Mémoire de fin de licence

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Gaël CLAUDE

HUNDERTWASSER BLANC FRANCOIS 3 créateurs qui conjuguent architecture, nature et art

Mémoire de fin de licence


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Gaël CLAUDE

HUNDERTWASSER BLANC FRANCOIS 3 créateurs qui conjuguent architecture, nature et art

Mémoire de fin de Licence Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy Aout 2010 3


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Avant – Propos

Construire avec la nature… Depuis la nuit des temps, l’Homme façonne son habitat au travers de son environnement. Aux origines même de la préhistoire, il investit des grottes, construit des abris dans les arbres pour se protéger des intempéries et des dangers du monde. Les éléments naturels à portée de main - bois, branchages, feuillages, ossements d’animaux… - servent un habitat, souvent éphémère, que l’on pourrait qualifier comme les premières formes d’architecture vernaculaire. L’Homme évolue. Sa façon d’habiter aussi. Il construit un monde plus minéral en investissant les plaines. Apparaissent alors les premières formes d’un art architectural. Cependant, au plus profond de lui-même, il garde cet instinct le reliant à ses racines, son environnement naturel. 5


Construire avec la nature demeure un désir ardant donnant lieu aux rêves les plus fous aux architectes de toutes époques. Ainsi depuis l’antiquité, on connaît nombre de projets dans lesquels la nature se mêle au monde minéral de l’architecture. Légende ou réalité, les jardins suspendus de Babylone de Nabuchodonosor II (IVème siècle avant JC), palais composés de terrasses végétales où poussent végétaux en tous genres, ouvrent la voie à une architecture nouvelle où la tradition de l’art des jardins est révolutionnée. Un foisonnement végétal envahit le bâti, créant une véritable symbiose entre les éléments. L’histoire de l’architecture répertorie nombre de projets où le monde végétal s’immisce dans l’architecture, y compris en milieu urbain. Néanmoins, ces réalisations ne sont souvent que des idées fantasmées et ne seront à aucun moment considérées comme des réalisations majeures. Et ce, jusqu’au début du XXème siècle. Un mouvement postindustriel et postmoderne se développe dans le monde entier. L’art contemporain naît, rompant avec la période moderne qui développe certes encore une pensée dominante, mais une pensée de plus en plus décriée. Une ferveur créatrice s’empare des artistes et des architectes qui recherchent inlassablement des solutions capables de modifier les représentations dominantes de l’architecture. Dans cette ferveur, se développe le courant « Green architecture ». Il est porté par des figures emblématiques : Franck Lloyd Wright, James Wines ou encore Emilio Ambasz. Ces architectes développent une utopie, celle de rapprocher l’Homme et la nature par l’architecture dans un fort dialogue avec le site du projet, avec l’écologie mais aussi avec les arts plastiques.

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L’agence SITE qui illustre peut-être le mieux ce mouvement développera des contacts avec des artistes novateurs comme Nancy Holt, Robert Smithson, Alice Aycock, Vito Acconci ou Gordon Matta Clark. Les projets provocateurs ont toute leur place et la plupart, certainement trop utopistes n’en resteront qu’au stade de l’esquisse. Aujourd’hui, construire avec la nature revient au premier plan, notamment avec l’avancée de la question de l’écologie. Des matériaux alors disparus de notre champ visuel réapparaissent : la terre, la paille... On ne s’est jamais autant intéressé à l’impact de la construction sur l’environnement. En effet, le constat a été fait que le bâti est l’un des plus gros consommateurs de ressources naturelles et une partie de la recherche architecturale se concentre sur la réduction de la pollution et sur les méthodes de construction durables. Ainsi, l’architecture contemporaine évolue de manière passionnante avec l’ambition de construire durablement le monde de demain tout en créant « une bonne architecture ». La technologie et l’expérimentation poussées de matériaux fait que les architectes peuvent aujourd’hui associer architecture verte et beauté. La beauté, il en est justement question à travers ce mémoire. Une faible minorité de créateurs ayant un rapport avec l’écologie se détournent en effet de la mouvance « verte » actuelle, basée essentiellement sur la recherche technologique (en témoigne les bâtiments aux normes HQE). Ils préfèrent adopter une démarche créative se rapprochant plus des débuts de la « Green architecture » tout en s’appuyant sur une philosophie et une façon de voir le monde de demain qui leur est propre. Passionnés par le contexte du projet et par la question de la nature dans l’architecture, ils développent un rapport abstrait au monde de l’art.

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Ainsi, ils s’engagent pour une nouvelle forme de beauté associant l’art, la nature et l’architecture à la condition humaine. J’ai décidé, dans ce mémoire, d’illustrer cette problématique au travers de l’étude d’une partie de l’œuvre de trois créateurs contemporains : 

Hundertwasser, un des précurseurs du mouvement naturaliste contemporain. Ce philosophe, peintre et architecte du XXème siècle a laissé derrière lui des œuvres dans lesquelles il existe un lien incessant entre sa théorie, ses peintures et son architecture.

Patrick Blanc, chercheur au CNRS, botaniste et artiste. Il a beaucoup fait avancer l’architecture en lien avec la nature. il est l’homme ayant breveté le concept de mur végétal. Cette création est une œuvre à part entière et trouve de nombreuses analogies à l’histoire de l’art.

Edouard François, figure montante de l’architecture naturaliste. Son œuvre résulte d’un dialogue fort avec le site, elle rapproche architecture, land art et arte povera.

Métiers différents, démarches différentes… Et pourtant … Ces trois bâtisseurs me semblent si proches…

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FRIEDENSREICH HUNDERTWASSER Hundertwasser est né le 15 décembre 1928 à Vienne sous le nom de Friedrich Stowasser. D’origine juive, son enfance est marquée, après l’Anschluss en 1938, par la déportation de 69 membres de sa famille. Il étudie seulement trois mois dans l’Académie des Arts plastiques de Vienne après avoir obtenu son baccalauréat en 1948 et sa création artistique ne débute réellement qu’au retour de premiers longs voyages notamment en Italie en 1949. C’est à ce moment là qu’il acquiert le nom de Hundertwasser. Il invente ce nom d'artiste à partir de Frieden qui signifie «paix» et Reich «le royaume» ou bien reich «riche», Friedensreich se traduisant donc par le «Royaume de la paix» ou «riche en paix». Sto étant le mot tchèque pour «cent» (hundert en allemand) et wasser se traduisant par «eau», Hundertwasser veut donc dire «cent eaux». Dans le premier cas, la mise bout-à-bout des deux termes donne : «Le royaume de la paix (aux) cent eaux». Hundertwasser aimait souvent à citer la traduction japonaise de son nom : hyaku-sui. Entre 1950 et 1960, il expose ses premiers tableaux notamment à Vienne, à Paris et à Milan et il publie ses premiers textes dont « la grammaire du voir » et surtout le « Manifeste de la moisissure contre le rationalisme en architecture ». Sa notoriété prend un élan certain à partir de 1960 à travers différentes expositions de ses œuvres. Artiste avant tout, il continuera d’écrire de nombreux traités philosophiques, traités qui lui vaudront le rejet de ses 9


contemporains car il était farouchement opposé au mouvement rationaliste, alors courant dominant de l’époque en architecture et dans la création artistique. La fin de sa vie est marquée par sa création architecturale, notamment avec son chef d’œuvre la KunstHausWien en 1991 et sa lutte en faveur de l’écologie. Il termine sa vie à bord du Queen Elizabeth II le 19 février 2000 et est enterré en Nouvelle Zélande sous un tulipier, dans le jardin des Morts heureux, en harmonie avec la nature.

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Dans un écrit où je me force de mettre en lien art et architecture naturelle, il me paraissait inconcevable de ne pas présenter longuement le travail de Friedensreich Hundertwasser. En effet, on peut le considérer comme le précurseur d’un mouvement contemporain rapprochant philosophie, art et architecture naturelle, celui qui au XXème siècle développe, sans le savoir, un courant qui prend, aujourd’hui, toute son ampleur. Cet artiste, que l’on peut considérer comme marginal, a ouvert la voie à une nouvelle forme de pensée du monde où architecture et art relient l’Homme et la nature. Je pense que pour comprendre son œuvre architecturale, il faut tout d’abord étudier la philosophie que dégage le personnage puis étudier son art pictural. En effet nous verrons que l’architecture de Hundertwasser est une architecture naturiste qui a été engendrée par son utopie et son travail d’artiste.

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Hundertwasser philosophe : Les fondements d’une architecture humaniste La réflexion philosophique de Friedensreich Hundertwasser n’est peut être pas la partie de son œuvre la plus connue, mais il me semble intéressant de la mettre en avant car elle est très importante pour comprendre son œuvre picturale et architecturale et sa prise de parti naturiste. Je me demande par ailleurs si ce n’est pas cette ignorance envers la philosophie de l’artiste qui le rend parfois incompris par ses pairs et par le grand public. En 1958, il écrit « Le manifeste de la moisissure contre le rationalisme en architecture ». Il y explique sa prise de position fondamentale en matière de sociologie de l’habitat prônant une architecture évolutive, transformable, périssable et prenant mesure du temps et s’opposant à ce qu’il appelle « la fureur destructive des architectes modernes qui détruisent les quartiers anciens pour y imposer leur construction ». Il prend ici position envers le patrimoine, lui qui déclare : « celui qui n’honore pas le passé perd le futur. Si nous détruisons nos racines, nous ne pouvons pas croître. » Mais ce traité, tout comme cette citation, est avant tout une prise de position envers le foisonnement naturel car la moisissure est la métaphore du pouvoir créateur de la nature. Notons que cette philosophie peut avoir des analogies avec le land art créé dix années plus tard par Robert Smithson car la question du temps égale sensiblement celle du périssable : le temps et les saisons qui passent sont révélés par le vieillissement de la matière faisant de l’être humain un témoin de cette avancée temporelle. Mais chez Hundertwasser, la moisissure n’est pas vouée à être éphémère, c’est un état de vieillissement amené à perdurer et à amplifier. Ainsi, la nature reprend son droit sur le monde minéral construit par l’homme symbolisé par l’architecture.

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« Quand la rouille se fixe sur une lame de rasoir, quand un mur commence à moisir, quand la mousse pousse dans un coin de la pièce et en arrondit les angles, il faut se réjouir de voir la vie s’introduire dans la maison avec les microbes et les champignons et prendre conscience que nous sommes témoins de changements architecturaux, dont nous avons beaucoup à apprendre ».

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Il faudra attendre dix ans, en 1968, pour que Hundertwasser affine et précise son parti pris naturiste. A travers trois discours, en s’engageant profondément contre le courant moderne, il prend position pour une politique humaniste, où l’homme s’épanouit par sa créativité personnelle sur son environnement. Il dira à ce propos : « La libération de l’Europe et du monde de l’oppression politique des dictatures doit être suivie de la libération culturelle de la création sous tous ses aspects de l’oppression perverse et contre nature par une dictature politique et culturelle qui règne encore ». Cela débute avec « Discours dans le nu ». Il se présente à Munich nu comme un ver et créé une « manifestation contre l’inhumanité de l’environnement contemporain ». Il délivre un discours profondément humaniste où il invite chaque être humain à revenir à ses fondamentaux et à interagir sur son environnement et notamment à ce qu’il qualifie d’essentiel pour l’épanouissement de tous : son habitat. Puis la même année, le manifeste « Los von Loos » (loin de Loos) fait de lui un des rares opposants de l’architecture rationaliste. Contemporain de Loos et autrichien tout comme lui, il ne cesse de critiquer son œuvre qui fut une des œuvres précursives du mouvement moderne. Loos était farouchement opposé au courant de la sécession viennoise, proche de l’art nouveau qu’il juge décadente car décorative et au contraire, défend haut et ferme le dépouillement intégral de l’architecture et l'utilisation juste des éléments de ses éléments sans fauxsemblant (théorie énoncée notamment dans le livre « ornement et crimes » en 1908). Hundertwasser tout comme le mouvement sécessionniste viennois défend un art total et une liberté d’expression artistique notamment dans l’architecture. Une centaine d’années après l’éclosion du Jugendstil, il aspire par ses réalisations à renouveler la vision créative du monde en mettant l’art au centre du dispositif créatif. 14


Hundertwasser, lors du discours « dans le nu » au pintorarium de Munich le 12 décembre 1967 15


La liberté d’expression, chez Hundertwasser, passe par un épanouissement artistique de chacun en premier lieu, en encourageant un foisonnement créatif sur leur habitat, très loin de l’idée de pureté et de minimalisme défendue par les architectes modernes. Mais Loos est surtout un prétexte pour appeler au boycott de la ligne droite et de l’architecture rectiligne. Cela rejoint ce qu’il avait énoncé dès 1953, dans son travail pictural sur la spirale. Pour lui, la ligne droite n’existe pas dans la nature et est le fruit de l’éducation : « un danger créé par l’homme car elle est étrangère à la nature de l’homme, de la vie, de toute création». La ligne droite qu’il reproche aux architectures modernes et leur perspective sans fin… La ligne droite qu’il refusera catégoriquement dans son œuvre architecturale allant même jusqu’à concevoir des sols ondulés… Pour lui, la spirale est également la métaphore de l’évolution, de la vie et du temps qui passe.

"La spirale signifie à la fois la mort et la vie. En partant du centre de la toile, on va de la naissance à la mort qui se trouve aux extrémités du tableau et inversement." 16


« Le droit de fenêtre » vient compléter ce dispositif moral en 1990. Il revendique le fait que chaque locataire devrait orner ses portes et ses fenêtres comme il le souhaite. En invitant chacun à se démarquer de son voisin par l’appropriation artistique de sa fenêtre, il s’oppose à nouveau contre l’architecture du mouvement moderne jugée oppressive et impersonnelle.

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La « KunstHausWien », construite en 1991 et considérée comme son œuvre la plus aboutie, rassemble la totalité de ses préceptes humanistes. A cette occasion, il milite à nouveau pour la troisième peau de l’Homme : la première est sa peau, la deuxième est ses vêtements, la troisième les murs de sa maison. Cette troisième peau, il la troue de fenêtres tout comme la peau est trouée de pores. Les fenêtres sont le lien entre intérieur et extérieur et sont considérées tels des yeux. La façade ondulée du bâtiment est à nouveau un pamphlet contre la ligne droite et l’échiquier rectiligne noir et blanc peint sur la façade signale la dissolution du système de quadrillage qui s’amorce.

Ainsi, dans la philosophie développée par Hundertwasser, l’homme ne se soumet plus à son environnement, il le façonne. Il prône une libération de l’être humain et l’encourage à exprimer sa sensibilité et sa créativité. De plus, il rompt totalement avec les préceptes du mouvement moderne. On est très loin de la machine à habiter chère à Le Corbusier. Chez Hundertwasser, l’habitant expérimente, crée et modèle une société dont il est un acteur intégrant. Sa pensée est une utopie et le restera certainement. En effet, elle vise incroyablement loin. Pour la réaliser, elle nécessite la collaboration active et la mobilisation des forces créatives de chacun. Elle reflète une révolution de la société difficile, violente mais tellement optimiste. Une utopie fortement marquée par son histoire personnelle et la lutte contre le totalitarisme. 18


Façade principale de la « KunstHausWien » 19


Hundertwasser philosophe : Les fondements d’une architecture naturiste Tout en développant ses théories humanistes plaçant l’homme au centre de son environnement, Hundertwasser développe une philosophie profondément écologique. Il entend réaliser une architecture où la propre créativité de l’homme est en harmonie avec la créativité de la nature. Ainsi dans la deuxième partie de sa vie, il écrit en parallèle de ses manifestes humanistes, des théories plaçant la nature au centre de sa réflexion artistique et architecturale. La nature et l’environnement sont, depuis les fondements de la philosophie, des questions essentielles. Les penseurs se sont toujours demandé quelle position adopter avec leur milieu naturel et quelle place l’homme doit prendre dans son environnement. La question de la place de la nature a toujours opposé mysticisme et science, étant tantôt considérée comme divinité ou régie par des lois (notamment depuis l’époque des lumières). Quoi qu’il en soit, les êtres humains ont apprivoisé leur milieu en le cultivant et en en tirant ses richesses. Les visions classiques de l’histoire réservent à l’homme la place privilégiée, l’environnement était souvent en second plan. Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, on s’est rendu compte que le puisement abusif de richesses naturelles par l’Homme était un danger pour l’environnement. Aujourd’hui, l’histoire de l’environnement, qui s’est constituée depuis peu, est considérée comme une discipline scientifique portée par les écologistes. Au fur et à mesure de l’avancée des recherches écologiques, est née naturellement l’architecture écologique.

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Hundertwasser par ses réalisations architecturales et artistiques tend à montrer que la nature évolue dans le temps et dans l’espace et que l’Homme et son habitat doivent s’accorder et vivre en phase avec ces évolutions. Le but de Hundertwasser est de réunir la créativité de l’homme avec la nature - le milieu naturel - afin de créer la beauté et plus encore la liberté. En prônant un retour aux sources naturelles, Hundertwasser condamne peut être implicitement les dérives de la culture de l’homme (son action sur l’environnement par l’architecture et l’urbanisme). Mais au-delà de ses considérations philosophiques, Hundertwasser a avant tout un profond respect pour la nature, respect qui le conduit à porter la nature sur un piédestal. L’évolution de sa pensée va en faire un véritable écologiste en développant des valeurs qu’il ne cessera de défendre. Etudier son œuvre est très important. En plus de développer une architecture naturiste, il semble être un des précurseurs de l’architecture écologique. Ce qui me paraît encore plus intéressant, c’est que c’est la philosophie de Hundertwasser engendre une architecture totalement nouvelle et expérimentale qui ouvre la voie aux plus brillants architectes écologistes d’aujourd’hui. En étant loin d’avoir les moyens techniques que l’on connaît aujourd’hui, il a inventé des procédés écologiques en ayant recours à une technologie primaire notamment grâce à sa compréhension du fonctionnement des plantes. Il est peut être un des premiers architectes à réussir à créer de manière concrète de véritables écosystèmes dans ses réalisations. Ainsi, ses habitations sont les premières du genre, devenant progressivement autarciques, en fournissant nourriture, eau, air, abri, recyclage, régénération. Elles s'intègrent parfaitement à l'environnement naturel et ne lui causent aucun dommage.

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Mais revenons sur les manifestes qu’il a écrits, afin de mieux comprendre les spécificités de sa pensée. Sa première théorie naturiste est certainement son travail sur les toits végétaux. En 1972, lors de l’émission de télévision « Wünsch Dir was », il fait une démonstration en faveur du toit de verdure. Hundertwasser a déjà compris les avantages pour l’écologie, la santé et les techniques thermiques que ce type de toiture peut apporter : « Un toit de verdure produit de l’oxygène et rend la vie possible. Il absorbe la poussière et la saleté, et transforme la terre. *…+Autre avantage des toits de verdures, l’effet isolant contre le bruit. Les toits de verdure apportent calme et paix. *…+ Il ne faut pas non plus sous -estimer l’aspect financier, puisqu’un tel toit sert de régulateur climatique en hiver en économisant du combustible et rafraîchit l’été.» On trouve des toits végétaux depuis la préhistoire et certains font partie de la culture constructive de certains Amérindiens ou Américains du Nord. De plus les années 60 marquent le début de l’essor de ce type de toiture, notamment en Allemagne. Mais je crois que rares sont les architectes ayant autant compris à cette époque les spécificités des toitures végétalisées. Mais pour lui, l’essentiel n’est pas seulement là et cela relève encore de sa philosophie. Il dira en effet : « tout ce qui est à l’horizontal sous le ciel appartient à la nature ». Il dénonce les dérives de l’homme moderne qui a « assassiné la terre ». Il prône une nouvelle société ayant une soumission symbolique et pratique à la nature. Ainsi, sa première démarche est de produire des maisons où la nature est au-dessus de l’habitant. Ainsi « la nature que nous mettons sur le toit est le morceau de terre que nous avons tué en y plaçant une maison ». 22


Maquette de la maison Hundertwasser Ă Vienne

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Au cours de la même année 1972, il publie le manifeste « Ton droit de fenêtre-Ton devoir d’arbre » : le devoir d’arbre et le devoir de l’Homme à introduire des arbres au sein des villes et des habitations. Ainsi, en implantant des arbres sur les toits, les balcons et fenêtres, l'habitant participe à l'amélioration de son habitat, de son environnement et de son atmosphère : « la nature doit pousser partout où tombent la neige et la pluie. Là où tout est blanc en hiver, tout doit être vert en été ». C’est également au travers de ce traité qu’il développera sa théorie d’arbres-locataires. Certains architectes expérimentateurs de la « green architecture » avaient déjà poussé le concept d’introduire des arbres au sein même des habitations. Hundertwasser, par ce traité et par sa mise en pratique dans ses constructions, propose un aboutissement de ce concept. Par cette mise en œuvre, l’architecte tend à faire de l’arbre le partenaire privilégié de l’Homme, donnant à cette relation une dimension religieuse. L’Homme doit aider au mieux la nature à retrouver ses droits, notamment en ville. C’est encore une opposition de Hundertwasser aux villes minérales (et donc certainement dans son esprit, les villes issues du courant moderne) qu’il juge grises et oppressantes. Il dira d’ailleurs : « Les murs verticaux et stériles des enfilades de maisons qui nous agressent et nous tyrannisent tous les jours doivent devenir des vallées vertes dans lesquelles l’être humain peut respirer librement. » Et bien avant l’avènement des murs végétalisés, Hundertwasser développe des façades dans lesquelles des arbres sortent des fenêtres. Dans sa théorie, l’arbre a la même valeur qu’un résident humain : « L’arbre-locataire paie son loyer par des valeurs durables ». 24


Il entend par là, que ce procédé, outre les valeurs esthétiques, possède des avantages thermiques, acoustiques, favorise la biodiversité, l’intimité dans les appartements, ainsi qu’une notion de bien être ressenti par tous.

« L’arbre locataire est un symbole visible de réconciliation avec la nature, il est un morceau de nature qui peut se développer sans le contrôle rationaliste de l’Homme. »

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Par la suite, il affine sa théorie naturaliste.

En 1975, il publie le « Manifeste pour les toilettes d’Humus », et en 1979 « Manifeste pour la sainte merde ». Ces manifestes donnent un point final à son engagement écologique et montre qu’il fait encore figure de précurseur en la matière, les toilettes écologiques se démocratisant timidement de nos jours. Ces exemples, qui ont certes moins d’impact sur sa vision de l’architecture et de la société, témoignent de son attachement à la nature et de la sa vision de la condition humaine qui n’est rien face aux éléments naturels. Son engagement écologique se parachève par des prises de positions de plus en plus marquées politiquement. Ainsi en 1978, il proclame son « manifeste pour la paix » qu’il accompagnera par de nombreux dessins de drapeaux de la paix. Et surtout en 1980, il réalise un discours au sénat de Washington contre l’énergie nucléaire et pour une architecture plus en accord avec l’Homme et la nature. Cette même année sera un avènement pour sa politique naturiste. En effet, est proclamé le « Hundertwasser Day » à Washington D.C. le 18 novembre, par le maire Marion Barry Jr. Les douze premiers arbres des cents prévus, pour le Judiciary Square, sont plantés et le poster contre l'énergie atomique « Plant Trees » est érigé. Tous ces traités proposent une combinaison permettant de créer des véritables écosystèmes dans les constructions de Hundertwasser en faisant certainement les premières architectures bioclimatiques aussi abouties tant de manière abstraite par la philosophie qui s’y rattache que de manière concrète par les procédés employés.

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Nous voyons par cette étude, que la théorie de Hundertwasser sur la condition humaine évolue. En effet, sa philosophie naturiste et écologique complète sa philosophie humaniste. On comprend que l’une est indissociable de l’autre, ces manifestes rêvent d’un monde où humanisme et nature entretiennent un lien pour atteindre l’harmonie.

Or comment renforcer ce lien ? Hundertwasser, poussé par son travail pictural, répondra : « par l’art ». Il fait part de plusieurs citations montrant que la beauté de notre environnement réside dans l’art, art qu’il place au centre de son propos. Tout comme il a combattu le mouvement moderne en architecture, il s’oppose au mouvement moderne en peinture pour encourager une libération picturale. Dans la mouvance de la naissance de l’art contemporain, Hundertwasser se veut le porte parole d’un art populaire, asservi au quotidien par la créativité de chacun d’entre nous, en mettant bien sûr, la nature sur un piédestal. Il déclare ainsi : « L’art doit retrouver un sens. Il doit créer des valeurs durables et encourager la beauté en harmonie avec la nature. L’art doit de nouveau impliquer la nature et ses lois, l’être humain et ses aspirations aux valeurs vraies et impérissables. Il doit de nouveau établir un lien entre la création de la nature et la créativité de l’homme. »

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Hundertwasser Peintre La peinture de Hundertwasser ne cesse d’exprimer sa philosophie. Il fait partie de cette catégorie d’artistes ayant des idées fortes et l’exprimant de manière sourde sur leur toile. Je pense que son œuvre ne peut être vraiment comprise sans avoir conscience de la portée de sa réflexion philosophique, tant elle est reflétée dans son œuvre picturale, tant on sent une omniprésente de sa pensée. En effet, conformément à son caractère, l’œuvre de Hundertwasser est introvertie, silencieuse et poétique, mais son œuvre attire l’attention tant elle dégage une présence presque dérangeante. C’est certainement ce qui en fait un artiste controversé. Hundertwasser s’est manifesté comme peintre à partir des années 50. A la recherche d’un style qui lui est propre, il se détache du tachisme, courant dominant à Vienne porté par Arnulft Rainer pour se rapprocher d’une peinture plus primitive et naïve. Ainsi il fut d’abord très influencé par des tableaux d’Henri Rousseau et Pau Klee dont les œuvres ont en commun le caractère plat du tableau et le renoncement à la perspective habituelle.

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Henri Rousseau, Memory of a garden (1891)

Hundertwasser et René Brô, La pêche miraculeuse (1950) 29

Paul Klee, combat de tigre et buffle (1891)


Par la suite, il tourne sa recherche picturale vers des éléments formels propres au Jugendstil et à la Sécession. Ainsi, il cultive une certaine fascination pour les réalisations de Gustav Klimt et d’Egon Schiele. Comme eux, il développera une structuration fine des formes planes, un éclat précieux de la couleur, une sensibilité de la ligne suggérant le mouvement et la vie. Leurs tableaux représentant un travail sur le paysage présentent des analogies notables.

Egon Schiele, Paysage d’été (1917)

Gustave Klimt, Kirche in Cassone (1913)

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Hundertwasser, CathĂŠdrale I (1951) 31


Cependant, bien que s’étant appuyé sur des modèles aussi forts, Hundertwasser développe dès le départ une poésie qui lui est propre. Il est intéressant d’observer qu’il peint des formes singulières paraissant animées : il représente un monde toujours en mouvement, emprunt d’une vitalité particulière. La spirale dont nous avons déjà parlé devient, dès son avènement en 1953, récurrente et dominante dans ses peintures, devenant ainsi en quelque sorte son emblème. Symbolisant la vie et le temps qui passe, elle présente dans toutes ses œuvres un paradoxe rejoignant la philosophie de l’artiste : elle s’approprie l’environnement qui l’entoure mais en même temps s’en protège en s’enveloppant sur elle-même.

Hundertwasser, Le je ne sais pas encore (1960) 32


Une autre particularité dominante dans la peinture d’Hundertwasser est son utilisation de la couleur. Il applique la couleur sur la toile de manière instinctive à tel point qu’on se demande s’il se soumet à une règle qu’il s’est prédéfinie. On ne retrouve pas comme dans la plupart des artistes des récurrences entre formes et couleurs. Il aime les couleurs profondes et lumineuses en jouant surtout sur des effets d’association de couleurs complémentaires. Cet effet par exemple renforce l’impression d’harmonie que l’on discerne en contemplant une de ses œuvres. On note enfin une récurrence de couleurs or et argent peut-être pour amener de la noblesse dans ses tableaux. Mais ce qui nous intéresse réellement ici est le contenu de ses œuvres. D’une part, Hundertwasser représente un monde de formes ayant des analogies avec la croissance des plantes et une nature vivante, renforçant de manière pratique sa philosophie naturiste et écologique. D’autre part, il se complait à représenter des éléments architecturaux (maisons, fenêtres, clôtures…) relayant sa théorie humaniste portant sur l’architecture mais qui annonce surtout ses envies de créations architecturales, envies qui se concrétiseront plus tard dans sa carrière. Dans ses œuvres les plus abouties ces deux idées se rejoignent et leurs effets s’inversent : les formes végétatives deviennent statiques pour devenir des architectures, tandis que les éléments construits apparaissent de manière organique comme s’ils avaient été formés par la nature elle-même. Ainsi les maisons sont inscrites dans les collines, les arbres dans les bâtiments et les clôtures jaillissent du sol comme si elles étaient de l’herbe. Encore une fois, on peut noter les similarités avec sa vision du monde où nature, architecture et être humain s’accordent par l’œuvre d’art et par l’art lui-même. 33


Hundertwasser, Le 30 jours fax image (1993) 34


Son œuvre picturale présente au moins une réelle singularité pour un artiste. Hundertwasser n’a cessé de vouloir être un artiste populaire, éloigné de la critique artistique et de la société touchant au monde de l’art. Mais autant la peinture d’Hundertwasser s’est répandue et s’est ouverte à tous, autant son origine s’est obscurcie au cours du temps : c’est pourquoi je tenais à en rappeler les préceptes. Même si sa peinture est complexe, intelligente et raffinée, sa contemplation ne suppose pas forcément de formation préalable, ou de clés de lecture, contrairement à certaines œuvres d’art contemporain. De plus, il se démarque des autres artistes en développant un parti pris utopiste autant dans ses peintures que dans la totalité de son œuvre. Il est convaincu du caractère réalisable de son utopie et cherche à nous en persuader. Hundertwasser exerce la peinture dans une époque où l’art exprime des caractères fondamentalement tragiques (Pollock, Bacon, Michaux, Giacometti…). Mais lui avance des idées optimistes du monde en recherchant une harmonie dans ses œuvres. Il réussit, je crois, à communiquer, par ses dessins, ce qu’il a toujours voulu : une osmose entre nature et humanité amenant à une forme de beauté qu’est l’art. Et pourtant, jamais Hundertwasser nous dit que notre monde se porte bien. Au contraire, comme dans ses manifestes, il l’accuse tout en présentant dans ses tableaux, le modèle d’un autre monde, le meilleur possible. Il en va de même dans son architecture qui sera l’aboutissement de cette proposition de nouveaux mondes, de nouvel environnement pour l’Homme, de nouvelle société.

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Hundertwasser architecte Un jour Hundertwasser a déclaré : « Jadis le peintre peignait des maisons. Aujourd’hui, les architectes doivent construire d’après les maisons inventées par les peintres car de belles maisons, il n’y en a plus. » Hundertwasser a commencé par peindre. Cette activité a été le point de départ de sa réflexion philosophique. Ce qui paraît évident, c’est que la maturité de sa réflexion et de son travail l’a certainement conduit à concevoir des réalisations architecturales. Ainsi l’utopie entrevue dans ses manifestes et le fantasme engendré par l’image graphique dans ses toiles, ont trouvé une concrétisation matérielle dans l’architecture. Son travail d’architecte a commencé tard dans sa vie sous l’impulsion de Peter Pelikan. Avec lui, il réalise sa première œuvre architecturale en 1985 : la maison Hundertwasser à Vienne. Porté par le succès de cette réalisation, il concevra , jusqu’à la fin de sa vie, nombre de bâtiments parfois fantasmés sur le papier, parfois réalisés. Ce travail semble être l’aboutissement de sa pensée et de sa recherche picturale. En effet, Hundertwasser propose une architecture singulière, propre à lui-même, rassemblant nombre de ses idées sociales. La « KunstHausWien », inauguré le 9 avril 1991, peut être considérée comme le chef d’œuvre de sa vie car à travers ce bâtiment, il met en œuvre de manière concrète et matérielle tout ce qu’il avait fantasmé au cours de sa vie.

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C’est pourquoi j’ai fait le choix de présenter ses œuvres architecturales en les confrontant d’une part à ses réalisations picturales, afin de mettre en lumière le lien entre sa pensée, son art pictural et son architecture.

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Même si Hundertwasser n’est pas un artiste majeur de l’histoire de l’art, il l’a tout de même marqué. Son œuvre ouvre la voie à une architecture naturiste en rapport avec l’art qui dans une moindre mesure essaie de changer la vision du monde et le quotidien des gens. Néanmoins, Hundertwasser reste un utopiste. Ce qui me fascine, c’est que peu d’utopistes sont arrivés à un tel aboutissement dans leur travail. En effet, son travail dépasse ses simples manifestes. Sa pensée a évolué avec son œuvre artistique et elle a pris une ampleur matérielle par le biais de ses réalisations architecturales. Quel penseur, théoricien, sociologue proposant une autre vision du monde est-il arrivé à un tel aboutissement ? Dans son œuvre l’art sert l’architecture naturelle et plus encore l’art sert la société.

Nous allons voir par la suite que le lien entre architecture naturelle et art est différent chez Patrick Blanc. Néanmoins il résulte également d’un procédé, d’une pensée engendrant des modifications sur notre société.

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PATRICK BLANC

Patrick Blanc est né le 3 juin 1953 à Paris. Il est un botaniste de renommée internationale. Chercheur au CNRS, docteur en sciences naturelles et lauréat de l'académie des sciences, Patrick Blanc s’est spécialisé dans l’observation des milieux naturels dans les forêts tropicales. Ainsi, depuis l'âge de 19 ans, il parcourt le globe, afin de les observer. Il est l’auteur de nombreuses publications scientifiques et d'ouvrages plus généraux qui lui valent sa renommée, notamment pour les livres : «Etre plante à l'ombre des forêts tropicales» en 2002 et «Le Bonheur d'être plante» en 2005. Il participe également à de multiples émissions de radio et de télévision pour transmettre le fruit de son travail. Il est fait Chevalier de l'ordre des arts et des lettres en 2005 et reçoit la médaille d'argent de l'Académie d'architecture. Mais Patrick Blanc est surtout connu pour être l'inventeur des murs végétaux, qui permettent d'introduire la biodiversité sur les murs en béton des villes. Ce concept ingénieux casse l'opposition ville/nature et renforce l’idée que ces deux idées ne sont pas incompatibles. Le mur végétal est né de l'observation des plantes dans leur état naturel et nécessite une grande connaissance botanique. Le résultat s'affiche sans limite de surface ni de hauteur et s'il est un véritable plaisir pour les yeux, le mur végétal contribue également à la dépollution de l'air. Ses créations peuvent s'admirer entre autres sur la façade du musée du quai Branly à Paris, 47


Amoureux des plantes, Patrick Blanc marie la nature à l'art et le plaisir esthétique aux connaissances scientifiques. Ainsi nous allons parcourir son travail, allant de l’invention du mur végétal au rapport à l’art que celui-ci entretient.

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Le jardin vertical : Une utopie devenue réalité Hundertwasser a dit : « Les murs verticaux doivent devenir des vallées vertes ». L’Homme s’est toujours efforcé d’associer la nature à l’architecture. De ses recherches est née l’utopie de concevoir des jardins verticaux. Un jardin, tout comme un paysage, est déterminé par deux axes : tout d’abord, il se présente naturellement comme une surface plantée plane, s’étendant dans le plan d’un terrain que borne un horizon. Mais cet horizon est la marque de la verticalité dans l’infini du plan. Horizontalité et verticalité se complètent et en même temps s’opposent : dans l’esprit de chacun, un jardin est horizontal ; néanmoins il est marqué par la verticalité du foisonnement végétal et par la verticalité symbolique qu’est l’intervention humaine. L’Homme se perçoit lui-même dans la nature par une présence verticale, mais il est conscient que notre perception et représentation du monde et des objets se fait de manière horizontale. C’est, je crois, cette ambiguïté qui le pousse à imaginer les projets les plus fous. Ainsi l’architecture a assouvi cette passion. Depuis l’école de Chicago, construire de hauts bâtiments est devenu monnaie courante et aujourd’hui encore l’Homme veut atteindre des prouesses dans la hauteur des bâtiments qu’il conçoit. En témoigne la tour, construite récemment à Dubaï culminant à 828 mètres de hauteur. L’Homme, comme on peut le voir dans l’histoire des jardins, maîtrise parfaitement et continue d’améliorer son savoir dans l’art des jardins horizontaux. Mais en tout temps, il cherche des voies nouvelles et aime projeter des choses dépassant son savoir. Il paraît alors presque logique que les concepteurs se penchent sur l’idée de jardins verticaux.

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Les projets les plus fous, associant jardins verticaux et architecture, sont nés depuis l’antiquité. Il semble que les jardins suspendus de Babylone, une des sept merveilles du monde, aient ouvert la voie en la matière. C’est d’ailleurs le premier exemple connu où l’élément végétal sort de son contexte naturel pour être introduit dans un monde culturel : ainsi est peut-être née l’architecture naturiste. Puis on aura recourt à la Pergola, plantes grimpantes, le long de pilastres ou colonnes très en vogue dans les villas romaines. L’utilisation verticale de plantes dans l’architecture évolue au cours du temps en améliorant les techniques permettant d’arracher la plante à son support naturel : la terre. Poussée par la révolution industrielle, l’extension des villes amènera une autre forme de recherche dans le rapport végétation et architecture. En effet, les villes sont à la recherche d’espaces où accueillir le végétal. Il y aura à cet effet de nombreuses constructions de parcs, mais la spéculation immobilière fait qu’il est difficile de dégager des espaces propres à la végétation. Ainsi naîtra les projets de cités-jardins et la « green architecture » dont nous avons déjà parlé précédemment. Mais revenons aux recherches verticales. Roberto Burle Marx est sans doute le paysagiste qui a le premier, mis en œuvre l’idée de mur végétal. Brésilien, écologiste et botaniste, il élargira le choix des plantes que peut avoir un jardinier à sa disposition en étudiant les plantes que l’on peut trouver entre l’équateur et le tropique du Capricorne jusque-là méconnues. Marx exploite les possibilités esthétiques des plantes de la forêt tropicale. Ayant toujours entretenu des liens avec le monde de l’architecture (travaux avec Le Corbusier, Niemeyer…), il multiplie les essais de jardins ne disposant d’aucun accès au sol naturel. Il inaugure ainsi les premières formes de l’usage urbain du mur végétal notamment dans le projet du « Banco Safra » à Sao Paulo. Il y réalise en effet des pans de murs végétalisés en appliquant sur une surface verticale des plaques de racines de fougères sur lesquelles croîtront des broméliacées. Patrick Blanc s’inscrit dans la lignée de ces recherches en parachevant par ses découvertes techniques et scientifiques un vieux rêve devenu réalité : réaliser un jardin vertical. 50


L’invention du mur végétal Entre 250.000 et 300.000 espèces de plantes sont répertoriées dans le monde et Patrick Blanc les connaît presque toutes. Mais il est avant tout passionné et spécialisé dans les spécificités de la forêt tropicale. Les principes qui ont conduit à l’élaboration du concept de mur végétal s’ancrent dans l’étude de ses sous-bois. En allant régulièrement étudier ces forêts sur le terrain, il affine ses connaissances de cette biodiversité très particulière et dense. Il a intégré qu’il existe plusieurs types de plantes, étagées verticalement, du sous-bois à la canopée. Ainsi hiérarchisées, elles ont une participation active dans cet ensemble. Il expérimente alors l’idée de les regrouper horizontalement par affinités adaptatives. La canopée, cime des arbres de la forêt tropicale, ne laisse filtrer que 1% de la pleine lumière. Les plantes s’étageant en-dessous de la canopée ont donc dû développer des systèmes leur permettant de vivre dans des conditions peu favorables à la photosynthèse. Ainsi nombreuses mousses, lichens ou fougères peuvent pousser dans des endroits peu lumineux. De plus, il remarque que "même dans les régions tempérées, la végétation colonise la plupart des supports disponibles y compris les rochers et des sites très exposés, comme les falaises". Fasciné également par ce phénomène, il comprend très vite que "les plantes n’ont pas besoin de terre pour vivre, mais d’une surface stable où les racines peuvent se fixer, d’une réserve d’eau et de sels minéraux leur permettant sous l’action du gaz carbonique ambiant de se nourrir".

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Détail de « la spirale végétale » exposée dans les jardins du château de Chaumont-sur-Loire

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En comprenant ces deux phénomènes, le botaniste a l’idée d’introduire les plantes en ville en se servant du seul espace encore disponible : les surfaces verticales. Mais il est vite confronté au problème du support de ce qui deviendra un mur végétal. Il lui faut en trouver un permettant d’une part de favoriser la pousse des plantations, mais également que ce même support ne détériore pas les façades des bâtiments. Après avoir expérimenté nombre de supports en tout genre (naturel, artificiel…), la seule solution qu’il trouve est de dissocier les plantes du bâti. Il imagine donc un support spécifique composé d’un cadre métallique, d’une feuille de PVC expansé et d’une nappe d’irrigation, à positionner à quelques centimètres du mur existant. « Ce vide assure une isolation contre le froid en hiver et contre la chaleur en été, explique-t -il. Il protège également la façade des intempéries et de la pollution tout en créant un espace infranchissable pour les racines ». Ce système permet à son mur végétal de recouvrir toute les surfaces bâties, sans aucune limite de hauteur ou de superficie. Patrick Blanc explique son procédé : « Sur un mur porteur ou une structure porteuse est placée une ossature métallique qui soutient une plaque de PVC expansé de 10 mm d'épaisseur, sur laquelle sont agrafées deux couches de feutre de polyamide de 3 mm d'épaisseur chacune. Ces couches de feutre miment en quelque sorte les mousses qui se développent sur les parois rocheuses et qui servent de support aux racines de nombreuses plantes. Un réseau de tuyaux commandés par des électrovannes apporte une solution nutritive contenant les éléments minéraux dissous nécessaires à la croissance des plantes. Le feutre s'imprègne par capillarité de cette solution nutritive, laquelle descend le long du mur par gravité. Les racines des plantes y prélèvent les éléments nutritifs dont elles ont besoin, et l'eau en excès est recueillie en bas du mur par une gouttière, avant d'être réinjectée dans le réseau de tuyaux : le système fonctionne en circuit fermé. Les plantes sont choisies pour leur capacité à croître sur ce type de milieu et en fonction de la lumière disponible. » 53


Mur végétal de la « Caixa forum », Madrid (2008)

Mur végétal du quai Branly, Paris (2004)

Mur végétal du BHV homme, Paris (2007) 54


Le mur végétal engendre avant tout un nouveau rapport entre ville et nature. C’est un moyen de répondre parfaitement au besoin de nature en ville en occupant des surfaces verticales. C’est aussi une nouvelle perspective dans le rapport entre l’art et l’architecture naturelle. Nous allons voir que les liens entretenus entre Blanc et les architectes aboutit à une nouvelle pratique de conception des façades en architecture. Le premier mur végétal est installé en 1988 à la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris. Mais, il faudra attendre 1994 pour que les architectes s’y intéressent. La première à faire confiance à Patrick Blanc n’est autre qu’Andrée Putman. Cette designer lui confie la réalisation d’un mur de 30 mètres de hauteur le long d’un immeuble haussmannien, ce qui fut un véritable défi. Aujourd’hui, il est parvenu à une telle maîtrise de la flore, qu’il se permet tout : parkings, gares, halls d’hôtel, ponts, boutiques, musées, ascenseurs… C’est cette maîtrise qui lui permet de travailler avec les plus éminents architectes internationaux. Certaines réalisations marquent les esprits. Ainsi, Jean Nouvel lui fait confiance en lui permettant de concevoir un mur sur l’entrée de la fondation Cartier construite en 1998. Il retrouvera l’architecte dans sa conception du musée du quai Branly en 2004. On a tous désormais l’image du mur édifié sur le bâtiment administratif donnant directement sur les quais de Seine. Il aura l’occasion d‘étendre son concept sur d’autres projets emblématiques tels que l'ambassade de France à New Delhi en 2003 ou sur la fameuse « Caixa Forum » réalisée par Herzog et de Meuron… Patrick Blanc a ainsi réalisé une vingtaine de ses murs à travers le monde. Et il n’a pas peur de tout oser. Il a introduit le végétal dans un opéra à Taipei ou encore au sommet d’une tour, à 250 mètres de haut ! Et ce n’est pas fini ! S’ils se concrétisent, d’autres projets encore plus fous pourraient également faire parler d’eux. Le botaniste aura bientôt à recouvrir 10.000 m2 de panneaux suspendus entre deux tours à Dubaï

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Le mur végétal : une œuvre d’art Le mur végétal de Patrick Blanc est donc un cas particulier mais aussi un aboutissement de la verticalité dans l’art des jardins. En plus d’être urbain et architectural, ce mur est une œuvre d’art à part entière. Nous avons vu que Hundertwasser associait le végétal à l’art dans un but social et que son architecture naturiste découlait directement de son travail graphique. Le rapport à l’art dans l’œuvre de Patrick Blanc est autre, mais entrevoit une autre manière d’établir un rapport entre architecture naturiste et art plastiques. Néanmoins, il répond au même désir et au même besoin d’esthétique naturel dans la ville que son prédécesseur. Si on considère la pratique actuelle du mur végétal, on constate qu’elle manifeste, dans son genre, les mêmes grandes catégories esthétiques que les formes traditionnelles de l’art : dessin, peinture et sculpture. Dessin et peinture renvoient au traitement de la surface plane du tableau. Le premier y fait dominer la ligne, la seconde, le modelé et la couleur. Or le mur végétal de Patrick Blanc est comparable à un tableau de grand maître. En effet, il travaille avec sensibilité ses plans de plantation afin d’apporter une dimension picturale par la concordance des plantes. On a le sentiment que le jardinier, ou le botaniste, ou peut-être faut-il dire l’artiste, fait varier les textures, la densité et les tonalités du matériau végétal, de la même manière que les peintres classiques. Jacques Leenhardt, dans sa préface du livre « jardins verticaux dans le monde » le compare à des peintres comme Chardin ou Millet. Il met en avant le fait qu’ils travaillaient souvent leurs pigments à l’huile en mettant l’accent sur leur matérialité. Pour ce faire, ils façonnaient leurs couleurs comme on dit « à la truelle » et maçonnaient leurs toiles à l’aide d’un couteau. Mais ces peintres avaient également dans les mêmes toiles, la volonté inverse de donner l’impression d’une fluidité des pigments, de magnifier l’art subtil de la transparence. 56


Or, on retrouve cette double lecture si l’on observe un mur végétal. Chaque plante apporte une matérialité et une couleur marquée mais dans le même temps ses différents pigments donnent un effet d’unité de perception et donc de fluidité.

Chardin, nature morte (1760)

Millet, des glaneuses (1857)

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De plus, Leenhardt confronte la lecture d’un mur végétal aux toiles de Pourbus. En effet celui-ci développe dans ses peintures une superposition fine de couches formant un glacis et ainsi crée l’illusion d’un véritable volume des corps sans abandonner en rien l’unidimensionnalité de la toile. Patrick Blanc conjugue cette science des peintres à travers la sélection des espèces qu’il utilise. La plupart de ses murs végétaux ont la qualité d’une peinture de paysage, ou du moins une toile abstraite organisant des espaces qui captent la lumière et renvoient des impressions très différenciées. On n’est plus dans une surface verte mais dans l’art des alliances et des symphonies chromatiques. En outre, le mur est une surface où le végétal est disposé comme le peintre applique ses coups de pinceaux sur la toile. En effet, une fougère peut, à un certain moment laisser tomber ses longues feuilles sur un fond presque uni de feuilles minuscules. D’autre fois, on note la présence de végétaux différents côte à côte dont les tonalités distinctes rythment la surface entière. Et parfois, dans toutes ces tonalités de vert, une autre couleur apparaît. Par exemple, un rouge apparaît comme pour mieux accentuer la profondeur de cette matérialité de végétal. On retrouve ces effets dans des peintures de paysage de Turner ou dans le tableau « Impression soleil levant » de Claude Monet où un soleil rougeoyant se confronte aux tonalités bleues du tableau, donnant réellement une profondeur à l’œuvre, la rendant presque vivante.

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Monet, Impression soleil levant (1972)

Détails de murs végétaux montrant la matérialité et les différentes tonalités de la surface 59


Bien entendu, Blanc crée de manière intuitive des fresques végétales. Tout comme un grand peintre maîtrise parfaitement le mélange et le travail de sa peinture, ses connaissances approfondies des plantes lui permet de disposer d’une sorte de palette végétale : des verdures tendres, des profusions qui tombent en cascades délicates, d’autres filiformes, offrent leur profil acéré et jaillissant sur le fond comme une griffure acide. On ne peut réellement décrire tous les effets que permet cet éventail subtil, harmonisant les formes et les couleurs et les tonalités dans l’ensemble de la surface du mur : ils sont presque infinis et savent parfaitement nous rendre curieux et attentifs à la diversité du végétal dont ils sont les témoins. Personnellement, je trouve une profonde analogie entre ces murs et une peinture impressionniste. Notamment avec le travail de Monet pour sa série de tableaux « Nymphéas ». Un critique dira de ces œuvres : « Sous une apparence de simplicité, il y a tout ce que l’œil peut percevoir et comprendre ; il y a une infinité de formes et de nuances, et la vie complexe des choses ». Je crois qu’une telle analyse pourrait être similaire pour un mur végétal : le mur, par son harmonie, renvoie une première impression d’unité, de simplicité ; mais sa complexité est telle qu’il dégage une multitude de petits détails lui proférant une profondeur sans fin. Dans l’œuvre de Monet et celle de Patrick Blanc, certains enjeux se rejoignent : ils créent une œuvre décorative plongeant le spectateur dans un monde végétal. De plus, ils souhaitent, par des tonalités harmonieuses saisir la fugacité d’un instant lumineux. On note enfin une même réalisation de la profondeur ; celle de la matérialité des végétaux mis en avant par un contraste ombre-lumière au sein même des profusions végétales. Enfin, ils ont recours à la même manière de réaliser la composition de leur œuvre. Monet crée sa composition en ayant, par son observation minutieuse, compris le rôle qu’a une plante envers une autre.

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Il maîtrise parfaitement la manière de représenter la profusion végétale de chaque espèce et possède ainsi lui aussi, une palette végétale qui trouve harmonieusement sa place dans sa composition.

Claude Monet, Les Nymphéas (1916-1919)

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Enfin peut être malgré lui, Patrick Blanc perpétue avec succès la tradition de l’art de la tapisserie. Cet art, trouvant son origine au Moyen-Âge, révèle pour une des première fois la texture du matériau en mettant en valeur les laines, cotons et soies mais aussi des matériaux nouveaux tels que les crins animaux, les fibres végétales rustiques et les fils métalliques. Or, depuis le XV° siècle, la tapisserie se consacre amplement aux motifs végétaux ou floraux. Ce qui me semble intéressant, c’est que cet art est mineur. Autonome envers la peinture, il développe plutôt un art d’artisanat et donc de connaissances techniques le rapprochant de la constitution des murs végétaux. Mais au-delà, les profondes analogies avec l’œuvre de Patrick Blanc, résident dans la liberté de la tapisserie par rapport au sol qu’elle abandonne. Le mur devient ainsi structure intégrante pour lui permettre de se développer de manière autonome dans l’espace. L’œuvre approche les trois dimensions, comme un volume unique non loin de la sculpture. Ainsi, en se libérant de la surface du mur, l’art de la tapisserie a bousculé la frontière traditionnelle entre le tableau et la sculpture, le mur végétal semble perpétuer cette ambigüité. La tapisserie et le mur végétal offrent certes des effets chromatiques comme dans une peinture, mais abandonne la subordination à la couleur et au trait. De plus, ils jouent bien davantage sur les textures, les transparences et les masses opaques, les contrastes de matière ou des densités en créant de véritables abymes visuels dans la surface.

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Tapisserie, St Antoine ermite, Guigone de Salins Baune

Tapisserie, Centre de transfusion sanguine, Nancy

Tapisserie, La chasse Ă la Licorne, Cloisters New York metropolitain museum

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Mais, parfois, le mur végétal s’abstrait de la contrainte architecturale du mur le rapprochant encore plus de l’art sculptural. Prenons pour exemple le Parking des Ternes. Cette réalisation d’Edouard François est complétée par des réalisations de sculptures végétales de Patrick Blanc. En effet, les œuvres végétales y occupent des centralités sans points d’appui plans, s’élançant comme des cheminées à travers les étages. Le mur végétal devient également sculpture dans le projet «tour végétale » encore une fois réalisé avec Edouard François. Se trouvant dans le monde minéralisé du quartier de la défense, les artistes ont créé à nouveau des « cheminées végétales » peu demandeuses en lumière. Ainsi, il renforce un lien intérieur-extérieur, laissant présager depuis l’extérieur un monde souterrain qui interroge le visiteur. En mettant en valeur l’aspect vertical et grimpant des plantes, l’artiste réussit à harmoniser une alliance de cette verticalité avec celle des buildings de verre environnants, dans lesquels se reflète leur aspect verdoyant. Enfin, de manière plus abstraite, on trouve au mur végétal des analogies avec la littérature. En effet, dans cet extrait du roman de Jules Vernes « Vingt mille lieux sous les mers » : « Les ficus et les lianes se développaient suivant une ligne rigide et perpendiculaire, commandée par la densité de l’élément qui les avait produits. Immobiles, d’ailleurs, lorsque je les écartais de la main, ces plantes reprenaient leur position première. C’était le règne de la verticalité. » L’auteur entretient une fascination pour la nature proliférante, l’abondance de matière végétale, sorte de masse sourde, dont on ne peut être que contemplatif de sa hiérarchie verticale. Il en fera l’éloge lors de son exposition à l’espace EDF-electra de Paris en 2007 nommée « les folies végétales ».

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Parking des Ternes, Paris (2006)

Les folies végétales, espace electra à Paris (2006) 65


Le mur végétal est peut être une innovation jamais vue avant dans le monde de l’art. Il présente des similitudes avec le Land Art car c’est une œuvre vivante créée à partir de matériaux naturels. D’un certain point de vue, il représente un art périssable et marque l’évolution, le temps qui passe sur des bâtiments au vieillissement certes long, mais bien existant. Le mur végétal est une fresque, à la différence près qu’elle n’est pas figée. Une œuvre picturale aussi riche, abondante et complexe qu’elle soit, reste la même. Cette fresque naturelle évolue au cours du temps, revêt différents aspects au grès des saisons. La combinaison de végétaux fait apparaître des pleins, des vides, des liés et des déliés changeant au cours de la journée. Cette œuvre prend sa pleine mesure en étant changeante par l’action des éléments comme le vent. Les effets plastiques, de matérialités et de transparences se font par l’intermédiaire d’un jeu d’accrochage de la lumière sur la profondeur des végétaux. Ce qui en fait un type d’œuvre unique, c’est que cette lumière change au fur et à mesure de la journée. Ainsi les effets plastiques dus à la lumière évoluent, se déplacent et ne sont pas figés et en font une œuvre aux perspectives et aux modulations visuelles infinies. Nous l’avons vu, le mur végétal conjugue une multitude d’attraits rapprochant au mieux une nouvelle façon de voir l’architecture naturiste urbaine en la confrontant à un art vivant. Aujourd’hui ce concept s’affirme à travers le monde entier. Il constitue pour les architectes un plus dans leur bâtiment, une valeur sûre pour communiquer de leur œuvre, une image marquant l’esprit de tous.

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Après avoir étudié un artiste et un botaniste développant un rapport fascinant à l’architecture, il me semble opportun d’observer le travail contemporain d’un architecte français perpétuant cette idée de rapport entre architecture naturiste et art : Edouard François. Nous allons voir notamment qu’il se place comme un successeur de l’architecture naturiste et qu’il lui ouvre des perspectives nouvelles.

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Qu’attend-on de l’architecture sinon qu’elle nous enchante ? Habiter peut être vécu comme un plaisir, le concevoir aussi. C’est ainsi que peut se caractériser la recherche d’Edouard François.

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EDOUARD FRANCOIS C’est un réel expérimentateur. Il fait fi d’une bonne partie de l’architecture du passé, s’éloignant de la tradition architecturale comme pour mieux profiter de tout ce que propose le présent afin de parier sur l’avenir. Ainsi, il se positionne au plus près de la technique en plein développement et des idées en germe touchant la discipline architecturale. Expérimentateur de matériaux tout d’abord. Il aime par-dessus tout concevoir avec ce qui lui tombe sous la main, une matière première qui constitue pour lui un jeu constructif. Il remet au goût du jour des matériaux anciens en les traitant de manière contemporaine mais fait aussi usage des matériaux les plus récents. Edouard François a avant tout compris le besoin qu’a notre époque de se rapprocher de la nature. Tout comme Hundertwasser et Blanc, son travail n’est pas loin de la recherche écologique, mais là encore ce n’est pas son thème principal. Il développe ses projets comme avec une idée de «compagnonnage» avec la nature dépassant la stricte idée du paysage. Tout comme Hundertwasser et Blanc, il prône une inclusion du végétal dans l’architecture et son entrée même dans la manière du bâti grâce à cette utilisation de la technologie. Tout comme Hundertwasser et Blanc, il restitue une nature dans une proximité que l’on croyait réservée à l’univers de la campagne ou du potager et qui là s’offre aux urbains. Tout comme Hundertwasser et Blanc, il a pleinement conscience que le développement des villes et du territoire oblige à y repenser la présence de la nature. Tout comme Hundertwasser et Blanc, il établit un lien fort entre sa création et le monde de l’art. 69


Edouard François est né en 1958 à Boulogne-Billancourt. Architecte et urbaniste diplômé de l’école Nationale des beaux Arts, il s’associe successivement à François Roche (1990-1993) puis à Duncan Lewis (1994 à 1997) pour enfin créer sa propre agence d’architecture, d’urbanisme et de design en 1998. Rapidement, son travail est remarqué par la critique et il est amené à enseigner dans de nombreuses écoles en France dont l’Ecole Spéciale d’Architecture à Paris ou encore l’Ecole Nationale Supérieure du paysage à Paris. Cette reconnaissance est confirmée par l’entrée de ses œuvres dans les collections permanentes du Centre Pompidou et du FRAC Centre. Le travail d’Edouard François est régulièrement exposé à l’international, notamment au Centre Canadien d’Architecture à Montréal, à la Galerie Epreuve d’artiste à Beyrouth, au Guggenheim Museum à New York, à la Galerie d’architecture de Leipzig, au Victoria & Albert Museum de Londres. Sans compter ses nombreuses interventions au centre d’architecture Arc en Rêve à Bordeaux, à l’Institut Français d’Architecture, au Pavillon de l’Arsenal et au Centre Pompidou. Très tôt, Edouard François a été remarqué par ses interventions sur la relation entre architecture et paysage : Festival International de Chaumont-sur-Loire, Parc de Saint Cloud ou à la Défense… Il est particulièrement reconnu pour son engagement en faveur de l’environnement avec la première façade végétale des Gîtes Ruraux, à Jupilles ; l’Immeuble qui pousse à Montpellier, Tower Flower ou l’immeuble aux bambous à Paris qui l’ont rendu célèbre ou encore les 18 logements en briques bio et châtaigner à Louviers.

Nous allons observer la manière dont Edouard François travaille en insistant notamment sur la relation qu’il entretient entre son architecture et la nature, relation qui ne se fait, encore là, sans une étroite corrélation avec l’art. 70


L’agence d’architecture d’Edouard François n’est pas une agence comme les autres. En effet, elle bouleverse les codes communs courants dans la profession et revient aux fondements de la discipline. L’architecte caractérise ce questionnement : «Mais à quoi servent les architectes ? La seule chose qui nous intéresse est de répondre à cette question». Il prétend lui-même que l’architecture doit fabriquer du rêve et qu’il faut assouvir les désirs que les gens attendent de l’architecture. Du rêve oui, mais un rêve réaliste et pragmatique. Son agence ne rassemble finalement que peu d’architectes. En perpétuelle évolution, elle est composée de gens venus d’horizons différents tels que le monde du design, du graphisme ou du paysage. Leur credo : la recherche de transversalité à travers la discipline architecturale. Exit alors Le Corbusier ou autre Mies. Pour eux, vivre au XXIème siècle avec les préceptes du mouvement moderne est dépassé. Place alors à d’autres idées, d’autres schémas dont il veut en être un des fers de lance à travers sa manière d’entrevoir l’architecture contemporaine. Il s’inscrit dans un mouvement prônant « la disparition de l’architecture ». Comprenons par là, que tout comme par exemple Dominique Perrault, il avance pour un nouvel art de bâtir où l’architecture n’est pas le propos. Ainsi, ses bâtiments militent pour un effet de disparition ou d’intégration dans le paysage où la tradition des grands projets monumentaux n’a plus sa place. Son travail s’inscrit dans une logique de développement durable, développant une contemporanéité ne se coupant pas des racines bien ancrées dans la société. Son travail est multiple. Tantôt basé sur la grande échelle, tantôt sur la petite, aussi bien sur l’éphémère que sur la pérennité.

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Construire avec le site Comme nous l’avons déjà envisagé, la question de la nature dans les villes contemporaines est une question majeure à laquelle doit répondre la création urbaine du XXIème siècle. Ainsi, une nouvelle écologie urbaine est née et avec elle, les éco- quartiers ou encore la conquête des espaces délaissés telles que les friches industrielles. L’architecture d’Edouard François trouve ses origines dans les fondements de l’architecture écologique. Mais il ne faut pas entendre par là architecture bioclimatique, elle vise à créer des paysages et à apporter du naturel en milieu rural ou urbain. L’agence a une méthodologie de conception unique. Comment traite-elle un programme complexe ? Edouard François nous dit : «A chaque fois, nous faisons abstraction de l’architecture que nous avons pu apprendre à l’école. Nous n’avons aucune idée reçue. Et s’il y a un doute entre deux solutions, nous prenons toujours la plus simple. Car il faut résumer le projet par un texte simple. Tout le travail préparatoire est d’identifier «la question ». La complexité des enjeux du projet est ramenée à une seule idée, il faut trouver la nature du problème que le projet pose. Et à tout problème des solutions. L’agence applique une règle absolue : la compréhension du site passe avant tout. Il n’a aucun préjugé sur le site sur lequel il travaille. Pour lui, pas de lieux plus ingrats que les autres, il aime la complexité des endroits dans lesquels il travaille. Le contexte qu’il qualifie lui-même comme «un état des choses, sans a priori esthétique, un joli paysage comme un grand ensemble sordide ; tout est à prendre en compte. Pour nous, il n’y a ni négatif, ni positif.»

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Construire en symbiose avec la nature Les murs végétaux de Patrick Blanc ont été une révélation pour Edouard François. Peut être y a-t-il trouvé l’ envie de pousser les limites de l’architecture en construisant avec la nature. Mais il travaille de manière spécifique. C’est avec de la terre, des arbres et autres matières végétales qu’il façonne ses projets, imaginant de nouveaux paysages. En effet, ses conceptions se distinguent par une instrumentalisation ou une parodie de la nature. Chaque projet est matière à invention, à exploration par l’utilisation des matériaux toujours vécue comme une innovation. Le défi est l’élément moteur de leur création : le défi d’utiliser un matériau de manière singulière et non pas le défi technique. En se défendant de rechercher la prouesse technique, l’architecte se place comme un défenseur du mouvement « low tech ». Ainsi son travail porte sur l’éloge de la banalité par le mélange de matières brutes, le plus souvent naturelles. Et l’idée l’emportant sur tout le reste est d’y arriver le plus simplement possible. La mise en œuvre se veut simple et le souci du détail n’est pas présent dans son œuvre : l’essentiel est que la construction soit en rapport avec le lieu, le contexte et la matière. Sa réalisation de serre pour le festival de Chaumont-sur-Loire en est l’illustration parfaite. L’architecte a expérimenté par cette réalisation, un ensemble de matériaux et techniques à la gloire de l'architecture banale. Elle n’est en effet conçue qu’avec des bambous et des plaques de PVC et joue autant sur l’économie de moyens que sur l’idée de la création d’un écosystème. Son travail peut être considéré comme un courant de l’architecture écologique car même si ce n’est pas sa motivation première, la recherche de confort thermique et durable est souvent présente dans ses bâtiments qui sont toujours pensés avec une prise en compte du 73


meilleur ensoleillement possible. De plus, les matériaux sont mis en œuvre de manière nouvelle avec une optimisation de leur performance thermique assurant à la fois le confort d’été et d’hiver. Enfin, François attache une grande importance au paramètre acoustique de ses réalisations.

Serre en bambous réalisée pour le festival des jardins de Chaumont-sur-Loire 74


Relation à l’art Au-delà de ce travail en symbiose avec le site et la nature, Edouard François a une approche alliant art et paysage. Sa conception architecturale ne peut s’étudier sans un parallèle lié aux arts plastiques.

Son travail est-il de l’art ou de l’architecture ? Certainement les deux, en tout cas, il crée un art habitable. Edouard François, depuis son association à l’architecte Duncan Lewis, développe des façades trouvant ses racines dans l’art contemporain, notamment dans le « Land art » apparu dans les années 70 aux EtatsUnis et dans l’« Arte Povera », concept artistique des années 60 tout droit venu de l’Italie. Ainsi, son travail a été justement surnommé « Landarch » par la critique. A chaque mouvement son vocabulaire, le mouvement moderne a eu ses pilotis et son plan libre, le landarch se définit par d’autres termes tels que le «visible» et l’«invisible». Il représente un processus d’infiltration de l’architecture dans la nature et inversement, créant ainsi un paysage.

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La façon de travailler d’Edouard François peut à certains moments rejoindre celle des artistes du Land Art. Comme eux, il a un certain penchant à utiliser les matériaux de la nature. Comme eux, l’architecte semble avoir une certaine fascination à voir évoluer les matériaux naturels sur ses réalisations. Mais selon moi, la profonde analogie entre l’architecture de François et le Land Art réside dans le travail entrepris à partir du site. Nous l’avons vu précédemment, l’architecte interroge le site, le questionne comme pour mieux en extraire ses spécificités. Son architecture est le résultat de ce procédé. Elle met l’environnement en valeur comme pour le faire parler, comme pour mieux nous faire comprendre où réside sa beauté. Je pense qu’il en va de même pour les sculptures du Land Art. Tout en mettant en avant l’aspect brut du matériau naturel utilisé, la sculpture cadre et valorise un morceau de site qui devient œuvre d’art à part entière. Dans ces deux cas, il y a une véritable symbiose entre l’objet produit, l’objet artistique et son environnement qui devient ainsi lui-même objet d’art. D’ailleurs François s’essaie à la sculpture végétale. En effet, son œuvre « Wild Tower » à la Défense ne peut-elle pas être identifiée comme un objet issu du Land Art ? Cette œuvre met en scène des plants empilés les uns au- dessus des autres qui recouvrent une cheminée de ventilation d’un souterrain du site de l’EPAD. Ici, il interroge le rôle des plantes dans un univers purement minéral. Hérissés de tuteurs en hiver, verdoyants au printemps, fleuris en été, desséchés en automne, les végétaux provoquent une réflexion par leur constante mutation au fil des saisons. Cette cheminée «verte», par ses plants, produit un effet animé, un mouvement, une vie qui met en cause mais aussi valorise la démonstration statique des imposantes formes construites du site. François interroge le site par sa sculpture, tout en s’intéressant à la nature en ville, à la question de l’urbanité. Les artistes du Land Art, eux, travaillent généralement sur des sites ruraux, et ils interrogent la nature par la nature. 76


Wild Tower, La DĂŠfense (2003) 77


Par cette œuvre, Edouard François donne une partie de son idée à propos de la place de la nature en ville. D’autres de ses réalisations urbaines rejoignent ce questionnement. Il dira par ailleurs : « Aujourd’hui, il y a de grands bâtiments isolés, bien faits, avec des vides paysagers. Aucun lien ne semble se tisser entre tous ces éléments. Même le paysage originel semble avoir disparu ou n’avoir jamais existé. Une ville a, sans doute, été rêvée mais elle est encore en devenir. Boucher les trous, tous les trous mais avec du paysage et non plus des bâtiments, ainsi : Plus on fera de paysage entre les bâtiments et moins les bâtiments existants seront perçus. Plus on fera de paysage et plus le site sera naturel. Plus le site sera naturel et plus il sera attractif. C’est un peu comme si on revenait en arrière, vers un paysage originel à redécouvrir »

Le rapport entre art et architecture se perçoit également dans le travail des matériaux utilisés par Edouard François énonçant un rapport avec « L’arte povera ». Ce mouvement reflète l’attitude qu’ avaient certains artistes à défier l’industrie culturelle et la société de consommation. Dans cet art, le geste créateur prédomine sur l’objet fini. Or, comme je l’ai déjà énoncé, Edouard François adopte cette même attitude. Il ne se déclare pas architecte mais comme un concepteur d’idées et c’est ce qui lui vaut le rejet de ses pairs architectes. De plus, «l’arte povera» utilise des matériaux dit «pauvres». Les artistes utilisent du sable, des chiffons, de la terre, du bois, du goudron, de la corde, de la toile de jute, des vêtements usés… afin de les positionner comme des éléments artistiques de composition. D’un coup des matériaux perçus comme insignifiants deviennent signifiants. On trouve ce travail surtout dans les façades des bâtiments de François. Lui aussi crée des compositions développant un genre encore jamais aperçu dans l’art des façades. L’unicité des matériaux mis en œuvre développe une esthétique nouvelle, une nouvelle forme de beauté.

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Edouard François, Eden Bio (2008) Les matériaux utilisés pour la réalisation de la façade sont dit « pauvres » (Bambous, terre, bois) La façade est agencé de manière simple mettant en avant son aspect « low tech »

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Cette composition rejoint aussi l’art du collage. Les œuvres sont tels des collages où la surface plane de la feuille est abandonnée au profit d’une œuvre en trois dimensions. Ces façades résultent d’une juxtaposition d’objets collés qui ne sont autres que des éléments végétaux. Cette juxtaposition à première vue simple résulte en fait d’une réelle complexité. François utilise une palette de matériaux avec leur couleur, leur brutalité qui leur sont propres pour créer ses façades. L’utilisation des matériaux bruts rejoint la philosophie de l’arte povera.

Kurt Schwitters, Merzbild 25A (1920)

Edouard François, gîtes ruraux à Jupilles 80


L’artiste Kurt Schwitters dit : «On privilégie les objets usagés, abimés, parce qu'il n'y a rien de parfaitement propre dans la vie, ni les hommes, ni les meubles, ni les sentiments». A la manière de Braque ou Picasso, François met en relief des textures créant ainsi un nouvel espace plastique. Mais lui n’utilise que des matériaux naturels ou des matériaux dit «verts». Sa manière de travailler dépasse le simple collage car ses images prennent formes dans la réalité, dans une réelle trois dimensions. Edouard François perpétue une tradition de l’image par ses collages, mais aussi en valorisant habilement ses modélisations et ses photos de maquettes par l’outil informatique. L’architecture est entrée dans l’ère du numérique, Edouard François l’a bien compris. Cela lui permet de faire accepter ses réalisations peu communes par leur commanditaire mais surtout de communiquer son œuvre et de développer une image de marque.

Photographies de maquettes pour le projet du BMW showroom à Bruxelles

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D’autre part, Edouard François développe une profonde analogie avec l’arte povera de par son travail sur le concept de l’arbre. Sa position envers ce végétal rejoint la philosophie qu’entretient Hundertwasser qui dit que l’arbre est le meilleur compagnon de l’Homme. Les paysages créés par Edouard François ne peuvent s’en passer. Son amour pour l’arbre sera mis en avant dans son projet pour le concours du stade de France. François, alors associé à Duncan Lewis, avait imaginé une sorte de projet-utopie en créant une colline plantée en forme de cratère dans lequel se trouvait le stade. Le contexte urbain de ce stade, en plein Seine St Denis, l’avait poussé à associer la commande avec un parc monumental. Puis en 1996, il dessine un stand éphémère pour l’hebdomadaire féminin Madame Figaro dans le parc de St Cloud. Il choisit un arbre du parc pour devenir structure et support de sa conception. En l’enduisant de blanc et en y installant des cages à poules, il en fait un véritable arbre à oiseaux qui connaît un très grand succès. Les exemples de son rapport à l’arbre sont encore nombreux. A Savigny-sur-Orge, pour les façades du lycée, il développe le concept de la forêt pétrifiée dans le béton. Il imagine, en 1998, une forêt surnommée «plug in Forest» sur le toit de Beaubourg reposant sur le concept d’arbre en verre. Il développera par la suite d’autres projets mettant en scène des arbres artificiels. Il faut dire que les arbres artificiels ont une longue histoire dans l’architecture. Cette histoire débute certainement par la création de la colonne et évolue ainsi dans l’histoire de l’architecture, notamment avec les explorations postmodernes d’un architecte comme Hans Hollein à Vienne ou de nos jours la technique de l’agence « Ecosistema Urbano » qui crée des forêts artificielles dans Madrid afin d’y abaisser la température d’été. Hundertwasser luimême ne cachait pas les relations de ses colonnes fantasques avec les arbres, il disait en effet : «La colonne est un élément essentiel de l’architecture occidentale. Auprès d’une colonne, on se sent aussi bien qu’auprès d’un arbre.»

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Volière blanche, parc de St Cloud (1996)

Ecosistema Urbano Ecoboulevard of Vallecas, Madrid (2006) 83


Edouard François s’inscrit donc, par son travail sur l’arbre, dans cette tradition d’établir une relation avec le plus noble des végétaux, un des éléments les plus importants de l’histoire de l’architecture. L’architecte va même jusqu’à imaginer rapprocher habitants et arbres en projetant même d’habiter dans les arbres. Ce sera le cas pour son ensemble de logements nommé «l’immeuble qui pousse», on en reparlera plus tard. C’est également le cas pour son projet perdu de l’alliance à Française à Dehli en 2002. Il imagine un bâtiment bioclimatique en ayant recours à des végétaux et des arbres sortant des façades. Ce projet présente de nombreuses analogies avec le concept d’arbre locataire d’Hundertwasser. L’arbre permet, ici en premier lieu, de rafraichir l’air indien étouffant rentrant à l’intérieur du bâtiment comme le définit si bien Edouard François : "L’heure n’est plus à la climatisation, à l’enfermement, à ces boîtes de béton. La fraîcheur ne viendra plus des machines mais de la douceur des tissus s’évaporant au vent». L’homme vit à hauteur de l’arbre en lien étroit avec lui, lui transmettant sa vitalité au service du bien être. C’est cette idée qui est également développée pour l’école maternelle Buffon à Thiais, projet réalisé en 1995. L’architecte imagine une extension du bâtiment décollé du sol minéral par des pilotis. Le volume est simple, rectangulaire mais s’élève tel un grand promontoire à la hauteur des arbres que François décide de planter tout autour du bâtiment. L’école semble flotter dans les arbres. Les façades évoquent des branchages par l’action d’une structure métallique apparente s’entrelaçant tels des végétaux. Le revêtement en cuivre de la façade est devenu vert avec le temps et se fond parfaitement dans le paysage. Immobile en apparence, cette école semble vivante, mouvante. Les enfants apprennent au contact de la nature, favorisant le caractère ludique d’une telle réalisation s’adressant à un public de jeunes enfants. Il est à noter également l’analogie faite entre la croissance végétale en constante mutation et la croissance de l’être humain qui se fait ici par l’apprentissage. Cette extension apporte du végétal et de la vie dans un ensemble scolaire minéral et figé. Comme le dira l’architecte : «La question traitée n'est pas d'appartenir à une tradition architecturale, de poursuivre la voie du moderne, mais d'appartenir à un lieu, d'entrer dans la famille des éléments qui le constituent. Et cela sans l'ostentation d'un bâtiment démonstratif ni la frivolité d'une nouveauté à l'état du marché de l'urbain ». 84


Ecole maternelle Buffon, Thiais (1995) 85


Dans l’œuvre d’Edouard François, on peut établir d’autres rapports aux arts plastiques que ceux étudiés précédemment. Prenons pour exemple, le bâtiment «Tower Flowers». Ce bâtiment commandité par l’OPAC de Paris est construit dans la ZAC d’Asnières (dessinée par Christian de Portzamparc). L’architecte invite la nature en ville dans l’enceinte même du bâti. Celui-ci ressemble par sa structure et par sa typologie aux immeubles voisins en béton. Seulement voilà, François a eu l’ingéniosité d’incorporer des pots de fleurs au sein même des balcons faisant tout le tour de chaque étage. Des bambous y poussent et développent une frondaison faisant corps avec le bâtiment. Ils créent une double peau assurant un dialogue entre le bâtiment et son environnement servant à la fois de liens, de filtres et d’écrans. Ce concept permet d’instaurer une part de nature à l’échelle du grand paysage tout comme à l’échelon de l’espace individuel. Les habitants vivent au milieu des bruissements des végétaux qui procurent un apaisement naturel et un paysage interne. Ce système est possible grâce à l’ingéniosité de l’architecte qui a inventé un système d’arrosage automatique qui se fait par l’intermédiaire de tubes en PVC incorporés au tube inox de la main courante. On trouve des analogies entre le concept de ce bâtiment et le travail de Jean- Pierre Raynaud. Cet artiste installe des pots de fleurs vides dans des espaces urbains tels que le cœur de Tokyo ou sur le parvis du centre Pompidou à Paris. Ainsi, il met en avant le fait que la végétation quitte sa surface naturelle, le sol, et peut se mêler au monde minéral. L’artiste pose ainsi la question de la place de la nature dans les villes contemporaines : «Si cette forme (les pots de fleurs), peut témoigner que la nature a existé, nous serons peut -être capables de reconstruire». Ce parallèle donne la formulation possible d’une réponse de cette interrogation et propose sa vision de la reconstruction dans ce bâtiment de logement.

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Edouard François Tower Flower, Paris (2004)

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Jean Pierre Raynaud Pot doré, Paris (1985)


Tous ces préceptes, on les retrouve dans une réalisation importante d’Edouard François «L’immeuble qui pousse », édifié en 2000 à Montpellier. Bâtiment d’Edouard François très connu, dans un contexte novateur, il est l’objet de nombreuses publications. Défrayant la chronique, il est tantôt décrié ou tantôt adulé.

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Le but est de lier la nature à la construction minérale. François utilise pour cela un matériau très contemporain : le gabion. Cette pierre est d’habitude usitée en construction écologique pour les murets des propriétés. L’architecte est un des premiers à l’utiliser à une telle échelle et avec un objectif bien défini : laisser pousser la végétation entre les blocs de pierre. Il met en place un dispositif technique sophistiqué : les pierres de Gabion sont emprisonnées dans un fin grillage. Ce qui permet de glisser, dans les interstices de la terre, de la lave de Turquie pour retenir l’humidité, et des poches en toile de jute contenant du terreau et des graines. Grâce à l’intermédiaire d’un arrosage automatique, celles-ci donneront naissance à toutes sortes de plantes -des succulentes notamment- variété de plantes grasses aux racines non agressives résistant à la sécheresse. Pierres et végétations s’accouplent au fil du temps pour ne former qu’un. Comme chez Hundertwasser, le résident a des libertés. La liberté d’ajouter les graines de son choix entre le gabion avec l’espoir d’une future poussée du végétal qu’il chérit. Il me semble qu’Edouard François donne ici sa version de son mur végétal. Mais ce mur est en constante évolution, une évolution lente dont le tempo est donné par le rythme de croissance et d’évolution de la nature. Ainsi au cours du temps, la végétation aura envahi la façade à la manière d’une vigne vierge sauf que comme chez Patrick Blanc la plante ne pousse pas dans sa terre ferme d’origine. Edouard François saute dans le wagon de la révolution de la verticalité du jardin, révolution qui s’étendra certainement au cours du XXIème siècle. Toutefois, sa façade en gabions est utilisée à d’autres fins. Ce dispositif est également mis en œuvre pour assurer un excellent confort thermique et acoustique au bâtiment. A la manière d’un architecte écologique, Blanc réussit à optimiser ses matériaux de façade sans utiliser beaucoup de technologie. Ici, seul du grillage, du sable et du béton sont associés au gabion. Ainsi utilisés, ils assurent à la fois une bonne stabilité de la façade mais aussi un parfait confort estival et hivernal. Le mur inventé par l’architecte est un bel exemple de paroi pariéto-dynamique devançant les normes thermiques. Il est un excellent isolant au soleil et est ventilé grâce à de nombreux vides d’air supprimant le besoin de climatisation. 89


François a donc créé une nouvelle façade répondant à beaucoup d’exigences avec peu de technologie et c’est bien en cela qu’il se place dans l’héritage du mouvement « Low tech ». Rappelons qu’Hundertwasser a dit à propos des arbres locataires peuplant la KunsHausWien : «L’arbre locataire est un donateur, il est un morceau de nature, un morceau de patrie, un morceau de végétation spontanée dans le désert anonyme et stérile de la ville, un morceau de nature qui peut se développer sans le contrôle rationaliste de l’Homme et de la technologie. »

Détail de la composition du mur en gabion 90


Habiter en ville, mais avec la nature, dans la nature ; habiter avec et dans les arbres. Tels sont les rêves d’Edouard François que l’on trouve dans ce bâtiment. Il mute un élément du programme, les balcons, en de véritables cabanes. Ces éléments en bois sont perchés sur une structure métallique, sortes d’échasses métalliques irrégulières, les maintenant dans le vide. Elles prolongent le séjour en devenant des pièces d’été à l’air libre. «On n’est plus dans un appartement, on est ailleurs dans les arbres», dit l’architecte. En effet des grands arbres de forêts ont été plantés le long de ces perchoirs . Résultat, depuis le bas, émerge une forêt. «Une forêt de troncs clairs, ceux des platanes et une forêt de troncs or, ceux des poteaux». Ainsi, des terrasses d’un immeuble en accession à la propriété, de 18 mètres de haut, bénéficient d’un ombrage naturel, où les oiseaux font leur nid, où les branchages procurent un sentiment d’intimité, où l’Homme vit dans une cabane dans les arbres. Cet immeuble est au service d’un habitat ludique. Ici et là, des pontons de bois mènent aux cabanes, d’autres balcons ont même été imaginés comme des plongeoirs.

Vues des différents balcons et cabanes du bâtiment 91


Malheureusement, «l’immeuble qui pousse» est une réussite contrastée. Après la tempête de 2000, la ville de Montpellier a préféré élaguer les platanes présents sur le terrain. De plus, l’immeuble ne «pousse» plus vraiment. Pour des raisons certainement économiques, l’arrosage automatique a été supprimé, ne permettant plus aux plantes de pousser entre le gabion. Il reste, malgré tout, une grande une réussite. II répond déjà aux objectifs très stricts du promoteur immobilier du fait que les logements se sont tous vendus. De plus, réaliser un tel bâtiment correspond à entamer de nombreuses batailles pour l’architecte (permis de construire délivré par la ville, commission du Centre Scientifique et technique du Bâtiment…). Mais François et son équipe ont atteint leurs nombreux défis. Notamment un qu’il définit lui-même : «Nous avons pu contenter un public exigeant du temps présent, d’usage, d’autre chose. Tout cela en se limitant à peu de choses, celles qui nous ont paru importantes». L’immeuble qui pousse est un exemple de ce qu’est aujourd’hui la construction de logements. Citons Jean François Pousse qui dans le livre «l’immeuble qui pousse» d’Edouard François résume les attraits de ce bâtiment : « Pêle-mêle, cela donne des façades bioclimatiques gorgées de terre et de semences, bombardées au lisier de porc pour favoriser la germination, le recours à la préfabrication lourde sans en avoir l’esthétique lénifiante, des avis techniques expérimentaux rassurants, une personnalisation de l’habitat favorable à l’identification. La conjonction valeur de l’architecture contemporaine - promotion à prix planchersynergie architecte/ maître d’ouvrage/ entreprises - appropriation et succès financier, fonde l’exemplarité du bâtiment. Qui ouvre des pistes suggestives aux jeunes architectes. »

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Cette réalisation met aussi en avant un autre aspect du travail de François que l’on n’a pas encore entrevu. Il s’agit de son travail sur l’(in)visibilité du bâtiment. L’architecte dira à propos des arbres centenaires présents sur le site : «Une chose qui m’a ravi pendant le chantier est que le bâtiment ne se voyait presque pas. C’est ce que je voulais sans trop oser y croire, normal, une bête de 100 mètres de long sur 7 étages, ce n’est pas forcément discret. Personne n’a compris mon bonheur sur le coup». En effet, le landarch cher à Edouard François développe l’idée de l’(in)visibilité des bâtiments. Ce concept s’inscrit dans la lignée d’architectes japonais tels que Toyo Ito et Itsuko Hasegawa. Ils recherchent une forme d’invisible dans leur réalisation et s’engagent dans la création d’une nature artificielle inspirée par les formes du monde naturel mais cependant fabriquée. François prend du plaisir à voir ses réalisations disparaitre partiellement dans leur site. Eloigné des formes de l’architecture monumentale, celles qui s’imposent dans leur environnement, l’architecte cherche à camoufler ses projets et ainsi pousser au paroxysme le fait que la nature s’immisce dans la construction. Ses façades végétales servent ce processus et son projet de gites ruraux construits à Jupilles dans la Sarthe en 1996 illustre au mieux ce concept. Le projet fait corps avec la nature, notamment par sa façade. Nous l’avons vu précédemment, l’architecte a établi une sorte de collage végétal pour la construire. Ce collage est une sorte de fusion végétale, il s’intègre dans le site au point de disparaître. Edouard François revendique sa vision de l’architecture : «Le gîte fait la transition entre le village et la forêt, dit-il. C'est aussi une manière d'arrêter la croissance illimitée des villages, villes, faubourgs, non pas en disant : On ne construit plus, mais essayons de construire autrement. »

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Edouard François, gîtes ruraux à Jupilles Le bâtiment s’estompe par l’effet de la végétation pour rechercher la transparence

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Nous avons vu que le travail d’Edouard François est aussi riche et intéressant que celui d’Hundertwasser et Patrick Blanc. Sa manière d’allier travail du site, expérimentation des matériaux le tout en rapport avec le monde des arts en fait un architecte à part. Il ouvre une façon nouvelle de voir et de créer l’architecture. De jeunes architectes suivent d’ailleurs le chemin qu’il a tracé, engendrant une façon novatrice de concevoir l’architecture écologique et bioclimatique.

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Conclusion

Hundertwasser, Blanc, François, trois concepteurs bien différents… par leur histoire personnelle… par leur formation… par leur démarche de création… Hundertwasser, marqué par son histoire personnelle, prône une libération de la condition humaine au travers de moyens tels l’architecture, l’art, la nature. Patrick Blanc, de formation scientifique, met à profit son savoir pour révolutionner le jardin vertical et ainsi proposer une solution pratique à l’intronisation de la nature en ville tout en donnant des réponses écologiques. Edouard François engage une nouvelle vision de l’architecture où elle n’est pas le propos premier, au profit d’une symbiose entre bâtiment et nature, entre l’Homme et son environnement. Et pourtant … Leur travail présente tellement de similitudes. En marge d’une création architecturale académique, chacun développe la vision d’une création nouvelle où le rapport à l’architecture, la nature et l’art est en parfaite symbiose. 96


Tout en développant une esthétique « verte » au service de la beauté, leur conception, emprunte d’humanité concilie la question contemporaine du développement des villes avec le bien-être de ses habitants tout en les incitant à agir sur leur environnement proche. L’architecture écologique n’est toutefois, pas encore reconnue comme courant majeur dans l’histoire de l’architecture. Ces trois créateurs sont encore peu reconnus par les institutions. Malgré leur indéniable popularité, ils restent des artistes à part et sont parfois rejetés par leurs pairs. Je pense qu’ils gagneraient à être jugés à leur juste valeur. Leur travail propose une architecture où développement durable rime avec art et beauté. Idéalistes et engagés, leur recherche entrevoit une réforme de la société où l’Homme revient à ses vraies valeurs, à sa vraie place, où l’être humain plus acteur que consommateur est en communion avec son milieu naturel. Nombre de critiques et de théoriciens de l’architecture voient dans cette recherche l’architecture du futur. Selon moi, vus les enjeux et les besoins de la société actuelle, leur travail pourrait, (devrait!) nourrir les projets des bâtisseurs du XXIème siècle. où végétal et minéral se mêleront harmonieusement… où chaque citoyen pourra s’approprier son habitat… où l’enjeu du développement durable ne sera plus une utopie mais une réalité...

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Bibliographie                

« Hundertwasser-KunstHausWien », édition Taschen (2002) « Hundertwasser, Rand Harry », édition Taschen (1993) « Friedensreich Hundertwasser », Ascensio Paco, édition Taschen (2003) « Green architecture now », Philip Jodidio, édition Taschen « Jardins verticaux dans le monde entier », Anna cambertini, édition citadelles et mazenod (2007) « Jardiniers », Bruno Suet, édition Marval (2007) « Mur végétalisé : de la nature à la ville », Patrick Blanc, édition M.Lafon (2008) « Arte Povera », Maïten Bouisset, édition du regard (1994) « Architecture végétale : analogie entre le monde végétal et l’architecture contemporaine », Bahamon Alejandro, édition l’inédite (2007) « Construire avec la nature : 20 architectes dans le paysage », Francis Rambart, édition Edisud « Burle Marx : Jardin lyrique », Montero Marta Iris, édition Actes sud (2001) « Le jardin moderne », Jane Brown, édition Actes sud (2000) « Architecture végétale », Alejandro Bahamo, édition L’inédite (2007) « L’immeuble qui pousse », Edouard François, édition Jean Michel Place/architecture (2000) « B2B2SP », Edouard François, édition Archibooks (2008) « Les impressionistes », Jon Kear, édition Gründ

Remerciements à Messieurs Hundertwasser, Blanc et François qui m’ont fait voyager dans leur univers et à Monsieur Joseph Abram, professeur à L’ENSAN, pour son aide.

Août 2010 98


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Construire avec la nature demeure un désir ardent donnant lieu aux rêves les plus fous aux architectes de toutes époques. Ainsi depuis l’antiquité, on connaît nombre de projets dans lesquels la nature se mêle au monde minéral de l’architecture… J’ai décidé, dans ce mémoire, d’illustrer cette problématique au travers de l’étude d’une partie de l’œuvre de trois créateurs contemporains : Hundertwasser, Patrick Blanc et Edouard François. Trois concepteurs bien différents… par leur culture… par leur formation… par leur démarche de création… Et pourtant … Ces trois bâtisseurs me semblent si proches…

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