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2) Critiques croissantes à l’égard du capitalisme

aggravée. Je pense que c’est dû en partie aux entreprises, en partie aux politicien-nes et en partie au fait que les gens sont contrariés, en colère et anxieux. »

Helen Antoniou, mentore exécutive et présidente du conseil d’administration de l’Université Concordia, souligne que « l’impact de l’érosion des relations entre les entreprises et la société est la polarisation du discours ». Indira Samarasekera, membre du conseil d’administration de la Banque Scotia, de Magna International, de TC Energy et de Stelco, et conseillère principale chez Bennett Jones LLP, déplore qu’il y ait actuellement dans le monde une abondance de mésinformation et de désinformation qui conduit les citoyen-nes à ne plus savoir à qui faire confiance. Elle estime que cela limite la société à un discours non rationnel, car on ne s’entend pas sur des principes de faits. Un nombre considérable de participant-es à l’enquête expliquent qu’ils et elles soupçonnent que cela peut conduire à de mauvaises décisions sur des sujets importants tels que le rôle approprié et souhaité des entreprises dans la société.

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Brianna Brown pense que ce même genre de division s’observe également entre des entreprises et leurs employé-es : « Il y a une déconnexion croissante, non seulement entre les entreprises et la société au sens large, mais aussi entre les entreprises et leurs employé-es lorsque ceux/celles-ci constatent un écart important entre ce que fait l’entreprise et ce qui leur tient à cœur en tant qu’employé-es et du point de vue personnel. »

La plupart des participant-es à l’enquête conviennent que la réputation des industries dans leur ensemble, et même du monde des affaires en général, peut être ternie par quelques « pommes pourries » agissant de manière irresponsable ou égoïste. Certain-es participant-es à l’enquête affirment que c’est une raison supplémentaire pour laquelle les chef-fes d’entreprise devraient se soucier grandement de renforcer les relations entre la société et les entreprises, et sont optimistes quant à l’occasion que cela représente pour les entreprises d’en faire plus, ce qui peut être bénéfique pour la société et pour les résultats de base de l’entreprise.

« Les entreprises créent des emplois, de la richesse et des investissements. C’est ce que nous faisons. Alors si les gens perdent confiance en nous, en quoi auront-ils confiance? » – Louis Audet, président exécutif du conseil d’administration, Cogeco inc.

2) Critiques croissantes à l’égard du capitalisme

« Je pense que la population comprend et croit que le système capitaliste est bon pour la création de richesses et le développement économique, mais il y a de plus en plus d’inquiétude concernant la concentration des ressources, la vie privée et la disparité des revenus. » – John Manley, président du conseil d’administration de la CIBC

L’état et les règles du système économique dans lequel une entreprise opère auront clairement un impact sur son succès économique et financier. Pour cette raison, il est primordial que les chef-fes d’entreprise s’occupent de la conversation sur le rôle des entreprises dans la société, car tout résultat découlant de cette conversation aura très probablement un impact profond sur le mode de fonctionnement du capitalisme à l’avenir.

Un nombre considérable de participant-es à l’enquête ont signalé des bienfaits du capitalisme, notamment la prospérité qu’il a générée ainsi que l’ingéniosité humaine et l’innovation qu’il a stimulées. Néanmoins, un nombre important de participant-es ont reconnu que le capitalisme comporte des lacunes dans sa forme actuelle.

Tariq Fancy, ancien directeur de l’investissement durable chez BlackRock Investments, commente : « Malgré les nombreux progrès réalisés en matière de développement humain ces dernières années, le monde

demeure confronté à de nombreux défis de grande envergure, allant des changements climatiques à l’inégalité croissante des richesses et des opportunités. Bien que le capitalisme ait permis de réaliser des progrès et une prospérité considérables, de nombreuses personnes ont commencé depuis quelques années à remettre en question un système dont les effets secondaires exercent une pression croissante sur les gens et sur la planète. »

L’idée selon laquelle le capitalisme doit être modernisé semble bénéficier d’un large appui du public – et même au cœur du système capitaliste. Un sondage réalisé en mai 2020 par JUST Capital et The Harris Poll, aux États-Unis, a conclu : « Il est clair que le peuple étatsunien, sans égard au profil démographique et aux convictions politiques, veut du changement. Nos six années de sondage ont toujours pointé en ce sens, mais les résultats de notre plus récent sondage (...) sont forts, clairs et urgents. Seul-es 25 % des Étatsunien-nes pensent que le capitalisme fonctionne aujourd’hui pour la société. »

La situation n’est pas différente au Canada, selon la plupart des participant-es à notre enquête : les entreprises canadiennes subissent également une pression et des attentes accrues. Mark Little, président et chef de la direction de Suncor Energy Inc., déclare : « Je pense qu’il y a une certaine pression, due en partie au fait que les gens considèrent que le système existant a tellement échoué. » Le président du Business Council of Alberta, Adam Legge, souligne que des données récentes suggèrent qu’un grand nombre de Canadien-nes ne croient pas nécessairement que leur vie sera meilleure si les entreprises du pays font mieux.

Une récente étude appuie l’opinion de plusieurs participant-es à notre enquête, à savoir que les Canadien-nes souhaitent une réforme du capitalisme : 55 % des Canadien-nes « croient que le capitalisme devrait être réformé pour être plus inclusif, plus équitable et plus responsable » et 17 % sont d’avis que le capitalisme devrait être remplacé complètement. 6

Certain-es participant-es à l’enquête suggèrent carrément que le capitalisme doit changer. Peter Wrinch est de ceux/celles qui préconisent le changement : « Je ne crois même plus que le statu quo soit possible. Je pense que l’inégalité qui est tellement ancrée dans notre culture d’entreprise n’est plus pardonnable. Les gens ne sont plus disposés à tolérer cela. » Darcy Riddell plaide pour le remplacement complet du capitalisme : « J’ai l’impression que le capitalisme n’est pas une solution durable sur cette planète. »

Souvent, les défenseur(-euse)s des principes du capitalisme soulignent que celui-ci récompense des comportements positifs tels que le travail acharné, la poursuite de l’éducation et de la formation ou les risques calculés. Joel Solomon affirme que ces concepts peuvent avoir plus de sens en théorie qu’en pratique : « Nous avons construit quelque chose qui semble excellent sur papier – récompenser ceux/celles qui travaillent dur et sont les plus futé-es – mais nous permettons une concentration extrême des ressources dans un petit nombre, sans aucune limite. »

Bon nombre de participant-es à l’enquête nous avertissent que des changements se profilent à l’horizon. Certain-es ajoutent qu’ils et elles craignent qu’il s’agisse d’un changement qui jetterait radicalement le capitalisme à la poubelle au lieu de le moderniser. Selon Tariq Fancy : « Il y a une perception publique croissante selon laquelle il n’y a qu’une seule version du capitalisme, une version biaisée en faveur d’élites et des entreprises qui profitent d’activités monopolistiques et de recherche de rente, ce qui conduit souvent à la conclusion que le capitalisme lui-même est le problème. »

Une partie des participant-es à l’enquête préviennent que si le capitalisme n’est pas modernisé rapidement et de bon gré par le monde des affaires, il pourrait se voir modernisé de force. Mary Ellen Schaafsma, directrice du Social Purpose Institute, tire la sonnette d’alarme, affirmant que l’inégalité et les niveaux actuels

d’écart de richesse sont d’ampleur comparable à celle des problèmes d’époques de grands bouleversements de société. Lloyd M. Segal, chef de la direction de Repare Therapeutics, conseille de prendre cette possibilité au sérieux : « L’histoire nous a montré que lorsque l’écart entre les revenus et la richesse devient trop grand, les systèmes tels qu’ils sont à ce moment s’effondrent. »

Le très honorable David Johnston, ancien gouverneur général du Canada, implore les dirigeant-es d’apprendre du passé : « L’Empire romain a commencé à s’effondrer non seulement parce qu’il a étendu trop loin ses lignes d’approvisionnement, mais aussi parce qu’il a eu besoin de surveillants pour surveiller les surveillants. Et les inégalités de richesse, donc de pouvoir, sont devenues si grandes qu’il y a eu pourriture de l’intérieur. »

Jean La Rose estime qu’il existe actuellement une disparité importante entre les riches et les pauvres et que cette disparité est mise en évidence par la pandémie de COVID-19. Il souligne : « Chaque fois qu’il y a eu de grands bouleversements dans le monde, ils se sont produits lorsque des gens qui n’ont rien à perdre ont décidé qu’ils n’allaient plus accepter le statu quo. Je nous vois dériver vers cela. » Certain-es participant-es à l’enquête soulignent que, d’une certaine manière, le monde voit ce bouleversement commencer par de nombreux mouvements sociaux importants qui, récemment, ont eu pour noyau des personnes qui en ont assez des inégalités et des injustices systémiques auxquelles elles sont confrontées; certains citent des mouvements tels que les manifestations à Hong Kong et au Brésil, Occupy Wall Street et Black Lives Matter.

Parallèlement, certain-es participant-es à l’enquête s’inquiètent de la capacité d’une société à résoudre les problèmes systémiques d’un système économique donné. Par exemple, Vic Huard s’inquiète de « la difficulté de notre système économique actuel à répondre aux inégalités ».

De plus, un grand nombre de personnes à travers le monde sont d’avis que l’un des impacts de la pandémie de COVID-19 est la pression accrue pour non seulement moderniser le capitalisme, mais aussi pour accélérer la réforme. Un sondage réalisé aux États-Unis en mai 2020 par JUST Capital et The Harris Poll a révélé que « 85 % des personnes interrogées trouvent que la crise du coronavirus a mis en évidence des inégalités structurelles sous-jacentes dans notre société. Il est indéniable que la COVID-19 et ses retombées ainsi que les protestations nationales suscitées par l’assassinat de George Floyd sont des moments catalyseurs de l’histoire des États-Unis. »

Lisa Kimmel affirme que le même phénomène se produit au Canada : « La COVID-19 a vraiment mis en lumière les problèmes systémiques d’injustice sociale et d’inégalité des revenus qui existent dans tous les pays du monde. (...) 60 % des répondant-es canadien-nes ont déclaré que la pandémie leur a fait réaliser à quel point le fossé entre les riches et la classe ouvrière est grand, dans notre pays, et qu’il faut faire quelque chose pour distribuer plus équitablement la richesse et la prospérité du pays. »

Avec l’afflux mondial dû à la pandémie de COVID-19, le monde est confronté à d’importantes incertitudes. Toutefois, une chose est claire : les voix qui demandent la modernisation du capitalisme résonnent plus fort.

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