Justine Mettraux & TeamWork sur le Vendée Globe
La Polynésie en régate ou en croisière
Les nouvelles exclusives d’Alinghi Red Bull Racing
Mondiaux de 8mJI et d’IQFoil : la Suisse terre de régate
Plongeon dans le mythe Amel
Vers les sommets
Le jury des SUI Sailing Awards aura fort à faire pour désigner les nominés pour les saisons 2021-2022, car les années passent et les projets véliques suisses sont de plus en plus ambitieux et nombreux. La grande nouvelle de l’été est à retrouver en couverture. Le rachat de Charal par TeamWork et Justine Mettraux place la Suisse au rang de première nation étrangère sur le circuit IMOCA. Avec Alan Roura et Oliver Heer également en lice sur la Route du Rhum, les chances de voir nos compatriotes s’illustrer sont excellentes. D’ici deux ans, notre nation vélique pourrait écrire une nouvelle page de son histoire sur l’America’s Cup. Alinghi Red Bull Racing a passé la seconde, s’est installé dans ses quartiers de Barcelone, peaufine sa préparation, son équipe et le design de son futur bateau. Un dossier complet est à retrouver dans nos pages. Cet été, la Suisse a connu une avalanche de titres mondiaux. Axel Grandjean et Noémie Fehlmann enchaînent les succès en Nacra 15, Christian Zuerrer a été sacré champion du monde de GC32 – il succède notamment à Alinghi et Team Tilt déjà passés par là – et Jean Fabre décroche une nouvelle couronne mondiale en 8mJI, à Genève, où se tenait un championnat organisé en grande pompe à l’occasion des célébrations des 150 ans de la Société Nautique de Genève. L’actualité sportive est riche, mais ce numéro est aussi placé sous le signe de l’évasion. Embarquez avec nos reporters pour la Polynésie, en mode croisière pure ou en mode course-croisière sur la Tahiti Pearl Regatta. Continuez à découvrir des mers septentrionales avec Marie Vuilleumier qui, après la Norvège, nous emmène à bord de son yawl de 1912, en Écosse, dans les Shetland. Si vous aimez le sport, le farniente et l’aventure, ce Skippers est fait pour vous.
Quentin Mayerat Rédacteur en chef
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Essais
Huahine, l’autre perle du Pacifique
Un peu à l’écart, à l’ombre de sa voisine, l’ogre médiatique Bora-Bora, l’île de Huahine a su préserver une rare authenticité. Toute en discrétion, elle propose une attachante alternative aux traditionnelles croisières parmi les îles Sous-le-Vent.
Suspendu en entre-deux, Rasdu, notre compagnon de voyage, semble s’être affranchi de toute loi de la pesanteur. Seul lien physique, une ancre et sa chaîne nous relient mollement au fond et au réel. L’eau est si translucide, si figée que sa surface s’est estompée. Impossible d’estimer ou juger sa hauteur, tout repère a disparu. La nage flegmatique planée de petits requins à pointes noires sous les deux coques du catamaran indique qu’au moins, le pied de pilote est respecté !
Incontournable première étape au départ des bases de charter de Raiatea, le mouillage du motu Mahaea dans l’est de Taha’a condense tout ce qui fait la renommée internationale d’une croisière dans les îles Sous-le-Vent. Une immense zone de récifs avec des cotes inférieures à trois mètres d’eau, des fonds sableux d’une blancheur aveuglante par plein soleil parsemés de quelques patates de corail, en touche de perfection, poissonneuses à souhait, des couleurs marines psychédéliques, un petit motu (îlot de sable) posé sur la couronne récifale ombragée par de longs et sveltes cocotiers. Le temps y passe avec indolence, sous la caresse des risées rafraîchissantes et la litanie du ressac.
Pour un programme de location d’une semaine à marche non forcée, le tour de Taha’a combiné surtout à une exploration de Bora-Boa, mondialement connue comme « la Perle du Pacifique », est très largement plébiscité. Les deux lagons offriront à satiété les mêmes pleines sensations qu’à l’abord du motu Mahaea, jardins de corail, raies manta et raies léopards en prime.
Cap sur Huahine, la discrète Plutôt que de céder à ce sacro-saint pèlerinage, qu’une grande partie de l’équipage a, avouons-le, eu la chance de déjà goûter lors de précédents voyages, nous prenons la décision de lui tourner le dos en mettant résolument la barre plein est, cap sur Huahine, l’authentique. Envie d’ailleurs, d’une autre Polynésie moins touristique, loin des chambres d’hôtel sur pilotis, des lunes de miel et des activités nautiques encadrées.
À l’exception de la liaison Raiteea/Taha’a, ces deux sœurs partageant un même lagon navigable, gagner une île dans l’archipel Sous-le-Vent procède toujours du même scénario, trouver une porte de sortie à travers la barrière récifale, la franchir, quitter le calme intérieur protecteur et s’aventurer sans transition sur la longue houle du large pour une palanquée de milles vers un relief lointain. La passe Toahotu à l’abord du motu Mahaea sera notre sésame pour le Pacifique. Le grand océan nous accueille sans ambages avec un franc train de vagues de deux à trois mètres de secteur sud-est. Notre Bali 45 de Dream Yacht Charter encaisse sans broncher, Huahine en ligne de mire 23 milles au vent. Bien qu’un peu chahuté, l’équipage trouve rapidement ses marques
Texte ) Erwann Lefilleul Photos ) Bertrand Duquenne
À PEINE LA PASSE FRANCHIE, RASDU S’ENFONCE PLEIN SUD LONGEANT
L’ÎLE FEMME ET SA TÊTE TOURNÉE VERS LE CIEL.
À L’ÉTROITESSE
GRÂCE
DU LAGON, LA NATURE, RUSTIQUE ET DÉLURÉE, N’EST JAMAIS BIEN LOIN DES ZONES DE MOUILLAGE.
entre actifs et contemplatifs. Notre petite société se compose d’un joli mélange, entre Bertrand et Erwann, marins de métropole ayant plusieurs virées en Polynésie à leur actif, pour le savoir-faire maritime, Laura l’expatriée de Raiatea et Violetta la fleur des îles, l’amie de longue date, pour la connaissance amoureuse de leur paradis, et Antoine, apprenti marin et néophyte en ces lieux, pour le regard émerveillé des premières fois.
Vent faible, ciel plombé parsemé de violents grains lâchant sur nos têtes un déluge fumant, un coup de Mara’amu, ce vent de suet perturbé, s’est invité pour 48 heures. La Polynésie n’est pas que soleil torride et douce torpeur, elle sait rappeler au voyageur que son climat est tropical… et humide, en témoigne le vert flamboyant de la végétation qui partout exulte. Face à ce lot de grisailles, il n’y a dès lors d’autre sagesse que d’accepter ces aléas comme prix de la croisière. Nous n’omettrons toutefois pas d’invoquer la force des tikis, ces
CHAQUE FIN D’APRÈS-MIDI EST PONCTUÉE PAR UN COUCHER DE SOLEIL FLAMBOYANT IMMANQUABLEMENT SAVOURÉ, L’ÉQUIPAGE ENTIER RÉUNI.
DU HAUT DU MONT TEAPAA SE DÉVOILE EN EXUBÉRANCES CHROMIQUES UNE GÉOGRAPHIE MARINE FOLLEMENT BELLE.
figures de pierre abritant l’esprit des dieux et des ancêtres, histoire d’assurer un salutaire petit coup de pouce du destin.
La belle endormie
Au fil des milles gagnés sur le vent, « l’île femme » dévoile progressivement les charmes de son galbe, tout en reliefs montagneux exubérants de verdures. Il est dit que la ligne de crêtes du mont Tavaiura dessine une silhouette féminine, beauté enceinte et allongée, visage tourné vers le ciel. Littéralement, Huahine signifie en Tahitien « sexe de la femme », cette étymologie viendrait de cette particularité, pas si évidente à déceler au premier coup d’œil, ou bien, autre version répandue, de l’histoire politique locale qui n’aurait vu se succéder que des reines.
Promesse d’une belle rencontre amoureuse, le lagon ne saurait se laisser gagner facilement. Il faut savoir en trouver les passes. Difficile, côté mer, de déchiffrer ce bouillonnement fourni, rencontre brutale entre la houle hauturière et le récif, qui semble s’étirer sans faille. Il faut s’en remettre aux cartes GPS puis au balisage (rouge à bâbord, vert à tribord dans le sens entrant) pour lever toute incertitude. En dépit de ces aides précieuses, s’engouffrer entre les trains de vagues hargneusement tubulaires en bordures latérales des passes d’Avamoa ou d’Avapehi demeure un spectacle impressionnant.
Magie des barrières coralliennes, un calme complet succède à l’agitation marine, un cocon protecteur, vaste terrain de découvertes, s’offre à nous. Huahine est la réunion de deux îles volcaniques, Huahine Nui et Huahine Iti, fendues par la pirogue du dieu Hiro, si faiblement distantes qu’un simple pont uniquement franchissable par de petites embarcations suffit à rattacher ce que le lent travail de sape de l’érosion a certainement séparé. La végétation, sauvage ou maîtrisée par une agriculture raisonnée, toujours exubérante, est omniprésente. Seuls quelques modestes villages parsèment le littoral offrant une discrète capacité d’accueil très loin du tourisme invasif de masse.
Beaucoup plus restreintes qu’à Raiatea/Taha’a et Bora-Bora, les eaux intérieures n’offrent qu’une navigabilité partielle. La façade ouest contient l’essentiel des mouillages le long d’un fin lagon d’à peine 500 mètres