L’HOMME SOLITAIRE (Sextine) Souvent seul, au pied du Mont silencieux, Comme un ruisseau marchant au milieu des fleurs, Il va s’entretenir d’avec ses Dieux ; Que ce soit par la nuit noire, ou le jour glorieux, Des instants de joie, ou de malheur, Jamais il ne manquerait ces heures… Mais le chemin parsemé d’épines rappelle les Heures, Les Instants tristes, et silencieux Du Fils des Cieux dans son Glorieux Malheur. Cependant l’homme, amoureux des tendres fleurs, Court toujours ce chemin solitaire et glorieux, Où l’attendent Frères et Dieux. Au sommet de ce Sinaï, domaine d’immortels Dieux, Où s’écoule une éternité en trois heures, Son âme convertie en un soleil glorieux, Perce le flanc nu des célestes nuages silencieux ; Ses yeux boivent aussi des tendres fleurs Les douces beautés, les âpres malheurs. Or l’homme, en ses jours de malheur, Reniant en lui-même la voix des Dieux, S’en va dans les plaines où dorment les fleurs, Où le Silence, seul, compte les heures, Déposer au pied du Mont silencieux, Son noir manteau d’un geste simple, glorieux : «Ô Dieux des Cieux lointains et glorieux, Voyez ma peine, voyez mon malheur», Mais voyant les Cieux mornes et silencieux, Il s’en détourne et maudit les Dieux ; Et quand s’écoulèrent trois heures, Une voix se fit entendre du milieu des fleurs : «Nous t’avons couronné d’épines et de fleurs ! Nous t’avons donné un esprit glorieux, Pourquoi ainsi se lamenter dans les tristes heures ? Que sont les joies sans quelques jours de malheur ?» Et quand il eut ouï la tumultueuse voix des Dieux, L’homme demeurât pensif et silencieux. Les Cieux sont parfois silencieux. Hélas, pas les fleurs ! Elles portent des Dieux le message glorieux, Et nous disent que nos malheurs ne durent que trois heures !