SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE DANS LA PÂQUE DE JÉSUS-CHRIST
ABBÉ BERNARD HINGREZ. ANIMATEUR EN 1983 DE L’ANNÉE SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE.
ABBÉ BERNARD HINGREZ - DIOCÈSE D’ARRAS - 1922-2011.
ABBE BERNARD HINGREZ
MGR JULES HARLÉ
DERRIÈRE CHEZ LUI COULE UN RUISSEAU
Pour Benoît-joseph, la liturgie était le rythme essentiel de l’existence. “ (Agnès de la Gorce)
D
errière chez lui coule un ruisseau. Derrière chez lui passe une route. Et devant la maison, au bas d’une prairie, sur la droite il est un puits ; sur la gauche, une grange. D’ici le regard porte sur le clocher ; mais la côte est rude qui conduit à l’église d’Amettes. Voilà l’espace accordé à la contemplation de l’enfant Benoît-Joseph Labre. Il est vain de lire dans ce paysage quelque intention providentielle. Mais la prière d’un pèlerin commence parfois par un regard sur les choses familières. Et pour peu qu’il soit sensible à certaines vibrations spirituelles, sa méditation sans cesse le fait passer de Benoît-joseph Labre à Jésus-Christ.
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Par son saint serviteur, Dieu continue de toucher le coeur de ses enfants blessés. “ (Abbé Raymond Martel)
ROME-ÉGLISE SANTA MARIA DEI MONTI
Etait-ce dans la grange ou le grenier de la ferme d’Amettes ? Etait-ce à Béthanie ou à Capharnaüm ? Quand il est dit : « Jésus était à la maison »… c’est toujours le lieu de l’intimité. Les points d’eau sont fidèles, et le puits de Jacob est toujours disponible. Mais il est venu celui qui fait jaillir la source en vie éternelle. L’ermite Benoît-Joseph boira l’eau des fontaines ou des fossés. Son cœur goûtera la fraîcheur des sources invisibles. Bienheureuse solitude sur le sentier qui grimpe d’Amettes, à travers champs, vers « la Capelette
», une stèle de pierre portant une statue de Marie. Bienheureuse solitude sur les routes de l’Europe, sur les sentiers des Apennins. Un chapelet autour du cou, un autre à la main, Benoît va, priant, vers Notre-Dame de Lorette. « Jésus s’en alla dans un lieu désert, et là il priait. » « Ne prenez rien pour la route », ni les envoyés en mission, ni les envoyés en solitude. La béatitude de pauvreté convient aux uns et aux autres. « Allez, je vous envoie ». Les Apôtres proclament la Bonne Nouvelle. Benoît Labre en est le témoin muet. Parfois vous
aimeriez saisir quelque chose de son aventure spirituelle, mais il vous échappe : longuement prosterné devant le SaintSacrement, vous sentez qu’il bascule du côté de Dieu ; ou, contraint de renoncer au cloître des Chartreux, au cloître des Trappistes, il fuit vers ailleurs, toujours en avant de lui-même. « Je m’élance pour tâcher de le saisir, ayant été moi-même saisi par Jésus-Christ. » Derrière chez lui coule un ruisseau. Non ! Désormais devant lui « les fleuves d’eau vive. » Devant lui la route fléchée vers le Royaume.
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POINTS DE REPÈRE
I
l s’agit en ces pages d’une esquisse sur la spiritualité de Saint Benoît Labre. Cependant certains lecteurs aimeront se rappeler quelques points de repère. Le pays natal de Benoît Labre, Amettes, se situe en Artois, dans l’actuel diocèse d’Arras. Il était du diocèse de Boulogne S/Mer avant la Révolution. Né le 26 mars 1748, il meurt à Rome le 16 avril 1783. Nous fêtons le deuxième centenaire de sa naissance au ciel. D’une famille de quinze enfants, dont les parents exploitent une ferme de quelque 30 hectares, Benoît-Joseph, l’aîné, fait des études plus longues que la plupart des jeunes paysans, grâce à deux oncles prêtres, le curé d’Erin, le curé de Conteville. Le 12 août 1769, ce jeune homme de 21 ans quitte définitivement ses parents, pour un second séjour chez les Chartreux de Neuvillesous-Montreuil, pour une seconde tentative à la Trappe de Soligny et un séjour à la Trappe de Sept-Fons. « Dieu
vous veut ailleurs ». BenoîtJoseph prend définitivement la route, ermite-pèlerin, à travers l’Europe. Le Pape Léon XIII l’a canonisé le 8 décembre 1881. Tous les biographes ont noté avec quel relief Benoît Labre se détache de son époque. Au siècle de la raison, écrivait Daniel Rops, Dieu suscite « le déraisonnable Benoît Labre ». C’est par sa vie même qu’il est signe de contradiction. L’actualité redécouvre la marche et la démarche spirituelle de Benoît Labre. Joseph Folliet a écrit à son sujet : « vagabond, douloureux, miséreux, méprisé, tout ce qu’il faut pour un bon patron de la route ». Dom Doyère, moine bénédictin de Wisques, spécialiste de l’érémitisme aux XVIIe et XVIIIe siècles, reconnaît en Benoît Labre un ermite-pèlerin « survenant au déclin extrême de l’institution érémitique et … quasi détaché d’elle ». En outre, il voit en lui « l’incarnation des valeurs capables de retenir l’attention des jeunes d’aujourd’hui ».
C’est Dieu qui conduisait à Rome, Mettant un bourdon dans sa main, ce Saint qui ne fut qu’un pauvre homme, hirondelle de grand chemin”. ( Germain Nouveau)
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LITURGIE DE LA ROUTE
I
l est une jubilante liturgie de la route. Cet homme est plus à l’aise sur la route que dans la stalle du moine pour scander les versets d’un psaume et crier sa prière spontanée. Son lointain émule, ami de Verlaine, Germain Nouveau, l’appelle « Hirondelle de grand chemin ». Ce qui autorise ce ton enthousiaste, c’est la lecture que nous faisons, après coup, de la vie de Saint Benoît-joseph Labre. Mais la jubilante liturgie de la route est aussi une extraordinaire pénitence. Des témoins de son incessant pèlerinage ont éprouvé de la pitié pour ce pauvre. Qui laissa tout, son coin de terre, Sa cellule solitaire Et la soupe du monastère… (Germain Nouveau)
Assurément son aventure est déraisonnable. Cependant Benoît-Joseph fait corps avec la route. On ne le voit bien qu’en chemin, se détachant sur un fond d’austérité, tel un Jean-Baptiste surgissant du désert. BenoîtJoseph a besoin de la route, comme un menuisier de son établi. Elle est son équilibre. Elle a des vertus que les pèlerins de naguère et de maintenant savent découvrir. Puissent-ils nous apprendre la route et nous faire part de leurs expériences ! Des mouvements de « marcheurs » ont vu le jour ces dernières décennies. Certains aiment la
nature et la vie saine. Plusieurs ont une référence spirituelle : le scoutisme, la route vers Chartres, des pèlerinages vers Lourdes ou quelque sanctuaire… Des traces de pas sur la poussière, dans le sable ou la neige, deviennent langage. Comment écrire de la sorte la prière et la quête de Dieu ? La première expérience d’un chemin en solitude est souvent traduite ainsi : « la marche, par son rythme lent et répétitif, soutient la prière ». Chez Benoît labre, la route est une expérience quasi quotidienne. Elle est rude, comme un psaume « mimé », animé par tout l’être. A la chapelle aussi, les moines s’engagent dans une liturgie qui est un « travail » : sur le livre où s’inscrit le psaume en plain chant, l’intonation forme un dessin mélodique fort allègre ; les voix escaladent quelques lignes de la portée musicale « sic incipitur, sic flectitur et sic mediatur… » Puis il faut tenir, sans baisser d’un demi-ton, respecter la teneur, donner vie aux accents. C’est un effort d’une fidélité quotidienne. Or l’office intervient souvent au milieu des travaux des champs, qui sont une forme de prière silencieuse. Benoît Labre qui n’est plus un moine, inscrit le psaume de louange ou de pénitence sur la poussière ou dans la boue de la route. Il lui faut tenir. Les ampoules aux pieds, ça brûle et ça saigne. Paradoxalement la route a, pour lui, des vertus curatives. Le
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frère infirmier et un médecin ne parviennent pas à le guérir en l’abbaye de Sept-Fons. On le juge trop faible pour supporter une règle trop rigoureuse. Il s’en remet à la rude ascèse de la route. « J’avais encore de la fièvre quand j’ai quitté le monastère, écrit-il à ses parents, elle ne l’a abandonné que le quatrième jour de marche ! » Peut-on le confondre avec les vagabonds, faux ermites, mendiants ? Il n’a rien d’un gyrovague qui s’en remet à sa bonne étoile. Il façonne sa route avec ténacité. Il lui donne un but. C’est à Einsiedeln, auprès de Notre-Dame des Ermites qu’il veut se rendre ; à Assise, à Lorette, à Rome… L’Européen, Benoît Labre ne gaspille pas son temps de pèlerin. Comme le moine s’incline profondément, à la fin du psaume, pour le « Gloria Patri », ou médite en silence quelques versets de la Bible, Benoît-Joseph vient se prosterner devant le Saint-Sacrement, des heures, ou toute la journée ; il contemple une statue de la Vierge Marie ou, sur la croix, le Christ couronné d’épines. Puis il reprend sa route. Une certitude s’impose à lui : Dieu le conduit. Il l’affirme à ses parents dans les deux lettres qu’il leur adresse : « Je me réjouis beaucoup de ce que le Tout-Puissant me conduit. » « C’est par ordre de la Providence que j’ai entrepris le voyage que je fais. » Désormais sa vie devient liturgie. Ce qui se passe dans le mystère chrétien s’inscrit dans le cœur
Quand tout est perdu, il reste Dieu, et Dieu seul suffira. S’il n’a pas de place, il n’aura pas de place! Il s’effacera doucement, perdra toutes attaches, tout attachement à lui même, s’attachera à Dieu seul, il en deviendra transparent”. (Dom Pierre Doyère, moine de l’Abbaye Saint-Paul de Wisques)
de Benoît : c’est ainsi qu’en la Santa Casa de son cher sanctuaire Notre-Dame de Lorette il médite l’Annonciation, avec le même frémissement de joie que s’il se trouvait à Nazareth. Dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, il célèbre Noël avec la même joie que s’il se glissait parmi les bergers de Bethléem. Il éprouve une infinie tendresse pour l’humanité de Notre-Seigneur, comme S. François d’Assise. On sait
que l’ermite-pèlerin veut dépendre humblement de ses confesseurs. Il est entendu avec un prêtre qu’il ira méditer la Nativité à Sainte-Marie-Majeure. Soudain Benoît se ravise : il demande la permission d’ajouter une méditation sue la Passion de Jésus. Voilà la note sensible de la spiritualité de S. Benoît Labre, fasciné par le mystère pascal : au cœur de la Pâque se tient la croix de Jésus-Christ.
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SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE ET L’EUCHARISTIE
C
’est un homme en pèlerinage vers l’événement pascal. On ne peut dissocier Jeudi-Saint, Vendredi-Saint, Dimanche de Pâques. Même dans la mort, Benoît-joseph Labre en témoigne : il meurt au soir du Mercredi Saint 16 avril 1783. Au soir du Jeudi-Saint, en raison de la foule et de la rumeur qui se répand dans la ville de Rome (E morto il santo), on transporte son corps en l’église Sainte-Marie-des-Monts. Naguère il y passait le Jeudi-Saint en adoration. Et c’est un corps souple qui est inhumé dans l’église le soir du dimanche de Pâques. Y avait-il des préalables à cet amour de l’Eucharistie, 1753 : Benoît-joseph a cinq ans – Mgr Partzde-Pressy institue l’Adoration dans le diocèse de Boulogne ; 1765 : Benoît-joseph a quinze ans – le Pape Clément XIII étend à toute l’Eglise la pratique des Quarante-Heures. Il convient de noter comme un événement prophétique ce qu’il advient à un garçon de 19 ans le Mardi Gras 2 mars 1767 : Benoît-joseph quitte le presbytère de Conteville, le matin. On va faire des courses au bourg voisin Saint-Polsur-Ternoise. Benoît-joseph se rend à l’église où le Saint-Sacrement est exposé pour les QuaranteHeures. Le midi : « Benoît-joseph, tu viens manger ? » - Non. L’après-midi, même refus. Après les Vêpres et le salut, Benoît-joseph revient vers le presbytère de l’oncle, pour l’unique repas de la journée. Contempler Jésus-Hostie toute la journée, telle sera la fréquente liturgie de l’ermite-pèlerin. Assurément le seigneur a pris l’initiative de parler au cœur de Benoît-joseph. Il est bien établi que l’adoration ne remplace pas pour Benoît-joseph la communion. A une époque où le Jansénisme a éloigné les fidèles, Benoît-joseph allait tous les mois à la communion et même plus
fréquemment encore. C’était l’Eucharistie qui le tenait constamment dans un « ailleurs ». C’était un question de mouvement, un « mouvement vers » : Jésus inaugurait l’Eucharistie comme une sorte de pèlerinage vers Jérusalem pendant la Pâque juive. Saint Luc nous dit : « Quand il fut sauvé du monde, Jésus prit résolument la route de Jérusalem. » On nous permet de traduire : « Il durcit sa face. Il affermit son visage vers Jérusalem. » Avec la hâte de celui qui répond à une invitation du Christ, Benoît Labre passe d’une église de Rome à une autre. Il connaît les jours où l’on expose le Saint-Sacrement. Il se hâte vers Jésus-Christ. Les gens l’appellent « le pauvre des Quarante-Heures ». Dom Pierre Doyère a noté qu’au désert, « au témoignage de S. Basile, les ermites emportaient parfois en cellule après la synaxe dominicale le Pain Consacré pour communier en semaine. Mais le geste ne s’accompagne alors d’aucun… besoin d’un têteà-tête ou d’une présence ». Il en va tout autrement pour Benoît-joseph Labre et Charles de Foucauld. Deux attitudes sont particulièrement révélatrices du dynamisme de la démarche intérieure et de l’impatience à rencontrer le Seigneur. Un petit cortège quitte une église de Moulins le matin après les Messes : précédé d’un enfant de chœur, un prêtre va porter la communion à des malades. Un pauvre, le cœur en fête, suit la procession, Benoît-joseph Labre. Parfois, au petit matin, le sacristain d’une basilique trouve un homme à genoux devant les portes fermées. Benoît-joseph, tendu de tout son être vers Jésus-Christ. Liturgie singulière, spontanée, du pèlerin de l’absolu. Voyant qu’il se transfigure pendant une adoration, quelqu’un dit : « il brûle ». Et, sur son passage, dans une rue de Rome, une voix murmure : « heureux qui sait ce que tu vois ! »
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C’était l’Eucharistie qui le tenait constamment dans un ailleurs. C’était un question de mouvement, un mouvement vers” . (Abbé Bernard Hingrez)
SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE ET LA CROIX
L
’admirable c’est que ce pèlerin ne connaît pas les demi-mesures. Jésus est la voie. Benoît va se confondre avec la route. Jésus est Pain vivant. Benoît en devient l’icône sur une voie ardente. Jésus porte la croix : Benoît deviendra quelque Simon de Cyrène… Mieux, il est l’icône de Jésus-Christ sur une incessante via dolorosa. Que d’épreuves, au départ déjà ! La traversée du désert, les tentations, les scrupules de l’enfant et de l’adolescent, la nuit qui s’abat soudain sur un novice pourtant heureux d’être accepté à la Chartreuse de Neuville-sous-Montreuil, puis à la Trappe de SeptFons. Ce sont là des épines de la couronne, non des moins acérées. Curieusement, ce n’est pas le mépris qui l’offense, c’est la louange. Un moine zélé fait d’abord réciter
l’angélus à des mendiants dont il garnira ensuite l’écuelle. Benoît-Joseph prie comme un ange. Le moine veut lui réserver un traitement de faveur à l’intérieur du couvent. Le pauvre s’enfuit… ou encore l’un de ses confesseurs semble le tenir en haute estime. Benoît s’adresse à un autre prêtre. Par contre, ce qui nous fait horreur, Benoît l’accepte. On s’attend ici à quelque outrance. Les poux ! C’est le lot des vagabonds et de bien des pauvres. Benoît-Joseph accepte ce cilice vivant. Il demeure immobile dans son incessante oraison. Puis, il y a le régime de misère : une assiette de soupe, les écorces d’oranges amères… Il y a les coups, les mauvais traitements infligés par les enfants, les soupçons, l’emprisonnement à la place des coupables… « Le serviteur qui souffre » ne profère aucune plainte.
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De tels excès, tout de même, ne faut-il pas s’indigner ? C’est en juin 1872 que le Père Marconi voit venir en l’église Saint-Ignace du Collège romain, un homme « dont la vue, au premier abord, était désagréable et rebutante : les jambes à demi nues, les reins ceints d’un assez mauvais cordon, la tête fort négligée, mal couvert, mal enveloppé dans un manteau usé et déchiré… » Mais il découvre en ce vagabond un mystique extraordinaire, une âme noble. « A-t-il donc étudié la théologie ? » Le pèlerin répond : « Mon Père, je ne suis qu’un pauvre ignorant ! » Etrange ignorant, en vérité, qui parfois lit dans le cœur de son confesseur : « Il découvrait mes plus secrètes pensées ; il m’en a plusieurs fois rendu compte à moi-même » écrit le Père Marconi. Benoît Labre est engagé sur le chemin de la Passion, en cette dernière Semaine Sainte 1783. C’est la réponse d’amour qu’il donne à Jésus-Christ dans cette liturgie de la croix. Et la liturgie appelle un travail de tout l’être. Certains se contentent de faire lointainement mémoire de la fête, et de chanter sans trop se compromettre : Sancta Mater istud agas Crucifixi fige plagas Cordi meo valide!
“ Rien, mais je suis transporté “.
Les plaies du Crucifié marquées dans notre cœur : nous n’y pensons pas! Pour avoir aimé Jésus en croix, François d’Assise portait les stigmates. Benoît Labre est devenu l’icône de Jésus-Christ. Le cœur est pris et tout le corps : voyez ces gestes d’amoureux ! Il pose ses lèvres sur le mur d’une église où se trouve peint un Ecce Homo. Ce n’est pas in extremis, dans la dernière semaine, qu’il devient fou de la croix. Il l’a aimée dès sa jeunesse. Il l’a portée : des paysans l’ont vu traîner deux branches d’arbres reliées l’une à l’autre. « Que celui qui veut me suivre, prenne sa croix… » Benoît prend toujours l’Evangile au sérieux. Quand il est à Rome, le vendredi et le dimanche, il suit le chemin de croix organisé par une confrérie dans les ruines du Colisée. Il réclame la croix comme une faveur. Un professeur du Collège romain témoigne : lui-même est entré en l’église Saint-Ignace pour faire sa visite au Saint-Sacrement, à 13 heures. Benoît se croit seul dans le sanctuaire. Il regarde un tableau qui représente le Christ portant sa croix. Saint-Ignace, près de lui, fait signe à Jésus… Benoît intervient à voix haute : « Pas à Ignace qui est saint ! A moi cette croix ! »
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Tantôt Benoît est en marche entre deux sanctuaires, tantôt il se prosterne ; or les genoux de Benoît sont tuméfiés. On le constatera lors de la toilette funèbre. C’est donc sur ces plaies qu’il pesait, quand il se prosternait longuement en l’église Saint-Praxède devant la colonne de la flagellation, et quand il montait, marche à marche, « la « Scala Sancta ». Il ira jusqu’au bout. Comme il ne peut plus se traîner, il demande un bâton. La nuit, le gardien de l’hospice Saint-Martin l’entend murmurer « Miserere ! » Quel pécheur est-il donc ? Se sent-il, selon l’expression de Dom Pierre Doyère, « une misère nue devant la majesté de l’unique Présence ? » Sans doute entre-t-il dans cette expérience mystique qui ne le prive ni de l’espérance ni de la joie. « Benoît, si l’on te disait que tu es damné ? » demande quelqu’un. Il répond : « J’aurais confiance ». Mais sa relation à Dieu passe par la croix de Jésus, au pied de laquelle il se sent solidaire de tous les pécheurs du monde. Alors le cri du « miserere » lui appartient. Et le sanglot des litanies des saints : « peccatores, te rogamus audi nos ». Quels crucifix Benoît Labre a-t-il contemplés dans les sanctuaires de l’Europe ? La croix romane, à la voûte du chœur, où l’on voit un Christ en tunique ? Plutôt la croix de la période gothique, proche de l’assemblée, où le Christ meurt couronné d’épines. Ainsi le Dévot Christ de Perpignan ou des toiles de Vélasquez ou d’une Ecole Espagnole… Une « liturgie » de
la croix, chez Benoît, peut guider notre méditation du Golgotha. A Lunel, une religieuse porte, au bout de son chapelet, un Christ couronné d’épines. Benoît Labre le fixe avec tant d’intérêt que la sœur détache la croix et la lui donne. Le pèlerin l’emporte, ravi. A Rome, il répond au Père Almerici : c’est la Passion qu’il médite le plus souvent. Quand il applique son esprit à la couronne d’épines, il est transporté - sans savoir comment – à la contemplation de la Trinité. Mais que sait-il de la Trinité ? « Rien, mais je suis transporté ». On demeure sans voix devant cette tendresse de Benoît pour l’humanité souffrante de Jésus, et ce cheminement mystique vers Dieu, Trinité d’Amour !
C’est la réponse d’amour qu’il donne à Jésus-Christ dans cette liturgie de la croix. Et la liturgie appelle un travail de tout l’être. .”
Le Mercredi-Saint 16 avril 1783, voici l’heure de rejoindre le Royaume. Il entend, le matin, l’Evangile de la Passion, en l’église Notre-Dame-des-Monts, qu’il aime tant. Pris de malaise, il sort, chancelle et tombe. Le boucher Zaccarelli l’emmène chez lui et l’allonge sur une paillasse. -« N’avez-vous rien qui vous inquiète ? » - « Grâce à Dieu, rien ! » - Le soir, à 20 heures, quand les cloches invitent Rome à chanter le Salve Regina, quand les gamins se répandent dans les rues, criant : « Le saint est mort », Benoît semble le Christ détaché de la croix. Déjà les Pénitents de Notre-Dame-des-Neiges préparent « le linceul blanc ».
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SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE ET LA PÂQUE
B
enoît Labre, tu auras part avec le Christ ! La foule qui te contemple sent que les mots sont trop fragiles pour tenter de dire la rencontre. Les yeux regardent ce corps qui reste souple jusqu’au soir de Pâque. Mais on évoquera les antiennes qui annonceront le psaume de joie. A la famille Sori de Lorette, qui l’an passé, l’invitait à revenir pour la Pâque 1783, Benoît disait : « Il faut que j’aille dans ma patrie ». Et lui, le discret, plusieurs témoins l’ont vu, pendant le Carême 1783, faire quelques pas vers un point de l’église SainteMarie-des-Monts. Il fixait le sol. Il s’étonnait. Là, le soir même de Pâque, il allait être inhumé, comme un évêque dans sa cathédrale ! Le psaume disait : il a tenu ; il est passé de l’angoisse à la paix, de la crainte à la joie. Il a cherché Dieu. Il a rencontré Dieu. Plus d’un, venu réciter sur la dépouille du pauvre un « De profundis » s’est surpris à dire : « Gloria Patri »… On ne peut encore deviner l’extraordinaire fécondité de cette vie. Un vagabond de 35 ans provoque « un tremblement de terre spirituel » à Rome et dans le monde, lors de sa naissance au ciel et de sa canonisation ! Les vocations à Amettes et ailleurs, le goût de la marche et de la prière, la société Saint-Labre à Paris, le syndicalisme chrétien, la JOC française, les abris pour clochards, la lumière sur la route des pèlerins du monde, car il mérite bien d’être leur patron… Et tout ce qui demeure le secret des cœurs… Nous savons bien que tout cela est fruit de la liturgie pascale de 1783. Une page, parmi bien d’autres, mérite de clore ces quelques notes. « Jérusalem, livre de vie », parle aux moines et aux moniales ; mais libre à chacun d’y puiser ceci : « la prière fera de toi une liturgie… Souviens-toi que, baptisé en Christ, tu as vraiment revêtu le Christ et que ton être tout entier est devenu un chant à la louange de sa gloire. Revêts ce vêtement et habite cet habit à la double lumière
du Christ qui te recouvre et de l’esprit qui t’envahit. Sois ainsi le Corps du Christ et le temple de l’Esprit à la gloire du Père ». Voici le deuxième centenaire de la mort de S. Benoît Labre. L’Europe se souvient. Il est bon de retrouver les sanctuaires, les chemins, les pays marqués par son passage. Les sanctuaires de Rome, SainteMarie-des-Monts, méritent un pèlerinage. Et le village natal, Amettes, dans le Pas-de-Calais. La maison de famille demeure ouverte, jour et nuit, à tout chercheur de Dieu. Derrière chez lui passe une route, coule un ruisseau. Depuis la splendide aventure du petit paysan dans la sainteté de Dieu, devant chez lui se dresse une croix. En avril, à voir de loin la prairie et çà et là des pommiers, on dirait que l’arbre de la croix, lui aussi, est en fleurs.
Boulogne-sur-Mer. Abbé Bernard Hingrez Animateur en 1983 de l’année Saint Benoît-joseph Labre.
b
L’abbé Bernard Hingrez, est décédé le mercredi 6 juillet 2011 à la maison de retraite Saint Antoine de Desvres (Pas de Calais)dans sa 89ème année. Né le 4 novembre 1922 à Montreuil sur Mer ; ordonné le 17 juillet 1949 ; Prof. Petit séminaire de Maquetra à Boulogne sur Mer en 1949 ; secrétaire de Rédaction « Eglise d’Arras » en 1963 et dir. Adjoint du Centre diocésain des Vocations en 1964 ; supèrieur du petit Séminaire de Maquetra Boulogne sur Mer en 1966 et direc. Centre diocés. des Vocations; curé d’Ambleteuse en 1977 ; et curé de St-Nicolas à Boulogne sur Mer en 1982
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Aujourd’hui l’aventure continue…. L’attrait de sa vie anime encore le cœur de millions de chrétiens et les valeurs, de charité, de recherche de Dieu dans l’amour et la solidarité qu’il nous enseigne restent d’actualité. Saurons-nous rester dignes de son message en nous mettant en route pour bâtir un monde d’amour et de Paix ? Didier NOËL 14 • Les Amis de saint Benoît Labre http://www.amis-benoit-labre.net/