているところがある!アンナ のようだけれど、 アンナほど悲観的でない彼。彼は自 身の家族との距離がとても近く、そして仕事に精力 を傾ける男性だった。 アンナの交際の輪は少しずつ 広がっていった。 アンナは仕事を辞め、新たな道を探した。埃を かぶった精神分析の本の世界から、デジタル技術 を駆使した立体映像の実現という飛躍的に発展を している分野に移っていく。彼女はサラリーマン生
「私は両親を少し恨んだこともあったけれど、 今となってはこれは幸運だったんだって思って
いるわ。私は人から与えられた環境や特別なコ
ミュニティを強いられることもなく、付き合いた い人を自分で選び、自分ひとりで自己形成がで
きたのだから。逆説的になるけれど、 こうして広
大な可能性にアクセスすることができたのだし、 完全に自由に生きることを学べたのだわ。」
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La photographie et l’écriture, deux outils sur lesquels Anna s’est appuyée pour se libérer - 2021 © Alicedefi
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« On a réussi à convaincre le client. Finalement, il suffit d’y croire et d’y travailler et les choses finissent par arriver. Essayer, expérimenter tous les jours sans relâche et ne pas se décourager. » Anna gagne lentement en confiance et en compétences, tandis qu’elle se plonge éperdument dans le travail et s’investit intensément. Les journées sont longues. Son compagnon et elle finissent par s’éloigner l’un de l’autre. Et à nouveau Anna recherche l’amour. Mais cette fois, décidée, elle s’impose des critères. Pour la première fois dans sa vie, elle rencontre un homme qui l’accepte telle qu’elle est, avec son bagage, ses hésitations, sa famille éloignée maintenant, son besoin de sécurité et sa soif d’ouverture sur le monde. Et qui tient compte de sa volonté. Anna fait entendre sa voix. Ils se marient en France. Anna devient maman à 40 ans alors que son travail, très prenant, est aussi en plein essor. Une nouvelle vie, comme un cadeau, s’offre à elle. N’ayant pas reçu de transmission parentale, elle prend conscience des choix essentiels qui se présentent à elle dans l’éducation de son enfant et de l’influence indéniable qu’elle peut avoir dans son couple. Elle est déterminée à être présente pour sa fille, à l’entourer, à créer pour elle un environnement épanouissant et non violent. Elle construit un socle à lui léguer. « J’en ai voulu à mes parents un peu et puis aujourd’hui je me dis que ça a été une chance. J’ai pu me construire seule, choisir qui j’avais envie de fréquenter sans que l’on ne m’impose un environnement donné, une communauté particulière. Paradoxalement, j’ai pu ainsi accéder à l’immense champ des possibles, j’ai appris à vivre totalement libre. » Anna perd sa mère pendant la crise du Covid-19. Depuis le Japon où Anna réside, elle n’a pas pu lui dire au revoir. Sa mère ne la reconnaissait plus depuis plusieurs années. Une autre page se tourne. L’adulte d’aujourd’hui se sent déracinée, privée d’attaches. Confrontée à la maladie, témoin de la détresse, prisonnière d’une histoire, elle a su s’accrocher et s’extirper progressivement de ses liens familiaux. Elle a écouté les leçons de vie des autres, mais ne s’y est pas laissé prendre.
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Avec le recul, cette absence de liberté pendant son enfance lui donne à l’avenir la possibilité de plonger ses racines n’importe où. À Paris ou à Tokyo, elle peut décider du terreau dans lequel celles-ci prendront. Car Anna se sent vivante, expérimente l’audace, fréquente une société japonaise qui pourtant laisse peu de latitude aux choix personnels, trouve sa place, parvient à s’exprimer… Elle continue à construire sa propre identité, se fixe pour règle de ne jamais cesser d’apprendre : elle n’est pas enfermée dans son histoire, elle accepte ses défauts, elle produit du bien et du beau sur terre avec ce qu’elle a et ce qu’elle découvre. Le lien qu’elle entretient avec la nature est essentiel et elle reconnaît que l’être humain est une source inépuisable de richesses. Le temps de l’enfantement est derrière elle ; Anna souhaite maintenant s’ouvrir à d’autres expériences. Elle ambitionne de se renouveler dans sa pratique professionnelle, qui s’est progressivement déportée vers la photographie de rue. « Quand je prends des photos, j’entre dans une forme de méditation. Je marche dans la ville à la recherche de quelque chose, sans savoir exactement quoi. Je fais le tri ensuite et en regardant mes images, je comprends. Ma vie se déroule devant moi par ces instants capturés. Elle me revient en pleine face pour mieux que je la saisisse, l’accepte, la transcende. La photo, c’est pour moi un pèlerinage intérieur vers la guérison. » Certains pourraient s’épanouir dans la routine, mais ce n’est pas la voie qu’a choisie Anna. Une nouvelle vie de défis s’offre à elle !
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アンナはコロナ禍のさなか母親を失った。彼女
作り出す。彼女にとって自然とのつながりは根本的
は日本で暮らしていたので、お別れを言うことはで
なものであり、人間とは無尽蔵な豊さの源であると
きなかった。 そもそも、数年前から母親はアンナのこ
認識している。
とを見てもわからなくなっていたのだが。新たな1ペ
創作活動の時期は過ぎ、 アンナは今、他にも経験
ージがめくられたのだ。現代、特に大人の人間関係
の幅を広げていきたいと考えている。彼女は徐々に
は希薄なものであると感じている。母親の病気に直
ストリート写真にシフトし、その道のプロとしての活
面し、苦悩を目の当たりにして囚われながらも、彼女
動で新境地を開きたいと熱望している。
は負けじと奮闘し、 しがらみから少しずつ抜け出す ことができたのだ。彼女は他人の人生の教訓に耳を 傾けたが、 自分が取り込まれることはなかった。 振り返ってみると、子供の頃に自由が欠如してい たことで、彼女の未来にどの地でも根を生やすこと ができるという可能性をもたらした。パリでも東京 でも、 どの土壌で成長し、生きていくのかを彼女自身 で決めることができるのだ。なぜなら、 アンナは、生 きていることを実感し、大胆な行動を起こし、 さらに は、個人的な選択の自由度が乏しい日本社会でも、 居場所を見つけ、 自分自身を表現することに成功し
「写真を撮る時、私はある種の瞑想状態に入る の。何かを求めて街を歩くけれど、それが何であ
るかはその時点ではわからない。撮った写真を あとで整理して、画像を見ながら理解するの。そ
うすると、その切り取られた瞬間の写真によって
私の人生が広がっていくのよ。目の前に並べら
れるから、私の人生をもっと把握できるし、受け 入れられるし、超越していくこともできるわ。写 真は、私にとって癒しへの内なる巡礼なの。」
たのだから…。彼女は自分のアイデンティティをつく
型にはまった習慣を繰り返すという生活で幸せ
り続けること、学ぶことを決して止めないと決めてい
になる人もいるかもしれないが、 アンナが選んだ道
る。 自分の過去に囚われずに、 自分の欠点を受け入
はそうではなかった。挑戦に満ちた新たな生活が始
れ、彼女が持ち合わせているもの、彼女が発見した
まっている!
ものを使って、 この地球上で良いもの、美しいものを
Emmanuelle Sagnard D’un passe-temps, la correction de textes en français est devenue un métier pour Emmanuelle Sagnard, installée à Tokyo depuis 2019. Elle a créé sa marque, Sensemo, pour mettre en valeur la langue française au Japon et aider les auteurs à transmettre leurs idées à l’écrit. エマニュエル・サニア
2019年から東京に拠点を構えるエマニュエル・サニアは、 もともと趣味だった文章の添削を職業とする。 日本でフランス語を普及させたり、書き 手が文章で自身の考えを表現する手助けをしたりするという目的で、 ブランド 「Sensemo」 を立ち上げた。
https://www.sensemofr.com/
Photographies : Alice De Figueiredo Mainguet, dite Alicedefi Artiste photographe, basée au Japon depuis 2017. L’humain est au cœur de sa pratique. Elle aime saisir des instants du quotidien et les mettre en lumière. À travers ses photos, elle nous offre son regard sensible, mais aussi son désir d’arrêter le temps pour en apprécier la saveur. アリス・デ・フィゲレド・マンゲ(アリスデフィ)
2017年より日本を拠点にフォトアーティストとして活動。主要テーマは人間。好きな手法は、 日常の何気ない一瞬を切り取り、光を当てるスタイル。
作品は彼女の繊細な眼差しと共に、時間の豊かさを堪能すべく時の流れを止めたいという欲求を感じさせる。
https://alicedefi.com Instagram : https://www.instagram.com/alice_defi/ Facebook : https://www.facebook.com/alicedefiphoto/
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Photo : Un étudiant monte les escaliers pour accéder à la gare routière à Kesennuma, Miyagi - Série La grande muraille du Japon © Nicolas Datiche
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La du
promesse renouveau
安全神話
- anzen shinwa Le mythe de la sécurité absolue par
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マイケル・ゴールドバーグ ドキュメンタリーディレクター
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L’archipel japonais est sujet aux calamités naturelles — éruptions volcaniques, tremblements de terre, tsunamis, et pluies torrentielles. Refaire sa vie après un désastre est pris pour acquis. Toutefois, et alors qu’ils ont subi les conséquences épouvantables de la bombe atomique, qui aurait pensé que les Japonais croiraient au miracle de l’énergie nucléaire immaculée ? Le séisme et le tsunami historiques du 11 mars 2011, qui ont entraîné la fonte du corium dans les trois réacteurs de la centrale Daiichi, nous donnent matière à réflexion. À cet égard, j’ai interviewé deux résidents des zones affectées qui ne se connaissent pas : Yuji
Ōnuma, qui ne peut toujours pas rentrer dans son village Futaba, à 4 km de la centrale Daiichi ; Tomoko Kobayashi qui a pu retrouver ce qu’il reste du sien : Odaka.
« Énergie pour un avenir radieux » Dès 1955, des campagnes publicitaires vantent au Japon le slogan américain « Atomes pour la paix ». Nombreux sont ainsi les citoyens japonais de l’époque à croire au 安全神話 anzen shinwa, le « mythe de la sécurité absolue », véhiculé par les compagnies d’électricité et le gouvernement. Parmi eux, les habitants du petit village de Futaba, alors déclinant, voient dans la construction d’une centrale nucléaire toute proche l’espoir d’une reprise économique. Cette centrale s’appellera Fukushima-Daiichi.
Au collège, un de ses devoirs de vacances sera d’écrire un essai sur la centrale. Nous sommes peu après l’accident de Tchernobyl et la peur du nucléaire est forte. Ayant travaillé dessus sérieusement, il gagne un prix. La mairie lui remet un certificat d’honneur en mars 1988, lors des célébrations de la « Journée de l’électronique », et le titre de son papier, « Énergie pour un avenir radieux », est utilisé sur un panneau d’affichage suspendu audessus de la rue principale du village.
Yuji Ōnuma À l’école, l’instituteur nous faisait peur. Il fallait donner les réponses attendues, non ce que nous pensions, sinon il nous tapait dessus. Ça ne se fait plus de nos jours, mais c’était normal à l’époque. J’avais aussi appris chez nous à ne pas critiquer la société d’électricité, car des membres de notre famille, les parents de mes camarades de classe, et les voisins y étaient employés. En haut : Le panneau de Futaba « Énergie pour un avenir radieux » © Jérémie Souteyrat À gauche : Mesures des radiations par Safecast © Safecast
Photo - Yuji à l’école primaire © Courtoisie de la famille Ōnuma
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Démantelement du panneau © Yuji Ōnuma
Plus tard, à l’âge adulte, Yuji Ōnuma fait construire des logements dont les locataires sont des employés de la centrale. Il ne dit jamais ce qu’il pense du nucléaire ; et les affaires vont bien. Mais en mars 2011, son attitude vire à 180 degrés. Yuji Ōnuma La mairie de Futaba s’est servie de moi pour promouvoir l’énergie nucléaire, et notre village a été durement touché par les radiations. J’éprouvais des sentiments complexes face à cette contradiction. Nous avons dû tout abandonner.
Dans la préfecture d’Aichi (au centre du Japon), où Yoji Ōnuma et son épouse se sont réfugiés, les citoyens luttent contre le redémarrage de la centrale nucléaire locale – Hamaoka. Un an après la catastrophe du 11 mars 2011, le voilà invité à participer à une manifestation : microphone à la main, il dit à haute voix que les centrales nucléaires sont un danger pour la communauté. Il en est témoin – d’autant plus légitime qu’il aura été obligé, après la catastrophe de Fukushima, de se réfugier chez eux, à 500 km de chez lui. Son discours fait la une des journaux : il devient actif dans le mouvement antinucléaire.
Entrée du Musée © Musée commémoratif du tremblement de terre et de la catastrophe nucléaire du Grand Est du Japon
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Photo sur un mur du musée © Musée commémoratif du tremblement de terre et de la catastrophe nucléaire du Grand Est du Japon
Un mois plus tard, les fonctionnaires de son village décident de démanteler le panneau d’affichage portant le titre de son essai. Cependant, Yoji Ōnuma s’y opposera : non pas qu’il y croit ; au contraire, il ne veut pas que l’on perde de vue le mensonge derrière la promesse de cette « énergie pour un avenir radieux ».
En décembre 2015, le panneau est finalement démantelé. Néanmoins, il sera reconstitué et exposé à nouveau le 24 mars 2021 au Musée commémoratif du tremblement de terre et de la catastrophe nucléaire du Grand Est du Japon.
Le panneau reconstitué au musée © Yuji Ōnuma
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« Le retour éventuel » En 2020 le Comité olympique japonais appelle les Jeux olympiques nippons « Les jeux de la reprise et de la reconstruction ». Le relais de la flamme olympique autour de Fukushima, partant du terrain sportif J-Village, non loin de la centrale Daiichi, en est la preuve. Un an après, on décrit, avec le même enthousiasme, le maintien des JO comme « preuve de la victoire sur le coronavirus ». Capture d’écran du site Internet du JOC © Japanese Olympic Committee
Yuji Ōnuma J’ai l’impression que l’on se sert du coronavirus pour détourner l’attention des problèmes de Fukushima. Quand le Premier ministre a déclaré que la situation à la centrale était « maîtrisée », j’ai été abasourdi. Dire qu’on a réussi à faire quelque chose qu’on n’a pas réalisé est inacceptable, même lors d’une « performance » pour les JO.
J’étais à Futaba le jour où le relais de la flamme olympique est arrivé. Je n’avais jamais vu autant de gens se rassembler devant la station, mais ça avait plutôt l’air triste. Les bâtiments autour qui présentaient des niveaux de radiation élevés ont été rasés, et le tout recouvert d’asphalte — un réaménagement pour quelques minutes ce jour-là. On aurait dit un plateau de tournage, sans décor derrière. Tout ça pour les JO, le plaisir d’un moment, et le lendemain, plus rien. Plus personne n’y habite.
La flamme olympique arrive à Futaba © Yuji Ōnuma
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Une connexion de Fukushima avec l’Ukraine En 1990, 21 ans avant le désastre de Fukushima, Masaharu Kawada, à l’époque professeur adjoint à la Faculté des sciences à l’université de Nagoya, monte l’Organisation à but non lucratif de Chubu pour aider Tchernobyl, qui apporte un support aux hôpitaux dans la région de Zhytomyr en Ukraine.
Photos : courtoisie de l’Organisation à but non lucratif de Chubu pour aider Tchernobyl
En 2007, monsieur Kawada porte son attention sur la possibilité de réduire les niveaux de radiation des terrains en Ukraine. Lors de la décontamination de Fukushima, 5 cm du sol irradié ont été enlevés ; un procédé qu’il serait inutile de répéter à Tchernobyl : 30 ans sont passés depuis l’accident de 1986, et les particules radioactives ont pénétré la terre jusqu’à 20 cm de profondeur. Sur sa suggestion, la phytoremédiation (récupération à l’aide de plantes) est testée. On pense que le colza et le tournesol pourraient extraire du césium et du strontium du sol, dissous dans l’eau absorbée par leurs racines. Les résultats s’avèrent décevants. Après une année, le niveau de radiation ne baisse que de 5 % dans le champ testé. Entre-temps, des expériences en laboratoire mènent à une découverte. Lorsque l’huile est extraite par pression à froid des graines de colza, celle-ci n’est pas radioactive. Les isotopes restent dans la sève. On décide donc de se diriger vers la production d’huile industrielle (essence et biogaz) dès 2011 en cultivant du colza sur 10 000 hectares. Mais le projet doit être différé indéfiniment pour deux raisons — le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, et les catastrophes frappant Fukushima ! Bien qu’ils connaissent des difficultés économiques, des citoyens ukrainiens réunissent de l’argent pour aider les Japonais à leur tour. Ils achètent 100 compteurs Geiger et les envoient en juillet 2011 à l’ONG de Masaharu Kawada à Nagoya. La moitié est ainsi distribuée au Shimin Sokutei Center (Centre citoyen de mesure des radiations), géré par des volontaires à Minami-Soma, un district à 20 km au nordouest de la centrale nucléaire Daiichi et gravement affecté par les émissions. On s’en sert pour mesurer systématiquement les niveaux des radiations dans la région et visualiser les données sur des cartes. Deux des membres actifs du centre sont Tomoko Kobayashi et son mari Takenori.
Mesurer dans un champ de colza à Odaka © Michael Goldberg
Compteurs Geiger reçus de l’Ukraine par l’organisation d’aide à Tchernobyl.
Cartes des mesures au Shimin Sokutei Center © Sven Döffinger
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Odaka, Minami-Soma,
dans la préfecture de Fukushima
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Née dans le quartier Odaka de Minami-Soma, Tomoko Kobayashi est propriétaire d’un ryokan (une auberge japonaise), qui appartient à sa famille depuis trois générations et est proche de la station de train. Situé à 3 km de la mer, le tsunami s’arrêtera juste à sa porte, mais pas les radiations. Deux semaines plus tard, les habitants du quartier sont obligés d’évacuer sur l’ordre du gouvernement et la famille Kobayashi se réfugie à Nagoya, loin de la centrale. Odaka est alors désigné « zone en préparation pour retour éventuel » à cause du niveau élevé de radiation. Au bout d’un an, les résidents sont autorisés à se rendre dans leur propriété et à y travailler dans la journée. Ils n’ont cependant pas le droit d’y passer la nuit. Afin de s’occuper de la reconstruction de l’auberge, Tomoko Kobayashi et son mari déménagent sans hésiter dans une
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des unités de logement préfabriquées pour les évacués. Ils n’aiment pas être désignés comme des rapatriés. « Dans nos cœurs, nous ne sommes jamais partis ». La demi-vie du Césium 137 est de 30 ans. C’est le temps qu’il faudra, à partir de mars 2011, pour que la radioactivité autour de Fukushima perde la moitié de son intensité. En 2013, les Kobayashi vont en Ukraine avec d’autres volontaires, et ils y retournent en 2016 et 2018. Ils veulent voir de leurs propres yeux comment la vie y a changé depuis la catastrophe de Tchernobyl, et se faire une idée de ce que pourrait être Fukushima dans le futur. Trente ans après le désastre de Tchernobyl de 1986, les niveaux de radiation en Ukraine sont devenus négligeables. Ce qu’ils retiendront de leurs voyages : savoir, mesurer, apprendre.
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Page de gauche : Mesures des radiations par Safecast - Cartographie issues du site Internet de Safecast 1 - Daiichi, Futaba et Odaka 2 - De Nagoya à Fukushima © Safecast
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Ci-contre 3 - Champs de colza à Futaba © Takenori Kobayashi 4 - Mesurer les radiations des graines de colza 5 - Affinage de l’huile de colza © Sven Döffinger
Le 11 juillet 2016, l’ordre d’exclusion est levé pour les parties d’Odaka qui ont été décontaminées. Il est néanmoins encore défendu, à cette époque, de faire pousser des produits alimentaires. Pour redonner un peu de vie et d’espoir au village en ruines, Tomoko Kobayashi obtient la permission de planter des fleurs autour de la station Odaka, même s’il n’y a ni trains qui y passent, ni résidents à temps plein. À partir de cette initiative, l’idée de planter des fleurs de colza dans les champs inutilisés prend racine. Masaharu Kawada et des collègues en Ukraine avaient démontré que l’huile qui en est extraite ne contient pas de radiations. C’est le tout premier produit comestible qui peut être cultivé et vendu sans contraintes et sans souci ; une source d’espoir pour les agriculteurs de Fukushima.
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En 2021, moins de 30 % des 12 842 habitants que comptait Odaka avant l’accident sont de retour ; la moitié sont des personnes âgées. Les évacués avec des enfants à charge refusent le rapatriement. Les grands-parents – comme les Kobayashi – n’insistent pas. Ils protègent le furusato (pays natal) pour le futur, espérant que leurs enfants reviendront de leur propre gré après la retraite. Entre-temps, de jeunes adultes provenant des villes ont choisi de venir vivre à Odaka après 2016. Tomoko Kobayashi et son mari font tout leur possible pour encourager ces nouveaux entrepreneurs énergiques.
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Takenori Kobayashi On ne peut plus dire « rentrez chez vous ». Les vieux sont revenus, mais pas pour reprendre le travail ; il n’y en a pas. Leurs terres ne peuvent pas être cultivées et il n’y a pas d’économie locale. Ils peuvent vivre grâce à leur pension de vieillesse, et veulent passer le crépuscule de leurs années là où ils sont nés. Les jeunes se sont établis ailleurs et rentrer ne leur est plus pensable. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils reviennent. Il faut accepter des personnes de l’extérieur avec de nouveaux concepts et les intégrer dans la communauté.
pour leur propre consommation. Ça ressemble à ce que nous avons vu à Tchernobyl. L’environnement d’Odaka est propice à un mode de vie à échelle humaine. Avant le désastre, on disait qu’Odaka était isolé et pauvre, ou « le Tibet du Japon ». Mais le climat y est tempéré. On cultivait du thé, des fruits, du riz, et on ramassait des plantes sauvages en montagne, non pas pour les vendre, mais pour les partager et échanger avec les voisins. Si quelqu’un était en difficulté, le groupe autour le soutenait. Odaka était autosuffisant, et l’on pouvait vivre sans argent. Il en fallait, bien sûr, pour acheter une voiture ou envoyer un enfant à l’université. Mais il n’y avait pas de banque, seulement la caisse communautaire. Cette économie parallèle s’est effondrée à cause de la catastrophe à la centrale nucléaire. Takenori Kobayashi Un problème est qu’il y a peu d’incitations à emménager à Odaka. Ceux qui sont partis ont reçu un dédommagement, et les terrains qu’ils ont laissés ont perdu de leur valeur. Quels avantages y a-t-il pour les nouveaux ? Le coût de la vie est peu élevé et l’achat de propriété et les locations d’habitations sont raisonnables. Mais comment subsister dans le futur ? Il faudrait des subventions d’État pour les attirer.
Tomoko Kobayashi devant le sarcophage à Tchernobyl © Takenori Kobayashi
Tomoko Kobayashi Si les personnes qui vivaient ici avant pouvaient revenir, ça serait du rétablissement. Pendant dix ans, il y en a beaucoup qui sont morts. Cela dit, 3 000 personnes ont fait reconstruire leur habitation et sont revenues vivre à Odaka. La plupart ont 60 ou 70 ans, et il ne leur reste que dix, voire vingt années.
Lorsque les terres redeviendront arables, les vieux ne pourront plus s’en occuper. Autrefois, les jeunes de la famille travaillaient comme instituteurs ou ouvriers, et ils aidaient à la ferme le week-end et pendant les vacances. Plus maintenant. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons pensé faire pousser du colza sur des petites parcelles de terrain. Il y a des agriculteurs qui commencent à cultiver des légumes en petite quantité, ce qu’il faut
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Tomoko Kobayashi La rue commerçante n’est pas grande, mais elle suffit à une petite communauté de 3 000 personnes, et notre ryokan est là pour des personnes de passage. Nous sommes heureux qu’on vienne découvrir le mode de vie d’Odaka, et nous recevons à bras ouverts ceux qui pensent faire leur vie ici. De nouveaux arrivants ont réussi à faire carrière ici. Ceux qui songent à déménager à Odaka nous demandent si les radiations sont encore élevées. Nous leur expliquons qu’il est possible de vivre avec le niveau actuel de radiation dans l’environnement, et que nous le mesurons nous-mêmes, sans compter sur le gouvernement. Nous possédons la technologie et le savoir nécessaires pour juger les risques, un savoir-faire que nous partageons volontiers. Il y en a qui découvrent que les niveaux diffèrent très peu de l’endroit où ils vivent actuellement. Après, c’est à chacun de décider s’il veut tenter de refaire sa vie ici.
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Énergie solaire Yuji Ōnuma envisage « un avenir radieux » et en toute sécurité, pour ses enfants. Une chance qu’il n’a pas eue. Suite au désastre, il décide d’essayer l’énergie solaire, et finit par créer une entreprise pour la vente, l’installation et l’entretien de panneaux solaires. Yuji Ōnuma En 2012, le parti politique au pouvoir a mis en place une stratégie qui favorisait l’énergie solaire. La technologie décollait, et j’y ai cru. Si l’énergie solaire ne fonctionne que le jour et n’est pas constante, elle sert à réduire notre dépendance sur le réseau électrique. J’ai fait 60 installations depuis, uniquement sur des terrains désignés comme terrains constructibles, pour des individus et des quartiers. C’est devenu ma passion et mon métier.
Tomoko Kobayashi, elle, rejette carrément l’énergie nucléaire. Elle sait que la solution n’est pas de dépendre à nouveau des centrales électriques à combustibles fossiles, mais elle ne considère pas l’énergie solaire comme une alternative viable. Elle soutient toutefois l’utilisation de panneaux solaires sur les toits, pour la consommation personnelle. Tomoko Kobayashi Je ne pensais pas aux dangers de l’énergie nucléaire, mais maintenant je souhaite qu’il n’y ait plus d’accident de centrale nucléaire. Nous ne pouvons toutefois pas faire un pas en arrière. On parle beaucoup de nos jours de « nouvelles énergies », l’hydrogène par exemple, et des énergies renouvelables. Il nous en faut, mais à petite échelle. Les terres arables autour sont en train d’être transformées en fermes d’énergie solaire. On ne peut pas manger l’électricité.
Nettoyage des panneaux solaires © Yuji Ōnuma
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Photo : Une partie de la digue encore en construction à Kesennuma, Miyagi - Série La grande muraille du Japon © Nicolas Datiche
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Le « rétablissement » ( fukkō ) J’ai demandé à Yuji Ōnuma et Tomoko Kobayashi ce qu’ils pensent du mot fukkō. Yuji Ōnuma Ça fait dix ans que nous sommes obligés de vivre comme des réfugiés. Il semble que les réseaux d’eau et d’égouts soient enfin en cours de rétablissement à Futaba. Ça ne veut pas dire que nous pourrons y vivre comme autrefois. Il est possible que ma maison doive être rasée à cause de son niveau de radiation. Si c’était le cas, je ne voudrais pas y retourner. Selon notre perspective, le « rétablissement » ne veut rien dire. C’est un mot qui convient aux politiciens.
Quand le renouveau veut dire démolir ce qu’il y avait auparavant, là où des gens vivaient, sans lien à leur histoire, c’est de la fantaisie ! Nous nous sommes résignés à notre sort. Je trouve ça très cruel de parler du « rétablissement » de la région. Tomoko Kobayashi On ose appeler ça le « rétablissement ». (Elle rit.) C’est le pire qu’on puisse imaginer. Comment peut-on parler du rétablissement d’un endroit où on ne peut plus retourner ? Ils disent sans arrêt que ça va redevenir comme avant. J’ai l’impression qu’ils se foutent de nous.
Pour conclure Parmi les projets à grande échelle pour la reconstruction de Fukushima, le gouvernement prend la décision d’ériger environ 400 km de digues en béton d’une hauteur maximale de 12,5 m le long de la côte de l’océan Pacifique, pour un coût d’environ 10 milliards d’euros. Un visiteur pourrait se penser à l’intérieur d’une forteresse impénétrable, mais c’est une sécurité illusoire. Un tsunami comme celui de 2011 pourrait monter jusqu’à 30 mètres, et l’on ne peut plus observer les humeurs de l’océan. Après Tchernobyl, une catastrophe due à l’erreur humaine, on disait avec certitude au Japon : « Cela n’arrivera jamais chez nous ». Depuis les explosions et le corium fusionné sous les cuves des réacteurs de Fukushima-Daiichi, on veut faire croire que « cela n’arrivera plus jamais chez nous ». Ce credo de sécurité absolue ne tient compte ni de la réalité des forces de la nature ni des faiblesses des centrales nucléaires.
Michael Goldberg Cadreur/réalisateur de documentaires pour la télévision, Michael Goldberg fait aussi de la recherche et coordination pour des tournages et reportages journalistiques. Né au Québec, il vit au Japon depuis plus de 40 ans. マイケル・ゴールドバーグ
テレビ・ドキュメンタリーの監督/撮影技師として活動するかたわら、報道関連の撮影やルポルタージュのリサーチ、 コーディネートも手がける。 ケベック生まれ、 日本に住んで40年以上になる。
http://www.ivw.co.jp/fr/pd_top.html
Contact : ivw2@yahoo.com
Michael Goldberg remercie chaleureusement : Futabaya Ryokan à Odaka (http://futabaya-inn.jp/), le photographe Nicolas Datiche (www.nicolasdatiche.com ) et Timo Bruhns, Azby Brown, Tom Gill, Hiroo Saso, Mihato Taura. À noter : Les entretiens ne sont pas textuels. Ils ont été édités pour plus de clarté et pour faciliter la lecture. Voir le portrait de Michael Goldberg en page 128.
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Photo © Yukihide NAKANO
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Du coton contre l’oubli À Higashi-Matsushima, un agriculteur a réservé une parcelle de son exploitation au coton biologique, qu’il produit depuis 2011. Yoshinori Akasaka a érigé cette plante en symbole de renouveau, de résilience et de solidarité.
par
J O HA NN FL EURI
JO U R NALI STE
ジョアン・フルリ ジャーナリスト Pho t o g ra p hies p a r YUKIHIDE NAKANO
中野 幸英 写真
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Tōhoku – Higashi-Matsushima. « Personne ne pouvait imaginer qu’une chose pareille arriverait. » Installé dans son bureau, Yoshinori Akasaka feuillette le numéro spécial d’un magazine de photographies et de témoignages sur le Grand tremblement de terre du T ōhoku. Dans les pièces voisines, les employés s’affairent, mais lui reste concentré, imperturbable. Étreint par l’émotion, il regarde péniblement les détails de chaque cliché. Sur le papier glacé, l’illustration de milliers de vies détruites en quelques instants. Maison, exploitation, cet agriculteur de la préfecture de Miyagi, celle qui fut la plus durement touchée par le séisme du 11 mars 2011, a tout perdu ce jour-là. « Personne ne pouvait imaginer ça », répète-t-il. Dans le bourg de Misato, limitrophe de la ville de Higashi-Matsushima où se trouve sa propriété, résidaient quelque 800 foyers. Au lendemain du 11 mars 2011, « il n’y avait plus rien ». Il a fallu
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repartir de zéro. Dix ans après la catastrophe, la vie a doucement repris. Même si la reconstruction du Tōhoku est toujours très loin d’être achevée.
faire pousser du riz pour une durée de trois ans. Impossible de remettre en route la production. « Nous étions désemparés. »
Le paysage de cette région, surnommée le Grenier du Japon, est composé de rizières à perte de vue. Le riz, « c’est l’image du Japon », un emblème. Pour le cultiver, une surface plate, sans montagnes ni dénivelés, est nécessaire. Une topographie particulièrement vulnérable face au tsunami, qui a pu progresser plus facilement. Au lendemain du passage dévastateur de la vague du 11 mars, les agriculteurs ont une mauvaise surprise : le sel s’est déposé en profondeur dans les terres, réduisant à néant tout espoir d’y
Une visite impromptue crée cependant la surprise. « Des professionnels du tissage sont venus nous parler du coton. Ils nous ont expliqué que cette plante supporterait ces conditions exceptionnelles. » Une solution qui permettrait aux hommes de travailler en attendant que le sel s’évacue naturellement. Au début, Yoshinori Akasaka est perplexe. Puis, « je me suis laissé convaincre », sourit-il. Nous sommes en mai 2011, quelques mois seulement après la catastrophe.
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En juin, une centaine de bénévoles fait le déplacement à Arahama, au sud de Sendai, pour semer les graines sur 1,2 hectare. Les premières boules de coton du Tōhoku apparaissent en septembre, mais un typhon les abîme et la première moisson est maigre, tout juste 20 kilos. Heureusement, ce n’est pas le rendement qui est au cœur du projet, c’est l’entraide : cette fois, ce sont 350 bénévoles qui sont présents, aux côtés des agriculteurs, pour les soutenir et récolter les fleurs. C’est le début d’un formidable élan de solidarité qui continue de rassembler des centaines de volontaires de tout le pays au moment de la cueillette annuelle. Le coton du Tōhoku est utilisé pour confectionner des serviettes, des mouchoirs, des tee-shirts, des chaussettes aussi. De grandes enseignes de mode, comme Tabio, s’associent à l’initiative. Japan Airlines va également apporter un soutien décisif en imprimant le logo du coton du Tōhoku sur plusieurs avions qui assurent des vols intérieurs et en envoyant des employés gonfler les rangs des préposés à la récolte. Aujourd’hui, si des exploitations plus modestes sont apparues dans d’autres préfectures, Miyagi est de loin la principale région productrice de
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coton au Japon, avec une plantation à Natori, une à Arahama, et bien sûr celle de Higashi-Matsushima, chez Yoshinori Akasaka, la plus importante des trois. Bien qu’il s’agisse cette année de la dixième saison, la culture du coton biologique reste expérimentale et fragile en raison des typhons, du froid hivernal et des pluies abondantes qui sont loin de représenter un climat idéal pour la plante. Les quantités ne dépassent guère quelques centaines de kilos (400 pour la dernière récolte). Mais si Yoshinori Akasaka a également repris la production de riz, de légumes et d’herbes aromatiques, plus question pour lui d’abandonner le coton. Une façon pour lui de lutter pour que « personne n’oublie ce qui s’est passé ici il y a dix ans. » Car on ne sait pas de quoi demain sera fait. « Un tel séisme peut survenir à nouveau. »
L’opération, soutenue par de nombreux artistes et célébrités, à l’instar de Salyu et de Takeshi Kobayashi, a trouvé sa place dans le paysage local. Soixante-dix entreprises de filage et de mode y participent désormais. Depuis mars 2021, de grandes enseignes comme Lee ou Urban Research commercialisent des masques sanitaires 100 % coton biologique du Tōhoku. Ces derniers sont fabriqués sur le même modèle que les 37 000 distribués en urgence au personnel soignant au printemps 2020, lors de la pénurie nationale d’équipements de protection individuelle qui a accompagné le début de la pandémie de Covid-19. Avec son coton, Yoshinori Akasaka ne perd pas des yeux l’essentiel : en plus d’être un remède contre l’oubli, c’est un symbole de solidarité.
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Johann Fleuri Journaliste indépendante basée à Tokyo depuis 2015. (Ouest-France, Tempura Mag, La Gazette des femmes, Géo, etc.) ジョアン・フルリ
東京在住のフリージャーナリスト。
www.johannfleuri.com Johann Fleuri remercie chaleureusement : Le photographe Yukihide Nakano 中野 幸英 - 株式会社 SKYLAB - http://www.skylab.jp/ Contact : nakano@skylab.jp
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Reiko Sudo & Mai Miyake Le renouveau selon deux artistes japonaises d’exception
須藤玲子さん、 ミヤケマイさん、 日本の卓越したアーティスト par
M ID O RI M AKI LARRI E U
C ON S U L TA N TE I N TE RC U L TU RE L L E
ラリュー 牧 みどり 異文化コンサルタント
Pho t o g ra p hies p a r ALICE DE FIGUEIREDO MAINGUET, d it e A L I C EDEFI アリス・デ・フィゲレド・マンゲ (アリスデフィ) 写真
Reiko Sudo est designer textile, dirigeante de la marque Nuno (nuno en japonais veut dire « textile ») et membre du Japanese Design Committee et du comité consultatif de Muji. Elle fait régulièrement des expositions au Japon et à l’étranger, dont plusieurs sous la direction artistique et conception du Studio Adrien Gardère. Sa société travaille directement avec des artisans japonais qui partagent sa vision, qu’elle rencontre personnellement et régulièrement, avec qui elle tisse des liens étroits. Elle tente de faire revivre les techniques japonaises anciennes pour les réinterpréter à sa façon. Reiko Sudo entourée de ses textiles Nuno Nunoのテキスタイルに囲まれ た須藤玲子さん。 © Alicedefi
Mai Miyake, quant à elle, est une artiste qui a étudié aux Beaux-Arts à Paris, basée à Kyoto et dont l’interprétation de l’art japonais oscille entre tradition et innovation. L’artiste ajoute une perspective unique à la délicatesse et à la profondeur des arts et de l’artisanat traditionnels
須藤玲子さん。テキスタイルデザイナー、NUNO ブランドの代表、日本デザインコミッティーや無印 良品のアドバイザリーボードのメンバー。 国内外で定期的に展覧会を開催しており、その 中にはフランスのアートディレクター、スタジオ・ア ドリアン・ガルデールのコラボレーションも含まれ る。須藤さんは、NUNOのビジョンを共有する日本 の職人たちとのコミュニケーションを大事にされて いることから、定期的に彼らのもとを訪問し、親密な 関係を築いている。 日本古来の技術を復活させ、新 たな素材の提案を常に行わっている。 ミヤケマイさん。パリのボザールで学んだ後、京 都を拠点に活動しているアーティスト。日本の伝統 的な美術、工芸の繊細さや奥深さに独自の視点を加 え、過去・現在・未来をシームレスにつなげながら、 物事の本質や表現の普遍性を問い続ける美術家。
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japonais, reliant de manière transparente le passé, le présent et l’avenir, tout en continuant à s’interroger sur l’essence des choses et l’universalité de l’expression. Elles ont un point commun : elles savent, chacune dans leur univers, mettre en valeur ce qui est profondément japonais avec beaucoup de créativité et diffuser l’héritage culturel japonais vers l’Occident. Toutes deux se connaissent, ont déjà participé à une exposition au musée d’art de Oita en 2018. J’ai eu très envie de les interroger sur leur vision du thème « renouveau ». En japonais, le mot renouveau peut se traduire de plusieurs manières. J’ai choisi fukkatsu (復活 renaissance, reproduction), saisei (再生 résurrection, renaissance, restauration), yomigaeri (蘇り réanimation, résurrection, retour à la vie).
須藤さんとミヤケさんに共通しているのは、 日本 的なものを創造的に表現し、日本の文化遺産を西 洋に発信されているということだ。お二人はお互い に面識があり、2018年には大分県立美術館で開 催された展覧会でご一緒されている。 本誌のテーマである 「再生」に対するイメージを ぜひ聞いてみたいと思った。日本語では、再生とい う言葉はいろいろな意味に訳せるが、私が選んだの は、 「復活」、 「蘇り」 というニュアンスだ。 2021年春、東京・六本木のアトリエ・ブティック と、埼玉・大宮の盆栽美術館での展示会でお二人に 会い、 インタビューをさせていただいた。
Au printemps 2021, je les ai rencontrées, l’une dans son atelier-boutique à Roppongi (Tokyo), l’autre au cours d’une exposition au musée du bonsaï à Omiya (Saitama). Voici quelques extraits de nos échanges…
Reiko Sudo 須藤玲子さん Reiko, pouvez-vous nous dire ce qu’évoque chez vous le mot « renouveau » ?
En japonais, il existe un mot, devenu international, qui est もったいない (mottai nai) qui veut dire « ne pas faire de gaspillage » […] Chérir les objets, en prendre soin… c’est valable pour tout. Le mouvement circulaire est important. Nous vivons une époque où l’on parle d’économie circulaire. Même au niveau de la fabrication, on doit suivre un « mouvement circulaire ». Et c’est possible aujourd’hui de le faire, non seulement à une échelle limitée, mais de manière générale. Dans la vie de tous les jours et à différents niveaux. […] Le textile, après l’énergie, est le domaine où on compte le plus de déchets. Tout comme l’énergie, le textile est aussi un élément que nous côtoyons de façon proche, quotidiennement. […]
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須藤さんが、 「 再生」 という言葉から何を連想され
るか教えてください。
日本語には「もったいない」 という国際的な言 葉がありますが、 「 無駄にしない」 という意味で す。循環させるということが大事だと思います。今 は経済の仕組みでも、サーキュラー・エコノミー と言われる時代です。物づくりのレベルでも、循 環していくという概念を大事にする時代になって いると思います。そして、それは限られた規模で はなく、日常生活の中で、さまざまなレベルで生 活全般に可能であると考えています。 エネルギーの次に廃棄物が多いのは、繊維で す。エネルギーと同様に、テキスタイルは、私たち の生活に、 日常的に近いところに存在しています。 NUNOは、染料や染色工程について、常に環 境に配慮しています。私たちは、 エコレスポンシブ ル(環境保護)なビジョンを尊重しながら、工場
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Reiko Sudo & mariage des matières selon Nuno 須藤玲子 Nunoを代表する素材の組み 合わせ。 © Alicedefi
Chez Nuno, les procédés de teinture ont toujours été pensés pour ne pas nuire à l’environnement. On a pu introduire de nouveaux procédés d’innovation textile avec la collaboration des usines tout en respectant cette vision écoresponsable. On a commencé à travailler de plus en plus sur des matières et des articles qui étaient plus faciles à recycler.
の協力を得て、新しいテキスタイル・イノベーショ ン・プロセスを導入することができました。 リサイクルしやすい素材を導入したりやアイテ ム作りに積極的に取り組んでいきました。 環境への配慮を考慮に入れながら、NUNOは 1986年に、光に触れても、時間が経っても色が変 わらない、光や摩擦に対して耐久性がある化学染料 を使った染色方法を導入しました。使用量が少なく
Malgré l’attention portée à l’environnement, Reiko introduit rapidement, dès 1986, la teinture à base de colorant chimique afin de permettre aux tissus de rester durables contre la lumière et la friction. Le faible dosage de colorant chimique a été possible grâce à la qualité de l’eau, qui est réputée être douce au sein de l’archipel du Japon (certaines régions comme la préfecture de Chiba possèdent une eau dure qui n’est pas adaptée à la teinture).
Les éléments dont nous devons tenir compte dans le choix des matériaux ont évolué au fil du temps. De nos jours, il existe des problèmes majeurs dont nous devons toujours être conscients, tels que la durabilité et l’impact sur l’environnement. Des matériaux naturels (le bambou et les conifères sont utilisés comme matières premières) qui étaient considérés comme respectueux de l’environnement dans le passé ne le sont plus nécessairement aujourd’hui (l’impact environnemental du processus de traitement chimique est
ても、 日本の水がほとんど軟水ですので綺麗に仕上 がります。 ( 千葉県のあるエリアは硬水なので染色 に向きません。) 「素材選び」に必要な要素は、時代とともに 変化しています。現在は、耐久性や環境への影響 など、常に意識しなければならない大きな課題 があります。昔は環境に優しいとされていた、竹 や針葉樹を原材料とした天然素材も、今は必ず しもそうではありません。化学処理の工程に環 境負荷がかかっていることが問題視されている からです。 また、80年代から90年代にかけては、 様々な繊維を自由に組み合わせて面白いテキス タイルを作ることが良いとされていました。その 時代を生きてきた者として、今、私は生地の生産 を一つ一つ見直していくことが大事だと思ってい ます。例えば、親水性の素材と疎水性の素材を混 ぜることは極力、避けています。 他にも、石油由来の繊維をケミカルリサイクル しやすいように設計する、小さな組織ではありま
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considéré comme problématique). De plus, dans les années 1980 et 1990, on considérait qu’il était bon de mélanger librement diverses fibres pour créer des textiles intéressants. Ayant moi-même vécu cette époque, je passe maintenant en revue la production de tissus un par un. Par exemple, nous évitons autant que possible de mélanger les matériaux hydrophiles et hydrophobes, nous concevons des fibres dérivées du pétrole pour un recyclage chimique facile, et bien que nous soyons une petite organisation, nous faisons tout notre possible pour ne pas produire de déchets, en ne fabriquant que des produits qui puissent être réutilisés. Quelles sont vos inspirations ?
Comme les textiles sont étroitement liés à notre vie quotidienne, nous nous inspirons souvent d’événements de notre vie quotidienne, des moments qui font soudain battre notre cœur, des événements saisonniers… Une fois l’idée concrétisée, l’étape suivante consiste à lancer le processus de création du textile proprement dit. Je pense que le point de départ de la création de textiles est la visite du site du fabricant. Cela passe par la communication avec le fabricant. J’attache la plus grande importance à communiquer soigneusement mes idées sur le design et sur le type de texture que je souhaite créer. En même temps, nous sommes toujours attentifs aux informations sur les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies qui apparaissent dans divers domaines. Vous avez sans cesse fait appel à des réinterprétations de savoir-faire artisanal japonais, tout en y introduisant des techniques nouvelles ou des matières nouvelles…
Mon regard sur l’utilisation des matières a évolué avec le temps. […] Les fabricants de textiles au Japon, ceux qui fabriquent les kimonos ou les obis (ceintures de kimono) ont su adapter leur savoir-faire. Auparavant, les artisans fabriquaient essentiellement des obis avec de la soie, mais aujourd’hui ils fabriquent nos écharpes avec d’autres matières, comme la laine et le coton.
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すが、廃棄物を出さないように努力し、再利用で きる製品のみを作っています。 須藤さんのインスピレーションは? テキスタイルは私たちの生活に密着している ので、日常生活の中での出来事やふとした瞬間 に心が躍るようなこと、季節のイベントなどから インスピレーションを受けることが多いです。 アイ ディアが固まったら、次は実際にテキスタイルを 作る作業に入ります。テキスタイルデザインの出 発点は、 メーカーの方々と可能性について話し合 うことだと思います。そのためには、 メーカーとの コミュニケーションが非常に大事です。デザイン や質感のイメージを丁寧に伝えることを大切に していますし、 さまざまな分野で生まれている新 素材や新技術の情報にも常にアンテナを張って います。 須藤さんは日本のクラフトマンシップの魅力を最
大限に引き出し、新しい技術や素材を導入されてこ
られましたね。
私の 「素材の使い方」 に対する考え方は、時代 とともに進化しています。 日本の繊維メーカー、例えば、着物や帯を作
Le lien fondamental avec les artisans 職人たちとの貴重な縁。 © Alicedefi
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[…] On pourrait parler de « renouveau » en référence au savoir-faire traditionnel dans le façonnage chirimen. Dans le quartier de Tango à Kyoto, un tissu de soie traditionnel appelé « chirimen » est encore fabriqué à l’aide de fils à haute torsion. La technique consistant à appliquer une forte torsion de 3 000 à 4 000 fois par mètre à la soie brute est encore bien vivante aujourd’hui. En introduisant cette technologie dans d’autres matériaux tels que la laine et le coton, un matériau extensible qui n’avait jamais existé auparavant est né. La teinture et le tissage japonais ont une histoire faite de diverses techniques introduites de Chine et d’Europe, puis développées indépendamment au Japon. Les artisans ont transmis et perpétué leur ingéniosité et leurs améliorations. Le Japon ne savait pas inventer, mais lorsque l’on y possède un savoir-faire, les artisans aiment l’améliorer et le perpétuer… Ils ont cette force de faire revivre une technique ou un savoir-faire à leur façon. On pourrait appeler cela le renouveau ! Marble Print aurait été inventé par un Suisse dans les années 1920. Ce procédé d’impression semble s’être répandu en Suisse et en Allemagne à cette époque, mais a aujourd’hui cessé d’exister… À Kyoto, l’unique usine qui possède ce procédé d’impression continue à travailler .
Une variété de matières et de teintes 多彩な素材と色合い。 © Alicedefi
っているメーカーは、 ノウハウを新たに生かすこ とができました。 以前は主に絹で帯を作っていましたが、今はウー ルや綿など他の素材を導入することで、 「ちりめん」 細工の伝統的なノウハウが「復活した」 と言ってもい いかもしれませんね。素材の入れ替えと同じ職人技 術により、NUNOのストレッチ素材が誕生しました。 和 装の布づくりの産 地 、京 都の丹 後 地 区では 強撚糸を駆使した「ちりめん」 と呼ぶ伝統的な絹織 物が現在もつくられています。生糸に、1mあたり 3000回〜4000回という強い撚りをかける技術は 今も健在です。 その技術をウールや綿など他の素材 に導入することで、 これまでに無かったようなストレ ッチ素材が誕生しました。 日本の染織は中国やヨーロッパから様々な技 術が伝わり、その後、 日本独自の発展を遂げてい く歴史があります。職人たちは工夫を重ね改良し て伝承し永続させてきました。 日本は発明するこ とがあまりありませんでしたが、技術があれば、 職人はそれを改良して永続させることができま す。 こういったことも 「蘇り」 という視点で捉えるこ とができますね。 ドイツではマーブルプリントというプリントが ありました。 ドイツでは無くなってしまいました が、 日本の京都にはまだ残っています。 (1920年 代にスイス人が発明したと言われている 「マーブ ルプリント」。当時はスイスやドイツなどで普及し たようですが、今は途絶えました。)
Un exemple de recyclage avec des chutes de tissus 写真は端切れを使ったリサイクルの一例。 © Alicedefi
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Reiko Sudo s’attache à perpétuer les techniques artisanales japonaises et à les faire connaître.
En collaboration avec Muji, nous avons développé un projet visant à faire revivre des usines dans des régions reculées du Japon, en mettant en valeur les tissus japonais de différentes régions. L’idée était de demander à chaque région possédant un artisanat traditionnel de produire un article. Les produits développés dans le cadre de ce projet ont été vendus dans les magasins Found Muji et ont ensuite été compilés dans un livre.
須藤さんは、日本の伝統的な工芸の技術を世界へ 発信することに専念されていますよね?
日本の遠隔地にある工場を復活させるため に、無印良品と一緒に、 さまざまな地域の日本の 生地にスポットを当てた書籍プロジェクトを展開 しました。伝統的な工芸品のある地域ごとに、商 品アイテムの制作をお願いしたのです。その後、 開発された商品は、Found
Mujiの店舗で販売
されました。 今後の展望についてお聞かせください。
Qu’est-ce que vous souhaitez pour l’avenir ?
Commencer par changer certaines de mes habitudes en veillant à ne plus jeter les objets (textiles et autres) de manière irréfléchie.[…] Les fabricants de textile doivent prendre la responsabilité de les récupérer et les recycler, tout comme Muji le fait depuis quelques années. Dans le temps, dans mon village, on récupérait de la laine car il n’y en avait pas… et on recyclait. Je trouve que l’on devrait faire pareil ! […] La laine était également un matériau précieux car le climat chaud et humide du Japon n’était pas propice à l’élevage des moutons. Aujourd’hui encore, il existe des entreprises qui collectent les produits en laine usagés et les recyclent en fil de laine. Nous aussi, nous devrions recycler les produits en laine au lieu de les jeter (L’histoire des textiles en laine au Japon a commencé dans la seconde moitié du XIXe siècle, cette matière était donc très précieuse).
Koinobori Now ! Installation réalisée par Reiko Sudo, Studio Adrien Gardère et Seiichi Saito - 2018, The National Art Center, Tokyo (Kokuritsu-Shin-Bijutsukan) 「こいのぼりなう!」須藤玲子スタジオ・アドリアン・ガ ルデール斉藤精一によるインストレーション © Ken Kato
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「捨てないことから始めよう」 ということを提 案していきたいと思います。 無印良品が数年前から行っているように、繊 維メーカーは責任を持って回収し、 リサイクルす るべきです。 例えばウールは、 日本の高温多湿な気候が羊 の生育に合わなかったことから、 とても貴重な素 材でした。私の育った村でもウールがなかったの で、 リサイクルしていました。着古した羊毛製品を 回収してウール糸に再生する業者は今でも残っ ていますし、 これからの私たちもリサイクルしてい くべきだと思っています。ちなみに、日本の毛織 物の歴史は19世紀の後半になってからですか ら、 とても貴重だったことがわかりますね。
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Mai Miyake ミヤケマイさん Mai MIYAKE, pouvez-vous nous parler de ce qu’évoque chez vous le mot « renouveau » ?
Comme vous avez pu le voir dans mon exposition, l’œuvre intitulée Résurrection représente le phénomène du renouveau. Vous avez vu la représentation du lapin et un œuf qui rappellent Pâques. Au-dessus du bonsaï, il y a aussi la Bible avec la tête de mort par-dessus, donc des symboles de la résurrection selon le christianisme… En Occident, la résurrection est celle du Christ. En Orient, c’est différent, il y a ce concept de réincarnation dans le bouddhisme, en Inde. Pour les bonsaïs, c’est pareil. En général, les plantes ou les arbres perdent les feuilles en hiver et reprennent vie au printemps. Pour les humains, il en est de même… Dans le sens où on a l’impression qu’avec la mort, on n’existe plus… Je pense que le cycle de la vie est continu. Je ne sais pas de façon scientifique si la réincarnation existe vraiment, mais l’être humain a existé physiquement, a laissé des descendants. Même après la mort, sa vie continue d’exister en quelque sorte, sous différentes formes, sous forme d’héritages, le goût de la maison. Et si on parle d’un aspect négatif, cela peut être des violences domestiques qui se perpétuent sur plusieurs générations… Je suis sûre que la trace que laisse une vie continue à exister. Je pense vraiment qu’il est difficile que quelque chose disparaisse totalement, c’est valable pour les plantes, et c’est valable pour le virus également… (rire) Donc pour moi c’est un éternel renouveau : entre la mort et la vie. Entre les deux, il y a la vie ordinaire et quotidienne qui représente un passage. Dans ce passage, nous rencontrons des situations comme celle du Covid que nous vivons aujourd’hui. Ces crises ont déjà existé dans le passé, de façon périodique, et il serait
ミヤケマイさん、あなたにとって 「再生」 という言
葉の意味を教えてください。
«Resurrection»( 復活祭) というタイトルの 作品は、私の展覧会で見ていただいたように、再 生という現象を表しています。イースターといえ ば、 うさぎとたまごですよね。今回の作品では、盆 栽の上に聖書を置きました。そして、キリスト教 では復活の象徴とされているドクロと十字架を その上に置いて表現したのです。西洋では、復活 とはキリストの復活のことです。東洋では違いま すが、インドの仏教には輪廻転生の概念があり ます。 盆栽の場合も同じです。一般的に植物や樹木 は、冬になると葉を落とし、春になると息を吹き 返します。 人間も同じで、死ねば自分は存在しないとい うイメージがありますが…生命のサイクルは連 続していると思います。 輪廻転生が本当にあるかどうかは科学的には わかりませんが、人間は物理的に存在し、子孫や 何かしらの存在を残しています。死後も、その人 の人生は何らかの形で、相続という家庭の味や 形で存在し続けます。例えば、ネガティブな面で 言えば、何世代にもわたって続くDV(ドメスティ ック・バイオレンス) も相続していくものです…。 命が残した痕跡は、 きっと存在し続けます。完 全に消滅することは難しいと思います。それは植 物にも言えることで、 ウイルスにも言えることです (笑)。 だから私にとっては、死と生の間の永遠の「再 生」なのです。両者の間には、通過点となる何気 ない日常があります。 今の私たちが生きているコロナ禍のような状 況に遭遇することもあります。 このような危機は、 過去にも周期的に存在したことで、 それが私たち だけに起こると考えるのは異常です。人はそれぞ れの状況に応じて、異なる影響を受けることは明 らかです。それは私たちの運命であり、受け入れ
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anormal de considérer que cela n’arrive qu’à soi. Il est évident que chacun est impacté différemment, selon sa propre situation. C’est notre destin et il faut l’accepter. En Orient, on appelle cela le karma. Pour moi, ces problèmes environnementaux ou le virus Covid-19 qui concernent l’humanité, la planète entière, sont des problèmes qui nous touchent et concernent tous, globalement. Je suis en quelque sorte heureuse d’être témoin de ces changements, de ces transformations. Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises transformations… Il y a un mouvement… Je suis curieuse de voir ces transformations. Vivre maintenant est une chance. En tant qu’artiste, je souhaite exprimer ces changements qui représentent la VIE pour moi et s’il n’y a pas de changements, c’est étrange… Même nos cellules continuent à se renouveler, donc vouloir coûte que coûte garder la même forme est, pour moi, inconcevable. Prenez l’exemple des relations humaines, nous évoluons constamment et vous ne trouvez pas bizarre qu’un couple puisse vouloir rester ensemble éternellement ? C’est assez inhumain et trop théorique pour moi. Ce n’est pas naturel, on est enfermé dans un processus de logique forcé et dans des valeurs qui nous sont inculquées, qui vont à l’encontre des cycles des êtres vivants… Il n’a pas de bonne ou de mauvaise chose, je ne suis pas là pour prétendre mieux savoir non plus. Accepter la vie comme elle se présente, ses changements, comprendre et agir en conséquence. Je pense que si une chose continue de subsister, c’est un hasard… une chance ? Moi ça ne m’intéresse pas trop de savoir pourquoi les choses peuvent perdurer sans transformations.
Mai Miyake ミヤケマイさん © Satoshi Shigeta 繁田諭
Tout est mouvement, chaque chose évolue à une allure différente… (parfois il est difficile d’accepter ces différences), par exemple, les pierres, le bois, les femmes, les hommes ont des cycles et des rythmes de vie différents, et vouloir les rendre de façon mécaniquement identique rend les choses anormales.
なければなりません。東洋ではこれを 「カルマ」 と 呼びます。 私にとって、人類や地球全体に関わる環境問 題やコロナウイルスは、私たち全員に影響を与え る地球規模の問題です。 このような変化、変貌を目の当たりにすること は、 ある意味では嬉しいことです。 変形には良いも悪いもない…動きがある…そ んな変形に興味がある。今を生きることは、ある 意味でチャンスではないかと思っております。 私はアーティストとして、 「 命」を象徴するよう な変化を表現したいと思っていますし、変化がな ければおかしい…私たちの細胞だってどんどん 生まれ変わっていくのに、何が何でも同じ形を保 ちたいというのは、私には考えられません。 人間関係を例にとると、人間は常に進化して いますが、永遠に一緒にいたいと思うカップルが 存在するということは不思議ではありませんか? それはかなり非人間的で、私には理論的すぎる のです。 自然ではなく、生物のサイクルに逆らうよ うな強引な論理や価値観を植え付けられ、その プロセスに閉じ込められているように思われま す…。 正解も不正解もないし、私も知ったかぶりを するつもりはありません。 人生をそのまま受け入れ、その変化を理解 し、それに合わせて行動するというものだと考え ます。 私は、何かが継続して存在するならば、 それは 偶然だと思います。 なぜ変化しないで続けられるのか、 ということ にはあまり興味がありません。 全てが動き、全てが異なるペースで進化して いく…。 例えば、石、木、女性、 男性、 それぞれの生命の サイクルやリズムは異なっており、それらを機械 的に同一にしようとすると、異常なものになって しまうのです。
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Résurrection, l’œuvre de Mai Miyake, exposée au Omiya Bonsaï Art Museum en mai 2021. 「復活祭」ミヤケマイさんの作品、2021年5月、大宮盆栽美術館 © Naruyasu Nabeshima
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Le Japon a cette capacité de résilience et 日本には、 自然災害に見舞われても、それを乗り la force de rebondir à chaque fois qu’il subit des 越える回復力と強さがあり、私たち日本人は、常に catastrophes naturelles. On pourrait dire que nous, 「再生」を繰り返していると言えるであろう。 「 起き les Japonais, vivons constamment un renouveau. た状態や物事をそのまま受け入れる」 ということは、 Cela fait partie de notre éducation, notre doctrine, 私たちの教育、 道徳の一貫である。 « accepter les choses comme elles viennent ». Et そして、 これまでにあったものをより良いものにし nous avons cette volonté de rendre meilleur ce qui ていこうという意志がある。 a préalablement existé. Reiko et Mai sont également toutes les deux professeures dans des universités d’art. On espère que la jeune génération d’artistes japonais pourra s’imprégner de leur esprit d’ouverture sur le monde et leur vision créative. Que le renouveau japonais puisse perdurer…
須藤玲子さんとミヤケマイさんは、それぞれ美術 大学の教授を務めておられる。 日本の若い世代のアーティストたちが、彼女達の 世界に拡がるオープンマインドと創造的なビジョン を受け継いでくれることを願っている。 日本の「 再 生 」がこれからも長く続きますよう に…。
Midori Maki Larrieu Japonaise ayant grandi en France, elle a passé une grande partie de sa vie entre La France et l’Asie (Japon, Hong Kong, Shanghai). Consultante interculturelle France-Japon, d’un côté, elle accompagne des entrepreneurs français dans le tissage de leur commerce au Japon. De l’autre, en management interculturel, Midori assiste les Japonais travaillant dans les entreprises francophones et se positionne en tant que facilitatrice de communication auprès des dirigeants des entreprises françaises au Japon. ラリュー 牧 みどり
フランスで育ち、人生の大半をフランスとアジア (日本、香港、上海) で過ごす。
日仏交流・異文化コンサルタント。幼少期から大学まで一貫してフランスの教育を受けた経験から、 日仏の文化や習慣の違いを丁寧に説明する 能力を備え、言語だけでは理解し合えない部分も補った通訳や交流をモットーに活動している。
コミュニケーション・ファシリテーター。 日本人とフランス人の意見交換をスムーズに促すことを得意とし、 コミュニケーションの“架け橋”として、 両者の信頼関係をしっかり築き上げることを大事にしている。異なる文化を持つフランス人と日本人が交流する上で、 自身を介して両者の絆が
より深まるよう日々努めている。
https://www.linkedin.com/in/midori-maki/ Midori Maki Larrieu tient à remercier sincèrement les deux artistes qui ont spontanément accepté de répondre à ses questions sur le sujet du « Renouveau ». Leurs propos l’ont beaucoup inspirée et ont alimenté sa réflexion. • Reiko Sudo, directrice du design de la marque Nuno (https://www.nuno.com). • Mai Miyake, artiste (http://www.maimiyake.com). 「再生」 というテーマのインタビューをご快諾いただいた須藤玲子さんとミヤケマイさんに、心から感謝申し上げます。興味深いお話はとても参 考になり、 いろんなことについて勉強させていただきました。
須藤玲子さん、 「Nuno」 のデザインディレクター。https://www.nuno.com
ミヤケマイさん、 アーティスト。http://www.maimiyake.com
Les propos de Mai MIYAKE ont été recueillis lors de l’exposition collaborative du 6 e anniversaire de la Journée mondiale du bonsaï qui a eu lieu du 23 avril au 19 mai 2021.
ミヤケマイさんのインタビューは、2021年4月23日から5月19日まで開催された 「第6回記念世界盆栽展」 のコラボ展示で行われた。
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Danse céleste 天空のダンス par
J ENNIFER S I C LARI , d ite K IRIN
A R T I ST E , I L L U ST R A T R I C E
ジェニファー・シクラリ(Kirin) アーティスト、 イラストレーター T r a d u ctio n à p a r tir d u f r a nça is p a r MAKI KAWATO 訳 : 河戸麻紀 Le 21 décembre 2020 eut lieu un phénomène céleste, visible à l’œil nu : le rapprochement entre les planètes Jupiter et Saturne. Connu sous le nom de « Grande Conjonction », cet évènement a lieu tous les 20 ans environ. Cette « danse céleste » de grande envergure est un moment très important en astrologie occidentale, symbole d’un nouveau cycle. La conjonction de l’année dernière est synonyme de renouveau, d’autant plus qu’elle eut lieu en Verseau, un signe de grand changement accompagné de bienveillance, d’innovations et de plus de transparence au niveau global. L’illustratrice que je suis a été très inspirée par ce thème : j’ai donc voulu représenter les deux planètes sous forme humaine féminine, dansant dans l’espace. S’agissant d’illustrer la création d’une nouvelle ère aussi dynamique qu’importante, Jupiter et Saturne exécutent ici des mouvements de danse contemporaine qui appuient l’idée d’un nouvel élan très fort. Jupiter et Saturne étant des figures du panthéon mythologique romain, je me suis appuyée sur les codes vestimentaires et capillaires de l’époque (avec une interprétation personnelle) tout en réutilisant quelques-uns des symboles liés à leur personnalité respective. Jupiter étant le maître des divinités, il était important de le représenter flamboyant et royal, dans une position de force et d’élégance, et au travers de mouvements fluides desquels transparaîtrait sa grâce naturelle. J’ai opté pour la simplicité dans les couleurs, ses attributs pigmentés étant généralement le blanc et le doré. Représenter Saturne a été un peu plus compliqué. En effet,
2020年12月21日、肉眼でも見ることのできる、 ある一つの天文現 象が起こった。木星と土星の大接近である。 「グレート・コンジャンクショ ン」 として知られるこの現象は、 およそ20年に一度の頻度で発生する。 壮大なスケールで繰り広げられるこの「天空のダンス」は、西洋占星 術の世界においては非常に重要な節目を示すものであり、新たな時代 のサイクルの訪れを象徴している。昨年見られたこのコンジャンクショ ンが意味するのは再生であり、 この現象が水瓶座で起こったということ はとりわけ、地球規模での博愛精神、革新、 そして一層の透明性の追求 といったものを伴う大転換の兆しが表れていることになる。 私はイラストレーターとしてこのテーマに大いに触発され、宇宙空 間でダンスをする人間の女性の姿になぞらえてこの二つの惑星を描き たいと思った。重要かつダイナミックな、新たな時代を創造するという 点について、本作品では木星と土星が、革新的で力強い飛躍の概念を 強調するコンテンポラリー・ダンスの動きでこれを表現している。 木星と土星は、 ローマ神話の神々であるユーピテル(木星) とサート ゥルヌス (土星)にあたるため、それぞれの神の個性に関連するシンボ ルをいくつか採り入れつつ、当時の服装や髪型の基準に照らして (個人 的な解釈も含めて)描いた。 ユーピテルは神々の主神なので、力強く優雅なポーズ、 さらには、真 の恵みを表す、流れるような動きを通して、華やかで超然とした姿で表 現することが肝要であった。色については簡潔性を追求し、 白と金を中 心にした。 サートゥルヌスを表現するのはもう少し複雑だった。実際、ギリシャ 神話の時代以降にクロノスと同一視されるようになる以前には、 サート ゥルヌスは、冬至、サートゥルヌス祭、豊穣、麦、 さらには一般的な意味
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Aigle
Dans la mythologie, Jupiter possède de nombreux attributs et symboles permettant de l’identifier. L’aigle figure parmi ces symboles les plus célèbres, et apporte encore plus de dynamisme à l’ensemble, accentuant l’idée d’impulsion et de création divine.
鷲
神話の世界には、 ユーピテル(木星) を特定できる多くの特性とシンボルがある。そうしたシンボル の中でも鷲は最も有名であり、推進力や神の創造の概念を強調しつつ、全体としてさらなるダイナ ミズムをもたらす。
Épis de blé
Les épis de blé font partie de la symbolique liée aux Saturnales, fêtes présidées par Saturne. J’ai décidé d’utiliser cet élément afin de rendre la divinité plus joyeuse et porteuse d’une image de fertilité, qui colle avec l’idée de création de l’œuf céleste.
麦の穂
麦の穂は、 サートゥルヌスを祝したサートゥルヌス祭に関連する象徴体系に属している。 より喜びに 満ち、天空の卵を創造する着想と調和した豊穣のイメージを備えた神を描くため、 このエレメントを 用いることにした。
Faucille
La faucille est un symbole clef pour les divinités liées à la fertilité et aux récoltes. C’est également un clin d’œil à l’énorme faux que porte Saturne/Cronos dans les œuvres d’art mythologiques traditionnelles.
鎌
鎌は、豊穣や収穫に関連する神を表す重要なシンボルである。 また、神話を題材にした伝統的な芸
Œil de Jupiter
Référence à l’anticyclone présent dans l’atmosphère de la planète. Cette énorme tache rouge m’a toujours fait penser à un œil ; je trouvais pertinent de le rajouter en attribut de la divinité. Il représente ici la capacité omnisciente du roi des dieux.
木星
惑星の大気圏に存在する高気圧を示す。 この巨大な赤い斑点を見るたびに一つの眼を連想させられ
術作品においては、 サートゥルヌス/クロノスが持っている大鎌をも暗示する。
(ユーピテル)
たので、神の特性にこれを加えてみるのも良いのではないかと思っていた。 この作品においては、 この
Œuf céleste
Représenter la création d’une nouvelle ère sous forme d’œuf me paraissait le plus simple, mais aussi le plus facile à comprendre et à interpréter. Les énergies de Jupiter (ses éclairs) et de Saturne (des pièces de monnaie dorées) se rejoignent dans cet élément central, prêt à éclore.
天空の卵
卵の形を通して新たな時代の創造を表現することは、 ごく単純に、 また同時にごく容易に、理解や解
の眼
眼は神々の王としての全知全能性を表わしている。
釈ができると思っていた。 ユーピテル (稲妻) と、 サートゥルヌス (金貨) のエネルギーが、孵化間近の 中央のエレメントの中で、共に混じり合っている。
Symboles
Ces symboles anciens, qui peuvent être retrouvés dans de vieilles publications alchimiques*, sont utilisés de nos jours en astrologie occidentale. Originellement employés pour illustrer l’étain (♃) et le plomb (♄) dans les formules alchimiques, ils représentent également les planètes Jupiter et Saturne. Les symboles étant importants dans les cartes de tarot, j’ai décidé de les exploiter pour décorer le cadre faisant référence à ces cartes utilisées pour la divination.
シンボル
錬金術に関する古い刊行物*において見受けられる古代のシンボルであり、現代では西洋占星術に おいて用いられている。元来、錬金術の記号において錫(♃)や鉛(♄)を表すのに使用され、 これらは同 時に惑星である木星や土星のことも表す。 こうしたシンボルはタロットカードにおいても重要である ため、 占いに使われるこれらのカードを参照しながら、 フレームの装飾に用いることにした。 *Dans l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, de Diderot et d’Alembert par exemple. *例としてディドロ、 ダランベール 『百科全書、 あるいは科学・芸術・技術の論理的事典』
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T hème - R E NO U VE AU
avant son assimilation avec Cronos depuis le panthéon grec, Saturne était un dieu à part entière lié au Solstice d’hiver, aux Saturnales, à la fertilité, au blé et aux « trésors » de manière générale. C’est cette identité que j’ai choisi de représenter, plutôt que la très terne image d’un Saturne « simple » dieu du temps, et titan monstrueux dévorant ses enfants. J’ai également préservé le fait que Jupiter renvoie son père Saturne de l’Olympe, ce qui explique la position dominante du roi des dieux dans l’image, que ce soit dans sa forme humanoïde ou par la planète elle-même. De plus, Saturne était une divinité dite « en sommeil », dont on cachait la statue par des bandelettes toute l’année, sauf au moment des Saturnales. Représenter cette hiérarchisation me semble important pour cette illustration, afin d’accentuer sa portée symbolique. Jupiter et Saturne décident donc de mettre fin à leur conflit lors de cette conjonction magnifique ; Jupiter souriant tendrement à son père/mère du haut de l’image, tandis que Saturne partage son énergie créatrice avec son fils/fille exprimant sa joie et son extase d’être enfin à l’air libre. Leurs énergies se mêlent et forment un œuf multicolore lumineux, symbole par excellence du renouveau et de tous les espoirs et possibles qui accompagnent ce nouveau cycle. Figures mythologiques et astronomiques, Jupiter et Saturne sont aussi des symboles astrologiques qu’il me fallait représenter sur cette illustration : le choix d’un cadre entourant la scène rappelle les cartes de tarot utilisées en divination ; les symboles situés dans les coins haut/droit et bas/gauche sont les symboles alchimiques de Jupiter et Saturne (également exploités en astrologie lors de la création de thèmes astraux).
での「富」をつかさどる全能の神であった。私が表現対象として選んだ のは、 このアイデンティティであり、“単なる”時の神としてのサートゥル ヌスや、我が子を食らう怪物ティーターンといった、 ごく漫然としたイメ ージではない。 また、 ユーピテルが父であるサートゥルヌスをオリンポスの山から追 放した事実も本作品に盛り込んだ。 これは、 この神を人の姿で描くにし ても、惑星そのものの姿で描くにしても、神々の王としての支配的地位 を示すためである。付け加えると、 サートゥルヌスの像はサートゥルヌス 祭の時以外は一年中ずっと布で巻かれ隠されていたため、 いわゆる“眠 りの”神とされていた。本作品においては、 こうした神々の階層を示すこ とも、象徴的な影響力を強調するのに重要であると思われる。 この壮大なコンジャンクションを機に、木星(ユーピテル) と土星(サ ートゥルヌス)は自分達の戦いに終止符を打とうという訳である。すな わち、ユーピテル(木星)が作品の上方から親に対して愛情深い笑みを 投げかけ、サートゥルヌス (土星)は、 ようやく解放された場所に出てき たことへの歓喜と恍惚感にひたり、我が子と共に、創造主である自らの エネルギーを分かち合っている。お互いのエネルギーが混ざり合い、 色とりどりに光を放つ卵を形づくる。 この卵が特に象徴するものとはや はり再生であり、 さらにはこの新たな時代のサイクルに伴う全ての希望 と、 そして可能性である。 神話上の神でもあり、天文学上の惑星でもあるユーピテル(木星) とサートゥルヌス (土星)は、本作品で私が表現する必要のあった占星 学上のシンボルでもある。場面を取り囲むフレームを選び取る感覚は、 占いに用いられるタロットカードを想起させる。 また、 コインの右上およ び左下のシンボルは、木星および土星を表す錬金術の(占星術におい てホロスコープ作成の際に利用される) シンボルである。
Jennifer Siclari Jennifer, de son nom d’artiste « Kirin », se lance dans l’aventure d’illustratrice-artiste indépendante l’année suivant son arrivée au Japon en 2014. Adepte du mix-média dans son travail, elle est aussi à l’aise en numérique pour les commandes d’illustrations qu’elle reçoit, qu’en aquarelle qu’elle affectionne tout particulièrement ces dernières années. Ses inspirations se retrouvent dans la mythologie et les œuvres écrites ou filmées de Fantasy. La pandémie freinant le tourisme mondial, elle décide d’animer un Patreon dédié à ses illustrations à l’aquarelle issues de ses carnets de voyage (réalisés principalement au Japon). En publiant plusieurs fois par semaine depuis le début de la pandémie, elle espère ainsi apporter un peu de joie et de couleur au quotidien perturbé de beaucoup d’entre nous. ジェニファー・シクラリ アーティスト名「Kirin」。2014年に来日した翌年、 フリーランスのアーティスト・イラストレーターという冒険の世界に身を投じる。創作活動においては、 ミク スト・メディアにも精通し、 イラストレーションの仕事の依頼では、 デジタル作品にも意欲的に対応し、近年は特に水彩作品も好んで制作。神話やファンタジ ー文学・映画の諸作品から着想を得ている。 新型コロナウイルスによるパンデミックで世界的に観光産業が失速するなか、 クリエイター支援サービスPatreonのアカウントを活用し、 自身の旅のスケッ チブックから選んだ水彩作品(主に日本にて制作) の公開の場とする。パンデミック初期から、週に数回の割合で作品の公開を続けつつ、同作品がコロナ禍 によって乱された多くの方々の日常生活に喜びと彩りをもたらすよう願っている。
Patreon : https://www.patreon.com/kirinreveuse Facebook : https://www.facebook.com/kirinreveuse/ Instagram /Twitter : @kirinreveuse Portfolio : https://jennifersiclari.myportfolio.com
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Réinventer le couple quand madame s’expatrie !
妻の外国勤務により、 夫婦の関係は深化する! par
PHÉBÉ LE RO Y E R
J O URNAL IS TE I N D É P E N D A N TE
フェベ・レロウイエ フリージャーナリスト T r a d u ct i on à p a r tir d u f r a nça is p a r MIKI TAKEHARA 訳 : 竹 原 美貴
On parle souvent des femmes d’expatriés. Mais qu’en est-il de ces couples où la femme est celle qui s’expatrie ? Outsiders des statistiques, ces amoureux voyageurs revisitent le modèle classique de l’expatriation. Un schéma teinté de préjugés, que trois couples installés au pays du Soleil-Levant nous aident à déconstruire.
Concernant plus de 1,8 million d’inscrits sur les registres consulaires, l’expatriation séduit de plus en plus de Français. Si aujourd’hui la parité tend à être respectée dans les expatriations « en solo », les couples expatriés restent eux, à 90 % issus de la mobilité masculine. Alors quand monsieur part suivre sa douce à l’étranger, cela peut faire hausser un sourcil ! Pour Catherine (52 ans) et Paul (53 ans), Emilie-Anne (38 ans) et Fabien (44 ans), et Eleanor (26 ans) et Killian (31 ans), ce schéma est pourtant une réalité. Un mode de vie qui bouscule les façons de penser, mais qui reste, au fond, très proche de ce que peut vivre n’importe quel autre couple d’expatriés.
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Le projet de l’un fait le bonheur des deux Pour Catherine, directrice financière d’un grand groupe international, l’expatriation n’était pas une évidence. « J’ai appris par hasard au détour d’une conversation qu’il y avait un poste qui se libérait au Japon », raconte-t-elle depuis Tokyo où elle s’est installée en 2019. « Je n’étais pas du tout dans une démarche d’expatriation et je ne connaissais pas grand-chose du pays, mais je tournais en rond dans mon poste sur Paris ». Comme elle, Emilie-Anne n’avait « jamais pensé travailler à l’étranger ». Aujourd’hui, responsable transformation chez AXA Life Japan, la trentenaire
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Emilie-Anne et Fabien © Photos de courtoisie. Emilie-Anne et Fabien
外国勤務になった夫に付き添って、その地で暮らす妻についての話題は多い。 では、妻が外国勤務にな
ったカップルについてはどうだろう?統計には表れないこの旅する恋人たちによって、外国勤務の伝統的 な形が問い直されている。今までの形から作られた先入観を崩すことになるかもしれない、 日本に住む3 組の夫婦を紹介しよう。
外国勤務はフランス人に人気が高まってきてい て、180万人以上もの名前が領事館に登録されて
片方の計画が両方を幸せにする
いる。現在、独身者の外国勤務は男女ほぼ同数だ
カトリーヌは国際的な大企業の財務部長だ。外
が、 カップルについてはその90%が夫の転勤に伴う
国勤務は想定していなかった。 「ちょっとした会話か
ものである。そのため、夫が愛する妻の外国勤務に
ら、たまたま日本にポストが一つ空いたことを知り
付き添う場合には驚きをもって受けとめられる!と
ました。」そう語る彼女は、 日本に2019年から住ん
はいえ、 カトリーヌ(52歳)とポール(53歳)、エミリ・
でいる。 「 外国勤務にしてもらおうと考えたことは一
アンヌ(38歳)とファビアン(44歳)、 エレアノール(26
度もなく、 日本についてもほとんど知識はありません
歳)とキリアン(31歳)にとってはこれが現実なのだ。 でした。それでも、パリでの仕事は堂々巡りで進歩 彼らの生き方は伝統的な考え方を揺るがすものだ。 がないと感じていたのです。」 だが結局のところ、外国勤務中の他のすべての夫婦 と共通するものもあるのではないだろうか。
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カトリーヌ同様、エミリ・アンヌも 「外国で働くこ となど考えたこともなかった。」現在、アクサ・ライ フ・ジャパンのトランスフォーメーションの責任者で ある30代の彼女は、 それどころかフランス本国で計 画していることがあった。 「 図面を見てアパルトマン を購入する計画を終えようとしていて、ついに新居 に入ろうとしていたところでした。」 そのため、世界の 反対側の国での契約の話が来た時、 すべてを置いて フランスを出るという決断を下すのは簡単なことで はなかった。 「アクサ・ライフ・ジャパンから2019年 9月に連絡があり、2020年1月の出発予定で、3年 から5年の間、日本で働く契約のオファーがあった のです!」 と彼女は説明する。 「 決めるのに2週間し かありませんでした。 あっという間でした。 (中略)そ れでも二人で出発することに決めました。」
「それではあなたのパートナーは、 何をするのですか?」 これは答えにくい質問だ! 「私たちの家族と親し い友達以外のすべての人から、夫はどうするつもり なのか、日本に行くことが彼のキャリアの妨げにな るのではないかとまず訊かれました。」 とエミリ・ア ンヌは言う。 「これが逆で、外国勤務が決まったのが 夫の方なら、妻がどうするか最初に訊かれることは ないでしょうけれど……。」 キャリアアップしていくのが男性であることが多 い社会では、外国で責任ある地位を提示されるの が女性の方だと、(未だ)驚きを持って受け止められ る。夫の仕事の問題が外国勤務を受け入れるかど うかの決定的要素だったという女性たちもいる。
外国勤務は通常、職業というレベルでは素晴ら 「もしファビアンにアクサ・ライフ日本支社でのロー しい好機と見なされるが、個人のレベルでは考え込 まされることもある。夫婦関係にあって、配偶者の方 にも取り組むべきキャリアがある場合には特にそう だ。 「夫に仕事が見つからないのではと心配で、出発 をためらいました。」 カトリーヌは打ち明ける。 「でも 夫がとても励ましてくれたのです。私が出発すべきだ と夫はよく分かっていたのです。」 キリアンはというと、妻に生活環境を変えること を勧めることさえした。 「 私はロンドンに9年間住ん でいました。 (そこで私たちは知り合いました。)そし て日本への新婚旅行の後で、住む国を変えようと思 いついたのです。 エレアノールはずっと日本の芸術と 文化を愛していたので、私の計画はすぐに二人の計 画になりました。それでも、彼女は私よりずっと不安 を感じていました。 2年の準備期間の後、私たちは 旅立ちました。 スーツケース二つと、 ものの見方が変
カル契約が見つからなければ、決して日本に来てい なかったでしょう。」 と言うエミリ・アンヌのように。
また、悲しい偶然により、出発前に夫が望んでいた 仕事を得られなかった夫婦もいる。 「 夫は出発前に 奔走しましたが、 コロナのためにすべての道がふさ がれてしまいました。」 とカトリーヌは言う。ポールの 仕事のため、 日本の国境が閉鎖された後の数ヶ月、 夫婦は別々に暮らさねばならなかった。夫は望む仕 事を結局見つけられなかったが、財務部長である妻 は将来の再会を楽しみにしている。 「コロナ禍のた めに、面倒なことになってしまいました。」 とカトリー ヌは嘆く。 「数ヶ月先に、夫はやっとこちらに来ること ができるでしょう。 と言っても、彼はテレワークをす ることになるのですが。」 我らが30代のカップルにとっては、状況は悪夢 と化した。 コロナ禍の真っただ中で英語学校から解
わるだろうという大きな期待を持って。」 だが、 エレア
雇され、キリアンは再就職するのに大変苦労した。
つかったが、キリアンにとって仕事の問題はすぐに
的にも支えなければなりませんでした。私はこの二
ノールのイラストレーターとしての仕事はすぐに見 「エレアノールは私を、金銭的にも身体的にも精神 おぼつかないものとなった。 「日本での彼女のキャリ
人のうちでも、 より多く稼ぐ方でありたかったので
私は2年間ただ英語講師をしているだけだったので
なかったからです。」“日々の糧を稼ぐ男”という精神
ア形成は、私のよりずっと早く具体的になりました。 す。なぜなら、彼女に仕事のストレスをかけすぎたく す。私は彼女より年上だし、彼女より早くしっかりし
的負担を大きなプレッシャーとして感じ続けてきた
仕事で能力を発揮するのが妻の方である時、夫婦と
二人の生活を維持するために、彼女は何時間もの
「結局、 うまくいかなかったのです。 た職を得ることができるだろうと思っていたのに。」 彼は打ち明ける。
してどんな決断をすべきなのか、 というのが、 このフ ランス人カップルが直面した問題である。
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残業をこなさなければなりませんでした。」
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avait même d’autres projets dans l’Hexagone. « Nous finissions notre projet d’achat sur plan. Et nous allions enfin entrer dans notre nouvel appartement ». Alors quand on lui a parlé d’un contrat à l’autre bout du monde, décider de tout quitter n’a pas été simple. « AXA Life Japan m’a contactée en septembre 2019 pour me proposer un contrat d’expatriation de trois à cinq ans avec un départ en janvier 2020 ! explique-t-elle. Nous avons eu deux semaines pour nous décider, donc c’est allé vite […]. Mais nous avons pris la décision à deux de partir ». Si l’expatriation est souvent considérée comme une opportunité incroyable au niveau professionnel, elle peut néanmoins refroidir sur le plan personnel. Notamment lorsque l’on est en couple, et que le conjoint a lui aussi une carrière à gérer. « J’ai hésité à partir par peur que mon mari ne trouve pas sa place, confie Catherine. Mais il m’a beaucoup encouragée. Il savait que j’avais besoin de le faire ». Killian, lui, a même poussé sa compagne à changer d’air. « J’ai habité neuf ans à Londres (nous nous sommes rencontrés là-bas), et après un voyage au Japon pour un mariage, j’ai eu l’idée de changer de pays. Eleanor a toujours aimé le Japon pour son art et sa culture, donc le projet est très rapidement devenu un projet commun. Malgré ça, elle avait beaucoup plus d’appréhension que moi. Mais après deux ans de préparation, nous sommes partis, avec deux valises et une grosse envie de se changer les idées ». Si Eleanor a alors rapidement trouvé un poste dans l’illustration, pour Killian, la question du travail est vite devenue problématique. « Son parcours professionnel s’est dessiné beaucoup plus rapidement que le mien, car je suis resté prof d’anglais pendant deux ans… Je suis plus âgé que ma copine, et je pensais vraiment pouvoir obtenir une carrière professionnelle plus rapidement qu’elle ». Quelle décision prendre alors lorsque madame est celle qui s’épanouit au bureau ? C’est la question que se sont vu poser nos expatriés.
« Et ton mari, il va faire quoi ? » C’est la question à un million de yens ! « En dehors de notre famille et de nos amis proches, toutes les personnes ont spontanément demandé ce qu’allait faire mon conjoint et si ça allait le freiner dans sa carrière, explique Emilie-Anne. Je pense qu’inversement la première question que
Killian et Eleanor © Photos de courtoisie. Killian et Eleanor
l’on pose à un homme qui s’expatrie, ce n’est pas de savoir ce que va faire sa femme… » Dans une société où l’on tend à voir l’homme gravir les échelons, être celle qui se voit proposer un poste à responsabilités à l’étranger peut (encore) surprendre. Et si pour certaines, la question du travail du conjoint a été un élément décisif dans le choix de l’expatriation, comme Emilie-Anne qui ne serait « jamais partie si Fabien n’avait pas pu trouver un contrat local chez Axa Life Japan », pour d’autres, les aléas de la vie ont fait que monsieur n’a pas pu obtenir le poste souhaité avant le départ. « Mon mari a engagé des démarches avant de partir, mais tout fut bloqué avec l’arrivée du Covid », raconte Catherine. L’emploi de Paul étant en jeu, le couple a alors dû vivre séparément pendant plusieurs mois suite à la fermeture des frontières japonaises. Et si son conjoint n’a finalement pas pu obtenir le poste convoité, la directrice financière se réjouit de leurs retrouvailles futures. « La crise sanitaire nous a beaucoup compliqué la vie, déplore-t-elle. Mon mari va finalement pouvoir me rejoindre dans les mois qui viennent, mais ce sera en télétravail pour lui ». Pour notre couple de trentenaires, la situation a même viré au cauchemar. Licencié par son école d’anglais en pleine pandémie, Killian a alors
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Emilie-Anne et Fabien © Photos de courtoisie. Emilie-Anne et Fabien
rencontré des difficultés pour retrouver un emploi. « Eleanor a dû me supporter financièrement, physiquement et psychologiquement. J’ai toujours voulu être la personne dans le couple qui rapporte le plus d’argent, car je ne voulais pas qu’elle soit trop stressée au travail », confie celui qui a vécu la charge mentale du « gagne-pain masculin » comme une véritable pression. « Eh bien, c’est mal tombé… Elle a dû faire beaucoup d’heures supplémentaires pour pouvoir nous maintenir à flot ! ». Pour autant, nos expatriés ne regrettent absolument pas leur expérience ! Et les coups durs ont même soudé leur couple. « Grâce à ça, nous nous sommes rapprochés », déclare le jeune homme qui a aujourd’hui retrouvé un emploi. « Nous discutons très souvent de nos émotions, nous ne jugeons pas. Nous nous écoutons et nous nous aidons du mieux qu’on peut. » De son côté, Catherine reste aussi sur une note positive malgré les difficultés du début. « Ce pays est passionnant, mais la séparation avec mon mari a été éprouvante. C’est pourquoi j’ai demandé à mon entreprise de rentrer avant la fin de mon contrat, au bout de deux ans au lieu de trois ». Le ressenti de nos amoureux voyageurs auraitil été différent si l’expatriation du couple avait été initiée par ces messieurs ? Pas forcément…
Des expatriés comme les autres Loin devant les « joies » du Covid et la question du travail de leur moitié, c’est la barrière de la langue qui semble avoir le plus marqué nos
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expatriés lors de leur arrivée sur l’archipel. « Étant partis plutôt précipitamment, nous sommes arrivés avec un niveau de japonais égal à zéro, explique Emilie-Anne. Le choc a été de voir à quel point l’anglais est peu utilisé ici, que ce soit au travail ou pour faire simplement ses courses ». Pour Eleanor et Killian, le japonais a également été un frein dans leur quotidien, surtout pour « les papiers à faire ». « Un vrai cauchemar ! » Comme pour eux, l’apprentissage de la langue d’expatriation reste la bête noire des couples d’expatriés plus « classiques ». Dans un sondage réalisé en 2019 par la société de conseil à la mobilité Expat Value, ils étaient ainsi 28 % à classer la barrière de la langue en pole position des difficultés rencontrées lors d’une expérience professionnelle à l’étranger, devant la culture locale (23 %) et le rythme de travail (18 %). « Il faut prendre des cours de japonais avant de partir, conseille la responsable transformation. Et prendre du recul par rapport à notre culture européenne et à nos certitudes. Le choc culturel est énorme, mais tellement enrichissant ! » Quant à l’incidence sur le couple en luimême, nos expatriés s’accordent à dire que la communication est la clé d’une expatriation à deux réussie. « Il ne faut pas hésiter à communiquer ses peurs, ne pas juger ou s’énerver. Écouter l’autre. Se remettre constamment en question et ne pas oublier que la force d’un couple, c’est la complicité », conclut Killian qui s’apprête à faire sa demande en mariage. « Que ce soit en France, au Japon, ou aux U.S.A… Finalement, le pays ne change pas grandchose ! »
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それでも、祖国を離れた彼らはこういった経験を したことを少しも後悔していない!苦労は夫婦を固
送る上での足かせとなった。特に書類作成は「本当 に悪夢でした!」
く結び付けさえしたのだ。 「この経験のおかげで、私 たちの距離はより縮まったのです。」 と明るく語るこ
彼らだけではなく、 より 「伝統的な」外国勤務者
の若者は、今では再び職を得ることができた。 「私た
のカップルも、赴任先の言語習得は苦手としている。
ちは自分たちの気持ちについてしょっちゅう話し合
外国勤務コンサルティング会社Expat Valueによる
います。批判や判断をするのではなく、ただお互い
2019年のアンケートの結果によると、国外生活者
の言うことを聞くのです。そして、出来る限り助け合
の28%が、言葉の障壁を、国外で職業経験を積む
っています。」
際に遭遇する困難のトップに挙げている。文化の違 いは23%、仕事のリズムの違いは18%だ。 「出発前
カトリーヌの方も、最初の困難にかかわらず、日
に日本語のレッスンを受けた方が良いですね」 とこ
本での経験を前向きにとらえている。 「この国に、私
のトランスフォーメーションの責任者はアドバイス
は夢中になりました。 ただ、夫と別々に暮らすことが
する。 「 そしてヨーロッパの文化や自分の常識と比
あまりにつらくて、契約より早く、 3年ではなく2年で
べながら、少し距離を取って見直してみましょう。 カ
帰国したいと会社に頼みました。」
ルチャーショックは大きいけれど、心をとても豊かに してくれます!」
夫婦での外国赴任の主導権が夫にあったとした ら、 これらのカップルは違う感想を持っただろうか?
カップルの関係への影響について、国外生活中
そうとは限らない......。
の三組のカップルの意見は一致している。 コミュニ
外国勤務者もそうでない人も
という点で。 「自分の不安を伝えることをためらって
ケーションが二人での外国生活を成功させる鍵だ はいけません。 すぐに判断を下したり、 いらいらした
日本に到着した際、 コロナ禍の苦労や配偶者の
りすることなく、相手の言うことを聞くのです。 どうす
就職問題よりもはるかに、 この外国勤務者たちの心
ればいいか常に問い続け、夫婦の強みとはお互いの
に刻まれているのが、言葉の壁である。 「急いで出発
協力関係だということを忘れないでいることです。」
したため、 日本に着いた時の日本語のレベルはゼロ
というキリアンの言葉で締めくくろう。彼はエレアノ
でした。」エミリ・アンヌは言う。 「ビジネスでも、町で
ールに正式に結婚を申し込むつもりだ。 「フランスで
ちょっとした買い物をするのにも、英語がほとんど
も日本でもアメリカでも、結局、住む国によって変わ
通じないことを知ってショックを受けました。」 エレア
ることはたいしてありません!」
ノールとキリアンにとっても、日本語は日常生活を
Phébé Leroyer Diplômée d’un master en anthropologie, Phébé arrive au Japon en 2015 pour y étudier l’art ancestral des ama, les plongeuses traditionnelles japonaises. Après avoir passé quelques mois dans la préfecture de Mie, c’est à Tokyo qu’elle dépose ses valises et sa curiosité, où elle est désormais journaliste indépendante pour la presse francophone, quotidienne et magazine (Le Figaro, Japon Infos, revue Koko). Amoureuse des lettres, elle est également rédactrice en chef du blog Autonome de FFJ, et s’apprête à publier un premier ouvrage. フェベ・レロウイエ
人類学修士号取得。 日本の伝統的な素潜り潜水漁、海女の伝統芸術を学ぶため、2015年に来日。三重県で数ヶ月過ごした後、東京に荷物と好奇心を落ち 着かせる。 そこで、 フランス語圏のメディア向けの、 日刊紙や雑誌(フィガロ紙、 ジャポン・アンフォ紙、 コト誌) のフリージャーナリストとして活動する。文学を 愛し、FFJのブログの執筆責任者も務めている。現在、処女作品の出版に向けて準備中。
https://linktr.ee/phoebe.leroyerroussel
Mail : phoebe.leroyerroussel@gmail.com
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La puissance du dessin par
B EA TRIX F I F E, d i t e BI X
P E I N TRE , M U S I CI E NNE, LINGU IST E
ビートリックス・ファイフ (ビックス) 画家、 ミュージシャン、言語学者 Dans notre société, nous sommes nombreux à être bombardés d’images via nos écrans. Notre vue est parfois fatiguée, prise dans un tourbillon d’animations successives. Comment réagissonsnous à ces impacts lumineux ? Chez l’être humain, dans toutes les phases de la vie, les cinq sens activent un processus lié à l’imagination qui génère des représentations intérieures. Pourrions-nous utiliser ces perceptions visuelles pour conserver notre équilibre et ainsi pondérer les données qui nous parviennent en permanence ? À gauche : Quelques esquisses abstraites nous révèlent des émotions qui semblent se libérer, malgré les nœuds qui les retiennent. © Beatrix (Bix) Fife
Prenons par exemple le dessin. Quand nous réalisons un croquis sur du papier ou un autre support (le sable d’une plage, la farine sur la table de la cuisine…), nous donnons naissance à une image, dans la lumière de l’espace dans lequel nous nous trouvons. Ces quelques lignes, plus ou moins abouties, plus ou moins figuratives, mettent en mouvement nos doigts, nos
mains, notre corps ainsi que nos yeux et évoluent en fonction de ce que nous voudrions exprimer. En extériorisant nos sentiments à travers le dessin, nous trions en nous les images reçues de l’extérieur : c’est le défi que relèvent les personnes attirées par la création artistique. Parfois nous nous disons « non, je ne dessine pas bien », « je n’ai pas le temps »... Ces pensées nous sont soufflées par le regard que les autres portent sur notre travail. Elles découlent également du rythme de vie que la société nous impose, qui engendre un décalage entre nos aspirations profondes et la réalité. En nous lançant dans la création d’images avec tous nos sens et nos sentiments, nous nous mettons progressivement au diapason du monde dans lequel nous vivons. Peut-être le dessin fera-t-il aussi tomber quelques-unes des barrières qui nous enferment, nous donnant ainsi la possibilité de nous recentrer sur ce qui est véritablement important pour nous ?
Beatrix (Bix) Fife Elle réside à Tokyo depuis 2010 et anime des ateliers de dessin abstrait (crayon et papier). Auteure de compositions originales, chanteuse et flûtiste du duo franco-japonais Bix&Marki et artiste peintre, elle explore à travers ses travaux la relation entre le langage, l’image et le son. ビートリックス・ファイフ (ビックス)
2010年より東京を拠点に、抽象デッサン (鉛筆と紙) のワークショップを主宰。 日仏デュオ 「Bix&Marki」 のメンバーでもあり、 オリジナル楽曲の作詞作曲、
ボーカル、 フルート奏者として活動する。画家でもあり、多彩な活動を通して、言語、絵、 サウンドの関係性を探究している。
https://www.makbx.com https://www.beatrixfife.com
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P ORTRAIT S D ’ I N D É PE N D A NTS
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Photo © Pierre Boutier / Ikono.photo
PORT RAI T S D ’ IND É P E ND ANT S
Nos professionnels
フリーランスのポートレート
Portraits d’indépendants 128
MICHAEL GOLDBERG Le premier vidéaste étranger au Japon
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EMMANUELLE SAGNARD Correctrice et relectrice en langue française
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PHÉBÉ LEROYER Journaliste
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CHIE WATAHIKI Traductrice et interprète
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P ORTRAIT S D ’ I N D É PE N D A NTS
c e v a n e i t e r t En
Michael Goldberg le premier vidéaste étranger au Japon P r o p o s r e c u e illis p a r
PHÉB É LE RO Y E R
聞き手 :フェベ・レロウイエ
Rien ne prédestinait Michael Goldberg à travailler dans l’audiovisuel. Et pourtant, ce cameraman d’origine canadienne a été le premier vidéaste – toutes nationalités confondues – à enseigner à temps plein la vidéo au Japon.
1- Michael, merci beaucoup pour cette interview. Peux-tu nous dire depuis quand tu travailles au Japon ? Je suis venu au Japon pendant cinq mois entre 1971 et 1972, puis pendant sept mois en 1980 quand j’ai enseigné la vidéo à l’université de Tsukuba. J’ai ensuite fait du va-et-vient, et m’y suis installé définitivement en 1982. 2- Tu travailles dans l’audiovisuel. Avais-tu fait des études dans ce domainelà au Canada ? Non, de mon temps, il n’y avait pas d’études de vidéo. Ça ne s’enseignait pas. C’était au moment où la vidéo portative
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en noir et blanc venait d’arriver, dans les années 1960. J’ai entamé des études en zoologie vertébrale à l’université, puis j’ai laissé tomber pour aller aux Beaux-Arts. Mais là encore, il n’y avait aucun cours de vidéo. J’ai dû l’apprendre en pratiquant. Je n’ai jamais réellement étudié la vidéo, mais je l’ai beaucoup enseignée (rires). 3- Quel était ton objectif à l’époque ? Pourquoi as-tu fait les Beaux-Arts ? Pourquoi j’ai fait les Beaux-Arts ? Simplement, parce que ça me faisait plaisir (rires). Il n’y avait qu’un cours de dessin à l’université McGill. Un jour, j’ai demandé au prof pourquoi il n’y en avait pas d’autre, et il m’a répondu : « Tu es sérieux ? Si tu veux
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Photo © Sébastien Lebègue / Ikono.photo 1 29
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faire de l’art, il faut aller aux Beaux-Arts ! » Moi, je n’avais jamais pensé à ça. En y réfléchissant, j’ai fini par laisser tomber l’université et je suis entré en sculpture aux Beaux-Arts. Ça m’a beaucoup plu ! 4- Et comment t’est venue cette passion pour la caméra ? À vrai dire, c’est venu lentement. J’avais déjà un penchant pour la technologie quand j’étais aux Beaux-Arts. Un jour, j’ai rencontré un artiste québécois qui m’a dit : « le futur, c’est la vidéo ». Mais ça ne m’intéressait pas à l’époque, car je ne courais pas après une carrière et je détestais la télé (rires). Donc a priori, rien ne me prédestinait à la vidéo. Mais lors d’un passage en Angleterre, on m’a demandé de faire une petite recherche sur les possibilités techniques de la vidéo. J’ai vraiment appris beaucoup de choses, et c’est comme ça que j’ai commencé à m’y
intéresser. Pas pour faire de la télé, mais pour faire au contraire des sujets qu’on ne voit pas à la télé ! Au tout début, la vidéo, c’était de l’anti-télé. 5- Comment en es-tu arrivé à filmer au Japon ? Je n’avais aucune connaissance sur le Japon, et le Japon comme tel ne m’intéressait pas. Mais j’avais lancé un annuaire pour les personnes à travers le monde qui utilisaient la vidéo portative en noir et blanc dans un but non lucratif. Mon but était de promouvoir l’échange de bandes vidéo entre des gens qui avaient des intérêts communs, comme un moyen de communication autre que la télé. J’avais alors envoyé des cartes postales à des musées, à des artistes et à des groupes communautaires, mais sur 130 réponses à peu près, il n’y en avait aucune du Japon ! Comme la plupart de l’équipement venait
En 1972, Michael aide à organiser la première exposition vidéo au Japon © Yuzo Tateishi, Video Journal
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de là-bas, je me suis dit que ça devait sûrement être un problème de langue, car les cartes étaient écrites en anglais et en français. À l’époque, comme on pouvait avoir des subventions pour voyager, j’ai demandé à aller au Japon pour rencontrer des artistes vidéo. Et quand je suis arrivé en 1971, il n’y en avait pas. En réalité, c’est au travers d’une Japonaise qui parlait couramment anglais que j’ai pu rencontrer des artistes qui voulaient faire de la vidéo, mais qui n’avaient pas accès à l’équipement. Elle m’a ensuite emmené chez Sony, dans le Sony Building qui venait d’ouvrir à Ginza, et c’est comme ça qu’on a fait la première exposition de groupe de vidéos au Japon. Grâce à eux, on m’a ensuite invité à être juge sur des compétitions et à enseigner à l’université de Tsukuba. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai compris que j’aimais le Japon (rires).
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Michael enseigne la video en 1980 © Byron Black
6- Peux-tu nous raconter un peu cette expérience en tant que professeur à l’université de Tsukuba ? Au début au Japon, la vidéo, c’était de l’art pur. Alors oui, il y avait plein de choses sur la nature, mais il n’y avait aucun sujet humain ! Je trouvais que les documentaires manquaient. Je n’ai donc demandé qu’une seule chose à mes étudiants, à Tsukuba : ils étaient libres de filmer n’importe quoi, mais il devait y avoir des personnes dans l’image. Plus tard, j’ai été engagé plus de 14 ans par un collège technique (Nihon Denshi Semon Gakkō) pour enseigner la production télé. Le but ici n’était pas de former des artistes vidéo, mais des
cadreurs, monteurs, des travailleurs de studio pour la télé. 7- Ce n’était pas frustrant pour toi qui n’aimais pas la télévision ? Hmm… non. Car j’ai compris qu’en tant que vidéaste, on avait aussi la possibilité de faire des choses à la télé. On pouvait changer l’opinion publique, être pertinent. Donc, j’essayais d’enseigner ça aussi. 8- Es-tu devenu indépendant une fois que tu as quitté l’enseignement ? En fait, j’ai toujours été indépendant. L’enseignement, ça ne payait même pas
le loyer (rires). J’ai aussi travaillé deux ans au bureau de TF1 à Tokyo en tant que cadreur-monteur. Et pendant ce temps-là, j’ai lancé une société de production, dont l’assistant était un de mes anciens élèves. En parallèle, je donnais des cours. Et si je ne pouvais pas aller au collège à cause d’un tournage pour TF1, j’envoyais mon assistant qui lui avait déjà suivi mes cours. À côté de tout ça, je faisais aussi de l’art vidéo (rires). Pendant ces deux ans à TF1, j’ai gagné beaucoup d’argent (rires). C’est ce qui m’a permis notamment d’acheter du matériel pour ma société de production. J’étais le seul gaijin (étranger) à avoir une salle de montage indépendante à l’époque !
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Depuis son arrivée au Japon, Michael a toujours été indépendant. Entre deux cours de vidéo au collège technique, il mettait son savoir-faire au profit des grandes chaînes de télé internationales 2014 © Shin Jojiki
9- Comment TF1 t’a-t-il trouvé ? C’est grâce à ta société de production ou par un autre moyen ? TF1 avait des bureaux dans le même édifice que ABC News pour qui je faisais du montage de temps en temps. Quand j’ai su que TF1 avait déménagé chez eux, je suis allé les voir pour leur dire que je n’étais pas français, mais francophone, et que si jamais ils avaient besoin d’un monteur ou d’un cameraman, j’étais là. Quand leur cameraman les a subitement laissé tomber, autant te dire qu’ils m’ont appelé tout de suite (rires).
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des contacts avec Sony, ce qui m’a permis de décrocher des contrats après avec des grosses boîtes. Par contre, ma plus grande difficulté, ça a été de ne pas parler assez bien japonais. C’est pourquoi, au début, j’engageais des coordinateurs bilingues. 11- As-tu pris des cours pour pallier ce problème ou est-ce à force de vivre ici que tu as appris le japonais ? Non, je n’ai jamais pris de cours, hormis les quelques heures où j’ai appris les hiragana et les katakana à Vancouver. Je suis bon professeur, mais pas bon étudiant (rires). Le japonais, c’est venu sur le tas.
10- Est-ce que ça a été difficile de s’implanter au Japon à cette époque, puisque la vidéo commençait tout juste ?
12- As-tu rencontré d’autres difficultés, à part la langue ?
À cette époque – et maintenant encore – la plupart des clients pour les vidéastes indépendants au Japon se trouvaient outre-mer. Moi, j’ai eu la chance d’avoir
Quand on arrive, il est rare qu’on ait tout le matériel de production qu’il faut. Donc, au début, je louais ce qui me manquait en fonction du travail et du budget du client.
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Au fur et à mesure, on se rend compte qu’on a toujours besoin d’un microphone « hf » ou de quelque chose d’autre, c’est pourquoi on fait des achats (rires). Il faut se dire qu’en cinq ans, on doit pouvoir rentabiliser ce qu’on achète. Une autre chose qui est difficile (quand on arrive au Japon), c’est ne pas avoir d’échantillons. Il faut pouvoir montrer son style et le niveau de professionnalisme qu’on a. Au Japon, il faut aussi faire attention à garder une bonne réputation, mais ça, ça prend des années et des années. 13- As-tu des conseils à donner pour ceux qui aimeraient se lancer dans la vidéo au Japon ? Au début, ça aide de faire des storyboards, en disant que pour tel budget, on promet ça. Si on arrive à dépasser ce qu’on promet, les gens sont contents. Surtout au Japon qui est une société de services. Après la deuxième production, je
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pouvais montrer par exemple ce que j’étais capable de réaliser pour un peu plus cher. Par exemple pour X budget, vous aurez ça, et pour Y vous aurez ça. C’est ainsi que j’ai pu monter ma cote, si je peux dire. Ensuite, je pense qu’il faut essayer de garder ses contacts. Car si on fait des voyages allerretour, on perd tout. Le Japon est un peu spécial, en ce sens qu’il faut toujours recommencer à zéro. C’est bien aussi de garder des contacts dans son pays bien sûr, car ça peut toujours donner du travail. C’est très important ! Ensuite, il faut développer un réseau d’indépendants fiables, de fournisseurs de qualité, car la production vidéo est souvent un travail de groupe. Et les garder, surtout ! Percer dans un réseau déjà en place est difficile. Il y a beaucoup de compétition et on n’est pas nombreux. Moi, encore aujourd’hui, j’essaie d’être présent sur les réseaux sociaux et professionnels. Non pas parce que cela donne du travail, ça c’est plutôt rare, mais pour la réputation et le plaisir de s’entraider. Les gens me connaissent, je suis le plus vieux dans le monde de la réalisation vidéo au Japon.
Là, on peut jouer la carte du gaijin expert en anglais. Je connaissais un Britannique d’ailleurs qui faisait ça. Par contre, moi, je pense qu’il y a un équilibre à trouver. Il ne faut pas jouer le petit roi qui connaît tout, mais plutôt essayer de trouver un équilibre entre jouer le gaijin et collaborer à la japonaise. 15- Pour terminer, peux-tu nous parler de tes projets actuels ?
projets qui, j’espère, seront utiles plus tard, comme le streaming sur Zoom ou Skype par exemple. J’essaie de voir comment raccorder les caméras de production à Zoom, pour que des clients à l’étranger qui ne peuvent plus venir au Japon puissent voir ce que je tourne. En général, les clients aiment être présents tout au long du tournage pour faire des commentaires (rires). Comme ce n’est pas possible en ce moment, développer le streaming est peutêtre le seul moyen pour moi de travailler.
En ce moment, je ne fais rien, grâce au coronavirus (rires). Mais je travaille sur des
14- Puisque tu étais étranger, est-ce que tu penses que la « gajin touch » a été un avantage pour percer au Japon ? Pour moi, ça a été un peu des deux (un avantage et un inconvénient). Par exemple, de temps en temps, les Japonais veulent que vous vous serviez d’un script de narration en particulier, en anglais, qui parfois est nul. Dégueulasse (rires) !
Michael a aujourd’hui sa propre société de production à Tokyo. Photo de son studio de montage dans les années 1990 © Michael Goldberg
Pour en savoir plus sur Michael Goldberg
International Videoworks , Inc. 有限会社インターナショナル・ビデオ・ワークス
Site Internet : http://www.ivw.co.jp/fr/ Contact : ivw@gol.com Tél. : +81-901-455-5444 Lire également l’article de Michael Goldberg, en page 78, La promesse du renouveau, 安全神話 - anzen shinwa, Le mythe de la sécurité absolue.
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Pour en savoir plus sur Emmanuelle Sagnard Cont act : ac c ue il@ se n s e m o f r . co m
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Photo © Sébastien Lebègue / Ikono.photo
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ec Entretien av
Emmanuelle Sagnard correctrice et relectrice en langue française Pr o p o s r e cu e illis p a r
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聞き手 :フェベ・レロウイエ
Amoureuse des lettres, Emmanuelle s’oriente vers la correction en langue française une fois arrivée au Japon. Une évidence, pour celle qui dévorait déjà les pages de ses amis auteurs depuis une bonne dizaine d’années, à la recherche d’erreurs de langue.
1- Peux-tu te présenter en quelques mots ?
pourquoi j’ai voulu me former et en faire mon métier.
Je vis au Japon depuis septembre 2019, où j’exerce le métier de relectrice et correctrice. Cela consiste à recevoir des textes papier ou numériques et à en corriger le français. Lorsqu’on écrit, nous n’avons pas la même vigilance sur les mots que lorsqu’on corrige. Surtout s’il s’agit d’un texte long. Mon rôle est d’attirer l’attention de l’auteur sur des passages qui me semblent flous, pour vérifier ce qu’il a voulu dire. Je ne juge pas de la validité de ce qui est écrit, mais je peux suggérer un français qui soit plus fluide.
3- Quels genres de correction fais-tu exactement, lorsqu’on te donne un texte ?
2- Comment t’es-tu orientée vers la correction en français ? Arrivée au Japon, j’ai senti que je ne pouvais pas mettre à profit mon expérience en gestion de ressources humaines car je ne parlais pas le japonais. C’était un frein important pour intégrer une entreprise au Japon. J’ai donc analysé mes compétences, et j’ai choisi ce qui me plaisait le plus dans mon parcours et dans ce que je savais faire. Je me suis rendu compte que j’aidais des personnes sur les mots depuis très longtemps. C’est
J’effectue au moins trois relectures du document. Lors de la première relecture, je vais corriger l’orthographe et la grammaire. Je vais aussi vérifier les répétitions et proposer des suggestions le cas échéant. Lors d’une deuxième relecture, je vais examiner les références. Si c’est un mémoire de recherche par exemple, je ne vais pas vérifier chaque référence en détail, car mon but n’est pas de critiquer la recherche. Par contre, je vais corriger l’orthographe des noms si besoin. Je vais également proposer des améliorations sur la syntaxe et sur la typographie. Le troisième passage me permettra de faire une relecture générale. 4- Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut démarrer dans ce milieu-là ? Gagner de l’expérience. La principale difficulté dans le monde de la relecture est que la correction a un coût pour l’auteur. Donc en général, on préfèrera faire appel à un ami qui est bon en français plutôt qu’à un correcteur professionnel. Moi,
j’étais bonne en français avant de faire ma formation par exemple, mais je me suis rendu compte que cela ne suffisait pas. Ce que recherchera l’auteur qui a décidé de faire appel à un professionnel, c’est justement le fait qu’on justifie d’une certaine expérience. En parallèle, se créer un réseau me semble également nécessaire pour devenir une référence dans son domaine. 5- Un mot rapide sur tes projets futurs ? À terme, j’aimerais développer mon potentiel de corrections avec une extension au territoire français. Je suis en contact avec une société de traduction de mangas pour vérifier la correction des textes traduits en français. J’aimerais beaucoup obtenir ce marché-là pour faire un lien entre la France et le Japon. Le monde de l’édition est un monde difficile à pénétrer, mais j’aimerais beaucoup y contribuer.
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ec Entretien av
Phébé Leroyer Journaliste
P r o p o s r e cu e i l l i s p a r
1- Parle-moi de ton travail… Je suis journaliste-pigiste ; j’écris des articles pour des journaux et magazines francophones. En outre, un jour par semaine, je travaille dans une entreprise en tant que travel consultant : je rédige des itinéraires sur le Japon, qui sont ensuite revendus à des agences de voyages. Je suis donc en même temps freelance et salariée de cette société depuis quelques années. Les langues que j’utilise sont le français pour les articles, et l’anglais et le japonais pour la création des voyages. 2- Comment as-tu appris le japonais ? J’ai commencé par prendre une option japonais en faculté de sociologie en France. J’avais déjà un intérêt pour le Japon à ce moment-là : j’aimais les beaux paysages que je découvrais dans les documentaires. Ensuite, j’ai pris des cours le week-end lorsque je suivais une double licence à la Sorbonne. Puis j’ai pu m’y consacrer pleinement en master d’anthropologie à Aix-en-Provence, car j’étais spécialisée
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EM M A N U EL L E S AG N ARD
聞き手 : エマニュエル・サニア
sur l’aire asiatique. J’aimais les cours d’anthropologie, de sociologie et d’histoire de l’Asie (notamment Chine, Corée, Asie du Sud-Est et Japon). J’avais alors 9 heures de cours de japonais par semaine. Mes travaux de recherche portaient sur les plongeuses artisanales ama, que je suis venue rencontrer au Japon. Malheureusement, à ce moment-là, mon niveau de japonais était insuffisant : elles parlaient un dialecte régional incompréhensible pour moi. J’ai donc dû mettre un terme à mes recherches. Néanmoins, j’ai décidé de progresser en japonais et j’ai suivi des cours dans une école de langues pendant un an à Tokyo, où j’ai pu acquérir un niveau professionnel. Maintenant j’aborde ma septième année au Japon et j’utilise le japonais dans mes interviews ! Je me suis mise désormais au coréen (rires). 3- Quelles sont les spécificités du travail de journaliste étrangère au Japon ? Nous avons l’avantage de pouvoir traiter de sujets qu’on ne retrouve pas dans les journaux japonais. Au Japon, rares sont
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les médias qui se permettent de critiquer ouvertement la société, alors que nous, les journalistes étrangers, nous pouvons aborder des thèmes qui dérangent, comme l’homosexualité ou les violences conjugales par exemple. A contrario, parfois certains interlocuteurs ne souhaitent pas s’ouvrir à nous, de peur de se retrouver dans la presse étrangère. Je me rappelle une interview avec un célèbre mangaka qui éludait systématiquement mes questions alors que l’entretien avait été programmé. Par ailleurs, il est assez difficile de
s’implanter ici en tant que journaliste ; les places sont chères. Donc si je pouvais donner un conseil aux personnes souhaitant évoluer dans le monde de la presse au Japon, ce serait d’avoir une expérience au préalable dans un journal en France qui serait susceptible de les envoyer dans l’archipel. 4- Et aujourd’hui, quels sont tes projets ? Je suis en pourparlers avec deux quotidiens pour lesquels j’aimerais écrire.
Cela me donnerait l’opportunité d’étoffer mon book et de faire plus d’actualités, moi qui me suis spécialisée sans le vouloir dans les longs sujets de type reportage. Comme j’améliore ma connaissance de la Corée, j’aimerais également rédiger des papiers sur ce pays. À moyen terme, je voudrais terminer un livre que je suis en train d’écrire, pour le faire publier en France. Et enfin, dès que possible, obtenir une correspondance de presse. Le rêve !
Pour en savoir plus sur Phébé Leroyer C o nta ct : p h o e b e .le r o y e r r o us s el@ gmail.com
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c e v a n e i t e r t En
綿引 千恵 Chie Watahiki traductrice et interprète Pr o p o s r e cu e illis p a r
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聞き手 :フェベ・レロウイエ
Chie coordonne l’équipe des traductrices pour la réalisation d’Éclectiques. Elle est aussi membre du comité de rédaction du magazine.
1. Est-ce que tu peux nous présenter rapidement tes activités en tant que freelance ? J’ai commencé à travailler en freelance en 2018. Je fais de la traduction, de l’interprétariat et j’enseigne le français. 2. As-tu commencé toutes ces activités au même moment ? J’ai fait des études de langues étrangères à l’université. J’ai étudié ensuite en France pour travailler dans l’enseignement du français. Lors de mon retour au Japon, c’était difficile pour moi de trouver du travail dans ce domaine, j’ai donc commencé à démarcher des entreprises internationales. Mon dernier
emploi en CDI était chez Cartier. J’ai démissionné en mars 2018, mais juste avant de partir, une amie française qui travaillait à la CCIFJ (chambre de commerce et d’industrie française du Japon) m’a proposé de faire de la traduction en bénévolat pour les réseaux sociaux. Ils m’ont ensuite proposé de travailler en arubaito 1 de façon temporaire, pour des événements et négociations avec leurs partenaires. J’ai également reçu quelques traductions, y compris de mon ancienne université, et c’est comme ça que j’ai commencé dans ce milieu. 1 - Arubaito (アルバイト) ou baito : de l’allemand « Arbeit » qui signifie « travail ». Le baito est un emploi à temps partiel ou à durée limitée.
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Après cela, on m’a proposé de travailler dans une bijouterie française, car j’avais de l’expérience dans la joaillerie. J’ai commencé en arubaito, vu que j’avais d’autres projets de traduction et d’interprétariat en parallèle 2. On m’a ensuite suggéré de continuer en CDI, mais j’ai choisi d’évoluer en freelance, car je voulais avoir plus d’expérience. 3. Quelles études as-tu faites ? J’ai commencé à apprendre le français à l’Université Aoyama Gakuin. Au bout de deux ans, je suis partie en France, à Besançon, dans le cadre d’un échange universitaire pour un an. Puis je suis rentrée au Japon pour terminer mes études en licence. Je suis repartie en France pour faire un master de français langue étrangère (FLE), afin de travailler dans l’enseignement du français, et je suis finalement rentrée au Japon en 2009. 4. Pourquoi avoir choisi le français ? Quand j’étais petite, je regardais le dessin animé La Rose de Versailles 3. Je ne m’y suis plus intéressée jusqu’aux cours d’histoire mondiale au lycée, quand on a
étudié la Révolution et que la professeure nous a proposé de lire le manga ou de regarder l’animé afin de mieux comprendre l’histoire. À ce moment-là, ça m’a de nouveau passionnée. C’est la raison pour laquelle, à l’université, j’ai décidé d’étudier la littérature française. Dans le département de langues étrangères, on apprend plusieurs choses. On peut se spécialiser en littérature, en linguistique, en enseignement, etc. Pour ma part, je me suis beaucoup intéressée à la linguistique. J’ai cependant décidé de me spécialiser en FLE en master, car on enseignait non seulement la langue, mais aussi la culture et d’autres aspects de la France qui m’intéressaient. Cela m’a permis de mieux apprécier le français. 5. Pourquoi avoir préféré travailler au Japon plutôt qu’en France ? J’aurais aimé travailler en France, mais quand j’ai terminé mon master, j’ai décidé de rentrer au Japon pour confirmer ce
2 - Au Japon, on ne peut pas travailler hors de l’entreprise si on est employé en CDI. 3 - Lady Oscar est le nom de la version française du dessin animé.
Chie Watahiki est également traductrice pour les sociétés et les particuliers © Chie Watahiki
Après plusieurs années dans le luxe, Chie travaille désormais en freelance dans l’interprétariat. Ici, au Musée Osaragi avec Matthieu Séguéla- Chie Watahiki, 2019 © Musée Mémorial de Jiro Osaragi
大佛次郎記念館
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que je voulais faire. Car de 18 à 24 ans, j’étais baignée dans le français. Je voulais donc rentrer pour voir ce que ça faisait de travailler avec des Japonais ou des Français au Japon. J’aurais toujours pu retourner à l’université en doctorat si j’avais voulu reprendre mes études. C’était ça mon projet à la base (rires). 6. Qu’est-ce qui t’a fait changer d’idée ? Quand je suis rentrée au Japon, j’ai tout de suite trouvé des postes dans des écoles de langue. Mais malheureusement, j’ai eu l’impression que la plupart des écoles
préféraient des professeurs natifs ou des Japonais ayant un diplôme japonais (un master ou un doctorat). J’ai donc cherché d’autres opportunités et j’ai trouvé un poste dans une entreprise de maroquinerie dont le siège se situait à Paris. C’était un poste assez rare, car d’habitude au Japon, on utilise surtout l’anglais pour communiquer dans les entreprises internationales. Mais là, c’était plutôt le français. Juste après avoir commencé, la directrice artistique est venue au Japon et j’ai pu passer beaucoup de temps avec elle. Et elle a apprécié mon français. En parallèle, j’ai appris qu’il pouvait y avoir
quelques problèmes de communication à cause des différences culturelles dans l’entreprise. C’est la raison pour laquelle, à partir de là, mon objectif a été d’améliorer la communication entre la filiale au Japon et le siège. Grâce à ce travail, j’ai même pu aller chaque année en voyage d’affaires en France ! Ces expériences m’ont permis de communiquer directement avec des collègues français et de mieux comprendre comment travailler dans le milieu du luxe. J’ai ensuite décidé de démissionner pour avoir d’autres expériences dans ce domaine, puis j’ai travaillé dans une
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entreprise de joaillerie anglaise afin d’évoluer dans un monde non-francophone. Je ne suis donc pas revenue en France au final, mais je suis partie en Australie pour travailler l’anglais. Je suis rentrée au Japon en 2017 et c’est là que j’ai trouvé le poste chez Cartier. J’y suis restée un an, puis j’ai décidé de m’installer comme freelance. 7. Est-ce qu’il est difficile de s’implanter sur le marché japonais de la traduction ? Je pense que c’est assez difficile, car il y a peu de demandes pour la langue française. Heureusement, j’ai des connaissances dans la communauté francophone qui me demandent, de temps en temps, de faire de la traduction ou de l’interprétariat. Mais elles ne sont pas nombreuses. L’année dernière, j’ai rencontré Éric Dupuy et j’ai rejoint Freelance France Japon (FFJ). Comme il est aussi professeur de français, je me suis intéressée à la méthode d’enseignement, Gattegno, qu’il utilise. J’ai ensuite pu participer aux réunions bimestrielles du réseau FFJ, et grâce à cela, l’un des membres, Hugues Stillebacher m’a proposé de travailler à l’ambassade de Madagascar pour une courte durée. J’ai donc travaillé comme secrétaire personnelle pour l’ambassadeur quelques mois, et cette année, un autre membre de FFJ, Sébastien Lebègue, m’a proposé un travail de traduction pour un artiste français. Celui-ci réalise des peintures basées sur le livre Kojiki 4. Au final, j’arrive quand même à avoir un peu de travail, mais c’est compliqué. Surtout en pleine pandémie (rires). 8. Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées au début ? Trouver du travail. Si on ne connaît personne dans la traduction, c’est compliqué. J’ai pu avoir des opportunités, Chie Whatahiki © Sébastien Lebègue / Ikono.photo 4 - Kojiki : Chronique des faits anciens, ouvrage du VIIIe siècle sur la mythologie japonaise.
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car j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui connaissaient de potentiels clients intéressés par les services que je proposais. Sinon, ça aurait été vraiment très difficile, je pense. En plus, beaucoup de gens disent qu’ils vont vous recontacter, mais ils ne le font jamais (rires). 9. Est-ce que le fait d’être japonaise a été un avantage pour faire de la traduction ? Il y a du bon comme du mauvais, je dirais. Pour traduire du français vers le japonais, c’est plus simple pour les Japonais. Pour la traduction du français vers le japonais, j’aurais donc plus d’opportunités qu’un Français, car je maîtrise mieux ma langue maternelle et inversement. C’est logique. 10. Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut démarrer son activité dans la traduction sur l’archipel ? J’aimerais bien recevoir ces conseils-là (rires). Plus sérieusement, je pense qu’il faut bien connaître les deux langues. Il faut donc passer du temps à les apprendre, mais cela ne suffit pas. Il faut aussi pouvoir retranscrire, à l’oral ou à l’écrit, le sens des phrases. Par exemple, j’ai fait de l’interprétariat pour une Française qui racontait une histoire vraiment émouvante. J’ai donc essayé de retranscrire cette émotion à l’oral, même si, du coup, les mots n’étaient pas exactement les mêmes. Pour travailler dans les langues, il faut aussi bien connaître les deux cultures, je crois. 11. Hormis les opportunités de travail, FFJ t’a-t-elle aidée dans tes démarches ou à surmonter les moments difficiles ? FFJ m’a donné des opportunités de travail, mais c’était plutôt un bon soutien moral. Il n’y a en général pas beaucoup de soutien pour les indépendants, car c’est
Elle est également traductrice pour les sociétés et les particuliers 2019 © Chie Watahiki
très compétitif. Donc c’est bien de faire partie de ce genre de groupe. À côté, ça m’a aussi permis d’avoir quelques informations. Par exemple, ce sont les membres de FFJ qui m’ont rappelé qu’on pouvait faire des démarches en tant que freelance pour toucher des aides au Japon pendant la pandémie. En tant que Japonais(e), on hésite souvent à demander ce genre d’aide, même si on est dans le besoin. Donc je suis contente qu’on me l’ait rappelé (rires).
Par ailleurs, j’ai suivi une formation à l’habilitation des examinateurs et correcteurs du DELF (Diplôme d’Études en Langue Française) l’année dernière. Je ferai donc partie du jury de l’examen de cet automne. J’ai aussi un nouveau projet de traduction pour un professeur français avec qui j’ai travaillé lors de précédentes conférences. Ses recherches sont toujours intéressantes, donc j’ai hâte ! 13. As-tu des projets futurs ?
12. Un mot rapide sur tes projets actuels, pour terminer ? Actuellement, je prévois de traduire un livre français. L’agence est toujours en recherche d’un éditeur, d’ailleurs. C’est un livre sur l’écologie où l’auteur explique comment améliorer le monde, comment réduire les déchets. Je pense que cela peut être un bon manuel de vie pour les Japonais, donc j’aimerais le traduire le plus tôt possible.
En ce moment, je participe à d’autres associations, comme FAJ (Femmes Actives Japon), pour apprendre à développer un business. Puisque plus tard j’aimerais pouvoir proposer des services de communication interculturelle aux entreprises et aux particuliers, je participe à des ateliers sur l’entrepreneuriat. Ensuite, quand ce sera prêt, je commencerai à démarcher. En attendant, je continue la traduction et j’apprends l’espagnol.
Pour en savoir plus sur Chie Watahiki
C o nta ct : ch ie 1755@ gmail.com
Lire également l’article de Chie Watahiki, Apprendre, la voie de la transformation, en page 30,
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C RÉ DI TS @ É QU I PE S É D I T ORIA L ES
NUMÉRO 8 - Décembre 2021
Direction éditoriale : Directeur de la publication :
Michael Goldberg / ivw2@yahoo.com
Rédacteur en chef & responsable de projet :
Emmanuelle Sagnard / accueil@sensemofr.com
Directeur artistique :
Sébastien Lebègue / director@ikono.photo
Responsable traduction :
Chie Watahiki (綿引 千恵) / chie1755@gmail.com
Responsable des interviews :
Phébé Leroyer / phoebe.leroyerroussel@gmail.com
Marketing, communication, & gestion technique :
Éric Dupuy / ecole@espaceagogo.com Benjamin Dehant / benjamin.dehant@gmail.com
Comité éditorial : Éric Dupuy, Michael Goldberg, Sébastien Lebègue, Emmanuelle Sagnard.
Comité de rédaction : Benjamin Dehant, Éric Dupuy, Michael Goldberg, Sébastien Lebègue, Phébé Leroyer, Emmanuelle Sagnard, Chie Watahiki.
Les auteurs de ce numéro : Hugo Brionne, Marc Carpentier, Éric Dupuy, Martin Faynot, Béatrix Fife, Johann Fleuri, Michael Goldberg, Phébé Leroyer, Midori Maki Larrieu, Géraldine Oudin, Jérôme Pace, Emmanuelle Sagnard, Jennifer Siclari, Jérémie Souteyrat, Chie Watahiki.
Traductions et relectures japonaises :
Chie Watahiki (綿引 千恵), Maki Kawato (河戸 麻紀), Midori Matsuda (松田 みどり), Miki Takehara (竹原 美貴),Yuko Hitomi (人見 有羽子).
Ont collaboré à la relecture française : Michel Bouchet, Éric Dupuy, Caroline Gardin, Pierre-Juan Labeyrie, Ilan Nguyên, Géraldine Oudin, Jérôme Pace, Astrid Pichard, Emmanuelle Sagnard.
Photographies (hors articles): Sébastien Lebègue, assisté de Florent Guérrout. Pour en savoir plus sur Freelance France Japon info@freelancefrancejapon.org 144
- Fr e e l a n c e Fr a n ce Ja pon
Le s an ci e n s n umér o s - É CL E CT IQ U E S
NUMÉRO 1 - Novembre 2010
NUMÉRO 2 - Novembre 2011
NUMÉRO 3 - Décembre 2012
NUMÉRO 4 - Décembre 2013
Tokyo d’ici et d’ailleurs 東京をちこち
Au-delà des clichés クリシェを超えて
Indépendance & appartenance 自立と共存
Bonheur(s) 幸福(いろいろ)
NUMÉRO 5 - Mai 2015
NUMÉRO 6 - Juin 2017
NUMÉRO 7 - Septembre 2019
NUMÉRO 8 - Décembre 2021
Frontières 境界
Temps 時
Nuit 夜
Renouveau 再生
Cliquez sur les images pour lire les précédents numéros, o u rendez-vous sur https://freelancefrancejapon.org/eclectique/
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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RE M ERC I E ME N T S
Remerciements Le comité éditorial d’Éclectiques remercie chaleureusement tous les membres de Freelance France Japon, pour le temps et l’énergie qu’ils consacrent chaque année à l’élaboration de cette revue. Le professionnalisme de chacun d’entre eux se reflète dans ses pages. Merci aux auteurs et merci tout particulièrement aux traducteurs et relecteurs qui travaillent dans l’ombre, mais dont la partication est essentielle. La plupart des biographies sont intégrées en conclusion de chaque article, vous trouverez ci-dessous celles des autres contributeurs ou responsables de projet :
Traductions et relectures japonaises
Sous la direction de Chie Watahiki 綿引 千恵 (biographie en page 31, portrait en page 138) :
Maki Kawato 河戸 麻紀 Professionnelle depuis plusieurs années en traduction anglais-japonais dans divers domaines tels que la littérature, le commerce, les médias visuels, etc., depuis l’obtention de son diplôme à l’école de traduction. Elle fait également de la traduction français-japonais ces derniers temps. Elle a étudié les cultures et les médias à l’université. Son centre d’intérêt est d’approfondir les cultures et l’art de vivre. Elle aime apprendre des arts traditionnels du Japon. 翻訳学校修了後、文芸・実務・映像分野にて長年英日翻訳に携わる。近年仏日翻訳へも幅を広げる。大学では、文化およ びマスメディアを専攻。常に興味の中心としてきたのは文化やライフスタイルであり、実生活においても、 日本の伝統芸術 の学びを楽しんでいる。 Contact : mkawato1205@gmail.com Midori Matsuda 松田 みどり Midori, guide touristique interprète en français, vit à Tokyo. Elle guide les particuliers et les groupes dans toutes les régions du Japon. Activités préférées : art, architecture, culture traditionnelle, faire du vélo, nature, cuisine, etc. Dans son temps libre, elle aime faire des randonnées en montagne avec ses amis. Le canoë et le canyoning sont des expériences qui lui ont permis de se sentir en harmonie avec la nature. 東京在住のフランス語通訳、 フランス語通訳ガイド。 日本各地で個人やグループのガイドをしている。好きな分野は アート、建築、伝統文化、 サイクリング、 自然、料理など。 プライベートでは、時々仲間と山歩きをするのが楽しみのひとつ だ。近年のカヌーやキャニオニング体験は自然と一体になる経験だったという。 Contact : daruma3rouge@gmail.com Facebook : Midori Matsuda Miki Takehara 竹原 美貴 Ayant étudié la littérature française pendant sept ans à Osaka et un an à Montpellier, Miki travaille en utilisant la langue française depuis dix ans. Habitant à Kamakura, elle voyage un peu partout au Japon, comme guide, avec des touristes francophones pendant plus de cent jours par an. En 2020 et 2021 où la pandémie fait disparaître le tourisme, elle se passionne pour les arts traditionnels japonais tels que la cérémonie du thé, le théâtre de Nô, le kimono et la pâtisserie japonaise. フランス文学を大阪で7年、 モンペリエで1年勉強し、10年前からフランス語に関わる仕事をする。鎌倉在住だが、1年の 3分の1はガイドとしてフランス人旅行客と日本中を旅している。2020年と2021年はコロナで仕事が無くなったが、茶 道や能、着物、和菓子など日本伝統文化について学ぶのを楽しんでいる。 Contact : mikitfrance@yahoo.co.jp Yuko Hitomi 人見 有羽子 Dès la sortie de l’université à Kyoto dont elle est originaire, elle part pour Paris afin d’étudier le cinéma comme sujet de recherche. Depuis 2002, elle travaille à Tokyo en tant qu’interprète, traductrice français-japonais, mettant à profit ses études à l’Université Paris III ainsi qu’à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales. Spécialisée dans le cinéma français, mais aussi dans la culture générale dont la gastronomie. Il lui arrive de travailler comme coordinatrice lors de tournages de documentaires ou de reportages. 地元・京都の大学を卒業後、映画を研究対象として学ぼうとパリに留学。2002年より、パリ第三大学、 フランス国立言語 文化学院に学んだ経験を活かし、東京を拠点にフランス語通訳・翻訳家として活動。得意分野はフランス映画を中心にガ ストロノミーを含む文化全般。 ドキュメンタリー、 ルポルタージュ撮影のコーディネートも手がける。 www.yukohitomi.com
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- Fr e e l a n c e Fr a n ce Ja pon
RE ME RCIE ME NT S
Ont collaboré à la relecture française Michel Bouchet ミシェル・ブシェ Informaticien. Développement de logiciels variés, bases de données. Expérience d’un grand nombre de langages de programmations et de systèmes d’exploitations. コンピューターサイエンティスト。多種多様なソフトウェア、 データベースの開発。数多くのプログラミング言語、 オペレー ティング・システムの経験実績がある。 Caroline Gardin キャロリーヌ・ガルダン Née en 1994 en Lorraine, Caroline Gardin est une photographe, journaliste et vidéaste française installée au Japon depuis janvier 2020. Diplômée de l’école de journalisme de Grenoble, elle travaille pendant un an au quotidien Le Dauphiné Libéré avant de se lancer dans l’aventure nippone. Elle travaille comme journaliste indépendante à Tokyo notamment pour la télévision (BFMTV, France 24, TV5 Monde), la radio (RTL) et la presse écrite. 1994年生まれ、 ロレーヌ地方出身。 キャロリーヌ・ガルダンは2020年1月以来、 日本に居を構え、写真家、 フリーランス ジャーナリスト、 ビデオ作家として活動。 グルノーブル・ジャーナリズム・スクールのディプロマ取得、地方紙「ル・ドフィ ネ・リベレ」 での1年間の勤務を経て、新天地を求めて来日。現在、主にフランスのテレビ局(BFMTV, France 24, TV5 Monde)、 ラジオ局(RTL)新聞・雑誌メディアをクライアントに、東京拠点のフリージャーナリストとして活動。 Pierre-Juan Labeyrie ピエール=フアン・ラベイリ Consultant indépendant en informatique (approvisionnement hardware / configuration serveurs physiques - dédiés cloud - applicatifs de gestion de base de données / autre expertise générale en T.I.) Gérant de Rakutabi Guide, une agence de service d’accompagnement privé pour voyages sur mesure au Japon. ITコンサルタント (ハードウェア・サプライ/専用サーバー・クラウドサーバーの物理サーバーの構築、 データベース管理ア プリケーションの設定・調整/IT関連のその他全般の専門スキル)。 オーダーメイドな日本の旅プラン、 プライベートアテンドサービスを提供するRakutabi Guide管理人。 www.rakutabi-guide.com Ilan Nguyên イラン・グェン Traducteur-interprète et coordinateur japonais-français, critique et enseignant de cinéma. Principaux champs de recherche : les registres du cinéma d’animation et de la bande dessinée au Japon. Maître de conférences associé au département cinéma d’animation de l’université des Arts de Tokyo (école de Mastère audiovisuel). 日仏翻訳・通訳・コーディネーター、映画批評・研究。主な研究対象は日本におけるアニメーション及びマンガ分野。 Astrid Pichard アストリッド・ピシャー Guide-interprète, au Japon depuis une dizaine d’années. - Professeure de français et de culture française. - Guide auprès de voyageurs francophones dans tout le Japon (première guide-interprète française) et formatrice au métier de guide. 通訳ガイド。十数年前から日本在住。 フランス語・フランス文化の講師。 フランス語圏の旅行者向けの通訳ガイド (初のフラ ンス人通訳ガイド) として日本全国に赴くかたわら、通訳ガイドの研修講師も務める。
Membre du comité de rédaction Benjamin Dehant ベンジャミン・デハント Designer et facilitateur, autodidacte passé par différents univers tel que la restauration et le tourisme, Benjamin Dehant a vécu 3 années au Japon où il a découvert FFJ puis noué des liens avec les membres de ce réseau. Les compétences de Benjamin dans l’utilisation d’un tableau digital tel que Mural dont il se sert pour créer et animer des ateliers a permis à l’équipe d’édition de notre magazine de planifier ce projet en amont, dans la phase de brainstorming et cela depuis la France. Cette expérience en plus des autres lui a permis de travailler à temps plein avec l’outil Mural. 外食産業、観光業など様々な業種での経験を活かし、独学でデザイナー、 ファシリテーターのスキルを会得。 3年間の日本 滞在中にフリーランス・フランス・ジャポン(FFJ) の存在を知り、同ネットワークのメンバーらと親交を結ぶ。 ワークショップの企画・運営には“Mural”のようなデジタルワークスペースを活用しているが、 その実践力を活かし、FFJの 機関誌発行の準備期間、 ブレインストーミング段階での編集チームのスケジュール管理をフランスにいながらにして可能 にした。同様の経験を重ね、現在”Mural”をツールにフルタイムで活躍している。 https://www.linkedin.com/in/benjamindehant
Fre e l an ce Fran c e Ja p o n -
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FRE E L AN C E F RA N C E J A PON
FREELANCE FRANCE JAPON Q U ’ EST-CE Q U E C’ ES T ?
Créé par Lionel Dersot en avril 2008, le réseau Freelance France Japon a pour objectif de fédérer les professionnels indépendants pratiquant dans la sphère francophone japonaise, qu’ils soient établis au Japon ou ailleurs. FFJ est une communauté ancrée dans la vraie vie, dans laquelle le mot collégialité a encore un sens. Des réunions formelles et informelles sont régulièrement organisées, en particulier à Tokyo et/ou en visioconférences. Ce projet sans équivalent a généré de nombreux échanges entre les membres, mais également de nouvelles opportunités de travail. FFJ rassemble une cinquantaine de professionnels issus d’horizons divers : audiovisuel, langues, communication, photographie, arts graphiques, droit, tourisme et bien d’autres activités. Nous accueillons en priorité les indépendants établis et proactifs, capables de contribuer à la dynamique du réseau. Cependant, les personnes intéressées qui ne remplissent pas ou pas encore les conditions d’inscriptions détaillées sur le site peuvent devenir membres associés et sont les bienvenues lors des rencontres. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à visiter notre site Internet et à nous contacter par email.
http: // freelancefrancejapon.org info@freelancefrancejapon.org Ainsi que les pages Éclectiques et Freelance France Japon sur Facebook.
https://www.facebook.com/Eclectiques.Revue/
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Mont Fuji depuis le Roppongi Hills © Sébastien Lebègue
Fr e e l ance F rance Japo n - numéro 8 - Renouveau
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