André Masson: le surréalisme révolutionnaire

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27 SEPT - 21 DEC 2024

Avant-propos

L’œuvre d’André Masson a représenté mon introduction au monde de l’art. En 1990, moment où j’ai fait mes premiers pas dans la Galerie OdermattCazeau, la première rétrospective après la mort de l’artiste était en cours à la galerie. Cette exposition, intitulée «André Masson : œuvres maîtresses», a été, ainsi, le point de départ d’une belle aventure. Grâce à l’œuvre d’André Masson j’ai appris l’histoire de l’art. Dans son œuvre je voyais un compte-rendu de la modernité du XXe siècle, du fauvisme et cubisme jusqu’à la liberté de l’abstraction lyrique dans l’après-guerre. De plus, dans sa reprise des mythes méditerranéens, dans ses références littéraires, son œuvre dépassait le cadre de la peinture vers la philosophie.

Mon oncle, Philippe Cazeau, a été un grand défenseur de l’œuvre de Masson. Il a fortement contribué au rayonnement de l’artiste à travers les différentes expositions qu’il lui a consacré dans ses différentes galeries, et également dans les plus grands musées internationaux. Pour Philippe, l’œuvre de Masson était une invitation au rêve, elle permettait au spectateur de sortir hors des frontières de sa réalité et de son esprit. Après sa mort, j’ai bien sûr continué ce travail. D’une certaine manière, cette exposition est, pour moi, non seulement une célébration du Centenaire surréaliste de l’œuvre de Masson, mais également un hommage à Philippe Cazeau… Je voudrais également rendre hommage à Guite Masson, qui très tôt m’a associé à cette aventure, et qui a été pour moi essentielle dans ma formation en tant que marchand d’art moderne.

Foreword

André Masson’s work was my introduction to the art world. In 1990, when I took my first steps in the Galerie Odermatt-Cazeau, the first retrospective after the artist’s death was underway in the gallery. This exhibition, titled “André Masson : œuvres maîtresses”, was the starting point of a wonderful adventure. I learned the history of art from André Masson. In his work, I saw an account of twentieth-century modernity, from Fauvism and Cubism to the freedom of lyrical abstraction in the post-war period. What’s more, in his revival of Mediterranean myths and literary references, his work went beyond painting to philosophy.

My uncle, Philippe Cazeau, was a great champion of Masson’s work. He made a major contribution to the artist’s reputation through the various exhibitions he devoted to his work in his different galleries, as well as in leading international museums. For Philippe, Masson’s work was an invitation to dream, allowing the viewer to step outside the boundaries of reality and the mind. After his death, I continued this work. In a way, I see this exhibition not only as a celebration of the Surrealist Centenary, but also as a tribute to Philippe Cazeau...I also wanted to render tribute to Guite Masson, who involved me very early on in this adventure, and who has been essential to my training as a modern art dealer.

Un Rebelle du Surréalism A Rebel of Surrealism

André Masson est, sans doute, le catalyseur d’un nouvel art. Cubiste au début des années ’20, tout en renouvelant le cubisme à sa propre manière, Masson est un des membres fondateurs du mouvement surréaliste, signant le Manifeste d’André Breton qui fête son centenaire cette année. Inventeur du dessin automatique, les recherches sur un automatisme pictural de ce surréaliste de la première heure l’amèneront à la gestualité qui allait connaitre fortune aux Etats-Unis avec l’expressionnisme abstrait. Dans ses œuvres se trouvent les fondements de la liberté de l’action painting de Pollock, ses sables auront pu inspirer Tapiés, qui systématise le procédé.

Hanté par le spectre de la Grande guerre, et nourri de ses lectures de Nietzsche et Héraclite, André Masson identifie ses tumultes intérieurs à la pulsion dionysiaque. Il rompt avec le positivisme pour une pensée mythologique du monde qui l’entoure. Dans ce sens, sa rencontre avec André Breton sert à l’artiste comme une illumination, les deux se mettant d’accord sur la place du merveilleux et du rêve dans le monde. Ses sujets récurrentes – le Minotaure, le labyrinthe, Pasiphaé – deviendront les paradigmes d’un univers surréaliste parcouru par des pulsions souterraines et obscures.

André Masson prend l’idée du flux comme théorie essentielle de son art, qu’il renouvelle à chaque fois. Sa vocation de peintre est véritablement née après son retour de la Première guerre mondiale, où il est gravement blessé lors de l’offensive du Chemin des Dames. L’artiste subit vite à Céret et Paris l’ascendant de Derain et de Juan Gris, mais il élabore une version du cubisme hanté par des symboles obscures. C’est ainsi qu’il fait la rencontre d’André Breton lors d’une exposition à la Galerie de Kahnweiler, galeriste qui va le représenter pendant presque toute sa carrière. Masson est un membre actif du mouvement surréaliste dès sa naissance en 1924. Il élabore le dessin automatique, transcription graphique de l’écriture automatique de Breton, et crée ses sables, un premier essai du dripping, en projetant de la colle sur la toile ou sur la feuille, qu’il couvre de sable par la suite. Dans les deux cas le hasard y préside. André Breton résume

André Masson was undoubtedly the catalyst for a new art. A Cubist in the early ‘20s, while renewing Cubism in his own way, Masson was one of the founding members of the Surrealist movement, signing André Breton’s Manifesto, which celebrates its centenary this year. The inventor of automatic drawing, this early Surrealist’s research into pictorial automatism led him to the gestural style that was to make an impact in the United States with Abstract Expressionism. His works lay the foundations for the freedom of Pollock’s action painting, and his sands may well have inspired Tapiés, who systematised the process.

Haunted by the spectre of the Great War, and nourished by his reading of Nietzsche and Heraclitus, André Masson identified his inner turmoil with the Dionysian impulse. He broke with positivism in favour of a mythological approach to the world around him. In this sense, his meeting with André Breton served as an enlightenment for the artist, the two agreeing on the place of the marvellous and the dream in the world. His recurring subjects - the Minotaur, the labyrinth, Pasiphae - would become the paradigms of a surrealist universe driven by subterranean and obscure impulses.

André Masson embraced the idea of flux as the essential theory of his art, which he renewed each time. His vocation as a painter was truly born after his return from the First World War, where he was seriously wounded during the Chemin des Dames offensive. In Céret and Paris, the artist quickly came under the influence of Derain and Juan Gris, but he developed a version of Cubism haunted by obscure symbols. It was during an exhibition at the Galerie de Kahnweiler that he met André Breton, the gallery owner who was to represent him for most of his career. Masson was an active member of the Surrealist movement from its inception in 1924. He developed automatic drawing, a graphic transcription of Breton’s automatic writing, and created his sables, a first attempt at dripping, by spraying glue onto the canvas or sheet, which he then covered with sand. In both cases, the process was governed by chance. André Breton summed up the invention of automatic drawing

l’invention du dessin automatique comme suit : « Dès l’origine du mouvement surréaliste André Masson, tout en début de sa route, rencontre l’automatisme. La main du peintre s’aile véritablement avec lui : elle n’est plus celle qui calque les formes des objets, mais celle qui, éprise de son mouvement propre et de lui seule, décrit des figures involontaires dans lesquelles l’expérience montre que ces formes sont appelées à se réincorporer ». L’automatisme de Masson se caractérise par des associations spontanées et imprévues.

Au sein du mouvement, il se lie d’amitié avec Georges Bataille – ensemble ils vont devenir les « rebelles du surréalisme », rejetant la rapproche trop dogmatique d’André Breton. L’amitié avec Georges Bataille expliquent aussi la place de l’érotisme et de la violence dans son art – Eros et Thanatos sont toujours mariés dans son œuvre. Pour l’artiste, le mythe joue un rôle constructif dans l’inconscient collectif des hommes, il est archaïque, mais toujours vivant. La préoccupation philosophique principale de l’œuvre picturale d’André Masson reste l’homme et son destin, entre émerveillement face à la nature où agressivité et destruction.

L’artiste poursuit ses recherches dans une Espagne de plus en plus menacée par le spectre de la guerre civile, terrain fécond pour des œuvres hautement satyriques à l’adresse de Franco et d’un fascisme montant au milieu des années ‘30. Imprégné à jamais par la guerre, et par les massacres réels vécues entre 1915 et 1917, Masson cherche dans la peinture un moyen d’exorciser le spectre. La série des Massacres de 1933-34, les Rapts et Poursuites, les scènes de violence mythologique sont pour l’artiste un moyen de chercher son catharsis. Après l’exaltation de la violence mythique et symboliques dans les Poursuites et les Massacres, c’est la violence de l’histoire que Masson cherche à représenter en Espagne, avec ses scènes de Corrida.

Néanmoins, c’est en fuyant l’Occupation et en s’installant aux Etats-Unis qu’il connait une des périodes le plus fécondes de son œuvre – la « période

as follows: ‘From the very beginning of the Surrealist movement, André Masson encountered automatism.

The painter’s hand really took off with him: it was no longer the hand that traced the shapes of objects, but the hand that, infatuated with its own movement and with it alone, described involuntary figures in which experience showed that these shapes were destined to be reincorporated’. Masson’s automatism is characterised by spontaneous and unforeseen associations.

Within the movement, he became friends with Georges Bataille - together they became the ‘rebels of surrealism’, rejecting André Breton’s overly dogmatic approach. His friendship with Georges Bataille also explains the place of eroticism and violence in his art - Eros and Thanatos are always married in his work. For the artist, myth plays a constructive role in man’s collective unconscious; it is archaic, but still alive. The main philosophical concern of André Masson’s pictorial work remains man and his destiny, between wonder at nature and aggression and destruction.

The artist continued his research in a Spain increasingly threatened by the spectre of civil war, fertile ground for highly satirical works aimed at Franco and the rising fascism of the mid-1930s. Forever imprinted by the war, and by the actual massacres experienced between 1915 and 1917, Masson looked to painting as a means of exorcising the spectre. The Massacres series of 1933-34, the Rapts et Poursuites and the scenes of mythological violence were a way for the artist to seek catharsis. After the exaltation of mythical and symbolic violence in the Pursuits and Massacres, it was the violence of history that Masson sought to represent in Spain, with his Corrida scenes.

Nevertheless, it was when he fled the Occupation and settled in the United States that he experienced one of the most fertile periods of his work - the ‘American period’. In the midst of the grandiose wilderness of the Connecticut countryside, André Masson set his brush free, creating works of great spontaneity, bordering on abstraction. On his return to France, his ‘Chinese

américaine ». Au milieu d’une nature grandiose et sauvage au Connecticut, André Masson libère son pinceau, créant des œuvres d’une grande spontanéité, à la limite de l’abstraction. A son retour en France s’ouvre sa «période chinoise», marqué par des lignes sinueuses et calligraphiques et par la création d’un nouveau langage pictural. Les préceptes du dessin automatique, qui stipulent le subconscient comme seul guide du pinceau sur la toile, une technique hautement subjective, deviennent une des influences de l’abstraction lyrique en France. Sa marque sur l’histoire est complète.

Si l’histoire du groupe surréaliste est marquée par ses différentes schismes et querelles du groupe, André Masson rompant et réintégrant le mouvement à plusieurs reprises, l’artiste poursuit son œuvre en solitaire. Dans sa posture d’hérétique, Masson est, comme il avoue dans une expression très bergsonienne, «obsédé par l’expression du devenir» des choses. Masson cherche un art dynamique et instable au moment où il considère que le groupe surréaliste s’orientait vers la «photographie en couleurs du rêve ».  Son art est marqué par un sentiment de la nature changeante et animée, par les forces du monde souterrain ou interstellaire, par des compositions inspirées par la mythologie méditerranéenne ou enrichies de symboles.

Cette exposition a comme but de donner un essai de rétrospective, ou, au moins, un panorama de l’œuvre complexe et protéiforme de l’artiste. Des grandes thèmes se distinguent, que Masson arrive à intégrer lors de sa vie aux styles successives : la Métamorphose, qui désigne la loi inéluctable et fondamentale de la nature – la transformation de tout ce qui vit, qui mort et qui s’accouple ou germine ; la Mythologie – une mythologie propre à André Masson, où l’amour et la haine sont étroitement liés à la mort, une vision d’un monde autre que le nôtre (et André Breton avait lui-même lancé l’appel à une nouvelle mythologie surréaliste), et, enfin, les Massacres, des scènes d’une mort collective, des œuvres chamaniques au but d’exorciser les monstres du monde réel.

period’ began, marked by sinuous, calligraphic lines and the creation of a new pictorial language. The precepts of automatic drawing, which stipulate the subconscious as the only guide for the brush on the canvas, a highly subjective technique, became one of the influences of lyrical abstraction in France. His mark on art history is complete.

While the history of the Surrealist group is marked by its various schisms and quarrels, with André Masson breaking away from and rejoining the movement on several occasions, the artist continued to work alone. In his heretical posture, Masson was, as he confessed in a very Bergsonian expression, ‘obsessed by the expression of the becoming’ of things. Masson sought a dynamic and unstable art at a time when he felt that the Surrealist group was moving towards ‘colour photography of dreams’. His art is marked by a sense of nature as changing and animated, by the forces of the subterranean or interstellar world, by compositions inspired by Mediterranean mythology or enriched by symbols.

The aim of this exhibition is to provide an attempt at a retrospective, or at least an overview of the artist’s complex and protean oeuvre. Some major themes stand out, which Masson managed to integrate throughout his life in successive styles: Metamorphosis, which refers to the inescapable and fundamental law of nature - the transformation of everything that lives, dies and mates or germinates; Mythology - a mythology specific to André Masson, in which love and hate are closely linked to death, a vision of a world other than our own (and André Breton himself had launched the call for a new Surrealist mythology), and, finally, Massacres, scenes of collective death, shamanic works intended to exorcise the monsters of the real world.

PEINTURES / PAINTINGS 1923 - 1969

SENTIER SOUS BOIS | WOODLAND TRAIL . 1923

73 x 60 cm

Huile sur toile Oil on canvas Signée au dos | Signed on the back

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Simon, Paris Collection Alfred Richet, Paris Collection Odermatt, France.

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- 1924, Paris, Galerie Simon, André Masson, 25/02-08/03, n°34.

- 2003, Darmstadt, Institut Matildenhofe, André Masson-Vues du Labyrinthe de l’ame, 09/03-27/04. N°10, p. 20

- 2004, Madrid, Museo Nacional Centro d’Arte Reina Sofia, 20/01-19/04, p. 78, ill.

- André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre Pompidou-Metz, 30 mars - 2 septembre 2023, (rétrospective), ill. p 32.

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, Vol. I (1919-1941), p. 122, n°1923*8.

- Frances Fielding Lewis Beatty, André Masson and the Imaginary of Surrealism, Thèse de doctorat, Columbia University, n°59, p. 444

les sous-bois | the sous bois

Ses premières peintures d’après-guerre de Céret et de Collioure ne témoignent que très peu de l’expérience de Masson pendant la Grande Guerre, ni de son intérêt pour le cubisme. Blessé à la guerre, le docteur Pactet conseille à l’artiste de s’éloigner des grandes villes et de s’installer à la campagne. De ces premières années, Masson retient un intérêt passionné pour la nature, qui devient l’une des lignes de force de sa peinture.

En 1922, son travail va prendre une autre tournure sous l’impulsion de la peinture moderniste. Prenant ses distances avec ses racines formelles fauvistes de Normandie et de Céret, l’artiste souhaite, selon ses propres termes, que «la philosophie entre dans le tableau». L’artiste s’installe à Paris, où il se lie d’amitié avec Max Jacob et Juan Gris, et rencontre avec leur aide Henri-David Kahnweiler, qui deviendra son galeriste pour le reste de sa carrière. Dans les notes de son autobiographie, Masson énumère les thèmes de ses peintures de 1922-1924 : « Des forêts et encore des forêts peintures inspirées de celles de l’Ile de France et de la Bretagne ».

Les premières forêts se transforment rapidement en une transfiguration romantique de la nature : « les arbres qui m’entourent et dont je suis le prisonnier - hereux de cette servitude ». Les arbres prennent un aspect légendaire, plus Brocéliade que Bretagne. La philosophie de la peinture de Masson, basée sur le flux Héraclitéen et la croissance et le mouvement constants des forces naturelles, commence à se développer en ce qui concerne la vie des arbres, non pas en tant que monuments figés, mais en tant que vie croissante et changeante. Comme le dit Leiris, Masson veut capturer « la poussée de la sève, le travail des racines, la tension des branches vers le soleil, cette vérité de l’arbre...il lui fallait appréhender une réalité vivante ou bien aller au coeur, surprendre la nature dans le secret de ses palpitations, au lieu de s’en tenir à l’immobilité apparente des arbres et des pierres ». L’idée de flux et de vitalité de la vie restera une constante dans l’œuvre de Masson. L’atmosphère étrange du « Sentier sous bois » en fait un paysage visionnaire.

Des branches tentaculaires recouvrent le ciel, tandis qu’un sentiment de claustrophobie imprègne l’œuvre, exacerbé par la monochromie cubiste.

Very little of Masson’s Great War experience is visible in his first Post-War paintings of Céret and Collioure, nor of his interest in Cubism. Wounded in the war, Doctor Pactet advised the artist to move away from great cities and into the countryside. What Masson retains from these early years is a passionate interest in the natural world, which became one of the through lines of his painting.

In 1922, his work was to take a different turn under the impulsion of modernist painting. Distancing himself from his fauvist formal roots in Normandy and Céret, in the words of the artist himself, he desired for ‘philosophy to enter the picture’. The artist setlles in Paris, where he becomes friends with Max Jacob and Juan Gris, and met Henri-David Kahnweiler with their aid, who will become his gallerist for the rest of his career. In the notes for his autobiography, Masson lists the themes of his 1922-1924 paintings: «Forests and more forests: paintings inspired by those of the Ile de France and Brittany.»

The first forests quickly turned into something else: a Romantic transfiguration of nature : «les arbres qui m’entourent et dont je suis le prisonnier - hereux de cette servitude». The trees take on a legendary aspect- more Brocéliade than Brittany. Masson’s own philosophy of painting, based on Heraclitian flux and the constant growth and movement of natural forces, starts to develop in regards to the life of trees, not as frozen monuments, but as growing and changing life. As Leiris states, Masson wants to capture «la pousée de la sève, le travail des racines, la tension des branches vers le soleil, cette vérité de l’arbre…il lui fallait appréhender une réalité vivante ou bien aller au coeur, surprendre la nature dans le secret de ses palpitations, au lieu de s’en tenir à l’immobilité apparente des arbres et des pierres». The idea of flux and vitality of life will remain a constant in Masson’s oeuvre. The strange atmosphere of «Sentier sous bois » makes it a visionary landscape.

Tentacular branches cover the sky, as a claustrophobic feeling permeates the work, exacerbated by the Cubist monochrome.

Masson arrive à donner un côté symbolique et psychologique qui n’existait pas dans les compositions cubistes, la plupart prenant des sujets quotidiens : des nus, des natures mortes, des joueurs de luth. « On voit des nuages sur la table. On voit aussi souvent des verres, mains, pipes, cartes, fruits, couteaux… » remarque Paul Eluard en 1923. Il arrive à donner au cubisme quelque chose de la peinture métaphysique de Giorgio de Chirico. Allant au-delà de l’intégrité plastique du cubisme par l’intégration des symboles, Masson crée un espace irréel, rempli par des références littéraires informées en particulier par la lecture de Nietzsche et Dostoïevski, d’où il emprunte les thèmes de la solitude et d’isolément existentiel, une atmosphère

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Simon, Paris

The Mayor Gallery, Londres Galerie Odermatt-Cazeau, Paris Collection particulière, Paris

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- 1986,Paris, Centre d’Art plastique Artcurial, André Masson, Mythes et chimères, 18/0330/04, n°2, p.8.

- 1990-1991, Paris, Galerie Odermatt-Cazeau, ANdré Masson, Oeuvres maîtresses, 05/1202/02, n°3.

- 2003, Darmstadt, Institut Matildenhofe, André Masson-Vues du Labyrinthe de l’ame, 09/03-27/04. N°8, p. 14

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, Vol. I (1919-1941), p. 122, n°1923*28.

- Dawn Andes, André Masson. Les Grands maîtres de l’art contemporain, ed. Poligrafa, Barcelone, et Albin Michel, Paris, ill. n°6. - Clark Poling, André Masson and the surrealist self, Yale University Press, New Haven& London, n°7, ill.

visible aussi dans les peintures de son groupe d’amis des personnages absorbés par leurs propres pensées, qui ne se regardent jamais. Les scènes de bistrot sont récurrentes dans son œuvre durant cette période. La conception cubiste de l’espace, avec sa perspective symbolique opère parfaitement cette unité de l’intérieur et l’extérieur, de la conscience et l’espace qui l’entoure –il devient le langage graphique parfait pour manifester l’idée de l’identité humaine comme conflit.

Masson manages to give a symbolic and psychological edge that didn’t exist in other Cubist compositions, most of which took everyday subjects: nudes, still lifes, lute players. “We see clouds on the table. We also often see glasses, hands, pipes, cards, fruit, knives...” remarked Paul Eluard in 1923. He succeeded in giving Cubism something of the metaphysical painting of Giorgio de Chirico. Going beyond the plastic integrity of Cubism by integrating symbols, Masson creates an unreal space, filled with literary references informed in particular by his reading of Nietzsche and Dostoyevsky, from which he borrows the themes of solitude and existential isolation, an atmosphere also visible in the paintings of his group of friends - characters absorbed in their own thoughts, never looking at each other. Bistro scenes are recurrent in his work during this period. The cubist conception of space, with its symbolic perspective perfectly operates this unity of inside and outside, of consciousness and the space around it - it becomes the perfect graphic language to manifest the idea of human identity as conflit.

LE REPAS | THE MEAL . 1923

La

Métamorphose

est un concept essentiel pour André Masson, dont la conception du monde est un flux continu. «Il n’y a pas de monde achevé », comme l’artiste avoue lui même. L’artiste commence une nouvelle manière de travailler à cette époque, rythmé par les lignes fines qui voyagent sur la surface picturale comme le fil d’Ariadne, et quelques « pointes fixes dans un monde fluide», pour emprunter la formule de Michel Leiris, ami de l’artiste.

Dans Métamorphoses, d’une feuille partent - ou bien s’achèvent- des lignes rythmés par quelques taches de couleurs, des traces d’oiseaux . La surface est scandée par des grandes aplats de couleur jaune et verte - un monde naturel en constante transformation. Quelques touches rouges, comme des gouttes du sang, font un rappel de la violence inhérente au monde.

Metamorphosis

is an essential notion for André Masson, whose conception of the world is one of continuous flux. “There is no completed world,” as the artist himself admits. The artist began a new way of working at this time, punctuated by fine lines that travel across the pictorial surface like Ariadne’s thread, and a few “fixed points in a fluid world”, to borrow a phrase from Michel Leiris, a friend of the artist.

In Métamorphoses, from a single leaf start - or endlines punctuated by a few spots of color and bird tracks The surface is punctuated by large fla t areas of yellow and green - a natural world in constant transformation A few touches of red, like drops of blood, are a reminder of the world’s inherent violence.

METAMORPHOSE | METAMORPHOSIS . 1928

59,5 x 73 cm

Huile sur toile | Oil on canvas Signée au revers «André Masson» | Signed on the reverse “André Masson”

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Simon, Paris, France | Galerie Vavin-Raspail, Paris

Buchholz Gallery (Curt Valentin), New York

Saidenberg Gallery, New York

Blue Moon Gallery - Lerner-Heller Gallery, New York Collection privée, Monaco

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- André Masson - OEuvres de 1924 à 1929, 8 - 20 avril 1929, catalogue n° 27

- André Masson : Recent Work and earlier Paintings, Curt Valentin Gallery, New York, 7 avril - 2 mai 1953, catalogue n° 36, ill. noir et blanc

- André Masson - Retrospective Exhibition, Marlborough Fine Art, Londres, octobre - novembre 1958, catalogue n° 6

- André Masson - Retrospective Exhibition, Saidenberg Gallery, New York, 14 février - 25 mars 1961, catalogue n° 7

- André Masson, Akademie der Kunst, Berlin, 3 - 24 mai 1964, catalogue n° 16, ill. noir et blanc

- Stedelijk Museum, Amsterdam, 1er juin - 19 juillet 1964

- André Masson : 1922 - 1966, Musée de Lyon, mai 1967, catalogue n° 9, fig. 4, ill. noir et blanc

- André Masson, Galleria Schwarz, Milan, 4 juin - 30 septembre 1970, catalogue n° 1, p. 3, ill. couleur

- André Masson, du Cubisme au Surréalisme, Isidore Ducasse Fine Arts, New York, mars - avril 1993, catalogue p. 7, ill. couleur.

- Surrealism : Two Private Eyes, The Nesuhi Ertegun and Daniel Filipacchi Collections,

Solomon R. Guggenheim Museum, New York, 4 juin - 12 septembre 1999, catalogue n° 173

- Sous le signe de Bataille. Masson, Fautrier, Bellmer, Musée Zervos, Vézelay, 27 juin - 15 novembre 2012, reproduit page 2

- André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre PompidouMetz, 30 mars - 2 septembre 2023, (rétrospective), ill. p 96

- André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre PompidouMetz, 30 mars - 2 septembre 2023, (rétrospective), ill. p 32

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- G. Masson, M. Masson et C. Loewer, André Masson. Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, Tome 1 (1919-1941), Volume I (19191929), Editions ArtAcatos, Vaumarcus, Suisse, 2010, n° 1928*15, repr. p. 406-407.

POURSUITE | PURSUIT . 1933

81 x 116 cm

Huile sur toile | Oil on canvas

Signée en bas à gauche | Signed lower left

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Simon, Paris, France (No PH 10832)

Galerie Wildenstein, Paris, France (No 922)

Galerie Thessa Herold, Paris, France

Collection Philippe Samuel, Paris Collection privée, France, acquis en vente publique pour 375 349

USD (Loudmer Scp, 1/4/1990) / acquired at auction for 375,349.

USD, Loudmer, Paris, April 1, 1990

Galerie Jean-François Cazeau, Paris Collection particulière, Paris.

Artiste moderne et postmoderne à la fois, l’œuvre d’André Masson se trouve sous le signe de la métamorphose : un art de l’instabilité qui met en scène l’érotisme et la violence de la vie. L’expérimentation sans aucune préconception est sa valeur fondamentale, une technique toujours adaptée aux besoins internes de l’œuvre qui jaillissent librement de la vision de l’artiste. Séparé avec Georges Bataille du groupe surréaliste de Breton dans les années 1930, les deux artistes regardent les abattoirs ensemble, un moment marquant pour tous les deux, complices cependant dans la recherche des pulsions primordiales de l’esprit humain.

Masson partage avec Bataille son érotisme transgressif. Le massacre devient, entre 1931-1933, une des thématiques fécondes de l’œuvre de l’artiste, mettant en évidence des scènes de mort collective d’une violence bestiale, une exaltation de la mort et du déchirement, des luttes d’une énergie primaire. Masson commence sa réflexion sur le thème du massacre par la mise en scène des luttes animalières, miroir totémique de l’ordre naturelle. Au tournant de 1930 l’élément humain commence à entrer dans ses compositions, un

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- Roma, Max Ernst e i suoi amici surrealisti, Fondazione Cassa di Risparmio di Roma, Museo del Corso, 24 juillet - 3 novembre 2002, repr. p. 97.

- Paris, Consonances peinture – sculpture : choix pour une Collection, Artcurial, février - mars 1993.

- Barcelone, Les avantguardes a Catalunya, 1906 - 1939, Olimpíada Cultural, Fundació Caixa de Catalunya, 1992.

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- P. Le Thorel-Daviot, Petit dictionnaire des artistes modernes, Editions Larousse, Paris, repr. p. 180.

RÉFÉRENCES REFERENCES

- G. Masson, M. Masson et C. Loewer, André Masson. Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, Tome 1 (1919-1941), Volume II (1930-1941), Editions ArtAcatos, Vaumarcus, Suisse, 2010, n° 1933*13, repr. p. 165. Archives : inv. CAM 118.

Both modern and post-modern, the art of André Masson is placed under the sign of metamorphosis: an art of instability that portrays the erotism and the imbalance of life. Experimentation without any preconception is his fundamental value, a technique that is always adapted to the internal needs of the artwork that springs freely from the artist’s vision. Separated together with George Bataille from the Surrealist group led by Breton in the 1930s, the two artists looked at slaughterhouses, a watershed moment for both, accomplices from then on in the search for the primordial impulses of the human spirit.

Masson shares with Bataille his transgressive eroticism. The massacre becomes, between 1931 - 1933, one of the most fecund themes of the artist’s repertory, putting forth scenes of collective death of a brutal violence, an exaltation of death and dismemberment, of fights of a primeval energy. Masson commences his reflexion on the theme of the massacre through the portrayal of animal combats, a totemic mirror of the natural order. At the turn of the 1930s the human element starts to enter his compositions, a slide from

glissement de l’animal à l’homme et non pas l’inverse. La Poursuite œuvre contemporaine à ses Massacres, donne à voir des couples humain-animal qui se juxtaposent, se croisent jusqu’au moment de la mort, dans une grande variété de poses. La nudité des figures, prises toujours dans des groupements de victime et bête sauvage, est froide. La scène est figée dans la vitesse, un instantané immobile de la violence brutale. La forme est dynamique, l’exécution rapide, la ligne, errante, embrasse des taches de couleur vive posées librement sur la toile. La rigidité des contours se dissolve en rythme coloré, en pulse et en passion enragée. Les figures s’interpénètrent dans l’acte meurtrier, comme dans un embrassement – car l’érotisme et la violence ne sont jamais séparés dans la vision du peintre. Le mouvement du pinceau sur la toile est fébrile, même convulsif. En répondant à Matisse qui le questionne sur son processus créatif en 1932, Masson explique : « Au départ je n’ai pas ni une image, ni une structure en tête, je dessine et je laisse mes impulses me guider. Graduellement, je vois des traces de formes et je les laisse émerger. J’essaie de comprendre leur sens et de mettre de l’ordre dans la composition. »

Une énergie primordiale ressorte de la composition, car Masson est toujours capable à capturer le système des forces vitales qui animent mystérieusement l’existence. La ligne intervient dans les taches chromatiques imprécises comme dans une chasse ou, mieux, une poursuite. Comme Michel Leiris remarque sur l’artiste, Masson arrive « à fixer l’absence de fixité », le côté imprévu et fuyant de la vie. La couleur est éclatante, bruyante et chaotique, les formes sont anguleuses et impossibles de saisir – on y retrouve l’esthétique de l’exaltation futuriste de la guerre et la couleur indomptée du Fauvisme qui avait fait crier la critique quelques décennies auparavant qu’ici on se retrouvent « chez les fauves ».

Le rythme de la Poursuite a quelque chose d’une cérémonie. C’est une violence magique, à rôle cathartique, qui devrait exorciser les démons de la guerre et des impulsions les plus noires de l’inconscient humain. Le dynamisme chromatique et formel de la composition a quelque chose d’orgiaque. Masson met l’accent sur la dimension dionysiaque de l’inconscient, une manière de sortir de soi vers la liberté ivre des Bacchanales, de se donner à l’extase et à la mort.

the animalistic to the human and not the contrary. The Chase, a canvas contemporary to his Massacres, showcases juxtaposing couples of the human-animal, which cross one another until the very moment of death in a great variety of poses. The nudity of the figures, always caught in groupings of victim and savage beast, is cold. The scene is frozen in its speed, an immobile instantaneous shot of brutal violence.

The form is dynamic, the execution fast, the line, errant, embraces the coloured touches of vivid paint posed freely on the canvas. The rigidity of contours dissolves in a coloured rhythm, in pulse and enraged passion. The figures are interpenetrated in the killing blow, as in an embrace – because erotism and violence never stray far from one another in the painter’s vision. The movement of the brush on the canvas is febrile, even convulsive. In responding to Matisse’s questions about his creative process in 1932, Masson explained: “At the start I have neither an image nor a structure in mind, I draw and let my impulses guide me. Gradually, I see traces of forms and I let them emerge. I try to comprehend their meaning and to put order in the composition.”

A primordial energy springs from the composition, as Masson is always able to capture the mysterious system of vital forces that animates existence. The line intervenes in the imprecise chromatic touches as in a hunt – or, better yet, a chase. As Michel Leiris once remarked on the artist, Masson manages to “fix in place the absence of fixity”, the unforeseen and elusive side of life. The colour is bright, loud and chaotic, the forms are angular and impossible to grasp – here we find the Futurist aesthetic of exaltation of war and the untamed colour of Fauvism that had once made the critics gasp that we find ourselves amongst the beasts (fauves in the original French).

The rhythm of The Chase has something of a ceremony. It is a magical violence with cathartic connotations, that should prove capable of exorcising the demons of war and the darkest impulses of the human unconscious. The formal and chromatic dynamism of the composition is orgiastic. Masson accentuates the Dionysiac dimension of the unconsciousness, a way to escape the self towards the drunken freedom of the Bacchanalia, to give oneself over to extasy and death. And it is not by coincidence

Et ce n’est pas par hasard que Dionysos est, dans la mythologie grecque, le maître des bêtes sauvages. La Poursuite n’est pas loin idéologiquement des autres représentations extatiques des folies dionysiaques, dont la Fête de Pan de Nicolas Poussin (1630).

Le côté sacrificiel de l’œuvre opère le refoulement de la violence réprimée dans la société vers la métaphysique une toile en révolte avec le monde. Il représente les profondeurs les plus viles de l’instinct et de l’effroi, au moment où l’humain était encore proie et non pas chasseur, le principe d’agression inhérent à tous qui se mêlent parfois avec le désir. Les contours des figures, homme et animal, craquent, s’ouvrent. Le fond et la forme sont unis par l’exubérance chromatique, le corps se dilate pénétrant le fond et le fond s’insinue, à son tour, dans les corps. C’est une nouvelle métamorphose, centrifuge et animé par la puissance sanguine qui se passe à travers la composition. Aucun motif narratif n’est donné à la lutte. La seule raison d’être de la poursuite est la pulsion primordiale de la chasse, de la bestialité et de l’effroi. C’est une image révoltée d’un monde au contre-fil de la civilisation structurée, débordant d’une violence instinctuelle primaire.

Ce que Masson met en scène est un « théâtre de la cruauté » comme chez Lautréamont, une des grandes références de l’artiste. La guerre et l’érotisme sont clef de voûte de la vision de Masson, informés par sa propre expérience aux tranchées de la Grande Guerre, jamais loin de sa pensée et par le climat des années 1930, où le retour au chaos et la montée du fascisme semblent imminentes. Masson opère en réalité un double exorcisme – celui de sa propre expérience dans les champs de combat et de la société collective. Dans la composition désorganisée de la Poursuite avec son chaos de corps en lutte, Masson crée une œuvre qui ressort à la lumière l’irrationnel et la puissance libératrice de la violence primordiale dont l’homme, malgré la création de la civilisation, n’arrive jamais d’en se débarrasser. C’est une proclamation surréaliste par excellence, malgré la prise de distance de l’artiste avec le groupe surréaliste. A travers la violence répétitive, sadique des Massacres et des combats animaliers des années 1930, l’artiste reprend une des grandes thématiques de l’histoire de l’art pour créer une des plus puissantes séries, une représentation symbolique de l’effroi et de l’instinct.

that Dionysos is, in Greek mythology, the master of wild beasts. The Chase is ideologically not far removed from other ecstatic representations of Dionysian follies, such as Nicolas Poussin’s Feast of Pan (1630).

The sacrificial dimension of the work operates the discharge of the violence repressed by society towards the field of metaphysics: a canvas in revolt against the world. Masson represents the vilest depths of instinct and fear at the time where man was still prey and not hunter, the universally inherent principle of aggression is mixed with desire. The contours of the figures, human and animal, are cracked open. The form and the background are united in the chromatic exuberance, the body is dilated, penetrating the background and the background, in its stead, insinuates itself into the body. It is this new metamorphosis, centrifugal and animated by sanguine power that occurs in the composition.

What Masson stages is a “theatre of cruelty” as in Lautréamont’s writings, one of the artist’s great references. War and erotism are the lynchpin of Masson’s vision, informed by his own experience in the trenches of the Great War, never far from mind, and the climate of the 1930s, where the return to chaos and the rise of fascism seem imminent. Masson operates in reality a double exorcism – that of his own experience in the warzones and that of the collective society. In the disorganized composition of The Chase, with its chaos of bodies in combat, Masson creates a work that brings to light the irrational and the liberating force of primaeval violence from which man, despite the invention of civilisation, never managed to escape. Through the repetitive, sadistic violence of the Massacres and the scenes of animal combat of the 1930s, the artist reprises one of the great themes of art history in order to bring forth his most powerful series, a symbolic representation of terror and instinct.

Les Massacres

Dans Le Rapt, de 1932, Masson se focalise sur un trio dramatique, en opposition aux scènes de violence collective des œuvres de grand format. Les trois figures se croisent et se juxtaposent dans un moment de haute intensité, elles semblent se fondre dans le paysage autour. La scène est figée dans la vitesse, un instantané immobile de la violence. La forme est dynamique, l’exécution rapide, la ligne, errante, embrasse des taches de couleur vive posées librement sur la toile. La rigidité des contours se dissolve en rythme coloré, en pulse et en passion enragée.

Les figures s’interpénètrent dans l’acte meurtrier, comme dans un embrassement – car l’érotisme et la violence ne sont jamais séparés dans la vision du peintre. Le mouvement du pinceau sur la toile est fébrile, même convulsif. En répondant à Matisse qui le questionne sur son processus créatif en 1932, Masson explique : « Au départ je n’ai pas ni une image, ni une structure en tête, je dessine et je laisse mes impulses me guider. Graduellement, je vois des traces de formes et je les laisse émerger. J’essaie de comprendre leur sens et de mettre de l’ordre dans la composition. »

Massacres

In Le Rapt, from 1932, Masson focuses on a dramatic trio, in contrast to the scenes of collective violence in his largeformat works. The three figures intersect and juxtapose in a moment of high intensity, seeming to melt into the surrounding landscape. The scene is frozen in speed, a still snapshot of violence. The form is dynamic, the execution rapid, the line wandering, embracing patches of vivid color laid freely across the canvas. The rigidity of contours dissolves into colorful rhythm, pulse and raging passion.

The figures interpenetrate in the murderous act, as if in an embrace – for eroticism and violence are never separated in the painter’s vision. The movement of the brush across the canvas is feverish, even convulsive. Responding to Matisse’s question about his creative process in 1932, Masson explains: “At the start, I don’t have an image or a structure in mind; I just draw and let my impulses guide me. Gradually, I see traces of shapes and let them emerge. I try to understand their meaning and bring order to the composition.

RAPT | ABDUCTION . 1932

24,3 x 33,2 cm | Huile sur toile Oil on canvas | Monogrammée et datée en bas à gauche «AM -32-» Monogrammed and dated lower left “AM -32-”

PROVENANCE PROVENANCE

Galerie Paul Rosenberg, Paris (No. inventaire PH 3080 | Galerie Louise Leiris, Paris | Collection particulière, France | Galerie Jean-François Cazeau, Paris

BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHY - André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, Vol. II (1930-1941), p. 145, n°1932*20.

Cette oeuvre bénéficie d’un certificat d’authenticité établi par M. Diego Masson.

Au centre d’une arène se déroule un combat mortel. Un cheval à terre se fait piétiner par un taureau enragé. Le regard rouge, fou, la bête ignore le regard implorant de sa victime. Un matador est empalé sur sa corne. Un autre baigne dans une mare de sang, écrasé sous ses pattes. Prisonniers de l’arène, l’abandon est impossible. Se battre ou mourir. Les capes rouges des toréadors deviennent linceuls et l’arène tombeau. Cette violence de l’assaut et son issue incertaine fascinent Masson : “Je trouve normal que ce ne soit pas toujours le taureau qui doive mourir. Il est là comme un reflet des sacrifices humains. (...) Le sacrifiant peut devenir le sacrifié (…) C’est cela qui donne toute sa valeur à la corrida.” (Jean-Paul Clebert, Mythologie d’André Masson, Genève, 1971, p. 47).

Cette vision sacrificielle révèle cependant un tout autre sens dans le contexte de création de l’œuvre. En 1937, André Masson est installé en Espagne depuis 1934 à Tossa de Mar, désireux de fuir la montée des extrêmes en France. Mais l’arrivée de Franco au pouvoir en 1936 bouleverse son désir de paix et rouvre ses blessures personnelles, nées de son passé de soldat durant la Première Guerre mondiale. Dans sa série des Tauromachies réalisée entre 1935 et 1937, à laquelle appartient Le mauvais taureau, Masson récupère cet emblème identitaire ibérique pour tenir tête au franquisme. Comme dans Guernica, peint la même

In the center of an arena, a deadly fight takes place.

A downed horse is trampled by an enraged bull. Red-eyed and crazed, the beast ignores his victim’s pleading gaze. A matador is impaled on his horn.

Another bathes in a pool of blood, crushed beneath his feet. Trapped in the arena, there’s no way out. Fight or die. The toreadors’ red capes become shrouds and the arena becomes a tomb. The violence of the assault and its uncertain outcome fascinate Masson:

“I find it normal that it’s not always the bull that has to die. It’s there as a reflection of human sacrifice (...) The sacrificer can become the sacrificed (...) That’s what gives bullfighting its value. (Jean-Paul Clebert, Mythologie d’André Masson, Geneva, 1971, p. 47).

However, this sacrificial vision takes on an entirely different meaning in the context of the work’s creation. In 1937, André Masson had been living in Tossa de Mar, Spain, since 1934, eager to escape the rise of extremism in France. But Franco’s arrival in power in 1936 upset his desire for peace and reopened his personal wounds, born of his past as a soldier in the First World War. In his Tauromachies series (19351937), to which Le mauvais taureau belongs, Masson recovers this emblem of Iberian identity to stand up to Franco. As in Guernica, painted the same year, the bull thus becomes Franco’s Minotaur and the horse, “sacred animal”, “crucified”, symbol of the suffering

année, le taureau devient donc Minotaure franquiste et le cheval, “animal sacré”, “crucifié”, symbole du peuple espagnol en souffrance (André Masson (catalogue d’exposition), Museum of Modern Art, New York, 1976, p. 142). Cette participation à l’effort de guerre de Masson se poursuit avec des peintures, des dessins et même la création d’insignes pour les Brigades Internationales. Les oeuvres de Masson deviennent ainsi un geste révolutionnaire, un moyen d’expression de l’artiste pour lutter contre l’oppression. Masson déclarait ainsi “Les peintures et les dessins que j’ai faits de la guerre d’Espagne ne sont pas du tout obscurs. Je voulais faire un timbre-lutte : clouer ouvertement au pilori des dictateurs que je considérais comme malfaisants” (Dawn Ades, “André Masson” in André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint 1919-1941, Manchester, 2010, vol. I, p. 54).

Le mauvais taureau se transforme donc en exutoire, artefact dans lequel l’artiste déverse angoisses et traumas, à la fois personnels et universels. Universels car la violence de la toile renvoie, dans un second temps, à la brutalité intrinsèque de la nature humaine, capable de tels massacres. Par cette toile, Masson confronte donc l’homme à sa propre nature dont il avait assisté aux excès : “J’ai vu une fois une chose terrifiante. Terrifiante parce que j’y ai vu un mélange de culpabilité et de terreur du peuple : on a littéralement fait se tuer un torero, un jeune novice vert de peur (...). Les insultes (...) ont éclatées au point que le malheureux torero s’est jeté sur les cornes du taureau qui l’a lancé en l’air (…)” se rappelle Masson (Jean-Paul Clébert, op. cit., p. 47).

Si cette tauromachie se veut miroir de la réalité contemporaine, elle se double donc également d’un message d’avertissement des générations futures, étendard symbolique pour éviter un nouveau massacre.

Spanish people (André Masson (exhibition catalog), Museum of Modern Art, New York, 1976, p. 142). Masson’s participation in the war effort continued with paintings, drawings and even the creation of insignia for the International Brigades. Masson’s works thus became a revolutionary gesture, a means of expression for the artist to fight oppression. Masson declared: “The paintings and drawings I did of the Spanish War are not at all obscure. I wanted to make a battle-stamp: openly pillorying dictators I considered evil” (Dawn Ades, ‘André Masson’ in André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint 1919-1941, Manchester, 2010, vol. I, p. 54).

The evil bull thus becomes an outlet, an artefact in which the artist pours out anguish and trauma, both personal and universal. Universal, because the violence of the canvas refers, in a second step, to the intrinsic brutality of human nature, capable of such massacres. With this canvas, Masson confronts man with his own nature, the excesses of which he had witnessed: “I once saw a terrifying thing. Terrifying because I saw in it a mixture of guilt and the terror of the people: a bullfighter, a young novice green with fear, was literally made to kill himself (...). Insults (...) erupted to such an extent that the unfortunate bullfighter threw himself on the bull’s horns, throwing him into the air (...)” recalls Masson (Jean-Paul Clébert, op. cit., p. 47).

If this bullfighting mirrors contemporary reality, it also doubles up as a message of warning to future generations, a symbolic banner to avoid another massacre.

| LE MAUVAIS TAUREAU 1937

38,4 x 61,7 cm | Huile sur toile | Oil on canva | Signée en bas à gauche «André Masson» | Signed on lower left

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Simon, Paris | Francis Cooke, Angleterre (1955) | Collection Bernard Herbo, Paris | Puis par descendance au propriétaire actuel

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- 1955, Londres, Retrospective exhibition of works from 1930 to 1955 by André Masson, avril-mai, catalogue n° 2.

- 1999-2000, André Masson: the 1930s (catalogue d’exposition), Salvador Dali Museum, Saint Petersburg (Floride), 01/10-16/01, reproduit p. 28

- André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre Pompidou-Metz, 30 mars - 2 septembre 2023, (rétrospective), ill. p 114.

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- Guite Masson, Martin Masson & Catherine Loewer, André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, 1919-1941, Paris, 2010, vol. II, no. 1937*10, reproduit p. 280

LE MAUVAIS TAUREAU

LE THÉ CHEZ FRANCO | TEA AT FRANCO’S . 1938

45.5 x 58 cm

Encre sur papier | Ink on paper

Signée et datée en bas à gauche : André Masson 19 novembre 1938

| Signed and dated lower left Titré en bas au centre : Le thé chez Franco | Titled lower center

PROVENANCE | PROVENANCE

Collection H. Michael Hertz, Bremen Galerie Louise Leiris, Paris

Collection Ernst O.E. Fischer, Krefeld Collection particulière, Belgique Private collection, Belgium

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- 2024, Metz, Centre Pompidou Metz, André Masson. Il n’y a pas de monde achevé, cat.

- 2019, Céret, Musée d’Art Moderne, André Masson, Une mythologie de l’être et de la nature, cat. Bruxelles, Galerie de la Béraudière, Works on paper

- 2018, Berlin, Haus der Kulturen der Welt, Neolithic childhood. Art in a False Present, ca. 1930, cat. Bruxelles, Galerie de la Béraudière, Calder, Miró et leurs rencontres parisiennes

- 2012 - 2013, Madrid, Museo Nacional Centro Arte Reina Sofia, Encounters with the 1930, p.367

- 1986, Museum Bochum Kunstsammlung, No pasaran – Für SpanienKunst und Internationale Kultur zum spanischen Bürgerkrieg 1936-1946, n° 66

- 1985, Berlin et Hanovre, Galerie Brusberg, André Masson und die Metamorphose, n° 29

- 1983, Berlin, Staatliche Kunsthalle, 1933 – Wege zur Diktatur, n° 53 - 1973, St-Paul de Vence, Fondation Maeght, André Malraux, n° 374 - 1964, Berlin, Akademie der Kunste, André Masson, n° 95

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- Manuel Borja-Villel, Rosario Peiro, The Thirties: Theater of Cruelty, Place of Encounter,

- Museo Nacional Reina Sofia, Madrid, 2013, p. 82 ill.

Ce dessin historique et satirique fait référence aux Accords de Munich de 1938 qui cédèrent la Tchécoslovaquie à Hitler. Signés par l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie, ces accords étaient censé préserver la paix mais, comme l’a très bien dit Winston Churchill :

“Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre “.

Le dessin fit la couverture du deuxième numéro de “Clé”, le bulletin mensuel de la Fédération internationale de l’art révolutionnaire indépendant (F.I.A.R.I.), créé par André Breton.

This historical and satirical drawing refers to the Munich agreement of 1938 which ceded Czechoslovakia to Hitler. Signed between Germany, France, the United Kingdom and Italy, this agreement was supposed to preserve peace; however, as Winston Churchill rightly put it:

“They had to choose between dishonor and war. They chose dishonor, and they will have war”.

The drawing made the cover of the second issue of “Clé”, the monthly bulletin of the International Federation of Independent Revolutionary Art (F.I.A.R.I.), created by André Breton.

L’ENTRÉE DU TAUREAU | L’ENTRÉE DU TAUREAU . 1937

26 x 67 cm

Huile sur toile | Oil on canva

Signée en bas à gauche «André Masson» | Signed on lower left

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Simon, Paris

Collection Odermatt, Montréal

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- 1992-1993, Zaragoza, Museo Camon Aznar, André Masson en Espagna, 19331943, n°16, p. 44, ill.

- Exposition itinérante: Bilbao, Museo de Bellas Artes; Logrono, Museo de la Rioja; Valencia, Museo de Bellas Artes; Palma de Majorca, Fundacio Pilar et Joan Miro.

- 1999-2000, André Masson: the 1930s (catalogue d’exposition), Salvador Dali Museum, Saint Petersburg (Floride), 01/10-16/01, reproduit p. 23, p.87 2004, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, André Masson, p. 168, ill.

- André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre Pompidou-Metz, 30 mars - 2 septembre 2024, (rétrospective), ill. p 114.

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- Guite Masson, Martin Masson & Catherine Loewer, André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, 1919-1941, Paris, 2010, vol. II, no. 1937*10, reproduit p. 280

> LA LÉGENDE DE THÉSÉE | THE LEGEND OF THESEUS 1939

61 x 50 cm

Huile sur toile | Oil on canva

Signée en bas à gauche | Signed on lower left

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio Collection Arturo Schwartz, Milan

Collection Gustav Zumsteg, Zürich (Roi de la soie et collectionneur d’art moderne, Gustav Zumsteg a fourni les plus grands couturiers. Sa collection d’art comptait des oeuvres de Matisse, Braque, Miro, Auguste Rodin, Alberto Giacometti.)

Vente dédiée Gustav Zumsteg, Christie’s 2006 Collection particulière, Paris, acquis auprès de la dernière

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- 1970, Milan, Galleria Schwartz, André Masson, 04/06-30/09, n°7, p.8, ill.

- 2006, Modena et Boca Ratton, Floride, Galleria MOdenArte, André Masson, La ricerca dell’oltre, 01/10 -18/11. Ill. en couverture du catalogue et p. 58.

- 2007, Andro s, Mus eum of C onte mporar y Art, Ba sil et Elise Goulandris Foundation, André Masson and Ancient Greece, 30/06-30/09

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- André Masson, Catalogue raisonné de l’oeuvre peint, Vol. II (1919-1941), p. 364, nº 1939*8

- Camille Morando, Peinture, dessin, sculpture et litterature autour du Collège de Sociologie entre les deux-guerres, thèse de doctorat Paris IV-La Sorbonne, n°293, ill.

Réalisée en 1939, La légende de Thésée appartient à ce que l’on a appelé la «deuxième période surréaliste» de Masson. Cette période n’est pas appelée ainsi en raison d’un changement de direction spectaculaire dans l’œuvre de Masson à cette époque, mais principalement en raison de la réconciliation qui a eu lieu entre l’artiste et André Breton en 1937. Cette réconciliation a permis à Masson de redevenir, pour un temps, un membre important du groupe surréaliste de Breton et d’exposer avec le groupe lors de plusieurs événements surréalistes importants tels que l’Exposition internationale du surréalisme à la Galerie des Beaux-Arts de Paris en 1938.

Tout au long des années 1930, l’œuvre de Masson s’est souvent concentrée sur des thèmes mythologiques et sur l’expression visuelle de ces sujets archétypaux par le biais d’un conglomérat tourbillonnant d’images oniriques rendues dans un style semi-automatique de dessin et de peinture. Proche de Bataille, le rebelle du surréalisme, Masson visite les abattoirs, puis part pour l’Espagne, où il entreprend un important cycle de Tauromaquia.

Par son amour de Nietzsche et d’Héraclite, Masson avait cherché à explorer le pouvoir durable des mythes anciens par une sorte d’exorcisme psychologique de ses propres démons personnels à travers son art. C’est Masson qui a persuadé Tériade et Skira d’intituler le périodique de Bataille Minotaure, du nom de la sombre bête mi-homme mi-bête de l’inconscient qui se trouve au cœur des recoins les plus profonds du labyrinthe de l’esprit, et avec l’histoire du Minotaure, de telles interprétations psychologiques des mythes anciens ont constitué une partie centrale de la plupart de ses travaux dans les années 1930. Quelle meilleure image pour représenter les forces subconscientes qui guident l’esprit humain que le Minotaure, cet être mi-homme mi-bête né de l’union d’une reine et d’un taureau ? Le Minotaure, que l’on voit ici surgir de l’arrière-plan, menaçant, un seul œil rouge, était une métaphore parfaite pour les surréalistes, et en particulier pour Masson. L’artiste a réalisé plusieurs tableaux autour de ce sujet, de Pasiphaé à Ariane et Thésée.

Executed in 1939, La légende de Thésée belongs to what has been termed Masson’s ‘Second Surrealist period’. This period is so-called not because of any dramatic change in direction in Masson’s work at this time but primarily because of the reconciliation that took place between the artist and André Breton in 1937. This reconciliation led, for a time, to Masson once again becoming an important part of Breton’s Surrealist fold and to his exhibiting with the group at several important Surrealist events such as the International Exhibition of Surrealism at the Galerie des Beaux Arts in Paris in 1938.

Throughout the 1930s Masson’s work had often centred upon mythological themes and the visual expression of these archetypal subjects through a loose swirling conglomeration of dream-like images rendered in a semi-automatic style of drawing and painting. Close with Bataille, the rebel of Surrealism, Masson visited slaughter-houses, and then left for Spain, where he enterprized an important cycle of Tauromaquia.

Through his love of Nietzsche and Heraclitus, Masson had sought to explore the enduring power of the ancient myths by a kind of psychological exorcising of his own personal demons through his art. It was Masson who had persuaded Tériade and Skira to entitle Bataille’s periodical Minotaure after the dark half-man half-beast of the unconscious who lay at the heart of the deepest recesses of the labyrinth of the mind, and along with the story of the Minotaur, such psychological interpretations of the ancient myths formed a central part in much of his work in the 1930s. What better image to represent the subconscious forces that guide the human mind than the Minotaur, the half-man and half-beast born out of the union between a Queen and a bull? The Minotaur, seen here peaking menancingly from the background, a single red eye, was a perfect metaphor for the surrealists, and especially for Masson. The artist executed several paintings around the subject, from Pasiphae to Ariadne and Theseus.

La famille Masson avait quitté la Normandie en mai 1940 pour fuir l’occupation allemande de Paris. Ils ont attendu la délivrance des visas à Marseille jusqu’au 31 mars 1941, jour de leur embarquement à bord du cargo Carimare, direction La Martinique. À Fort-de-France, Masson retrouve Breton, l’artiste Wifredo Lam et l’anthropologue Claude Levi-Strauss qui font aussi escale sur l’île avant de repartir pour New York. Il rencontre aussi de nombreux écrivains tels qu’Aimé et Suzanne Césaire. À cette époque, Masson et Breton écrivent le texte Martinique, charmeuse de serpents (publié en 1948) sous forme de conversation poétique : “ La forêt nous enveloppe ; elle et ses sortilèges, nous les connaissions avant d’être venus. Te souviens-tu d’un dessin que j’ai intitulé “Délire végétal” ?

The Masson family had left Normandy in May 1940 to escape the German occupation of Paris. They waited for visas to be issued in Marseille until March 31, 1941, when they boarded the cargo ship Carimare bound for Martinique. In Fort-de-France, Masson met up with Breton, artist Wifredo Lam and anthropologist Claude Levi-Strauss, who also made a stopover on the island before leaving for New York. He also met a number of writers, including Aimé and Suzanne Césaire. Around this time, Masson and Breton wrote Martinique, charmeuse de serpents (published in 1948) in the form of a poetic conversation: “The forest envelops us; we knew it and its spells before we came. Do you remember a drawing I entitled “Délire végétal”?

Ce délire est là, nous le touchons, nous y participons “. Le titre du recueil est emprunté à la célèbre toile du Douanier Rousseau, La charmeuse de serpents (1907), “ce tableau du Louvre si fascinant. Depuis que nous sommes ici, nous la croisons tous les jours sur notre route. Elle n’a rien perdu de son mystère et de son attirance”. Le texte est entièrement illustrée par André Masson.

La période martiniquaise a laissé premièrement des dessins à l’encre de Chine dans l’oeuvre d’André Masson. La profussion végétale sauvage de l’île fascine l’artiste, et lui donne l’occasion d’aller jusqu’aux racines primitivistes de oeuvre. L’art de Masson est un art de la métamorphose et des forces érotiques primordiales de la terre. Si la période martiniquaise laisse sa trace premièrement par des dessins à l’encre de Chine, Masson exécute également quelques toiles aux États Unis, dont les Poissonières, des reminiscences de son séjour aux Antilles.

This delirium is here, we touch it, we participate in it”. The title of the collection is borrowed from Douanier Rousseau’s famous painting, La charmeuse de serpents (1907), “that fascinating painting in the Louvre. Since we’ve been here, we’ve come across it every day on our way. It has lost none of its mystery and attraction”. The text is entirely illustrated by André Masson.

The Martinique period left its mark on André Masson’s work, primarily in the form of Indian ink drawings. The island’s wild plant profusion fascinated the artist, and gave him the opportunity to delve into the primitivist roots of his work. Masson’s art is an art of metamorphosis and the primordial erotic forces of the earth. While the Martinique period left its mark primarily through Indian ink drawings, Masson also executed a number of canvases in the United States, including the Poissonières, reminiscent of his stay in the West Indies.

< POISSOnNIÈRES MARTINIQUAISES - ÉTUDE

MARTINIQUE FISHMONGERS - STUDY 1942

23 x 14 cm

Huile et sable sur toil | Oil and sans on canva

Signée en bas à gauche | Signed on lower left Titré et daté par l’artiste au dos / Titled and dated on the reverse

PROVENANCE | PROVENANCE

Fusain et crayon sur papier | Charcoal and pencil on paper

Titré «Poissonnières martiniquaises» au dos | Titled on the back N° inventaire de la Succession Masson au dos Succession inventory number on the back

> POISSONNIÈRE MARTINIQUAISE

MARTINIQUE FISHMONGER 1942

64 x 39 cm

Huile et sable sur toil Oil and sans on canva

Signée en bas à gauche | Signed on lower left Titré et daté par l’artiste au dos Titled and dated on the reverse

PROVENANCE | PROVENANCE

Buchholz Gallery, Curt Valentin, New York

Henry Church, New York

Richard Feigen Gallery, Chicago Galerie Louise Leiris, Paris Michael Hertz, Bremen

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- André Masson, oeuvres de 1923 à 1972, Galerie Duthko, Paris, 1985, p. 31 ill.

- André Masson. Oeuvres maîtresses, 1990, Galerie OdermattCazeau, p. 63, ill.

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- M. Leiris et G. Limbour, André Masson et son univers, Éd. des trois collines, Paris, 1947, p. 124, ill.

- J.-P. Clébert, Mythologie d’André Masson, Éd. Pierre Caillier, Genève, 1971, pl. 134, ill.

- François Levaillant, André Masson, Éd. Mazzotta, Milan, 1988, p. 21; ill.

La Période américaine

The american period

« Je pense que mon époque américaine est mon époque pivot… C’est en Amérique que, pour moi, les choses se sont concentrées, là où je suis allé plus loin, où j’ai mûri. Le pays est plus cosmique que la France, par le climat, les météores, la foudre, la puissance de la terre. J’ai donc accompli aux États Unis quelque chose que je devais ruminer depuis longtemps, mais dont j’ai eu la révélation sur place. »

“I think my American period is my pivotal period... It was in America where, for me, things were concentrated, where I went further, where I matured. The country is more cosmic than France, with its climate, meteors, lightning and the power of the earth. So I accomplished something in the U.S. that I’d been waiting for all my life.

L’ENIGME | THE ENIGMA . 1942

68 x 54 cm

Huile et sable sur toil

Oil and sans on canvas

Signée en bas à gauche «André Masson»

Signed on lower left “André Masson”

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio Galerie Odermatt-Cazeau, Paris Collection particulière, France, acquise auprès de la dernière à l’exposition rétrospective de 1990

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- André Masson, Musée de Beaux-Arts de Nîmes, 4 juillet-15 octobre 1985, p. 94, ill.

- André Masson, l’insurgé du XXe siècle, Académie de France à Rome, 16 décembre 1989-15 février 1990, p. 177, ill

- André Masson: Oeuvres maîtresses, Galerie Odermatt-Cazeau, 1990, repr. p. 84, n°37. 2004, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, André Masson, p. 245, ill.

Entre 1941 et 1945, installé dans le Connecticut, dans un petit village, André Masson entreprend une nouvelle métamorphose de son oeuvre, complètement originale. Masson avait déjà découvert aux années ’20 un nouveau mode d’expression, fondée sur la vitesse, la fulgurance, le trait libre : le dessin automatique, prennant ses sources dans l’inconscient. Néanmoins, malgré le fait que l’artiste ne sera jamais abstrait, c’est en Amérique où il va aller le plus loin vers l’abstraction. La période américaine représente un vrai basculement vers l’autre moitié du XXe siècle: c’est l’expressionnisme abstrait et l’abstraction lyrique, gestuelle, qui voyent leur naissance.

Toujours attiré par la nature, ses mouvements et ses métamorphoses, Masson est émerveillé par la force des phénomènes atmosphériques et cosmiques auxquels il assiste. Sa peinture retrouve une nouvelle fusion entre l’homme et la terre, une nouvelle sensibilité vers le spectaclme de la nature et des astres. Revisitant le romantisme allemend (il exécute à cette époque notamment un portrait de Novalis), Masson donne une dimension sublime à ce monde: c’est une nature magique, une nuit orphique et surnaturelle, parcourue des astres.

Le style de Masson se libère aussi: là où auparavant la ligne dominait, séismographe de ses pulsions inconscientes dans les dessins automatiques, où cernant les formes de ses oeuvres à inspiration mythologique en Espagne, maintenant c’est la couleur qui domine. La ligne se dilate, devavant forme, masse colorée.

Le passage américain d’André Masson laisse son empreinte: aux États Unis son oeuvre inspira lma première période, shamanique, de Jackson Pollock ou Rothko. Très tôt, des expositions muséales seront consacrées à Masson, notamment au Musée de Baltimore, qui lui dédia une rétrospective en 1941.

Between 1941 and 1945, living in a small village in Connecticut, André Masson began a new and completely original metamorphosis of his work. In the ‘20s, Masson had already discovered a new mode of expression, based on speed, dazzle and the free stroke: automatic drawing, rooted in the unconscious. Nevertheless, despite the fact that the artist would never be abstract, it was in America that he would go furthest towards abstraction. The American period represented a real shift towards the other half of the twentieth century: abstract expressionism and lyrical, gestural abstraction were born.

Always drawn to nature, its movements and metamorphoses, Masson is amazed by the force of the atmospheric and cosmic phenomena he witnessed. His painting rediscovers a new fusion between man and earth, a new sensibility towards the spectacle of nature and the stars. Revisiting German Romanticism (at this time, he painted a portrait of Novalis), Masson gave a sublime dimension to this world it’s a magical nature, a supernatural, Orphic night traversed by the stars.

Masson’s style also became freer: where previously line dominated, a seismograph of his unconscious impulses in his automatic drawings, or framing the forms of his mythologically-inspired works in Spain, color now dominates. Line dilates, becoming form, colored mass.

André Masson’s time in America left its mark: in the United States, his work inspired the first shamanic period of Jackson Pollock and Rothko. Very soon museum exhibitions devoted to Masson, notably at the Baltimore Museum, which dedicated a retrospective to him in 1941.

Les

sables

d’André Masson:
L’Invention du dripping The Sands of André Masson: The Invention of dripping

André Masson réalise ses premières oeuvres avec du sable à l’automne 1926 à Sanary-sur- Mer. Le tracé libre de la colle fixant le sable intéresse l’artiste pour son caractère non prémédité. Des formes texturées aux nuances subtiles et variées composent la trame aléatoire du Combat stellaire, tout sur un fond rouge et mauve profond, rappellant une nébuleuse.

Le tracé peint rappelle celui des «dessins automatiques» initiés par l’artiste en 1923-1924, faits par une main libérée des injonctions du cerveau, marque du vrai automatisme qui émerveille André Breton. Le sujet cosmique rappelle les œuvres de la période américaine.

Les sables d’André Masson représentent l’invention du dripping, que des artistes comme Jackson Pollock vont pousser à son apogée dans la période d’après-guerre.

André Masson created his first works in sand in the autumn of 1926 in Sanary-sur-Mer. The free flow of glue fixing the sand appealed to the artist for its unpremeditated nature. Textured shapes in subtle, varied shades make up the random weave of Combat stellaire, all set against a deep red and mauve background, reminiscent of a nebula.

The painted line recalls that of the “automatic drawings” initiated by the artist in 1923-1924, made by a hand freed from the injunctions of the brain, the mark of true automatism that amazes André Breton. The cosmic subject recalls works from the American period.

André Masson’s sans paintings represent the invention of the «dripping», a technique that post-war painters like Jackson Pollock will push to its fullest.

COMBAT STELLAIRE | STAR COMBAT . 1955

50 x 65 cm

Tempera et sable sur toile Tempera and sand on canvas

Signée au dos «André Masson» | Signed on the back “André Masson”

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio Galerie Odermatt-Cazeau, Paris.

Collection particulière, France (acquise auprès de la dernière)

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- André Masson: Oeuvres maîtresses, Galerie Odermatt-Cazeau, 1990, repr. p. 87, n°38

- André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre Pompidou-Metz, 30 mars - 2 septembre 2023, (rétrospective), ill. p 214

Artiste moderne et post-moderne à la fois, la production d’André Masson est une oeuvre en constante métamorphose, changeante selon les besoins internes de l’artiste et de son sujet. Dans les années 1920 il est l’inventeur des premiers « drippings » de l’histoire de l’art avec ses peintures de « sable ». Confronté à l’éclatement de la guerre en Europe et au gouvernement de Vichy, Masson s’échappe en 1940 vers les Etats-Unis. Malgré les bouleversements de la guerre, les années 1940 et 1950 représentent une période féconde dans l’oeuvre de l’artiste, qui reprend les grandes thèmes qui le fascinent - le signe et l’instinct.

Après les enchevêtrements complexes de ses sables de la décennie de 1940, la Fête représente la pleine plongée de l’artiste dans la question du signe pictographique. C’est autour de 1955 que Masson commence une nouvelle série des caractères et signes: des formes calligraphiques semblant à danser sur des fonds monochromes. La simplicité de l’écriture de la Fête, mariée au caractère pictographique, parfois même anthropomorphique de ses signes, rappelle les inscriptions divinatoires, millénaires de l’écriture ossécaille chinoise. Pour Masson, artiste toujours intéressé par le flux d’énergie qui anime le monde, l’oeuvre devrait reprendre le même rôle magique et incantatoire. Dans un texte intitulé «Une peinture de l’essentiel », Masson s’exprime sur l’influence que la peinture et la pensée ExtrêmeOrientale ont sur lui, en particulier la liberté du geste dans un espace infini et les forces vitales, élémentaires de la philosophie Zen de Lie-Tseu. Si la pictogramme est une des grandes préoccupations des mouvances de l’avant-garde, dans la quête utopique d’un langage universel, ce que Masson opère dans ses oeuvres est une traduction plus subjective et libre des forces sousjacentes de la nature.

Sur un fond rouge nuancé et fortement rythmé par les touches de pinceau, des signes noires et délicats se dessinent. L’oeuvre de Masson de cette époque est caractérisée par un chromatisme plus exubérant et par un « all over » de signes et de symboles qui envahissent la toile. Si la Fête semble au départ abstraite, certains souvenirs de formes anthropomorphiques se devinent. La compositions est dynamique - une force centrifuge semble animer l’arrière-plan, prenant avec elle les fines figures noires. Les figures ressemblent ainsi à des danseurs sur un fond incendiaire. Le rouge, vitaliste, pourrait être la lumière de torches de la fête. La thématique de la fête traverse l’oeuvre de Masson. La fête est assimilée à la Bacchanalia Dionysiaque, une occasion de sortir de soi et de s’ouvrir au monde. Si

Modern and post-modern artist at the same time, André Masson’s production is a work in constant metamorphosis, changing according to the internal needs of the artist and his subject. In the 1920s he invented the first “drippings” in art history with his “sand” paintings. Confronted with the outbreak of war in Europe and the Vichy government, Masson escaped to the United States in 1940. Despite the upheavals of the war, the 1940s and 1950s represented a fertile period in the artist’s work, which returned to the great themes that fascinated him - the sign and instinct.

After the complex intertwining forms of his Sables of the 1940s, La Fête represents the artist’s full plunge into the question of the pictographic sign. Around 1955 Masson began a new series of characters and signs: calligraphic forms that seemed to dance on monochrome backgrounds. The simplicity of the writing of La Fête, combined with the pictographic, sometimes even anthropomorphic character of its signs, recalls the divinatory inscriptions, thousands of years old, of Chinese Oracle Bone Script . For Masson, an artist always interested in the flow of energy that animates the world, the work would take on the same magical and incantatory role. In a text entitled “A painting of the essential”, Masson expresses himself on the influence that painting and Far Eastern thought have on him, in particular the freedom of the gesture in an infinite space and the vital, elementary forces of the Zen philosophy of the Liezi. If the pictogram is one of the great preoccupations of the avant-garde movements, in the utopian quest for a universal language, what Masson does in his works is a more subjective and free translation of the underlying forces of nature.

On a shaded red background, strongly punctuated by brushstrokes, delicate black signs emerge. Masson’s work from this period is characterised by a more exuberant chromaticism and by the “all over” of signs and symbols that overwhelm the canvas. If the Fête seems abstract at first, certain memories of anthropomorphic forms can be discerned. The composition is dynamic - a centrifugal force seems to animate the background, taking the thin black figures with it. The figures thus resemble dancers on an incendiary background. The red, vitalist, could be the torchlight of the party. The theme of the festival runs through Masson’s work. The festival is equated with the Dionysian Bacchanalia, an opportunity to get out of oneself and open up to the world. While the

le thème dionysiaque peut prendre un côté violent et orgiaque dans les Massacres et Combats des années 1930, ici la fête est joyeuse et naturelle, mais non moins dynamique. Dans ses oeuvres pictographiques Masson traite toujours des phénomènes naturels ou des célébrations - comme Dans le Vent et Au coeur de l’orage, oeuvres contemporaines de la Fête, ou encore la série des Acteurs chinois (1955), que l’artiste va faire graver ensuite.

La Fête est la continuation naturelle des Sables des années 1920 et 1940. L’automatisme de la peinture jetée sur la toile se transforme pleinement dans signe pictographique, révélant le pouvoir figurative et magique de la forme plastique. Avec son symbolisme et sa vitalité, la toile est parfaitement inscrite dans la « renaissance rituelle » et pictographique d’un après-guerre en quête de communication. Les grands mouvements de l’après-guerre vont se nourrir de l’oeuvre avant-gardiste de Masson: la peinture chamanique de Pollock et d’Arshile Gorky, les signes simplifiés d’Adolph Gottlieb et l’abstraction lyrique de la Seconde Ecole de Paris - dont Zao Wou- Ki, revenant aux sources de son propre pays, va reprendre l’ancienne écriture ossécaille dans son propre langage plastique.

Dionysian theme can take on a violent and orgiastic side in the Massacres and Combats of the 1930s, here the celebration is joyful and natural, but no less dynamic. In his pictorial works Masson always deals with natural phenomena or celebrations - such as Dans le Vent and Au coeur de l’orage, contemporary works of the Fête, or the series of Chinese Actors from 1955, which the artist later had engraved.

The Fête is the natural continuation of the Sables of the 1920s and 1940s. The automatism of the paint thrown onto the canvas is fully transformed into the pictographic sign, revealing the figurative and magical power of the plastic form. With its symbolism and vitality, the canvas is perfectly inscribed in the “ritualistic” and pictographic renaissance of a post-war period in search of communication. The great movements of the post-war period were to be nourished by Masson’s avant-garde work: the shamanic painting of Pollock and Arshile Gorky, the simplified signs of Adolph Gottlieb and the lyrical abstraction of the Second School of Paris - of which Zao Wou-Ki, returning to the sources of his own country, would take up again the Chinese Oracle Bone Script in his own plastic language.

FÊTE | PARTY . 1956

90 x 81 cm

Huile sur toile | oil on canvas

Signé en bas à gauche, “André Masson” Signed on the lower left, “André Masson”

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio

Galerie Louise Leiris, Paris, 1956

Galerie Beyeler, Bâle

Galerie Cleto Polcina, Rome Collection particulière, Paris (depuis 1996)

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- XXIX Exposition biennale internationale des Beaux-Arts, Venise, 1958

- 5th International Art Exhibition, Japan, 1959

- Madrid, André Masson, Armero Ediciones, Nacional Centro de Arte Reina Sofia, 29 janvier - 19 avril 2004. Catalogue n° 250

- Céret, André Masson, une mythologie de l’être et de la nature, éd. Silvana, Musée d’art moderne de Céret, 22 juin - 27 octobre 2019. Catalogue n° 197

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- André Masson, 29 janvier - 19 avril 2004, Musée National de la Reina Sofia, éd Armero, Madrid, 2004, PG. 250

- André Masson, une mythologie de l’être et de la nature, éd. Silvana, Musée d’art moderne de Céret, 22 juin - 27 octobre 2019, pg. 197.

Le présent tableau, réalisé dans les années de maturité de la carrière de l’artiste, incarne l’approche unique de l’artiste, en particulier son intégration de la couleur, de la ligne et de la forme dans un style à la fois figuratif et abstrait. Dans La Femme Multipliée, une explosion de lignes calligraphiques et de couleurs rouges se détache sur une vaste étendue de lavande. La présence de multiples figures féminines rappelle Les Demoiselles d’Avignon de Picasso et Nu descendant l’escalier de Duchamp.

The present painting, completed in the mature years of the artist’s career, embodies the artist’s unique approach, specifically his integration of color, line and form in a style that is at once figurative and abstract. In La Femme Multipliée, an explosion of calligraphic lines and red colors are set against a vast expanse of lavender. The presence of multiple female figures hearkens back to Picasso’s Les Demoiselles d’Avignon and Duchamp’s Nu descendant l’escalier.

LA FEMME MULTIPLIÉE | THE MULTIPLIED WOMAN . 1957

89,5 X 74,3 cm

Huile sur toile | oil on canvas

Signé sur le verso, “André Masson” | Signed on the back of the canvas, “André Masson”

PROVENANCE PROVENANCE

Atelier de l’artiste | The Artist’s studio

Boibrino Gallery, Stockholm

Collection particulière, Stockholm/ Private collectio

L’authenticité de cette toile a été confirmée par le Comité Masson

The authenticity has been confirmed by the Comitee Masson

LES ASCÈTES | THE ASCETICS 1961

163 x 130 cm

Huile et sable sur toile | oil and sand on canvas

Signé en bas à gauche, « André Masson » |

Signed on the lower left, “André Masson” Daté «61» | and dated «61»

PROVENANCE PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio

Galerie Louise Leiris, Paris, 1962

Collection particulière, Londres

Galerie Edward Totah, Londres

Galerie Odermatt-Cazeau, Paris

Collection particulière, Paris (acquise auprès de ce dernière)

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- Paris, André Masson. Peintures de 19601961, Galerie Louise Leiris, 1er-31 mars 1962

- Lyon, André Masson, Musée de Beaux-Arts de Lyon, 1967

- Madrid, André Masson, Armero Ediciones, Nacional Centro de Arte Reina Sofia, 29 janvier - 19 avril 2004. (rétrospective), ill.

- Metz, André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre Pompidou-Metz, 30 mars - 2 septembre 2023, (rétrospective), ill. p 235

BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHY

- Architectural Digest, The Calligraphic Impulse, février 1985, p.134, repr. couleur. Françoise Levaillant, André Masson, éd. Mazzotta, 1988, repr. coul.

- André Masson, éd. Odermatt-Cazeau, cat sorti à l’occasion de l’exposition de 1990, ill. en couleur

- André Masson, 29 janvier - 19 avril 2004, Musée National de la Reina Sofia, éd Armero, Madrid, 2004, ill.

- André Masson: Il n’y a pas de monde achevé, Centre Pompidou-Metz, 30 mars - 2 septembre 2023, (rétrospective), ill. p 235.

LE CHEVAL IRLANDAIS | THE IRISH HORSE . 1969

100 x 81 cm

Huile sur toile | oil on canvas

Signé en bas à droite, « André Masson » | Signed on the lower right, “André Masson” Titrée et datée au dos Le cheval irlandais 1969 Titled and dated on the back

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Louise Leiris, Paris Collection Jacques Herold Collection David Renard Collection Leopold Senghor Galerie de Seine, Paris Collection particulière / Private collection

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- Le bestiaire d’André Masson, Musée de la Poste, 6 avril - 5 septembre 2009, repr. p.88

- André Masson: Sur-Reality, Trigg Ison Fine Art, West Hollywood, 19 octobre - 18 novembre 2007, cat. n° 30, repr. coul.

- André Masson. A Mythology of Nature, Museum Würth, Künzelsau, 18 septembre 2004 - 30 janvier 2005, repr. p. 119.

- André Masson rétrospective, Galerie de Seine, Paris, 1975

- André Masson, lieux communs, Galerie Louise Leiris, Paris, 1970, n° 13, repr. p. 20

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- R. Passeron, André Masson et les puissances du signe, Editons Denoël, Paris, 1975, reproduit en couleur page 55

En 1971, André Masson exécute les illustrations pour le livre «Chants d’ombre» de Léopold Senghor, poète, écrivain et homme politique sénégalais | In 1971, André Masson created the illustrations for the book “Chants d’ombre” by Senegalese poet, writer and politician Léopold Senghor.

DESSINS / DRAWINGS

1923 - 1965

LA VILLE ABANDONNÉE | THE ABANDONED CITY . 1923

papier | paper: 62.2 x 47 cm | encadré | framed 98.5 x 83.3 cm

Pastel, cire colorée et fusain sur papier | Pastel, colored wax and charcoal on paper

Signé en bas à gauche, “André Masson” | Signed lower left, “André Masson”

PROVENANCE | PROVENANCE

Galerie Simon, Paris Collection Alfred Richet, Paris Collection Odermatt, France.

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- New York, Surrealism in Art, M. Knoedler & Co., Inc., février-mars 1975. Catalogue n° 86.

- Paris, André Masson, oeuvres maîtresses, Galerie H. Odermatt - Ph. Cazeau, 5 décembre 1990 au 2 février 1991, pp. 99.

- Joinville, France, Chateau du Grand Jardin, Beauvais, Musée Departemental l’Oise, Tchécoslovaquie, Sovinec, Ostrava, Bratislava, Prague: André Masson : Dessins Surrealistes 1925-1965. 17 avril 1993 au 31 janvier 1994. - Paris, André Masson: peintures et oeuvres sur papier 1919-1927, Galerie Louise Leiris, 14 mai - 13 juillet 1996. Tableau definitif d’après le dessin, illustré sur la couverture du catalogue, page n°9. Propriété de la Galerie Louise Leiris

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

- André Masson, oeuvres maîtresses, Galerie H. Odermatt - Ph. Cazeau, Paris, 1990. Illustré en couleur, page 99, n° 43

- André Masson : Dessins Surrealistes 1925-1965, 1993. Le catalogue est édité par l’AFAA ( L’Association Française d’action artistique), Le Chateau du Grand Jardin (Conseil Général de la Haute Marne) et le Musée départemental de l’Oise Beauvais et produit Soft Publicité Reims. Illustré sur la couverture du catalogue

RÉFÉRENCE | REFERENCESY

Etude pour le tableau définitif intitulé La Ville abandonnée, 1923-24, huile sur toile, 73 x 60 cm. Propriété de la galerie Louise Leiris, Paris.

« Les cubistes vivaient dans un Eden d’où ils avaient banni le malheur et la mort. Le monde de Masson, au contraire, est secoué des passions violentes. C’est un monde où les hommes naissent et meurent, connaissent la faim et la soif, l’amour et la guerre. C’est une peinture tragique à laquelle rien de l’humain n’est étranger. »

“The Cubists lived in an Eden from which they had banished unhappiness and death. The world of Masson, contrary to this, is shaken by violent passions. It is a world where men are born and die, know hunger and thirst, love and war. It is a tragic painting to whom none that is human is foreign.”

Entre 1914 et 1918 André Masson est témoin des massacres des tranchées de la Grande Guerre. Dès son retour, après avoir passé un temps à se guérir dans une institution, il reprend la peinture. C’est au début des années ’20, dans son atelier qui voisine avec celui de Juan Gris, que Masson prend ses premiers contacts avec les groupes de l’avant-garde de l’époque. C’est l’ordre cubiste qu’il emprunte dans ces premiers temps. La technique cubiste de la déconstruction analytique de l’espace lui offre la possibilité de créer des compositions complexes, où la forme s’effondre et elle est pénétrée par l’espace autour, créant une trame d’échafaudages verticaux et transversaux. C’est ce côté cubiste qui n’échappe pas au marchand Kahnweiler, qui offre à l’artiste sa première exposition en 1924 à la Galerie Simon. C’est là qu’André Masson rencontre pour la première fois Breton, tissant le lien entre le cubisme et le surréalisme naissant dès son incipit.

Masson s’attache à ces groupes artistiques radicaux, fréquentant Juan Gris et les surréalistes dans les cafés de l’époque, se mettant à la lecture de Freud, Nietzsche, Dostoïevski et Lautréamont. C’est cet univers bohème et mélancolique qui occupe la plupart de ses toiles de l’époque. La Ville Abandonnée, grande esquisse préparatoire pour une telle toile, réalisé au fusain et au pastel montre parfaitement les préoccupations de l’artiste toujours en questionnement de la conscience individuelle et du destin humain. Elle est aussi emblématique d’un cubisme spécifique à Masson, qui garde la grammaire technique d’ordonnance de l’espace pour l’investir d’une forte charge symbolique et psychologique qui est la sienne.

Ce que Masson opère dans ses compositions cubistes des années ’20 est une destruction de l’ordre intérieur, statique du cubisme de Braque et Picasso. Le dessin est monochrome, comme la plupart de ses œuvres de l’époque, ponctué seulement par quelques teintes de rouge et d’ocre au pastel. Pour lui le cubisme est la technique capable à révéler une nouvelle manière de

Between 1914 and 1918 André Masson bears witness to the massacres of the trenches of the Great War. At his return, he spends time in an institution in order to heal himself, after which he reprises painting. It is at the turn of the 1920s, in his atelier that neighbours that of Juan Gris that Masson first comes into contact with the avant-garde groups of his time. It is the Cubist order that called to him in these first years. The Cubist technique of deconstruction of the space offered him the possibility to create complex compositions, where the form falls apart and the surrounding space penetrates it, creating a frame of vertical and transversal scaffolds. This Cubist dimension did not escape the art merchant Kahnweiler, who offers the artist his first exhibition in 1924 at the Galerie Simon in Paris. It is here that Masson first meets André Breton, closing the ties between Cubism and Surrealism from the very beginning.

Masson attached himself to these radical artists, frequenting Juan Gris and the Surrealists in the cafes of the time, giving himself to the lecture of Freud, Nietzsche, Dostoyevsky and Lautréamont. This bohemian, melancholic universe occupied most of his canvases of the era. The Abandoned City, great preparatory sketch for one such canvas, realized in charcoal and pastel, perfectly encapsulates the artist’s preoccupations – an eternal questioning of the individual consciousness and the human destiny. It is also emblematic of a kind of Cubism that is specific to Masson, who maintains the technical grammar of ordering of space, only to invest it of a psychological and symbolic charge that is his own.

What Masson operates in his Cubist compositions of the 1920s is the destruction of the static internal order of Braque and Picasso’s Cubism. The drawing is monochromatic, like most of his works from this period, punctuated solely by some red and ochre traits in pastel. For him, Cubism was the technique capable of revealing a new manner of tackling the

traiter la surface du papier, de produire des rapports nés d’une articulation rationnelle des figures et d’objets, exacerbant l’expressivité. Mais l’emploi du cubisme analytique n’est jamais mécanique chez Masson – la ligne bouge, la forme échappe à la trame cubiste.

Masson arrive à donner un côté symbolique et psychologique qui n’existait pas dans les compositions cubistes, la plupart prenant des sujets quotidiens : des nus, des natures mortes, des joueurs de luth.

« On voit des nuages sur la table. On voit aussi souvent des verres, mains, pipes, cartes, fruits, couteaux… » remarque Paul Eluard en 1923. La ligne, élément de la Raison depuis les premiers traités d’art à la Renaissance, met en scène un univers théâtral dont les objets dépassent la trame qui les ordonnent, un système de symboles qui bouleverse cet ordre. Il arrive à donner au cubisme quelque chose de la peinture métaphysique de Giorgio de Chirico. Selon Masson, l’art doit représenter le monde. Or, le monde est l’inverse de l’ordre et du statique, hanté par la guerre, le hasard et la mort, agissant sous des impulsions mystérieuses. La Ville Abandonnée met en scène, non sans poésie, une sorte de genius loci, un lieu ouvert et hautement symbolique, pénétrant les traces de l’humain, le possédant. Des objets flottants apparaissent : deux mains sans corps ou visage tenant un jeu de cartes, des feuilles, fruits, sphères et nuages. L’espace est indéfini, l’ambiguïté entre le dehors et le dedans est intentionnelle. L’espace de l’univers entourant contamine les formes, ouvrant l’Etre à son alentours. La charge symbolique des objets oblige à la lecture : le jeu de cartes, une référence à la fois à son cercle d’amis, mais aussi au hasard qui gouverne le destin humain, la grenade allusion forte chez Masson – une métaphore de la vie et de la mort depuis l’Antiquité par son lien avec le mythe de Perséphone, les sphères, symboles de l’univers pythagoricien, les feuilles tombant – nature et mort à la fois, le cycle du

surface of the paper, of producing new rapports born of the rational articulation of figures and objects, exacerbating the expressivity. But the usage of analytical Cubism is never mechanical in Masson’s works – the line moves, the form escapes the cubist grid.

Masson manages to give Cubism a symbolic and psychological dimension that did not exist before in the movement’s compositions, comprised mostly of nudes, still lives, lute players. “We see clouds on the table. We also see glasses, hands, pipes, cards, fruits and knives…” as Paul Eluard once remarked in 1923. The line, element of Reason since the very first artistic treatises of the Renaissance stages a theatrical universe in which the objects surpass the grid ordinating them, a system of symbols confusing the order. He invests Cubism with something of Giorgio de Chirico’s metaphysical painting. In Masson’s vision, art must represent the world. Or, the world is the opposite of order and statism, haunted by war, by hazard and death, acting under mysterious impulses. The Abandoned City showcases, not without poetry, a sort of genius loci, an open and highly symbolic place that penetrates the traces of the human, possessing him. Floating objects appear: two hands without body nor face holding a card game, leaves, fruits, spheres and clouds. The space is indefinite, the ambiguity between outside and inside completely intentional. The space of the surrounding universe contaminates the forms, opening the Being to his proximity. The symbolic content of the objects gives room to a reading direction: the card game, a reference to his circle of friends, but also to the hazard that governs human destiny, the persimmon – a strong allusion in Masson’s works – metaphor of life and death since Antiquity in its ties with the myth of Persephone, the spheres, symbols of the Pythagorean universe, the falling leaves – nature and death all at once, the cyclical passing of seasons.

temps qui passe.

L’expérience de la Grande Guerre a donné chez Masson la conviction de l’absurdité tragique de la vie. On y voit déjà les grands thèmes récurrents qui traversent toute l’œuvre de Masson : le hasard et l’instabilité de la vie humaine, la fertilité et la mort – comme la grenade, mot polysémique à la fois fruit et arme de guerre, est « le seul fruit qui saigne » dans les mots de l’artiste. Peuton y voir même une métaphore de la blessure soufferte par Masson sur le champ de bataille ? Ainsi, Masson met en scène l’image déstabilisante d’un monde en désordre, d’un ordre classique tourné en chaos.

Allant au-delà de l’intégrité plastique du cubisme par l’intégration des symboles, Masson crée un espace irréel, rempli par des références littéraires informées en particulier par la lecture de Nietzsche et Dostoïevski, d’où il emprunte les thèmes de la solitude et d’isolément existentiel, une atmosphère visible aussi dans les peintures de son groupe d’amis des personnages absorbés par leurs propres pensées, qui ne se regardent jamais.

L’humain se retrouve entre la vie et la mort, l’ordre de la raison et le chaos, fragmentation et union. Le corps fusionne avec l’environnement, le visage inexistant, une dissolution de la conception stable, positiviste du soi.

La conception cubiste de l’espace, avec sa perspective symbolique opère parfaitement cette unité de l’intérieur et l’extérieur, de la conscience et l’espace qui l’entoure – il devient le langage graphique parfait pour manifester l’idée de l’identité humaine comme conflit. A partir de son intégration au groupe surréaliste de Breton, Masson se donne au dessin automatique, technique par excellence de la libération de l’inconscient et des impulsions humaines.

The experience of the Great War gave Masson the unshaken conviction of the tragic absurdity of life. We can already see here the recurring themes that will traverse all of Masson’s work: the hazard and instability of human life, fertility and death – like the persimmon, a polysemantic word in French that can signify both the fruit and the weapon of war (grenade). It is, in Masson’s words, “the only fruit that bleeds”. Could we read here a metaphor of the wounds suffered by the artist on the battlefield? As such, Masson depicts the destabilizing image of a disordered world, of Classical order turned to chaos.

Surpassing Cubism’s plastic integrity through the integration of symbols, Masson creates an unreal space, filled with literary allusions principally informed by his reading of Nietzsche and Dostoyevsky, from whom he borrows the themes of solitude and existential isolation, an atmosphere also apparent in his depictions of his group of friends – characters absorbed by their own thoughts, never looking at one another.

The human finds himself at a crossroads between life and death, the order of Reason and chaos, fragmentation and union. The body fusions with its environment, the face is unseen – a dissolution of the stable, positivist conception of the self.

The Cubist vision of space, with its symbolic perspective, perfectly operates this unity between the interior and exterior, the conscience and the surrounding space. It becomes the perfect graphic language for manifesting the idea of human identity as conflict. Starting from his integration in the Surrealist group, Masson abandoned himself to automatic drawing, the technique by excellence of the liberation of the subconscious and the deep human impulses.

Bien qu’elle soit souvent associée au mouvement surréaliste, l’Œuvre d’André Masson ne s’intègre pourtant jamais complètement dans aucun des courants artistiques du vingtième siècle. Le thème de la rencontre, des «réunions d’hommes» est un thème récurrent dans ses peintures des années ’20. L’apport du cubisme lui permet de fragmenter et de déplacer ses figures à volonté, tandis que les traits et formes curvilignes, qui touche à la pratique de l’automatisme, marque l’implication de l’artiste dans les codes et méthodes surréalistes. La Rencontre participe ainsi à la fois des traits cursifs du dessin automatique et d’un langage cubiste plus géométrique.

Pour Michel Leiris, La Rencontre est un exemple lyrique de “points fixes” dans une monde fluide. Les “constellations d’objets” dans les tableaux cubistes/ surréalistes “ont été remplacées par des constellations de parties du corps [...]. Ce sont ces constellations qui constituent les points fixes du tableau. Autour d’elles tout gravite, se noue et se dénoue.”

Dans cette œuvre étrange, Masson met en scène la rencontre entre deux personnages surréelsapparemment deux femmes. Tout deux se composent de points fixes, à connotation parfois érotique, desquels jaillissent de fins traits noirs représentant les parties du corps ainsi que des gestes dynamiques. Les formes nébuleuses et colorées servent de supports lumineux et dotent les figures de silhouettes abstraites. Dans la partie gauche du dessin, on distingue un profil à moitié dissimulé par les nuages à l’arrière-planpeut-être celui de Masson ?

Although often associated with the Surrealist movement, André Masson’s work never completely fits into any of the artistic movements of the twentieth century. The theme of encounters, of “meetings of men”, is recurrent in his paintings of the ‘20s. The contribution of Cubism enables him to fragment and shift his figures at will, while the curvilinear lines and forms, which touch on the practice of automatism, mark the artist’s involvement with Surrealist codes and methods. La Rencontre thus combines the cursive strokes of automatic drawing with a more geometric cubist language.

For Michel Leiris, La Rencontre is a lyrical example of “points fixes” in a fluide world. The “constellations of objects” in cubist/surrealist paintings “have been replaced by constellations of body parts [...]. It is these constellations that constitute the fixes of the painting. Around them, everything gravitates, knots and unknots.”

In this strange work, Masson stages an encounter between two surreal figures - apparently two women. Both are composed of fixed dots, sometimes with erotic overtones, from which spring fins of black lines representing body parts and dynamic gestures. Nebulous, colorful shapes serve as luminous supports, endowing the figures with abstract silhouettes. On the left-hand side of the drawing, we can make out a profil half-hidden by the clouds in the background - perhaps Masson’s?

LA RENCONTRE | THE MEETING 1929

40,5 x 31 cm | Fusain et pastel sur papier Charcoal and pastel on paper | Signé en bas à droite, « André Masson » | Signed on the lower right corner, “André Masson” | Daté «61» and dated «61»

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio | Galerie Simon, Paris (Henri David Khanweiller) Collection particulière, France

L’authenticité de ce pastel a été reconnue par le Comité Masson Il est répertorié sous le n° 10.808 dans les archives Masson. The authenticity of this work was confirmed the the Comité Masson. It is inventoried under n°10.808 in the Masson archives.

Le massacre devient, entre 1931-1933, une des thématiques fécondes de l’œuvre de l’artiste, mettant en évidence des scènes de mort collective d’une violence bestiale, une exaltation de la mort et du déchirement, des luttes d’une énergie primaire. Masson commence sa réflexion sur le thème du massacre par la mise en scène des luttes animalières, miroir totémique de l’ordre naturelle. Au tournant de 1930 l’élément humain commence à entrer dans ses compositions, un glissement de l’animal à l’homme et non pas l’inverse.

Le mouvement du crayon est fébrile, même convulsif. En répondant à Matisse qui le questionne sur son processus créatif en 1932, Masson explique : « Au départ je n’ai pas ni une image, ni une structure en tête, je dessine et je laisse mes impulses me guider. Graduellement, je vois des traces de formes et je les laisse émerger. J’essaie de comprendre leur sens et de mettre de l’ordre dans la composition. »

The massacre becomes, between 1931-1933, one of the most fecund themes of the artist’s repertory, putting forth scenes of collective death of a brutal violence, an exaltation of death and dismemberment, of fights of a primeval energy. Masson commences his reflexion on the theme of the massacre through the portrayal of animal combats, a totemic mirror of the natural order. At the turn of the 1930s the human element starts to enter his compositions, a slide from the animalistic to the human and not the contrary.

The rhythm of The Massacre of the Horses has something of a ceremony. It is a magical violence with cathartic connotations, that should prove capable of exorcising the demons of war and the darkest impulses of the human unconscious.

< MASSACRE DES CHEVAUX HORSE MASSACRE 1933

62,2 x 47 cm

Fusain et pastel sur papier | Charcoal and pastel on paper

Signé en bas à droite, « André Masson »

Signed on the lower right corner, “André Masson”

Titré en haut à gauche | Titled on the upper left corner

PROVENANCE PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio Galleria Due Ci - Cleto Polcina, Rome (galerie historique d’André Masson en Italie | Historical gallery of André Masson in Italy) Collection particulière, Sao Paulo

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- Galleria Due Ci, Solo Show André Masson, FIAC 1986, Paris (en présence de l’artiste | in the presence of the artist)

COUPLE 1930

32 x 38 cm

Encre sur papier | Ink on paper

Signé en bas à droite, « André Masson »

Signed on the lower right corner, “André Masson”

Daté en bas à droite | dated on the lower right

PROVENANCE PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio Collection particulière, Paris

RÉFÉRENCES | REFERENCES

Cette oeuvre peut être mise en rapprt avec la toile Le Faucheur, n° 1930*16 du Catalogue raisonné de l’euvre peinte d’André Masson

EN 1941, ENTRE MARS ET AVRIL, MASSON ET ANDRÉ BRETON

PASSERONT TROIS SEMAINES EN MARTINIQUE, SUR LEUR CHEMIN VERS L’AMÉRIQUE EN ÉCHAPPANT À L’OCCUPATION.

IN 1941, BETWEEN MARCH AND APRIL, MASSON AND ANDRÉ BRETON

SPENT THREE WEEKS IN MARTINIQUE, ON THEIR WAY TO AMERICA TO ESCAPE THE OCCUPATION.

André Masson en Martinique. L’Exile américain

André Masson en Martinique. L’Exile américain

“Fourrure arborescente de la terre éventrée éventail de désir élan de sève oui c’est la roue de lourde feuille dans l’air fruité. Interroge la sensitive elle répond non mais rouge au cœur de l’ombre vaginale règne la fleur charnelle du balisier – le sang s’est coagulé dans la fleur insigne. Lave spermatique il t’a nourri pétrissant le verre banal la main du feu l’irisait de mortelle nacre. La grande main caresse le sein du morne à moins qu’elle ne soit ta croupe Vénus d’anthracite elle irrite le crin des palmes Soulève la plume des frondaisons et se glisse Sous la toison amoureuse de l’énorme Sylve.” - André Breton & André Masson, Martinique charmeuse de serpent, Paris, Éditions du Sagittaire, 1948.

La famille Masson avait quitté la Normandie en mai 1940 pour fuir l’occupation allemande de Paris. Ils ont attendu la délivrance des visas à Marseille jusqu’au 31 mars 1941, jour de leur embarquement à bord du cargo Carimare, direction La Martinique. À Fort-deFrance, Masson retrouve Breton, l’artiste Wifredo Lam et l’anthropologue Claude Levi-Strauss qui font aussi escale sur l’île avant de repartir pour New York. Il rencontre aussi de nombreux écrivains tels qu’Aimé et Suzanne Césaire. À cette époque, Masson et Breton écrivent le texte Martinique, charmeuse de serpents (publié en 1948) sous forme de conversation poétique: “ La forêt nous enveloppe elle et ses sortilèges, nous les connaissions avant d’être venus. Te souviens-tu d’un dessin que j’ai intitulé “Délire végétal” ? Ce délire est là, nous le touchons, nous y participons “. Le titre du recueil est emprunté à la célèbre toile du Douanier Rousseau, La charmeuse de serpents (1907), “ce tableau du Louvre si fascinant. Depuis que nous sommes ici,

“Arborescent fur of the broken earth fan of desire, momentum of sap Yes, it’s the wheel of a heavy leaf in the fruity air. Questions the sensitive she answers no but red in the heart of the vaginal shadow reigns the carnal flower of the balisier - the blood has coagulated in the insignia flower. Spermatic lava he nourished you kneading commonplace glass the hand of fire iridesced it with mortal mother-of-pearl. The great hand caresses the breast of the morne unless it’s your croup Venus of anthracite she irritates the horsehair of the palms Lifts the feather from the foliage and slips Under the loving fleece of the enormous Sylve.”

- André Breton & André Masson, Martinique charmeuse de serpent, Paris, Éditions du Sagittaire, 1948.

The Masson family had left Normandy in May 1940 to escape the German occupation of Paris. They waited for visas to be issued in Marseille until March 31, 1941, when they boarded the cargo ship Carimare bound for Martinique. In Fort-de-France, Masson met up with Breton, artist Wifredo Lam and anthropologist Claude Levi-Strauss, who also made a stopover on the island before leaving for New York. He also met a number of writers, including Aimé and Suzanne Césaire. During this period, Masson and Breton wrote Martinique, charmeuse de serpents (published in 1948) in the form of a poetic conversation: “The forest envelops us; we knew it and its spells before we came. Do you remember a drawing I entitled “Délire végétal”? This delirium is here, we touch it, we participate in it”. The title of the collection is borrowed from Douanier Rousseau’s famous painting, La charmeuse de serpents (1907), “that fascinating painting in the Louvre. Since

nous la croisons tous les jours sur notre route. Elle n’a rien perdu de son mystère et de son attirance”. Le texte est entièrement illustré par André Masson. La période martiniquaise a laissé premièrement des dessins à l’encre de Chine dans l’œuvre d’André Masson. La profussion végétale sauvage de l’île fascine l’artiste - les images que Masson donne de la Martinique voyent les feuilles complètement envahies par des troncs et des feuillages, dans une sorte de horror vacui. L’art de Masson est un art de la métamorphose et des forces érotiques primordiales de la terre. Dans Le Balisier, le végétal se transforme en humain dans une transmutation récurrente chez l’artiste. La terre, toujours génitrice, toujours érotique, caresse la figure féminine du balisier, une métaphore de la fleuraison et de la germination.

we’ve been here, we’ve come across it every day on our way. It has lost none of its mystery and attraction”. The text is entirely illustrated by André Masson. The Martinique period left its mark on André Masson’s work, primarily in the form of Indian ink drawings. The island’s wild plant profusion fascinated the artist - Masson’s images of Martinique see the leaves completely invaded by trunks and foliage, in a kind of horror vacui. Masson’s art is an art of metamorphosis and the primordial erotic forces of the earth. In Le Balisier, the plant is transformed into the human in a transmutation recurrent in the artist’s work. The earth, always generative, always erotic, caresses the feminine figure of the balisier, a metaphor for flowering and germination.

LE BASILIER | THE BASIL TREE 1941

50 x 38 cm

Encre de Chine sur papier | India ink on paper

Signé et daté par l’artiste en bas à droite Signed and dated by the artist on the lower right Titré par l’artiste en haut à droite | Titled on the upper right corner

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste | Artist’s Studio Collection Yves de Fontbrune, Paris (patron et éditeur des Cahiers d’art et collectionneur) Collection privée, acquis en 2016 auprès de la Succession du denier | Galerie Jean-François Cazeau, Paris

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

Sous le Signe de Bataille: Masson. Fautrier. Bellmer, Musée Zervos, Vézelay, 27 juin - 15 novembre 2012, ill. en couverture et en p. 27.

André Masson et les mythes telluriques

Fuyant l’Occupation, André Masson et André Breton arrivent à New-York en 1941, après un séjour de trois semaines en Martinique. Bien qu’impressionné par la grande métropole, André Masson trouve, comme toujours, la nature bien plus attrayante que le rythme chaotique de la ville. Il s’installe en Nouvelle Angleterre, à côté du Lake Waramaug, où il reçoit les visites de Calder, Kay Sage et Yves Tanguy et Arshile Gorky, et commece à exposer aux États Unis, notamment chez Kurt Valentin et Pierre Matisse.

L’oeuvre d’André Masson est une oeuvre en métamporphose continue. Aux États-Unis, inspiré par le paysage sauvage et spectaculaire, si différent de la nature plus plaisible de l’Europe, il change à nouveau sa manière de peindre, même si la thématique mythique persiste. Ses oeuvres réflètent la fertilité des sols américains, ainsi que la violence des phénomènes atmosphériques extrêmes. Il se laisse porté par des nouvelles pulsations, plus dynamiques et violentes:

«…les tableaux sont devenues d’une violence infiniment plus grande. L’influence du climat est indiscutable. Il y a aussi cette lumière terrible, agressive, aucune brume…Saisi par la force terrestre et par le climat violent de cette région, je cherche et trouve peut-être des correspondances picturales des forces élémentaires. Mystères telluriques. Des phénomènes d’éclosion et de germination trouvent aussi leur transposition dans des nombreuses toiles et pastels. »

(André Masson)

La thématique du Loup-garou, monstre mythique, renvoie certainement à cette sauvagerie de la nature. Masson apporte son sens du mythe et de la légende au paysage naturel, l’animal devient totémique, symbole des forces primaires, primitives et magiques. Dans sa qualité d’être humain qui a la capacité de se transformer en bête sauvage, la figure du loup-garou rappelle celle du Minotaure - une métaphore pour les forces sauvages de l’inconscient qui se cache derrière la civilisation, une créature hybride, entre homme et animal. La couleur aussi devient plus éclatante, la ligne plus dynamique et abstraite. Il est impossible de ne pas rappeler l’influence que la période américaine d’André Masson a pu avoir sur l’Expressionnisme abstrait lors de ses débuts, et surtout sur l’oeuvre de Jackson Pollock. Il est vraisemblable que Pollock a pu connaître Masson dans l’Atelier 17 de Stanley W. Hayter à New-York, où Masson travaille à l’estampe. Les deux artistes partagent notamment la même vision totémique des forces de la nature. Jackson Pollock est marqué par cette présence des artistes surréalistes pendant la guerre: des oeuvres comme Moon-Woman Cuts the Circle, 1943, montrent une vision proche du surréalisme de Masson à la même époque.

André Masson and the Telluric Myths

Fleeing the Occupation, André Masson and André Breton arrive in New York in 1941, after a three-week stay in Martinique. Although impressed by the metropolis, André Masson, as always, found nature far more appealing than the chaotic pace of the city. He settled in New England, near Lake Waramaug, where he was visited by Calder, Kay Sage, Yves Tanguy and Arshile Gorky, and exhibited in the United States, notably with Kurt Valentin and Pierre Matisse.

André Masson’s work is one of continuous metamorphosis. In the United States, inspired by the wild, spectacular landscape so different from the more pleasant European landscape, he once again changed his way of painting, even if the mythical theme persisted. His works reflect the fertility of American soils, as well as the violence of extreme atmospheric phenomena. He allows himself to be carried along by new, more dynamic and violent pulsations:

“...the paintings have become infinitely more violent. The influence of climate is indisputable. There’s also this terrible, aggressive light, no mist...Seized by the earthly force and violent climate of this region, I seek and perhaps find pictorial correspondences of elemental forces. Telluric mysteries. Phenomena of hatching and germination also find their transposition in numerous canvases and pastels.”

The theme of the werewolf, a mythical monster, certainly refers to the savagery of nature. Masson brings his sense of myth and legend to the natural landscape, and the animal becomes totemic, a symbol of primal, primitive and magical forces. In his capacity as a human being with the ability to transform himself into a wild beast, the figure of the werewolf recalls that of the Minotaur - a metaphor for the savage forces of the unconscious that lurk behind civilization, a hybrid creature between man and animal. Color, too, becomes brighter, line more dynamic and abstract.

It’s impossible not to recall the influence André Masson’s American period had on Abstract Expressionism in its early days, and especially on the work of Jackson Pollock. It’s likely that Pollock met Masson at Stanley W. Hayter’s Atelier 17 in New York, where Masson worked on prints. The two artists shared the same totemic vision of the forces of nature. Jackson Pollock was marked by the presence of surrealist artists during the war: works such as Moon-Woman Cuts the Circle, 1943, show a vision close to Masson’s surrealism of the same period.

PAYSAGE AUX DEUX POISSONS LANDSCAPE WITH TWO FISH 1945

68 x 48 cm

Fusain et pastel sur papier | Charcoal and pastel on paper

Signé en bas à droite, « André Masson » | Signed on the lower right corner

Daté en bas à droite | dated on the lower right

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste Artist’s Studio Galerie Cazeau-Béraudière, Paris Collection particulière, USA, acquise auprès de ce dernière en 2004 | Private collection, USA, acquired from the former in 2004.

< LOUP GAROU | WEREWOLF 1943

61 x 45.5 cm

Fusain et pastel sur papier | Charcoal and pastel on paper

Signé en bas à droite, « André Masson » | Signed on the lower right corner, “André Masson”

Daté en bas à droite | dated on the lower right

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste Artist’s Studio Galerie Louise Leiris, Paris Galerie Cazeau-Béraudière, Paris Collection particulière, USA, acquise auprès de ce dernière en 2004 | Private collection, USA, acquired from the former in 2004.

EXPOSITIONS | EXHIBITIONS

- André Masson-90 oeuvres sur papier, Galerie Louise Leiris, Paris, 9 avril-17 mai 1986, p. 73, n° 84, reproduction en couleur

- André Masson, OEuvres Maîtresses, Galerie H. Odermatt - Ph. Cazeau, Paris, 5 Décembre 1990 - 2 Février 1991; Genève, 23 Mai - 29 Juin 1991, n° 61, p. 135, reproduction en couleur.

- André Masson, America, Galerie-CazeauBéraudière, 23 Septembre-20 Novembre 2004.

L’animal a toujours une place à part dans l’oeuvre d’André Masson. Intégré au paysage, il devient totémique, symbole des forces primordiales qui dirigent la nature. Dans le bestiaire de l’artiste, le poisson prend une place de prédilection - il joue un rôle dans les natures mortes et les scènes de repas cubistes des années 1923-24, il est un des acteurs des Massacres du début des années 1930, pris dans des luttes impossibles avec des chevaux, un exorcisme des spectres de la guerre et de la violence humaine.

Si Masson prouve une prédilection à part pour le poisson, ce n’est pas au hasard - un adepte de la philosophie du flux d’Héraclite, qui postule un monde en mouvement éternel, le poisson est, pour l’artiste, le symbole de l’eau qui mouve. La période américaine voit chez Masson un changement de style, sous l’inspiration des paysages sauvages de l’Amérique. L’animal s’insère souvent dans le paysage, tous les deux partie d’un monde tellurique et indompté. La confusion des genres est spécifique au surréalisme: le monde acquatique rentre dans le terrestre.

Retourné en France après la guerre, Masson revient à ses thématiques surréalistes après une période «impressionniste».

Animals have always held a special place in André Masson’s work. Integrated into the landscape, they become totemic, symbols of the primordial forces that govern nature. In the artist’s bestiary, the fish takes a place of predilection - it plays a role in the still lifes and Cubist meal scenes of 1923-24, and is one of the actors in the Massacres of the early 1930s, caught in impossible struggles with horses, an exorcism of the spectres of war and human violence.

Masson’s predilection for fish is no accident - a follower of Heraclitus’ philosophy of flux, which postulates a world in eternal motion, the fish is, for the artist, the symbol of moving water. Masson’s American period saw a change in style, inspired by the wild landscapes of America. The animal is often integrated into the landscape, both part of a telluric, untamed world. The confusion of genres is specific to Surrealism: the acquatic world enters the terrestrial here.

Returning to France after the war, Masson comes back to his surrealist themes after an “impressionist” period.

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x 35,5 cm | Feutre sur calque | Felt pen on tracing paper | Signé en bas à gauche, « André Masson » Signed on the lower left PROVENANCE | PROVENANCE

d’authenticité établi par le Comité André Masson, Paris, le 13 avril 2011.

JEUX D’OISEAUX
BIRD GAMES 1965

SCULPTURES

1942 - 1943

André Masson, né le 4 janvier 1896, est une figure majeure du mouvement surréaliste et est considéré comme l’un des pères de l’automatisme, et un puissant influenceur du mouvement expressionniste abstrait né à New York dans les années quarante. La carrière de Masson en tant que surréaliste prendra véritablement forme en 1922, après son déménagement à l’Atelier Blomet, qui deviendra pour les surréalistes ce que le Bateau Lavoir était aux cubistes. Son contact étroit avec Joan Miro portera la production artistique de Masson à un niveau irrationnel, ce qu’il n’avait jamais atteint auparavant. Quelques années plus tard, Masson deviendra l’un des artistes les plus importants à signer avec la galerie Simon, galerie du célèbre marchand Henri Kanhweiler.

L’implication de Masson auprès de son marchand, et les artistes de la galerie, notamment Juan Gris, garderont le cubisme essentiel aux premières oeuvres surréalistes de Masson. Avec ses confrères comme Joan Miro et Max Ernst, Masson repoussera toujours les limites de l’expérimentation en intégrant diverses techniques, matériel et support dans sa production. En 1927, Masson commencera à expérimenter avec la sculpture, en utilisant la terre cuite, l’argile et le plâtre. L’importance de la sculpture dans la production artistique de Masson ne doit pas être négligée. Traditionnellement, la sculpture a joué un rôle secondaire dans le surréalisme dans son ensemble, parce que les surréalistes considéraient la sculpture comme un processus lourd et bien pensé, plutôt que comme une production légère, impulsive et inconsciente. Des expositions récentes, des textes et des études montrent maintenant à quel point la sculpture était essentielle pour certains des artistes surréalistes, notamment Max Ernst, Joan Mirò et André Masson.

Dans le catalogue dédié à l’exposition des sculptures de Masson au musée de l’Hospice Saint- Roch, à Issoudin, en 2017, Didier Ottinger, commissaire et spécialiste du surréalisme explique: « Ayant transposé l’automatisme de ses dessins à la peinture, Masson a relevé un défi supplémentaire en l’appliquant à la sculpture. Traçant la fluidité qu’est la pensée, l’association libre des formes et des images qui caractérise l’écriture des champs magnétiques ou les dessins de Cadavres Exquis, l’œuvre ne peut avoir d’autre titre que Métamorphose. » Métamorphose sera en effet le titre de la première sculpture d’André Masson en 1927.

Lorsqu’on réfléchit à la sculpture de Masson, on oublie souvent à quel point les écritures surréalistes telles que la Métamorphose de Kafka ou les textes d’André Breton ont joué un rôle. L’œuvre de Masson est en métamorphose continue. Au début des années 1930 a lieu une rupture au sein du groupe surréaliste dirigé par André Breton. A côté de Georges Bataille et Michel Leiris, Masson prend sa distance du chef de file du mouvement. Les préoccupations de ces « surréalistes dissidents » se trouvent du côté de la violence sacrificielle et de l’impulsion érotique de l’être humain, les profondeurs primordiales de l’instinct. La sexualité devient une notion centrale de leurs recherches artistiques.

André Masson, born January 4, 1896, is a major figure in the Surrealist movement, considered one of the fathers of Automatism, and a powerful influence on the Abstract Expressionist movement born in New York in the 1940s. Masson’s career as a Surrealist really took shape in 1922, when he moved to Atelier Blomet, which became to the Surrealists what the Bateau Lavoir was to the Cubists. His close contact with Joan Miro would take Masson’s artistic output to a level of irrationality he had never before achieved. A few years later, Masson would become one of the most important artists to sign with Galerie Simon, the gallery of the famous art dealer Henri Kanhweiler.

Masson’s involvement with his dealer, and the gallery’s artists, notably Juan Gris Gris, would maintain the cubism essential to Masson’s early surrealist work. Along with colleagues such as Joan Miro and Max Ernst, Masson continued to push the boundaries of experimentation, integrating diverse techniques, materials and media into his production. In 1927, Masson began experimenting with sculpture, using terracotta, clay and plaster. The importance of sculpture in Masson’s artistic output should not be overlooked. Traditionally, sculpture has played a secondary role in Surrealism as a whole, because surrealists saw sculpture as a heavy, well-thought-out process, rather than a light, impulsive and unconscious production. Recent exhibitions, texts and studies now show just how essential sculpture was for some of the Surrealist artists, including Max Ernst, Joan Mirò and André Masson.

In the catalog dedicated to the exhibition of Masson’s sculptures at the Musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudin, in 2017, Didier Ottinger, curator and specialist in surrealism explains: “Having transposed the automatism of his drawings to painting, Masson took on an additional challenge by applying it to sculpture. Tracing the fluidity that is thought, the free association of forms and images that characterizes the writing of magnetic fields or the drawings of Cadavres Exquis, the work can have no other title than Métamorphose.” Indeed, Métamorphose was the title of André Masson’s first sculpture in 1927.

When we think about Masson’s sculpture, we often forget the extent to which Surrealist such as Kafka’s Métamorphose or André Breton’s texts. Masson’s work is in a state of continuous metamorphosis. The early 1930s saw a split in the Surrealist group led by André Breton. Alongside Georges Bataille and Michel Leiris, Masson distanced himself from the movement’s leader. The preoccupations of these “dissident surrealists” lay in the sacrificial violence and erotic impulse of the human being, the primordial depths of instinct. Sexuality became a central notion in their artistic research.

Le Minotaure est un thème récurrent dans l’oeuvre d’André Masson, souvent tourné vers la Mythologie méditerrannéenne, qui s’est également intéréssé aux thèmes autour: Thésée et Arianne, le Labyrinthe, et surtout Pasiphaë. Le Mythe du Minotaure réapparaît au cours de la période américaine, dans des toiles, pastels, et dessins, moment où cette oeuvre a été conçue. Par la force de sa représentation, et par sa charge symbolique, elle demeure une des plus importantes de la création de l’artiste.

The Minotaur is a recurring theme in the work of André Masson, who often turned to Mediterranean mythology, and was also interested in the themes around: Theseus and Ariadne, the Labyrinth, and above all Pasiphaë. The myth of the Minotaur reappeared during the American period, in canvases, pastels and drawings, when this work was conceived. The strength of its representation and its symbolic charge make it one of the artist’s most important works.

MINOTAURE I (LE GRAND) | MINOTAUR I (THE GREAT) 1942

12 x 14.6 x 10.4 cm

Bronze

Fondu en 1966, du vivant de l’artiste | Cast during the artist’s lifetime

Monogrammé et numéroté, avec la marque du fondeur « AM / 4/6/ Valsuani Cire Perdue» | Monogrammed and numbered, with the founder’s mark “AM / 4/6/ Valsuani Cire Perdue”.

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste

Galerie Louise Leiris, Paris (galerie représentant Masson en France)

Galleria Due Ci - Cleto Polcina, Rome (galerie historique d’André Masson en Italie | Historical gallery of André Masson in Italy) Collection particulière, Sao Paulo

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

Roger Passeron: André Masson. Catalogue général des sculptures, Turin 1987, p. 119-124, no. 15 (ill.)

L’oeuvre de Masson à cette époque est dominé par des créatures hybrides des métamorphoses où la forme s’effondre et les cadres de l’être craquent, s’unissent dans un langage symbolique et biomorphique. L’impulsion érotique, souvent agressive chez Masson, a la capacité d’effacer le « soi ».

André Masson avait d’abord titre cette sculpture «Le Sein offert», mais il abandonna ce titre dès l’origine pour celui de «La Femme tourmentée», une des thématiques de prédilection de l’artiste: la violence du monde et les pulsions érotiques.

Masson’s work at this time is dominated by hybrid creatures of metamorphosis, where form collapses and the frameworks of being crack open, uniting in a symbolic, biomorphic language.The erotic impulse, often aggressive in Masson’s work, has the capacity to erase the “self”.

André Masson had originally titled this sculpture “Le Sein offert” (The Breast Offered). La Femme tourmentée”, one of the artist’s favorite themes: the violence of the world and erotic impulses.

FEMME TOURMENTÉE | TORMENTED WOMAN

1942

25.5 x 16 x 13 cm

Bronze

Fondu en 1966, du vivant de l’artiste Cast during the artist’s lifetime

Monogrammé et numéroté, avec la marque du fondeur « AM / 3/6/ Valsuani Cire Perdue» | Monogrammed and numbered, with the founder’s mark “AM / 3/6/ Valsuani Cire Perdue”.

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste

Galerie Louise Leiris, Paris (galerie représentant Masson en France)

Galleria Due Ci - Cleto Polcina, Rome (galerie historique d’André Masson en Italie | Historical gallery of André Masson in Italy)

Collection particulière, Sao Paulo

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

Roger Passeron: André Masson. Catalogue général des sculptures, Turin 1987, p. 97-98, no. 10 (ill.)

DANS LA FORÊT | IN THE FOREST 1943

49.5 × 68.3 × 35 cm

Bronze

Fondu en 1986, du vivant de l’artiste Cast during the artist’s lifetime

Monogrammé et numéroté, avec la marque du fondeur et de la galerie « AM / 1/8 / F BRUSTOLIN VERONA / DUE CI »

Monogrammed and numbered, with the founder’s and the gallery’s mark

PROVENANCE | PROVENANCE

Atelier de l’artiste

Galleria Due Ci - Cleto Polcina, Rome (galerie historique d’André Collection particulière, Suisse, acquis auprès de la dernière en 1987 Collection de la Galerie Jean-François Cazeau

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAPHY

Roger Passeron: André Masson. Catalogue général des sculptures, Turin 1987, p. 129, no. 18, fig. 77 (ill.).

Lorsqu’on réfléchit à la sculpture de Masson, on oublie souvent à quel point les écritures surréalistes telles que la Métamorphose de Kafka ou les textes d’André Breton ont joué un rôle. L’oeuvre de Masson est en métamorphose continue. Au début des années 1930 a lieu une rupture au sein du groupe surréaliste dirigé par André Breton. A côté de Georges Bataille et Michel Leiris, Masson prend sa distance du chef de file du mouvement. Les préoccupations de ces « surréalistes dissidents » se trouvent du côté de la violence sacrificielle et de l’impulsion érotique de l’être humain, les profondeurs primordiales de l’instinct. La sexualité devient une notion centrale de leurs recherches artistiques. L’œuvre de Masson à cette époque est dominé par des créatures hybrides des métamorphoses où la forme s’effondre et les cadres de l’être craquent, s’unissent dans un langage symbolique et biomorphique. L’impulsion érotique, souvent agressive chez Masson, a la capacité d’effacer le « soi ». Pris dans une étreinte érotique, ls deux créatures de «Dans la

When we think Masson’s sculpture, we often forget the extent to which Surrealist writings such as Kafka’s Metamorphosis or André Breton’s texts played a role. Masson’s work is in a state of continuous metamorphosis. The early 1930s saw a split in the Surrealist group led by André Breton. Alongside Georges Bataille and Michel Leiris, Masson distanced himself from the movement’s file leader. The preoccupations of these “dissident Surrealists” were the sacrificial violence and erotic impulse of the human being, the primordial depths of instinct. Sexuality became a central notion in their artistic research. Masson’s work at this time is dominated by hybrid creatures of metamorphoses where form effonders and the frames of being crack, unite in a symbolic, biomorphic language. The erotic impulse, often aggressive in Masson, has the capacity to effacerate the “self”. Caught in an erotic embrace, the two creatures in “Dans la Forêt” melt into each other. As is often the case with Masson, we don’t know

Forêt» se fondent une dans l’autre. Comme souvent chez Masson, on ne sait pas si les deux créatures sont pris au moment d’un baiser ou d’une dévoration. Elles sont fusionnées au niveau des têtes, mains et sexe. La tête de la créature mâle rappelle le Minotaure, autre personnage récurrent du bestiaire de Masson. Créée initialement en argile, Dans la forêt donne l’impression de deux êtres en train de se fendre dans la terre boueuse, ou d’émerger, dimension tellurique souvent trouvée dans son oeuvre.

La métamorphose est le fondement de la conception artistique de Masson, qui cherche toujours à surprendre les palpitations sécrètes des êtres dans leurs instincts les plus primordiaux. Le cadre de l’individu craque au moment de passion érotique, c’est l’instinct dionysiaque qui domine, l’extase et la violence de l’union, capable d’ouvrir la conscience individuelle vers la liberté des Bacchanales, vers l’Autre. Le biomorphisme de Masson opère une transformation des figures, le contour individuel se dissolve. Ce n’est pas un art de la forme, mais un art des forces, de la pulsation primaire, du rythme des lignes et des volumes. Comme Masson déclare, « Il n’y a pas de monde achevé ».On ressent l’énergie et le vertige de l’union qui est transformation. La forme n’est jamais fermée chez Masson, mais, miroir de l’ordre éternel, elle est en transmutation continue. Cette précarité inévitable des contours de la conscience peut faire penser aux dictés psychanalytiques freudiennes de la dissolution du soi dans l’acte sexuel, mais, encore plus, elle est réminiscence de la vision héraclitienne du monde en flux continu, de son mouvement éternel.

whether the two creatures are caught in the moment of a kiss or a devouring. They are fused at the level of heads, hands and sex. The male creature’s head is reminiscent of the Minotaur, another recurring character in Masson’s bestiary. Originally created in clay, Dans la forêt gives the impression of two beings splitting open in the muddy earth, or emerging, a telluric dimension often found in his work.

Metamorphosis is the foundation of Masson’s artistic concept, which always seeks to surprise the secret palpitations of beings in their most primordial instincts. The frame of the individual cracks in the moment of erotic passion, and it’s the Dionysian instinct that dominates, the ecstasy and violence of union, capable of opening individual consciousness to the freedom of the Bacchanalia, to the Other. Masson’s biomorphism transforms figures, dissolving individual contours. This is not an art of form, but an art of forces, of primary pulsation, of the rhythm of lines and volumes. As Masson declares, “There is no finished world”, and we feel the energy and vertigo of the union that is transformation. Form is never closed in Masson’s work; rather, as a mirror of eternal order, it is in continuous transmutation. This inevitable precariousness of the contours of consciousness is reminiscent of Freudian psychoanalytical dictates about the dissolution of the self in the sexual act, but even more so, it is reminiscent of the Heraclitian vision of the world as a continuous flux, of its eternal movement.

Repères biographiques Biographic notes

Naissance en janvier 1896 à Balagny-sur-Thérain (Oise), enfance à Lille puis Bruxelles.

Born in January 1896 in Balagny-sur-Thérain (Oise), grew up in Lille and then Brussels.

1907-1912

Masson suit les cours de l’Académie royale des beaux-arts et de l’École des arts décoratifs de Bruxelles. Le symboliste Constand Montald enseigne à ses élèves la technique de la détrempe et leur fait découvrir les fresques italiennes du Quattrocento. Masson est fortement impressionné par le théâtre élisabéthain et son sens de la tragédie. Il découvre les peintures de James Ensor, Paul Cézanne, Le Greco, Odilon Redon. Le poète flamand Émile Verhaeren conseille aux parents d’André de l’envoyer à Paris pour étudier la peinture.

La famille Masson s’installe près du musée du Luxembourg en 1912 et André entre à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Sa culture picturale s’étoffe, notamment au Louvre et au musée du Luxembourg. Il est introduit auprès du milieu artistique parisien. Ses lectures sont éclectiques : Chateaubriand, Poe, Mallarmé, Baudelaire, Nietzsche, Dostoïevski et Héraclite.

Masson attended the Royal Academy of Fine Arts and the School of Decorative Arts in Brussels. The symbolist Constand Montald taught his students the tempera technique and introduced them to Italian frescoes from the Quattrocento period. Masson was greatly impressed by Elizabethan theatre and its sense of tragedy. He discovered the paintings of James Ensor, Paul Cézanne, El Greco and Odilon Redon. The Flemish poet Émile Verhaeren advised André’s parents to send him to Paris to study painting. The Masson family moved near the Musée du Luxembourg in 1912 and André entered the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts in Paris. His pictorial culture grew, particularly at the Louvre and the Musée du Luxembourg. He was introduced to the Parisian artistic scene. His reading was eclectic: Chateaubriand, Poe, Mallarmé, Baudelaire, Nietzsche, Dostoyevsky and Heraclitus.

1919-1921

Masson et Loutreuil partent pour Barcelone, prévoyant de s’embarquer clandestinement pour l’Inde. Ils séjournent à Collioure et s’installent à Céret en mars.

Masson se remet à peindre et dessiner, dans un style sous influence cézanienne. Les deux amis rencontrent les peintres Pierre Brune, Pinchus Krémègne puis Chaïm Soutine. Masson a des discussions orageuses avec ce dernier au sujet de la peinture, surtout à propos de Van Gogh que Soutine n’aimait pas, lui préférant Rouault. En avril Masson et Loutreuil, pris pour des espions étrangers, sont arrêtés plusieurs heures sur la commune de PalaldaAmélie-les-Bains.

Chaque jour ils parcourent la campagne, passant parfois la frontière espagnole sans s’en apercevoir.

Masson et Loutreuil se brouillent, Loutreuil quitte Céret tandis que Masson est recueilli par Manolo.

Masson and Loutreuil left for Barcelona, planning to embark illegally for India. They stayed in Collioure and settled in Céret in March.

Masson began painting and drawing again, in a Cézanneinfluenced style. The two friends met the painters Pierre Brune, Pinchus Krémègne and Chaïm Soutine. Masson had stormy discussions with Soutine about painting, especially about Van Gogh, whom Soutine disliked, preferring Rouault. In April Masson and Loutreuil, mistaken for foreign spies, were arrested for several hours in the commune of Palalda-Amélie-les-Bains.

Every day they roamed the countryside, sometimes crossing the Spanish border unnoticed.

Masson and Loutreuil fell out, and Loutreuil left Céret while Masson was taken in by Manolo.

1913-1918

Masson rencontre Maurice Loutreuil, sans doute dans l’atelier du fresquiste Paul Baudoüin à Paris. Tous deux reçoivent une bourse pour étudier la fresque en Toscane. À son retour début 1914, Masson rompt avec sa famille et s’installe en Suisse près de Berne, dans la propriété du peintre Wilhelm Balmer. Il peint une heure par jour et mène une vie d’ascète. Il devient végétarien, se consacre à la lecture et à la marche pieds nus, cherchant à communier avec la nature.

À la fin de l’année 1914, il décide de s’engager. Après une préparation militaire, il se retrouve sur le front au printemps 1916 et participe aux plus dures batailles, notamment dans la Somme. Touché à la poitrine par un obus, Masson est laissé pour mort, le buste ouvert, à côté d’un Allemand dont la tête est éclatée. L’expérience de la guerre hantera son œuvre pour le reste de sa vie. Il est finalement récupéré et soigné dans des hôpitaux militaires, où un médecin déchire sa blessure en voie de cicatrisation. Finalement réformé, suite à l’intervention de sa mère, il restera traumatisé toute sa vie. Un médecin lui recommande de fuir tout lieu agité. Sa mère et sa sœur l’emmènent à Cannes puis à Martigues, où il retrouve Loutreuil.

Masson met Maurice Loutreuil, probably in the studio of the fresco artist Paul Baudoüin in Paris. Both received a grant to study fresco in Tuscany. On his return in early 1914, Masson broke with his family and moved to Switzerland, near Bern, to the estate of the painter Wilhelm Balmer. He painted for an hour a day and led an ascetic life. He became a vegetarian, devoted himself to reading and walking barefoot, seeking to commune with nature.

At the end of 1914, he decided to enlist. After military training, he went to the front in the spring of 1916 and took part in the toughest battles, particularly on the Somme. Hit in the chest by a shell, Masson was left for dead, his chest cut open, next to a German whose head had been blown apart. The experience of war would haunt his work for the rest of his life. He was eventually recovered and treated in military hospitals, where a doctor tore open his healing wound. He escaped but was recaptured and placed in the Val-de-Grâce as a madman. Eventually discharged, following his mother’s intervention, he remained traumatised for the rest of his life. A doctor advised him to flee from all hectic places. His mother and sister took him to Cannes and then to Martigues, where he met up with Loutreuil.

Masson travaille comme décorateur céramiste à Prades. Il rencontre Odette Cabalé, qu’il épouse en 1920, avec Manolo et Frank Burty Haviland comme témoins. Le couple rentre à Paris au début de la grossesse d’Odette, chez les parents du peintre.

Gladys (dite Lily) naît en novembre. André Masson cumule les petits métiers : céramiste, copiste puis correcteur au Journal Officiel, coursier... Au début de 1921 il est figurant dans la pièce Forum, mise en scène par Léo Poldès. Il y rencontre le galeriste et cinéaste Roland Tual, qui lui présente à son tour Max Jacob.

1922-1923

Max Jacob lui présente le peintre Elie Lascaux, chez lequel il rencontre le marchand Daniel-Henry Kahnweiler. Ce dernier a le coup de foudre pour deux de ses toiles. Masson rencontre aussi Joan Miró aux mercredis de Max Jacob. Ils deviennent voisins d’atelier au 45 rue Blomet, où artistes et intellectuels prennent l’habitude de se retrouver. Masson lit Dostoïevski, Sade et Lautréamont. Il réalise des dessins érotiques influencés par Rodin et Sade.

Masson signe un contrat d’exclusivité avec Kahnweiler.

II fait la connaissance de Jean Dubuffet puis de Georges Limbour, Antonin Artaud, Michel Leiris, Louis Aragon, Armand Salacrou, André Malraux... Influencé un temps par les cubistes, en particulier Juan Gris, son expression en sera cependant très originale.

Masson réalise ses premiers dessins automatiques.

Masson worked as a ceramics decorator in Prades. He meets Odette Cabalé, whom he marries in 1920, with Manolo and Frank Burty Haviland as witnesses. The couple returned to Paris at the beginning of Odette’s pregnancy, to live with the painter’s parents.

Gladys (known as Lily) is born in November. André Masson had a series of odd jobs: ceramist, copyist then proofreader at the Journal Officiel, courier, etc. In early 1921 he appeared as an extra in the play Forum, directed by Léo Poldès. There he met the gallery owner and film-maker Roland Tual, who in turn introduced him to Max Jacob.

Max Jacob introduced him to the painter Elie Lascaux, where he met the art dealer Daniel-Henry Kahnweiler. Kahnweiler fell in love with two of his paintings. Masson also met Joan Miró at Max Jacob’s Wednesdays. They became studio neighbours at 45 rue Blomet, where artists and intellectuals got into the habit of meeting. Masson read Dostoyevsky, Sade and Lautréamont. He produced erotic drawings influenced by Rodin and Sade.

Masson signs an exclusive contract with Kahnweiler.

He met Jean Dubuffet, then Georges Limbour, Antonin Artaud, Michel Leiris, Louis Aragon, Armand Salacrou, André Malraux... Influenced for a time by the cubists, particularly Juan Gris, his expression was nonetheless highly original.

Masson produced his first automatic drawings.

1924-1927

Masson rencontre André Breton, qui visite son exposition individuelle chez Kahnweiler. L’écrivain achète Les quatre éléments. Masson rejoint le groupe des surréalistes et rencontre Georges Bataille. Ernest Hemingway, introduit par Gertrude Stein, vient donner des cours de boxe à l’atelier rue Blomet. Hemingway, comme Stein, lui achètent des toiles.

Des dessins automatiques sont reproduits dans la revue La Révolution surréaliste. Lors d’un séjour de plusieurs mois sur la Côte d’Azur, Masson exécute ses premiers tableaux de sable. Sur les conseils de Giacometti, Masson réalise sa première sculpture en plâtre.

Masson met André Breton, who visited his solo exhibition at Kahnweiler. The writer bought The Four Elements. Masson joins the Surrealist group and meets Georges Bataille. Ernest Hemingway, introduced by Gertrude Stein, comes to give boxing lessons at the rue Blomet studio. Both Hemingway and Stein bought paintings from him.

Automatic drawings were reproduced in the magazine La Révolution surréaliste. During a stay of several months on the Côte d’Azur, Masson executed his first sand paintings. On Giacometti’s advice, Masson creates his first plaster sculpture.

1928-1929

Masson rompt avec son épouse Odette. Il exécute des dessins pour Justine de Sade et des lithographies pour Histoire de l’œil de Georges Bataille. II commence à prendre ses distances avec le groupe surréaliste, trop conformiste et surtout trop directif à son goût.

Georges Bataille, écarté du groupe, créé la revue Documents. Masson est attiré par cette mouvance et retrouve d’autres dissidents du groupe, comme Michel Leiris et Georges Limbour.

Sa vie privée est marquée par une relation passionnée avec Paule Vézelay, peintre anglaise. Masson fait un séjour à Perpignan entre avril et juin. En fin d’année, il explore les abattoirs de la Villette avec le photographe Éli Lotar, puis ceux de Vaugirard réservés aux chevaux, prenant des notes sur les attitudes des animaux.

1930-1933

Pascal Pia publie la première monographie de l’artiste. Masson expose avec l’Association des Surindépendants à Paris et à la Galerie de l’art vivant à New York. Il s’intéresse aux philosophies orientales.

Il peint les Massacres et travaille aux décors et costumes du ballet Les Présages de Léonide Massine pour les Ballets russes. À Nice il passe plusieurs jours en compagnie de Matisse, avec lequel il se lie d’amitié.

Il réalise ensuite les premières esquisses pour les gravures de Sacrifices, accompagnées d’un texte de Georges Bataille. Le 1er juin sort le premier numéro de Minotaure, titre dû à Bataille et Masson. La reprise des relations avec Kahnweiler aboutit à un accord avec Georges Wildenstein, qui achètera la moitié de la production de Masson.

Masson breaks up with his wife Odette. He makes drawings for Justine de Sade and lithographs for Histoire de l’œil by Georges Bataille. He began to distance himself from the Surrealist group, which was too conformist and above all too directive for his taste.

Georges Bataille, no longer a member of the group, founded the journal Documents. Masson was attracted to this movement and met up with other dissidents from the group, such as Michel Leiris and Georges Limbour.

His private life was marked by a passionate relationship with Paule Vézelay, an English painter. Masson stayed in Perpignan between April and June. At the end of the year, he explored the abattoirs at La Villette with the photographer Éli Lotar, then those at Vaugirard reserved for horses, taking notes on the animals’ attitudes.

Pascal Pia publishes the artist’s first monograph. Masson exhibited with the Association des Surindépendants in Paris and at the Galerie de l’art vivant in New York. He becomes interested in Eastern philosophies.

He painted Les Massacres and worked on the sets and costumes for Léonide Massine’s ballet Les Présages for the Ballets Russes. In Nice, he spent several days in the company of Matisse, with whom he became friends.

He then made the first sketches for the engravings in Sacrifices, accompanied by a text by Georges Bataille. On June 1st, the first issue of Minotaure comes out, a title written by Bataille and Masson. The resumption of relations with Kahnweiler leads to an agreement with Georges Wildenstein, who will buy half of Masson’s production.

1934-1936

Fuyant les manifestations profascistes de Paris en février, Masson part pour un voyage à pied en Andalousie avec sa compagne Rose Maklès. En juin ils décident de s’installer en Espagne, à Tossa de Mar. Ils y reçoivent en août la visite de Louise et Michel Leiris.

Masson peint des tableaux représentant des insectes et les moissons. En octobre, il assiste aux émeutes d’insurrection de la commune des Asturies. Dans le même mois, il revoit Manolo. En novembre il fait un voyage à Montserrat durant lequel une nuit passée à la belle étoile le marque fortement. André et Rose se marient en décembre à Barcelone, avec Jacques Duthuit et Joan Miró pour témoins. La mère d’André Masson décède.

En mai 1935, Georges Bataille rend visite aux Masson à Tossa. Ils font des excursions dans l’Espagne.

Diego Masson naît le 21 juin. André rencontre à Madrid le philosophe José Bergamín, auteur d’un essai sur « la question palpitante du torero ». En septembre, Louise et Michel Leiris rapportent à Paris une série de toiles et Masson envoie deux caisses de tableaux à la Galerie Simon. En octobre ont lieu les émeutes insurrectionnelles dans les Asturies puis la proclamation de l’indépendance de la Catalogne par Luis Companys. À l’automne, les Masson voyagent à Tolède, Avila, Madrid. Masson produit des séries de toiles inspirées des sierras et des villes espagnoles.

En février-mars 1936, Masson bénéficie d’une exposition personnelle chez Wildenstein à Londres.

II séjourne à Paris en mars puis retourne à Tossa.

Bataille y séjourne à nouveau également. Le premier numéro d’Acéphale paraît, Masson est le seul illustrateur. Il peint aussi des toiles sur le thème des corridas. En juillet, au début de la guerre civile en Espagne, Masson s’inscrit à la Fédération Anarchiste Ibérique, principale organisation anarchiste du pays.

En septembre naît son second fils, Luis. Masson renoue avec André Breton, grâce à Georges Bataille, et participe à l’Exposition surréaliste internationale de Londres. Les Masson rentrent à Paris fin novembre.

Une exposition des œuvres de la période espagnole et d’affiches pour les républicains catalans se tient à la Galerie Simon avec succès. Masson perd son père en décembre.

Fleeing the profascist demonstrations in Paris in February, Masson set off on a walking tour of Andalusia with his partner Rose Maklès. In June they decided to settle in Spain, in Tossa de Mar. In August they were visited by Louise and Michel Leiris.

Masson painted pictures of insects and the harvest. In October, he attended the uprising in the Asturias commune. In the same month he saw Manolo again. In November he made a trip to Montserrat, during which a night spent under the stars left a strong impression on him. André and Rose marry in Barcelona in December, with Jacques Duthuit and Joan Miró as witnesses. André Masson’s mother dies.

In May 1935, Georges Bataille visited the Massons in Tossa. They made excursions around Spain.

Diego Masson is born on 21 June. In Madrid, André meets the philosopher José Bergamín, author of an essay on ‘the thrilling question of the bullfighter’. In September, Louise and Michel Leiris bring a series of paintings back to Paris and Masson sends two crates of paintings to the Galerie Simon. In October, insurrectionary riots break out in Asturias, followed by Luis Companys’s proclamation of Catalan independence. In the autumn, the Massons travel to Toledo, Avila and Madrid. Masson produced a series of paintings inspired by the Spanish sierras and cities. In February-March 1936, Masson had a solo exhibition at Wildenstein in London.

He stays in Paris in March and then returns to Tossa.

Bataille also stays there again. The first issue of Acéphale appears, with Masson as sole illustrator. He also paints canvases on the theme of bullfighting. In July, at the start of the Spanish Civil War, Masson joins the Fédération Anarchiste Ibérique, the country’s main anarchist organisation.

In September his second son, Luis, was born. Masson reconnects with André Breton, thanks to Georges Bataille, and takes part in the International Surrealist Exhibition in London. The Massons return to Paris at the end of November.

A successful exhibition of works from the Spanish period and posters for the Catalan Republicans is held at the Galerie Simon. Masson loses his father in December.

1937-1940

Masson réalise des dessins pour Miroir de la Tauromachie de Michel Leiris. Il travaille à la suite des dessins anticléricaux et antifascistes sur la Guerre d’Espagne et aux toiles sur le thème de la corrida. En avril il crée le décor de la pièce Numance, mise en scène par Jean-Louis Barrault d’après Cervantès. Il crée aussi l’emblème à la tête de taureau qui servira à la Compagnie Madeleine RenaudJean-Louis Barrault.

Masson participe à l’Exposition internationale du surréalisme à la Galerie des beaux-arts. Plusieurs de ses peintures figurent dans l’exposition de la collection Sadie A. May au Baltimore Museum of Arts.

Masson dessine la couverture du numéro 12-13 de Minotaure, qui contient l’article Prestige d’André Masson de Breton. Réformé, Masson s’enferme dans sa peinture et ses réflexions sur l’art, bannit la presse, lit des ouvrages métaphysiques, scientifiques et philosophiques.

Les Masson fuient vers le Cantal chez Georges Bataille. Rose et ses fils sont en danger face aux lois raciales d’octobre. Masson travaille aux dessins d’Anatomie de l’Univers. Ils se réfugient ensuite à Marseille, où de nombreux surréalistes sont également présents. Ils fréquentent la Villa Air-Bel et les Mercredis des Cahiers du Sud. Peggy Guggenheim achète une toile à Masson.

Les Masson sont logés dans un pavillon au château de Montredon chez Lily Pastré, fondatrice du Comité de Secours américain pour les artistes et intellectuels menacés par le régime vichyste. Les Masson attendent leurs visas américains et français. La collectionneuse et peintre Sadie A. May intercède pour eux auprès des autorités américaines.

Masson produced drawings for Michel Leiris’s Miroir de la Tauromachie. He worked on a series of anti-clerical and anti-fascist drawings about the Spanish Civil War and on paintings on the theme of bullfighting. In April, he created the set for Numance, a play directed by Jean-Louis Barrault based on Cervantes. He also created the bull’s head emblem that would be used by the Madeleine RenaudJean-Louis Barrault Company.

Masson takes part in the Exposition internationale du surréalisme at the Galerie des beaux-arts. Several of his paintings are included in the Sadie A. May Collection exhibition at the Baltimore Museum of Arts. May collection at the Baltimore Museum of Arts.

Masson designs the cover of Minotaure 12-13, which contains Breton’s article Prestige d’André Masson. Reformed, Masson shut himself away in his painting and his reflections on art, banished the press and read metaphysical, scientific and philosophical works.

The Massons fled to Georges Bataille’s home in the Cantal. Rose and her sons are in danger from the racial laws of October. Masson worked on the drawings for Anatomie de l’Univers. They then took refuge in Marseille, where many Surrealists were also present. They frequented the Villa Air-Bel and the Mercredis des Cahiers du Sud. Peggy Guggenheim buys Masson a painting.

The Massons stayed in a pavilion at the Château de Montredon with Lily Pastré, founder of the American Relief Committee for artists and intellectuals threatened by the Vichy regime. The Massons awaited their American and French visas. The collector and painter Sadie A. May interceded on their behalf with the American authorities.

1941-1945

En janvier, Varian Fry confirme que les visas et billets pour Lisbonne-New York sont prêts. Le Comité de Secours intervient pour le trajet Marseille-Lisbonne.

En février, Masson échange des courriers avec la sculptrice Isabelle Waldberg, qui s’est réfugiée chez les Haviland à Mont-Louis il a bon espoir. Il lui envoie également les deux textes des Mythologies qu’elle lui a commandés pour la revue Acéphale. Les Cahiers du Sud publient Peindre est une gageure, rédigé par Masson. Les Masson s’embarquent pour les États-Unis le 31 mars. Le bateau fait escale trois semaines en Martinique, en avril-mai, où se trouvent André Breton et Wilfredo Lam. Ils rencontrent Suzanne et Aimé Césaire.

In January, Varian Fry confirmed that the visas and tickets for Lisbon-New York were ready. The Comité de Secours helps with the Marseille-Lisbon journey.

In February, Masson exchanges letters with the sculptor Isabelle Waldberg, who has taken refuge with the Havilands in Mont-Louis; he is hopeful. He also sends her the two Mythologies texts she has commissioned for the journal Acéphale. Cahiers du Sud publishes Peindre est une gageure, written by Masson. The Massons set sail for the United States on 31 March. In April-May, the boat stopped over in Martinique for three weeks, where André Breton and Wilfredo Lam were staying. They met Suzanne and Aimé Césaire.

Les Masson débarquent à New York fin mai puis s’installent dans le Connecticut. La nature américaine ainsi que la culture amérindienne stimulent l’imaginaire de Masson. Il réalise les illustrations pour le récit poétique d’André Breton, Martinique, charmeuse de serpents. À la suite d’un accord avec Kahnweiler, Masson est représenté aux États-Unis par Curt Valentin de la Galerie Buchholz, à New York. Le Musée de Baltimore lui consacre une exposition rétrospective.

Masson découvre la peinture chinoise au musée de Boston. Ses œuvres participent à plusieurs expositions collectives et intéressent les expressionnistes abstraits américains. L’exposition du Withney Museum, European artists in America, présente sept œuvres de Masson. Les Masson rentrent en France en octobre 1945.

The Massons disembarked in New York at the end of May and settled in Connecticut. American nature and Native American culture stimulated Masson’s imagination. He produced the illustrations for André Breton’s poetic story Martinique, charmeuse de serpents. Following an agreement with Kahnweiler, Masson is represented in the United States by Curt Valentin of the Buchholz Gallery in New York. The Baltimore Museum devotes a retrospective exhibition to him.

Masson discovers Chinese painting at the Boston Museum. His works take part in several group exhibitions and interest American abstract expressionists. The Withney Museum exhibition, European artists in America, features seven works by Masson. The Massons return to France in October 1945.

1946-1949

Une exposition individuelle au Palais des beaux-arts de Bruxelles présente une quarantaine d’œuvres peintes par Masson aux États-Unis. Il collabore à nouveau avec JeanLouis Barrault puis avec Jean-Paul Sartre pour des décors et costumes de théâtre.

L’année suivante, la famille Masson s’installe au Tholonet, près d’Aix-en-Provence. Le paysage devient un thème majeur dans ses toiles et l’influence de la peinture chinoise y apparaît. À la saison des corridas, Michel Leiris entraîne Masson à Nîmes. Il lui présente son « mentor dans la planète des taureaux », André Castel, dont le laboratoirebodega accueille matadors et musiciens de flamenco. L’exposition Terre érotique, place Vendôme à Paris, est censurée puis fermée par la police.

A solo exhibition at the Palais des Beaux-Arts in Brussels presented around forty works painted by Masson in the United States. He worked again with Jean-Louis Barrault and then with Jean-Paul Sartre on theatre sets and costumes.

The following year, the Masson family moved to Le Tholonet, near Aix-en-Provence. Landscape became a major theme in his paintings, and the influence of Chinese painting was apparent. During the bullfighting season, Michel Leiris took Masson to Nîmes. He introduced him to his ‘mentor in the world of bulls’, André Castel, whose bodega-laboratory welcomed matadors and flamenco musicians. The Terre érotique exhibition at Place Vendôme in Paris was censored and then closed by the police.

1950-1957

Masson assiste à des corridas à Arles et Béziers avec les Leiris et Germaine Lascaux. Les expositions à travers l’Europe se succèdent André Masson et Alberto Giacometti à la Kunsthalle de Bâle, participation à la XXVII biennale de Venise, une rétrospective à Londres. Masson travaille par séries thématiques, sur plusieurs années. Rendant souvent visite au psychiatre Jacques Lacan, ce dernier lui demande de peindre un nouveau panneau de bois pour couvrir L’origine du monde de Courbet. Le bleu du ciel de Georges Bataille paraît. L’ouvrage, terminé à Tossa en 1935, est dédié à Masson par l’écrivain, qui est très malade. Jean Grémillon réalise André Masson et les quatre éléments, un entretien avec l’artiste dans son atelier du Tholonet.

Masson attends bullfights in Arles and Béziers with the Leiris family and Germaine Lascaux. Exhibitions followed one another across Europe: André Masson and Alberto Giacometti at the Kunsthalle in Basel, participation in the XXVII Venice Biennale, a retrospective in London. Masson worked in thematic series over several years. A frequent visitor to the psychiatrist Jacques Lacan, he is asked to paint a new wooden panel to cover Courbet’s L’origine du monde. Georges Bataille’s Le bleu du ciel appeared. The work, completed in Tossa in 1935, was dedicated to Masson by the writer, who was very ill. Jean Grémillon makes André Masson et les quatre éléments, an interview with the artist in his studio at Le Tholonet.

La peinture de Masson a pris un caractère très abstrait. Les toiles sont peintes au jet de peinture et à l’aérographe. Des collages, notamment de plumes ou encore des empreintes d’éléments naturels comme des feuilles, sont parfois appliqués. Le travail de Masson reflète ses interrogations sur la relation entre peinture et écriture. Une rétrospective de son œuvre gravé se tient à Tokyo. Il réalise les décors et costumes pour Tête d’or de Paul Claudel, mis en scène par Jean-Louis Barrault. Une peinture murale est installée dans la maison de Jacques Lacan. Masson peint la série Prisons. Son fils Diego et sa nièce Laurence Bataille ont été emprisonnés pour leur prise de position en faveur de l’indépendance de l’Algérie.

Masson’s painting took on a very abstract character. The canvases were spray-painted and airbrushed. Collages, in particular of feathers or imprints of natural elements such as leaves, were sometimes applied. Masson’s work reflects his questioning of the relationship between painting and writing. A retrospective of his engraved work is being held in Tokyo. He designed the sets and costumes for Paul Claudel’s Tête d’or, directed by Jean-Louis Barrault. A mural is installed in Jacques Lacan’s house. Masson paints the Prisons series. His son Diego and his niece Laurence Bataille were imprisoned for their stance in favour of Algerian independence.

Masson se rend à Rome pour son exposition au Studio DueCi, qui édite par la suite ses sculptures en bronze. En 1981, le musée d’art moderne de Céret présente une cinquantaine d’œuvres de Masson, avec le soutien de Louise Leiris et Maurice Jardot. Le Centre Georges Pompidou achète La Pythie, œuvre majeure de la période américaine. C’est le début d’enrichissements importants du Musée avec l’acquisition de dessins à la galerie Leiris puis grâce à la donation Louise et Michel Leiris dans laquelle figurent les tableaux Les Villageois et La Pythie. André Masson participe à plusieurs interviews filmées, notamment avec Georges Duby. Incapable de rester statique devant la toile, il cesse de peindre car il ne peut plus marcher. Il continue tout de même son activité graphique jusqu’en 1985. Il séjourne dorénavant à Paris.

Masson travels to Rome for his exhibition at Studio DueCi, which subsequently publishes his bronze sculptures. In 1981, the Céret Museum of Modern Art presents around fifty works by Masson, with the support of Louise Leiris and Maurice Jardot. The Centre Georges Pompidou bought La Pythie, a major work from the American period. This marked the beginning of major additions to the museum, with the acquisition of drawings from the Leiris gallery and the Louise and Michel Leiris donation, which included the paintings Les Villageois and La Pythie. André Masson took part in several filmed interviews, notably with Georges Duby. Unable to remain static in front of the canvas, he stopped painting because he could no longer walk. He nevertheless continued his graphic work until 1985. He now lived in Paris.

Masson est consultant au conseil des musées nationaux pour les acquisitions. Georges Bataille décède en juillet. Une crise cardiaque paralyse le bras droit de Masson. Une grande rétrospective est organisée au Musée national d’art moderne de Paris.

André Malraux lui commande le décor du plafond de l’Odéon. Masson travaille toujours pour le monde du théâtre, avec Jean-Louis Barrault, Georges Limbour.

Sur la base de dessins érotiques de Masson, Nelly Kaplan tourne le film À la source, la femme aimée. La version publique est censurée. Masson séjourne à Bruges et Anvers. Une rétrospective est organisée au musée Cantini, à Marseille.

Masson is a consultant to the National Museums Council for acquisitions. Georges Bataille dies in July. A heart attack paralyses Masson’s right arm. A major retrospective is organised at the Musée National d’Art Moderne in Paris.

André Malraux commissions Masson to decorate the ceiling of the Odéon. Masson continued to work for the theatre, with Jean-Louis Barrault and Georges Limbour.

Based on Masson’s erotic drawings, Nelly Kaplan makes the film À la source, la femme aimée. The public version was censored. Masson stays in Bruges and Antwerp. A retrospective exhibition is held at the Musée Cantini in Marseille.

Les éditions Skira publient le texte Mémoire du monde d’André Masson.

Une anthologie de ses écrits paraît également aux éditions Hermann. Une rétrospective est organisée par William Rubin au MoMA, New York, présentée ensuite à Houston puis au Grand Palais à Paris. Masson termine une suite de gravures pour Chants d’ombre de Léopold Sedar Senghor. Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris présente une grande rétrospective de ses dessins. Denise Tual tourne André Masson ou l’imagination surréaliste.

Editions Skira publishes André Masson’s Mémoire du monde.

An anthology of his writings was also published by Hermann. A retrospective exhibition is organised by William Rubin at MoMA, New York, then presented in Houston and at the Grand Palais in Paris. Masson completes a suite of engravings for Léopold Sedar Senghor’s Chants d’ombre. The Musée d’art moderne de la Ville de Paris presents a major retrospective of his drawings. Denise Tual films André Masson ou l’imagination surréaliste.

Une exposition présente au Théâtre du Rond-Point ses créations de décors et costumes. L’éditeur André Dimanche édite le Jeu de cartes de Marseille. La donation Leiris fait l’objet d’une exposition au Centre Pompidou. En janvier 1986, il participe à l’émission radiophonique Les chantiers de Dédale de Jacques Munier, en compagnie de Michel Leiris, Françoise Levaillant, André Lahumière (France culture, Atelier de création radiophonique). Des œuvres de Masson participent à l’exposition sur le surréalisme organisée par Germain Viatte à Marseille. Masson a cessé son activité graphique mais reste un lecteur très averti. Rose Masson décède en août. En 1987, David Sylvester organise une grande rétrospective des dessins d’André Masson à Londres. Ce sera le dernier voyage de l’artiste. II décède le 28 octobre à Paris.

An exhibition of his set and costume designs at the Théâtre du Rond-Point. André Dimanche publishes Jeu de cartes de Marseille. The Leiris donation is the subject of an exhibition at the Centre Pompidou. In January 1986, he takes part in Jacques Munier’s radio programme Les chantiers de Dédale, in the company of Michel Leiris, Françoise Levaillant and André Lahumière (France culture, Atelier de création radiophonique). Works by Masson take part in the exhibition on surrealism organised by Germain Viatte in Marseille. Masson ceases his graphic activity but remains a keen reader. Rose Masson died in August. In 1987, David Sylvester organised a major retrospective of André Masson’s drawings in London. It was to be the artist’s last trip. He dies on 28 October in Paris.

Création du Comité André Masson. Creation of the André Masson Committee.

Exposition organisée dans le cadre du parcours Paris Surréaliste, organisé par le Comité Professionnel des Galeries d’art et le Centre Pompidou autour de l’exposition « Surréalisme » au Centre Pompidou du 4 septembre 2024 au 13 janvier 2025.

Exhibition organized as part of the Paris Surréaliste parcours, organized by the Comité Professionnel des Galeries d'art and the Centre Pompidou around the “Surrealism” exhibition at the Centre Pompidou from September 4, 2024 to January 13, 2025.

Nous tenons à remercier tous les prêteurs qui ont accepté de prêter leurs œuvres pour cette exposition. C'est grâce à leur choix et leur soutien que l'œuvre d'André Masson continuera à vivre.

Nous remercions également la famille Masson, Diego Masson pour son amitié indéfectible depuis plus 30 ans, ainsi que Sonia Masson, dont les lectures surréalistes ont souvent accompagné les expositions de la galerie ces quinze dernières années.

Enfin, nous tenons à remercier le Comité Professionnel des Galeries d’Art, ainsi que le Centre Pompidou Paris d'avoir inclus cette exposition dans son événement Paris Surréaliste. En particulier Mme. Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz, dont la rétrospective d'André Masson a connu cette année un très grand succès, et M. Didier Ottinger, directeur-adjoint du Centre Pompidou, qui a toujours défendu l'œuvre d'André Masson et a été à l’initiative de nombreuses expositions internationales sur son travail.

We would like to thank all the lenders that have agreed to loan their works for this exhibition. It is thanks to their unwavering support that the work of André Masson can keep living on.

We also thank the Masson family, especially the departed Guite Masson, who enterprised the enormous work creating the Catalogue raisonné of the artist’s work, as well as Sonia Masson, whose readings of surrealist texts have always been a perfect support to some of my exhibitions.

Finally, we would like to thank the Comité Professionnel des Galeries d’Art and the Centre Pompidou for their inclusion of this exhibition in their Paris Surréaliste event. In particular Chiara Parisi, director of the Centre PompidouMetz, whose retrospective of André Masson this year was a wonderful success, and Didier Ottinger, directeur-adjoint of the Centre Pompidou, who has always championed the work of André Masson and has been at the origin of countless international exhibitions around his work.

Texts by Diana Durlanescu

Graphic design by Catarina Borges de Castro

Printing by Grafisol

Scenography by René Bouchara Design

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