Mes Chemins de Traverse
Frère Alexis,fl
Chers Amis,
Dans ce nouveau numéro, vous trouverez le récit des pérégrinations inédites de cet homme de Dieu insaisissable pour beaucoup et pourtant, il permet de réfléchir au sens spirituel de la vie, en nous invitant au partage avec les plus humbles.
Le monde dans sa voracité consumériste est une offense à Dieu et à la création...
SOEST 32 La chapelle française de Soest
Une représentation de saint BenoîtJoseph Labre dans la chapelle catholique de l’Oflag (VI-A) à Soest en Westphalie, créée et décorée par des officiers français emprisonnés pendant les années 19401945.
Une ruine nommée «Ta lampa»
La dame riche
Le pèlerinage maltais de Benoît-Joseph Labre
La pauvre veuve et la «Minestra»
La prédiction au notaire Spiteri
IR - RABAT
Chapelle San Benedittu Guzeppi Labre Hommage à Monique Mauviard
LE CHEMIN PERDU
200 Ces lieux de mémoire qui disparaissent
Le temps n’a pas encore totalement effacé de la pierre cette belle énergie qui se dégage encore de ces lieux chargés d’H istoire !
Ces ruines d’anciennes églises chrétiennes ou de fermes vandalisées et abandonnées sont les témoins silencieux d’une époque révolue, liées à la vie itinérante en Italie de saint Benoît-Joseph Labre,
La
AVANT-PROPOS SUR LA ROUTE DE SOEST
Chers Amis!
L’actualité brûlante avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie constitue une crise humanitaire majeure qui affecte des millions de personnes, et un grave choc économique à l’ensemble de l’économie mondiale. Après la pandémie
de la Covid 19, cette crise est venue bouleverser les populations les plus fragiles et beaucoup tentent de gérer au mieux leur quotidien totalement bouleversé. C’est avec ce contexte un peu difficile que j’ai pris énormément de retard pour la rédaction de
Avant-propos
ce nouveau numéro de cette revue. Cette publication aurait dû vous arriver il y a déjà plusieurs mois, mais comme beaucoup, chers Amis, j’ai ralenti cette nouvelle enquête sur les pas de saint Benoît-Joseph Labre d’abord à cause des confinements successifs et de ma difficulté à recueillir les réponses des archives et des historiens. De plus, ayant été malade de la Covid, j’ai eu beaucoup de difficulté à m’en remettre. Je viens de m’apercevoir à l’heure où j’écris ces quelques lignes à votre intention, qu’il m’aura fallu quatre longues années de recherches pour clôturer ce nouveau numéro de la revue « Chemins de Traverse n°16 ».
Depuis ma maladie, j’ai décidé de ralentir un peu mes activités de frère labrien, l’année 2023, sera une année sabbatique où je m’efforcerais de prendre le temps du repos, le temps du répit, d’interrompre le quotidien absorbant de mon existence. C’est aussi le seul moment
qui nous est donné pour apprendre à ralentir, pour penser et agir autrement. Un temps béni pour prendre le temps de se ressourcer physiquement, mais aussi spirituellement. Les vacances permettent de favoriser la qualité plus que la quantité et elles nous aident à nous repositionner, à réfléchir…
Dans une société où bouger nous rassure parce qu’on survalorise le « faire toujours plus et l’efficacité », nous en oublions parfois le sens de nos actes et de ce que l’on fait. C’est quand le temps s’arrête que tout commence mes chers Amis. Prendre du temps nous ouvre à quelque chose que l’on ne contrôle pas. Notre esprit est en liberté. Ces moments nous font beaucoup de bien et sont des foyers de créativité. Le temps suspendu devient une source de bien-être, d’un bouillonnement d’idées et de projets.
Hôtel Pilgrimhaus (La maison du Pèlerin) Soest.
Le Pilgrimhaus est un hôtel-restaurant traditionnel de la ville de Soest, en Rhénanie du NordWestphalie. Il a été fondé en 1304 et utilisé principalement par les pèlerins de saint Jacques de compostelle. Il est situé sur la Jakobistraße 75, 59494 Soest, Allemagne
Avant-propos
OFLAG VI A
Französische Kapelle
SOEST
Avant-propos
La ville de Soest en Rhénanie-duNord-Westphalie était tout cela. Ce fut un voyage merveilleux, faite de ces petits riens que l’on ne prend jamais en compte… J’y ai pris du temps pour moi, souffler, se retrouver, s’écouter, un temps bénéfique de « remise en route ». Cette visite en Allemagne fut un laboratoire d’où naitraient dans le cours des années à venir, de nouvelles idées et de nouvelles initiatives. L’un des moments marquants de la rencontre fut la Frau Barbara Köster, Présidente de l’association de sauvegarde de la chapelle française de
Soest (Geschichtswerkstatt Französische Kapelle) et de Frau Edith Engelbach que je remercie pour sa gentillesse lors de nos échanges dans la caserne Ben Adam. La « Französische Kapelle » n’est pas une chapelle dans le sens usuel, mais une pièce sous le toit d’une caserne. Cette pièce a été créée pendant la deuxième guerre mondiale par des officiers français qui étaient ici des prisonniers de guerre. Parmi les prisonniers deux architectes, Guillaume Gillet et René Coulon, ont transformé artistiquement cette pièce. La chapelle française a été classée monument historique en 1992.
Je vous raconterai aussi l’histoire d’un certain Lieutenant Paul Gabriel Dochier, originaire de la Drôme (Bourg-de-l’Éage), Docteur en Médecine, Trappiste et prisonnier volontaire dans l’oflag VI A, libéré des obligations militaires le 7 décembre 1941, Paul Dochier entre alors complètement dans la vie monastique à Aiguebelle ; après une première prise d’habit de moine choriste, il obtient de réaliser son souhait d’humilité et prend le 3 décembre 1942 l’habit comme frère convers, ce qu’il souhaitera rester toute sa vie, (choisissant de le rester même après les évolutions post-Vatican II). En 1943 il se porte volontaire pour aller remplacer un médecin père de famille nombreuse dans un camp de prisonniers en Allemagne. Il part le 26 avril 1943 pour l’Oflag VI A, à Soest, où son beau-frère, Charles Laurent, est également prisonnier. Au cours de cette captivité, il soignera particulièrement des prisonniers russes allant jusqu’à partager avec eux une quarantaine pendant une épidémie de typhus dont il sera luimême atteint. Le 5 juillet 1945, libéré, il rentre en France et, après un mois dans sa famille, retourne à l’abbaye
par ailleurs admirablement interprété par Michael Lonsdale, dans le film de Xavier Beauvois, « Des Hommes et des Dieux ».
ASoest durant l’année 1939, cette caserne est déclarée camp de prisonniers de guerre du Stalag VI E pour soldats polonais, puis elle va prendre ensuite l’appellation d’Oflag VI A pour officiers. En 1940, il arrive environ 1300 officiers français, Parmi eux se trouvent 32 prêtres catholiques. Sur leur demande, une mansarde leur est attribuée pour pouvoir déposer le Saint-Sacrement. En 1945, la libération des prisonniers de guerre (alors au nombre de 5.000) par les alliés. La caserne prend le nom de Camp Vantelot. Evacuation du camp et prise en charge par l’armée belge. La caserne prend le nom de « Colonel BEM Adam », ancien résistant belge. En 1994, l’armée belge quitte les lieux. Depuis, l’ensemble des bâtiments est classé monument historique. En septembre 1940, deux artistes, prisonniers, décorent la mansarde de peintures impressionnantes. Un prêtre (le lieutenant André Bonduelle) donne l’idée de l’iconographie. Et le 25 décembre 1940, la chapelle est consacrée en l’honneur de Sainte Marie et de Saint Pierre-aux-liens. Dans l’iconographie, nous y remarquons une peinture représentant saint Benoît-Joseph Labre.
d’Aiguebelle. Après avoir prononcé ses vœux temporaires le 15 août 1946, il est envoyé à Notre Dame de l’Atlas, « fille » d’Aiguebelle. Il arrive en Algérie le 28 août 1946, jour de la Saint Augustin. Ce Lieutenant Paul Dochier était en réalité le frère Luc, l’un des moines assassinés le 23 mai 1996 avec 6 de ses frères moines. Il est
C’est l’histoire de ce camp que je vous raconterai dans ce nouveau numéro de « Mes Chemins de Traverse avec saint Benoît Joseph Labre » Une nouvelle anecdote historique du charisme du saint Vagabond d’Amettes chers Amis.
Dans l’iconographie, nous y remarquons une représentation de saint Benoît-Joseph Labre.
Avant-propos
J’évoquerai aussi le voyage accompli par saint BenoîtJoseph Labre le long de la mer Adriatique en 1771. Avec ce récit « le chemin de la mer » vous allez découvrir les vicissitudes de sa vie de pèlerinage l’année 1771 fut l’année du choix et de l’orientation définitive de sa recherche et de sa vocation. Dans ce récit, je vous ferai découvrir un tableau de saint Benoît-Joseph Labre du peintre Tedeschi Pietro, œuvre du domaine public de la ville d’Ascoli Piceno, une ville italienne, dans la région des Marches en Italie. Saint Benoît-Joseph Labre venait de Folignano près de Bari lorsqu’il traversa la « ville aux cents Tours » (surnom d’Ascoli Piceno). Cette ville est aussi célèbre par la personnalité très particulière d’un ecclésiastique italien, évêque de Montalto, vicegérant du diocèse de Rome et fondateur des Pieuses Ouvrières de l’Immaculée Conception.
Il s’agit de Don Francesco Antonio Marcucci (1717-1798) reconnu
vénérable par le Pape Benoît XVI, le 27 mars 2010. L’archevêque Marcucci a joué un rôle décisif dans la reconnaissance du caractère « de sainteté » de Benoît-Joseph Labre. En effet, trois mois après la mort de Benoît-Joseph, en tant que vice-gérant du diocèse de Rome, Mgr. Marcucci a confié à Don Tommaso Gabrini, curé de l’église de S. Vincenzo et Anastasio à Trévi [Positio Super Virtutibus], la tâche de rédiger un mémoire afin d’y résoudre le problème de l’Église à savoir si l’agitation du peuple de Rome après la mort de Benoît-Joseph Labre et l’effervescence devant son sépulcre étaient un phénomène spirituel ou un acte de fanatisme. L’écriture de ce mémoire eut de saintes répercussions. Dès 1783, il influença positivement l’image du saint qui émergeait ; la lecture de celui-ci persuada les dernières réticences de Don Marconi, confesseur de Benoît-Joseph Labre, à rédiger la première biographie « Ragguaglio Della Vita Del Servo Di Dio, Benedetto Giuseppe Labre »…
L’archevêque Marcucci a joué un rôle décisif dans la reconnaissance du caractère « de sainteté » de Benoît-Joseph Labre.
vant-propos
Le point de départ d’une approche historique de la vie de Benoît-Joseph Labre doit se faire avec beaucoup d’humilité, et n’oublions pas que les évènements de l’histoire sont liés à un individu, un homme avec tous les mystères supposés s’être déroulés dans son existence humaine. Il est donc pour moi très important de prendre en compte ce point de départ trop souvent dédaigné par l’historiographie traditionnelle. Pour arriver à comprendre ne serait-ce qu’à un degré infime cet homme, tenir compte de ce facteur inconnu, afin d’analyser les traces encore visibles de ses pérégrinations me semble logique est nécessaire, même si celles-ci sont de l’ordre de la tradition « non officielle » et rejetés par les historiens français… Vous l’avez bien compris, je vous entraine dans une nouvelle aventure,
cette fois ci à Malte dans l’île de Gozo où la tradition très fervente situe un passage de notre illustre Pèlerin saint Benoît-Joseph Labre. à Victoria, (Gozo) une rue porte son nom en deux langues en Maltais : « Triq guiseppe Labré » et en Anglais « Giuseppe Labré Street ». Les Maltais sont convaincus de sa venue en cet endroit.
Je suis moi-même très attaché à ce témoignage véhiculé par la tradition maltaise, la transmission orale est la matière première de la vie du Saint. Certains historiens locaux disent détenir les preuves formelles des différents séjours que fit Benoît-Joseph chez eux. Il me semble même qu’une brochure en anglais rédigés par ses historiens relate l’historique de sa vie dans les îles maltaises.
GRAVURE:
Effigie de Benoît-Joseph Labre A Son Excellence Mlle D. Maria Anna Boncompagni Ludovisi Princesse de S. Nicandro Dame de Cour de S. M. la Reine des deux Siciles - Eugenio Poretta Offre et Dédicace.
Donna Maria Anna (Marianna) Boncompagni Ludovisi, née le 29 septembre 1730 à Rome (Roma, 00100, Lazio, Italie). Fille de Maria Chigi (sa mère) et de Gaetano Boncompagni Ludovisi (son Père), il était 4e Prince souverain de Piombino de 1745 à 1777 et 7e Duc de Sora de 1731 à 1777. Il est né le 21 août 1706 à Lirio (Lirio 27040, Lombardia, Italie) et décédé le 24 mai 1777 à Sora. (Napoli, 80100, Campania, Italie) à l’âge de 70 ans. * (4)( voir les notes à la fin de l’ouvrage)
Avant-propos
Par ailleurs, dans l’ouvrage de mon ami Don Marco Sorgia, « L’eremita pellegrino San Benedetto Giuseppe Labre », un ouvrage que je vous recommande vivement de lire, en voici un extrait : « La date à laquelle il quitte Conversano pour se rendre à Naples vénérer l’évêque martyr San Gennaro n’est pas connue ; il est probable qu’en cours de route il fit quelques détours pour visiter d’autres sanctuaires, car il semble qu’il soit arrivé à Naples le 13 février 1772. Puisque la dernière date certaine est celle de son départ de Bari, le 3 novembre 1771, même si il s’est arrêté en route pour recouvrer la santé, il resterait toujours environ trois mois à la prochaine date certaine correspondant à la date d’arrivée à Naples. Beaucoup ont émis l’hypothèse qu’il a fait un nouvel arrêt au sanctuaire de San Michele Arcangelo, sur le mont Gargano , mais on ne peut même pas exclure qu’il ait passé ces trois mois entre la Sicile et l’archipel maltais, selon ce qu’on appelle la “tradition orale maltaise”.
Dans les premières biographies sur saint Benoît-Joseph Labre, il n’est pas fait mention d’un pèlerinage dans l’archipel maltais, où il aurait été attiré par les nombreuses églises dédiées à la
Bienheureuse Vierge Marie mais aussi par la célèbre grotte de Saint Paul, où l’apôtre aurait trouvé refuge après le naufrage. Bien qu’elle ne dispose pas de documents historiques précis sur sa présence à Malte, la tradition locale, dite “tradition maltaise”, est si riche qu’elle mérite d’être mentionnée. Benoît-Joseph a dû rejoindre l’archipel maltais après avoir traversé la Sicile, du nord au sud.
De Calabre, il se serait embarqué sur un bateau à destination de la Sicile. La route qu’il a dû emprunter pour pouvoir aller à Malte n’est pas connue. Il est probable qu’il soit arrivé en Sicile dans un endroit proche de Messine. De là, en suivant la route côtière, il aurait atteint le village de Sant’Alessio Siculo où il se serait arrêté pour se reposer. Après l’arrêt, il a repris son chemin pour atteindre Acireale où sont conservées les reliques de la sainte martyre Venera, pour ensuite aller vénérer une image miraculeuse de la Vierge Marie qui se trouve dans le sanctuaire de la Madonna di Valverde. Poursuivant sa route vers le Sud, en longeant la côte, il s’est vraisemblablement arrêté à Catane pour vénérer les reliques de sainte Agathe
“In verità io vi dico:
Tutto quello che avete fatto a uno solo di questi miei fratelli più piccoli l’avete fatto a me” Vangelo di Matteo 25,31-46
Chiesa di Santa Maria delle Grazie, Sant Alessio Siculo, provincia di Messina.(Sicilia).
et du diacre Euplo. Pour parvenir à la côte méridionale de la Sicile, Benoît-Joseph doit avoir quitté la côte est, tournant vers le Sud-Ouest pour atteindre Lentini pour vénérer les reliques des saints Frères martyrs Alfio, Filadelfo et Cirino et du martyr Thecla. Il poursuit son voyage jusqu’à Francofonte pour vénérer l’icône de la Madonna della Neve. Les étapes ultérieures ont probablement été les villages de Vizzini et Cava d’Ispica, où il a dû s’arrêter près de la grotte de Sant’Ilarione. La dernière étape du voyage vers la côte sud de la Sicile a dû être Scicli avec sa marina, où, certainement, Benoît-Joseph Labre s’est embarqué pour Malte.
Les dates exactes et l’itinéraire parcouru par Benoît Joseph, ni le lieu où il a atterri, ne sont pas connus, mais un premier arrêt pourrait être le village de Żejtun qui se situe sur l’île de Malte. Dans cette ville, il y a une église privée appartenant à la noble famille Testaferrata Bonici, qui voulait lui offrir régulièrement de la nourriture pendant les jours où il séjournait dans la ville.
Dans la ville de Victoria, sur l’île de Gozo, Benoît Joseph s’est arrêté en prière dans la basilique Saint-Georges, selon la tradition orale, il y a passé de nombreuses heures en adoration du Saint-Sacrement. Il préféra se placer à côté de l’autel des Saintes Ames.
Avant-propos
Acertaines occasions, après s’être mis d’accord avec le sacristain, il restait à l’intérieur de l’église même pendant la nuit, toujours en adoration devant le Saint-Sacrement… » Ouvrage que vous pouvez vous procurer à cette adresse : https://www.youcanprint.it/ leremita-pellegrino-san-benedettogiuseppe-labre/b/c6efb653-fb0c-5a0f8d90-7b0deef4a532
Mon ami le docteur Antonino Terzo Chevalier de l’ordre de Malte (Cavaliere di Graxia Magistrale del Sovrano Militare Ordine di Malta). Antonino qui fit des recherches dans les annales précise que : « Scicli (province de Raguse), à l’époque du passage du saint Pèlerin était un centre très important car le Receveur de l’Ordre Souverain Militaire de Malte y résidait. Le port de plaisance de Scicli était en fait
l’une des bandes de terre de Sicile les plus proches de l’île de Malte. Scicli était aussi le centre militaire de l’ordre qui contrôlait la campagne en plus d’être le seul autorisé à délivrer des passeports et des permis de santé, d’où partaient les galères pour l’île des Chevaliers. Il est certain que BenoîtJoseph a embarqué de se port pour se rendre à Malte en compagnie des chevaliers de l’ordre.
Pour aller à Scicli, il faut passer par Modica, centre important et siège d’une commanderie de l’Ordre, où se trouvaient les pères jésuites qui plus tard après la mort du saint à Rome exposérent dans leur église une châsse contenant un gisant de Benoît-Joseph Labre. (cette chesse existe toujours elle a récemment fait l’objet d’une restauration (2022) et elle y est exposé dans la Basilique San Pietro de Modica (Sicile) »
Châsse contenant un gisant de Benoît-Joseph Labre exposée dans la Basilique San Pietro de Modica - Sicile.
MODICA SICILIA
Avant-propos
Walter Nigg , de nationalité suisse, né à Lucerne le 6 janvier 1903. Il décède à Bülach le 17 mars 1988.
Grâce à l’aide d’une amie, Madame Monique Mauviard, je vous conterai cette belle histoire de la tradition maltaise. Gozo est une l’île de l’archipel maltais. Et Rabat, capitale de l’île, est aussi connue sous le nom de Victoria.
Un homme comme BenoîtJoseph Labre n’est certes pas facile à décrypter. Il nous faut garder en mémoire que le secret de son être ne se trouve pas uniquement dans ses aventures, ou ses longues marche sans fin, mais est en partie dissimulé dans son être, auquel personne n’eut d’accès. Il vivait dans le monde, mais n’était pas du monde, il menait une vie ininterrompue de pèlerin.
Théologien et philosophe suisse. Il a enseigné l’histoire religieuse à l’université de Zürich. Auteur de nombreux livres, il est surtout célèbre pour ses biographies de saints, thème certainement peu habituel dans la sphère protestante suisse. Walter Nigg croyait que même et peut-être à cause des besoins de l’ère moderne, les figures des saints devraient être redécouvertes.
Dans son livre hagiographique (Des Pilgers Wiederkehr, Drei Variationen über ein Thema -1954-) « Le Retour du Pèlerin, Trois variations sur un thème», l’auteur, le théologien et philosophe suisse Walter Nigg, actualise la figure christique qui, de nos jours, semble être tombée dans l’oubli. Cependant, il comprenait le terme « pèlerin » en son sens premier ; il confiera par ailleurs : « Qu’un pèlerinage en autocar avec de la musique radiophonique n’est pas digne de ce nom. Le pèlerin se différencie fondamentalement du promeneur, du touriste. Il se dirige vers un lieu saint. »
Un jour, dit-il, à la fin d’une de ses conférences, un jeune déguenillé, aux cheveux longs, l’attendait devant la porte et l’interpella par ces mots : « Comment arrivez-vous à écrire sur Benoît Labre qui est de notre côté et non du vôtre ? » Walter Nigg observa un instant ses habits négligés et lui répondit : « Cela me fait plaisir que vous ayez lu le chapitre sur Benoît Labre. Si vous regardez les apparences, vous avez peut-être raison mais si vous considérez l’intériorité de Labre, alors le saint mendiant avait en lui quelque chose qui, vraisemblablement,
Avant-propos
vous manque ainsi qu’à la jeunesse rebelle d’aujourd’hui. Réfléchissez-y encore une fois. » Ensuite, il lui tendit la main et pris congé de lui.
Ajoutant: « les trois variations me concernent, je n’en n’exclus aucune. »
En fait de variation, Walter Nigg a pris le temps nécessaire pour dévoiler au lecteur, puis cacher à nouveau la grandeur de ce pauvre pèlerin en recherche de la béatitude… A la fin de son étude, Benoît-Joseph Labre reste ce qu’il est, mystérieux sous bien des aspects. Pèlerin puisant son inspiration dans la méditation dont il émaillait ses journées et ses marches.
En fait, elle s’exprimait en d’innombrables voyages, parsemés parfois d’aventures compliquées, rites, processions, stations, pèlerinages, triduums, octaves et
neuvaines, qui furent la seule distraction de sa vie. Sans oublier surtout qu’il s’abîmait régulièrement, inlassablement, dans d’innombrables adorations, diurnes et nocturnes, devant le saint sacrement exposé dans les églises jalonnant son itinéraire.
Personne aujourd’hui encore ne connaît tous les chemins par lesquels cet homme alla… les yeux clos sur la rencontre intérieure. Toujours marcher, toujours prier, toujours aimer, écoutant a travers la parole de Dieu ce qu’il mettra en pratique au jour le jour ; s’abandonner à la Providence.
Pour le saint vagabond, ce qui finit par importer n’est plus le but de la route, mais tout simplement d’être en route. C’était la route elle-même, et l’interminable errance qu’elle impliquait, le dépouillement sans forme et sans fin d’un extraordinaire témoin de Dieu.
« Les trois variations me concernent, je n’en n’exclus aucune. » Walter Nigg
Avant-propos
Des Pilgers Wiederkehr”
Le Retour du Pèlerin , de Walter Nigg.
Son rayonnement traverse le monde et les siècles. BenoîtJoseph Labre nous atteint aujourd’hui là où nous sommes, tels que nous sommes. Cette lumière inondant son visage et rayonnant de la paix de Dieu a fait de lui sans qu’il
tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13, 35). La foi dans l’amour est l’illustration concrète de l’abandon à la parole de Dieu.
« Elargis l’espace de ta tente déploie sans hésiter la toile de ta demeure allonge tes cordages, renforce tes piquets car à droite et à gauche tu vas déborder ». (Isaïe 54, 2-3)
ne l’ait jamais voulu, un apôtre de la Bonne Nouvelle, attendant sur le chemin de nos vies, les pèlerins au cœur pur, ravis par la seule rencontre que nous ambitionnons de faire tout au long de nos pèlerinages, celles du Seigneur Jésus-Christ. Pour cela, il nous a laissé un chemin de liberté, d’amour et de foi, cadeau de l’obéissance à Dieu. Il faut y demeurer, y persévérer, y dresser sa tente, y laisser transparaître l’intensité de l’amour reçu qui déborde et échappe à tout contrôle : « À ceci,
La Providence, chers Amis, joue un rôle en Histoire. Et nous y sommes tous soumis à un moment ou à un autre de notre vie. Mais notre existence n’y est pas asservie, puisque nous réagissons à certains de ses moments et pas à d‘autres ! Le pouvoir de la Providence est donc incontestable ; même le monde est au fait de cette connaissance. Il suffit pour s’en convaincre d’observer le renouveau spirituel autour du saint. Durant toutes ses années, en France, en Allemagne comme au Canada, j’ai remarqué au fil de mes rencontres, et de mes discussions avec les personnes liées au passage du saint en tel ou tel lieu que le plus important reste pour eux, l’influence lié au charisme, il séduit, interroge, depuis 1783 et ne cesse de grandir.
Chers Amis, dans ce nouveau numéro, vous découvrirez que la plupart des évocations de son rayonnement, ici ou là, sont le fruit de mes rencontres et de l’action de la providence
Frère Alexis, fl.
Avant-propos
GEFANGEN IN WESTFALEN
Chers Amis, comme je vous le disais dans l’avantpropos de ce numéro, je me suis rendu à Soest, une
e fus trèsaimable aimablement accueilli par madame Barbara Köster, de « Geschichtswerkstatt et de madame Edith Engelbach. C’est lors de nos échanges que j’en appris un peu plus sur cette représentation du saint vagabond figurant sur la carte de France des saints.
ous me permettrez donc cet aparté un peu spécial sur les chemins de Traverse chers amis. Cette belle histoire mériterait une étude plus exhaustive, mais nous serions alors hors sujet. Il existe suffisamment d’ouvrages relatant la vie des prisonniers de guerre pour donner toutes les explications historiques liées à cette période difficile de la Seconde Guerre mondiale. Je me suis donc donné comme objectif de vous retranscrire les grandes lignes de la création de la chapelle française et de quelques-unes des personnes ayant retenu mon attention, le lieutenant André Bonduelle, le lieutenant René Coulon, le lieutenant
Guillaume Gillet et René Coulon recevront chacun le prix du Général Muteau, par l’Académie française, le jeudi 17 décembre 1942. Ils recevront chacun la (Ce prix était décerné à des prisonniers de Guillaume Gillet est fait prisonnier à Nancy en 1940 et conduit en captivité à l’Oflag VI A de Soest (Westphalie). De 1940 à 1945, il y déploie une intense
’est avec cette expression du lieutenant Morel-Fatio que je vais essayer de vous faire voyager dans cet ancien Oflag en plein vent, sous les toits mansardés du bloc 1, une petite chapelle, ou plutôt un oratoire, tout entier n’est pas une chapelle dans le sens usuel, mais une pièce sous le toit d’une caserne. Cette pièce a été créée pendant la Seconde Guerre
mondiale par des officiers français qui étaient ici des prisonniers de guerre. En septembre 1940, les officiers français, prisonniers catholiques, ont pu disposer pour l’exercice du culte, dans les combles d’une petite pièce blanchie à la chaux, préalablement attribuée par les Allemands aux officiers protestants. Ces derniers avaient accepté de la leur céder. L’aménagement de la chapelle fut entrepris aussitôt. La pièce mesurant 7,50 x 6 mè tres était coupée par une poutre reposant sur un pilier et rognée vers l’Est par la pente du toit. Il parut indispen sable de décorer ce réduit trop indigne pour y exposer le saint sacrement. Ce fut au capitaine René Vielliard, prêtre, aumônier de la Maison de la Légion d’honneur, de fournir les thèmes iconographiques. Et la décoration incombait aux lieutenants Guillaume Gillet et René Coulon, tous deux anciens élèves de l’École des Beaux-Arts. Lors du projet, ils se sont proposés pour recouvrir de peintures à la colle les murs de ce qui allait devenir la chapelle française. La porte d’entrée fut décorée par le lieutenant André Bonduelle, Père dominicain qui rédigea en latin l’inscription dédicatoire suivante :
SVSATENSI ARA IAM AETERNO LVMINE PVRA OBLATA MARIÆ QVÆ SEMPER CLADE REDEMPTOS EREXIT GALLOS SANCTOQUE AD VINCVLA PETRO STAT PIVS ARDENTI SVO AMORIS IN CARCERE JESUS
FERRO VICTVM NON VINCTVM PECTORE FINGAT
saint Benoît-Joseph
Traduit en français :
À Soest, sur cet autel, désormais purifié par l’éternelle lumière, dédié à Marie qui toujours releva les Français du désastre, dédié aussi à saint Pierre-es-Liens. Le Christ se tient, plein de pitié, dans son ardente prison d’Amour. À toi que les armes ont vaincu qu’Il forge une âme libre .
Pourcesanctuairedestinéàdesprisonniersfrançais de toutes origines et de toutes professions, unis par la souffrance et l’humiliation de la captivité, les thèmes suivants furent proposés :
Les saints prisonniers autour du Christ captif. La France et ses saints.
Les métiers dans la perspective chrétienne. La vierge de douleur.
La France et ses saints furent réalisés sur le mur Est ; elle fut peinte par René Coulon. C’est une grande carte de France brun rouge, baignée par la mer bleue. Sur la carte se dressent les images populaires des provinces de France. Dans le Pasde-Calais, nous avons Notre-Dame de Boulogne sur sa nef entre deux anges ainsi que le saint le plus populaire de ce département en la personne de saint Benoît-Joseph Labre s’épouillant… (L’absence d’hygiène du saint était proverbiale et l’on pouvait voir courir les poux sur sa poitrine).
(L’épouillage du saint est ici un clin d’œil faisant référence au manque d’hygiène, à la promiscuité des prisonniers aidant puces et poux à proliférer. L’infestation de l’homme par le pou de corps est très fréquente pendant les guerres, dans les prisons, ainsi que dans les camps de prisonniers. Le pou du corps « Pediculus humanus corporis » est en cause dans la pédiculose corporelle, mais est surtout vecteur de trois maladies bactériennes graves dont l’homme est le réservoir : le typhus épidémique à Rickettsia prowazekii, la fièvre récurrente à poux à Borrelia recurrentis, ou plus communément appelé fièvre des tranchées à Bartonella quintana. Le typhus épidémique a marqué l’histoire des guerres et des révolutions, entraînant une effroyable mortalité dans les camps de concentration, dans les Stalags et les Oflags nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour lutter contre ce fléau, l’armée allemande à partir de 1940 procéda régulièrement à des séances d’épouillage de vêtements, d’affaires personnelles et de paillasses, pour combattre la vermine et pour prévenir les maladies. Après la douche, les prisonniers avaient droit à une dose de « Fly-tox » dans les parties génitales).
“ Soest, la représentation de
Labre, carte de France des saints et saintes, chapelle française de l’Oflag VI A”.
OFLAG VI A SOEST AVRIL 1945
À
l’Oflag VI A, on se souvenait surtout de la charité du saint pour les prisonniers italiens. « C’est à Bari, à travers les barreaux de leur cachot, que les détenus imploraient d’un ton lamentable la pitié des passants ; BenoîtJoseph Labre, ému de compassion, se mit à genoux, plaça son chapeau à terre, et sur le bord de celui-ci, le crucifix qu’il avait toujours sur sa poitrine, puis il avait entonné le chant des Litanies, avec une voix toute céleste, qui remua profondément la foule ; aussi les offrandes tombèrent nombreuses dans le chapeau du pèlerin qui s’empressa de les distribuer aux prisonniers. Encouragé par ce succès, il continua pendant plusieurs jours cet exercice de piété et de charité pour les prisonniers ».
Du Nord au Sud, nous avons Notre-Dame de la Treille, saint Hubert, sainte Colette de Corbie, saint Eloi, Notre-Dame de Liesse vénérée par les trois chevaliers (Charlemagne sur son trône, saint Walfroy et sainte Jeanne d’Arc),
“ Dans l’Oflag, il fallait qu’une oraison commune montât dans le crépuscule. Le malheur s’épurait et prenait un sens. Les saints de France, présents sur la belle fresque de la chapelle, se penchaient avec bienveillance sur la prière du soir”.
RenéCoulon 1908-1997
sainte Odile, Notre-Dame de Trois-épis, Notre-Dame de Sion, saint Nicolas, saint Claude, saint Rémi baptisant Clovis, sainte Clotilde, saint Denis, sainte Geneviève, saint Louis, saint Germain l’Auxerrois, Notre-Dame de la Délivrance, une bouteille, la bénédictine de Fécamp, sainte Thérèse de Lisieux, Notre-Dame de la Belle Verrière à Chartres, NotreDame de Pontmain, saint Michel terrassant le démon, le clocher de NotreDame de Clarté, saint Yves, un calvaire breton, sainte Anne d’Auray et la Vierge enfant, saint René dans son berceau à côté de la pelle et de la pioche des sapeurs d’Angers, saint Martin de Tours, saint Benoît sur la Loire, saint Aignan, le bienheureux Grignon de Montfort, sainte Radegonde, sainte Solange, saint Léonard, patron des prisonniers (les anciens prisonniers limousins du camp ont envoyé une réplique de cette représentation en ex-Voto à SaintLéonard, en Haute-Vienne) etc. En tout, 68 représentations de saintes et de saints composent cette carte de France.
“ De gauche à droite Madame Edith Engelbach, frère Alexis et madame Barbara Köster”.
En haut à droite de la carte, la rose des vents indique le nom de la ville de SOEST avec ses cinq points (Avec cela, l’artiste fait référence au lieu de l’exil involontaire).
En dessous, deux banderoles portent cette prière : « SAINTS ET SAINTES DE FRANCE, VEILLEZ SUR LES NÔTRES ET SUR NOUS »
En bas à droite, les donateurs en prière ; de droite à gauche, le premier, Guillaume Gillet debout, à côté de René Coulon agenouillé, près de lui, les genoux également fléchis, l’abbé René Vielliard, tous trois dans une posture de prière. (Autrefois, il y avait une coutume qui consistait à s’immortaliser en tant qu’artiste sous forme de figures donatrices).
Délimitant les parties « Autel » et « Prière », une poutre porte, sur une face, la dédicace en latin de la chapelle :
ANNO DEI MCMXL DIE XXV DECEMBRIS GVILELMVS GILLET ET RENATVS COVLON ANDREA VVILLOD JACOBO CHENV ET ROBERTO MAIRE ADIVVANTIBUS CHRISTO NASCENTI CONSOLATORI VNICO ET VERO REDEMPTORI HANC VESTEM DEPICTAM VARIETATE CIRCVMDATAM D. D.
Et, sur l’autre face, un officier de chasseurs gît, l’épée au côté, recouvert d’un drapeau tricolore, avec en dessous l’inscription « À nos camarades », une évocation des camarades tués au combat. La chapelle dédiée à sainteMarie et à saint-Pierre aux Liens est ouverte au culte le 25 décembre 1940. De 1945 à 1951, elle est mise à la disposition de personnes réfugiées, notamment de Silésie qui la désignèrent sous le nom de chapelle Ste Edwige) et, de 1994, à celle des aumôniers des Forces d’occupation belge.
“ C’est en 1995 que la chapelle sera inscrite sur la liste des monuments historiques protégés en Allemagne”.
Les fresques murales de la chapelle ne sont redécouvertes qu’après de départ de l’armée belge qui avait utilisé la caserne du camp jusqu’en 1994 et qui lui donna son nom actuel (Caserne B.E.M. Adam).
Ce sera en 1995 que la chapelle sera inscrite sur la liste des monuments historiques protégés en Allemagne. La sauvegarde de ce lieu unique est assurée par un groupe de citoyens de Soest qui fondent, en étroite coopération avec l’amicale des anciens prisonniers, un atelier historique et une association appelée « Mémoire et Avenir — La Chapelle française de Soest ». Le 60e anniversaire de la libération du camp a été marqué, en 2005, par une commémoration impressionnante réunissant plus de 200 invités venus de France, parmi eux d’anciens officiers captifs et leurs familles. Le camp de prisonniers français était à l’origine une caserne mise en construction en 1938 dans le cadre du réarmement national-socialiste. Devant l’afflux massif de prisonniers de guerre pendant l’été 1940, elle fut transformée en camp de prisonniers pour officiers français (OFLAG VI A). Fin juillet 1940, 2000 officiers et de 500 hommes de troupes françaises arrivèrent à Soest. Dans les Oflags, on a pu compter que le clergé catholique constituait jusqu’à 3 % de la population totale, ce qui est bien plus que dans la France de 1940, qui comptait près de 50 000 prêtres diocésains pour plus de 40 millions d’habitants. De ce fait, l’encadrement religieux des camps est très conséquent. L’occupation du camp resta stable jusqu’en 1944, mais, à cette époque, de nombreux camps furent dissous et l’Oflag VI A passa en sureffectif. (Les 18 et 19 septembre 1944, après le parachutage de troupes alliées sur Nimègue et Arnheim, de nombreux camps furent dissous et les prisonniers transférés dans le camp de Soest). J’apprendrai au cours de ma visite de l’Oflag VI A qu’il y avait parmi les nombreux prisonniers que comportait le camp un certain lieutenant médecin Paul Dochier. Madame Edith Engelbach me révéla ensuite qu’il s’agissait du Frère Luc de Tibhirine.
L’Oflag VI A Prisonniers en Westphalie (Das Oflag VI A Gefangen in
Westfalen)
Cette brochure raconte l’histoire des prisonniers de guerre français à Soest. A la suite d’un aperçu historique sur la situation politique franco-allemande en 1939/1940, elle donne des informations sur l’histoire de la construction de la caserne, sur le système du camp Oflag VI A et sur la vie de tous les jours pour les prisonniers avec leurs nombreuses activités culturelles et religieuses. La fin de la brochure est consacrée à la libération du camp par les alliés et à la perspective de la création d’un lieu de mémoire.
La Chapelle Française de Soest - Saints et Saintes
Ce livre présente principalement les magnifiques peintures murales de la chapelle. Après un premier bloc thématique relatant l’histoire de la chapelle, la partie principale est consacrée aux détails des peintures qui attirent le regard des visiteurs ainsi qu’aux descriptions religieuses et profanes avec leurs implications politiques cachées. Un dernier thème présente les occupants ultérieurs successifs de la caserne et de la chapelle et le but de l’association qui est de créer un centre de mémoire et de rencontres.
Autor/in: Barbara Köster / Frank Stückemann (Autorenteam)
Titel: Die Französische Kapelle in Soest. Heimat - Heilige - Hintergründe ISBN: 3898612856 (ISBN-13: 9783898612852)
Sprache: Deutsch
Inscription dédicatoire rédigée par le Lieutenant André BONDUELLE du 145e R.A.L.H. (Régiments d’artillerie lourde hippomobile)
Prêtre Dominicain, André Marie Joseph BONDUELLE à l’état civil, Père André BONDUELLE en religion. Né le 20 avril 1901 à Marquettelez-Lille (Nord), mort le 15 janvier 1980 à Paris (VIIIe arr.)
- Ordination sacerdotale pour le diocèse de Lille : 8 juillet 1926 à Lille
- Vestition pour la Province de France : 22 septembre 1929 à Amiens
- Profession simple : 22 septembre 1930 à Amiens
Profession solennelle : 23 septembre 1933 au Saulchoir de Kain (Belgique)
Traduction de l’inscription latine sur la porte de la chapelle de l’Oflag VI A”.
« À Soest, sur cet autel, désormais purifié par l’éternelle lumière, dédié à Marie qui toujours releva les Français du désastre, dédié aussi à saint Pierre-es-Liens.
Le Christ se tient, plein de pitié, dans son ardente prison d’Amour. À toi que les armes ont vaincu qu’Il forge une âme libre » .
Le Père Bonduelle en 1975 - Photographie: Fonds d’archives Kirjasto Studium de Finlande © ( Adresse: Ritarikatu 3b, 00170 Helsinki, Finlande)
Avec des dessins du capitaine BOSSUAT, lieutenant BOISSELIER, lieutenant COULON, lieutenant DELOBEL, lieutenant GILLET, lieutenant MILLET, lieutenant MOREL- FATIO, sous-lieutenant NORDIN - 124 pages
« Quand nous aurons depuis longtemps retrouvé nos paroisses françaises, quand nos vies religieuses auront repris leur rythme à l’ombre des antiques cathédrales, des petits clochers vieillots ou des toutes modernes églises rebâties, peut-être nous arrivera-t-il de rouvrir ce livre, de le feuilleter et de devenir brusquement songeurs en nous rappelant ce qu’était cette singulière vie en commun, à quel point était chrétienne et française cette paroisse derrière les barbelés. »
Un livre du R.P. André Bonduelle, O.P. et l’Abbé René Vielliard à leurs camarades prisonniers de guerre de l’oflag VI A.
« Une paroisse derrière les barbelés » Oflag VI A .
« Le Christ aux barbelés » Oflag VI A .
Photographie: Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
Sous l’oeil attentif du Père Bonduelle, parle ou prêche. Pour lui c’est tout un...
DE SOEST A TIBHIRINE
De l’Oflag au Prieuré de Notre-Dame de l’Atlas
La Vierge de l’Atlas
Le lieutenant Paul Dochier est né en 1914 dans la Drôme à Bourg-de-Péage.
Le 4 avril 1940, après ses études de médecine, il fait ses classes à l’école d’officiers de la caserne Jeanne d’Arc de Villeurbanne à la fin de l’année 1938 et obtiendra le grade de lieutenant médecin le 28 janvier 1939 pour une affectation dans le sud du Maroc. Le 7 décembre 1941, libéré de ses obligations militaires, il entre alors complètement dans la vie monastique à Aiguebelle ; après une première prise d’habit de moine choriste, il obtient de réaliser son souhait d’humilité et prend le 3 décembre 1942 l’habit de frère convers et reçoit le nom de Frère Luc (toute sa vie, il restera attaché
à sa condition de frère convers choisissant de le rester même après les évolutions postVatican II).
C’est dans un monde en guerre que Paul Dochier fait le choix radical d’une vie de silence et de prière. (Il a confié à ses proches des années plus tard qu’il avait été tenté par la Chartreuse, qu’il avait même hésité entre la Chartreuse et la Trappe. A 80 ans, il en avait encore la nostalgie).
Dans l’ouvrage « Frère Luc, la biographie Christophe Henning et Dom Thomas Georgeon » est décrite de façon admirable cette vocation de frère convers et son attachement à ce statut : « être convers, c’est une forme de don de soi, d’effacement au profit des autres… » . Comment ne pas comprendre que Frère Luc soit entré dans cette perspective : en devenant convers, il s’engage à une vie plus simple, une vie cachée, au sein du monastère, avec un rythme liturgique et une prière plus dépouillée, n’étant pas tenu d’assister à tous les offices. Il y restera fidèle jusqu’aux derniers jours, il a toujours été en retrait de ses frères fidèles à son statut. Cette singularité en communauté est donc d’être un peu en marge, tout en étant un frère.
Ce caractère exceptionnel qui le distingue sera le fil conducteur de toute sa vie. C’est aussi cette singularité qui le poussera à engager sa vie et s’offrir en remplacement d’un médecin, père de famille nombreuse, le docteur Beziaud, dans un camp de prisonniers en Allemagne. L’autorité militaire allemande accepte l’échange et il part le 26 avril 1943 pour l’Oflag VI A de Soest. Originaire comme lui de Bourgde-Péage, le docteur Beziaud était détenu dans ce camp depuis le 28 juin 1941. Derrière les barbelés de l’Oflag VI A, Frère Luc redevient, pour la durée de sa captivité, le lieutenant Paul Dochier, médecin en charge de la santé de l’ensemble des prisonniers du camp. À son arrivée, il retrouvera son beau-frère,
Charles Laurent, qui est également prisonnier de l’Oflag. Au cours de cette captivité, il constatera les mauvaises conditions d’emprisonnement des officiers soviétiques. Même dans les camps situés en Allemagne, les prisonniers de guerre soviétiques étaient considérés par les responsables militaires et politiques nazis comme des êtres inférieurs sur le plan racial, mais également comme des ennemis et des obstacles potentiels à la conquête allemande du « Lebensraum Nazi ».
(L’Union soviétique n’ayant pas signé la Convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre et ne s’étant pas déclarée partie à la convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre, les Nazis considéraient qu’il n’existait pas de cadre juridique pour le traitement des prisonniers de guerre soviétiques. De ce fait, les Soviétiques étaient exclus des dispositions de protection de la Convention de Genève ; ils ne relevaient pas de l’assistance et du contrôle par la Croix Rouge internationale. Les prisonniers de guerre soviétiques représentent, après les Juifs d’Europe, le plus important groupe victime de la barbarie nazie. Sur les 5,3 millions faits prisonniers par la Wehrmacht, plus de 3 millions, soit 60 %, périrent durant leur captivité, fusillés, morts de faim, d’épidémies, d’épuisement et de mauvais traitements dans les camps de prisonniers de guerre).
Le docteur Paul Dochier (Frère Luc) fera de son mieux pour soigner les prisonniers russes allant jusqu’à partager avec eux une quarantaine pendant une épidémie de typhus dont lui-même sera atteint, l’ensemble du corps couvert par ces éruptions dues aux piqûres de poux. Paul Dochier va se dépenser sans compter, en soignant du typhus et de bien d’autres maux, et ce, malgré les faibles moyens dont il disposait. Pour Frère Luc, rien n’est plus fort que la faiblesse qui se sait animée par l’Amour et qui se transforme en confiance, en certitude que l’autre est animé par le même amour du Père. Assurément, Frère Luc a fait sienne cette parole qui, au chapitre 36 de la règle de
saint Benoît, dit : « On prendra soin des malades avant tout et par-dessus tout. On les servira comme s’ils étaient le Christ en personne ». Pour soigner les prisonniers soviétiques, il ira jusqu’à inventer un stratagème avec les prisonniers français leur demandant d’économiser leurs médicaments afin de constituer une petite réserve pour soigner les officiers soviétiques. Dom Thomas Georgeon dira de lui dans son livre : « Ce qui le caractérisait, c’était son calme, sa bonté, son humour, sa rigueur professionnelle, sa disponibilité à soigner quiconque avait besoin. Il a accompli son devoir de médecin et de frère jusqu’à la limite du possible, et même au péril de sa vie. Le lieutenant médecin Paul Dochier n’a jamais refusé de soigner quiconque » « Même le diable », dira-t-il un jour… une
parole qui gardera son voile de mystère. De Soest à Tibhirine, en 1945, libéré, il rentre en France et, après un mois dans sa famille, il retourne à l’abbaye d’Aiguebelle. Après avoir prononcé ses vœux temporaires le 15 août 1946, il est envoyé à Notre-Dame de l’Atlas, « fille » d’Aiguebelle. Il arrive en Algérie le 28 août 1946, jour de la Saint- Augustin. Un an plus tard, le 15 août 1949, à Tibhirine, il fait profession solennelle comme frère convers et, très vite, on lui demande d’ouvrir un dispensaire pour soigner la population pauvre et sous-alimentée ; sauf pendant de courtes périodes d’absence, il le maintiendra jusqu’au bout. Le 21 mai 1996, il sera assassiné en Algérie avec 6 de ses frères.
“ A mon âge, il faut voir les évènements de son existence sans amertume. Tous les jours nous marchons vers l’anniversaire de notre mort. A la surface de notre vie, les évènements se succèdent, comme les vagues qui ne modifient pas la profondeur de la mer ni le sens de notre vie qui doit toujours être un chemin vers Dieu.”.
DE SOEST A Royan Guillaume Gillet
De la chapelle de l’Oflag à l’église Notre-Dame de Royan
Photos: Frère Alexis|Ilaconstruit cette maisondeDieu
DENOTREDAME ROYAN
GuillaumeGillet
Libéré en 1945 et après une rencontre décisive avec l’un de ses maîtres en architecture, Emmanuel Pontremoli, Guillaume Gillet décide de se présenter au concours du Prix de Rome et obtient le Premier Grand Prix
d’Architecture.
En 1946, la reconstruction bat son plein et en 1950, il se voit confier l’étude de la reconstruction du centre de Sisteron (Alpes de Haute-Provence).
“ Guillaume Gillet (1912-1987) est, par son oeuvre et par sa carrière, l’un des architectes les plus représentatifs des Trente Glorieuses.”.
HANC DEI DOMUM CONCEPIT
Max Brusset, maire de Royan (CharenteMaritime), ville presque entièrement détruite par un dernier et inutile bombardement en 1945, lui demande un projet de reconstruction de l’Église Notre-Dame. Conçu dans l’enthousiasme, en collaboration avec le célèbre ingénieur Bernard Lafaille, puis avec l’ingénieur René Sarger, le projet est aussitôt accepté par la municipalité et les travaux peuvent commencer sans tarder. La première pierre est posée le 17 juillet 1955 et la nouvelle église Notre-Dame-de-Royan est bénie et inaugurée le 10 juillet 1958. On peut sans doute la considérer comme le chef d’oeuvre de l’architecte. Décédé en 1987, il sera plus tard inhumé - selon son voeu - en l’église NotreDame-de-Royan au cours d’une émouvante cérémonie, en 1996).
On pourrait à coup sûr lui appliquer ces propres mots évoquant la vie de l’architecte Paul Herbé qu’il admirait profondément : « ...une vie donnée sans compter aux autres, avec un détachement qui avait l’élégance de paraître toujours disponible, et qui était en même temps la vie inquiète, difficile, d’un grand travailleur et d’un grand créateur. »
“ Dans le bas-côté Nord de l’église Notre-Dame de Royan, la sépulture de Guillaume Gillet. Une simple dalle de pierre sur laquelle est inscrit Guillaume Gillet, Architecte (1912-1987) et simplement en latin : HANC DEI DOMUM CONCEPIT (Il a construit cette maison de Dieu).”.
L’Oflag VI A de Soest fut totalement libéré le 6 avril 1945 par la 95e division d’infanterie, 9e armée américaine, commandée par le général de division Harry Twaddle. Au total, plus de 5000 officiers français y ont été internés. La libération du camp fut difficile, les combats ont fait plusieurs morts et des blessés graves. En 1945, alors que la Libération est proche, les prisonniers avaient confectionné à la main un drapeau américain qu’ils hissèrent sur le mât du camp. En remerciement, le général Twaddle fit remettre au commandement français du camp, un drapeau français qui flotterait à côté des étoiles et des rayures. Ce drapeau confectionné par les prisonniers français existe toujours, il est exposé au musée national de l’infanterie, Columbus, Georgia 31903, États-Unis. https://nationalinfantrymuseum.org/ (voir photographie). C’est une bannière très rare de 48 étoiles. En effet, il manquait deux états en 1945 : l’Alaska et Hawaï. (C’est seulement le 4 juillet 1959 que le drapeau américain comprendra 49 étoiles suite à l’intégration dans l’Union de l’Alaska. Et le 4 juillet 1960, 50 étoiles du fait de l’intégration dans l’Union d’Hawaï. C’est la version actuelle).
Frère Alexis, fl
The Star-Spangled Banner of Soest - 1945
Ce drapeau, confectionné par les prisonniers français de l’Oflag VI A en 1945, est exposé au Musée national de l’Infanterie, Columbus, Georgia 31903, États-Unis
LA FRANCE DES SAINTSOFLAG VI ASOEST
Le Chemin
De Lorette à Santa Maria di Leuca
de la Mer
“L’itinéraire de saint Benoît-Joseph Labre le long de la côte Adriatique en 1771”.
Chers Amis,
En 1771, Benoît-Joseph Labre a entreprisdiversvoyagespourconnaîtrelavolonté de Dieu sur l’état qu’il devait embrasser. Après son deuxième pèlerinage à Lorette, c’est le moment du renoncement de l’exil et du choix. Le Chemin de la Mer de cette région italienne des Pouilles est l’itinéraire
où Dieu révéla au Saint Pèlerin qu’il le voulait dans cet état de vie où il était entré...
En arrivant à Andria, un panneau vous invite à entrer dans ce qui est aujourd’hui une ville moderne. Mais le modernisme de cette cité italienne a le mérite d’avoir su préserver un passé historique et culturel très riche. Ici dans la ville d’Andria, préserver pour ne pas oublier, préserver pour sauvegarder le patrimoine ancien avec ses mythes, ses croyances fondatrices, est plus qu’un devoir, c’est une nécessité d’action dont l’unique but est de promouvoir la préservation d’un
immense patrimoine culturel très riches. Chers Amis, loin de reprendre tout le passé historique de l’antique cité d’Andria et des villes environnantes, je vais plutôt vous emmener dans un point précis de l’année 1771. En parcourant les quelques traces de saint Benoît-Joseph Labre, nous découvrirons les origines du mythe de cet homme de Dieu. Il y a bien longtemps, la légende s’était emparée de lui en amplifiant sa personnalité aux multiples facettes ; la tradition
orale italienne est certainement celle qui le décrit avec le plus de véracité, en particulier dans les petits villages le long de la mer Adriatique. La plus belle façon, à mon sens, de s’immerger dans le territoire, de connaître la culture et les habitudes des gens qui appartenaient à ces lieux au milieu de ruelles escarpées, de centres historiques, à l’ombre de ces nombreux lieux de pèlerinage dédiés à la « Mater Dei », empreints de la chaleur, de la ferveur d’autrefois des villes, des paroisses de cette belle région des Pouilles.
Le Chemin de la Mer, « Il Cammino del Mare », veut retrouver le chemin de ces liens anciens, en tirant parti de cette tradition qui a toujours été le langage des pays et des populations riverains de l’Adriatique, dans une relation souvent étroite et discrète, riche des preuves historiques d’un parcours hors norme. La relecture de certains événements de la vie de pérégrination de saint Benoît-Joseph Labre permet avec les moyens modernes dont nous disposons aujourd’hui de faire l’étude et l’analyse de la tradition italienne, avec la prudence qu’elle impose bien évidemment. il s’agit ici de mieux discerner les zones d’ombres de son parcours de pèlerin. La tradition italienne est aussi un élément d’histoire, constituée de la mémoire des lieux, des personnes qui ont jadis croisé la route de cet homme de Dieu. C’est aussi une part importante de notre héritage à nous, chrétiens, et nous avons le devoir de préserver cette tradition orale pour les générations suivantes. La recherche des traces du pèlerin BenoîtJoseph Labre à laquelle je vous ai habitué depuis plusieurs années ne poursuit qu’un but : préserver cet héritage du passé, avec ses mystères, ses doutes et ses certitudes. La foi de cet homme de Dieu dont le regard entièrement tourné vers le divin témoigne d’une œuvre mystique dont l’intensité du message ne peut se comprendre qu’avec le filtre de la foi, dans la transmission de ce témoignage. Dans ce domaine, vous connaissez bien évidemment ce qui est devenu au fil des années la devise de mon existence : « Nous ne savons rien ou presque !!! » Certes
la foi n’écarte pas l’histoire et la raison. En France, l’histoire a pour définition la « connaissance par traces » et elle constitue l’une des évidences les mieux enracinées dans les représentations des historiens français et la tradition n’y a malheureusement pas sa place. Je pense qu’un pays qui rejette ses traditions est par définition un pays qui perd ses repères et sa spiritualité.
Contrairement à la France, dans les villes italiennes, l’histoire et les traditions sont un seul et même vecteur de témoignage et de transmission ; il n’y a ici aucune différence. Je garde l’espoir car je crois, je veux croire qu’un jour la France s’acheminera vers la même vérité, « peutêtre » …
Dans la ville d’Andria, il est aisé de retrouver la culture et la chronologie des anecdotes hagiographiques traditionnelles de la vie et de l’œuvre spirituelle du saint vagabond Benoît-Joseph Labre. C’est donc dans ces régions de la côte Adriatique que je vais commencer ce récit.
Benoît-Joseph Labre a 23 ans. Il quitte Lorette où il vient d’accomplir son deuxième pèlerinage dans la ville de la « Santa Casa » et entreprend un périple à travers l’Italie. Il désire rejoindre Naples. Une information nous donne une date de son départ, le lundi 16 septembre 1771 (Visa de l’acte Baptistaire).
Frère Alexis, fl. http://www.amis-benoit-labre.net/
Le Chemin
Septembre 1771
Benoît-Joseph quitte la province d’Ancône en longeant la côte Adriatique, errant à son habitude de basiliques en églises et de fermes en villages. Cette époque marque les tout débuts de ses grands pèlerinages. Il n’a pas encore l’aisance de la langue italienne qu’il aura par la suite. Bien que nous n’ayons aucune certitude sur la date de son arrivée, il semblerait qu’il soit passé à cette époque par la ville d’Ascoli Piceno, près du village de Folignano (région des Marches), c’est ce que nous dit la tradition… En matière de sources
les informations les plus conséquentes à son sujet proviennent de
de la Mer
la tradition d’Ascoli Piceno et nous ne disposons que de très peu de données sur sa vie et son comportement dans cette ville italienne, n’ayant pas plus d’informations sur la durée de son séjour dans cette ville, dite « ville aux cent Tours » (surnom d’Ascoli Piceno).
Vous permettrez, chers Amis, cet aparté intéressant. Le seul souvenir de son passage est un tableau jalousement gardé dans le musée de la ville (Pinacoteca Civica di Ascoli Piceno : Piazza Arringo, 63100 Ascoli Piceno AP, Italie). Cette œuvre du domaine public est attribuée au peintre
italien Pietro Tedeschi sec. XVIII. (Le peintre Pietro Tedeschi est né à Pesaro dans la région des Marches en 1750 et décédera dans la même ville en 1806. Il fut l’élève de Gianandrea Lazzarini de Pesaro, 19 novembre 1710 - 7 septembre 1801, architecte, écrivain et peintre. Pietro a travaillé avec son professeur et un autre élève, Carlo Paolucci, pour créer la partie décorative de la galerie du Palazzo Bonaccorsi à Macerata pour ne citer que celle-ci.)
Tedeschi a peint ce portrait à Rome à un moment où la capitale était en émoi à l’annonce de la mort du saint en 1783.
“ Le portrait du Saint, une œuvre, du peintre Pietro Tedeschi.” (Pinacoteca Civica - Ascoli Piceno)
Ascoli Piceno
C’est probablement sur commande que le peintre exécuta cette représentation du saint. L’artiste Pietro Tedeschi aurait selon toute vraisemblance peint ce tableau pour le couvent Sant’Angelo Magno d’Ascoli Piceno. Le monastère, qui en était le propriétaire et dont l’origine remonte au IXe siècle, était à l’origine une fondation lombarde dédiée à l’archange Saint-Michel. Aujourd’hui, il est exposé au milieu d’une collection artistique remarquable, avec plus de 800 tableaux hébergés dans l’ancien Palazzo Dell’Arengo (aujourd’hui Pinacoteca Civica), officiellement créée le 4 août 1861, grâce à deux artistes d’Ascoli Piceno, Giorgio Paci (1820-1914) et Giulio Gabrielli (1832-1910). Les deux artistes ont puisé ces œuvres dans les galeries de tableaux du monastère de Sant’Angelo Magno, de San Domenico et des Jésuites. Elles sont ensuite devenues propriétés
municipales à la suite de la suppression des ordres religieux, décrétée par le préfet Valerio en janvier 1861. Dans son œuvre, Pietro Tedeschi met en lumière le mysticisme et la pauvreté du saint ; cela transparaît au travers de détails à l’effet émotionnel incontestable. Une peinture qui apparaît aussi comme l’évocation d’un souvenir, celui de son passage dans cette région des Marches. Dans sa technique, la représentation picturale presque vivante du saint pèlerin révèle qu’elle est destiné à un sanctuaire un peu comme une icône de dévotion. Cette œuvre s’inscrit dans le contexte et la ferveur religieuse de l’époque.
Mais Ascoli Piceno est aussi célèbre du fait de la personnalité très particulière d’un ecclésiastique italien, évêque de Montalto, vice-gérant du diocèse de Rome
et fondateur des Pieuses Ouvrières de l’Immaculée Conception. Il s’agit de Don Francesco Antonio Marcucci (1717 – 1798) qui, dès 1783, influença beaucoup à la reconnaissance de sainteté saint BenoîtJoseph Labre. Le 27 mars 2010, il est reconnu vénérable par le Pape Benoît XVI. (Les Pieuses Ouvrières de l’Immaculée Conception sont une congrégation religieuse féminine enseignante de droit pontifical. Leur maison mère est à Ascoli Piceno au n° 3 de la via S. Giacomo).
L’archevêque Marcucci a joué un rôle décisif dans la reconnaissance du caractère « de sainteté » de Benoît-Joseph Labre. En effet, trois mois après la mort de BenoîtJoseph (juin 1783), Mgr. Marcucci, en tant que vice-gérant du diocèse de Rome, a confié à Dom Tommaso Gabrini, curé de l’église de S. Vincenzo et Anastasio à Trevi [Positio Super Virtutibus], la tâche de rédiger un mémoire afin d’y résoudre le problème de l’Église à savoir si l’agitation du peuple de Rome après la mort de Benoît-Joseph Labre et l’effervescence à son sépulcre étaient un phénomène spirituel ou un acte de fanatisme. L’écriture de ce mémoire eut de saintes répercussions : dès 1783, il influença positivement l’image du saint qui émergeait. La lecture de celui-ci eut raison des dernières réticences de Don Marconi, confesseur de Benoît-Joseph Labre, à rédiger la première biographie « Ragguaglio Della Vita Del Servo Di Dio, Benedetto Giuseppe Labre ». Mgr Marcucci a vu en Benoît-Joseph Labre un idéal de vie ascétique adapté à son tempérament, à sa spiritualité et contraire au matérialisme de son époque. Il a donc soutenu le mouvement populaire, suscité par la renommée de sainteté et de miracles, au lendemain de la mort de BenoîtJoseph et a pris l’initiative spontanée de sa canonisation. Il l’a considéré comme un modèle capable de faire refléter l’idéal des grandes couches sociales de l’Italie, et notamment dans les années où émergèrent les émeutes de la Révolution française. Avant que les armées françaises n’envahissent l’Italie, Monseigneur Marcucci eut connaissance des actions atroces que la Révolution était en train d’accomplir en France. Le Pape Pie VI avait invité tous les évêques de l’État Romain à accueillir les religieux et religieuses français qui avaient survécu
aux persécutions. Le 19 décembre 1792, Monseigneur Marcucci en reçut deux avec beaucoup de cordialité, qu’il intégra auprès des Pieuses Ouvrières de l’Immaculée Conception : les sœurs Francesca Duplan et Giuliana Ghigoù. Elles étaient les seules rescapées de la persécution républicaine de leur couvent de Provence. En 1796, Napoléon envahit l’Italie septentrionale et l’an suivant, l’État Pontife. Les soldats français pillèrent le sanctuaire de Lorette et ils profanèrent beaucoup d’églises du terroir.
La vie de Monseigneur Francesco Antonio Marcucci a été comme un bon terreau où la Parole de Jésus a germé et a apporté beaucoup de fruits qui durèrent dans le temps. Malgré les difficultés affrontées au XIXe siècle, d’abord avec la suppression française, puis avec l’état unitaire italien,
“Monseigneur Francesco Antonio Marcucci 1717 - 1798 a vu en Benoît-Joseph Labre un idéal de vie ascétique adapté à son tempérament, à sa spiritualité et contraire au matérialisme de son époque. Il a donc soutenu le mouvement populaire, suscité par la renommée de sainteté et de miracles, au lendemain de la mort de Benoît-Joseph et a pris l’initiative spontanée de sa canonisation”.
la congrégation des Pieuses Ouvrières de l’Immaculée Conception s’est répandue dans notre nation et dans le monde : Brésil, Philippines et Madagascar et continue à éduquer « à la bonne vie de l’Évangile » et à la culture chrétienne des milliers d’enfants, de jeunes et de familles, avec une attention spéciale à la femme. Conscientes des vertus de leur Père fondateur et témoins de la réputation de sainteté qui était en train de grandir, les Pieuses Ouvrières de l’Immaculée Conception demandèrent et obtinrent qu’il fût instruit, à la Curie Épiscopale d’Ascoli Piceno, le Procès diocésain pour la Cause de béatification et canonisation, qui se déroula du 5 mai 1963 au 26 novembre 1968. Un homme dont la pédagogie (avant-gardiste) était d’utiliser un langage clair, symbolique, qu’il réadaptait
Ascoli Piceno
Ascoli Piceno
continuellement à son interlocuteur pour le stimuler, l’encourager, le féliciter et le corriger. Il disait :
« Éduquer est comme embellir les étoiles du firmament : la personne humaine est comme une étoile qui vient du ciel et elle est destinée à revenir au ciel. Éduquer c’est comme cultiver des plantes tendres : qu’il convient de cultiver avec une main gentille, patiente et agréable. Les mains rugueuses les rompent et perdent en vain leur temps. Il convient parfois de se faire fille avec les filles pour les gagner à Dieu, avec un esprit agréable et docile. Éduquer, c’est tenter mille chemins : celui qui enseigne doit essayer mille chemins, il donne mille stimulations, il emploie mille termes, il pense mille manières et, avec une claire et différente communication, il s’adapte, il encourage, il réveille, il répète ; il emploie chaque manière pour gagner les Âmes à Dieu ».
Cet aparté sur le charisme de BenoîtJoseph Labre, l’histoire de ce tableau, ce lieu en Italie, la vie de cet homme de Dieu nous donnent l’occasion de redécouvrir ce splendide personnage en la personne de Mgr Francesco Antonio Marcucci. Il est resté longtemps dans le silence pour des raisons historiques obscures, c’est une enthousiasmante surprise, comme celle de celui qui trouve un ami et un trésor…
Le Gargano
Nous sommes dans le Sud-Est de l’italie dans le parc national situé dans le massif montagneux du Gargano. Les communes présentes sur son territoire sont : Monte Sant’Angelo,
Monte Gargano
Mais reprenons le cours de notre récit. Poursuivant son chemin, Benoît-Joseph Labre arrivera vers la fin septembre 1771 au « Monte Gargano », au célèbre « Santuario di San Michele Arcangelo », après avoir parcouru 400 km depuis son départ de Lorette. Il n’y a aucune précision sur son séjour en ce lieu et aucun souvenir concret faisant état de témoignage. Il semble avoir passé totalement inaperçu au milieu de la foule immense des pèlerins. Et seule cette tradition de son passage en 1771 est restée dans la mémoire collective de ce site de pèlerinage très visité de l’Italie. Le mont Gargano est un vaste promontoire qui ferme au nord le célèbre golfe de Manfredonia et de la province de Foggia (le golfe de Manfredonia s’étend entre Barletta et la pointe de Gargano). L’historique de ce haut lieu de pèlerinage italien rapporte 4 apparitions de l’archange saint Michel. La dernière apparition de l’archange a eu lieu plus de mille ans après la première apparition, le 25 septembre 1656. La région de Gargano fut frappée par la peste qui faisait de nombreuses victimes ; l’archevêque Alfonso Puccinelli eut recours à saint Michel avec trois jours de jeûne et prière. Le dernier jour, l’archange Michael apparut à l’évêque et déclara :
« Je suis l’archange saint Michel, celui qui utilise les pierres de cette grotte sera libéré de la peste ; bénissez ces pierres, donnez-leur le signe de la croix et mon nom ». Bientôt, les habitants du sanctuaire de Gargano furent libérés de la peste, et ceux aussi qui tenaient les pierres, connues aujourd’hui sous le nom de pierres reliques de saint Michel. Or très rapidement, non seulement la ville fut délivrée de l’épidémie mais également tous ceux qui invoquaient son intercession étaient guéris. (Gilles Jeanguenin, Le Prince des Anges Saint Michel, Pierre Téqui éditeur, Paris 2002, p. 12-13). De nos jours, le sanctuaire accueille près de 2 millions de pèlerins par an. Selon toute
vraisemblance, Benoît Labre arrive au village de Barletta début octobre 1771, mais il n’y a aucune certitude sur la date réelle. De nos jours, la ville de Barletta est bien différente de celle qu’il visita jadis. Le centre historique se situe à proximité de la mer et des anciennes murailles, s’articulant autour de la « via Duomo » (rue de la cathédrale). Le long du parcours, cette dernière va en direction de la ville de Foggia et Canosa di Puglia à l’ouest et se termine à l’est sur le parvis de la cathédrale Sainte-Marie-Majeure, d’où partent de nombreuses ruelles ; ce qui constitue le noyau urbain le plus ancien de Barletta.
“Je suis l’archange saint Michel, celui qui utilise les pierres de cette grotte sera libéré de la peste ; bénissez ces pierres, donnez-leur le signe de la croix et mon nom.”
Barletta
de lui-même à la volonté de Dieu. À Barletta comme dans d’autres églises de la région, on le voyait agenouillé, immobile pendant des heures devant le tabernacle. Il impressionnait ceux qui eurent l’occasion de l’observer à son insu. Dans cette région des Pouilles et comme dans d’autres endroits d’Europe où il
s’aventura, Benoît-Joseph Labre avait un comportement d’une telle intensité en présence du saint sacrement, qu’il transmettait aux personnes présentes une sorte « d’admiration spirituelle » indescriptible, au point d’émouvoir, et de marquer, au plus profond d’euxmêmes les gens qui l’observaient . . .
“ La Madonna di Nazaret au pied de laquelle Benoît-Joseph pria durant son séjour à Barletta”.
“Concattedrale di Santa Maria di Nazaret à Barletta construite entre 1569 et 1574 par l’évêque espagnol Bernardo De Figueroa. Elle abrite le siège de l’Ordre Equestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Au XIIe et XIIIe siècles, cette église était un point de référence important lors des pèlerinages en Terre Sainte”.
Barletta Il vagabondo di Dio
il santo francese!!!
Édifiés par sa foi, ces gens seront de ceux qui témoigneront et véhiculeront avec piété son souvenir. Souvent d’origine modeste ces témoins des premiers instants de la vie spirituelle du saint, léguèrent leurs observations par la transmission orale ; ces pages d’Histoire que nous redécouvrons aujourd’hui.
Il était « il santo francese » et dans cette partie de l’Italie, longtemps après sa mort, au cours de longues veillées devant les cheminées aux flammes crépitantes, à la lueur vacillante des bougies, il fut celui dont on évoqua les mystères et les aventures : « Il vagabondo di Dio » , le vagabond de Dieu qui vint un jour les visiter, pour certains, dans leurs villages, pour d’autres, dans leurs fermes où leurs familles dont les discussions sans fin sont entrées dans les légendes des foyers et des villages. C’est à cause de ce qu’ils ont « vu » que la « tradition » est née. Au fil des ans, ils la passèrent à la génération suivante et ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui. Cette tradition orale est un héritage culturel que beaucoup de biographes italiens ont su rapporter avec bienveillance.
(Les biographies d’Antonino Maria Di Jorio [1881], Angelico Canepa [1883], Paolo Delucchi [1885], Vincenzo Sardi [1891] qui remontent au XIXe siècle sont principalement liées à la réputation et à l’intérêt qui suivit la béatification de 1860 et la canonisation de 1881. Les plus récentes sont celles de Maria MazzeiSan Benedetto Giuseppe Labre. La lunga eco dei santi, de Silvio Menghini - Sotto gli stracci un fuoco : Benedetto Labre, un santo itinerante. De Lorenzo BracaloniIl Santo della Strada Benedetto Giuseppe Labre. Et de celle de Pier Angelo Piai - San Benedetto Giuseppe Labre. Il pellegrino mendicante di Dio).
Les textes hagiographiques de ces auteurs sont les plus belles pages de la tradition italienne des périples de saint Benoît-Joseph Labre. Pour eux, le fait est vrai et il est arrivé.
“ Tableau du saint Pèlerin, diocèse de Barletta”.
Après cette halte à Barletta, il reprit le chemin de la spiaggia dell’Adriatico . À peu de distance de Trani, il pouvait apercevoir, s’élevant tel un phare du bout du monde, la silhouette de la Basilica San Nicola Pellegrino avec sa haute tour de pierres blanchies par les brises salées de l’Adriatique.
Après cette halte à Barletta, il reprit le chemin de la « spiaggia dell’Adriatico ». Le village de Trani n’est distant que d’une quinzaine de kilomètres de là, et le bord de mer devait être alors bien différent de celui d’aujourd’hui. Autrefois, les plages n’étaient pas équipées de parasols et de chaises longues, ni fréquentées par le tourisme de masse. Il n’y avait que quelques bateaux et de rares pêcheurs. Ce fut sans doute dans ce contexte enchanteur que notre cher pèlerin emprunta cette route, où, toujours plus solitaire, il pouvait à loisir prier et contempler le charme désuet de la mer. Mais Benoît-Joseph Labre n’était pas homme à se laisser subjuguer par la beauté de ces paysages d’Italie. À peu de distance de Trani, il pouvait apercevoir, s’élevant tel un phare du bout du monde, la silhouette de la « Basilica San Nicola Pellegrino » avec sa haute tour de pierres blanchies par les brises salées de l’Adriatique. En 1771, Benoît-Joseph la découvre pour la première fois. Il apprendra par la suite, au fil des jours qu’il passera à pérégriner dans les rues des villages de cette région des Pouilles, que cette basilique renferme le tombeau d’un saint, celui de Nicolas le Pèlerin ; voilà un nom plutôt évocateur pour ce vagabond en quête d’absolu.
Pendant trois jours, il pria sur le tombeau de ce saint. Dans la ville de Trani, le souvenir de l’arc ou de l’atrium de l’église du Purgatoire où il a séjourné est toujours bien vivant.
Les habitants sont fiers de savoir qu’il a traversé la vie de leurs ancêtres au village.
On raconte que dès le premier jour où il est apparu, il est resté en prière toute la matinée jusqu’aux vêpres se prosternant avec dévotion devant l’autel du saint sacrement. Les paroissiens et le prêtre du lieu ont commencé à faire savoir partout dans la cité qu’il y avait un pauvre pèlerin qui ressemblait à un saint à Trani.
Tous allèrent le voir en cachette à la cathédrale et beaucoup voulaient en avoir un portrait ; l’un d’eux fut exécuté à la dérobée et a été longtemps conservé avec
MOLFETTA-BISCEGLIE-CONVERSANO
beaucoup de vénération dans la maison de la famille Lavecchia de Trani. Des personnalités éminentes du village lui demandèrent de venir visiter Don Nicola Termine, chanoine de la cathédrale, qui était très gravement malade. Cher à tous pour sa bonté, ce bon prêtre semblait arrivé au terme de sa vie. Le saint pèlerin aurait alors accepté de le rencontrer, et s’adressant à lui avec des mots tendres et aimants, lui révéla cette parole prophétique : « D’ici huit jours, vous serez chez vous en paradis ». En fait, le huitième jour, il est passé de la souffrance de la maladie à une vie meilleure. Ce fait ne fut jamais oublié et longtemps après sa mort en 1783 et les nombreux miracles à Rome, il fut vénéré de tous et aimé comme un saint et un ami de Dieu à Trani. Jour après jour, un pas après l’autre, « un passo dopo l’altro », il ira prier à Bisceglie sur la chasse des Saints Martyrs « Santi Martiri di Bisceglie », puis à Molfetta dans le sanctuaire de Notre-Dame des Martyrs et de Saint-Conrad « San Corrado di Molfetta ». Cette cathédrale a été bâtie au XIIe et XIIIe siècles pour la foule des pèlerins qui sillonnaient la côte adriatique pour se rendre à un port d’embarquement vers la Terre sainte. Ce sont les marins de Molfetta qui ont choisi la vierge des Martyrs comme patronne, à qui ils confient leur vie à la merci de la mer. Dans cette cathédrale, Benoît-Joseph Labre pria de l’aube au soir, avec une attitude et une affection toujours plus ardente pour la « Madonna dei Martiri di Molfetta ». Il donna à ses habitants qui l’observaient un spectacle de piété, de douceur, d’humilité, de patience et de charité. Toutes distantes de quelques kilomètres les unes des autres, il a visité des fermes, rencontré des familles, honoré de sa fervente prière d’autres églises et sanctuaires tels celui de « la Madonna Fonte di Pietà » dans la ville de Conversano. À Bitetto, à la « Chiesa di santa Maria la Veterana », et au village de Giovinazzo, il viendra prier devant l’icône de la « Madonna di Corsignano ». Sans doute
avait-il été attiré par la légende de l’icône sacrée. La tradition populaire qui a été transmise raconte que : « L’année 1187, les chrétiens sont malheureusement vaincus et Jérusalem est prise par Saladin le 2 octobre : le massacre est immense, et ceux qui peuvent échapper à la mort s’enfuient, emportant avec eux beaucoup de reliques sacrées. Parmi les réfugiés de Terre sainte, il y avait un croisé, le capitaine français du nom de Gereteo, qui, après un long voyage en mer, a atterri à Brindisi, d’où il a poursuivi son voyage pour retourner dans sa patrie. Il s’arrêta à la ferme Corsignano située dans la campagne de Giovinazzo. Le croisé raconta l’énorme massacre que les armées de Saladin avaient fait des chrétiens. Il avait sauvé et rapporté avec lui une peinture de la Vierge à l’enfant réalisée sur une planche de cèdre, et, dans l’intérêt d’un homme pieux, afin, peutêtre, de rendre l’attention pour les soins qu’il reçut, le croisé a donné au curé du village de
Madonna dei Martiri di Molfetta”.
“ Le tableau du saint au village de Conversano”.
Giovinazzo la peinture de la Vierge. Pendant de nombreux siècles, la peinture a été exposée dans l’église de la ferme Corsignano et a été vénérée pour les nombreux miracles qu’elle a opérés. Son culte grandit de plus en plus, à tel point que le troisième dimanche d’août 1388, elle fut proclamée solennellement patronne de Giovinazzo ». La ferme Corsignano fut détruite par le terrible tremblement de terre qui secoua la région le mardi saint 20 mars 1731, vers quatre heures du matin. Suite à cet événement, les habitants firent transporter avec une grande solennité l’image sacrée sur le maître-autel de la cathédrale de Trani.
À celui qui sait l’interpréter, parce que réticente à révéler ses secrets aux sages et aux intelligents, « la tradizione orale del Pellegrino Benedetto Giuseppe Labre » est d’abord une oraison, une prière qui s’élève avant d’être un récit. Un chemin
où il espère, pense et croit en toute liberté, un itinéraire par choix ou par destin providentiel, un pèlerin, un « étranger », un homme « venu d’ailleurs », ayant choisi de « demeurer » avec l’espérance des Évangiles.
Des intellectuels, des poètes et des écrivains salueront bien plus tard ses pèlerinages ; ils souligneront ses angoisses, son détachement, sa foi et son espérance, et pour d’autres son inutilité. Ils écriront de magnifiques textes à son sujet. Mais le plus beau récit hagiographique de son histoire restera pour toujours celui de ces petites gens, ses amis, qui, avec la simplicité de leurs mots ont éprouvé le besoin de rendre compte de tout ce qui se présentait à eux. La tradition orale colporta ses légendaires aventures en Italie et 274 ans après sa naissance, Benoît-Joseph Labre
“ Icona Madonna dei Martiri di Molfetta”.
Maria SS. di Corsignano Protettrice di Giovinazzo
BITETTO-GIOVINAZZO
IlPellegrinodellaMadonna!
retrouve sa jeunesse sous le charme de ces récits. Ne nous laisse-t-il pas y entrevoir un peu de son mystère ? Il pérégrine dans la vie des vieux villages, des vieilles églises, des vieux chemins
de traverse, un peu comme une légende où le Bon Dieu, déguisé en pauvre, entre dans l’intimité des familles avec sa bonté, ses exigences et ses espérances.
De la charité de Bari... au saint protecteur des cordonniers d’Andria
Benoît-Joseph Labre arriva à Andria puis Bari vers la fin du mois d’octobre 1771 et se disposait à partir, dit-on, en direction de Naples, lorsque ses intentions changèrent. Malade et exténué par une ascèse alimentaire qu’il s’efforçait de vivre au quotidien et qui détériorait sa santé à petit feu, « il me faut peu ! » disaitil, « Le surplus n’est bon qu’à préparer une plus grande pâture aux vers ». Il décida de rester quelques jours dans la région, errant notamment dans les campagnes avoisinantes puis dans la ville d’Andria, (à 60 km de Bari) au sanctuaire Santa Maria Dei Miracoli, site de pèlerinage important dont la renommée avait attiré le pèlerin assidu à la « Mater Dei ».
Benoît-Joseph Labre est bien différent des autres pèlerins. Sa mobilité n’a certes rien d’exceptionnel, errant dans les principaux sanctuaires de la chrétienté, qu’il partage avec la population vagabonde que composent, sur les routes d’Europe, des milliers d’hommes et de femmes revêtus, pour plus ou moins longtemps, de l’identité de pèlerins. (Voir Pèlerins et pèlerinages dans l’Europe moderne de Philippe Boutry, Dominique Julia, European University Institute. Dept. of History and Civilization École française de Rome, 2000)
Ce qui le différencie, c’est son comportement tout à fait particulier :
l’humilité et le caractère exigeant de Benoît-Joseph le poussaient à fuir les honneurs et l’estime des peuples. De lui se dégageait une certaine attitude habitée par des sentiments bienfaisants. Il semblait baigné au quotidien d’une sorte « d’aura mystique » (des témoins, notamment à Rome, lors de l’instruction de son procès en vue de sa béatification souligneront cette étrange « aura »).
Dans les villes de Bari et d’Andria, il est resté suffisamment de temps pour imprégner son histoire dans les mémoires de ces villes, et de toute évidence, il aurait peut-être pu y passer inaperçu si cette singularité n’avait attiré l’attention sur lui. Sa tenue vestimentaire et sa personne complètement absorbée par une profonde intériorité, sa chevelure abondante, rejetée en arrière, lui donnait l’aspect d’un vagabond, chez qui on décelait pourtant une certaine noblesse d’où émanait une douceur et une lumière indéfinissables.
Ce qui frappait le plus dans son visage, c’était son regard lointain, tour à tour pensif et présent, plus souvent pensif. Son petit nez, son teint pâle, ses lèvres minces et blêmes, sa démarche lente mais sans nonchalance semblaient surréalistes à quiconque le rencontrait pour la première fois.
ANDRIA
La tradition qui va suivre est celle de ces deux villes, Andria et Bari, rapportée d’abord dans la biographie de Dom Antonio Maria di Jorio en 1881, prêtre augustin, membre de l’Université pontificale de Florence. « Vita virtù doni e Miracoli di san Benedetto Giuseppe Labre ». Largement commentée par la presse et la ténacité d’un historien local, monsieur Nicola Montepulciano, érudit et amoureux de l’histoire locale de la ville d’Andria, qui fit renaître cette tradition inscrite dans les annales de la basilique « Santa Maria Dei Miracoli di Andria ». En effet ici, le souvenir de son passage a été conservé et en 1786 le Chapitre de la « Cattedrale di Santa Maria Assunta »
a exposé au Saint-Siège le désir de sa béatification, à cause de la connaissance de faits témoignant de ses vertus et de ses mérites. Depuis qu’il avait quitté définitivement son village d’Amettes (samedi 12 août 1769), au cours de son existence de pèlerin, sa vie fut mille fois exposée à toutes sortes de périls. Il en fera parfois l’amère expérience. (Insultes, coups et séjour en prison). Malgré les mésaventures rencontrées au cours de ses voyages, il restait imperturbable à ce qui pouvait lui arriver. Totalement habité par une confiance quasi proverbiale en la Providence divine, il poursuivait sa route. La Providence, quant à elle, le protégea en plusieurs occasions.
Ces événements sont connus des historiens français, mais beaucoup moins dans leurs détails. Ils relatent de faits arrivés à Benoît-Joseph Labre en 1771 dans la ville d’Andria. Beaucoup de biographies racontent une partie de cette histoire, mais de façon incomplète. Tous ont situé ce récit dans la ville de Bari. Cependant, la tradition italienne témoigne que cet épisode de sa vie se passa à Andria et non à Bari. Voici cette tradition : Dans la cité d’Andria, Benoît-Joseph Labre passait les jours à sa manière de l’aube au crépuscule. C’est à la porte de l’abbaye bénédictine Santa Maria dei Miracoli, qu’il reçut de la soupe et du pain pour se nourrir durant son séjour. Il dormait certains soirs sous les arcades de la basilique du sanctuaire. On le voyait dans les églises, les chapelles et les cimetières de la ville. Un peu partout, il édifiait par sa douceur, sa charité, sa patience et sa foi. Durant toute la durée de sa vie, il ne se lassa jamais de faire le bien. A ses yeux, le bien gratuit et désintéressé de la charité était le devoir du chrétien.
Dans la cité d’Andria, tant de droiture dans la foi, quelque peu ostentatoire, devait bien évidemment et immanquablement trouver son contraire. Un jour remontant dans l’une des rues de la cité, il fut exposé aux insultes de jeunes voyous qui tournaient en dérision ses longues prières et ses contemplations assidues. L’un d’eux, plus hardi que les autres, s’approcha de lui. Ce n’était que pour mieux singer sa démarche et ses gestes afin de le ridiculiser. Des insultes grossières lui étaient lancées,
proférées par une bande de jeunes voyous, lesquels se sentaient appuyés par un dénommé Michael, les incitant par des cris frénétiques, à se saisir de pierres qu’ils lancèrent par pleines poignées. L’une d’elles, plus grosse que les autres et lancée par ce Michael, vint frapper Benoît-Joseph Labre qui chancela ; la pierre provoquant une blessure importante à la cheville d’où le sang jaillit. La tradition nous dit « qu’il ramassa la pierre, l’embrassa et la déposa contre un mur sans même se retourner ». Pendant ce temps, un maître cordonnier nommé Luigi Ricciardi, pour observer et comprendre l’effervescence et la cause des cris des enfants qu’il entendait, sortit de son échoppe par une petite porte qui donnait sur la rue. Là, le cordonnier, regardant la scène, comprit très vite ce qui venait de se passer à la vue de Benoît-Joseph Labre qui saignait. En colère, il bondit au beau milieu de ces petits vauriens et les fit rapidement détaler à la vitesse du vent. Puis il insista pour que Benoît-Joseph entre dans son échoppe mais il lui répondit avec un visage rayonnant de paix : « Ce n’est rien, ce n’est rien : Maître, ne soyez pas désolé ! ». Le maître cordonnier insista et Benoît-Joseph se résigna. Le brave cordonnier le fit s’asseoir sur un petit tabouret de bois à trois pieds et examina sa blessure avec soin ; l’entaille était profonde. Luigi nettoya la plaie et y appliqua un onguent puis banda sa cheville. Avant que le saint pèlerin ne reparte, il lui proposa un verre d’eau fraîche et l’accompagna au dehors. Le saint pèlerin le remercia de l’avoir soigné aussi chaleureusement. Puis il
reprit sa route. La « leggenda andriese» raconte que Luigi Ricciardi a ainsi vécu près de cent ans, récompensé par Dieu pour son acte de charité, de générosité envers Benoît-Joseph Labre. Jusqu’à ses dernières années, le maître cordonnier a loué la douceur et l’humilité de cet étrange pèlerin en transmettant et diffusant la tradition de sa vie parmi les citoyens d’Andria. Rappelant sans cesse cette parole de l’Évangile : « Et quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à
l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense ». (Mathieu 10-42)
En revanche, Michael, le jeune téméraire qui avait blessé Benoît-Joseph est décédé quelques jours plus tard. S’adressant aux personnes présentes avec une douce sérénité, Benoît-Joseph a dit : « Rien, rien pour moi : priez pour ce malheureux qui en a tant besoin » ...
“ Andria, le tableau du saint au sanctuaire Santa Maria dei Miracoli ”.
ANDRIA
L’histoire aurait très bien pu s’arrêter là, mais ce serait sans compter sur l’action de la Providence. Rappelez-vous, elle n’est jamais bien loin de Benoît-Joseph. Après ses mésaventures avec cette bande de vauriens, il passa le reste de la journée à prier dans la cathédrale au pied de la Madone. Puis à la nuit tombée, lorsque le sacristain sonna l’heure de la fermeture, il s’en alla, prit la direction de la « via Arco Marchese » et s’arrêta sous une arche (aujourd’hui disparue) pour y passer le reste de la nuit en prière. Le lendemain, il voulut visiter l’église « San Nicola » (Piazza S. Nicola à Andria), mais le sacristain, voyant ses vêtements déchirés et usés, au lieu de tomber dans la compassion, le chassa méchamment en lui donnant une gifle et en lui disant : « Va travailler puisque tu es jeune !! ». Mais le chanoine Dom Andrea Jannuzzi réprimanda sèchement le sacristain et s’approcha du pèlerin pour lui poser plusieurs questions. Il apprit de cette façon qu’il était français, qu’il visitait les sanctuaires pour trouver sa voie et c’est ainsi que le chanoine fut convaincu d’avoir devant lui un chrétien, chercheur de Dieu. Évidemment, Dom Andrea Jannuzzi, en faisant abstraction de son aspect extérieur (vêtements en lambeaux, maigreur et mauvaise hygiène corporelle), perçut sa beauté extérieure (on dit que Benoît Labre avait un visage lumineux) et sa beauté intérieure (la sainteté du jeune homme). Apercevant l’état pitoyable de ses chaussures, il l’emmena avec lui et lui fit faire, par le cordonnier de la famille, Domenico Garbetti, une paire de chaussures adaptée aux voyageurs ; celles qu’il portait étaient un semblant de chaussures. Le jeune Français revint deux jours plus tard pour prendre les chaussures, mais au lieu de les enfiler, en remerciant le bienfaiteur, il les plaça dans sa misérable besace. Il avait décidé de ne pas porter de nouvelles affaires parce qu’elles étaient contraires au vœu de pauvreté qu’il avait embrassé. Il rencontra dans la « Via San Bartolomeo » une femme aux pieds nus et lui dit avec compassion : « Sœur, tu en as plus besoin que moi, prends ces chaussures ». La femme, étonnée de recevoir autant d’un miséreux, pensa à vendre les chaussures ; elle avait tant besoin d’argent. Mais elle
les proposa à celui qui les avait faites, c’est-à-dire Garbetti. Celui-ci s’exclama : « Voilà ce que ça donne de faire du bien à des vagabonds ». La femme dit en rougissant : « Il ne me les a pas vendues, il me les a données par charité et je les vends par nécessité ». Garbetti, surpris, raconta l’événement au chanoine Jannuzzi, qui en mettant la main au front, répétait : « Je l’ai dit que ce jeune homme était un saint ! Je l’avais vu clairement à son visage ». Don Jannuzzi le chercha dans toute la cité et après l’avoir retrouvé, le conduisit chez lui et demanda à sa sœur de « lui faire de bons bouillons le temps de son séjour à Andria afin de reprendre du poids et des forces ». Mais le jour suivant, il ne parut pas. Andria, qui lui était devenue chère parce qu’il y avait été maltraité au nom de Jésus, lui devint fatale parce qu’il commençait à recevoir les honneurs et les vénérations qu’il refusait. L’histoire des chaussures, connue en quelques heures, lui avait valu l’émerveillement et l’estime de toute la ville. De nos jours, on considère saint Benoît-Joseph Labre comme protecteur des cordonniers d’Andria parce que Luigi Ricciardi, maître cordonnier, qui l’avait défendu, soigné et restauré, méritait la récompense d’une très longue vie, tandis que Domenico Garbetti lui avait fabriqué des chaussures et avait raconté l’histoire au chanoine Jannuzzi, ce qui contribua à confirmer la sainteté qu’il avait ressentie.
La région des Pouilles est une terre riche de traditions folkloriques. Elle fut un temps le passage obligé des Croisés vers la Terre sainte. Elle met dans chacune de ses traditions une touche de religion mêlée au caractère typique de la culture rurale. Le sanctuaire de la « Madonna dei Miracoli », qui avait la préférence de BenoîtJoseph, est le reflet de cette culture. Situé « Piazza San Pio X » et communément appelé « Madonna di Andria », le sanctuaire s’articule sur trois niveaux : la grotte, la chapelle de la crucifixion et la basilique supérieure. Dans la grotte, il y a une image de la Vierge à l’enfant, considérée comme miraculeuse, couronnée de douze étoiles (représentant les douze apôtres), le soleil à droite (représentant le Christ) et la lune à gauche (représentant la Vierge elle-même). Ce court séjour a suffi à cet éminent pèlerin pour impressionner les peuples par sa foi et sa charité. Ils l’ont vu dans toute la région et se vantent de l’avoir eu pendant quelques jours comme concitoyen.
“Eglise San Nicola di Myra à Andria”
“ Le Maître cordonnier Domenico Garbetti dans son échoppe”.
Santa Maria Dei Miracoli di Andria
les proposa à celui qui les avait faites, c’est-à-dire Garbetti. Celui-ci s’exclama : « Voilà ce que ça donne de faire du bien à des vagabonds ». La femme dit en rougissant : « Il ne me les a pas vendues, il me les a données par charité et je les vends par nécessité ». Garbetti, surpris, raconta l’événement au chanoine Jannuzzi, qui en mettant la main au front, répétait : « Je l’ai dit que ce jeune homme était un saint ! Je l’avais vu clairement à son visage ». Dom Jannuzzi le chercha dans toute la cité et après l’avoir retrouvé, le conduisit chez lui et demanda à sa sœur de « lui faire de bons bouillons le temps de son séjour à Andria afin de reprendre du poids et des forces ». Mais le jour suivant, il ne parut pas. Andria, qui lui était devenue chère parce qu’il y avait été maltraité au nom de Jésus, lui devint fatale parce qu’il commençait à recevoir les honneurs et les vénérations qu’il refusait. L’histoire des chaussures, connue en quelques heures, lui avait valu l’émerveillement et l’estime de toute la ville. De nos jours, on considère saint Benoît-Joseph Labre comme protecteur des cordonniers d’Andria parce que Luigi Ricciardi, maître cordonnier, qui l’avait défendu, soigné et restauré, méritait la récompense d’une très longue vie, tandis que Domenico Garbetti lui avait fabriqué des chaussures et avait raconté l’histoire au chanoine Jannuzzi, ce qui contribua à confirmer la sainteté qu’il avait ressentie.
La région des Pouilles est une terre riche de traditions folkloriques. Elle fut un temps le passage obligé des Croisés vers la Terre sainte. Elle met dans chacune de ses traditions une touche de religion mêlée au caractère typique de la culture rurale. Le sanctuaire de la « Madonna dei Miracoli », qui avait la préférence de BenoîtJoseph, est le reflet de cette culture. Situé « Piazza San Pio X » et communément appelé « Madonna di Andria », le sanctuaire s’articule sur trois niveaux : la grotte, la chapelle de la crucifixion et la basilique supérieure. Dans la grotte, il y a une image de la Vierge à l’enfant, considérée comme miraculeuse, couronnée de douze étoiles (représentant les douze apôtres), le soleil à droite (représentant le Christ) et la lune à gauche (représentant la Vierge elle-même). Ce court séjour a suffi à cet éminent pèlerin pour impressionner les peuples par sa foi et sa charité. Ils l’ont vu dans toute la région et se vantent de l’avoir eu pendant quelques jours comme concitoyen.
“ Andria, la Via Arco Marchese...”
“Benoît-Joseph Labre passa le reste de la journée à prier dans la cathédrale au pied de la Madone. Puis à la nuit tombée, lorsque le sacristain sonna l’heure de la fermeture, il s’en alla, prit la direction de la « via Arco Marchese » et s’arrêta sous une arche pour y passer le reste de la nuit en prière”.
Andria, la Via Castel del Monte...”
“
San Nicola di Bari
Après ses aventures à Andria, il atteignit la ville de Bari. Les nombreuses fermes de la région de l’endroit se targuent de l’avoir eu comme invité. On sait que les capucins de Rutigliano, dans l’église desquels on vénère un crucifix miraculeux, l’ont logé comme confrère franciscain et ont conservé longtemps la mémoire de son passage au « Monte dei Poveri » (Rutigliano est un village situé à 20 km de Bari).
Benoît-Joseph Labre arrive dans la ville portuaire de Bari, errant comme à son habitude dans le labyrinthe des rues étroites entourant la « Basilica di San Nicola de Myra ». Son nom est inscrit dans le catalogue de l’hospice des Pèlerins, où il a été accueilli le 31 octobre 1771. Il déclara : « Tout ce qu’il me faut, c’est un lieu à couvert, pour y prendre un repos nécessaire ». Ensuite, on le vit souvent prier avec ferveur dans la basilique Saint-Nicolas de Myre.
“Bari, le plus long front de mer d’Italie”.
“Basilica San Nicola di Bari”.
BARI
De l’ouverture à la fermeture, à genoux devant l’autel de la Vierge ou du grand évêque protecteur de la cité, saint Nicolas de Myre. Benoît-Joseph Labre, par son attitude de recueillement, faisait penser à ces anges de marbre placés en acte d’adoration sur les côtés du Tabernacle. Quand venait l’heure de la prière solennelle du soir (vêpres), il se mettait à chanter les psaumes d’une voix pleine, douce, chaude et harmonieuse. Une telle ferveur d’oraison, animée par le plainchant, ne pouvait manquer de frapper les paroissiens de Bari qui se précipitaient pour l’observer avec émerveillement et étonnement. Depuis qu’il s’est arrêté au village, la basilique est pleine de monde à toute heure du jour et de la nuit. On prie et on chante les louanges de Dieu ; telles étaient sa prière et son intériorité.
Un jour sortant de la basilique, il passa près des barreaux de la prison du palais municipal, ému par les plaintes des malheureux détenus, dont les pleurs et les supplications qu’ils adressaient aux passants, avaient submergé son cœur. N’ayant rien que son indigence à donner, le saint pèlerin suivant l’inspiration de son cœur, fit une génuflexion, posa son chapeau par terre et le crucifix de sa poitrine dessus. Suivi d’une courte prière, il entonna le chant des litanies de Lorette de sa voix sonore et douce à l’accent français. Son chant, accompagné du geste ascendant et descendant de sa main, montrait une longue habitude dans l’exercice du plain-chant ; l’enthousiasme suscité par cet accompagnement gestuel rassemblait autour de lui une multitude de personnes, dont chacune versait une pièce dans son chapeau.
À la fin de cette longue litanie, il embrassa l’aumône récoltée comme pour remercier les généreuses personnes ayant fait acte de charité. Il distribua et partagea le fruit de cette aumône dans les paniers que les détenus gardaient suspendus avec des cordes aux barreaux de leur prison. Au dire de la tradition, certains prisonniers pleuraient.
Le lendemain et le jour suivant, BenoîtJoseph Labre a renouvelé son chant de sa voix chaude et mélodieuse, formulant des prières et des bénédictions, toutes empreintes de
“Le port de Bari situé en face de la vieille ville et du centre historique. Le quartier ancien de Bari est un enchevêtrement de ruelles qui regorge de petites églises et de monuments, étonnamment protégés par la religiosité de ce quartier populaire”.
BARI
de reconnaissance vers ces mains qui se sont tendues pour donner un peu de leur nécessaire à cette aumône faite ici avec largesse au nom de Dieu.
La foi de Benoît-Joseph Labre cherche à révéler la présence de Dieu qui se manifeste là où sa Providence lui demande d’agir. Étrange extrémité de la grâce de Dieu que d’avoir choisi d’agir par l’intermédiaire d’un pauvre indigent en la personne de Benoît-Joseph Labre. Le pauvre, qui donne l’aumône à d’autres pauvres, manifeste par cette action son obéissance à la volonté de Dieu. Devant les hommes, il témoigne que c’est le Christ lui-même qui agit à travers lui…
« Que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux ». (Mathieu 5-16)
Au matin du quatrième jour, BenoîtJoseph Labre quitta Bari et reprit sa route. En traversant le village de Conversano, il s’arrêta pour vénérer la Madone du lieu, une icône du XIIIe siècle, la « Madonna della Fonte » (protectrice de la ville). Le prêtre Don Domenico Iacobellis, un curé du lieu, le voyant allongé sur les marches de la cathédrale dans un état de profonde prosternation, s’est approché de lui et l’interrogea.
Le saint était fiévreux et faible par le manque de nourriture ; alors il l’emmena chez lui et lui donna un peu de nourriture. Puis Don Iacobellis prit soin de lui fournir une chambre pour le loger, chez les sœurs cisterciennes, qui l’accueillirent mais eurent bien du mal à lui faire accepter le lit réservé à son intention. Elles firent l’impossible pour l’aider à retrouver la santé et récupérer les forces perdues par
CONVERSANO
une ascèse alimentaire, poussée trop loin et trop longtemps. Pendant sa maladie, il voulut recevoir les sacrements de pénitence et l’Eucharistie. Le révérend Iacobellis, qui prenait soin de lui, écouta sa confession avec une grande édification, trouvant en lui une âme toute céleste et un fond de pureté angélique.
Dès qu’il eut retrouvé des forces, il s’est montré soucieux de reprendre sa vie de pèlerin, puis de se rendre en Palestine dans les lieux saints de Jérusalem. Mais Don Domenico Iacobellis qui l’avait soigné l’en dissuada par crainte de le voir détériorer davantage sa santé. Plus obéissant qu’il était… il a sans doute écouté les conseils de ce brave curé, mais n’est-il jamais allé plus loin ?...
En traversant le village de Conversano, Benoît-Joseph Labre s’arrêta pour vénérer la Madone du lieu, une icône du XIIIe siècle, la « Madonna della Fonte ». Le prêtre Dom Domenico Iacobellis, un curé du lieu, le voyant allongé sur les marches de la cathédrale dans un état de profonde prosternation, s’est approché de lui et l’interrogea.
“ L’icône byzantine de la Madonna della Fonte (la Madone de la Source) protectrice de Conversano”.
Je suis un étranger et un pèlerin
SANTA MARIA DI FINIBUS TERRAE
Nous retrouvons sa trace à « Castrignano del Capo » en novembre 1771 à l’extrémité sud de la péninsule, au sanctuaire « di Santa Maria di Finibus Terrae » ou plus communément appelé de nos jours « Santa Maria di Leuca ». Nous ne savons rien de son séjour en ce lieu.
Toutefois, le sanctuaire a immortalisé son passage en consacrant l’un des autels de l’église au saint vagabond ; au-dessus une immense peinture le reproduit priant à genoux, les mains jointes devant l’autel de la Madonna di Leuca. À ses côtés, les signes du pèlerin : le bâton et le chapeau du vagabond.
Sur le côté gauche de la toile, il y a deux anges face au saint. Le premier porte une couronne de roses tandis que le second porte un parchemin avec l’inscription : « Advena sum et peregrinus », une phrase qui cite le verset de la Genèse au chapitre 23 : « Je suis un étranger et un pèlerin ». Ce sont les mots qu’Abraham, au pays
étranger de Canaan, adresse aux Hittites pour obtenir un sépulcre où enterrer sa femme Sarah. Le tableau veut rappeler le passage du saint qui, en novembre 1771, est venu de Bari, pour y vénérer la « Madonna di Leuca ». La peinture, datée de 1897, est l’œuvre du peintre Pietro De Simone (1845 – 1920).
Dans la partie inférieure de l’autel, deux reliefs en marbre représentent les armoiries de Gennaro Maria Maselli (18341890), évêque d’Ugento de 1877 à 1890.
La présence en 1771 de « San Benedetto Giuseppe Labre » marque l’importance du sanctuaire de Leuca comme destination pour tous les nombreux pèlerins qui y marchent encore aujourd’hui…
La basilique Santa Maria de finibus terrae, « à la fin de la terre », fut fondée au début du Ier siècle par des moines, et construite à l’emplacement où, selon la tradition, l’apôtre Pierre débarqua de Jérusalem pour se rendre à Rome.
FINIBUS
Santa Maria di Leuca
Le Chemin de la Mer de 1771 s’achève ici sur le bord de mer du sanctuaire Sainte Marie de Leuca. Témoin de son passage et de sa prière, la Madone gardera jalousement son secret… La tradition orale italienne raconte et témoigne de ce Dieu transcendant qui éclaira la vie de cet homme de foi. Espérance qu’il a communiquée de sa naissance à sa mort à tous ceux qui croisèrent un jour sa route. En Italie, nul n’a oublié « Il povero di Gesù Cristo, Benedetto Giuseppe Labre ».
J’ajouterai pour terminer l’évocation de ces anciennes traditions que l’on croyait pour toujours oubliées comme appartenant à une autre époque. Quoi qu’en pensent d’aucuns, j’affirme qu’histoire et tradition sont les deux
TERRAE
faces d’une même pièce de monnaie, qui ne détient sa véritable valeur que par l’union de ses deux faces.
Saint Benoît-Joseph Labre, pèlerin en quête d’absolu, dont la pauvreté donne lieu encore aujourd’hui à un large débat, reste et demeure un mystère insondable.
Ces mots du Pape François sont à mon sens la meilleure façon de le définir. Ils sont actuels, ils sont de notre temps : « Tandis que la prière de celui qui se considère JUSTE reste à terre, écrasée par les forces de gravité de l’égoïsme, celle du pauvre monte directement vers Dieu. Le sens de la foi du peuple de Dieu a vu dans les pauvres « les portiers du Ciel ». Ce sont eux qui nous ouvriront toutes grandes ou non les portes de la vie éternelle, eux qui se
ne sont pas vus comme des patrons en cette vie, qui ne se sont pas mis eux-mêmes avant les autres, qui ont eu seulement en Dieu leur richesse. Ils sont des icônes vivantes de la prophétie chrétienne. » […] « Il écoute la prière de l’opprimé. Et bien des fois, même dans l’Église, les voix des pauvres ne sont pas écoutées, voire sont bafouées ou sont réduites au silence parce qu’elles sont gênantes. Prions pour demander la grâce de savoir écouter le cri des pauvres : c’est le cri d’espérance de l’Église. Le cri des pauvres, c’est le cri de l’espérance de l’Église. En faisant nôtre leur cri, notre prière aussi, nous en sommes certains, traversera les nuages ». (Pape François Synode pour l’Amazonie)
Frère Alexis, fl
Dieubénissemesdesseins;c’estparl’ordre desaprovidencequej’aientreprislevoyage quejefais!SaintBenoît-JosephLabre.
ousvenonsdesuivrelesquelquestraces laisséesparsaintBenoît-JosephLabre.
NAprès avoir traversé la région des MarchesavecLorette,AncôneetAscoli PicenopuisdelarégiondesPouillesaveclepromontoire duGarganoetlesnombreuxvillagessituésenbordurede lamerAdriatique.L’itinérairesetermineiciàSantaMaria diLeuca,hameaudeCastrignanodelCapodanslaprovince deLecce,leboutduboutdutalondelabotteitalienne ! SituédansleSalento(Puglia),lecapdeLeucaformel’extrémité dutalonetsymboliselafindesterres.Lesnuancesbleutéesdu cieletdelamersecombinentpouroffriràcepèlerindel’absolu uneexpérienceunique,« auxextrêmeslimitesdumonde ».Àlafin decetteannée1771,Benoît-JosephLabreatrouvésavoiecelledu renoncement,del’exiletdupèlerinage.Guidéparlaprovidencedivine, ils’achemineenfinversunpaysoùilfaitbonpourlesvoyageurs.
esPouillessontdepuistoujoursuncarrefourdes peuplespourleurpositiongéographiquestratégique, pointderencontreentrel’Occidentetl’Orient. C’estaussilepointderencontreentredeuxmers :lamerAdriatiqueetlamerIonienne.L’égliseautrefois sanctuaire,aujourd’huibasiliqueSantaMariaDe finibusterrae(Sainte-Mariedelafindumonde), uneappellationdérivantd’uneanciennecroyance selonlaquelleleterritoiresetrouvaitàlalimite detouteslesterresémergées.
LFrèreAlexis,fl
MALTE SUR LES PAS DE SAINT
BENOIT-JOSEPH LABRE
Partez à la découverte du saint vagabond de Dieu au travers des lieux emblématiques et historiques de Malte.
Ir - Rabat Chapelle San Benedittu Guzeppi Labré
Triq Fortunato Mizzi in Ir-Rabat (Victoria) - Gozo Malte
La chapelle Saint Benoît-Joseph Labre fut érigée par le Père Raymond Vella, prêtre de Ir-Rabat. Elle est située dans la rue de la République, aujourd’hui rue (Triq) Fortunato Mizzi. La chapelle est un édifice privé, construit sur l’emplacement d’une ancienne maison en ruine qui servit d’abri au saint Vagabond, tradition confiée par le Père Vella et dont il est fait mention dans la tradition maltaise. Cette ruine était l’abri que les Gozitains appelaient « Ta Lampa ». Madame Monique Mauviard disait que c’était ici l’endroit et le point central de l’histoire maltaise selon laquelle on dit (dans la tradition) qu’il y a dormi. Monique fut le témoin privilégié de la construction de cette chapelle dédiée au saint Vagabond. Elle rendait souvent visite au Père Raymond Vella pour voir l’avancée des travaux.
Pour rappel, selon les historiens locaux de la tradition maltaise, saint Benoît-Joseph Labre s’est rendu à Malte et à Gozo. Le saint aurait, lors de son séjour, visité le sanctuaire de l’Immaculée Conception de Cospicua et celui de Mellieħa, et aurait prié dans les escaliers de l’église St. John’s, rue des Marchands (Kon-Katidral ta’ San Ġwann, Triq Il-Merkanti). À Gozo, il aurait visité l’église de l’Immaculée Conception de Qala, l’église Sainte-Marie d’Ir-Rabat (aujourd’hui cathédrale), la grotte de SaintPaul et également l’église Saint-Georges à Gozo. Source : Anton F. Attard historien.
San Benedittu Guzeppi Labre’ Chapel
Le Père Raymond Vella, prêtre écouté et aimé de ses paroissiens, se dépensa sans mesure en 1987 dans un pieux projet de construire une chapelle sur un terrain appartenant à sa famille. Une construction teintée de joies et aussi de cruelles incompréhensions. C’était l’époque où nos Pères avaient dû subir le joug d’un clergé autoritaire et inflexible. La chapelle Saint Benoît - Joseph Labre de Gozo rappelle à bien des paroissiens le bonheur, la tendresse et la passion de ce prêtre-bâtisseur hors du commun. (Monique Mauviard)
Photographie: Fronton de la chapelle, le saint bénissant les fidèles.PÈLERINS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
Saint Benoît-Joseph Labre, un des personnages les plus atypiques de l’archipel maltais.
À Gozo, la ferveur populaire lui dédie une rue (Triq San Guzepp Labré) ainsi qu’une chapelle à Ir-Rabat, et tous les ans, sa fête y est célébrée le 16 avril.
Saint Benoît-Joseph Labre est vénéré dans de nombreuses régions de l’île, tout d’abord à Gozo, et bien sûr dans la capitale, La Valette (Il-Belt) ainsi qu’à iż-Żejtun, une région au sud-est de Malte.
Une vénération qui s’étend dans toute l’île grâce à la tradition populaire qui clame haut et fort qu’il traversa la mer Méditerranée depuis la Sicile pour gagner la nation insulaire et visiter les hauts lieux de dévotion mariale de l’île ainsi que la célèbre grotte de Saint Paul.
Comme vous pourrez le voir avec la tradition maltaise, plus loin dans le texte, la figure de Benoît-Joseph, qu’on surnomme d’ailleurs au début « il-Pellegrin », a quelque chose qui tient du récit des Évangiles. L’une des premières scènes de la tradition le met bien en scène lorsqu’elle le montre dans la position de l’apatride, de l’immigré, une scène située au beau milieu d’un décor champêtre de la ville de Gozo et de sa ruine nommée « Ta’ Lampa ».
Prise
Ir-Rabat (Victoria) - Gozo Malte
Plan de visite à Victoria (Ir-Rabat)
Plus loin, c’est presque une révélation avec l’histoire de “la dame riche” du village qui écrase de ses prérogatives toute personne n’étant pas de sa classe sociale. Et pourtant, elle se sublime alors entre sanglots profonds et quasi-pardon. « Mon Dieu, pardonnez-moi », dira-t-elle à la fin du récit. Cet épisode rappelle avec force que ce ne sont pas nos aptitudes sociales qui font de nous ce que nous sommes, mais les choix que l’on fait ! Bien vite, l’aventure avec le notaire Spiteri sur les marches de l’église des Jésuites à La Valette met un terme à ce que l’on croit définitif dans l’histoire maltaise de Benoît-Joseph. Et pourtant l’histoire ne s’arrête pas là. À Malte, on raconte que c’est la divine Providence qui a amené ce saint personnage jusqu’ici. Monique Mauviard disait : « Selon ce que nous ont transmis nos anciens comme mon grandpère, j’affirme que saint Benoît-Joseph Labre est venu dans l’archipel pour visiter les lieux de culte dédiés à Notre Dame, pour qui il avait une grande dévotion et il n’est donc pas étonnant que ce pèlerin soit aussi venu rendre visite au village de Żejtun. Il y a dans ce village une église privée, appartenant à une grande noblesse de l’île, la famille Testaferrata Bonici ».
Żejtun était un centre de grande dévotion à Notre Dame. Cette église est le lieu de culte privé du palais « Aedes Danielis » qui a été construit par la famille Testaferrata Bonici. Cet édifice est honoré du titre de basilique et en fait, il y a quelques années encore, la croix papale (aujourd’hui disparue) figurait sur son frontispice central au niveau du toit.
Żejtun - Malte
Il-Madonna tal-Bon KunsillŻejtun
Edifiée par le noble marquis Neriku (Enrico) Testaferrata en 1750, elle a été bénie par l’évêque Paul Alphéran de Bussan (1686-1757)* . Les membres de cette illustre famille firent la charité à Benoît-Joseph Labre en lui donnant à manger lors de son séjour en ce lieu. Cet événement ne fut jamais oublié et l’on a gardé dans cette famille une grande dévotion pour saint BenoîtJoseph Labre. C’est tellement vrai, qu’à l’intérieur de cette église, on trouve un tableau du saint Pèlerin français, œuvre du peintre maltais Guzeppi Calleja qui confirme le lien de ce saint avec cette église. (Neriku était le fils de Marju Testaferrata, le neveu de Girgor Bonici. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Manweli Testaferrata Bonici a enrichi l’intérieur de la
chapelle avec une décoration comprenant des revêtements en marbre et des peintures. C’est à cette époque que le pape Léon XIII honora la chapelle du titre de basilique. Une inscription datée du 8 décembre 1888, trouvée sur la porte principale de l’église, témoigne de cet événement).
De plus, chaque année dans cette même église, la fête de saint Benoît-Joseph Labre y est célébrée en même temps que celle de Notre-Dame du Bon Conseil.
* Il est à noter que Mons. Paul Alphéran de Bussan était un archevêque catholique français, membre de l’ordre de Saint Jean qui fut évêque de Malte de 1728 à 1757. Pour l’anecdote, son
frère Jean-Melchior Alphéran était également membre de l’ordre de SaintJean de Malte. Il se retire à l’abbaye de la Trappe à Sept-Fons, près de Moulins en Bourbonnais où il prend l’habit le 21 novembre 1743 sous le nom de Frère Joseph, et, après le décès de l’abbé Dom Vincent II Sibert (1740-1755) , il sera nommé abbé par tous les religieux et confirmé par le roi et devint abbé de l’abbaye de Sept-Fons en 1755 (Dom Joseph III Alpheran) . Il meurt le 11 août 1757 à Sept-Fons. Il est le prédécesseur de Dom Dorothée Jalloutz, Père Abbé de Sept-Fons, l’abbaye où Benoît-Joseph Labre avait pris l’habit religieux sous le nom de frère Urbain le 11 novembre 1769.
La Tradition Saint Benoît-Joseph Labre et
L’archipel maltais est situé au beau milieu de la Méditerranée, à seulement 93 km au sud de la Sicile. 98% de la population maltaise est catholique. L’archipel de Malte comprend 365 églises et chapelles .
Maltaise
L’imposante statue de Saint-Paul érigée en 1845 sur l’île de son naufrage (60 ans après J.C)
Dieu vous attend ailleurs
Chers Amis, nous voici en présence d’un élément inédit de l’histoire du saint vagabond. Ce récit inédit c’est la tradition maltaise comme source historique, elle fut racontée de génération en génération, Sur l’île de Malte elle est relaté par des historiens locaux, ce qui en fait un moment d’histoire. Ce nouveau chapitre est porteur d’éléments intéressants, qu’il s’agit ici de dévoiler au travers du processus même de sa mise par écrit et de sa diffusion.
Je vous raconte souvent des récits méconnus du saint pèlerin et venant pour la plupart de la tradition orale, des récits extraordinaires dans leurs décors, leurs drames parfois tragiques, insolites voire oubliés. Benoît-Joseph Labre est un personnage plein de contrastes et de mystères. Les récits de ses pérégrinations, très souvent lus et commentés via le site des Amis de Saint Benoît Labre, ont apporté au fil des ans une nouvelle forme d’interrogation et de discussion. Au carrefour de ces interrogations, il y a de toute évidence un grand besoin de nouvelles informations ; en ce sens, le
réseau internet offre aujourd’hui à qui veut chercher, une multitude de pistes utilisables pour ce travail d’investigation.
Les sites Web, les musées, les bibliothèques et les centres d’archives sont des répertoires dynamiques qui aident le chercheur.
Telle est la légende de saint Benoît-Joseph Labre contée à Malte…
Vous croiserez assurément sa statue, son portrait peint et son histoire dans une église, une rue de Malte ou de Gozo.
Mais je vous rappelle souvent que rien ne remplace le travail de terrain. Il faut se déplacer pour vérifier, interroger et analyser dans le contexte, tel un archéologue armé de sa truelle. Bien évidemment, mon objectif n’est pas de vous dérouter en évoquant tout ce que nous ignorons de le vie du saint pèlerin, mais bien au contraire de vous transmettre un peu d’enthousiasme sur l’incroyable diversité des pistes qu’il reste à explorer. Dans ce domaine, nous pouvons, je vous l’assure, changer les choses. « Quand une multitude de petites gens dans une multitude de petits lieux changent une multitude de petites choses, ils peuvent changer la face du monde. » pour reprendre l’expression du poète autrichien Erich Fried.
En effet, composées de leurs anecdotes, les pérégrinations du saint artésien figurent dans bon nombre de biographies ou du moins dans ses grandes lignes. Il reste tant à découvrir… et c’est heureux ! Car des dizaines, voire des centaines de ces petites histoires souvent oubliées, méprisées ou méconnues de la tradition orale viennent rappeler, montrer, nous montrer, qu’elles cachent pourtant une surprenante vérité : nous ne savons rien ou « presque ».
En voici une…
Il-Gżejjer ta’ San Pawl, en maltais, deux petites îles proches de Selmun situées au Nord-Est de Malte.Ir-Rabat
La beauté, la couleur des rues de la ville…
Pour cela, j’ai eu recours au témoignage d’une Gozitaine, madame Monique Mauviard Camilleri, ainsi qu’aux écrits de deux historiens maltais : monsieur Anton Attard et monsieur Georg Pisani. Monique a également eu accès aux archives du Révérend Fr. Nicolas Vella Apap. Toutes ses données étaient éparses et incomplètes, il m’a fallu des mois d’un travail intense pour reconstituer les éléments et les classer dans l’ordre chronologique tels qu’ils apparaissent dans la tradition orale gozitaine.
C’est cependant avec la merveilleuse narration de Monique, que je vais délaisser les grandes routes, prendre les sentiers, les chemins de traverse, pour vous conter ce qui s’est passé, il y a bien longtemps, en d’autres lieux, en d’autres temps… Peut-être fut-elle l’instrument choisi par la Providence, afin de porter témoignage d’une histoire qui lui fut transmise, et que je vous livre ici comme un hommage rendu à des œuvres utiles dans le souci de documenter et transmettre cette tradition plus ancienne que nous-mêmes et qui continuera d’être, quand nous ne serons plus. Cette histoire ne fera pas la une des biographies, mais elle émeut, surprend et donne à réfléchir. En prise avec cette parôle adressé à Benoît-Joseph Labre par le prieur de la Trappe de Sept-Fons, « Dieu vous attend ailleurs » ce récit va à la rencontre de citoyens européens et propose une plongée inédite dans la tradition, l’histoire et la culture maltaises...
Dieu vous attend ailleurs et pourquoi pas à Malte. Ainsi débute ce témoignage qui se situe au cœur des îles de Gozo et de Malte. L’archipel maltais est situé entre le sud de la Sicile (80 km) et la Tunisie ; il comprend deux îles principales toutes proches l’une de l’autre : Malte avec la Valette comme capitale et Gozo avec Victoria (Ir Rabat). Malte et son folklore recèlent de nombreuses et très intéressantes histoires et légendes. Entre autres, c’est ici que l’Odyssée d’Homère situait Ogygie, l’île de Calypso, à Gozo près de l’île de Malte. L’île de la nymphe Calypso, fille du Titan Atlas, qui aurait retenu Ulysse prisonnier pendant sept ans.
C’est aussi le lieu d’un naufrage célèbre que nous relatent les « Actes des Apôtres » au chapitre 27 et 28. L’apôtre Paul devait être emmené à Rome pour y être jugé comme rebelle politique ; le bateau qui le transportait avec 274 autres passagers fut pris dans un violent orage et fit naufrage deux semaines plus tard.
Traditionnellemente le lieu de ce naufrage est connu sous le nom d’île Saint Paul et une statue commémore encore aujourd’hui cet évènement. Dans les Actes des Apôtres, saint Luc a écrit : « Et ayant été sauvés, alors nous apprîmes que l’île s’appelait Malte. Et les barbares usèrent d’une humanité peu ordinaire envers nous, car ayant allumé un feu, ils nous reçurent tous, à cause de la pluie qui tombait et à cause du froid ».
(Le terme de « barbare » utilisé par saint Luc indique que ce peuple ne parlait ni grec, ni romain car le maltais ancien provient du phénicien).
Parmi toutes ces belles histoires… l’une d’elle, qui ne fait pas grand bruit, est associée à la visite à Gozo et à Malte, d’un pèlerin français nommé Benoît-Joseph Labre. Nul ne peut dire en quelle année il vint ici, mais chaque année à Gozo, le 16 avril.
Au-delà d’'un voyage... Un pèlerinage...
La Tradition Maltaise …
jour de la fête du saint, les Gozitains organisent une grande fête pour la célébrer dans la basilique Saint-Georges (Bażilika ta’ San Ġorg), une basilique catholique du diocèse, l’une des églises les plus importantes de Gozo.
Ce saint du XVIIIe siècle est associé à cette basilique car, selon une tradition orale ininterrompue, il y passait des heures à adorer le Saint- Sacrement. Son endroit favori dans l’église était à côté de l’autel des Saintes Âmes, où se situe aujourd’hui la statue de saint Antoine de Padoue. Il n’était pas rare que le saint fût enfermé la nuit dans l’église par le sacristain ; sa présence silencieuse était tolérée. Il faut dire qu’un mystique local, un certain fermier de Nadur, Girgor Buttigieg, passait lui aussi de longues heures devant le Saint- Sacrement de l’église paroissiale Saint-Georges, au même endroit où la tradition pieuse veut que Benoît-Joseph eut l’habitude d’adorer le Seigneur.
Dans ces îles, il est l’objet d’un culte fervent et le sujet d’une tradition pieuse que les Gozitains racontent après s’être dévotement signés par trois fois. Ce signe, il va bien sur ces paroissiens car il rappelle alors le souvenir d’actes de dévouement aussi agréables à Dieu qu’ils sont utiles aux hommes. Ils commémorent le souvenir du vagabond de Dieu et de sa dévotion.
La basilique Saint-Georges possède un beau portrait de saint Benoît-Joseph Labre, peint par un artiste inconnu en 1882, un an après sa canonisation. Sur l’autel des Saintes Âmes où Benoît-Joseph aimait prier, on avait autrefois pour habitude d’y déposer le 16 avril ce tableau. Pour des raisons de sécurité, il est placé depuis à la sacristie.
Dieu vous attend ailleurs ! Une plongée inédite dans la tradition, l’Histoire et la culture maltaises...
Monique Mauviard Camilleri
Marsaxlokk et son port de pêche. Située au Sud-Est de l’île de Malte, elle a été fondée par les Phéniciens au IXe siècle av. J.-C. Le port au fond de la baie a gardé la forme caractéristique des ports phéniciens.
Ces bateaux colorés sont appelés luzzi. Ce sont les embarcations traditionnelles maltaises. Ils ont deux petits yeux peints sur leur proue, censés les protéger et porter chance aux pêcheurs.
Il-Belt
La Valette, capitale de la République de Malte.
Valette
Pendant la « Festa », les Gozitains, venus en famille, crient l’invocation suivante en maltais: « FEJN TIDHOL IL-KARITA’
MALL- PROXXMU TRID TISSAGRIFIKA KOLLOX », (Quand il s’agit de charité envers le prochain, il faut tout sacrifier). Cette phrase n’est qu’un simple cri de prière, une invocation qui ne vous dit peut-être rien, mais ici à Gozo, elle est l’expression d’une ferveur admirable et passionnée, qui rejoint celle entendue à
Rome pour la première fois, il y plus de 239 ans, où, le 16 avril 1783, la clameur du petit peuple retentissait de ces mots: « E’ morto il Santo! E’ morto il Santo ».
Ici à Malte, c’est le même cri, la même prière populaire émanant de la multitude de gens de tous âges, de tous ordres, assiégeant pour un temps la basilique Saint-Georges, où chacun témoigne à travers lui d’un Dieu qui se donne en abondance à tous et partout !
Héritage de deux siècles de colonisation britannique, les Bow-windows de la Valette.
Statue de St. Michaël terrassant le diable à l’angle de la rue San Ġwann et Sant’ Orsla non loin de la porte Victoria de La Valette.
Une Ruine nommée Ta- Lampa
“Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne le maltraiterez pas. Vous traiterez l’étranger en séjour parmi vous comme un Israélite, comme l’un de vous; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers en Egypte. Je suis l’Eternel, votre Dieu” Lv 19, 33-34
B
U
Photos: Monique Mauviard | Traduction: Monique Mauviardla Kamra tal-Lampa “il-Pellegrin”
La Tradition Maltaise …
« Voilà bien un étranger, dont on ne sait rien, ni d’où il vient ni où il va. En rentrant je le chasse, il faut qu’il déguerpisse de mon champ ! »
Un instant plus tard, se retournant, il lui sembla que de la fumée s’élevait de l’« Andar ». Arrivé à l’entrée de Victoria, il se retourna encore et il eut l’impression que la fumée s’intensifiait, s’épaississait. Il commença à avoir des doutes et des craintes.
« Serait-ce ma récolte qui est en train de brûler ? Songea-t-il inquiet. Il fit en ville rapidement ce qu’il avait à faire avec un énorme souci dans sa tête remplie de mauvaises pensées.
Sur le chemin du retour, il lui était très facile d’apercevoir son champ. En toute hâte, il arriva en haut de la rue principale de Victoria, et de là, il constata que son champ était en feu, sa récolte brûlait réellement.
Cette fois convaincu, il se mit à courir, dévalant la pente légère de la colline, en espérant de l’aide.
« Au secours ! cria-t-il Au secours ! »
Sa voix résonna un instant de manière sinistre dans l’« Andar » désert. Puis il s’aperçut que le feu et la fumée diminuaient de plus en plus, le feu perdait de son intensité à mesure qu’il approchait de sa récolte. Il cligna des yeux, oui, c’était comme un brouillard qui s’éloignait au devant de lui.
« Comment est-ce possible ? » articula-t-il, partagé entre la panique et l’étonnement
Arrivé sur place, le fermier constata que l’« Andar », était intact, qu’il n’y avait pas la moindre trace d’incendie. S’approchant des ruines de « Ta-Lampa », il vit Benoît-Joseph Labre en prière immobile comme s’il eut été endormi dans sa posture presque irréelle ; une douce lumière semblait rayonner de lui. Les environs dégageaient une odeur fraîche d’herbe séchée ; tout était calme et silencieux.
Le fermier soupçonneux le contempla longuement et réalisa qu’il était en présence d’un saint homme. Il regretta ses soupçons et sa méfiance injustifiés envers cet étranger. A genoux, il demanda à Dieu de lui pardonner son manquement aux règles d’accueil et d’hospitalité.
Eclatant en sanglots, il s’écria :
« Pardonnez-moi Seigneur ! Je réalise toutes les offenses qu’il a subies par ma faute, je vous fais la promesse, à partir de ce jour, d’aimer mon prochain et accueillir l’étranger venu d’ailleurs, sans réticence aucune »
L’historien maltais Anton Attard relate cette tradition gozitaine dans son ouvrage « Mill-hajja ta’ l-imghoddi: taghrif folkloristiku minn Ghawdex. » (1991).
Retranscription et traduction de Madame Monique Mauviard Camilleri.
La Tradition Maltaise …
La veuve et la Minestra
Photos: Monique Mauviard | Traduction: Monique MauviardL’écuelle du pauvre La Minestra
Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. Marc 12, v 41-44
Dans tout l’archipel maltais, afin de tromper le diable, la plupart des églises possèdent deux horloges, une par clocher, suivant le plan classique des églises baroques. L’une avec l’heure réelle tandis que l’autre est erronée. Selon la légende, il s’agirait d’une tromperie pour duper le diable. Ce subterfuge a été mis en place afin que celui-ci ne sache pas l’heure réelle de la messe et vienne faire fuir les personnes se rendant à l’office. Les croyants, eux, connaissant l’heure véritable. Cette croyance est visible sur quasiment toutes les églises de l’île. Cette pratique plutôt originale marque l’attachement des Maltais à la religion chrétienne reçue de l’apôtre Paul qui, dit-on, évangélisa l’île pendant son séjour à Malte.
Le poète maltais Ġorġ Pisani (1909 – 1999) raconte qu’il existait jadis à Ir-Rabat (Victoria) une pauvre veuve dont on avait depuis bien longtemps oublié le nom. La tradition gozitaine nous apprend que, lors de son séjour à Victoria, le mendiant Benoît-Joseph Labre rencontra cette pauvre veuve. Un jour, il passa par une rue étroite près de la basilique Saint-Georges, probablement d’Il-Mandraġġ (Les rues étroites et sinueuses de la vieille ville de Victoria sont appelées Il-Mandraġġ). Il y vit une pauvre veuve, préparant devant de sa porte une traditionelle Minestra. (Une soupe populaire gozitaine)
Benoît-Joseph s’arrêta et l’observa de loin. La veuve avait à charge une famille nombreuse à nourrir chaque jour. Très pauvre, elle avait beaucoup de difficultés. Très pieuse cependant, elle allait chaque matin très tôt à l’église pour y prier. Tout en s’affairant à sa tâche, elle répétait à ses enfants les paroles de consolation qu’elle avait entendues le matin à l’église. Elles les disaient avec une chaleur, une conviction et un sentiment dont le mendiant, qui l’écoutait discrètement, fut bouleversé.
La Tradition Maltaise …
« Espérons mes enfants, disait-elle ; Dieu aura pitié de nous »
En parlant ainsi, des larmes discrètes coulèrent sur ses joues. Ainsi pour cacher son émotion, elle se mit à entonner quelques mots d’un chant religieux doux et harmonieux. Ses enfants en répétèrent le refrain après elle.
Non loin de là, Benoît-Joseph Labre les écoutait en invoquant le ciel pour ces pauvres êtres abandonnés que la Providence avait placés sur sa route.
Le mendiant s’approcha d’eux, silencieux. Il fixa un instant la table où étaient assis les enfants. Puis la veuve l’aperçut. Prise de pitié par la pâleur du visage de l’inconnu, elle s’adressa à lui en disant : « Mon pauvre, vous semblez avoir faim ! » Benoît-Joseph lui répondit qu’il n’avait besoin de rien et qu’il devait poursuivre son chemin. Mais la dame insista.
« Mais vous avez à peine de quoi vous nourrir vous et vos enfants » répondit le mendiant Elle répliqua :
« Et bien aujourd’hui je me passerai de repas, et puis il en restera bien assez pour mes enfants. Asseyez-vous, je vais vous servir »
Promptement sans dire un mot, le saint prit place à la pauvre table, la veuve mit très volontiers de la minestra dans une assiette et la lui servit.
Benoit-Joseph, silencieux, gardait les yeux baissés. La veuve lui demanda :
« Que faites-vous là ! »
Il lui répondit :
« Je suis venu prier dans la grotte de saint Paul »
Benoît-Joseph leva les yeux, la veuve fut troublée par ce regard infiniment profond. Puis il joignit les mains et dit à haute voix cette prière :
« Loués soient Jésus et Marie »
« Ô mon Dieu, vous êtes la joie pour ceux qui donnent peu, mais de bon cœur ! La grâce que vous me faites par l’aumône de cette veuve, vous rend témoignage. Faites Ô mon Dieu paraître les signes de votre amour, donnez chaque jour à cette famille la force de votre grâce, faites entrer la joie pour qu’elle succède à la tristesse de leur vie, afin qu’ils puissent Ô mon Dieu, se réjouir en toi, pendant tout le temps que tu les laisseras sur la terre. Ainsi soit-il »
Tradition gozitaine publiée dans la collection de légendes gozitaines Mill-Gzira tal-Ħolm (1995) par Ġorġ Pisani (19091999) – Patriote, Educateur, historien et grand poète gozitain.
Retranscription et traduction de Madame Monique Mauviard Camilleri.
La dame et les enfants avaient suivi avec la plus grande dévotion la prière de l’inconnu assis à leur table. Tout à coup, cependant, ils eurent grande frayeur; le saint, pourtant assis à leur table, avait soudainement disparu. Les enfants regardant dans l’assiette que leur mère avait servie au pauvre, virent à leur grand étonnement, briller de l’or et de l’argent dans la soupe. Évidemment le saint dans son infini bonté avait prévu leur future nourriture et le bienêtre aussi! Ils coururent tous pour remercier le saint pèlerin, mais il était introuvable! Aujourd’hui, nul ne sait ce qu’est devenue cette dame. Son histoire se perd dans les méandres de l’Histoire humaine. Dans leurs écrits, les différents historiens de l’île de Malte s’accordent au moins sur ce sujet ; ils font de ce processus qui relie « tradition et histoire » quelque chose ayant existé. Et par-delà les cultures, nous devons bien admettre que l’une des constantes les plus universelles de ce processus s’appelle « la foi ». Tandis que les écritures gardent sous une forme solennelle les grandes lignes de la religion, la tradition, elle, recueille les pieux épisodes qui s’y rattachent. Elle y accompagne la foi populaire du petit peuple à la recherche de la félicité parfaite des élus au paradis.
Je ne doute pas que le saint pèlerin l’aurait voulu ainsi, du moins je veux le croire, n’était-il pas lui aussi à la recherche de cette béatitude. Les épisodes de cette tradition orale gozitaine, transmis de génération en génération, sont les rayons lumineux, symbole de l’ampleur de la lumière contenue dans ce pauvre être, qui se tenait simultanément et constamment dans la proximité de Dieu. La tradition orale suit humblement les traces que l’histoire a dédaignées. Elle appartient à tout le monde ; chacun peut la lire et la relire, elle ne raisonne pas, elle parle avec simplicité, avec l’enthousiasme et l’innocence populaire que l’on retrouve bien souvent dans les « ex-voto » de nos sanctuaires. Elle est l’expression en image d’un peuple qui dit merci, merci d’être venu jusqu’à nous, merci, pour l’espoir, pour la grâce et la bonté, merci Seigneur.
« Bienheureux les pauvres, le royaume des cieux leur appartient, dit l’écriture ! Plus heureux encore ceux que Dieu a choisis pour disciple, il leur donne, même dès ce monde, des joies sans mélange, qui sont vraiment l’avantgoût des joies du royaume ».
La Tradition Maltaise …
La Tradition Maltaise …
La dame riche
L’ayant
Jésus lui dit: « Il te manque une chose; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi ». (Marc 10-21)
Il est venu ici dans l’île de Gozo et de Malte, disait Monique (dans sa lettre datée du 10 novembre 1991), et historiquement, nous savons que Benoît-Joseph Labre avait son corps couvert d’insectes. Il accepta cet état, dit-on, par mortification. La misère de ses vêtements était indescriptible. Les guenilles qui le couvraient, ne rappelaient plus que de très loin un vêtement. Usé par ses marches permanentes, il était difficile d’en reconnaître la forme. Ses vêtements étaient de couleur cendre et comprenaient un manteau long, retenu à la taille par une corde.
Des lacets maintenaient ses chaussures déchirées et ses pieds étaient couverts de chiffons et cela correspondait à son état, qui était celui de « va-nu-pieds ». Mais ce qui était le plus insupportable, c’était la très mauvaise odeur qu’exhalait son corps, et à cause de cette malpropreté, la vermine fourmillait littéralement sur le pèlerin ; on pouvait apercevoir à l’œil nu cette faune diverse qu’il transportait sur lui, des nids de poux et de puces, que volontairement il n’enlevait pas. Dans ses cheveux négligés et sa barbe, ils trouvaient une cachette idéale.
Serrée à la hanche par une vieille corde, était suspendue une écuelle, qui ne servait vraiment plus à rien, sinon à le rendre plus misérable encore aux yeux des populations qu’il croisait au cours de ses périples. Et cette image malpropre offrait un spectacle difficile à comprendre, même pour des personnes pieuses. Mais lui poursuivait tranquillement son chemin ; le regard des gens ne le touchait pas. Son existence répondait à la volonté de Dieu et il n’avait à se préoccuper de rien.
La tradition orale gozitaine raconte que lors de son arrivée à Victoria (Rabat), au cours de ses déambulations incessantes, dans la « Kamra tal-Lampa », de l’après-midi et du soir, on le voyait passer et repasser. Les habitants avaient observé sa démarche lente ; une lenteur qui prenait d’infinies précautions, afin de ne pas perdre « ses compagnons corporels ». Un jour, ils virent une de ces bestioles tomber de son corps.; Benoît-Joseph s’en aperçut, la ramassa et la remit sur lui en disant :
« Restez là, car Dieu vous a créées ainsi ! »
regardé, il l’aima...Photos: Monique Mauviard | Traduction: Monique Mauviard
Tradition Maltaise …
La Tradition Maltaise …
Reprenant son chemin par l’une de ces après-midi ensoleillés où il faisait très chaud à Gozo, fatigué, le pèlerin chercha un endroit pour se reposer un peu. Il trouva un peu d’ombre près du parapet de la clôture d’une villa appartenant à une dame très riche de Gozo. Il s’y endormit.
Cette dame, qui avait la réputation d’une misanthrope avare et intransigeante, rentrant chez elle, aperçut de loin ce mendiant endormi, à deux pas de sa porte. D’instinct, elle se mit à hâter le pas, furieuse et d’une colère si violente, qu’elle
commença à lui crier dessus, le maudissant et lui lançant menaces et quolibets. Arrivée à la hauteur du malheureux, elle trébucha de colère, le bouscula à coups de pied et l’injuria de façon sourde et haineuse en disant : « Vaurien !! Foutez-moi le camp ! » Avait-elle vociféré « Allez-vous-en ! » Allez-vous-en ! Vous allez infester ma maison de votre vermine ! » Devant cette invective furibonde, abasourdi, se relevant péniblement, le pauvre BenoîtJoseph baissa les yeux.
On pouvait voir sur sa joue la marque rougeâtre du coup de pied que lui avait asséné cette dame en furie.
Lui cependant, détournant la tête, digne et fort, fit quelques pas en avant et s’arrêta un instant immobile. Il se baissa, s’agenouilla, étendit les mains en touchant la poussière du sol, puis reprit tranquillement son chemin sans dire un mot. BenoîtJoseph Labre avait l’habitude de ce genre de désagrément. À cause de son air loqueteux, il était souvent maltraité et repoussé. Ainsi, il ne se laissa pas dérouter, ne donna pas le moindre signe de souffrance à cette dame
en colère. Pressant son crucifix sur sa poitrine, il ne la regarda même pas. Apaisée par le départ du pauvre, la dame riche ouvrit sa porte. Ce fut comme si elle réfléchissait tout en observant avec effroi que sa maison était remplie d’insectes de toutes sortes. Ça volait, grouillait et rampait partout et dans tous les sens. Elle en fut littéralement terrifiée.
Ne pouvant entrer chez elle, devant un tel désordre, se souvenant de sa colère contre cet homme allongé par terre, au bout d’un long moment, elle s’écria : « Qu’ai-je fait ! »
La Tradition Maltaise …
« Que je suis misérable ! »
Elle courut alors, courut, avec l’espoir au cœur de pouvoir rattraper le pauvre, qu’elle avait chassé avec autant de violence, disant et suppliant :
« Hé ! Je vous demande pardon ! Hé ! Pardon ! »
Elle courut le long des chemins en l’appelant. Ne le trouvant pas, des larmes commencèrent à couler sur son visage. Les yeux envahis de remords, elle continuait de courir, elle courut ainsi tout le jour restant…
Les rues du village s’évanouissaient maintenant dans l’obscurité. Elle dut se rendre à l’évidence, le pauvre avait disparu. Tout en essuyant ses larmes, la dame riche reprit la direction de sa maison. Rompue de fatigue, elle s’arrêta un instant, reconsidérant sa décision d’arrêter de chercher ce pauvre qu’elle avait chassé, mais, elle se ressaisit en secouant la tête et poursuivit son chemin de retour. Chemin faisant, elle soupira :
« Mon Dieu ! Je vous demande pardon pour ce que je viens de faire ! »
Soudain, un bruit léger se fit entendre et elle se retourna à demi, ne vit rien car la nuit tombait vite. Elle reprit sa route, puis se retourna encore une fois ; elle s’arrêta stupéfaite, le pauvre Benoît-Joseph était là à quelques mètres, immobile. Elle marcha vers lui dans l’espoir qu’il ne se retourne pas avant d’arriver à sa hauteur, tant elle avait honte de ses actes. Puis elle lui dit :
« Oh monsieur ! lui dit-elle, restez ici aussi longtemps que vous le désirerez, car j’ai compris que j’ai manqué de compassion envers vous ! »
« Vous êtes un pauvre, et je vous ai chassé, Dieu m’a punie pour cela, je vous demande pardon, ditelle en pleurant »
« Restez ! »
« Restez aussi longtemps que vous le voudrez »
Le pauvre pèlerin la regarda longuement, d’un regard qui relève et illumine, d’un regard qui pardonne et guérit.
Benoît-Joseph, prenant la parole, lui dit : « Je vous pardonne »
Lorsqu’elle retourna chez elle, la dame constata que sa maison était intacte, tous les insectes avaient disparu.
La Tradition Maltaise …
La tradition gozitaine ne nous dit pas ce qu’est devenue, cette dame. Nul ne sait qui elle était vraiment, mais cet épisode fut jugé important puisqu’il est consigné et conservé à Victoria. L’historien maltais Anton Attard le relate dans son ouvrage:
« Mill-hajja ta’ l-imghoddi: taghrif folkloristiku minn Ghawdex. » (1991)
La Tradition Maltaise …
Le Pèlerinage Maltais de Benoît-Joseph Labre
L’ayant
Jésus lui dit: « Il te manque une chose; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi ». (Marc 10-21)
Dans la journée, à Victoria, il visitait tous les sanctuaires, et souvent il allait prier dans la basilique SaintGeorges, comme nous l’avons évoqué plus haut. L’autel des Saintes Âmes avait sa préférence. Mais il parcourait aussi les rues conduisant à l’actuelle cathédrale de Gozo, située sur la citadelle, celle que les Gozitains nomment avec affection « La Matrice Church ». Elle est consacrée à « Marija Santissima Omm Alla » (sainte Marie, mère de Dieu) - Notre-Dame-de-l’Assomption. (A l’époque de Benoît-Joseph, cette église avait rang de collégiale, elle devint cathédrale en 1864 par décision du pape Pie VII lors de la création de l’évêché de Victoria).
Selon la tradition maltaise, BenoîtJoseph Labre avait dû certainement entendre parler des traditionnels pèlerinages de Notre Dame, existant depuis fort longtemps, dans les îles du brillant soleil de Malte et de Gozo et dont Malte, pour ses pèlerinages reste la plus fameuse. Ainsi lors de son court séjour dans l’archipel, il vint prier dans les lieux suivants.
À Malte, Mellieħa est un village qui surplombe la baie du même nom. Le
sanctuaire Notre Dame de Mellieħa (Santwarju Tal-Madonna tal-Mellieħa) fut jadis visité par les apôtres Paul et Luc. Ce sanctuaire consacré à Notre Dame est dédié à la naissance de Marie. Dans la grotte de l’église se trouve une icône qui selon la légende aurait été réalisée par saint Luc, lorsqu’il échoua sur l’île avec saint Paul. Cette Icône est encore vénérée de nos jours. (D’après une datation récente, sa réalisation daterait en réalité du XIIIe siècle). C’est devant cette icône que le saint pèlerin serait venu prier. La prière était à ses yeux la grâce la plus souhaitable, sans laquelle on ne pouvait réaliser aucun progrès au service de Dieu. C’est la raison pour laquelle, quoi qu’il fît, il n’arrêtait jamais de prier. Pas plus à Malte qu’ailleurs, la prière était son occupation, son « passe-temps », son repos et son ravissement. Cette très grande intériorité de Benoît-Joseph étonnait chacun par sa prière muette et ininterrompue. À Malte, les habitants n’avaient jamais vu prier de cette manière. Ressemblant à celui de Mellieħa, il vint aussi prier au sanctuaire Notre Dame de Mensija de San Gwann (Is-Santwarju TalMadonna tal-Mensija, San Gwann) qui est aussi un très ancien lieu de pèlerinage, celui de la grotte de « Tal-Mensija » à San Gwann,
regardé, il l’aima...Photos: Monique Mauviard | Traduction: Monique Mauviard
Mellieha
Un charmant village de l’île avec son sanctuaire du même nom Notre-Dame de Mellieha
Selon la légende, cette icône aurait été réalisée par saint Luc, lorsqu’il échoua sur l’île avec saint Paul en l’an 60.”
La Tradition Maltaise …
Le sanctuaire Notre-Dame-dela-Désolation de Birkirkara (IsSantwarju Tal-Madonna Tal-Herba Birkirkara). Traditionnellement, la transmission orale donne aussi ce sanctuaire comme lieu visité par la dévotion du saint pèlerin. On pense que la chapelle fut appelée ainsi après que les Turcs eurent fui Malte, en remerciement pour la grâce obtenue de la vierge de libérer Malte de l’esclavage des Sarrasins. Un autre exemple de la foi mariale des populations maltaises. Le sanctuaire a été construit en 1610, à l’emplacement
d’une église devenue rapidement trop petite pour accueillir le nombre toujours plus important de pèlerins venus adorer l’effigie de la Madonne tal-Ħerba. Dans ses périples sur le sol maltais, Benoît-Joseph évita les rencontres, prit les chemins isolés menant d’un village à l’autre. Très rapidement, bien que le mendiant mystérieux se comportât d’une manière discrète et que personne ne sût rien de précis, les gens de l’archipel maltais commencèrent à chuchoter au sujet de cet homme étrange. Ainsi à partir de ce jour, la tradition orale gozitaine était née.
Tableau du saint dans l’église des Jésuites à la Valette, rue des marchands (Triq il-Merkanti) Malte (Photographie Dennis Mifsud)
Sub-Deacon Dennis Mifsud, de l’église catholique byzantine grecque de La Valette, à Malte. Grand Prieur du Grand Chapitre de Malte de la confrérie des Chevaliers de Saint-Pierre et Saint-Paul.
La Prédiction au Notaire Spiteri
Portez les fardeaux les uns des autres : ainsi vous accomplirez la loi du Christ. Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates. Ch.6-2
On voyait dans les églises de Malte et de Gozo, une étrange silhouette. L’homme, malgré son allure de misérable, ne semblait pas avide d’aumônes. De même, on le trouvait souvent à l’intérieur de l’église, recueilli, silencieux, en prière.
C’est seulement la nuit, où, parfois, on le trouvait dormant sur les marches conduisant au porche. Plus les habitants regardaient cette figure de mendiant, plus elle faisait naître en eux des idées qu’ils ne pouvaient exprimer autrement que par des prières de ravissement. Et les murmures allaient bon train, toute la ville parlait de cet homme qui se faisait appeler Benoît-Joseph Labre. Il était français et accomplissait des prodiges, disait-on et tous en étaient intrigués. Chaque jour, ils constataient
quel amour de Dieu l’animait, ceux-là le prenaient pour un saint. C’est sans doute ce sentiment étrange qui poussa un jour le notaire Ludovico Spiteri à aborder ce mendiant très dévot à la sortie de la messe de la cathédrale Notre Dame de l’Assomption (Marija Santissima Omm Alla à Ir-Rabat).
Pardonnez-moi, Monsieur Labre, lui dit-il : - « Pardonnez-moi de vous importuner, mais on m’a dit que vous priez pour ceux qui vous le demandent, et j’aurais un requête à vous soumettre : pourriez-vous prier pour moi, afin que j’obtienne du ciel la grâce dont j’ai tant besoin »
Benoît-Joseph Labre l’écouta attentivement, puis prenant la parole, lui dit : « Pourquoi me demander de prier pour vous, pourquoi ne demandez-vous pas
Photos: Monique Mauviard - Dennis Mifsud | Traduction: Monique Mauviard« J’ai confiance en vous, on dit de vous que vous êtes un homme bon, priez pour mon épouse ».
Attendri par la supplique du notaire, il lui promit qu’il demanderait à Dieu la grâce qu’il souhaitait pour son épouse.
Benoît-Joseph Labre passa le reste de la journée en prière, et le jour suivant, à Gozo de plus en plus de gens se pressaient en
En tout cas, il semble que les prières ferventes de Benoît-Joseph furent écoutées par Dieu, du moins c’est que dit la légende… Lui n’avait pas attendu de revoir le notaire pour apprendre la nouvelle. Un matin il avait disparu, nul ne le revit à Malte.
Quant au bébé du couple Spiteri, il devait naître quelques années plus tard. Le cadeau de la Providence, les prières donnèrent au couple une jolie petite fille, elle devait être baptisée à Gozo, en la paroisse de la basilique Saint Georges, le 8 juin 1782, prénommée Rita en l’honneur de la sainte des causes impossibles, dont il fit réaliser un portrait, une toile qui existe toujours. Elle est exposée dans la petite chapelle du couvent des Pères de Saint Augustin d’Hippone-Rône, à Ir-Rabat (Victoria à Gozo). Le notaire et son épouse conservèrent leur vie durant une grande dévotion envers le saint pèlerin BenoîtJoseph Labre et envers sainte Rita de Cascia. Un an plus tard, des nouvelles venant de Rome, apprirent au notaire et à la population maltaise, que le saint qu’ils avaient connu, était mort, et les miracles se multipliaient sur son tombeau. Le souvenir de sa visite se perpétua de famille en famille, traversant le temps, tant cet homme avait un ascendant sur le petit peuple que Dieu lui avait confié. La tradition orale fut ininterrompue depuis ce jour.
Le chapitre de la sacristie de la basilique Saint Georges possède un tableau, portrait du saint en prière qui fut offert par un certain Joseph Gatt de Kerceur en 1882. (Il habitait dans les environs de sainte Lucy, dans le village du même nom). Réalisé un an après sa canonisation, ce tableau existe toujours aujourd’hui, comme marque de reconnaissance et de dévotion que ce petit peuple lui porte. Il était exposé jadis sur l’autel des Saintes Âmes, à côté de l’endroit que le saint pèlerin occupait lorsqu’il visitait cette église. (Archives du Rev. Fr. Can Nicholas Vella-Apap, 1930-2000). A Malte, on ne garde de lui que l’imperceptible souffle, siège de l’unique présence. A sa suite, tout Pèlerin de Dieu qui s’engage sur le chemin de la prière peut s’attendre un jour à être réduit à ce simple souffle qui attend le don de Dieu. Un souffle qui en même temps l’attire quasi irrésistiblement, tant sont grandes la joie et la hâte de Dieu à pouvoir se répandre dans les cœurs vraiment humbles et dépouillés. La tradition orale gozitaine reste éclairée par ce souffle. Elle porte l’espoir de nouveaux foyers d’amour et de prières qui s’allumeront au brasier que saint Benoît-Joseph Labre portait dans son cœur. Aujourd’hui comme hier, seul l’amour et la prière sont contagieux et irrésistibles.
In memoriam
C’est avec gratitude que je dédie ce numéro 16 de « Mes Chemins de Traverse » à madame Monique Mauviard, une amie de saint Benoît-Joseph Labre. Sans elle, nous n’aurions sans doute jamais connu cette belle tradition maltaise rattachée au saint Pèlerin.
Donne-leur, Seigneur, le repos éternel. Et que brille sur eux la lumière de ta face. Qu’ils reposent en paix. Amen.
En 1991, Monique s’était liée d’amitié avec l’abbé Jules Colson, ancien et regretté curé d’Amettes (1917 -2011). Dans ses lettres, elle lui confia les débuts de la construction de la chapelle dédiée à saint Benoît-Joseph Labre dans la rue Fortunato Mizzi à Ir-Rabat (Gozo), construite par le Père Raymond Vella. Monique fit un véritable travail d’historien afin de relater cette tradition et ses origines que lui avait transmises sa maman. Elle interrogea notamment les historiens maltais et parcourut leurs nombreux ouvrages. Très amie avec le Père Raymond Vella, elle rappela souvent dans ses partages avec le Père Colson « Que le saint français, Benoît-Joseph Labre, aurait bénéficié d’un séjour à Malte et à Gozo par l’intermédiaire des Chevaliers de l’Ordre de Malte qui gracieusement l’auraient emmené pour un court séjour, depuis la Sicile vers les îles de l’archipel maltais ». Nous n’avons malheureusement aucunes traces matérielle et historique des dires de Monique, mais l’interrogation reste cependant ouverte (*)… À l’époque, Monique habitait à Victoria, villa il Palm, 10 triq Fomm il-Gir. Monique est décédée 4 mois après ce cher abbé Jules Colson, le 21 avril 2012, soit 6 jours après la fête de saint BenoîtJoseph Labre, le saint qu’elle aimait tant. Une dévotion qui lui vaudra le surnom affectueux de « Il-Franċiża » (la Française).
Elle s’est éteinte paisiblement à l’hôpital Karin Grech de Malte, à l’âge de 83 ans. Elle laisse dans le deuil la communauté augustinienne et ses amis. Monique MAUVIARD (1929 – 2012), née Camilleri, veuve de Roger Mauviard, dont les funérailles eurent lieu en l’église paroissiale de Fontana (Gozo), repose dans le cimetière Sancta Maria de Victoria à Gozo. Grâce à vous Monique, cette histoire maltaise continue de se raconter, elle est maintenant inscrite pour l’éternité.
(*) La tradition sicilienne rapporte aussi cette histoire liée aux Chevaliers de l’Ordre de Malte et au séjour de saint Benoît-Joseph Labre à Malte.
Mietu fi Kristu u qed jistennew il-glorja tal-qawmien
Le temps n’a pas encore totalement effacé de la pierre cette belle énergie qui se dégage encore de ces lieux chargés d’histoire !
Ces ruines d’anciennes églises chrétiennes ou de fermes vandalisées et abandonnées sont les témoins silencieux d’une époque révolue liés à la vie itinérante en Italie de saint Benoît-Joseph Labre, existant par les écrits, les mémoires traditionnelles et collectives, les activités culturelles et les coutumes qui s’y sont déroulées.
Dernièrement j’ai retrouvé lors de mes investigations en Italie ces derniers vestiges encore imprégnés de l’histoire du vagabond de Dieu, entremêlés de riches traditions et de vies humaines qui se sont succédé en ces lieux. Ces ruines, qui vont disparaître, sont les dernières pages d’un grand livre historique.
Ces lieux de mémoire qui disparaissent... Spécialle Chemin Perdu/ Novembre2022
Bientôt, les récits locaux de ces itinérances à travers l’Ombrie et la Lombardie seront irrémédiablement perdus pour la génération future.
J’ai donc décidé de les consigner ici dans « Chemin de Traverse N° 16 » afin d’en conserver une trace pour l’Histoire, ce qui fera de ce supplément spécial une documentation historique et culturelle unique.
Ces informations permettront au lecteur de prendre connaissance des dernières anecdotes inédites de la vie itinérante de saint BenoîtJoseph Labre.
Frère Alexis,fl .
Ces lieux de mémoire qui disparaissent... Le Chemin Perdu
L’Ombrie est une région située entre la Toscane et les Marches, l’une des rares régions italiennes n’ayant pas d’accès à la mer. C’est une région verte et rurale, aux paysages vallonnés, parsemés de villages perchés au sommet de collines verdoyantes et ponctuées de rangées de cyprès, de fermes isolées au milieu de champs de blé ou d’oliveraies. L’Ombrie recèle un patrimoine d’architecture civile et religieuse admirable, un héritage médiéval de villes et villages qui s’enchaînent sur fond de ciel bleu. C’est en plein cœur de cette campagne italienne, dans ce petit village de Montegabbione où plus précisément près des ruines de l’église de la Madonna del Carmine, où autrefois saint Benoît-Joseph Labre est passé. Ainsi, à partir de 1770, toutes ses visites à Lorette et à Assise lui donnèrent l’occasion d’explorer les environs et la plupart des localités de l’Ombrie. La tradition locale affirme qu’il est passé plusieurs fois dans le petit village de Montegabbione, y laissant dans le cœur de ses villageois un souvenir impérissable. C’est une tradition que je peux aisément vous décrire, sans avoir besoin de me
L'Ombrie
livrer à de grandes recherches fastidieuses, car les données sont relatives à des évènements que tout le monde peut consulter dans les archives de ce village. Les indications que je retranscris ici sont empruntées à la tradition villageoise de Montegabbione. Ce n’est pas l’une de ces traditions contestées qu’entretiennent et qu’amplifient certains détracteurs après les avoir fait naître ; c’est ici le récit d’une vraie tradition villageoise qui s’est perpétuée de père en fils, et qu’attestaient les vieillards qui autrefois furent les témoins privilégiés de cette époque. Cette tradition bien que courte et peu précise s’est perpétuée d’âge en âge, d’une manière exceptionnelle et frappante. Une tradition populaire peut n’être pas d’un grand poids aux yeux des hagiographes français d’aujourd’hui, mais lorsqu’elle s’accorde avec l’histoire d’un village, je crois qu’elle a le droit d’être considérée comme une preuve de quelque importance… Frère Alexis, fl
Photographie: Assise la ville natale de Saint François (Umbria, Italia)
Ces lieux de mémoire qui disparaissent...
Montegabbione
Montegabbione est une commune de la province de Terni dans la région italienne de l’Ombrie, située à environ 60 kilomètres au SudOuest d’Assise et à environ 160 kilomètres de Rome.
Diocesi di Orvieto - Todi - (Umbria -Italia)
Chiesa Madonna
Texte: Frère Alexis Source : Archivio di Montegabbione - Histoire - Daniele Piselli
Madonna del Carmine
Auvillage de Montegabbione, il est une route, appelée la « Strada Provinciale 58 », qui descend du haut du village jusque dans la plaine de Faiolo. Depuis cette route, le voyageur attentif ne tardera pas à découvrir les ruines d’une vieille église. Celle-ci est bordée de grands arbres sauvages, au bas de laquelle passe un chemin qui, de nos jours, semble ne conduire nulle part. Une petite église sans intérêt et de peu de valeur artistique, dont les murs à demi effondrés sont encore accolés à une habitation depuis longtemps
abandonnée. En fait, c’est un très ancien ermitage accolé à l’église de la « Madonna del Carmine ».
Avant l’effondrement de la toiture de l’église, on pouvait encore apercevoir à l’intérieur les restes d’une abside voûtée, avec deux autels latéraux, l’un dédié à saint François de Paul, et l’autre à saint Philippe Neri. (elle est aujourd’hui désacralisée). Autrefois, il n’y a pas bien longtemps encore, un ermite vivait dans ce lieu. Le dernier à y avoir vécu jusqu’à sa mort fut le frère « Pacifico Giannelli da Jesi » (jusqu’au 13 février 1874).
Ces lieux de mémoire qui disparaissent...
Reliquaire de procession en bois et métal dorés. A l’intérieur, un médaillon avec une relique appartenant à saint Benoît-Joseph Labre.
(Diocesi di Orvieto-Todi - Umbria - Italia)À l’origine, l’ermite fondateur était le frère « Francesco da Ficulle » qui vint se fixer ici dans des temps très reculés, pour y faire pénitence. Il se vit confier la garde des lieux et le soin de trois petites parcelles de terrain qui devaient bénéficier à l’église. L’ermite y vivait dans la solitude et la prière ; sa vie érémitique y était régulière. Cependant à la demande de l’évêque, il sortait de son ermitage deux fois l’année afin de prendre les sacrements dans l’église paroissiale du village. Le frère Francesco da Ficulle prenait grand soin de son ermitage ; il y faisait célébrer la messe avec le produit de la mendicité. Des fleurs étaient disposées à l’autel et des bougies y étaient allumées continuellement chaque samedi et les jours fériés.
C’était aussi un lieu de pèlerinage connu dans les temps anciens. Les nombreux pèlerins couverts de poussière et harassés de fatigue savaient trouver en ce lieu le gîte et le couvert avant de reprendre leur route vers le sanctuaire d’Assise (Assise n’étant distante que d’une soixantaine de kilomètres de Montegabbione) . Bon et généreux, le frère Francesco accueillait avec bienveillance ces hôtes de passage. Sur toutes les routes qui conduisent à Assise, on pouvait y rencontrer ces pèlerins isolés vêtus pauvrement et en quête de Dieu. À cette époque, les chemins étaient difficiles, les contrées à traverser assez stériles et dépeuplées, et pour éviter les brigands qui infestaient les routes, beaucoup abandonnaient les grandes voies de circulation pour
suivre des chemins de traverse réputés plus tranquilles comme cette route de Montegabbione.
Dans cette foule hétéroclite de pèlerins, il en avait un de très particulier et qui fut l’ami et l’hôte privilégié du frère Francesco. Ce pèlerin n’était autre que BenoîtJoseph Labre et l’histoire du lieu nous dit qu’il visita plusieurs fois la région et qu’il rendit souvent visite à l’ermite de Montegabbione. Il y vint pour la première fois au cours de l’année 1770. (En 1770 Benoît-Joseph avait 22 ans et à son arrivé à Assise, il venait de faire son premier pèlerinage à Lorette. La date du mardi 6 novembre 1770 est visée sur son acte baptistaire, et il était resté une semaine.) .
Benoît-Joseph Labre était à Assise, patrie du célèbre « poverello » , le dimanche 18 novembre 1770. Après avoir satisfait à sa dévotion par l’approche des sacrements, il demanda à être reçu dans l’Archiconfrérie du Cordon de saint François par le Père Temple, lui-même franciscain, le mardi 20 novembre 1770. Ensuite, il quitta Assise, un dimanche, le 25 novembre 1770. Nous avons un aperçu de ces dates d’après deux signatures apposées le jour de son départ sur l’acte baptistaire qui lui servait alors de passeport.
Benoît-Joseph Labre partit d’Assise pour rejoindre Rome en se détournant comme à son habitude des grandes routes ; il prit les sentiers solitaires… et tout naturellement celui qui passe par le village de Montegabbione.
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Pendant le voyage, il a eu une lumière intérieure si vive sur la vocation qui lui était réservée, qu’il n’en a plus jamais douté. Il disait comme saint Alexis: “ Nous devons abandonner notre patrie et nos parents, pour mener une vie nouvelle, au milieu du monde, en Pèlerin visitant les sanctuaires catholiques les plus célèbres”.
( Don Luca Roveda )Les chemins de traverse ralentirent sa marche et le début du mois de décembre 1770 était arrivé avec ses intempéries ; les chemins menant à Rome étaient devenus impraticables et il dut trouver refuge pour la première fois auprès du frère Francesco. Personne ne sait combien de temps il y resta, mais nous savons qu’il était à Rome le lundi 3 décembre 1770. (Cette date est sans ambiguïté, elle est visée à l’hospice Saint Louis des Français sur le même acte baptistaire. La distance entre Lorette est Assise est d’environ 190 km. Entre Assise ety le villag de Montegabbione d’environ 60 km. Et le village de Montegabbione vers Rome d’environ 160 km. Un périple de près de 410 km).
À Montegabbione, la tradition rappelle avec beaucoup de ferveur que le saint Vagabond (décédé en 1783) s’y est arrêté à plusieurs reprises et était l’invité de l’ermite Francesco da Ficulle. Mais elle rappelle aussi un évènement qui fut consigné dans les annales ecclésiastiques de la région. Ainsi, une nuit, le frère Francesco vit arriver son ami Benoît-Joseph Labre, qui comme à son habitude, se dirigea directement vers l’église en passant par l’escalier. L’ermite, soucieux de lui faire bon accueil, lui prépara un repas, mais voyant qu’il s’attardait à l’église et ne
revenait pas, frère Francesco partit à sa recherche. Grande fut sa consternation quand il s’aperçut que l’église était vide et que les portes étaient verrouillées de l’intérieur, comment avait-il pu entrer ? Le frère n’avait pas rêvé, il l’avait pourtant aperçu montant l’escalier, il en était certain. Nous étions le soir du 16 avril, le mercredi saint de l’année 1783, un peu après le coucher du soleil vers huit heures…
Les jours suivants à Montegabbione, l’étonnement du frère Francesco fut grand et augmenta encore quand il apprit par la clameur venant de Rome que Benoît-Joseph Labre était mort le soir même au domicile d’un boucher romain nommé Zaccarelli, et que les foules pleines de vénération allaient criant “é morto il Santo !” clameur s’amplifiant dans toute l’Italie pour cet illustre saint dont il garda fidèlement le souvenir tout le reste de sa vie.
Nul ne sait à quel âge est décédé le frère Francesco da Ficulle, mais une date dans les archives nous apprend qu’il était encore en vie lors de la visite pastorale que fit Mgr Giovanni Battista Lambruschini (1807-1825) à l’ermitage, le 18 juin 1818.
Reliquaire médaillon en métal argenté avec cadre en volute et anneau apical. A l’intérieur, sur tissu, est conservée la relique appartenant à saint Benoît-Joseph Labre. (Diocesi di Orvieto-Todi - Umbria - Italia)
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L’Église Madona del Carmine est au nombre de ces églises devant lesquelles le voyageur d’aujourd’hui passe sans s’arrêter. La déchristianisation a ici rempli son œuvre, c’est le pourquoi de son délabrement.
Cette petite église n’est aujourd’hui qu’un bâtiment anonyme voué à disparaître et pourtant, je dois l’avouer, ce lieu en ruine porte encore en lui-même les traces de son histoire. Ce qui a donné aux pierres elles-mêmes ce dénuement qui recouvre de nos jours ses ruines comme un manteau en haillons, un peu comme celui, qui jadis couvrait la pauvre « carcasse » du saint pèlerin.
Lentement, la Chiesa Madonna del Carmine sombre dans l’oubli. Autrefois sanctuaire où des pèlerins et des saints sont venus prier avec respect, elle n’abrite plus aujourd’hui que des herbes folles et des amas de pierres auxquels nous pourrions apposer l’épitaphe
suivante tirée du livre de l’Apocalypse (14,12-13) : « C’est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus. Et j’entendis du ciel une voix qui disait: Ecris: Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur ! Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs oeuvres les suivent.»...
L’histoire locale et la tradition nous apprennent que d’autres saints et bienheureux célèbres sont passés par le village de Montegabbione et y ont laissé leurs empreintes. Parmi eux, saint François d’Assise (fondateur de l’ordre des Frères mineurs O.F.M.), la Bienheureuse Angélique de Marsciano, (fondatrice du monastère des tertiaires régulières franciscaines de sainte Anna à Foligno qui était la fille du comte de Corbara, née en 1357 à Montegiove, une commune de Montegabbione). Et plus proche de nous, le Bienheureux Giacomo Alberione (prêtre italien 1884-1971, fondateur de la Famille paulinienne).
Peinture sur toile représentant saint Benoît-Joseph Labre qui, invoqué par la prière d’une paralytique, apparaît au ciel parmi un groupe d’anges et la guérit. La femme se lève de son fauteuil roulant en amenant sa main droite sur sa poitrine et en tournant son regard vers le saint. En arrière-plan, à droite, deux femmes regardent la scène. Peintre S. Tinivelli - 1860.
(Diocesi di Orvieto-Todi - Umbria - Italia)
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Photographie: La chapelle Saint Benoît-Joseph Labre, cimetière de Montegabbione - Via Aldo Moro.
Montegabbione
n’a pas oublié le saint français, « l’artesiano Benedetto Giuseppe Labre ». Une chapelle a été construite par la mairie en 1864. À l’origine, elle était dédiée à saint Jérôme, docteur de l’Église.
Cependant, ayant été démolie en 1880, la nouvelle chapelle fut reconstruite dans le style du nouveau cimetière avec un mur en façade de briques rouges, et décoré de motifs en terre cuite. C’était un peu avant les fêtes de la canonisation à Rome du « Poverello d’Amettes ». Et la tradition de l’époque se
rappela l’événement prodigieux de son apparition dans l’église de la Madonna del Carmine le soir du 16 avril 1783. Elle fut donc tout naturellement dédiée au « Santissimo Crocifisso e a San Benedetto Giuseppe Labre ». L’intérieur de la chapelle est de style latin, avec un autel en pierre simple et un caveau destiné aux ecclésiastiques.
Lachapelle du Camposanto est toujours visible de nos jours. Dédiée à saint Benoît-Joseph Labre, elle se dresse au centre de la façade du cimetière municipal, sur la « via Aldo Moro » de Montegabbione.
Ces lieux de mémoire qui disparaissent... Région Lombardie
Diocesi di Lodi - Italia
C’esten 1770 que saint Benoît-Joseph Labre devait commencer sa vie de pèlerin vagabond. Il est notoire qu’il avait entamé et achevé son voyage depuis l’abbaye de Sept-Fons jusqu’à Rome en traversant des épreuves, des privations et des souffrances infinies. En septembre 1770, saint Benoît-Joseph Labre s’arrêta et se reposa deux jours durant dans ce petit
village de Lombardie nommé Sant’ Angelo Lodigiano.
Bienqu’il n’y ait plus personne en vie de nos jours pour témoigner de son passage en ce lieu, la mémoire a pourtant perduré, même si, le plus souvent, elle est restée cachée dans l’histoire locale de cette région de Lombardie.
Ces lieux de mémoire qui disparaissent...
Pour un chercheur, ce point de l’histoire est de loin le plus important puisqu’il dévoile une étape, une date, jusqu’ici inconnue de l’itinéraire du saint à sa sortie de Sept-Fons (le 2 juillet 1770). Une abbaye où il avait tant désiré mener une vie cénobitique au sein de l’ordre de Cîteaux. Pour rappel, ce digne fils de la Providence y était arrivé le 28 octobre 1769 et après avoir passé le terme requis comme hôte, il reçut la vêture de novice de Chœur des mains du Père Abbé Dom Dorothée Jalloutz, le 11 novembre 1769, sous le nom de frère Urbain.
Le 2 juillet 1770, après huit mois de noviciat, Benoît-Joseph confia la boussole contemplative de sa vie à la Providence, là où il se savait attendu et appelé par Dieu … Il s’attachera à transformer ses doutes, ses échecs de vie religieuse issus de sa volonté propre, en une raison d’accomplir la volonté de Dieu. « Dieu vous veut ailleurs », avait dit le Père Abbé avant de le congédier. Cette parole sera la lumière qui l’éclairera désormais sur sa vocation de
Avant-Propos
Vagabond de Dieu, errant sans toit ni lieu sur les grands chemins. Une vie de prière continuelle et d’errance, comme un vagabond, allant de sanctuaire en sanctuaire. À l’époque de BenoîtJoseph, l’errance est considérée par le grand courant religieux cénobitique et anachorète des XVIIe et XVIIIe siècles comme un rite initiatique et spirituel important qui mêle à la foi le mysticisme et la construction d’une nouvelle identité. Elle est réservée à des êtres à part, choisis par Dieu. Il s’agit d’un appel intérieur irrésistible auquel on doit se soumettre, car il est l’action de l’Esprit saint. (C’est la définition du pèlerin véritable en quête de pèlerinage). À partir de cet instant, les chemins et les routes parcourus de jour comme de nuit le conduiront à la rencontre d’abord de lui-même et ensuite de son Dieu qu’il désire tant. De cet ailleurs, il tirera de nombreuses aventures, et certaines d’entre elles mériteraient d’être réunies aujourd’hui dans une anthologie poétique sur « l’ailleurs mystique » où la singularité n’est pas défendue, tout au contraire.
Àcette date de 1770, ses choix, comme nous pouvons le voir à sa sortie de l’abbaye de SeptFons, ne furent plus jamais dictés par l’intérêt propre ou la recherche de la sécurité, mais ils correspondirent à un cheminement intérieur qui, aujourd’hui, paraît clair et lumineux et qui, à bien des égards, fait penser aux grands mystiques des premiers temps de l’Église. Marchant avec la régularité d’un astre ayant renoncé à son lieu de naissance et aux routes familières de son village natal, à l’avenir d’une belle situation et à la notoriété, tout cela ne veut rien dire pour lui. Dans ses « Pas » d’ascète errant, il se met en mouvement et en chemin. Il fait mieux que marcher au sens littéral, il vit, il perçoit un espacetemps où Dieu est présent comme une espérance dont il témoigne dans ce monde. Le mouvement de l’errant vagabond ne suit pas une logique droite, avec un début, un milieu et une fin. Tout, ici, est milieu. Benoît-Joseph Labre ne va pas quelque part, surtout en ligne droite, il évolue dans un espace reliant le mystique au temporel s’inscrivant dans la tradition ancestrale des grands anachorètes, dans ses aventures à venir, où durant 7 ans, il reviendra souvent sur les mêmes chemins, lieux de ses interminables pérégrinations et de ses avancées vers l’ailleurs qui bien plus tard témoigneront de lui. Ce vagabond avait cependant de bonnes et solides
racines.
En France, pour ses compagnons de rencontre, il deviendra « BenoîtJoseph d’Amettes », « le vagabond de Dieu ». En Italie, il est « Il Pellegrino della Madonna », « Il povero delle Quarantore », « Il penitente del Colosseo », « lo zingaro di Cristo ». En Sicile, il sera « l’eremita errante ». En Irlande du Nord, il deviendra « The Ragged Saint ». En Allemagne, on le nommera « Der Pilger des Absoluten ».
Doué d’une sagesse subversive par son seul refus d’emprunter des chemins balisés qu’ont voulu pour lui, en leur temps, ses parents et ses oncles, et plus tard certains prêtres rencontrés au hasard des pérégrinations, « Dieu ne le veut pas par ces chemins-là ! ». Non, Benoît-Joseph est l’authenticité et la profondeur de l’union à Dieu ne se mesurant pas à ce qu’il était ; ce qui caractérise ce mystique errant, c’est qu’il est un mystique de l’action, impliquant le pèlerinage incessant et apostolique. Le pèlerinage est entré dans sa vie à partir de 1770, s’assimilera dans sa pensée, dans sa volonté comme un geste qui incarne la foi et la prière où il apparaît solitaire, coupé du monde et pourtant bien présent, intériorisé pour y faire la volonté de Dieu. Et parce que, peut-être, c’est juste le chemin qui connaît l’itinéraire... C’est l’ailleurs qui va à la rencontre de BenoîtJoseph au gré de la Providence afin d’y vivre en intimité avec Dieu. Cela ne dépend pas de la proximité visible du pèlerinage. Pour lui, l’action de pérégriner et d’errer, c’est se laisser faire, se laisser façonner comme une œuvre d’art entre les mains du Créateur. Il parcourt cette vie comme un errant voyageur vers le sanctuaire céleste.
L’ailleurs dans sa vie était la volonté de Dieu ! Il le dira à de nombreuses reprises, et notamment bien plus tard à Lorette : « Dieu ne me veut pas par d’autres chemins que celui-ci ». [1]
L’action de pérégriner et d’errer, c’est se laisser faire, se laisser façonner comme une œuvre d’art entre les mains du Créateur.
Ces lieux de mémoire qui disparaissent...
Je vous propose dans cette rubrique intitulée « Ces lieux de mémoire qui disparaissent » de vous plonger dans l’univers des archives et des biographies italiennes, de partir à l’aventure en quête d’informations et du « Charisme » de ce curieux Pèlerin représentant une foule de pauvres, de fous pour Dieu, un peu partout dans le monde.
Afin d’adopter ici le point de vue du chercheur et fournir ainsi une autre vision de l’histoire qui ne manquera pas, j’en suis certain, d’intéresser chacun d’entre vous. J’ai donc pris mes sources dans les écrits de Don Francesco Giulio Mosca (1925 – 2017), prêtre et historien local.
Parmi ses textes, j’ai aussi repris ceux du vénérable Don Luigi Savarè (1878 – 1949, Don Luigi Savarè est reconnu « Vénérable », après reconnaissance de ses vertus héroïques, le 12 juin 2014, par le pape François). Don Savarè était surnommé le « Don Bosco de Lodi ».
Pour info, la renommée de sainteté de Don Luigi était si grande que la ville de Lodi s’est totalement arrêtée pour une journée de deuil lors de ses funérailles en 1949. (Lodi est une commune voisine de Sant’Angelo). Luigi Savarè était l’un des descendants de la famille qui hébergea en 1770 saint Benoît-Joseph Labre dans la ferme familiale (La Cascina Muselina). Les villageois disent aussi de lui qu’il avait tout du charisme « labrien », une soutane élimée et tachée, un chapeau froissé, une paire de chaussures trouées, et son existence était soutenue par une foi et une charité hors du commun. Telle était la tenue et la vie à Sant’Angelo du Père Savarè... Il répétait souvent à ceux qui l’interrogeaient que le saint mendiant de Dieu avait dit à ses ancêtres, qui l’accueillirent en 1770, la prophétie familiale suivante : « Per ricompensa della carità che mi avete voluto benignamente fare con l’ospitarmi
et darmi un pane, io vi dico che per più generazioni la vostra famiglia darà alla Chiesa sacerdoti santi ».
« En récompense de la charité que vous avez bien voulu me faire en m’hébergeant et en me donnant du pain, je vous déclare que pendant plusieurs générations votre famille donnera de saints prêtres à l’Église ».
Je vous livre ici une recherche historique que j’ai menée avec détermination et énergie dans les quotidiens de la presse italienne et dans les archives de ce village de Lombardie ainsi que dans de nombreux ouvrages, notamment dans la biographie du Vénérable Luigi Savarè de Mgr. Gabrielle Bernadelli « Ubbidientissimo Servo. Don Luigi Savarè il prete dei giovani» (le plus obéissant serviteur, Don Luigi Savarè, le prêtre des jeunes). Ce ne sera pas un récit des évènements passés ou un compte-rendu de son activité au sein de ce village de Lombardie. C’est ici la mémoire d’un lieu, d’un patrimoine qui depuis peu est malheureusement disparu dans la totale indifférence de notre société d’aujourd’hui.
Une page d’Histoire, un jalon, une date importante de l’itinéraire du saint en septembre 1770 et dont je voudrais ici retracer le passé et les grandes étapes.
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+DonSavarèLuigi
Ces lieux de mémoire qui disparaissent...
Je tiens néanmoins à préciser que ces lignes qui vont suivre ne sont pas une théorie ni un récit basé sur une quelconque tradition, mais une page d’Histoire, un jalon, une date importante de l’itinéraire méconnu du saint en 1770 et dont je voudrais ici retracer le passé et les grandes étapes. Cet événement de l’Histoire et aussi une autre réalité, celle de la destruction d’un patrimoine historique que le village de Sant’Angelo Lodigiano avait conservé jalousement au fil du temps
et qui est très certainement la victime d’un obscur groupe d’intérêt, faisant pression et exerçant une influence, discrète et indirecte. Je parle ici d’un lobbying défendant principalement les intérêts d’investisseurs pour la défense d’un projet qui n’a toujours pas dit son nom.
En 1770, Benoît-Joseph avait pris le chemin de l’Italie pour rejoindre Rome depuis Chambéry où il se reposa à l’hôpital (l’hospice des Pèlerins) du faubourg Mâché, puis de Quiers
À son arrivée à Sant’Angelo, BenoîtJoseph Labre portait encore la tunique et le scapulaire des novices, une tenue qu’il avait gardée de Sept-Fons.
Je tiens néanmoins à préciser que ces lignes qui vont suivre ne sont ni une théorie ni un récit basé sur une quelconque légende, mais une page d’Histoire, un jalon, une date importante de l’itinéraire méconnu du saint en 1770 et dont je voudrais ici retracer le passé et les grandes étapes. Cet événement de l’histoire exprime aussi une autre réalité, celle de la destruction d’un patrimoine historique que le village de Sant’Angelo Lodigiano avait conservé jalousement au fil du temps
et qui est très certainement la victime d’un obscur groupe d’intérêt, faisant pression et exerçant une influence, discrète et indirecte. Je parle ici d’un lobbying défendant principalement les intérêts d’investisseurs pour la défense d’un projet qui n’a toujours pas dit son nom.
En 1770, Benoît-Joseph avait pris le chemin de l’Italie pour rejoindre Rome depuis Chambéry où il se reposa à l’hôpital (l’hospice des Pèlerins) du faubourg Mâché,
de mémoire qui disparaissent...
Ces lieux
Cascina
La dévotion à saint
Benoît-JosephDonFrancesco giulio Mosca
puis de Quiers (Chieri) près de Turin dans la région du Piémont où il écrivit sa deuxième et dernière lettre à ses parents, le 31 août 1770, pour les informer de sa sortie de l’abbaye de Sept-Fons et de ses intentions (il croyait encore à cette époque qu’il trouverait en Italie un monastère pour l’accueillir).
Il avait écrit à la fin de sa lettre une parole quasi prophétique : « Je vous prie de m’accorder vos bénédictions afin que Dieu bénisse mes desseins ; c’est par l’ordre de sa Providence que j’ai entrepris le
Musellina
Benoît-Joseph Labre au village de Sant’Angelo Lodigiano
voyage que je fais ».
Nous savons maintenant que l’étape suivante devait le conduire à Sant’Angelo Lodigiano, une commune de la province de Lodi dans la de région Lombardie (à son arrivée à Sant’Angelo, Benoît-Joseph portait encore la tunique et le scapulaire des novices, une tenue qu’il avait gardée de Sept-Fons). Mais c’est en 1881 que la tradition du passage de Benoît-Joseph Labre devait prendre sa place historique au sein de la culture du village de Sant’Angelo. « L’histoire mériterait de sortir de l’ombre
pour être connue du monde entier » avait dit, en 1881, le révérend Père Don Domenico Savarè (1823-1895), prêtre originaire de Sant’Angelo Lodigiano, et qui était, à cette époque, procureur de la Congrégation des Pères Somascans de Rome
(En latin Ordo clericorum regularium a Somascha, ordre fondé en 1532 à Somasca en Lombardie par saint Jérôme Émilien pour l’éducation de la jeunesse, et tout spécialement pour venir
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Reliquaire de procession. A l’intérieur, une relique de saint Benoît-Joseph Labre.
(Sant’Angelo Lodigiano - Diocesi di Lodi - Lombardia- Italia)
en aide aux jeunes sans famille, abandonnés ou orphelins. La congrégation fut approuvée en 1540 par Paul III et soumise à la règle de saint Augustin en 1568 par Pie V. Les Pères de Somasque sont des clercs réguliers de droit pontifical).
Don Domenico Savarè était le petit-fils des cultivateurs qui donnèrent l’hospitalité à la ferme « Cascina Musellina » à Benoît-Joseph Labre deux jours durant. Le futur saint, alors âgé de seulement 22 ans, accepta de prendre un maigre repas et de dormir dans la grange de la ferme familiale. Les descendants de cette famille charitable, monsieur Fermo Savarè et Maria Rancati, parents du Père Domenico Savarè, dont la naissance fut prophétisée à ses grandsparents par le saint lui-même, écrivit de Rome, la lettre suivante à sa cousine, Luigia Savarè, née Agostino le 19 décembre 1881, soit 12 jours après la canonisation de saint Benoît-Joseph Labre par le Pape Léon XIII.
Voici un extrait de cette missive, un texte d’après la lettre conservée aux archives paroissiales de Sant’Angelo Lodigiano :
« Tu recevras l’image de saint Benoît-Joseph
Labre, tout juste canonisé. (le 8 décembre 1881) Nous devons lui vouer une dévotion particulière et le vénérer en tant que protecteur, parce qu’en faisant le pèlerinage à pied de France à Rome, il a choisi et distingué, parmi tant d’autres plus grandes et plus belles, notre chère petite Cascina (ferme) Musellina, où nous sommes nés. Il a honoré, de sa visite céleste, nos pauvres ancêtres. Mon pauvre papa Fermo me la racontait souvent, il m’a fait lire une fois sa vie et m’a dit que nos grands-parents recevaient toujours à la “Cascina Musellina” par charité les voyageurs de passage. C’est ainsi qu’ils eurent la chance d’accueillir en septembre 1770 ce pèlerin français, de lui donner à manger, de lui offrir un lit de paille et ce dernier bénit les fils et les paysans. Il aura certainement prié pour nous là-bas à Rome. La famille qui l’a accueilli et l’a mis au lit, quand il était mourant à Rome, a toujours prospéré de génération en génération… (Il est ici fait référence à la maison du Boucher Zaccarelli de la via dei Serpenti) »
Don Domenico est le fondateur en 1838 de l’orphelinat « San Giuseppe » de Sant’Angelo Lodigiano avec Don Pietro Bergamaschi, prêtre catholique du diocèse de Lodi, (18631928).
Dès 1770, Benoît-Joseph se résout à vivre en solitaire au milieu du monde. Il va toujours à pied, en prenant les chemins les moins fréquentés, et s’arrêtant dans les lieux, des villages ruraux comme celui de Sant’Angelo. La chaleur, la pluie, le froid, la neige, rien ne l’arrête, vivant de la charité, au jour le jour, sans mendier et sans rien se réserver pour le lendemain. C’est dans ces conditions que Benoît-Joseph traverse l’Italie et arrive à Rome le 3 décembre 1770.
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La brochure éditée pour la grande fête de 1883 lors de la bénédiction de la fresque à la ferme de la famille Savarè sous le titre : À la Cascina Musellina le peuple de Sant’Angelo célèbre et invoque un nouveau protecteur, saint Benoît-Joseph Labre.
Et pour faciliter la recherche d’informations aux amateurs d’histoire locale. Parmi les nombreuses publications de Don Giulio Mosca, on ne pouvait pas manquer celle consacrée à Sant’Angelo Lodigiano, intitulée “Pages de l’histoire de Santangiolina”, sortie en 2008 au profit d’une oeuvre de solidarité, non pas un texte d’histoire, mais un recueil d’écrits, en partie déjà publiés dans les journaux locaux “Il Ponte”et “La Cordata” et des textes inédits écrits par Don Giulio.
Reliquaire de procession en bois doré. A l’intérieur, une relique de saint Benoît-Joseph Labre.
(Sant’Angelo Lodigiano - Diocesi di Lodi - Lombardia- Italia)
Pour la circonstance, un peu moins de deux ans plus tard, en avril 1883, diverses fêtes religieuses en l’honneur du saint Pèlerin eurent lieu à Sant’Angelo Lodigiano pour commémorer sa visite au village en septembre 1770. Un fascicule fut même édité pour cette grande fête de 1883 sous le titre : « Alla Cascina Musellina Il popolo di sant’Angelo festante invoca un nuovo suo protettore il Santo Benedetto Giuseppe Labre Pubblicazione S. Angelo Lodigiano : tip. Sante Rezzonico, 1883 » (À la Cascina Musellina le peuple de Sant’Angelo célèbre et invoque un nouveau protecteur, saint Benoît-Joseph Labre).
Le curé du lieu exposa dans la paroisse une relique du saint vagabond puis le 15 avril 1883, une fresque fut inauguré à la ferme « Cascina Musellina », représentant saint Benoît-Joseph Labre, peinte sur le mur externe de la Cascina (le versant Est). Ce portrait du saint avait été réalisé par le bon vouloir d’un peintre de Sant’Angelo, Monsieur Vittorio Toscani (fils d’un bon décorateur local, M. Giuseppe Toscani). Il fut aussi apposé en dessous de la fresque une plaque de marbre dont la gravure devait porter l’inscription suivante :
« St. Giuseppe Benedetto Labre — qui pérégrina de France vers Rome — qui fut reçu par la famille Savarè en 1770 — Sujet de dévotion – Gage de protection ! — 15 avril 1883 ».
Une inscription dédicatoire placée sous la fresque par Monseigneur Bassano Dedè.
L’historien local, monsieur Achille Ferrari, donne les informations suivantes montrant l’effervescence de ce 15 avril 1883 :
« La Société Catholique d’Entraide (La Società Cattolica di Mutuo Soccorso, la première établie dans le diocèse en 1881), en célébrant la fête de son patron saint Joseph et l’anniversaire de la fondation, a voulu caractériser cette fête en se souvenant de saint Benoît-Joseph Labre le 15 avril 1883, tant pour sa venue à Sant’Angelo que pour le centenaire de sa mort ».
Venus de Milan, afin d’honorer cette journée, le marquis Vincenzo Stanga (représentant du Comité régional de Milan de la Société catholique des travailleurs) et le Père Don Carlo Bonaccina, docteur en théologie et rédacteur du journal « l’Osservatore Cattolico di Milano », étaient présents. Puis ils sont allés à l’église paroissiale pour une rencontre à l’Oratoire de Sainte Marte, où le Marquis Stanga a parlé du rôle et de la mission de l’ouvrier catholique et de Don Bonaccina qui a souligné l’esprit de cette célébration. À la fin de la réunion, la Société Catholique d’Entraide, le peuple et le clergé ont, dans une très longue procession, rejoint la Cascina (ferme) Musellina, où, parmi les acclamations et les concerts musicaux les plus sonores et les plus festifs, ont inauguré la fresque de saint Benoît-Joseph Labre… »
D’après les annales du village de Sant’Angelo Lodigiano, les habitants des villages d’alentour avaient littéralement afflué vers Sant’Angelo et les chroniques rapportent qu’on pouvait voir des gens monter sur les toits et les arbres de la Cascina Musellina, tant ils étaient dans l’enthousiasme et la ferveur de l’événement. Depuis lors, Mgr. Bassano Dedè (1857 — 1892) a fait en avril 1883 une demande à l’évêque de Lodi pour obtenir le droit de bénir l’image murale à la ferme Musellina et de célébrer la fête du
La plaque et son inscription dédicatoire apposée par Mgr. Bassano Dedè en 1883, en souvenir du passage du saint à la Cascina Musellina. Il y fit prospérer le culte de saint Benoît-Joseph Labre. Photographie: Enzo Deejay, de Sant’Angelo Lodigiano
Ces lieux de mémoire qui disparaissent...
En dépit de leur apparence, les âmes saintes se cachent souvent dessous les habits de la misère.
APPARENCE, LES CACHENT SOUVENT HABITS DE LA MISÈRE.
saint tous les 16 avril. La demande fut acceptée par l’évêque de Lodi Mgr. Domenico Maria Gelmini (1871 - 1888). Plus tardivement, une rue de Sant’Angelo Lodigiano, la « Via San Benedetto Labre » fut même inaugurée à quelques centaines de mètres de la Via Federico Cazzulani où se trouve la Cascina Musellina. Pour l’anecdote, il est bon de noter que la célèbre Via Francigena, itinéraire long d’environ 1800 km et traversant l’Europe de Canterbury à Rome, passe par la province de Lodi, à peu de distance de la Cascina Musellina.
En 1921, la Signora Maddalena Baggi, une brave octogénaire, confia peu avant sa mort que, lorsqu’elle était au
service de la comtesse Adelasia Attendolo Bolognini, veuve du comte Filippo, et en secondes noces d’un certain Dott. Obbicini, celle-ci lui racontait souvent que sa mère, la comtesse Donna Giulia Castiglioni Attendolo Bolognini (1757 — ?), (comtesse de Sant’Angelo Lodigiano) affirmait souvent avoir vu passer en 1770 dans le village, un jeune pèlerin français, à l’apparence très pauvre, après lequel ellemême, petite fille de 13 ans, courait, en se moquant de lui, en lui jetant de la boue, et dont elle entendit dire, des années plus tard en 1783, qu’il était mort à Rome en odeur de sainteté. Elle citait ce passage de l’histoire de sa vie comme une leçon de morale adressée à sa fille afin que celle-ci
Sant’Angelo
Ces lieux de mémoire qui disparaissent...
apprenne à respecter les pauvres et les mendiants, car disait-elle, en dépit de leur apparence, les âmes saintes se cachent souvent sous les habits de la misère. (La Comtesse Adelasia mourut le 24 novembre 1875 à Sant’Angelo à l’âge de 86 ans, elle est aujourd’hui enterrée dans un ancien tombeau des Bolognini Attendolo, dans les environs de Sant’Angelo Lodigiano [2] [Localité de Ranera], pourvu au sous-sol d’un oratoire dédié à San Carlo, tombeau restauré par le comte Gian Giacomo Morando Attendolo Bolognini).
voie de presse. À chaque fois, les négociations se soldèrent par un échec et un refus inexplicable de la part des propriétaires du domaine.
Abandonnée depuis des années à son sort, la ferme Musellina ne sera bientôt plus qu’un vague souvenir. La « Musellina » est la propriété de la Fondation Morando Bolognini, qui, en plus du châteaumusée de la ville, contrôle également les champs cultivés et certaines fermes situées à la lisière du quartier de San Rocco, entre le Corso del Lambro et la Via Cazzulani. Au regard de la négligence à laquelle elle a été exposée au fil des années, la Cascina Musellina dans son état actuel de ruine montre tous les signes de sa disparition programmée. Le poids des années a clairement défiguré son apparence et sa structure : l’effondrement d’une partie de l’édifice avec sa fresque qui embellissait la façade et qui était visible depuis des années depuis la route Provinciale 235 (S.P. 235) en direction de Pavie ne pourra pas être évité. Aujourd’hui la précieuse fresque représentant saint BenoîtJoseph Labre a pratiquement disparu ; avec la ferme, elle était le dernier vestige historique du passage du saint Pèlerin en ce lieu à l’automne 1770. (Septembre 1770) Pourtant, de nombreuses tentatives et initiatives pour sa protection furent lancées par différents collectifs, tant public que privé et même par
« L’histoire passe par Sant’Angelo Lodigiano mais Sant’Angelo ne semble pas s’en apercevoir », dira le Père Don Pierluigi Leva. Ce bon prêtre, curé en charge de la paroisse Santa Maria Madre della Chiesa de Sant’Angelo (quartier San Rocco), indigné par l’état de délabrement de la ferme Musellina, fera une demande à la Fondation Morando Bolognini en son nom et au nom des villageois. Don Leva avait proposé à la Fondation l’autorisation de la détacher et de la conserver dans la paroisse Saint Roch (San Rocco) Ainsi placée dans un lieu protégé et accessible au public, la fresque aurait été rendue à la dévotion populaire.
Dans sa demande, Don Leva souligne :
« […] La paroisse aurait tout fait : nous aurions “extrait” la fresque pour la sauver, puis nous l’aurions repositionnée dans un oratoire et nous l’aurions réalisé à nos frais. — explique-t-il —. Nous avions un projet de restauration de notre église paroissiale, nous aurions ainsi pu l’embellir avec ce témoignage du passé de Sant’Angelo Lodigiano […] ».
« Nos intentions étaient sérieuses, dira-til, à tel point que nous avons envoyé cette demande formelle, qui est parvenue à Rome, où elle a été rejetée. Cette fresque représente une page d’Histoire pour la communauté de Sant’Angelo et une date importante de l’itinéraire du Saintobserve Don Leva - elle doit être sauvée, d’autant plus que dans notre église paroissiale nous gardons également une belle relique de San Benedetto Giuseppe Labre ».
Àla consternation de tous, la demande reçut un refus radical et catégorique de la Fondation.
Que signifie ce refus inexplicable de préservation du patrimoine ? Alors que cette fondation gère le ChâteauMusée de la ville et notamment celui d’histoire agricole de Lombardie. (À ce jour, les dirigeants de la Fondation ne sont jamais revenus sur leur décision, depuis ils ont vendu les terres et la ferme).
Dans le registre, « I luoghi e il tempo », il est écrit que la Cascina Musellina a été mentionnée dans le registre des âmes paroissiales et dans le registre foncier de Charles VI de Habsbourg. « Située à 1 kilomètre à l’ouest de la ville — lisons-nous — c’est l’une des plus grandes fermes de la région, qui tire son nom de mosa, un endroit marécageux ».
Une décision qui aura des conséquences irrévocables pour ce patrimoine historique italien, un refus qui marquera de son impact le devenir de cette halte de saint Benoît-Joseph Labre à Sant’Angelo en septembre 1770. En détruisant la mémoire de ce lieu, c’est l’histoire du « bien commun » que l’on détruit inexorablement, la Cascina Musellina représentait le témoignage à la fois d’une activité passée, représentative de l’activité humaine, de la richesse et de la culture de la région. Le caractère unique de cette ferme à l’effigie du saint Pèlerin avait traversé les aléas de l’Histoire, ce qui lui conférait également une valeur inestimable. Elle a aujourd’hui quasiment disparu, il n’en reste qu’un tas de ruines… Combien de bâtiments historiques sont condamnés par manque d’entretien, ou pour les projets d’un urbanisme sans mémoire, engendrés par des promoteurs plus pernicieux que le bulldozer dont l’intérêt financier vorace efface des pans entiers de l’histoire des Hommes. De 1770 à 1777, les pérégrinations du saint sur les routes d’Europe vont laisser d’importantes traces encore
visibles aujourd’hui. Dans les villages de France, d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne, au fil de ces 7 années, va fleurir sur son passage toute la variété des réponses humaines : les uns font les aveugles par peur, méfiance ou dureté alors que d’autres, comme à Sant’Angelo Lodigiano la famille Savarè, le reçoivent chez eux tout de suite, sans se demander s’il est digne de leur charité.
Et maintenant, 140 ans après sa canonisation que restera-til dans 10 ou 20 ans du périple de ce saint exceptionnel pour les générations futures, serons-nous dignes de cette histoire en préservant la mémoire de l’oubli ?
Frère Alexis Noël
In memoriam
La vraie pauvreté, dans cette si singulière existence, apparaît dans tout son éclat. Cette pauvreté d’esprit louée par le Fils de Dieu : « Bienheureux les pauvres, car le royaume des cieux leur appartient » Ce n’est pas la richesse qu’il faut blâmer, mais les moyens de l’acquérir et l’usage qu’on en fait. Ce n’est pas un mérite d’être pauvre, mais c’en est un de pratiquer la pauvreté spirituelle.
Il padre dei poveri Monsignor Bassano Dedé
Ce texte est dédié à la mémoire de Mgr. Bassano Dedè né à Lodi le 17 janvier 1818 et ordonné prêtre le 5 mai 1841. Il a travaillé comme prêtre à Spino d’Adda, Borghetto Lodigiano, San Gualtiero di Lodi, Cornegliano et le 29 septembre 1857, il a été promu curé de Sant ‘Angelo Lodigiano et fit prospérer le culte de saint Benoît-Joseph Labre. En souvenir de son passage en septembre 1770, il fit peindre une fresque à la ferme Musellina.
NOTES :
(1)
Les biographes italiens tenteront plus tard de donner un « sens après coup », dans l’écriture de la vie du saint Vagabond. L’un d’eux, qui écrivit sa biographie en 1946 à la manière d’un ex-voto, l’écrivain Lorenzo Bracaloni, pour ne citer que lui seul, disait de l’errance de BenoîtJoseph Labre : « Son existence éphémère fut l’infini de la vie et de l’errance… lui l’errant qui déroute dans ses effets et dans ses allures de marginal ».
(2) Localité de Ranera :
Le toponyme « Ranera » signifie « trou », une cavité dans les sols marécageux, dont la région était riche. En 1452, Michele Matteo, dit Bolognino, fut investi du noble et doux comté de Sant’Angelo Lodigiano avec château et terrain, comprenant également la ferme Ranera. En 1620, 22 familles étaient enregistrées, pour un total de 121 personnes. En 1622, par la volonté des seigneurs féodaux Attendolo Bolognini, l’oratoire de San Carlo a été érigé (canonisé le 11/11/1610). Les documents d’archives paroissiales indiquent en 1831 l’enterrement de la comtesse Claudia Borromeo, épouse du comte Ferdinando Attendolo Bolognini (Ferdinando Bolognini Attendolo, Comte di Sant’Angelo Lodigiano 17991869, marié le 11 septembre 1826, à Milano, Lombardia, Italia, avec Claudia Maria Borromeo Arese, Donna 18051831). En 1852, les frères Ferdinando, Francesco, Carlo et Cesare et la mère comtesse Lucrezia (Lucrezia Guerrieri Gonzaga, née le 15 Mars 1779 et décédée le 13 septembre 1856 à 77 ans) et notamment la comtesse Adelasia Attendolo Bolognini y ont été enterrés. Le comte Cesare Attendolo Bolognini a réuni ici tous ses défunts et les derniers
de la famille à avoir ce lieu de sépulture étaient le comte Gian Giacomo Bolognini Attendolo Sforza et sa fille Clotilde Morando Bolognini (l’aînée des deux filles du comte Gian Giacomo, le dernier descendant mâle de la branche aînée). Par testament, le comte a laissé l’oratoire de Ranera à la paroisse. Par la suite, les restes de la famille Bolognini ont été déplacés vers la chapelle/autel du nouveau cimetière municipal, construit sur l’emplacement qui fut le siège du couvent des Frères capucins de 1607 à 1798 à Sant’Angelo Lodigiano. À Ranera, à l’intérieur de l’église, une plaque encastrée dans le sol porte les noms du comte Gian Giacomo Attendolo Sforza et de sa fille la comtesse Clotilde Morando Bolognini Attendolo Sforza. Dans les archives, il apparaît qu’en 1887, la ferme et les bâtiments urbains ont été dirigés par le comte Gian Giacomo Morando De Rizzoni Attendolo. Après la Seconde Guerre mondiale, suite à l’expansion démographique puis aux extensions, la ferme Ranera devint une fraction de Sant’Angelo Lodigiano. Il y a maintenant très peu de vestiges de la ferme historique.
(3)
Monsignore Bassano Dedè était déjà curé de Sant’Angelo depuis environ deux ans. Bassano Dedè est né à Lodi le 17 janvier 1818 et ordonné prêtre le 5 mai 1841, il a prêté son œuvre sacerdotale à Spino d’Adda, Borghetto Lodigiano, San Gualtiero di Lodi, Cornegliano et il a été promu curé de Sant ‘Angelo le 29 septembre 1857. Il n’oublie personne, il pense aussi aux ouvriers : il crée la “Società Operaia di Mutuo Soccorso” (novembre 1881). Le résultat de cette compagnie fut, entre autres, la refondation du groupe et de l’école de chant.
Pour les pauvres et les nécessiteux qui étaient nombreux à Sant’Angelo, Mgr Dedè fonda la Société de Saint-Vincent de Paul (26 juin 1877). Les orphelins sont
alors pris en charge avec une tendresse particulière : avec l’aide de la mairie et de leurs propres biens, ils leur trouvent une place convenable.
Même les personnes âgées n’ont pas été oubliées : il a acheté une maison en 1884 pour les abriter et a pensé à leurs besoins matériels et spirituels tout au long de sa vie. Le 27 février 1892, Mgr Bassano Dedè mourut à l’âge de 74 ans, très pauvre : au cours des 35 années de son séjour à Sant’Angelo, il dépensa environ 150 000 lires en œuvres caritatives, une somme énorme pour l’époque. Il était animé d’une charité si large qu’il était considéré par ses paroissiens comme le « Père des pauvres et un ardent défenseur de la foi » comme il est écrit sur l’épitaphe de la chapelle des prêtres du cimetière. Il fait restaurer l’église paroissiale en 1867 et, la même année (1er juin 1867), le nouveau cimetière est érigé.
A partir de 1883 il fit prospérer le culte de San Benedetto Labre et en souvenir de son « arrêt », il fit peindre une fresque à la ferme Musellina.
En 1887, Mgr. Dedè porte à six les cloches du clocher ; il fit restaurer la chapelle du Lazzaretto. A son initiative, l’hôpital Delmati est agrandi, œuvre d’une importance exceptionnelle si l’on songe à la très forte mortalité infantile (40 enfants en un mois en 1891).
Pour les garçons, il acheta à ses frais une maison et un terrain près de l’église de S. Bartolomeo et y installa un oratoire festif, inauguré le 8 juin 1879 et visité quelques années plus tard par saint Jean Bosco.
(4)
Testo dell’incisione::
A sua eccellenza la Signorina D. Maria Anna Boncompaggni Ludovisi Principefsa di S. Nicandro Dama di Corte di S. M. la Regina delle due Sicilie - Eugenio Poretta Offre, e Dedica.
Traduzione francese: A Son Excellence Mlle D. Maria Anna Boncompagni Ludovisi Princesse de S. Nicandro Dame de Cour de S. M. la Reine des deux Siciles - Eugenio Poretta Offre et Dédicace.
Donna Maria Anna (Marianna) Boncompagni Ludovisi, née le 29 septembre 1730 à Rome (Roma, 00100, Lazio, Italie). Fille de Maria Chigi (sa mère) et de Gaetano Boncompagni Ludovisi (son Père) il était 4e Prince souverain de Piombino de 1745 à 1777 et 7e Duc de Sora de 1731 à 1777. Il est né le 21 août 1706 à Lirio (Lirio 27040, Lombardia, Italie) et décédé le 24 mai 1777 à Sora. (Napoli, 80100, Campania, Italie) à l’âge de 70 ans. Elle s’est mariée le 10 avril 1748 avec Francesco Cattaneo della Volta Paleologo 1721-1790. Conjoint avec qui elle a eu douze enfants. Don Francesco était prince de San Nicandro, duc de Termoli, grand d’Espagne de première classe, et chevalier de la Toison d’or.
La Princesse Donna Maria Anna Boncompagni Ludovisi est décédée à l’âge de 81 ans le 4 février 1812 à Naples (Napoli 80100, Campagna, Italie)
Donna Maria Anna Boncompagni Ludovisi Princesse de San Nicandro, était la sœur du cardinal Ignazio Boncompagni-Ludovisi secrétaire d’État sous Pie VI. Elle fut dame de cour de S. M. Maria Carolina d’Autriche Reine des deux Siciles, Donna Maria Anna est restée quotidiennement avec la reine Maria Carolina (Marie-Charlotte Louise Josèphe Jeanne Antoinette d’Autriche, dite Marie-Caroline, née à Vienne le 13 août 1752 et morte dans la même ville le 8 septembre 1814, est une archiduchesse d’Autriche qui devint en 1768 reine de Naples et de Sicile et le resta jusqu’à la prise de pouvoir de Joseph Bonaparte en 1806. Elle s’exila en Sicile jusqu’en 1813). Pour l’anecdote
Donna Maria Anna fréquentait avec la reine Maria Carolina les « agapes » maçonniques de la loge mixte écossaise « saint jean du secret et de la Parfaite Amitié » fille de la loge saint Jean d’Écosse de Marseille et dépendante du Grand-Orient de France. (Dont furent membres diton certains chevaliers de l’ordre de Malte).
Elle était l’épouse de Ferdinand Ier Roi des Deux-Siciles (périodes au cours desquelles les royaumes de Sicile et de Naples ont été réunis, d’où « Royaume des Deux-Siciles ») Ferdinand est le premier souverain né dans le royaume de la famille Bourbon de Naples, mais le troisième Bourbon à régner sur les DeuxSiciles après son père Charles de Bourbon (premier Bourbon à régner sur les deux Siciles indépendantes), né à Madrid en 1716, et le grand-père Filippo V d’Espagne, né au château de Versailles en 1683. Son règne, qui a duré plus de soixante-cinq ans, est l’un des plus longs de l’histoire italienne des États italiens de pré-unification et est le neuvième du classement des plus longs royaumes de l’histoire. ( 5 )
René Coulon, quant à lui, avec Guillaume Gillet seront Grand Prix à l’Exposition internationale de Paris en 1937; officier dans le corps de génie durant la Seconde Guerre mondiale, René Coulon réalise essentiellement des bâtiments, sièges et laboratoires, pour de grands groupes industriels comme Saint Gobain. En 1961, il conçoit avec Guillaume Gillet un projet d’hôtel pour remplacer la gare d’Orsay. Il décède à Paris le 23 février 1997.