Pendant trente-six ans l’école privée catholique de Sainte-Marie à Lyon a confié ses constructions et ses rénovations à un architecte hors du commun, le maître corbeau. Vêtu d’un style noirâtre, paradoxal pour un lieu voué à l’épanouissement de jeunes étudiants, Georges Adilon à effectué des aménagements impressionnants. D’immenses cubes qui s’empilent comme des pyramides mayas, des rubans de béton qui les entrelacent accompagnés de barrières quelque peu «modern’style» qui les encadrent. Et pourtant, une impression de calme et de transparence se dégage de cet ensemble architectural si différent de ce que l’on voit ordinairement, un dépouillement presque monacal, une vision de l’essentiel. Il aura exploré d’une voie solitaire et silencieuse les principes oniriques d’une architecture orientée vers l’instruction, l’éducation et la formation de quelque 4500 élèvent chaque année. Si rien de cette aventure architecturale n’est ordinaire, c’est parce que les pères maristes, maître d’ouvrage éclairé, choisiront étonnamment pour leurs bâtiments une franche modernité face à une époque et une ville éprises de concessions. La complétude de ce travail ce remarque à Lyon sur la colline de Fourvière. Peu d’établissements scolaires relèvent d’une conception architecturale nouvelle, souvent pour des raisons d’urgence et d’économie, mais ce haut lieu de l’éducation privée lyonnaise en est un heureux contre-exemple. Heidegger pensait qu’il fallait dépasser une approche simplement fonctionnelle de l’habitation. Peut-être aura-t-il été entendu par Georges Adilon et sa conception de nouveaux espaces à vivre, « des pièces où l’on n’est pas enfermé de manière préconçue avec des normes. Ce n’est pas une architecture fonctionnelle au sens où elle n’aurait qu’une fonction ». Son travail relève aussi beaucoup du paysagisme, créant pour les élèves un environnement différent, un habitat particulier pour des enfants qui habitent. Nous tenterons dans cet article de montrer à travers les concepts de l’analyse Heideggerienne comment le traitement de la relation du dedans au dehors permet à l’enfant (l’homme) de trouver sa place dans le monde et d’apprivoiser un environnement qui est d’emblée perçu comme étranger. Certes l’école n’est pas un logement, mais elle demeure toutefois déterminée à partir de l’habitation. Lorsque l’enfant devient un «mariste», il passe le seuil qui l’amènera à vivre selon une certaine rigueur. Il rencontre un lieu où il vivra pour l’année, ou pour toute sa scolarité. Cette construction en béton sera sa maison, ce bureau en hêtre sera son lieu de travail. L’enfant aura une place à cette table qui lui sera attitrée dans la classe, une autre à la cantine, et même dans la cour de récréation, l’enfant aura un rôle que la «communauté» lui donnera. On lui offre un habitat, un cadre et des voisins déterminés par les différentes promotions. Même si Heidegger a toujours refusé que tout rapprochement soit fait entre ses textes et les analyses freudiennes de l’angoisse, il est frappant de constater que, chez Heidegger comme chez Freud, l’angoisse soit liée au sentiment d’inquiétante étrangeté. Être nouveau chez les Maristes, c’est prendre conscience de sa condition d’homme promis à étudier pour son avenir et c’est ici l’habitat destiné à l’élever. L’école fait ainsi le lien entre le «chez-soi» et le fait «d’être soi». Ce cadre de vie participe à l’équilibre voulu pour l’ensemble de la communauté mariste. Selon Heidegger, nous devons trouver notre place dans le monde pour exister et l’école représente ainsi la structure de la société dont l’insertion des bâtiments représente la position du statut social des enfants qui l’occupent. On choisit pour eux des habitudes que l’on introduit dans un contexte qui deviendra familier, des demeures (Behausungen) qui ne sont alors pas des logements au sens étroit.