Bienvenue, chers Amis de Saint Benoît Labre
A
près un assez long moment d’absence me voici de nouveau avec vous et quelques nouveautés, sur les chemins de traverse avec Saint Benoît-Joseph Labre. Il faut dire que depuis le dernier numéro et notre pèlerinage à Pertain, je fus bousculé dans mes habitudes. Il y a eu d’abord beaucoup de difficultés dans mon quotidien de vie, parallèlement, la perte de mon emploi où j’ai travaillé 24 ans avec beaucoup de dévouement, et pour couronner le tout, cette immersion dans un nouvel univers celui du chômage. En bref, ces vacances de début d’année, que j’ai passées dans la montagne des Pyrénées, ont été pour moi chers Amis, plus que bienvenues. Ce nouveau numéro, comme vous pouvez le voir, est totalement nouveau tant dans sa conception que dans la technologie utilisée, graphismes, illustrations et photographies… En bref un nouveau look pour toujours mieux vous servir, Amis de Saint Benoît Labre. Et cette fois-ci, je vous propose un reportage exclusif: tout d’abord un pèlerinage sur les pas de notre Saint Ami Benoît-Joseph Labre dans un village du diocèse de Séez, dans la région de Basse Normandie et du département de l’Orne. Ce village est celui de Sainte Céronne les Mortagne où je vous ferai découvrir une histoire celle de sainte Céronne (5e siècle), sa tombe et un lieu de pèlerinage très connus dans cette région du Perche. Et pour terminer une rubrique « infos » avec quelques données sur mon bon Ami le Père Raymond Martel du diocèse d’Amos au Canada. (Québec) Ceci pour répondre à l’interrogation et à la demande de bien des Amis qui souhaitent connaître un peu mieux ce grand Ami de Saint-Benoît Labre. Didier NOËL
SAINTE CERONNE LES MORTAGNE
Récit du passage dans la région du Perche de saint BenoîtJoseph Labre en 1769. Page 9
LE PÈRE RAYMOND MARTEL Le Père Raymond Martel est Prêtre au diocèse d’Amos (Abitibi) où il est arrivé en 1982 à l’époque au sein d’une petite équipe, L’Oeuvre évangélique Benoit-Labre. Page 60
SITE INTERNET http://www.amis-benoit-labre.net L’histoire de la sainte patronne du Perche, sainte Céronne. Page 57
INTRODUCTION J’ai souvent remarqué qu’il émanait de certains lieux une extrême beauté, signe d’une présence singulière, indescriptible où la perception des sens estompe toute compréhension intellectuelle, donnée comme une grâce évanescente et bienfaisante et ceci bien au-delà des limites de notre intelligence. Ces lieux enchanteurs, je les rencontre parfois lors de mes déplacements sur les chemins de traverse ; ils sont ces instants de vie qui embrasent le cœur en une céleste émotion envoyée vers le Père. Que ces instants sont doux et généreux, loin du monde et de son agitation dans la quiétude et la paix, solitaire comme pouvait l’être le vagabond de Dieu, le pèlerin Benoît-Joseph Labre. Comme nous le dit si bien le chanteur, « on prenait les chemins de traverse même s’ils ne sont jamais les plus courts. Et quand la nuit tombait sur la voie ferrée, on était bien loin de la ville, on entendait que des notes et le bruit de nos bottes sous la pleine lune immobile, mais quelquefois je me souviens […] Puisque le seul métier qu’on aime, c’est la bohême et le voyage… » (1). C’est dans l’émotion de ce décor où la couleur, le voyage et le passé communient doucement sur cette route du Perche vers le village de Sainte Céronne les Mortagne que vont me conduirent mes pas, chers Amis du Saint… Au travers de cet itinéraire qui emporte le lecteur dans les souvenirs magnifiques qui jalonnent ce chemin vers les « autres », mais surtout du dialogue intime et émouvant du Saint pèlerin avec le Christ. Le 20 juin 2012, la municipalité en la personne de Madame Raymonde Lizot, Maire de ce beau village de Sainte Céronne et de Madame Françoise Chantepie, membre de l’association de sauvegarde du patrimoine culturel de Sainte Céronne les Mortagne me firent un accueil, digne d’un évêque en visite. Très touché par cette journée passée en leur compagnie sur les traces du saint Vagabond de Dieu et par la découverte de beaucoup d’endroits intéressants et historiques, je voudrais à l’aide de ces quelques lignes les remercier pour leur gentillesse et leur aide précieuse dans cette quête d’informations. Sans elles, rien n’eut été possible… La tradition du pays rapporte, en effet, que dans son voyage à la Trappe, en novembre 1767, le saint mendiant vint un soir frapper à la porte d’une Métairie, voisine de l’église afin de demander humblement l’hospitalité ; le lendemain, il passa de longues heures en prière devant le tombeau de Sainte Céronne à l’église. La ferme qui eut l’honneur d’abriter l’admirable pèlerin existe toujours, mais elle est devenue une habitation privée.
Le souvenir de sa piété et de certains faits, tenant du prodige, a déclenché sur son passage beaucoup d’admiration. Les anciens habitants avaient gardé au cœur cette tradition, où un jour un pèlerin venu du Nord les avait visités. Mais avec tout le temps écoulé, il a fallu retrouver cette tradition à Sainte Céronne et la faire revivre. On se souvient que Benoît Labre, voulant à tout prix quitter le monde pour mener une vie de pénitence, résolut de se rendre à la Grande Trappe de Mortagne (Soligny, Orne) mais on se rappelle qu’il eut le chagrin de se voir refuser l’entrée du monastère, la règle ne permettant pas d’y être admis avant l’âge de vingt-quatre ans. Il n’en avait alors que dix-huit à sa première tentative. Ce voyage, toutefois, ne fut ni sans profit spirituel ni sans consolation. Tout près de Mortagne, en effet, se trouvait une paroisse placée sous le patronage de Sainte Céronne et centre d’un pèlerinage très fréquenté autrefois. Benoît Labre ne pouvait manquer de se rendre au sanctuaire vénéré de ce village ; il y revint même plusieurs fois, recevant l’hospitalité chez un fermier dont la propriété avoisinait l’église (la ferme du pont). La famille s’estimait heureuse de posséder ce jeune religieux déjà connu par ses mortifications, son assiduité à la prière et par certains conseils prophétiques que l’on fut tout heureux de suivre et de voir se réaliser. Plus tard après sa mort en 1783, ces souvenirs oubliés ayant été portés à la connaissance du curé de Sainte Céronne par les anciens, il en fit part à ses paroissiens pour leur édification et se proposa sur le champ d’ériger une statue au Bienheureux. En lui donnant droit de cité et en ravivant son culte, Sainte Céronne peut compter sur les grâces spirituelles et temporelles de ce puissant protecteur. De ce village, il se rendit ensuite à Courtomer, toujours dans le diocèse de Séez. BenoîtJoseph Labre tenta par deux fois (en 1767 et 1769), nous l’avons dit, d’être admis en se présentant à l’abbaye de la Grande Trappe de Mortagne. Ce fut à l’une de ces deux époques, peut-être aux deux, qu’il passa par le bourg de Saint-Laumer, aujourd’hui réuni à Courtomer, le chef-lieu de canton. L’église de Saint-Laumer était alors bien pauvre, mais un souvenir, précieux entre tous, s’attache à ce sanctuaire disparu. Saint Benoît Labre s’y était arrêté pour prier et entendre la messe. Or, une pieuse mère y assistait aussi un matin ; voici que, tout à coup, elle se penche vers sa jeune enfant pour lui dire : « Regarde, ma fille, ce pauvre qui prie si bien ; ce n’est pas un pauvre ordinaire, c’est un saint. » L’enfant n’oublia jamais cette parole impressionnante qu’elle aimait à répéter dans un âge très avancé. Combien d’autres souvenirs du saint pauvre sont conservés dans cette paroisse ! Aussi, la piété des fidèles lui a érigé une statue ; des reliques ont enrichi son autel, et autrefois, chaque dimanche, à l’Autel, on lui adressait cette fervente invocation : Sancte Benedicte Labré, ora pro nobis! En matière d’histoire religieuse, l’oubli est quelquefois caractéristique des époques. La nôtre se déchristianise, un oubli bien souvent commis avec préméditation. Il y a tant de raisons laïcistes répandues aujourd’hui dans ce siècle qu’il serait vain de les énumérer. J’ai recueilli avec beaucoup de difficulté pour vous chers Amis, ce que la providence, et j’aime à croire à ce que mon cher Vagabond y a laissé à mon intention, en souvenir et trace d’événements et de foi passés dans cette région du Perche. Cependant, j’ai toujours pensé que c’est précisément à cette époque que les premiers pas incertains du Pèlerin de Dieu furent de loin les plus importants dans ce contexte, où malheureusement trop de lacunes restent ouvertes. Il m’a semblé utile de vous conter l’histoire de la première venue de Saint BenoîtJoseph Labre à Sainte Céronne. Je viens, après d’autres plus érudits que moi, d’atteindre le but que je m’étais fixé avec le faible espoir d’en approcher la vérité.
Benoît-Joseph est présent dans sa parole car c’est lui qui parle au coeur des choses, au coeur du lecteur plongé dans cette histoire où les événements deviennent palpables presque poétiques au travers de ces personnages qui vont se lier d’amitié et accueillir ce jeune religieux, envoyé dans leur vie par la providence. Personnages, qui sans le savoir, vont écrire ce court instant de son séjour, grâce au souvenir qu’ils laisseront plus tard à la postérité de Saint Benoît-Joseph Labre. Éclairés par ce récit dans la lumière de cette année 1767, je vous laisse maintenant, chers Amis, le découvrir… De Boulogne sur Mer le 24 janvier 2013 Didier NOËL (1) Chanson de Francis CABREL
Le mendiant des rues C’est le mendiant qu’on m’appelle Dans les rues ou dans les ruelles Je n’ai pas de chez moi Ni de grand lit en soie Ce n’est pas bien chaud sous les branches Malgré tout je dors en silence Aux pauvres enfants qui meurent de faim Pitié donnez du pain Extrait de la chanson de Roland Lebrun (1947)
Sainte Céronne les Mortagne, 28 novembre 1767 Le vent et la pluie du ciel de ce mois de novembre 1767 descendent avec force dans la clarté du jour qui meurt doucement et se dissipe dans l’obscurité naissante, couvrant peu à peu l’horizon de cette route sinueuse de la province du Perche. Elle laisse pour un temps apercevoir la silhouette grise, ruisselante, sous la pluie torrentielle, d’un homme courbé à la démarche lente, déposant sur ce tapis rocailleux l’offrande d’un regard pénitent dont les yeux semblent unis au paysage de la grande plaine ondulante. Le chemin attire les pas de cet inconnu qui avance et descend vers le petit village au fond de la vallée de Sainte Céronne les Mortagne. Affamé, errant, il n’a pas dormi ; tout le jour, il a cherché un abri pour se reposer dans cette campagne percheronne. Derrière lui parviennent de la route des échos de voix et de charrettes dont les roues crissent bruyamment dans la pâleur crépusculaire. Des ouvriers agricoles rentrent des champs, pressés qu’ils sont de se mettre à l’abri après une rude journée de labeur. Il a plu et venté toute la journée. A cet endroit se greffe un chemin de terre détrempé qui vient en serpentant de la campagne et dessine un croisement à l’entrée d’un petit pont. Il y a un bâtiment de pierre dont l'ombre couvre le portail d’une métairie et en face sur l’autre rive se dessine la masse sombre de l’église perchée qui domine, de sa tour imposante, le toit des modestes maisons en contrebas. Le jeune voyageur est las et fatigué, il a froid, horriblement froid, et peur aussi. Il avance, encore et encore, cherchant de la main, au travers de cette pluie qui l’aveugle, la porte de bois massive où il frappe enfin. Une paysanne, affairée au repas du soir, le regarde avec attention du coin de la porte. — Êtes-vous l’un de ces "quainmandeux de la ville" ? lui demanda-t-elle. — Non, chère madame, je viens de la grande Trappe, je suis épuisé, pouvezvous m'offrir l'hospitalité pour cette nuit ? — Ma foi, entrez ! C’est vrai que vous êtes bien jeune, mon garçon, vous risquez d’attraper la mort sous ce déluge, mettez-vous près du feu ! — À ces mots, une intense lumière inonda le visage du jeune inconnu. « Loués soient Jésus et Marie », dit-il tendrement. Le paysan qui, toute la journée, avait travaillé aux champs, exposé à l’inclémence de la saison et aux rigueurs du froid, était assis avec ses enfants en formant un cercle autour d’un bon feu qui flambait et crépitait joyeusement dans l’énorme cheminée. Une suave odeur de bois brûlé embaumait l’air. Dans la douceur de ce foyer, une voix s’éleva, chaude et puissante :
— Comment vous appelez-vous, jeune homme ? D'où venez-vous ? Articula le brave fermier à la voix bredouillante. — Je m’appelle Benoît-Joseph Labre, je viens d’Amettes en Artois au diocèse de Boulogne. J’ai parcouru 60 lieues à pied pour venir à la grande Trappe, mais malheureusement les Pères m’ont renvoyé ; je n’ai pas l’âge requis pour y entrer, répondit-il avec tristesse. — Vous êtes bien loin de chez vous, mon garçon. Soyez le bienvenu à la « Ferme du Pont ». Votre visage est pâle comme la graisse de porc, ici vous reprendrez des forces avant de repartir. La brave paysanne avait passé du temps à confectionner quelques douceurs pour ses enfants. Elle s’approcha de Benoît-Joseph pour lui placer une couverture sur ses épaules et lui servit une tisane bien chaude. — Installez-vous, servez-vous, nous allons attendre un peu et nous servirons le souper ! Les enfants jouaient bruyamment, agacés de voir la conversation se prolonger, et couvraient ainsi de leurs jeux le mécanisme de l’horloge à contrepoids, qui, près de la cheminée, sonna bruyamment l’heure du souper. Après le souper, on dit les prières en commun, à haute voix. La veillée commença. On parla des labours et des travaux à terminer. — On est le 28 novembre et l’hiver semble bien précoce cette année, dit le brave paysan. Puis Benoît-Joseph fut invité à lire, sur le grand livre ouvert, la vie du saint du jour. Un soupir de joie traversa le petit auditoire, assemblé là, écoutant avec émotion le récit de la vie de Saint Bellin, évêque et martyr. Benoît-Joseph prit place sur la chaise du conteur, il allait parler : écoutons-le. — Il est au ciel ! dit Benoît-Joseph et nous pouvons ajouter que le ciel n’est pas éloigné de nous. Les Saints y règnent avec Jésus-Christ, en offrant à Dieu des prières d’intercession pour les Hommes. Que c’est une chose bonne et utile de les invoquer humblement et d’avoir recours à leur aide pour obtenir la grâce de Dieu. N’oublions pas la morale de ce récit : le mauvais riche de l’histoire était fort riche en biens temporels, mais pauvre d’esprit, inhumain et cruel ; cette soif de richesse a causé sa perte. — Apprenons par la présente que la vie d’un homme vaut mieux que toutes les fortunes de ce monde…
Benoît-Joseph instruit de la parole de Dieu, tel un messager envoyé dans leur intimité leur commenta la belle histoire qui perpétuait la tradition très ancienne de confier le foyer domestique, la grande famille à la protection des Saints. — Ah ! Ah ! s’exclame le paysan ! Qu’il fait bon entendre conter des histoires de saints hommes, près du feu ! — Jeune homme, Saint Bellin est invoqué chez nous afin de nous protéger des morsures de chien. — C’est le ciel qui vous envoie. — Que Dieu vous bénisse ! — Mais racontez-nous maintenant pourquoi vous voulez devenir moine. — C’est que je me dois d’obéir à l’appel de Dieu, qui me veut dans cet état, répondit Benoît-Joseph. En s’installant de nouveau dos à la cheminée, il commença son récit d'une voix douce et mélodieuse, marquant des pauses et jouant sur les intonations de sa voix, ponctuée de mots fascinants qui touchent le cœur des hommes, manifestation d’une puissance Divine, révélant un être intérieur tout entier tourné vers Dieu. — Mon village, Amettes, est un petit village d’Artois, dans l’Artois, un peu comme le vôtre, dit Benoît-Joseph. — II se tient au milieu d'un paysage de fermes et de labours. Je suis le fils aîné de la famille et mon père, Jean-Baptiste, est cultivateur ; Anne-Barbe, ma maman que j’aime tant, tient commerce de mercerie à la maison. — À la mort de mon oncle, l’Abbé François-Joseph, après quelques essais infructueux, j’ai demandé à mes chers parents, la grâce du pardon et leur bénédiction pour l’immense chagrin que je leur causais, afin de partir réaliser mon vœu d’entrer sous les ordres religieux. Malgré mon état de santé précaire et la difficulté du voyage à accomplir, j’ai quitté la maison avec l’intention d’entrer à la grande Trappe de Soligny. — J’y suis arrivé après plusieurs jours à pied. — Ayant choisi de voyager avec très peu de nourriture, afin de confier davantage à la Providence en dehors de la grande route, j’ai préféré les chemins de traverse pour la solitude et l’âpreté du terrain. Petits sacrifices qui m'ont aidé à accomplir ce voyage. Je n’ai épargné aucun effort pour me guider sur le chemin et confier à la prière mes louables intentions. — Après moult aventures et difficultés, c’est, je crois, le 25 novembre que je suis arrivé au monastère. C’était vers le soir, il pleuvait comme aujourd’hui. Mes vêtements sales et trempés ont dû faire bien mauvaise impression au Frère portier, qui, chargé de recevoir les postulants, me fit entrer, tout en me demandant mon nom, qu’il notait sur le registre. A cet instant, il plongea son regard, ce regard si profond qu’il me sembla voir à l’intérieur de moi.
— Je dois avouer qu’il me fit grande impression, surtout lorsqu’il me demanda d'une voix si agréable : « De quel endroit êtes-vous, jeune Labre ? Que demandez-vous au monastère Notre Dame de la Trappe ? » — « Je suis natif de la paroisse d'Amettes en Artois, au diocèse de Boulogne, j’ai dix-neuf ans et je viens pour vous prier de m’accepter dans la Communauté. Mon désir est de devenir moine à la Trappe et de consacrer ma vie à Dieu. » lui ai-je répondu. Benoît-Joseph hésita un instant et sembla vouloir marquer une pause dans son récit ; son regard semblait trahir une indicible douleur. Il y a des moments où les mots, les phrases, même les plus petites deviennent difficiles à exprimer. Comment raconter un sentiment qui ne fait pas appel à la raison à des interlocuteurs qui ignoraient absolument tout de cette impression d'être « à part » dans cette quête d'absolu ; comment faire comprendre ce ressenti profond d'être « différent » ? A travers l'élaboration difficile de son récit, Benoît-Joseph sortit de son silence et reprit son récit… — « Vous êtes trop jeune, mon cher enfant, pour prétendre embrasser la réforme de ce monastère ! » me répondit le frère portier. — « J’aimerais rencontrer le Père Abbé ! » ai-je alors répondu, inquiet. Le Père Abbé Théodore Chambon le reçut, et avec sollicitude, écouta patiemment son jeune visiteur lui exposer son vif désir de devenir moine. — « Vous faire moine, mon enfant ? », m’a-t-il répondu, au terme de la discussion, « mais vous êtes bien trop jeune pour entrer au monastère. Notre règle est stricte à ce sujet. Il faut avoir 24 ans révolus pour postuler à notre institut. » — « Nous ne pouvons vous accepter », m’a-t-il dit inflexible, en me congédiant. Benoît-Joseph, le coeur amer, ployant sous le poids de son joug, condamné par la nature même des paroles du Père Abbé, était contraint d'obéir une fois de plus à la volonté de Dieu. Il marqua à nouveau une pause dans le récit de son arrivée. Silencieux, il observa un instant, à la faible lueur de la pièce, les yeux rieurs et contemplatifs de ces braves paysans qui frémissaient d’impatience d’en savoir d’avantage… Benoît-Joseph reprit son récit : — « Mais ce soir, vous resterez ici pour passer la nuit. A l'extérieur, la tempête est trop forte pour vous laisser partir dans ses conditions ! » me lança le Père Abbé.
— Le Frère portier me conduisit dans une petite salle et me dit avec vivacité : « Entrez en paix, jeune Labre ». Je répondis en moi-même : « Qu’il en soit ainsi ». « Vous passerez une nuit brève mais tranquille ici. Au réveil vous partirez. Nous sommes à trois lieues à peine du tombeau de sainte Céronne, au village du même nom. Vous devriez vous y rendre afin de demander à la sainte, avec confiance et humilité dans la prière, son intercession. N’oubliez jamais, mon enfant, que ce qui souvent semble humainement impossible à nos yeux, ne l’est pas pour Dieu. Demandez son secours et vous trouverez sa lumière… » — Plus tard, il me fit servir dans ma cellule, un maigre repas auquel je ne touchais pas. Trop d’images et de souffrances troublaient mon âme à cette heure. — J’entendis sonner les complies ; je descendais et je m’agenouillais devant la porte de l’église où je n’osai entrer. — En rentrant dans ma cellule, le cœur en paix, je passais la nuit en prière… — Au petit matin, un frère vint me chercher et me donna quelque nourriture pour la route. Au sortir du monastère, je rencontrai deux mendiants dont le visage semblait curieusement rempli d’une clarté lumineuse. — « Savez-vous quelle est la route qui conduit à Sainte Céronne ? » leur demandai-je. — « Droit devant toi, mon brave. Cette route te mènera tout droit là où tu désires te rendre. » me dirent-il de concert. — Pour les remercier, je leur donnai la nourriture que les Pères m’avaient offerte avant mon départ du monastère. Ils semblaient en avoir plus besoin que moi. — Ces deux inconnus avaient même je ne sais quoi d'aimable et de mystérieux. Après m’avoir renseigné, ils prirent un chemin opposé. Je fus longtemps dans mes pensées tristes, je fis beaucoup de chemin en pleurant et passais volontairement par les endroits les plus difficiles du chemin. J’ajoute à ces peines, la faim, la soif, le froid, la pluie, la grêle, la fatigue et bien d'autres misères qu'il me fallait endurer et offrir à Dieu. Je n'avais plus rien ; il est vrai que j’avais donné les provisions que l’on m’avait remises en sortant du monastère, mais la providence eut soin de moi. Je sais que, quand on abandonne tout par amour, Dieu répand ses dons avec profusion. J'avais confiance. La providence me donnait la main pour affronter l’aprêté de la route et, après m'avoir fait passer par plusieurs épreuves, elle me conduisit, au terme de mes justes désirs, au village de Sainte Céronne. — Le reste, vous le connaissez, je suis arrivé ici tardivement dans la journée, mais il y avait sur la route quelques chapelles et croix de carrefours, où chemin faisant, j’ai prié, prié Dieu de m’accorder la force et le courage d’accomplir sa volonté !
Benoît-Joseph mit fin à son récit avec beaucoup d’humilité. « Je suis arrivé à la tombée du soir et vous m’avez accueilli, comme l’exige la tradition d’hospitalité, chez vous. Vous m’avez écouté avec attention et bienveillance, vous m’avez nourri. Puisse le Seigneur vous bénir et rendre agréable votre séjour sur cette terre, tant dans cette vie que dans l’autre. Que votre vie soit pour vous une abondance de bénédictions, de moissons et de récoltes de ce que vous avez semé pour Dieu. Que sa grâce soit sur votre existence et qu'il se serve de vous pour faire une différence dans cette génération et dans l’autre.» Puis il cita le prophète Jérémie : « Il y a dans mon coeur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os. Je m’efforce de le contenir et je ne le puis. » Un lourd silence pesa un instant dans la grande salle. Émue, les yeux rougis par les larmes, la brave paysanne s’exprima avec bienveillance. — « Je ne sais pas si ça peut vous aider, mon garçon, mais je crois que vous devriez suivre les conseils du Frère portier et d’aller prier sur le tombeau de notre bonne sainte Céronne. Avec son secours, vous trouverez grand réconfort. » — « Il bien tard », dit le paysan, « il est tant d’aller nous coucher. Demain beaucoup d’ouvrages nous attendent, jamais pareil vent n’a soufflé si fort dans nos campagnes ! » — « Vous avez une "bonne tête" jeune Labre, vous passerez la nuit près de la cheminée, cela vous aidera à reprendre des forces. Vous resterez bien ici quelques jours, ma femme a préparé pour vous fort bon matelas avec le foin de la grange. Bonne nuit, mon garçon ! » — « Bonne nuit à vous », répondit Benoît-Joseph, « merci pour votre hospitalité. » Au dehors, le vent et la pluie en rafales redoublent, s’emportent contre la vieille Métairie et tourmentent les vieux murs. Sous les bourrasques déchaînées du vent, des bruits étranges et inquiétants jaillissent de la cour de la ferme, les branches des grands arbres, bousculées avec violence, gémissent. — Ce soir, tout meurt pour renaître demain, pensa Benoît-Joseph ! Après avoir perçu sur le chemin, dans ce pays d’ailleurs, au travers des diverses rencontres, l’enchaînement émouvant et parfois décevant des événements, lentement, sa raison s’ouvre aux prémices de la volonté divine...
Une clarté très douce près du lit se fait peu à peu à l’ombre vacillante des flammes de la cheminée, les bûches brûlent, flamboient, douce chaleur éloignant pour un temps la tristesse de son âme. Cette nuit, la grâce du repos lui tend les bras, sublime récompense, après toutes ces longues journées de marche, de veille et de prières, tant de prières... à contempler la beauté des étoiles sous le regard de Dieu. Le silence, enfin, le juste s’endort… le rêve accroché aux liens de l’espérance, comme une âme égarée dans la douce folie de l’amour de Dieu. __________________________ Le lendemain, la pâle lueur d’une chandelle, pointe à travers les paupières de Benoît-Joseph, chassant l’ombre de la nuit comme un voile qui se lève sur une journée nouvelle à accomplir. D'un geste rapide, il se redresse en lançant un regard paniqué. Il entend des voix et le son de la cloche qui tinte à l’église Sainte Céronne. Des chevaux passent devant la fenêtre raclant le mur de la maison « Hue », « Hue. » — « Sans doute il est tard », s’exclama t-il ! — « Je dois me rendre à l’église. » — « Du calme mon garçon, il est à peine huit heures ; ce que vous entendez, c’est mon mari qui sort les chevaux de labour », répondit la paysanne. — « La tempête s’est calmée cette nuit. Le ciel sera clément, nous aurons beau temps aujourd’hui. » — « Messire Chartrain, notre bon curé est très matinal, et sa porte probablement déjà ouverte, j’ai préparé un panier avec quelques œufs, du lard, du pain et du beurre frais à son intention. » — « Pourriez-vous les lui apporter, mon garçon ? » — « Mais auparavant avant de vous rendre au presbytère, vous mangerez bien quelques tartines accompagnées de fort bon miel et de lait chaud ? » — « Le presbytère se trouve t-il près de l’église, madame » ? lui demanda Benoît-Joseph. — « Non. Il est en contrebas de la colline Romigny sur laquelle est bâtie l’église de notre bonne sainte Céronne. En sortant de la ferme, après avoir franchi le pont, vous le trouverez à un jet de pierre sur votre gauche ; une fois arrivé, entrez sans frapper, notre cher curé est un peu sourd, et à cette heure-ci, vous le trouverez à lire son bréviaire. » — « Bien, je pars de suite, à tout à l’heure, madame. »
— « Eh ! Eh !... mais vous n’avez pas bu votre lait. Vous n’avez rien mangé. » remarque la brave paysanne. S’éloignant d'un pas rapide, Benoît-Joseph est déjà loin, il ne peut déjà plus entendre la brave paysanne. D’un bond, il a franchi le petit pont où l’eau du ruisseau de Romigny clapote. Le souffle léger de la brise matinale lui chatouille les narines, disséminant une délicate odeur de terre mouillée, aux embruns épicés de bois humide. Il marche, court presque à grandes enjambées sur le sable rocailleux qui mène vers la masse imposante du presbytère de Sainte Céronne. Sur le seuil, une affiche apposée où il peut lire cette invitation: « Frères et Sœurs ne frappez pas l’huis, entrez. Qui que vous soyez, vous avez votre place dans la maison du Père ». Dès le seuil franchi, laissant errer son regard, Benoît-Joseph aperçoit le prêtre qui, occupé à sa pieuse lecture, ne prête pas attention à son visiteur. — « Pardon mon Père, je…, je m’excuse », dit Benoît-Joseph en s’approchant timidement du curé. Relevant la tête, le prêtre adresse un large sourire à son jeune visiteur. — « Sois le bienvenu, mon garçon », lui répondit le curé. — « Je vous apporte un plein panier de victuailles que m’a demandé de vous donner votre paroissienne de la ferme du pont. » — « Oh ! la, la… je reconnais bien là la générosité de mes chers Amis, leur bienveillance, leur dévouement à mon égard. Leur foi si grande qu’elle les portent à faire le bien, à être bons pour et les autres, tous les autres. » — « Puisse Dieu les bénir pour leur grande bonté ! », répondit le curé, les larmes aux yeux. Le Prêtre recevait les soins les plus assidus de la Métairie. Ainsi ils lui remettaient la nourriture et la quantité de pain suffisante pour sa subsistance. Chaque jour, il louait Dieu pour leur gentillesse et leur empressement à son égard. — « Mais et toi donc, mon jeune ami ? » — « Quel est ton nom ? Tu ne sembles pas être du village, de quel endroit arrives-tu ? »
— « Je m’appelle Benoît-Joseph Labre, je viens d’Amettes en Artois, au diocèse de Boulogne. Arrivé au village hier soir, je suis pour un temps l’hôte de la ferme du Pont, mon Père. » — « Mais dis-moi Benoît-Joseph, que viens-tu faire ici à Sainte Céronne ? » — « Je suis venu faire un pèlerinage sur le tombeau de sainte Céronne et demander à la sainte sa puissante intercession auprès du Seigneur, afin qu’il m’accorde la grâce de devenir moine à la Trappe. » Après un long échange où Benoît-Joseph révèle au Curé de Sainte Céronne les raisons profondes de sa présence au village, exprimant avec conviction cette espérance qui l’anime d’un désir ardent d’entrer à la Trappe. Sa sincérité angélique, la force spirituelle qui transparaît avec délicatesse dans l’irrésistible appel duquel il ne semble pas vouloir se détourner. Le bon prêtre de Sainte Céronne est ému par ce signe, ce feu et cette promesse de Dieu faite à un petit être acceptant d’accueillir en lui la béatitude d’un cœur qui tremble devant quelque chose, au-delà de son désespoir, comme s'il voyait l'invisible intimité de Dieu. — « Mon cher enfant, si Dieu a mis ce grand désir dans ton cœur, garde-le comme un don inaltérable. Persévère dans la foi en Jésus-Christ avec confiance ! » — « Garde espoir, le Seigneur a certainement de grands desseins pour toi. Prie, prie, ne cesse pas de demander son secours ! » Benoît-Joseph écouta comme un enfant plein de tendresse, les conseils du bon curé avec le plus vif intérêt. — « Mon Père, je suis un grand pécheur : priez pour moi, je vous en conjure ; implorez en ma faveur la divine miséricorde et obtenez-moi la grâce dont j'ai besoin pour me bien confesser et recevoir l'absolution avec les dispositions requises. » — « Bénissez-moi, mon Père, parce que j'ai péché », dit-il en se mettant à genoux afin d'exprimer, par cette humble posture, la confusion qu’il éprouvait et la douleur dont il était pénétré, pour des fautes qu’il énumérait et dont il se sentait coupable. — Ego te absolvo a peccatis tuis, in nomine Patris, et Filii et Spiritus Sancti. Amen. — « Va en Paix, mon enfant, tes péchés te sont remis », dit enfin le prêtre.
— « L’église est ouverte et, avec ma bénédiction, va te recueillir sur la tombe de notre bonne Céronne et demande-lui son intercession ! » — « N’oublie pas de venir me voir avant ton retour chez tes parents, mon enfant, je serai toujours heureux de dialoguer avec toi. » — « La vie ici-bas est parfois plus difficile pour certains d’entre nous. » — « Mais n’oublie pas, n’oublie jamais que la vie de Chrétien doit être à l’image de l’enseignement reçu. Pour cela, il y a trois préceptes » : — « Avant de parler, apprends à écouter » — « Avant de prier, apprends à pardonner » — « Avant de mourir, apprends à aimer ». — « Maintenant, va, mon cher enfant… Je vais prier pour toi. »
— « Au revoir, mon Père, à bientôt », dit Benoît-Joseph, en s’éloignant du presbytère. Son visage était radieux. Ses mains jointes près de son cœur et le regard pointé avec humilité en direction de l’église, Benoît-Joseph gravit une à une les marches conduisant à l’entrée du sanctuaire. Il entra avec sérénité dans l’église afin d'y prier, et trouvant le saint tabernacle, il se mit à l'adorer, les genoux fléchis devant la dalle du tombeau de sainte Céronne. Il s'y oublia de longues heures, jusqu'à quatre heures de l'après-midi, sans songer à prendre la moindre nourriture. Benoît adore en silence les impénétrables desseins de Dieu et attend son heure avec courage. — « Je vous demande, ô mon Dieu, les grâces qui me sont nécessaires. » — « Mon Dieu, vous connaissez ma faiblesse. Je ne puis rien sans le secours de votre grâce. Ne me la refusez pas, ô mon Dieu, proportionnez-la à mes besoins. Donnez-moi assez de force pour éviter tout le mal que vous défendez, pour pratiquer tout le bien que vous attendez de moi, et pour souffrir patiemment toutes les peines qu'il vous plaira de m'envoyer. »
— « Sainte Céronne, priez pour moi. Sainte Céronne, intercédez pour moi, Ainsi soit-il. » Benoît-Joseph sortit de l’église exposée au soleil couchant. Le soir commençait à poindre légèrement à l’horizon et le petit village avait recouvert les murs de ces maisons d’une teinte brune ambrée. Au-dessus, dans son insondable immensité, le ciel s’incline lentement. L’âme en paix, Benoît-Joseph a fait serment sur le tombeau de sainte Céronne, d’enfermer son rêve d’infinie beauté, dans l’amour de Dieu. Et le rêve est là, vivant dans son cœur de feu. A lui seul, il renferme les milliers de larmes, de soupirs et d’indicible mélancolie qu’il portera désormais comme un croix dont il charge sa vie. Il a allumé la chandelle de Dieu qui brûlera éternellement devant lui, chaque instant pour le reste de sa vie. — « Je dois rentrer maintenant et attendre le signe que Dieu m’enverra selon le désir de sa volonté. » Il voulut prendre congé de ses amis de la Ferme du Pont et reprendre la route du retour, mais devant l’insistance de la brave paysanne, il consentit à rester une nuit de plus en leur compagnie. — « Enfin vous voilà raisonnable, il va bientôt faire nuit, et le froid est dense en cette saison, et de plus vous risquez de faire de bien mauvaises rencontres sur cette route. Allons installez-vous, je vais vous servir de la soupe. » — « Mais je n’ai besoin de rien, madame », répondit-il. — « Comment vous n’avez rien mangé de la journée ! Il vous faut des forces pour rentrer chez vous. Ecoutez-moi, petit moine, et asseyez-vous au nom de la charité chrétienne et de la divine obéissance. » — « Si c’est au nom de la charité », dit Benoît-Joseph, « j’y consens ». — « Je partirai tôt demain matin, madame, le chemin du retour est long ; il va me falloir plusieurs jour de marche et j’espère être rentré avant la nuit de Noël à Amettes. » — « Bien, mon enfant, vous voilà enfin raisonnable ; mon mari sera bientôt de retour des champs et nous pourrons faire les lectures du soir en votre compagnie. » La soirée fut courte et chaleureuse. Comme la veille, Benoît-Joseph fit la lecture du Saint du Jour et apporta comme à son habitude son commentaire éclairé.
— « 30 novembre, fête de saint André, Apôtre et Martyr », dit-il avec déférence. — André est né à Bethsaïde, en Galilée, sur les bords du lac de Tibériade. Recherchant Dieu, André devint disciple de Jean le Baptiste. Il était présent au moment du baptême du Sauveur et au moment même où Jean le désigna du doigt en lui disant : « Voici l’agneau de Dieu, celui qui efface le péché du monde. Désormais tu devras te mettre à son service ». Dès lors, André a suivi Jésus avec un autre de ses condisciples. Puis il présenta son frère aîné, Simon, pêcheur de son métier, à Jésus sur le lac de Tibériade. C’est là que le Christ les invita à le suivre et qu’il voulut en faire des pécheurs d’hommes… — La lecture se poursuivit jusque tard dans la nuit devant le petit auditoire, attentif à la sainte lecture que leur lisait Benoît-Joseph. — « A la saint André, que le laboureur cesse de semer, car la nuit l’emporte sur le jour qui luit ». s’acclama en cœur le petit auditoire ! — « André fut le premier appelé et en sa mémoire dans nos campagnes. Comme vous devez le savoir, Benoît-Joseph, cette journée est chômée et demain matin nous serons tous réunis pour votre départ. Allons nous coucher maintenant, il se fait tard », dit le maître de maison. — « Bonne nuit, Benoît-Joseph », dirent-t-ils avant de prendre congé de leur hôte au cœur généreux. Restant seul, Benoît-Joseph, devant la cheminée, remercia Dieu d’avoir envoyé sur le devant de sa route une famille aux soins si attentifs à son égard. Il pria longtemps, très longtemps pour ses nouveaux amis. — « Cette rencontre, Ô Seigneur, c’est vous qui l’avez voulue, j’y consens, puisque c’est votre volonté et puisque vous ne n’avez pas permis que je devienne moine bien que cela me cause si grande blessure dans mon âme. Au moins accordez-moi de porter votre saint sacrifice toute ma vie et que je puisse un jour en mourir. Ô Seigneur qui êtes, un jour, descendu dans le cœur des Apôtres, descendez dans mon cœur. Ainsi soit-il. » _____________________________________ Le matin arriva très vite et la nuit fut courte. Toute la Métairie était présente sur le perron pour le départ de Benoît-Joseph. Il embrassa chacun d’entre eux avec une infinie tendresse.
— « Venez-nous voir, mon cher enfant. Si vous veniez à passer de nouveau en notre contrée, vous seriez toujours le bienvenu à la Ferme du Pont. » — « Merci pour tout », dit Benoît-Joseph, « Que Dieu vous garde, qu’il vous protège et vous bénisse ». La brave fermière, le voyant s’éloigner jusqu’à n’être plus qu’une ombre au loin sur la route, s’adressa à son mari et lui demanda : — « Penses-tu, mon cher époux, que nous le reverrons un jour ? » — « Je pense qu'il essaiera à nouveau bientôt », répondit le brave paysan. « Cet enfant est de ceux qui vivent leur journée de vie par jour sans jamais savoir à l’avance ce que demain leur réserve, demain pour eux est dans les mains de Dieu. » — « Qu’il en soit ainsi », conclut le sage paysan.
FIN Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va: ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit." Évangile de Jean chapitre 3 V. 8
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Le mont Romigny L’église Sainte Céronne
L’Église de Sainte Céronne fut bâtie sur le mont Romigny, à l’emplacement même de l’oratoire, où fut inhumée sainte Céronne. Ayant été conçue pour servir de châsse au tombeau de la sainte, elle n’est pas « orientée », ce qui lui valut l’épithète irrévérencieuse de « Sainte Céronne la mal tournée ». Son orientation Nord-Sud qui la différencie des autres édifices paroissiaux le plus souvent disposés selon l’axe Est-Ouest. L’ensemble architectural a dès lors traversé les siècles comme un vivant témoignage de la ferveur religieuse des générations d’hier. Le diocèse a choisi de nommer la paroisse tout entière « Sainte Céronne au Perche» et des messes sont régulièrement célébrées à l’Église de Sainte Céronne, emblème vivant de notre paroisse. Elle est d’une structure très simple, construite sur le plan d'une basilique romaine: une nef unique terminée en abside ronde, comme le sont, dans le Perche, toutes les églises de la période romane, éclairée de fenêtres qui ne sont déjà plus les étroites meurtrières du siècle précédent. La muraille, où l’on retrouve au midi l’appareil de fougères, est surmontée d’une corniche à tore simple, épaulée de contreforts plus puissants qui ont été rajoutés au côté Nord pour assurer la solidité de l’église gravement compromise par le glissement des terres ,entraînées peu à peu dans le ravin profond creusé à quelques mètres de la muraille. A l’origine, l’abside était éclairée par cinq fenêtres très caractéristiques, ourlées d’un tore que supportent des colonnes à demi engagées dans la muraille. Deux de ces fenêtres ont été murées et les trois autres dissimulées lors de la construction du retable de pierre qui surmonte le maître autel, puis de la sacristie aménagée à l’arrière du retable. La haute tour, étayée de contreforts romans sans ressauts, se termine par un toit en bâtière, percé de fenêtres-lucarnes ajoutées à la Renaissance; sur l’une d’entre elles se trouvent de curieux petits personnages. Cette tour reste la partie la plus intéressante du monument. Le portail extérieur construit en grison et celui qui donne immédiatement entrée à l’église, sont décorés d’archivoltes originales avec rudentures, billettes et tous les motifs d’ornementation du XIIème siècle. L’église est classée Monument Historique par arrêté du 18 juillet 1975.
L’église et son charme. La tour et son cimetière.
L’église depuis le portail. Une vue de l’église prise depuis la Ferme du Pont.
Le toit en batière oÚ se dressent de curieux petits personnages. Le coq du clocher.
Le Portail de l’église. La Croix à l’arrière du toit.
Vues de l’Abside.
Chapiteaux à entrelacs, porte d’entrée intérieure de l’église (XIIe siècle)
Intérieur de l’église de Sainte Céronne. Détail de la statue de Saint Benoît-Joseph Labre.
A savoir que lors de sa première visite à Sainte Céronne en 1767, Benoît-Joseph Labre n’avait pas encore ce vêtement en 1767, lors de son premier passage.
La Statue du Saint Vagabond de Dieu qui commémore sa venue à Sainte Céronne en 1767 et 1769.
Sainte Céronne détail de l’autel. Détail de la statue.
Statue de Sainte Céronne Sacristie de l’église
Sainte CÊronne les Mortagne La Ferme du Pont Le Presbytère
L’ancien Presbytère de Sainte Céronne, aujourd’hui transformé en Mairie. Le Presbytère au siècle dernier.
L’ancien Presbytère de Sainte Céronne, c’est ici que l’Abbé Christophe CHARTRAIN reçut le jeune pèlerin saint Benoît-Joseph Labre.
De nos jours, la MĂŠtairie est devenue une habitation privĂŠe.
La Ferme du Pont où logea Benoît-Joseph Labre
L’entrée du village: c’est par cette route que l‘incomparable pèlerin des temps modernes, Saint Benoît Joseph Labre venant du monastère Notre Dame de la Trappe, arriva pour la première fois, un soir de novembre 1767. Il frappa à la porte d’une métairie, voisine de l’église et demanda humblement l’hospitalité. Le lendemain, il passa de longues heures en prière devant le tombeau de Sainte Céronne. La ferme, qui eut l’honneur d’abriter l’admirable pèlerin, existe toujours, et le souvenir de sa piété et de certains faits tenant du prodige, opérés sur son passage dans le village et dans cette ferme, se perpétue encore après un siècle écoulé. (La Ferme du Pont)
Benoît-Joseph Labre était dévot à Sainte Céronne, il vint par deux fois prier sur le tombeau de la sainte (1767 et 1769).
Vue de l’église depuis le Ferme du Pont. L’entrée du village et la Métairie.
Les maisons d’habitation du village et la route qui conduit à la Ferme du Pont. A droite, l’entrée de l’ancien Presbytère aujourd’hui transformé en Mairie.
La route et au loin Ă gauche la Ferme du Pont. Le Grand Calvaire de sainte CĂŠronne.
Le vieux lavoir. La statue de sainte CĂŠronne au pied du Calvaire.
Cette Fontaine en face du hameau de Saint-Marcel, que l’on aperçoit à gauche sur la route du bourg à Poix, se nomme «La Fontaine de la Bonne Sainte Céronne». Céronne y puisait l’eau jadis, elle est réputée pour guérir les fièvres.
La Fontaine de la Bonne Sainte CĂŠronne.
La statue de la Bonne Sainte Céronne. En dessous l’eau miraculeuse qui guérit les fièvres.
De gauche à droite, Didier NOËL les Amis de Saint Benoît Labre, Madame Raymonde LIZOT, maire de Sainte Céronne, et Madame Françoise CHANTEPIE.
DĂŠtails de la Fontaine de la Bonne Sainte CĂŠronne.
Cette Fontaine, en contrebas de la colline nommée «Fontaine de l’Orion», était fréquentée jadis par sainte Céronne. Elle est réputée pour guérir les maladies des yeux. A sa restauration, en 1982, une statue de la sainte, inspirée de celle de l’église, y fut déposée et bénite le 18 juillet par le curé de Corneilhan. .
De gauche à droite, Madame Raymonde LIZOT, maire de Sainte Céronne, Madame Françoise CHANTEPIE, et Didier NOËL les Amis de Saint Benoît Labre. La Fontaine de l’Orion.
Vue de la statue et détail de la Fontaine de l’Orion.
C’est ici à six kilomètres environ de Mortagne, entre le mont Cacune et le mont Romigny, au bord de l’ Hoësne, que Céronne choisit de s’arrêter. Elle fonda une communauté, bâtit une petite chapelle, dédiée à Saint-Marcel qu’elle vénérait, et fit également construire un petit oratoire non loin de sa modeste demeure.
Mont Cacune
A l’emplacement même du bourg de Sainte Céronne les Mortagne, quatre ou cinq siècles avant l’arrivée de la bonne sainte, existait déjà la ville de Mont Cacune, appelée à l’époque « Mons Cacuna ». D’après les chroniqueurs du Perche, cette ville avait été fondée par les Gaulois; mais les Romains l’occupèrent ensuite jusqu’à environ l’an 270 de notre ère. Ils y apportèrent leur civilisation dont on retrouve encore des vestiges : briques, tuiles, poteries, pièces de monnaie diverses à l’effigie de plusieurs empereurs. Peu après 270, Mont Cacune fut semble-t-il détruite par les Saxons. C’est sur les ruines de cette ville que Céronne choisit, deux siècles plus tard, de s’arrêter et de fonder une communauté de vierges, premier monastère chrétien de nos contrées.
Madame Raymonde LIZOT, maire de Sainte Céronne, et Madame Françoise CHANTEPIE à l’entrée de la Chapelle Saint Marcel.
La cloche et l’intÊrieur de la chapelle Saint Marcel.
Liste des prêtres qui se sont succédés à Sainte Céronne En 1251, Nicolas de Ceton, seigneur de Sainte Céronne donna le droit de patronage sur l’église à Geoffroy évêque de Sèez et à ses successeurs. Le curé relevait donc directement de l’évêque de Sèez. Il percevait le quart des grosses dîmes et le reste se partageait entre l’évêque, l’abbaye de la Trappe et le chapelain de Poix. En 1790, le revenu de la cure fut estimé à 3000 livres. Nous venons de faire allusion au chapelain de Poix. Il y avait en effet à Sainte Céronne une chapelle ou prieuré de Saint Jean de Poix. Le chapelain était à la présentation du seigneur temporel. La liste des chapelains de 1540 à la Révolution.(2) Avant 1520 : Jean BARRÉ 3 février 1520 : Nicolas GERARD ? : Pierre PELLEQUOIS 27 mars 1546 : Guillaume du MOULINET ( de la famille de Louis du MOULINET évêque de Sèez de 1564 à 1601 ) 16 juin 1582 : Claude de MORENNE ( appartenait au clergé de Paris-Homonyme et parent de l’évêque de Sèez 1601-1606 ) 28 juillet 1592 : François LE MOINE ? : Etienne AUBIN 20 novembre 1609 : René BEZARD 18 décembre 1626 : Jean COLLET ? : Antoine LANGLIN 31 mars 1635 : Nicolas VALOBRY 1 septembre 1651 : Louis LEVIGNEUR 16 mars 1695 : Michel ROGER 7 octobre 1695 : Michel BARBIER ? : Nicolas LOYER 30 septembre 1697 : Jacques FONTAINE 7 février 1701 : Robert LEGRAIN 5 mars 1701 : Claude MAILLARD 22 mars 1703 : Pierre de SARTHE 26 janvier 1731 : Jérôme MAHAUT 27 juin 1731 : Robert POTTIER 8 mars 1734 : Christophe CHARTRAIN (Prêtre qui reçut Saint Benoît-Joseph Labre) 3 juillet 1776 : Jean-Jacques THIBOUST DE LA FRESNAYE 1791 : Jean-Joseph FRETE 1795 : Pierre MASNIER 1802 : Guillaume LAFONTAINE ? : Robert FRANCOIS 1805 : Nicolas LE PORTIER
1807 : LIZOT 1 octobre 1808 : Pierre Jean LANGLOIS 9 septembre 1813 : HOYAU 14 août 1822 : GOUPIL 1 août 1824 : LEMESNAGER 1852 : GAUGAIN 10 juin 1864 : Julien LOUISFERT juin 1872 : Eugène LANOË 20 octobre 1882 : Louis LEVEAU 1 octobre 1885 : Victor Alexis BARRE 21 août 1887 : Louis Dominique BOUDON 11 janvier 1895 : Philibert Marie SICOT 14 juillet 1911 : HAYOT 9 janvier 1920 : CHARDON jusqu’en 1925 Avant d’être curé de Sainte Céronne, M. Thiboust de la Fresnaye y avait exercé les fonctions de vicaire. Quant vint la Révolution, il se montre résolument opposé à la prestation du serment constitutionnel. Dans ses « Souvenirs » l’abbé Marre vicaire de Sainte Croix de Mortagne rapporte ce fait typique. Obligé de fuir Mortagne où leur vie était menacée, l’abbé Marre et son confrère l’abbé Blanche erraient à travers la campagne et cherchaient un asile, quand ils aperçurent le clocher de Sainte Céronne, et l’abbé Marre écrit : « Le curé était des nôtres ; nous le connaissions parfaitement, c’était le curé le plus intrépide de tous les environs. Quand nous entrâmes dans sa cour, il était dans son presbytère à réfléchir sur notre fin tragique, car il croyait que nous avions été assassinés ; ce bruit s’était répandu dans toute la contrée. Dès qu’il nous aperçut, il vint à notre rencontre: - Juste ciel !… comment ! c’est bien vous ! - Du pain, du pain, mon cher curé, nous n’avons ni mangé ni bu depuis hier soir ; nous mourons de faim. Il s’empressa de nous faire servir quelques aliments. Nous étions en train de prendre notre repas, lorsque deux curés du voisinage de Sainte Céronne entrèrent dans la salle du presbytères. A notre vue, ils restent interdits et s’écrient : - Comment, mes bons amis, vous n’êtes pas morts ? Toute la ville vous croit tués. Nous en venons et c’est sur le bruit de votre mort que nous y sommes allés. - Pour quoi faire, dit le curé de Sainte Céronne ? - Dame ! nous avons eu peur. Nous venons de prêter serment au district. - Vous êtes des lâches ! Telle fut la brusque réponse du curé qui n’y allait pas de main morte. Inutile de dire après cela que M. Thiboust de la Fresnaye ne prêta pas le serment constitutionnel ; mais il ne put se maintenir à Sainte Céronne. Il s’exila en Angleterre et y mourut vers l’année 1797. M. Charles Thorel est également porté sur la liste officielle des prêtres exilés. Après le départ de M. Thiboust de la Fresnaye, la cure de Sainte Céronne fut occupée par un nommé Fretté, prêtre ordonné par Le Fessier et qui n’avait d’ecclésiastique que le nom. Ne s’embarrassant pas plus de la religion que si elle eût été une simple formalité, il mangeait de la viande à l’auberge pendant la Semaine Sainte et était grand amateur de la bouteille. Commissaire du pouvoir exécutif, il fit arrêter plusieurs personnes.
Quand fut signé le Concordat, Fretté tenta cependant de rester à Sainte Céronne; il envoya une rétractation pateline à l’évêque de Séez et se fit réclamer par quelques-uns de ses affidés ; mais la majorité de la population, qui en avait assez d’un pareil individu, envoya une lettre de protestation à l’évêque de Séez. La voici : « Un jeune prêtre constitutionnel, enfant de la Révolution, habite depuis dix ans notre commune. Il n’y a exercé ses fonctions sacerdotales que momentanément, c’est-à-dire en les abdiquant et les reprenant suivant les circonstances, ayant été tour à tour agent de la commune et secrétaire de l’administration ; il n’a jamais eu la confiance publique ; il ne la méritait pas, par des motifs que la charité exige de tenir secrets ; et s’il en a paru investi parfois, il ne la due qu’à la terreur. D’après cet exposé, vous vous persuaderez sans peine qu’il ne doit qu’à sa ruse la faveur d’une pétition qu’il a extorquée. Mais, au nom de Dieu, au nom de la religion que vous protégez et du bien public, nous vous supplions de jeter un regard de compassion sur notre infortunée paroisse, en rejetant une pétition qui n’est que le fruit de l’intrigue, en nous accordant un pasteur capable de nous maintenir dans les principes de la religion que nous n’avons cessé de professer dans le silence et malgré la persécution. » La cause était jugée. Fretté ne fut point maintenu à Sainte Céronne.
(2) Source: madame Françoise Chantepie
Histoire de Sainte Céronne
C’est dans une famille adonnée au culte des idoles païennes que Céronne (3) vit le jour au 5ème siècle à Corneilhan, près de Béziers, dans la province narbonnaise. Elle était la fille d’Olympius et de Sarrabia. La légende dit que son père Olympius était gouverneur de la ville ; comme son épouse Sarrabia, il demeurait attaché au culte des idoles. Seuls leurs enfants, Céronne et Sophronius (ou Suffranius, voire Vulfrain) restaient fidèles au Christianisme. Un jour avec son frère Sophronius, elle reçut le message du Christ comme un appel à la sainteté et ils quittèrent tous deux la maison familiale, bravant mille dangers, en traversant le midi de la Gaule pour se rendre jusqu’à Bordeaux, où l’évêque Amand les instruisit et les baptisa. Ayant pris, l’un, l’habit sacerdotal et l’autre le voile des vierges, ils se séparèrent alors, Sophronius partant pour Rome et Céronne pour le nord-ouest de la Gaule. Empruntant les voies romaines, elle parvint jusque dans le Perche. Entre le mont Cacune et le mont Romigny, au bord de l’Hoësne, Céronne choisit de s’arrêter ; elle fonda une communauté avec l’accord de l’évêque Hile, bâtit une petite chapelle dédiée à saint Marcel qu’elle vénérait et fit construire un oratoire sur le mont Romigny, non loin de sa modeste demeure. Elle puisait l’eau nécessaire à sa subsistance à deux sources qui existent encore, l’une, face au hameau Saint Marcel, nommée « Fontaine de la Bonne Sainte Céronne » et l’autre, en contrebas de la colline, nommée « Fontaine de l’Orion. » Sainte Céronne unissait la vie apostolique à la vie contemplative et faisait tous ses efforts pour attirer au Christianisme les païens de cette contrée. Elle passait une partie de son temps à les instruire des vérités de la foi, et l’autre à demander à Dieu leur conversion. Elle y travailla avec tant de zèle que ses instructions, ses miracles et surtout ses admirables exemples de piété, de patience et de détachement des biens terrestres, amenèrent la conversion
de presque tous les idolâtres de cette contrée, qui commencèrent à la vénérer comme leur bienfaitrice et leur mère. Comme le bruit de ses vertus et de ses miracles était répandu dans toutes les contrées environnantes, plusieurs personnes venaient la visiter, les unes pour se recommander à . ses prières, les autres pour être consolées par ses douces paroles, ou s’exciter à un plus grand amour de Dieu par la vue de sa charité. Sainte Céronne les recevait avec bonté, prodiguant les encouragements aux pécheurs et les consolations aux malheureux. Ces occupations extérieures ne diminuaient point son recueillement, parce qu’elle ne perdait jamais de vue Jésus Christ. Toujours attentive à lui plaire, elle persévérait dans le jeûne, dans la prière et dans la méditation des saintes écritures. Elle vécut ainsi jusqu’à un âge très avancé et s’efforça continuellement de donner à ses soeurs l’exemple de toutes les vertus. Sur la fin de sa vie, elle fut atteinte d’une maladie des yeux qui finit par lui faire perdre complètement la vue. Mais, comme elle était parfaitement résignée à la volonté de Dieu et qu’elle n’avait d’autre désir que de voir bientôt son Sauveur dans la céleste Jérusalem, elle ne regretta point cet accident qui eût été pour tant d’autres un sujet d’affliction. Elle continua même d’aller tous les jours à ses deux oratoires de Saint Marcel et du mont Romigny, éloigné du premier d’environ deux cents pas. Afin de rendre le trajet plus facile, elle fit tendre de l’un à l’autre un fil de fer qui servait à guider ses pas chancelants. On rapporte que des enfants ou des bergers rompirent plusieurs fois par malice ce fil conducteur, qui toujours se trouva miraculeusement renoué. Enfin arriva le moment heureux, où Jésus Christ daigna appeler à lui cette vierge bénie. Son âme, pleine de joie, prenant alors son essor sur les ailes de la charité, s’envola dans le séjour des bienheureux pour y recevoir la récompense réservée à ceux qui ont sur la terre suivi l’Agneau sans tache dans la voie de la virginité. Sa mort précieuse arriva le 15 novembre 490. Le corps de cette sainte vierge, enseveli par les mains de ses pieuses filles, fut inhumé avec beaucoup de respect dans l’oratoire de Saint Marcel. Il s’opéra bientôt au tombeau de sainte Céronne plusieurs guérisons miraculeuses, qui révélèrent aux fidèles la gloire dont jouissait au ciel cette humble vierge qui n’avait marqué son passage sur la terre que par ses bonnes oeuvres. Le bruit s’en étant répandu an loin, il se fit de nombreux pèlerinages à son tombeau. On y venait de toutes parts pour demander à Dieu, par l’intercession de cette sainte bienaimée, la guérison des maux du corps et de l’âme, et Dieu se plaisait à combler les voeux de ses serviteurs en glorifiant sainte Céronne. Cependant les habitants des villages voisins, voyant la grande vénération que l’on avait pour cette sainte vierge, craignirent que son corps ne leur fût enlevé, comme il n’arrivait que trop souvent pour les reliques des Saints. Ils exhumèrent le corps de la sainte, et le transportèrent au milieu des psaumes et des cantiques de joie dans l’oratoire du mont Romigny, autour duquel s’était déjà formé un village assez considérable. Notre Seigneur continua d’y manifester la gloire de la sainte par de nombreux miracles, opérés surtout en faveur des personnes malades de la fièvre que l’on y amenait de tous côtés. Alors commença cette dévotion si populaire que tant de siècles n’ont pu affaiblir, et qui persévère encore aujourd’hui, grâce aux nombreuses guérisons que sainte Céronne a obtenues dans tous les temps à ceux qui ont eu recours à sa puissante protection. C’est en 910 qu’Adelin, évêque de Séez, a découvert le corps de la sainte dans les ruines de l’oratoire du mont Romigny à l’emplacement actuel de l’église. Il éleva le corps dans une châsse et fit bâtir, pour l’abriter, l’église Sainte Céronne.
Céronne apparaît dans les calendriers liturgiques du diocèse de Séez au XVe siècle. C’est au XIXe siècle que l’assise littéraire du culte de la sainte locale fut élaborée, favorisée vraisemblablement par la proximité des religieux de Notre Dame de la Trappe. Elle aurait de tout temps favorisé la guérison des fiévreux par de nombreux miracles. Les nombreux pèlerins buvaient l’eau de la « Fontaine de la bonne sainte Céronne». Ainsi au siècle dernier, aux fêtes de la sainte, le 15 novembre et le troisième dimanche de juillet, qui marquait le souvenir de sa translation, les reliques de sainte Céronne étaient portées en procession. En 1767 et 1769, elle reçut la visite du Saint Vagabond de dieu, Benoît-Joseph Labre, il pria longuement sur son tombeau avant de reprendre la route.
(3) Extrait de la vie des saints du diocèse de Séez. Par l’Abbé Blin.
En plus d’être l’Ami, le confident, l’auteur et le webmestre du site Internet « les Amis de Saint Benoît Labre », le Père Raymond Martel est Prêtre au diocèse d’Amos au Canada, Québec. Voici, à la demande de certains d’entre vous, quelques données biographiques qui vous permettront de mieux connaître cet ami de saint Benoît Labre. Le Père Raymond Martel est originaire de Laurierville (Québec, Canada). Il est né le 19 septembre 1951 et a été baptisé le lendemain. Après avoir fait ses études primaires à Laurierville, une partie de ses études secondaires ont été faites à Laurierville et l’autre, à Plessisville. Le reste de ses études collégiales furent faites au C.É.G.E.P. de Victoriaville. Les études universitaires, tant au baccalauréat qu'à la maîtrise, ont été faites à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval (Québec). Pendant 13 ans (1969-1982), il a été membre de l'Institut séculier Pie X. En 1982, il est arrivé au diocèse d'Amos (Abitibi), au sein d'une petite équipe, L'Oeuvre évangélique Benoît-Labre, alors composée d'un prêtre et de trois laïcs. Après un stage pastoral de deux ans dans la paroisse du Christ-Roi d'Amos, il a reçu l'ordination presbytérale des mains de Mgr Gérard Drainville, en la cathédrale Sainte-Thérèse d'Amos, le 21 mai 1989. Curé depuis le 2 septembre 1999, de la paroisse Saint-Paul de Senneterre, il fut aussi pasteur des paroisses Saint-Jacques-le-Majeur de Barraute Notre-Dame-des-Coteaux et Lebel-sur-Quévillon à partir du 30 avril 2001. Il quittera la paroisse Saint-Paul de Senneterre après sa dernière messe dominicale le 22 août 2009 et sera nommé curé pour les paroisses Sainte-Thérèse d’Avila, du ChristRoi d’Amos, de Saint-Maurice, de Saint-Marc, de Saint-Benoît de La Corne, de Saint-Barnabé de Landrienne et du Sacré-Coeur de Matagami, en plus d’avoir à sa charge la mission Sainte-Catherine de Pikogan et d’agir comme vicaire général du diocèse d’Amos. Pour des raisons impérieuses de santé, il quitte sa charge et réside aujourd’hui à l’évêché d’Amos où il occupe d’autres fonctions sacerdotales. http://www.amis-benoit-labre.net http://www.ville.amos.qc.ca/ http://www.diocese-amos.org/ http://christroi.faithweb.com/ Grâce à ces liens ci-dessus, vous pouvez situer cette région du Canada ou vit le Père Raymond Martel.
Chers Amis à Bientôt, sur les chemins de traverse avec Saint Benoît-Joseph Labre.