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skippers Guide

La présentation des équipes 173 ans d’histoire Voyager à Barcelone pour la Coupe

Les AC75 sous toutes les coutures

Un trophée et des centaines d’histoires à partager

Il était une fois un petit pays sans accès à la mer qui rêvait de s’inviter au banquet des grandes nations de la voile. À la surprise générale, il parvint non seulement à se hisser à leur niveau, mais également à diriger les festivités durant sept belles années. Ainsi naquit la passion suisse pour le plus vieux trophée sportif de l’ère moderne. À l’heure où le défi suisse est de retour, bien décidé à graver à nouveau ses nobles lettres sur la mythique Aiguière, Skippers vous propose d’embarquer une fois de plus à son bord pour vivre la légende. Du 22 août, date de la première régate préliminaire, au 27 octobre, date du dernier jour de réserve pour l’America’s Cup Match, Barcelone sera, à n’en pas douter, l’épicentre planétaire de la voile. Pour tout comprendre des enjeux, mieux connaître les forces en présence et accumuler quantité d’informations utiles, que vous souhaitiez suivre la manifestation sur place ou depuis chez vous, Skippers a relevé le défi d’éditer le guide que vous tenez entre vos mains. Nos journalistes spécialisés sont allés glaner multitude d’informations croustillantes qui, à coup sûr, éveilleront votre curiosité et étofferont votre savoir. À l’heure d’imprimer ce supplément, je profite de ces quelques lignes pour féliciter mon prédécesseur à la rédaction de Skippers, Pierre-Antoine Preti, dont nous célébrons le retour régulier dans nos colonnes. Nous lui devons en grande partie ce supplément et espérons que chacun saura en mesurer la qualité. Notre rédaction vous souhaite de vivre de magnifiques moments d’émotion partagée à l’occasion du retour de l’America’s Cup sur notre Vieux Continent.

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Ryan Pellett

Ce vendredi 22 août 1851, les 15 équipages engagés dans la Coupe des 100 Souverains – ou Coupe des 100 Guinées – n’imaginent pas qu’en régatant autour de l’île de Wight ils écrivent une première page historique. De ce qui s’avérera, 173 ans plus tard et à la veille de la 37e édition, comme le plus ancien trophée sportif mondialement connu, l’America’s Cup. Le plus gros gouffre à millions, même à milliards de dollars de toute l’histoire de la voile.

Texte ) Jacques-Henri Addor

La reine Victoria adore l’île de Wight, au point qu’elle s’y fait construire le château de Osborne House. En 1851, pour créer un événement nautique en rapport avec la Grande Exposition universelle de Londres, elle demande au commodore du Royal Yacht Squadron d’organiser une course à la voile autour de l’île, la Coupe des 100 Guinées. Le trophée qui récompensera le vainqueur est une aiguière d’argent réalisée par l’orfèvre londonien Robert Garrard. Les Américains sont venus spécialement des États-Unis avec la goélette America , pour se mesurer aux rapides yachts anglais. Tout le monde pense que les marins britanniques seront les plus forts et qu’ils vont gagner. Mais ce n’est pas exactement ce qu’il se passe… La goélette America est la plus rapide et repart pour l’Amérique avec l’Aiguière d’argent. Selon les règles établies par le Royal Yacht Squadron, elle sera remise en jeu et reviendra au prochain yacht club vainqueur. L’équipage d’ America remet l’aiguière au New York Yacht Club, l’assortissant d’un acte de donation, le Deed of Gift, qui régit aujourd’hui encore les règles de l’épreuve –certes avec quelques modifications intervenues au fil du temps.

Le New York Yacht Club rebaptise la course du nom de la goélette victorieuse en 1857. Elle n’est toutefois pas réorganisée avant 1870, en raison de la Guerre de Sécession (1861 – 1865). Les Anglais

reviennent concourir en eaux américaines avec la goélette Cambria, 32,91 m de long, 188 tonnes et 830 m2 de toile, mais finissent 8es face aux 14 bateaux du New York Yacht Club. Le trophée leur échappe largement. Bien que victorieuse autour de l’île de Wight, America va connaître plusieurs propriétaires successifs et aussi une série de malheurs. Elle est cédée aux Confédérés (les Sudistes) pour forcer le blocus que leur imposent les troupes de l’Union (les Nordistes). Les soldats de l’Union sabordent le bateau en 1862, après la prise de Jacksonville. Renflouée et même armée de trois canons, l’America est utilisée pour soutenir ce même blocus que les Confédérés entendaient forcer. Finalement, la goélette sera détruite en 1942, dans l’effondrement du hangar où elle était remisée.

1re jauge

Après leur défaite en 1870, les Anglais reviennent auprès du New York Yacht Club et proposent de se mesurer en duels, plutôt qu’en régates à plusieurs bateaux. Les Américains acceptent pour autant qu’ils puissent décider du bateau avec lequel ils défendront la coupe. Et c’est ainsi qu’en 1876, lors de la 3e édition, l’America’s Cup prend le format qu’on lui connaît toujours aujourd’hui : un challenger défie un defender. Pour équilibrer les chances, le New York Yacht Club édicte une première jauge en 1885. Elle sera suivie d’une deuxième mouture en 1893, celle du Seawanhaka Yacht Club. Au tournant du siècle, la coupe se dispute encore entre de très grands bateaux, très lourds, très beaux et très toilés, mais qui, pour l’époque, exigent des budgets pharaoniques. Defender vainqueur en 1903, Reliance mesure 61,26 m de long, 7,92 m de large, déplace 189 tonnes, embarque 64 équipiers et porte jusqu’à 1’500 m2 de toile. Son challenger n’est autre que le Shamrock III de Sir Thomas Lipton, un cotre en acier nickelé plus petit, de 41 m de long et 166,6 tonnes de déplacement, mais presque tout aussi toilé, avec ses 1’315 m 2. Il est par ailleurs le premier challenger doté d’une barre à roue, comme les bateaux américains.

L’ère des J Class

TÉMOINS SURVIVANTS DE LA CLASSE J, LES SOMPTUEUX VELSHEDA ET SVEA.

Lipton perd son défi, mais gagne certainement en renommée et en publicité pour ses affaires de thés et d’épices. Il insiste aussi auprès du NYYC pour s’orienter vers des bateaux plus « raisonnables ». D’abord, c’est l’adoption de la jauge universelle en 1914. Pour l’appliquer, c’est la célèbre Class J qui prend le relais. La jauge universelle, imaginée et rédigée par l’architecte américain Nathanael Herreshoff en 1903, n’entre en application qu’en 1920, au sortir de la Première Guerre mondiale – qui, comme la Guerre de Sécession, a bloqué les régates de la coupe. Elle ne sera en vigueur que de 1930 à 1937, avec pour principale modification l’abandon du temps compensé au profit de duels en temps réel : le premier qui coupe la ligne d’arrivée a gagné. Au total, persévérant comme pas deux, Sir Thomas Lipton se sera engagé dans cinq défis qu’il perdra tous. Jeu de mot sur Lipton et ironie des dessinateurs de la presse américaine, le New York Times publie un « cartoon » de Lipton à la barre de son Shamrock, légendé : « Il y a loin de la coupe aux lèvres » – « There is many a slip between the cup and the lip. » En 1930, le site des régates est déplacé à Newport. La petite ville de Rhode Island va devenir la Mecque de l’America’s Cup. Elle porte encore tous les souvenirs de ces glorieuses années de la coupe, mais leur intensité a sérieusement baissé depuis que les Américains de la côte Est ne sont plus à ses commandes. Avec les Class J, l’America’s Cup reste encore dans des formats de grande taille et de déplacements imposants, qui coûtent chers. Du côté anglais, Velsheda mesure 39,40 m, Endeavour 39,47 m pour 143 tonnes et 721 m2 de toile. Du côté US, Enterprise 36,49 m pour 127,6 tonnes, Resolute 32,50 m pour 105,8 tonnes, Rainbow 39,95 m, 176 tonnes et 750 m2 de toile ; et Ranger, dernier Class J construit pour Harold Vanderbilt, est long de 41,15 m, 166 tonnes et porte 701 m2 de toile. L’instabilité politique de la fin des années 1930 met fin, momentanément, aux confrontations internationales dans le cadre de l’America’s Cup. Même les grandes fortunes et les magnats des affaires ont d’autres préoccupations.

AVEC LOUIS VUITTON, BRUNO TROUBLÉ, ICI AVEC MATTEO DE NORA ET TONY RAE, A CRÉÉ LES RÉGATES DE SÉLECTION ENTRE CHALLENGERS, LA COUPE LOUIS VUITTON.

L’internationalisation Il faut attendre 1958 pour voir reprendre les régates de la coupe lors de la 17e édition. Cette fois, elles se disputent à bord de 12 m JI, ou 12 Metre de Jauge Internationale, qui régneront jusqu’en 1987. Tenaces, seuls les Anglais s’intéressent à revenir dans le match jusqu’en 1962, lorsque les Australiens lancent leur premier défi à l’enseigne du Royal Sydney Yacht Squadron.

Yves Ryncki
Sailing Energy Chris Cameron
LE K12 SOVEREIGN DÉFAIT LORS DE L’ÉDITION 1964, BORD À BORD AVEC VIM, US15.

Gretel perd, mais gagne tout de même 1 course sur 5 face au Weatherly des Américains. Le NYYC est profondément vexé d’avoir perdu une manche pour la première fois depuis 1930, et change le règlement, interdisant dorénavant aux challengers d’utiliser quoi que ce soit d’américain, qu’il s’agisse de plans ou de technologie.

D’autres pays commencent à s’intéresser à la coupe. Outre l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la

Suède, l’Italie, la Grèce et surtout la France défient les Américains. Après avoir racheté Sovereign et Constellation, le baron Marcel Bich, homme d’affaires inventeur du stylo Bic et passionné de voile, fait construire un premier 12 m JI au chantier Egger à Saint-Aubin, Chancegger. Mais, comme le règlement de la coupe oblige les challengers à construire leur bateau dans leur pays, ainsi que les voiles et l’accastillage, le constructeur naval Hermann Egger doit déménager son chantier de l’autre côté de la frontière, à Pontarlier, où il construira France. Ce 12 m participe aux coupes de 1970, 1974, 1977 et 1980.

Le baron Bich fait appel à Louis Noverraz pour barrer ses bateaux. Il est ainsi le premier Suisse à participer à l’America’s Cup. Mais Bich est d’humeur très variable, parfois même colérique. Il congédie Noverraz, comme il le fera avec d’autres skippers tels que Pierre Delfour, l’entraîneur national Yves-Louis Pinaud et même Eric Tabarly. Bich, excédé, finira par barrer lui-même le France, amusant le monde de la voile. C’est Marc Pajot qui reprendra ensuite l’idée d’un défi tricolore.

Face au nombre croissant de défis, Bruno Troublé et Louis Vuitton imaginent et créent un système éliminatoire pour les challengers, la Coupe LouisVuitton. Le challenger qui remporte la finale rencontrera alors le defender.

Fin du règne américain

En 1983, à force d’insistance et de ténacité, les Kangourous australiens finissent par terrasser l’aigle américain, 4 à 3. Ben Lexcen, l’architecte d’Australia II, a mis au point une arme secrète, la quille à ailettes. Elle permet d’abaisser le centre de gravité du bateau et de le rendre ainsi plus performant. Les Aussies mettent ainsi fin à 132 ans de suprématie américaine. Mais Dennis Conner, le vaincu de cette édition, n’est pas homme à se laisser abattre. Avec Stars and Stripes 87, il repart à l’assaut et dispose de Kookaburra III de Kevin Parry, 4 victoires à 0. La coupe repart donc pour les États-Unis, mais cette fois au San Diego Yacht Club, en Californie. C’est là, en 1988, que se joue l’édition la plus délirante de la coupe – marquant par ailleurs la fin de l’ère des 12 m JI. Les Néo-Zélandais lancent un défi avec un immense monocoque de 37 m, KZ-1. À bord, entre 30 et 40 équipiers. L’équipe de Dennis Conner répond avec un catamaran de 18 m équipé d’un mât aile, Stars and Stripes. Les écarts entre les deux bateaux sont sans appel et, au terme de deux manches, le San Diego Yacht Club conserve la coupe.

En 1992 apparaissent pour la première fois les bateaux de la Class America’s Cup. 25 m de long, 24 tonnes, 325 m2 au près et 750 m2 au portant. Cette

Carlo Borlenghi Carlo Borlenghi
Carlo Borlenghi

HOMMAGE AUX TENANTS DU TITRE

En 2024, nos amis néo-zélandais mettront tout en œuvre pour que le plus ancien trophée sportif du monde reste entre les mains des kiwis. Pour les aider à garder le cap, nous nous sommes inspirés du logo d’Emirates Team New Zealand afin de produire une pièce de collection unique: la Seamaster Planet Ocean Deep Black Emirates Team New Zealand Edition. Un hommage aux champions en titre rehaussé de touches turquoise, avec un indicateur de compte à rebours, une aiguille des secondes “Auld Mug” et un fond de boîtier estampillé du logo Emirates Team New Zealand.

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