Petite anthologie de la poésie française.

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Petite Anthologie De La Poésie Française Du Moyen-Âge à nos jours

CLASSE DE 2nd SCIENTIFIQUE


SOMMAIRE : PAGES Introduction Moyen âge………………………………………………[1-5] François Villon « La Ballade des Pendus »

XVIème siècle……………………………………….[6-15] Clément Marot « Tant que vivrai en âge florissant » « Blason du beau tétin »

Pernette du Guillet « La nuit était pour moi si très obscure »

Joachim du Bellay « Je me ferai savant» « Heureux qui, comme Ulysse …»

Pierre de Ronsard « Ode à Cassandre» « Je ne serais marri» « Quand vous serez bien vieille »

Louise Labé « Je vis, je meurs »


Agrippa d’Aubigné « Je veux peindre la France…»

XVIIème siècle……………………………………[16-22] Jean de la Fontaine « La Cigale et la Fourmi, Fables »

François de Malherbe « Épigramme »

Nicolas Boileau « L’Art Poétique Chant 1(extrait) »

Jean Racine « Plainte D'Un Chrétien »

Pierre Corneille « Le Presbytère D'Hénouville. »

XVIIIème siècle……………………………………[23-29] Jacques Delille « Les jardins ou L'art d'embellir les paysages»

Évariste de Parny « Le Bouquet de l’amour»


François Marie Arouet de Voltaire « Le Mondain »

André Chénier

« La Jeune Tarantine » XIXème siècle………………………………[30-50] François-René De Chateaubriand «Le départ» «Les adieux»

Alphonse de Lamartine «Le lac » «La Tristesse»

Charles Baudelaire «Bénédiction » « Élévation» «Correspondances» «L'Albatros» «Le parfum Exotique»


« L’Invitation au Voyage »

Victor Hugo Chanson (l'âme en fleur) Demain dès l'aube

Paul Verlaine Clair de lune A la Promenade

Arthur Rimbaud Ma Bohème Le Dormeur du Val

Alfred de vigny La frégate et la sérieuse, 1837 La Mort du loup, 1849

Alfred de Musset Ballade à la lune ,1829 Tristesse ,1839


Xxème siècle……………………………………[51-71] Guillaume Apollinaire « Le Pont Mirabeau » « L'Émigrant de Landor Road » « L’adieu »

Francis Jammes

« J’aime l’âne » Charles Péguy « Le Porche du Mystère de la deuxième vertu »

Jacques Prévert « La Seine a rencontré Paris » « Déjeuner du matin » « Le Cancre » « L’Oiseau Lyre » « La Chasse à la Baleine »

André Breton : Ta langue (Clair de la Terre)

Saint John Perse

Les Cloches (extrait)


Guillaume Apollinaire

« Les Sapins » « Automne » « Le Chat » « La Blanche Neige » « La Chenille » « La Dromadaire » « Saltimbanques » « Le pont Mirabeau », 1913 « L’Emigrant de Landor Road », 1904 Raymond Queneau

« Il Pleut » « Fable » « Tu étais me dit-on « méchant » « Si tu t’imagines » Paul Claudel

« Saint Martin » « Le pécheur attrape les poissons » Charles Péguy 1912

« Le porche du mystère de la deuxième vertu » ***


La poésie Française Du moyen-âge À nos jours La poésie française a bien sûr évolué pendant ces siècles. Au Moyen Âge poésie et musique sont encore liées : troubadours et trouvères chantent des poèmes de formes régulières et fixes : rondeau, ballade, chanson, odes et sonnets. Au XVIème siècle, siècle de La Renaissance, le sonnet venu d’Italie, est introduit en France par les fameux poètes de La Pléiade, Joachim Du Bellay et Pierre de Ronsard, le « Roi des poètes », pour ne citer qu’eux. Ils s’inspirent du poète italien Pétrarque et de son Canzoniere recueil de poèmes d’amour dédié à Laure au XIVème siècle ; outre le sonnet, cette nouvelle forme poétique fixe et courte composée de deux quatrains et de deux tercets d’octosyllabes ou d’alexandrins, les poètes français de La Renaissance imposent la langue française comme langue littéraire et poétique comme ils l’affirment dans leur célèbre manifeste Défense et illustration de la langue française ouvrage collectif publié en 1549. Au XVIIème siècle, siècle du classicisme et de Louis XIV le Roi Soleil qui règne sur le royaume de France pendant la seconde moitié du siècle encourageant l’art et les poètes, la poésie se développe dans les vers des grandes tragédies des auteurs dramatiques classiques, Corneille et Racine, dans les comédies de Molière qu’il écrit pour la plupart aussi en vers, et bien sûr dans les Fables de La Fontaine. Mais la poésie continue à se développer en tant que genre distinct, considéré comme le plus noble et soumis comme le veut le siècle, à de strictes règles formelles énoncées en vers par Nicolas Boileau dans son célèbre Art poétique, règles correspondant à cette recherche d’équilibre et d’harmonie du siècle classique. Cependant l’influence du baroque apparaît chez un poète comme Pierre de Marbeuf par exemple, introduisant les thèmes du mouvement de l’inconstance du sentiment amoureux ou encore de l’illusion et des prouesses d’écriture formelles ; cette recherche de virtuosité formelle est particulièrement prisée des précieuses dont Molière se moque dans ses comédies Les Précieuses ridicules, Les Femmes savantes et qui s’adonnent à l’écriture de pièces fixes et régulières en particulier amoureuses ou satiriques : madrigaux, épigrammes, billets de toutes sortes fleurissent sous leurs plumes . Au XVIIIème siècle le genre est délaissé au profit de la littérature d’idées, contes philosophiques et Encyclopédie par exemple, et du roman. Le XIXème siècle est sans contexte le grand siècle de la poésie, le plus prolixe ! Le siècle romantique, avec Victor Hugo pour chef de file, qui impose la figure du poète « prophète », avec à sa suite et dans son sillage Alfred de Vigny , Alfred de Musset , Alphonse de Lamartine , où après le tournant du siècle et Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire paru en 1851, la poésie se libère peu à peu : poèmes en prose d’Aloysius Bertrand puis de Charles Baudelaire qui s’en inspire, vers impair musicalité et demi-teinte de Paul Verlaine dans son recueil Les Fêtes galantes pour ne citer que celui-ci ; liberté du précoce et génial poète « voyant » Arthur Rimbaud dans ses Illuminations et son Bateau ivre, mais tout aussi génial dans ses sonnets Voyelles ou Ma Bohême. Enfin Mallarmé à la


toute fin du siècle et sa poésie symboliste parfois hermétique contribue à ce renouvellement du genre poétique. Au XXème et XXIème siècles cette évolution des formes d’écriture poétiques vers plus de liberté se poursuit. Alcools de Guillaume Apollinaire considéré comme le premier recueil de poésie moderne paraît en 1913 ; puis les poètes surréalistes révolutionnent les images poétiques Paul Eluard affirme « La terre est bleue comme une orange » et renouvelle la poésie lyrique et amoureuse comme André Breton le chef de file du Mouvement Surréaliste. Louis Aragon dans un style plus classique, lui aussi poète engagé dans la résistance comme Paul Eluard, se fait également comme ce dernier chantre de l’amour dans son célèbre recueil Les Yeux d’Elsa entre autres. Raymond Queneau quant à lui et ses poèmes plein d’humour et de tendresse parfois mis en chanson, fondateur de l’OU.LI.PO.- Ouvroir de Littérature Potentielle-, plus tard Francis Ponge et sa poésie des objets ordinaires – son recueil Le parti-pris des choses, parait en 1942, contribue à ce renouvellement du genre poétique. Dans la deuxième moitié du XXème siècle, la forme brève s’impose, avec des poètes comme Guillevic et Jaccottet par exemple. On peut y voir une influence du haïku forme poétique venu du Japon. Mais avant eux Paul Claudel poète lyrique de la foi chrétienne et pourtant coutumier des formes longues, s’était essayé à ce genre, le haïku, né au Japon au XVIIème siècle avec Bâsho - le haïku est la forme poétique la plus brève au monde puisqu’elle se compose de trois vers. Ici dans cette anthologie, découvrez la beauté et la variété des vers et des formes poétiques. Voici une anthologie de la poésie faite par et pour les élèves. A savourer à voix basse, à voix haute, sur tous les tons ou en chansons, sans modération ! Bonne découverte poétique. Février 2014, à Pondichéry, les élèves de la seconde scientifique Kevin, Sruthi, Karthik, Arnav, Ishaan, Karthikeyan, Sai, Bhuvan et leur professeure Delphine Rotfus.


Poésie au Moyen Âge SOMMAIRE : Auteur : François Villon Titre : La Ballade des Pendus

La Poésie du Moyen Age La poésie médiévale en France correspond à des œuvres écrites entre l'an mil et l'an 1500 dans diverses langues issues du latin, langue d'Oïl au nord et langue d'Oc au sud. L’occitan ou langue d’Oc est une langue romane parlée dans le tiers sud de la France alors que la Langue d'Oïl s’est développée dans la partie nord de la France. La poésie lyrique du Moyen Âge dérive de la 1.chanson. 2. Chanson de Toile, 3.Motet, 4.Aube, 5.Pastourelle (voir notes bas de pages).

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François Villon Né en 1431 à Paris et disparu en 1463. C’est le poète français le plus connu de la fin du Moyen Âge. Les autres poésies écrites par François Villon sont Le Lais (1457, Paris) et Épître à Marie d'Orléans (début 1458, Blois). La Ballade des pendus (extrait) […] Frères humains qui après nous vivez, N'ayez pas vos cœurs durcis à notre égard, Car si vous avez pitié de nous, pauvres, Dieu aura plus tôt miséricorde de vous. Vous nous voyez attachés ici, cinq, six: Quant à notre chair, que nous avons trop nourrie, Elle est depuis longtemps dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poussière. De notre malheur, que personne ne se moque, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre! Si nous vous appelons frères, vous n'en devez Avoir dédain, bien que nous ayons été tués Par justice. Toutefois vous savez Que tous les hommes n'ont pas l'esprit bien rassis. Excusez-nous, puisque nous sommes trépassés, Auprès du fils de la Vierge Marie, De façon que sa grâce ne soit pas tarie pour nous, Et qu'il nous préserve de la foudre infernale. Nous sommes morts, que personne ne nous tourmente, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre! La pluie nous a lessivés et lavés Et le soleil nous a séchés et noircis; Pies, corbeaux nous ont crevé les yeux, Et arraché la barbe et les sourcils.

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Jamais un seul instant nous ne sommes assis; De ci de là, selon que le vent tourne, Il ne cesse de nous ballotter à son gré, Plus becquétés d'oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre! Prince Jésus qui a puissance sur tous, Fais que l'enfer n'ait sur nous aucun pouvoir : N'ayons rien à faire ou à solder avec lui. Hommes, ici pas de plaisanterie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre.

Ballade : Au Moyen Âge, poème lyrique d'origine chorégraphique, d'abord chanté, puis destiné seulement à la récitation. Pendu : personne morte accrochée, suspendue.

par

pendaison,

La ballade dite Ballade des pendus est le poème le plus connu de François Villon, et c’est l'un des plus célèbres poèmes de la langue française. Ce poème suit les règles de la ballade classique. Les rimes sont croisées. Chaque strophe se termine par un refrain : « Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! ». La Ballade des Pendus a été écrite par François Villon alors qu’il était en prison. François Villon avait vu beaucoup de personnes pendues de

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sa prison ; à cause de sa tristesse François Villon a écrit ce poème. Nous pouvons voir que dans la poésie François Villon demande à Dieu de montrer de l'indulgence envers les gens qui ont commis des péchés.

Les poètes les plus célèbres au Moyen Age étaient : Bernard de Ventadour : Le Vol de l’alouette (1170 - 1225); Bertrand de Born : Divine Comédie

Jean Bodel : Chanson des Saisnes Colin Musset. : « Sospris sui d'une amorette » 1. Chanson : Une chanson est une œuvre musicale composée d'un texte et d'une mélodie. 2. La chanson de toile : aussi appelée chanson d’histoire, est un genre littéraire du Moyen Âge, ainsi appelée sans doute car les femmes la chantaient en travaillant.

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3. Un Motet : est une composition musicale apparue au XIIIe siècle, à une ou plusieurs voix, avec ou sans accompagnement musical, courte et écrite à partir d'un texte religieux ou profane. 4. L’Aube : genre et forme littéraire du Moyen Âge, est une poésie lyrique utilisée par les troubadours qui a pour thème la séparation de deux êtres qui s'aiment au point du jour. 5. La pastourelle : est un genre poétique du Moyen Âge. Poème chanté, composé de strophes ou laisses assonancées en nombre variable, il met en scène, en alternant dialogues et parties narratives.

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Léonardo de Vinci, Mona Lisa, 1504

La Poésie Française au XVIème siècle 6


Sommaire Clément Marot « Tant que vivrai en âge florissant » « Blason du beau tétin »

Pernette du Guillet « La nuit était pour moi si très obscure »

Joachim du Bellay « Je me ferai savant» « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »

Pierre de Ronsard « Ode à Cassandre» « Je ne serais marri» « Quand vous serez bien vieille »

Louise Labé « Je vis, je meurs »

Agrippa d’Aubigné « Je veux peindre la France une mère affligée»

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La poésie du XVIème siècle illustre le terme de Renaissance par le retour aux modèles antiques et par son inspiration italienne. Les poètes de cette époque, en imposant le français comme langue littéraire et des formes nouvelles comme le sonnet, ont désormais influencé la littérature française. Clément Marot (1496-1544) « Tant que vivrai en âge florissant » Tant que vivrai en âge florissant, Je servirai Amour, le Dieu puissant, En faits et dits, en chansons et accords. Par plusieurs jours m'a tenu languissant, Mais après deuil m'a fait réjouissant, Car j'ai l'amour de la belle au gent corps. Son alliance, Est ma fiance : Son cœur est mien, Mon cœur est sien : Fi de tristesse, Vive liesse, Puisqu'en Amour a tant de bien.

Commentaire [R1]: Pendant.

Commentaire [R2]: Beau.

Commentaire [R3]: Ce en quoi j’ai confiance.

Quand je la veux servir et honorer, Quand par écrits veux son nom décorer, Quand je la vois et visite souvent, Les envieux n'en font que murmurer. Mais notre Amour n'en saurait moins durer : Autant ou plus en emporte le vent. Maulgré envie

Commentaire [R4]: Dans la codification amoureuse, l’amour doit veiller sur la réputation de sa dame et empêcher les « envieux », c'est-à-dire, les médisants, les espions, de lui nuire.

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Toute ma vie Je l'aimerai, Et chanterai : C'est la première, C'est la dernière, Que j'ai servie, et servirai.

Clément Marot, Adolescence Clémentine, 1532

« Blason du beau tétin » Tétin refait, plus blanc qu'un œuf, Tétin de satin blanc tout neuf, Tétin qui fait honte à la rose, Tétin plus beau que nulle chose ; Tétin dur, non pas Tétin, voire, Mais petite boule d'Ivoire, Au milieu duquel est assise Une fraise ou une cerise, Que nul ne voit, ne touche aussi, Mais je gage qu'il est ainsi. Tétin donc au petit bout rouge Tétin qui jamais ne se bouge, Soit pour venir, soit pour aller, Soit pour courir, soit pour baller. Tétin gauche, tétin mignon, Toujours loin de son compagnon, Tétin qui porte témoignage Du demeurant du personnage. Quand on te voit il vient à maints Une envie dedans les mains De te tâter, de te tenir ; Mais il se faut bien contenir D'en approcher, bon gré ma vie, Car il viendrait une autre envie. Ô tétin ni grand ni petit, Tétin mûr, tétin d'appétit, Tétin qui nuit et jour criez « Mariez moi tôt, mariez ! » Tétin qui t'enfles, et repousses Ton gorgias de deux bons pouces :

Commentaire [R5]: Nouvellement formé

Commentaire [R6]: Qui n’est pas, à vrai dire, un tétin

Commentaire [R7]: danser

Commentaire [R8]: de tout le reste de la personne

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A bon droit heureux on dira Celui qui de lait t'emplira, Faisant d'un tétin de pucelle Tétin de femme entière et belle. Clément Marot, Epigrammes, 1535

Pernette du Guillet (1520-1545) « La nuit était pour moi si très obscure » La nuit était pour moi si très obscure, Que Terre et Ciel elle m’obscurcissait, Tant, qu’à Midi de discerner figure N’avais pouvoir, qui fort me marrissait : Mais quand je vis que l’aube apparaissait En couleurs mille et diverse, et sereine, Je me trouvai de liesse si pleine, - Voyant déjà la clarté à la ronde Que commençai louer à voix hautaine Celui qui fait pour moi ce Jour au Monde.

Commentaire [R9]: La joie.

Pernette du Guillet, Rymes de gentille et vertueuse dame Pernette du Guillet, 1545

La Pléiade est un groupe de sept poètes dont les plus connus sont Pierre de Ronsard et Joachim du Bellay. Ils s’opposent à la poésie du moyen-âge. Ils sont les auteurs d’un ouvrage collectif Défense et illustration de la langue française paru en 1549. Joachim du Bellay (1522-1560) 10


« Je me ferai savant » Je me ferai savant en la philosophie, En la mathématique, et médecine aussi : Je me ferai légiste, et d’un plus haut souci Apprendrai les secrets de la théologie :

Commentaire [R10]: Science de la religion.

Du luth, et du pinceau j’ébatterai ma vie, De l’escrime et du bal : je discourais ainsi, Et me vantais en moi d’apprendre tout ceci,

Commentaire [R11]: Je me divertirai.

Quand je changeai la France au séjour d’Italie.

Commentaire [R12]: Contre.

Ô beaux discours humains ! je suis venu si loin, Pour m’enrichir d’ennui, de vieillesse, et de soin, Et perdre en voyageant le meilleur de mon âge. Ainsi le marinier souvent pour tout trésor Rapporte des harengs en lieu de lingots d’or, Ayant fait, comme moi, un malheureux voyage. Joachim du Bellay, Les Regrets, 1549

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage » Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Commentaire [R13]: Jason, qui conquit la Toison d’or.

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province, et beaucoup davantage ? Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, Que des palais Romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine : 11


Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin, Plus mon petit Liré, que le mont Palatin, Et plus que l'air marin la doulceur angevine.

Commentaire [R14]: La Loire, fleuve qui passe à Angers.

Joachim du Bellay, Les Regrets, 1558

Commentaire [R17]: Douceur de la région d’Angers.

Commentaire [R15]: Fleuve italien. Commentaire [R16]: Une des sept collines de Rome.

Pierre de Ronsard (1524-1585) « Ode à Cassandre » Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu ceste vesprée, Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! Voyez comme en peu d’espace, Mignonne, elle a dessus la place

Commentaire [R18]: Déclore est le contraire de clore. Commentaire [R19]: Rouge foncé. Commentaire [R20]: Soir.

Las! las! ses beautés laissé choir ! Ô vraiment marâtre Nature, Puis qu’une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir ! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que vôtre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à ceste fleur la vieillesse Fera ternir votre beauté.

Commentaire [R21]: Tomber Commentaire [R22]: Mauvaise mère.

Pierre de Ronsard, Odes, 1550-1552

« Je ne serais marri » Je ne serais marri, si tu comptais ma peine De compter tes degrés recomptés tant de fois; Tu loges au sommet du Palais de nos Rois; Olympe n'avait pas la cime si hautaine.

Commentaire [R23]: Chagriné. Commentaire [R24]: Escaliers. Commentaire [R25]: Le Louvre.

Je perds à chaque marche et le pouls et l'haleine, 12


J'ai la sueur au front, j'ai l'estomac pantois, Pour ouïr un nenni, un refus, une voix, De dédain, de froideur et d' orgueil toute pleine.

Commentaire [R26]: Haletant, essoufflé. Commentaire [R27]: Non.

Tu es vraiment Déesse assise en si haut lieu. Or pour monter si haut, je ne suis pas un Dieu. Je ferai des degrés ma plainte coutumière, T'envoyant jusqu'en haut mon cœur dévotieux. Ainsi les hommes font à Jupiter prière: Les hommes sont en terre, et Jupiter aux cieux

Commentaire [R28]: Dévoué

Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1555

« Quand vous serez bien vieille » Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz chantant mes vers, en vous émerveillant : « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. Je serai sous la terre, et fantôme sans os Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ; Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Commentaire [R29]: Entendant.

Commentaire [R30]: Le bois de myrtes, aux enfers, passait pour être le séjour des amants.

Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain: Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578

Louise Labé (1524-1566) 13


« Je vis, je meurs » Je vis, je meurs: je me brûle et me noie, J’ai chaud extrême en endurant froidure; La vie m’est et trop molle et trop dure, J’ai grands ennuis entremélés de joie. Tout en un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief j’endure, Mon bien s’en va, et à jamais il dure, Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Commentaire [R31]: Tourment.

Commentaire [R32]: Je dessèche et reverdis, comme une plante soumise à de brusques changements de temps.

Ainsi Amour inconstamment me mène Et, quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me trouve hors de peine. Puis, quand je crois ma joie être certaine, Et être en haut de mon désiré heur, Il me remet en mon premier malheur. Louise Labé, Elégies et sonnets, 1555

Tableau pathétique de la France déchirée par les guerres civiles entre catholiques et protestants :

Agrippa d’Aubigné (1552-1630) « Je veux peindre la France une mère affligée » extrait Je veux peindre la France une mère affligée, Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée. Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage Dont nature donnait à son besson l'usage ; Ce voleur acharné, cet Esaü malheureux, Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux,

Commentaire [R33]: Jumeau Commentaire [R34]: Esaü et Jacob sont deux frères qui se querellent sans cesse dans la Bible. Ici, Esaü représente la violence du parti catholique, Jacob le parti protestant.

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Si que, pour arracher à son frère la vie, Il méprise la sienne et n'en a plus d'envie. Mais son Jacob, pressé d'avoir jeûné meshui, Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui, À la fin se défend, et sa juste colère Rend à l'autre un combat dont le champ et la mère. Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris, Ni les pleurs réchauffés ne calment leurs esprits ; Mais leur rage les guide et leur poison les trouble, Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble. Leur conflit se rallume et fait si furieux Que d'un gauche malheur ils se crèvent les yeux. Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte, Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ; Elle voit les mutins tout déchirés, sanglants, Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cherchant. Quand, pressant à son sein d'une amour maternelle Celui qui a le droit et la juste querelle, Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las Viole en poursuivant l'asile de ses bras. Adonc se perd le lait, le suc de sa poitrine ; Puis, aux derniers abois de sa proche ruine, Elle dit : « Vous avez, félons, ensanglanté Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ; Or vivez de venin, sanglante géniture, Je n'ai plus que du sang pour votre nourriture !

Commentaire [R35]: Accablé. Commentaire [R36]: Aujourd’hui.

Commentaire [R37]: Qui redoublent.

Commentaire [R38]: Sinistre

Commentaire [R39]: Fatigué du combat.

Commentaire [R40]: Descendance.

Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques, 1571-73

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ème

La Poésie du 17 siècle

Durant le mouvement baroque, celle-ci s'est imprégnée d'images surprenantes (Malherbe). Puis la doctrine classique*, qui réforme ensuite la langue française, est instaurée.

Sommaire : Jean de la Fontaine « La Cigale et la Fourmi, Fables »

François de Malherbe « Épigramme »

Nicolas Boileau « L’Art Poétique Chant 1(extrait) »

Jean Racine « Plainte D'Un Chrétien »

Pierre Corneille « Le Presbytère D'Hénouville. »

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Jean de la Fontaine, (1621-1695) La Cigale et la Fourmi, Fables La Cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue: Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. "Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'Oût, foi d'animal, Intérêt et principal. " La Fourmi n'est pas prêteuse: C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez? J’en suis fort aise. Eh bien! Dansez maintenant.

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François de Malherbe. (1555-1628) ÉPIGRAMME. " Il n'y a rien au monde de plus bête que cette épigramme, " a dit André Chénier*, et je suis complètement de son avis. Tu dis, Colin, de tous côtés, Que mes vers, à les ouïr lire, Te font venir des crudités, Et penses qu'on en doive rire; Cocu de long et de travers, 5 Sot au delà de toutes bornes, Comme te plains-tu de mes vers, (7 Comme, comment.) Toi qui souffres si bien les cornes?

- (Codifie au début du siècle les règles de la versification) Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, Et la mer est amère, et l'amour est amer, L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer, Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage, Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer, Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer, Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage. La mère de l'amour eut la mer pour berceau, Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes. Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

Pierre de Marbeuf, Recueil des vers 18


Nicolas Boileau. (1636-1711)

L’Art Poétique, Chant 1 (extrait), (1674) […] Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont d’un nuage épais toujours embarrassés ; Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que d’écrire, apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. […]

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L’Art poétique de Nicolas Boileau est un poème didactique de onze cents alexandrins classiques (chaque vers est donc composé de deux hémistiches de six syllabes), découpé en quatre chants et paru en 1674. Il traite des règles fondamentales de l'écriture en vers classiques, et de la manière de s'approcher au plus près de la perfection. Afin d'être lu dans les salons, par le public de mondains qu'il veut toucher, l'auteur a choisi la forme versifiée, le style galant, facile et agréable à lire. L'Art Poétique a les apparences d'un poème didactique mais n’a pas pour but d’enseigner à bien écrire. Cette poétique, inspirée dans sa méthode par Horace et dans ses théories par Aristote*, et surtout un poème satirique* qui donne à son auteur l'espace nécessaire pour exposer ce qu'il juge bon ou mauvais

« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément »

Extraits de l'Art poétique de Boileau, ces deux vers très célèbres illustrent parfaitement l'idée que l'on pouvait se faire à l'époque classique du rapport entre langue et pensée. Indépendance de la conception (c'est-à-dire de la pensée en acte) et de l'énonciation * Pièce de vers où l'auteur attaque les vices et les ridicules de son temps.

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Jean Racine. (1639-1699) Plainte D'Un Chrétien ... PLAINTE D'UN CHRETIEN SUR LES CONTRARIETES QU'IL EPROUVE AU DEDANS DE LUI-MEME Mon Dieu, quelle guerre cruelle! Je trouve deux hommes en moi: L'un veut que plein d'amour pour toi Mon coeur te soit toujours fidèle. L'autre A tes volontés rebelles Me révolte contre ta loi. L'un tout esprit, et tout céleste, Veut qu'au ciel sans cesse attaché, Et des biens éternels toucher, Je compte pour rien tout le reste; Et l'autre par son poids funeste Me tient vers la terre penchée. Hélas! En guerre avec moi-même, Où pourrai-je trouver la paix? Je veux, et n'accomplis jamais. Je veux, mais, ô misère extrême! Je ne fais pas le bien que j'aime, Et je fais le mal que je hais. O grâce, ô rayon salutaire, Viens me mettre avec moi d'accord; Et domptant par un doux effort Cet homme qui t'est si contraire, Fais ton esclave volontaire De cet esclave de la mort.

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Pierre Corneille. (1606-1684) Le Presbytère D'Hénouville. Vois à loisir ce lieu champêtre; Les jours y coulent sans ennuis: Tâche, si tu peux, de connaître Tant d'herbes, de fleurs, et de fruits. Ces animaux que tu poursuis, Ces oiseaux que tu vois paraître, Dans ce bel enclos sont réduits Par les soins et l'art de son maître. Jette après la vue au dehors, Et, voyant avec quels efforts La nature à l'envi le pare, Demande à tes yeux enchantés S'il pouvait, en un lieu plus rare, Assembler tant de raretés.

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ème

La poésie du 18 siècle

Le 18ème siècle est, sans contredit, la période la moins riche en poésie de toute notre histoire littéraire. Les faiseurs de vers y ont été, cependant, aussi nombreux que jamais. Mais leurs œuvres ne sont, pour la plupart, qu'artifice et convention. C'est qu'ils sont tous, ou presque tous, des hommes du monde ou des philosophes, souvent même, à la fois des philosophes et des hommes du monde, et qu'ils ont trouvé le principal exercice de leur activité intellectuelle dans la conversation mondaine et dans la dissertation philosophique. Sans doute, ils ont abordé tous les genres poétiques : le conte*, l'élégie*, l'idylle*, la satire, l'ode*, et même le poème épique, mais ils n'ont laissé de modèle dans aucun, sauf toutefois, dans deux genres inférieurs comme la poésie badine et L’épigramme. Peu de poètes nous arrêteront donc; à vrai dire, Voltaire est, de tous, le plus important; si nous ne pouvons pas le placer au rang des grands poètes des siècles précédents que sont Ronsard, Malherbe ou La Fontaine, il n'en est pas moins le représentant le plus complet de la poésie de son temps, où il occupe la première place. 23


SOMMAIRE Jacques Delille « Les jardins ou L'art d'embellir les paysages»

Évariste de Parny « Le Bouquet de l’amour»

François Marie Arouet de Voltaire « Le Mondain »

André Chénier « La Jeune Tarantine »

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Jacques Delille. (1738-1813) Les jardins ou L'art d'embellir les paysages (poème) (Extrait du chant 4) […]Descends, aimable paix, si longtemps attendue, Descends; que ta présence à l’univers rendue, Embellisse les lieux qu’ont célébrés mes vers; Viens; forme un peuple heureux de cent peuples divers. Rends l’abondance aux champs, rends le commerce aux ondes, Et la vie aux beaux arts, et le calme aux deux mondes.

Évariste de Parny. (1753-1814) LE BOUQUET DE L'AMOUR Dans ce moment les politesses, Les souhaits vingt fois répétés, Et les ennuyeuses caresses, Pleuvent sans doute à tes côtés. Après ces compliments sans nombre, L’amour fidèle aura son tour ; Car dès qu’il verra la nuit sombre Remplacer la clarté du jour, Il s’en ira, sans autre escorte Que le plaisir tendre et discret, Frappant doucement à ta porte, T’offrir ses voeux et son bouquet. Quand l’âge aura blanchi ma tête, Réduit tristement à glaner, J’irai te souhaiter ta fête, Ne pouvant plus te la donner.

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François Marie Arouet de Voltaire. (1694-1778) Le Mondain (1736)(Extrait) Regrettera qui veut le bon vieux temps, Et l’âge d’or, et le règne d’Astrée, Et les beaux jours de Saturne et de Rhée, Et le jardin de nos premiers parents ; Moi, je rends grâce à la nature sage Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge Tant décrié par nos tristes frondeurs : Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs. J’aime le luxe, et même la mollesse, Tous les plaisirs, les arts de toute espèce, La propreté, le goût, les ornements : Tout honnête homme a de tels sentiments. Il est bien doux pour mon cœur très immonde De voir ici l’abondance à la ronde, Mère des arts et des heureux travaux, Nous apporter, de sa source féconde, Et des besoins et des plaisirs nouveaux. L’or de la terre et les trésors de l’onde, Leurs habitants et les peuples de l’air, Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde. O le bon temps que ce siècle de fer ! Le superflu, chose très nécessaire, A réuni l’un et l’autre hémisphère. Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux, S’en vont chercher, par un heureux échange, De nouveaux biens, nés aux sources du Gange, Tandis qu’au loin, vainqueurs des musulmans, Nos vins de France enivrent les sultans ? Quand la nature était dans son enfance, Nos bons aïeux vivaient dans l’ignorance, Ne connaissant ni le tien ni le mien. Qu’auraient-ils pu connaître ? Ils n’avaient rien, Ils étaient nus ; et c’est chose très claire Que qui n’a rien n’a nul partage à faire. Sobres étaient. Ah ! je le crois encor : Martialo n’est point du siècle d’or.

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D’un bon vin frais ou la mousse ou la sève Ne gratta point le triste gosier d’Ève ; La soie et l’or ne brillaient point chez eux, Admirez-vous pour cela nos aïeux ? […]

André Chénier. (1762-1794) LA JEUNE TARENTINE Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez! Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine! Un vaisseau la portait aux bords de Camarine: Là, l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a, pour cette journée, Sous le cèdre enfermé sa robe d'hyménée, Et l'or dont au festin ses bras seront parés, Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflaient dans les voiles L'enveloppe: étonnée et loin des matelots, Elle tombe, elle crie, elle est au sein des flots. Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine! Son beau corps a roulé sous la vague marine. Téthys, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher, Aux monstres dévorants eut soin de le cacher. Par son ordre bientôt les belles Néréides S'élèvent au-dessus des demeures humides, Le portent au rivage, et dans ce monument L'ont au cap du Zéphir déposé mollement; Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes, Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes, Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil, Répétèrent, hélas! Autour de son cercueil:

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«Hélas! Chez ton amant tu n'es point ramenée, Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée, L'or autour de ton bras n'a point serré de noeuds, Et le bandeau d'hymen n'orna point tes cheveux.»

Notes : *Le conte est une narration, généralement courte, ayant pour sujet des aventures imaginaires ou fantastiques. .* Toute œuvre qui est dans le ton triste et mélancolique de l'élégie *Petit poème chantant ordinairement l'amour dans un décor pastoral. * Poème lyrique divisé en strophes semblables entre elles par le nombre et la mesure des vers et destiné soit à célébrer de grands événements ou de hauts personnages (ode héroïque), soit à exprimer des sentiments plus familiers (ode anacréontique).

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«Anthologie de la poésie Française du 19éme siècle» La poésie connaît au XIX siècle une profonde évolution. Le romantisme de la première moitié du siècle est marqué par le lyrisme, l’onirisme et un goût prononcé pour la mélancolie. Les poètes revendiquent alors un assouplissement de l’expression versifiée et inventent de nouvelles formes, comme le poème en prose.

Le Sommaire François-René De Chateaubrian «Le départ»

«Les adieux»

Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine «Le Lac

«La Tristesse»

Charles Baudelaire «Bénediction Élévation» «Le parfum Exotique»

«Correspondances» «L'Albatros»

«L'invitation Voyage»

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François-René De Chateaubriand (1768-1848) Il est considéré comme l'un des précurseurs du romantisme français et un des grands noms de la littérature française en général.

Le départ(1827) Compagnons, détachez des voûtes du portique Ces dons du voyageur, ce vêtement antique, Que j'avais consacrés aux dieux hospitaliers. Pour affermir mes pas dans la course prochaine, Remettez dans ma main le vieil appui de chêne Qui reposait à mes foyers. Où vais-je aller mourir ? Dans les bois des Florides ? Aux rives du Jourdain, aux monts des Thébaïdes ? Ou bien irai-je encore à ce bord renommé, Chez un peuple affranchi par les efforts du brave, Demander le sommeil que l'Eurotas esclave M'offrit dans son lit embaumé ? Ah ! qu'importe le lieu ? Jamais un peu de terre, Dans le champ du potier, sous l'arbre solitaire, Ne peut manquer aux os du fils de l'étranger. Nul ne rira du moins de ma mort advenue ; Du pèlerin assis sur ma tombe inconnue Du moins le pas sera léger.

--- Chateaubriand---

Les adieux Le temps m'appelle : il faut finir ces vers. A ce penser défaillit mon courage. Je vous salue, ô vallons que je perds ! Ecoutez-moi : c'est mon dernier hommage. Loin, loin d'ici, sur la terre égaré, Je vais traîner une importune vie ; Mais quelque part que j'habite ignoré, Ne craignez point qu'un ami vous oublie. Oui, j'aimerai ce rivage enchanteur, Ces monts déserts qui remplissaient mon coeur Et de silence et de mélancolie ; Surtout ces bois chers à ma rêverie, Où je voyais, de buisson en buisson, Voler sans bruit un couple solitaire, Dont j'entendais, sous l'orme héréditaire,

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Seul, attendri, la dernière chanson. Simples oiseaux, retiendrez-vous la mienne ? Parmi ces bois, ah ! qu'il vous en souvienne. En te quittant je chante tes attraits, Bord adoré ! De ton maître fidèle Si les talents égalaient les regrets, Ces derniers vers n'auraient point de modèle. Mais aux pinceaux de la nature épris, La gloire échappe et n'en est point le prix. Ma muse est simple, et rougissante et nue ; Je dois mourir ainsi que l'humble fleur Qui passe à l'ombre, et seulement connue De ces ruisseaux qui faisaient son bonheur.

---Chateaubriand---

Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine (1790-1869) Les Méditations poétiques sont un recueil poétique publié en 1820 regroupant 24 poèmes. Le lac est le 10ème poème du recueil. Dans ce poèmeLamartine transcrit ses états d’âme et ses impressions. Le poète se trouve dans un lieu qui lui est cher, près d’un lac, qui a été le témoin de son amour.

Le Lac (1820) (Extrait) Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ? Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière, Et près des flots chéris qu'elle devait revoir, Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre Où tu la vis s'asseoir ! Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes, Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés, Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes Sur ses pieds adorés. Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ; On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux.

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Tout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé frappèrent les échos ; Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère Laissa tomber ces mots : " Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours !

--- Lamartine---

La tristesse L'âme triste est pareille Au doux ciel de la nuit, Quand l'astre qui sommeille De la voûte vermeille A fait tomber le bruit ; Plus pure et plus sonore, On y voit sur ses pas Mille étoiles éclore, Qu'à l'éclatante aurore On n'y soupçonnait pas ! Des îles de lumière Plus brillante qu'ici, Et des mondes derrière, Et des flots de poussière Qui sont mondes aussi ! On entend dans l'espace Les choeurs mystérieux Ou du ciel qui rend grâce, Ou de l'ange qui passe, Ou de l'homme pieux ! Et pures étincelles De nos âmes de feu, Les prières mortelles Sur leurs brûlantes ailes Nous soulèvent un peu ! Tristesse qui m'inonde, Coule donc de mes yeux, Coule comme cette onde Où la terre féconde Voit un présent des cieux ! Et n'accuse point l'heure Qui te ramène à Dieu !

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Soit qu'il naisse ou qu'il meure, Il faut que l'homme pleure Ou l'exil, ou l'adieu

--- Lamartine---

Charles Baudelaire (1821-1867) - Les Fleurs Du Mal (1854) Charles-Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort dans la même ville le 31 août 1867. Ce recueil Les Fleurs Du Mal marque un tournant dans l'histoire littéraire illustrant à la fois l'ésthétique classique romantique et inaugurant une modernité poétique par ses thémes et ses audaces formelles. Le recueil s'ouvre avec l'image romantique du poète à la fois être d'exception élu, et rejété par les autres hommes, le commun des mortels, ici par sa mère. Dans cette pièce de vers très romantique, Baudelaire chante l’enfance malheureuse du Poète.

Bénediction (1857) Lorsque, par un décret des puissances suprêmes, Le Poète apparaît en ce monde ennuyé, Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié: — «Ah! que n'ai-je mis bas tout un noeud de vipères, Plutôt que de nourrir cette dérision! Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères Où mon ventre a conçu mon expiation! Puisque tu m'as choisie entre toutes les femmes Pour être le dégoût de mon triste mari, Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes, Comme un billet d'amour, ce monstre rabougri, Je ferai rejaillir ta haine qui m'accable Sur l'instrument maudit de tes méchancetés, Et je tordrai si bien cet arbre misérable, Qu'il ne pourra pousser ses boutons empestés!» Elle ravale ainsi l'écume de sa haine, Et, ne comprenant pas les desseins éternels, Elle-même prépare au fond de la Géhenne Les bûchers consacrés aux crimes maternels. Pourtant, sous la tutelle invisible d'un Ange, L'Enfant déshérité s'enivre de soleil Et dans tout ce qu'il boit et dans tout ce qu'il mange Retrouve l'ambroisie et le nectar vermeil. II joue avec le vent, cause avec le nuage, Et s'enivre en chantant du chemin de la croix; Et l'Esprit qui le suit dans son pèlerinage Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois. Tous ceux qu'il veut aimer l'observent avec crainte, Ou bien, s'enhardissant de sa tranquillité, Cherchent à qui saura lui tirer une plainte, Et font sur lui l'essai de leur férocité. Dans le pain et le vin destinés à sa bouche Ils mêlent de la cendre avec d'impurs crachats; Avec hypocrisie ils jettent ce qu'il touche, Et s'accusent d'avoir mis leurs pieds dans ses pas.

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Sa femme va criant sur les places publiques: «Puisqu'il me trouve assez belle pour m'adorer, Je ferai le métier des idoles antiques, Et comme elles je veux me faire redorer; Et je me soûlerai de nard, d'encens, de myrrhe, De génuflexions, de viandes et de vins, Pour savoir si je puis dans un coeur qui m'admire Usurper en riant les hommages divins! Et, quand je m'ennuierai de ces farces impies, Je poserai sur lui ma frêle et forte main; Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies, Sauront jusqu'à son coeur se frayer un chemin. Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite, J'arracherai ce coeur tout rouge de son sein, Et, pour rassasier ma bête favorite Je le lui jetterai par terre avec dédain!» Vers le Ciel, où son oeil voit un trône splendide, Le Poète serein lève ses bras pieux Et les vastes éclairs de son esprit lucide Lui dérobent l'aspect des peuples furieux: — «Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance Comme un divin remède à nos impuretés Et comme la meilleure et la plus pure essence Qui prépare les forts aux saintes voluptés! Je sais que vous gardez une place au Poète Dans les rangs bienheureux des saintes Légions, Et que vous l'invitez à l'éternelle fête Des Trônes, des Vertus, des Dominations. Je sais que la douleur est la noblesse unique Où ne mordront jamais la terre et les enfers, Et qu'il faut pour tresser ma couronne mystique Imposer tous les temps et tous les univers. Mais les bijoux perdus de l'antique Palmyre, Les métaux inconnus, les perles de la mer, Par votre main montés, ne pourraient pas suffire A ce beau diadème éblouissant et clair; Car il ne sera fait que de pure lumière, Puisée au foyer saint des rayons primitifs, Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière, Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs!»

---Charles Baudelaire---

Élévation ( 1857 ) Dans ce poème, Baudelaire s'engage vers la recherche de l'idéal avec un plaisir physique. Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,

Notes :

Des montagnes, des bois, des nuages, des mers, Par delà le soleil, par delà les éthers, Par delà les confins des sphères étoilées, Mon esprit, tu te meus avec agilité, Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,

Element surprenant : "des mers" apres "des vallées"=> Baudelaire nous propose une vision "sattelite" car plus on monte en altitude ,mieux on voit la mer.

Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde Avec une indicible et mâle volupté. Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides; Va te purifier dans l'air supérieur,

Il s'adresse à son esprit (personnification) "mon esprit" => ascension spirituelle qui est associée au bonheur

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Et bois, comme une pure et divine liqueur, Le feu clair qui remplit les espaces limpides. Notes :

Derrière les ennuis et les vastes chagrins Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,

Malgré la tentation d'un nouveau départ "Heureux celui qui", Baudelaire repasse à la 3ème personne comme s'il n'était plus dans le paysage , qu'il n'était plus concerné: il n'est pas "celui qui" peut s'élever et se libérer.

Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse S'élancer vers les champs lumineux et sereins; Celui dont les pensers, comme des alouettes, Vers les cieux le matin prennent un libre essor, — Qui plane sur la vie, et comprend sans effort Le langage des fleurs et des choses muettes!

---Charles Baudelaire--Les sonnets inspirés à Baudelaire par son voyage sur un navire qui devait le mener juqu'aux Indes, mais qui finalement s'est achevé à l'île Maurice.

Le parfum Exotique (1854) Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je respire l'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone; Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux; Des hommes dont le corps est mince et vigoureux, Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne. Guidé par ton odeur vers de charmants climats, Je vois un port rempli de voiles et de mâts Encor tout fatigués par la vague marine, Pendant que le parfum des verts tamariniers, Qui circule dans l'air et m'enfle la narine, Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

Notes : - Titre et cham p lexical de l’exotism e dans tout le poèm e = Invitation au voyage sensoriel - « Je respire l’odeur » = m étaphore sensorielle = le parfum est com paré à l’oxygène = vital - Cham p lexical de l’odorat + chaque évocation de « l’odeur » est couplée à une réaction im m édiate : je respire = je vois = L’odorat provoque la vision

---Charles Baudelaire---

L'Albatros Le poèmeL'Albatros est extrait de "Spleen et idéal", la deuxième partie du recueil Les Fleurs du mal. Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer

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Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

---Charles Baudelaire---

L'invitation au voyage Mon enfant, ma soeur, Songe à la douceur D'aller là-bas vivre ensemble! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l'ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l'âme en secret Sa douce langue natale. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l'humeur est vagabonde; C'est pour assouvir Ton moindre désir Qu'ils viennent du bout du monde. — Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D'hyacinthe et d'or; Le monde s'endort Dans une chaude lumière. Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. --Charles

Baudelaire--

Correspondances Appelées aussi « synesthésies », les «correspondances» désignent les rapports entre le monde matériel et le monde spirituel. Le poème est un dialogue entre l’homme est la nature. La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L'homme y passe à travers des forêts de symboles

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Qui l'observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. II est des parfums frais comme des chairs d'enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants, Ayant l'expansion des choses infinies, Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens, Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

--Charles

Baudelaire---

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Le sommaire Introduction Victor Hugo Chanson(l'ame en fleur) Demain dĂŠs l'aube

Paul Verlaine Claire de lune A la Promenade

Arthur Rimbaud Ma Bohème Le Dormeur du Val

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La poésie de la deuxième moitié du 19ème siècle Cette période du romantisme se caractérise comme dans la première moitié du siècle par la mélancolie mais également par un renouveau poétique d’une extrême variété. Il s'agit d'un véritable âge d’or pour la poésie française après le désert poétique du XVIIIème siècle.

Victor HUGO Victor Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un poète, dramaturge et prosateur romantique considéré comme l’un des plus importants écrivains de langue française. Chanson (L'Ame en fleur) Victor Hugo a écrit ce poème en hommage à sa fille Si vous n'avez rien à me dire, morte Pourquoi venir auprès de moi ? Pourquoi me faire ce sourire Demain dés l’aube Qui tournerait la tête au roi ? Si vous n'avez rien à me dire, Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Pourquoi venir auprès de moi ? Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Si vous n'avez rien à m'apprendre, Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Pourquoi me pressez-vous la main ? Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sur le rêve angélique et tendre, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Auquel vous songez en chemin, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Si vous n'avez rien à m'apprendre, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Pourquoi me pressez-vous la main ? Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Si vous voulez que je m'en aille, Et, quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Pourquoi passez-vous par ici ? Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. Lorsque je vous vois, je tressaille : C'est ma joie et c'est mon souci. Si vous voulez que je m'en aille, Victor Hugo, Les Contemplations, 1856 Pourquoi passez-vous par ici ? Victor Hugo, Les Châtiments, 1853. 39


Paul VERLAINE Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Figure de poète maudit, Verlaine est alors reconnu comme un maître par les jeunes poètes du temps. Clair de lune Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques. Tout en chantant sur le mode mineur L'amour vainqueur et la vie opportune, Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d'extase les jets d'eau, Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. Paul Verlaine, Fêtes Galantes, 1869

A la Promenade Le ciel si pâle et les arbres si grêles Semblent sourire à nos costumes clairs Qui vont flottant légers avec des airs De nonchalance et des mouvements d’ailes. Et le vent doux ride l’humble bassin, Et la lueur du soleil qu’atténue L’ombre des bas tilleuls de l’avenue Nous parvient bleue et mourante à dessein. Trompeurs exquis et coquettes charmantes, Coeurs tendres mais affranchis du serment, Nous devisons délicieusement, Et les amants lutinent les amantes De qui la main imperceptible sait Parfois donner un souffle qu’on échange Contre un baiser sur l’extrême phalange Du petit doigt, et comme la chose est Immensément excessive et farouche, On est puni par un regard très sec, Lequel contraste, au demeurant, avec La moue assez clémente de la bouche. Paul Verlaine, Fêtes Galantes, 1869

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Arthur RIMBAUD Jean Nicolas Arthur Rimbaud est un poète français, né le 20 octobre 1854 à Charleville et mort le 10 Novembre 1891 à Marseille. Adolescent rebelle, poète précoce et génial, Arthur Rimbaud est un phénomène de la littérature. Ses œuvres poétiques font d'Arthur Rimbaud une des figures premières de la littérature française.

Le Dormeur du Val

C’est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent où le soleil de la montagne fière Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Ma Bohème Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ; Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la tête baignant dans le frais cresson bleu Dort; il est étendu dans l’herbe sous la nue Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Mon unique culotte avait un large trou. - Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme - Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou Sourirait un enfant malade, il fait un somme. Et je les écoutais, assis au bord des routes, Nature ! Berce-le chaudement : il a froid. Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; Les parfums ne font pas frissonner sa narine, Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, Il dort dans le soleil, la main dans la poitrine, Comme des lyres, je tirais les élastiques Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur ! Arthur Rimbaud, Poésies, 1869

Arthur Rimbaud, Poésies, 1869

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http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/index.html

19éme siécle Sommaire: La frégate et la serieuse(1837) La Mort du loup(1849) ballade à la lune(1829) tristesse(1839) Alfred de VIGNY (1797-1863)

Poète, romancier et dramaturge romantique français. La Frégate La Sérieuse(1837)Poèmes antiques et modernes Qu'elle était belle, ma Frégate, Lorsqu'elle voguait dans le vent ! Elle avait, au soleil levant, Toutes les couleurs de l'agate ; Ses voiles luisaient le matin


Comme des ballons de satin ; Sa quille mince longue et plate, Portait deux bandes d'écarlate Sur vingt-quatre canons cachés; Ses mâts, en arrière penchés, Paraissaient à demi couchés. Dix fois plus vive qu'un pirate, En cent jours du Havre à Surate Elle nous emporta souvent. Qu'elle était belle, ma Frégate, Lorsqu'elle voguait dans le vent !

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Alfred de Vigny La frégate La sérieuse, 1837

La mort du loup (1843 ) Extrait: Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon. Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon, Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçu les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement La girouette en deuil criait au firmament ; Car le vent élevé bien au dessus des terres, N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires, Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés, Alfred de VIGNY La mort du loup, 1843


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Alfred de MUSSET (1810-1857)

Alfred de Musset est un poète et un dramaturge français de la période romantique, né le 11 décembre 1810 à Paris, ville où il est décédé le 2 mai 1857. Ballade à la lune (1829) C'était, dans la nuit brune, Sur le clocher jauni, La lune Comme un point sur un i. Lune, quel esprit sombre Promène au bout d'un fil, Dans l'ombre, Ta face et ton profil ? Es-tu l'oeil du ciel borgne ? Quel chérubin cafard Nous lorgne Sous ton masque blafard ? N'es-tu rien qu'une boule, Qu'un grand faucheux bien gras Qui roule Sans pattes et sans bras ? Es-tu, je t'en soupçonne,


Le vieux cadran de fer Qui sonne L'heure aux damnés d'enfer ? 44 Sur ton front qui voyage. Ce soir ont-ils compté Quel âge A leur éternité ? Est-ce un ver qui te ronge Quand ton disque noirci S'allonge En croissant rétréci ? Qui t'avait éborgnée, L'autre nuit ? T'étais-tu Cognée A quelque arbre pointu ? Car tu vins, pâle et morne Coller sur mes carreaux Ta corne À travers les barreaux. Va, lune moribonde, Le beau corps de Phébé La blonde Dans la mer est tombé. Tu n'en es que la face Et déjà, tout ridé, S'efface Ton front dépossédé. Rends-nous la chasseresse, Blanche, au sein virginal, Qui presse Quelque cerf matinal ! Oh ! sous le vert platane


Sous les frais coudriers, Diane, Et ses grands lévriers ! 45 Le chevreau noir qui doute, Pendu sur un rocher, L'écoute, L'écoute s'approcher. Et, suivant leurs curées, Par les vaux, par les blés, Les prées, Ses chiens s'en sont allés. Oh ! le soir, dans la brise, Phoebé, soeur d'Apollo, Surprise A l'ombre, un pied dans l'eau ! Phoebé qui, la nuit close, Aux lèvres d'un berger Se pose, Comme un oiseau léger. Lune, en notre mémoire, De tes belles amours L'histoire T'embellira toujours. Et toujours rajeunie, Tu seras du passant Bénie, Pleine lune ou croissant. T'aimera le vieux pâtre, Seul, tandis qu'à ton front D'albâtre Ses dogues aboieront. T'aimera le pilote Dans son grand bâtiment,


Qui flotte, Sous le clair firmament ! 46 Et la fillette preste Qui passe le buisson, Pied leste, En chantant sa chanson. Comme un ours à la chaîne, Toujours sous tes yeux bleus Se traîne L'océan montueux. Et qu'il vente ou qu'il neige Moi-même, chaque soir, Que fais-je, Venant ici m'asseoir ? Je viens voir à la brune, Sur le clocher jauni, La lune Comme un point sur un i. Peut-être quand déchante Quelque pauvre mari, Méchante, De loin tu lui souris. Dans sa douleur amère, Quand au gendre béni La mère Livre la clef du nid, Le pied dans sa pantoufle, Voilà l'époux tout prêt Qui souffle Le bougeoir indiscret. Au pudique hyménée La vierge qui se croit


Menée, Grelotte en son lit froid,

Mais monsieur tout en flamme Commence à rudoyer Madame, Qui commence à crier. " Ouf ! dit-il, je travaille, Ma bonne, et ne fais rien Qui vaille; Tu ne te tiens pas bien. " Et vite il se dépêche. Mais quel démon caché L'empêche De commettre un péché ? " Ah ! dit-il, prenons garde. Quel témoin curieux Regarde Avec ces deux grands yeux ? " Et c'est, dans la nuit brune, Sur son clocher jauni, La lune Comme un point sur un i. Alfred de MUSSET, Ballade à la lune, 1829

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Tristesse (1839) J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré. --Alfred de MUSSET Trisetesse, 1839


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La poésie au XXème siècle Le XXème siècle est très complexe à décrire et est appelé un siècle d’idées : on explore l’esprit de l’homme. Son évolution se traduit par la violence et le désordre des jeunes qui rejettent tout, par l’importance donnée au subconscient. Le XXème siècle a également vu naître beaucoup d’écoles littéraires qui ont toutes eu leurs manifestes et leurs revues mais qui n’ont connu qu’un succès de courte durée. C’est aussi au XXème siècle que la littérature et les beaux arts se sont influencés plus que jamais.

Sommaire : Guillaume Apollinaire « Le Pont Mirabeau » « L'Émigrant de Landor Road » « L’adieu »

Francis Jammes « J’aime l’âne » Charles Péguy « Le Porche du Mystère de la deuxième vertu »

Jacques Prévert « La Seine a rencontré Paris » 50


« Déjeuner du matin » « Le Cancre » « L’Oiseau Lyre » « La Chasse à la Baleine »

André Breton Ta langue (Clair de la Terre)

Guillaume Apollinaire, Le Pont Mirabeau, 1913, Alcools Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restent face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine 51


Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure

Guillaume Apollinaire, L'Émigrant de Landor Road, 1904, Alcools Le chapeau à la main il entra du pied droit Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi Ce commerçant venait de couper quelques têtes De mannequins vêtus comme il faut qu'on se vête La foule en tous sens remuait en mêlant Des ombres sans amour qui se traînaient par terre Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumière S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs Mon bateau partira demain pour l'Amérique Et je ne reviendrai jamais Avec l'argent gardé dans les prairies lyriques Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin Mais habillé de neuf je veux dormir enfin Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes Les mannequins pour lui s'étant déshabillés Battirent leurs habits puis les lui essayèrent Le vêtement d'un lord mort sans avoir payé Au rabais l'habilla comme un millionnaire Au dehors les années Regardaient la vitrine Les mannequins victimes Et passaient enchaînées Intercalées dans l'an c'étaient les journées neuves Les vendredis sanglants et lents d'enterrements De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent Quand la femme du diable a battu son amant

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Puis dans un port d'automne aux feuilles indécises Quand les mains de la foule y feuillaient aussi Sur le pont du vaisseau il posa sa valise Et s'assit Les vents de l'Océan en soufflant leurs menaces Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses Et d'autres en pleurant s'étaient agenouillés Il regarda longtemps les rives qui moururent Seuls des bateaux d'enfants tremblaient à l'horizon Un tout petit bouquet flottant à l'aventure Couvrit l'Océan d'une immense floraison Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins Et l'on tissait dans sa mémoire Une tapisserie sans fin Qui figurait son histoire Mais pour noyer changées en poux Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent Il se maria comme un doge Aux cris d'une sirène moderne sans époux Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement Des cadavres de jours rongés par les étoiles Parmi le bruit des flots et des derniers serments

Francis Jammes, J’aime l’âne, 1898, De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir J’aime l’âne si doux Marchant le long des houx. Il prend garde aux abeilles Et bouge ses oreilles ; Et il porte les pauvres Et des sacs remplis d’orge. 53


Il va, près des fossés, D’un petit pas cassé. Mon amie le croit bête Parce qu’il est poète. Il réfléchit toujours. Ses yeux sont en velours. Jeune fille au doux cœur, Tu n’as pas sa douceur

Charles Péguy, Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, 1912 « La petite Espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance S'avance. Entre ses deux grandes sœurs. Celle qui est mariée. Et celle qui est mère. Et l'on n'a d'attention, le peuple chrétien n'a d'attention que pour les deux grandes sœurs. La première et la dernière. Qui vont au plus pressé. Au temps présent. A l'instant momentané qui passe. Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n'a de regard que pour les deux grandes sœurs. Celle qui est à droite et celle qui est à gauche. Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu. La petite, celle qui va encore à l'école. Et qui marche. Perdue dans les jupes de ses sœurs. Et il croit volontiers que ce sont les deux grands qui traînent la petite par la main.

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Au milieu. Entre les deux. Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut. Les aveugles qui ne voient pas au contraire. Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs. Et que sans elle elles ne seraient rien. Que deux femmes déjà âgées. Deux femmes d'un certain âge. Fripées par la vie. C'est elle, cette petite, qui entraîne tout. »

Jacques Prévert, La Seine a rencontré Paris, 1958, Choses et Autres Qui est la Toujours là dans la ville Et qui pourtant sans cesse arrive Et qui pourtant sans cesse s’en va C’est un fleuve répond un enfant un devineur de devinettes Et puis l’œil brillant il ajoute Et le fleuve s’appelle la Seine Quand la ville s’appelle Paris et la Seine c’est comme une personne Des fois elle court elle va très vite elle presse le pas quand tombe le soir Des fois au printemps elle s’arrête et vous regarde comme un miroir et elle pleure si vous pleurez ou sourit pour vous consoler et toujours elle éclate de rire quand arrive le soleil d’été

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Guillaume Apollinaire, L’adieu, 1913, Alcools J’ai cueilli brin de bruyère L’automne est morte souviens-t’en Nous ne nous verrons plus sur terre Odeur du temps brin de bruyère Et souviens-toi que j’attends

André Breton, Ta langue, 1923, Clair de la Terre Ta langue Le poisson rouge dans le local De ta voix

Jacques Prévert, Déjeuner du matin, 1946, Paroles Il a mis le café Dans la tasse Il a mis le lait Dans la tasse de café Il a mis le sucre Dans le café au lait Avec la petite cuiller Il a tourné Il a bu le café au lait Et il a reposé la tasse Sans me parler Il a allumé Une cigarette Il a fait des ronds Avec la fumée Il a mis les cendres Dans le cendrier Sans me parler Sans me regarder

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Il s'est levé Il a mis Son chapeau sur sa tête Il a mis son manteau de pluie Parce qu'il pleuvait Et il est parti Sous la pluie Sans une parole Sans me regarder Et moi j'ai pris Ma tête dans ma main Et j'ai pleuré

Jacques Prévert, Le Cancre, 1945, Paroles Il dit non avec la tête mais il dit oui avec le cœur il dit oui à ce qu'il aime il dit non au professeur il est debout on le questionne et tous les problèmes sont posés soudain le fou rire le prend et il efface tout les chiffres et les mots les dates et les noms les phrases et les pièges et malgré les menaces du maître sous les huées des enfants prodiges avec les craies de toutes les couleur sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur

Jacques Prévert, L’oiseau lyre, 1949, Paroles Deux et deux quatre Quatre et quarte huit Huit et huit font seize… Répétez ! dit le maître

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Deux et deux quatre Quatre et quatre huit Huit et huit font seize. Mais voilà l’oiseau lyre Qui passe dans le ciel L’enfant le voit L’enfant l’entend L’enfant l’appelle Sauve-moi Joue avec moi Oiseau ! Alors l’oiseau descend Et joue avec l’enfant Deux et deux quatre… Répétez ! dit le maître Et l’enfant joue L’oiseau joue avec lui… Quatre et quatre huit Huit et huit font seize Et seize et seize qu’est-ce qu’ils font ? Ils ne font rien seize et seize Et surtout pas trente-deux De toute façon Ils s’en vont. Et l’enfant a caché l’oiseau Dans son pupitre Et tous les enfants Entendent sa chanson Et tous les enfants Entendent la musique Et huit et huit à leur tour s’en vont Et quatre et quatre et deux et deux À leur tour fichent le camp Et un et un ne font ni une ni deux Un à un s’en vont également. Et l’oiseau lyre joue Et l’enfant chante Et le professeur crie : 58


Quand vous aurez fini de faire le pitre Mais tous les autres enfants Écoutent la musique Et les murs de la classe S’écroulent tranquillement Et les vitres redeviennent sable L’encre redevient eau Les pupitres redeviennent arbres La craie redevient falaise Le port-plume redevient oiseau.

Jacques Prévert, La Pêche à la Baleine, 1935, Paroles A la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine, Disait le père d’une voix courroucée A son fils Prosper, sous l’armoire allongé, A la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine, Tu ne veux pas aller, Et pourquoi donc? Et pourquoi donc que j’irais pêcher une bête Qui ne m’a rien fait, papa, Va la pépé, va la pêcher toi-même, Puisque ça te plaît, J’aime mieux rester à la maison avec ma pauvre mère Et le cousin Gaston. Alors dans sa baleinière le père tout seul s’en est allé Sur la mer démontée… Voilà le père sur la mer, Voilà le fils à la maison, Voilà la baleine en colère, Et voilà le cousin Gaston qui renverse la soupière, La soupière au bouillon. La mer était mauvaise, La soupe était bonne.

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Poésie XXè siècle Sommaire :

Poésie de la première moitié du 20ème siècle Les Cloches (extrait), Saint John Perse Les Sapins, Guillaume Apollinaire Automne, Guillaume Apollinaire Le Chat, Guillaume Apollinaire La Blanche Neige, Guillaume Apollinaire Le Chenille, Guillaume Apollinaire La Dromadaire, Guillaume Apollinaire Saltimbanques, Guillaume Apollinaire Le pont Mirabeau, Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913 L’Emigrant de Landor Road, Guillaume Apollinaire, 1904 Il Pleut, Raymond Queneau Fable, Raymond Queneau « Tu étais » me dit-on « méchant », Raymond Queneau Si tu t’imagines, Raymond Queneau Saint Martin, Paul Claudel Le pécheur attrape les poissons, Paul Claudel Le porche du mystère de la deuxième vertu, Charles Péguy, 1912

Première moitié du XX siècle Au début du siècle, la poésie poursuit l'œuvre des mouvements symboliste (influence de Stéphane Mallarmé mort en 1898) et décadentiste nés à la fin du siècle précédent. La période 1890-1918 est féconde en renouvellements poétiques, vers le lyrisme flamboyant avec les débuts de Paul Claudel, l'invention 60


vers la poésie libre, des collages et des jeux avec Guillaume Apollinaire et son recueil Alcools paru en 1913, parallèlement au renouveau artistique pictural (Pablo Picasso et le cubisme). Les avant-gardes jouent avec le langage se libérant des règles et abordant des thèmes nouveaux voire provocateurs (Alfred Jarry mort en 1907 et le dadaïsme). Dans les mêmes années, des voix signatures se font entendre avec ceux qu'on a appelé « les Poètes de Dieu » comme Charles Péguy avec son inspiration patriotique et religieuse et la force d'une poésie simple (Jeanne d'Arc, 1897 – Tapisserie d'Eve, 1913), ou Paul Claudel avec sa quête spirituelle exprimée à travers l'ampleur du Verset (Cinq Grandes Odes, 1904-1908-1910). C’est aussi le temps des « découvreurs » comme Blaise Cendrars (Les Pâques à New York,, 1912 – La prose du Transsibérien, 1913), Guillaume Apollinaire (Alcools, 1913 – Calligrammes, 1918), Victor Segalen (Stèles, 1912), Max Jacob (Le Cornet à dés, 1917), Saint John Perse (Eloges, 1911 – Anabase, 1924) qui explorent « l’Esprit nouveau » en recherchant la présence de la modernité et du quotidien et l’ éclatement de la forme : disparition de la rime, de la ponctuation , du vers métré et audaces stylistiques exploitant l’expressivité des images, les ressources du rythme et des sonorités.

Saint John Perse (1887-1973) Les Cloches (extrait), Vieil homme aux mains nues, remis entre les hommes, Crusoé ! tu pleurais, j’imagine, quand des tours de l’Abbaye, comme un flux, s’épanchait le sanglot des cloches sur la Ville… O Dépouillé ! Tu pleurais de songer aux brisants sous la lune ; aux sifflements de rives plus lointaines ; aux musiques étranges qui naissent et s’assourdissent sous l’aile close de la nuit, Pareilles aux cercles enchaîne que sont les ondes d’une conque, à l’amplification de clameurs sous la mer… Saint John Perse

Guillaume Apollinaire (1880-1918)

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Les Sapins Les sapins en bonnets pointus De longues robes revêtus Comme des astrologues Saluent leurs frères abattus Les bateaux qui sur le Rhin voguent Dans les sept arts endoctrinés Par les vieux sapins leurs aînés Qui sont de grands poètes Ils se savent prédestinés A briller plus que des planètes A briller doucement changés En étoiles et enneigés Aux Noëls bienheureuses Fêtes des sapins en songés Aux longues branches langoureuses Les sapins beaux musiciens Chantent des noëls anciens Au vent des soirs d'automne Ou bien graves magiciens Intentent le ciel quand il tonne Des rangées de blancs chérubins Remplacent l'hiver les sapins Et balancent leurs ailes L'été ce sont des grands rabbins Ou bien de vieilles demoiselles 62


Sapins médecins divagants Ils vont offrant leurs bons onguents Quand la montagne accouche De temps en temps sous l'ouragan Un vieux sapin geint et se couche Guillaume Apollinaire Automne Dans le brouillard s'en va un paysan cagneux Et son bœuf lentement dans le brouillard d'automne Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s'en allant là-bas le paysan chantonne Une chanson d'amour en d'infidélité Qui parle d'une bague et d'un cœur que l'on brise Oh ! Automne l'automne a fait mourir l'été Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises Guillaume Apollinaire Le Chat Je souhaite dans ma maison ; Une femme ayant sa raison, Un chat passant parmi les livres, Des amis en toute saison Sans lesquels je ne peux pas vivre. Guillaume Apollinaire La Blanche Neige Les anges les anges dans le ciel L'un est vêtu en officier L'un est vêtu en cuisinier Et les autres chantent Bel officier couleur du ciel Le doux printemps longtemps après Noël 63


Te médaillera d'un beau soleil D'un beau soleil Le Cuisinier plume des oies Ah ! Tombe neige Tombe et que n'ai-je Ma bien-aimée entre mes bras Guillaume Apollinaire La Chenille

Le travail mène à la richesse. Pauvres poètes, travaillons ! La Chenille en peinant sans cesse Devient la riche papillon. Guillaume Apollinaire

Le Dromadaire Avec ses quatre dromadaires Don Pedro d’Alfaroubeira Courut le monde et l’admira. Il fit ce que je voudrais faire Si j’avais quatre dromadaires. Guillaume Apollinaire Saltimbanques Dans la plaine les baladins S’éloignent au long des jardins Devant l’huis des auberges grises Par les villages sans églises Et les enfants s’en vont devant Les autres suivent en rêvant Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe Ils one des poids rond ou carrés Des tambours des cerceaux dorés L’ours et le singe animaux sages Quêtent des sous sur leur passage 64


Guillaume Apollinaire

Le pont Mirabeau

Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Guillaume Apollinaire, 1913, Alcools

Le Pont Mirabeau est un poème célèbre du poète français Guillaume Apollinaire (1880-1918). Cette poésie était publiée dans son recueil Alcools. Le titre représente le pont 65


Mirabeau de Paris construit de 1893 à 1896 qu’on considère comme un des monuments historiques de Paris. Cette poésie a plusieurs fois été mise en chanson. Elle a ainsi été interprété par Cora Vau Caire (est une chanteuse française, surnommé « La Dame Blanche de Saint-Germain des Prés ») sur une musique de Léo Ferré (est un pianiste francomonégasque). Elle trait de la disparition de l’amour avec le passage du temps.

L'Émigrant de Landor Road Le chapeau à la main il entra du pied droit Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi Ce commerçant venait de couper quelques têtes De mannequins vêtus comme il faut qu'on se vête La foule en tous sens remuait en mêlant Des ombres sans amour qui se traînaient par terre Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumière S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs Mon bateau partira demain pour l'Amérique Et je ne reviendrai jamais Avec l'argent gardé dans les prairies lyriques Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin Mais habillé de neuf je veux dormir enfin Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes Les mannequins pour lui s'étant déshabillés Battirent leurs habits puis les lui essayèrent Le vêtement d'un lord mort sans avoir payé Au rabais l'habilla comme un millionnaire Au dehors les années Regardaient la vitrine Les mannequins victimes Et passaient enchaînées Intercalées dans l'an c'étaient les journées neuves Les vendredis sanglants et lents d'enterrements De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent Quand la femme du diable a battu son amant Puis dans un port d'automne aux feuilles indécises Quand les mains de la foule y feuillaient aussi 66


Sur le pont du vaisseau il posa sa valise Et s'assit Les vents de l'Océan en soufflant leurs menaces Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses Et d'autres en pleurant s'étaient agenouillés Il regarda longtemps les rives qui moururent Seuls des bateaux d'enfants tremblaient à l'horizon Un tout petit bouquet flottant à l'aventure Couvrit l'Océan d'une immense floraison Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins Et l'on tissait dans sa mémoire Une tapisserie sans fin Qui figurait son histoire Mais pour noyer changées en poux Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent Il se maria comme un doge Aux cris d'une sirène moderne sans époux Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement Des cadavres de jours rongés par les étoiles Parmi le bruit des flots et des derniers serments Guillaume Apollinaire, 1904 Raymond Queneau (1903-1976) Il pleut Il pleur sur la bergère il pleut sur les moutons j'entends la locotière et j'entends les wagons dans le fond du vallon tout juste une prairie j'aperçois un wagon une locomotrice il pleut sur la bergère il pleur sur les wagons 67


c'est le progrès sorcière la civilisation.

Raymond Queneau

Fable Un affreux chat z-en casquette courait après les souris Un affreux rat z-en liquette grignotait du riz et du riz Auquel des deux la grande chance ? Rasés de frais et mis en plis ces deux bestioles sans souffrances se transformèrent en dandys Enfants apprenez cette fable sa morale et sa conclusion Le coiffeur être formidable a toujours et toujours inconstanblement raison Raymond Queneau « Tu étais » me dit-on « méchant » « Tu étais » me dit-on « méchant, tu pleurnichais avec malice Devant des gens de connaissance, c’était vraiment très embêtant. « Tu chi’ites, enfant, comme un veau et tu n’en faisais qu’à ta tête, tu hurlais pour une calotte et tu ameutais les badauds. « Tu barbouillais de chocolat tes beaux vêtements du dimanche sous le prétexte que ta tente avait oublié tes soldats. « Maintenant tu es devenu le plus grand cancre de ta classe, nul en gym’ et en langue anglaise et chaque jeudi retenu. 68


« Sur des dizaines de cahiers tu écris de longues histoires, des romans, dis-tu, d’aventures : mon fils, te voilà bon à lier. « Tu connais tous les pharaons de la vénérable Égypte, tu veux déchiffre le hittite, mon fils, tu n’as pas de raison » Alors je me mis au travail et décrochai plus d’un diplôme. Hélas ! quel pauvre jeune homme plus tard e suis devenu. Raymond Queneau « Si tu t’imagine » Ce poème de Raymond Queneau qui est devenu un tube. Ce poème est souvent lié à une chanson. Le sujet de ce poème s’inspire du « carpe diem» et aussi fait allusion au poème de Pierre de Ronsard qui s’intitule « Les roses de la vie». Il se moque la poésie qui contient beaucoup de vocabulaire. Il imite le langage orale dans ce poème. Le quatrième vers « xa va xa va xa» est devenu célèbre. Si tu t'imagines si tu t'imagines fillette fillette si tu t'imagines xa va xa va xa va durer toujours la saison des za la saison des za saison des amours ce que tu te goures fillette fillette ce que tu te goures Si tu crois petite si tu crois ah ah que ton teint de rose ta taille de guêpe tes mignons biceps tes ongles d'émail ta cuisse de nymphe et ton pied léger 69


si tu crois petite xa va xa va xa va va durer toujours ce que tu te goures fillette fillette ce que tu te goures les beaux jours s'en vont les beaux jours de fête soleils et planètes tournent tous en rond mais toi ma petite tu marches tout droit vers que tu vois pas très sournois s'approchent la ride véloce la pesante graisse le menton triplé le muscle avachi allons cueille cueille les roses les roses roses de la vie et que leurs pétales soient la mer étale de tous les bonheurs allons cueille cueille si tu le fais pas ce que tu te goures fillette fillette ce que tu te goures Paul Claudel (1868-1955) Saint Martin La mère est ce qu'il y a de patient et de fidèle et de tour prés et de toujours pareil et de toujours présent. C'est toujours la même figure attentive, et c’est toujours, sous son regard, le même enfant, Qui sait que tour lui appartient sans pitié et qui vous trépigne de ses deux pieds sur le ventre. Mais le père est ce qui n'est jamais là, il sort et l'on ne sait jamais au juste quand il rentre, L'hôte aux rares paroles du repas que le journal dès qu'il a quitté la table réenglourit : 70


Un bonjour, un bonsoir distraits, une or deux questions de temps en temps, une explication difficile et pas finie, Puis, subitement parfois quelques jeux violents et courts et l'intervention terrifiante de ce gros camarade. Et cependant c'est bon, cette grosse main quand on ne sait plus au juste où l'on est, qui vous prend, ours sur le front cet ter caresse furtive lorsque l'on est malade. (… ) Paul Claudel

Le pêcheur attrape les poisons des vagues. oiseaux.

Le pêcheur attrape les poissons avec ce panier profondément enfoui au-dessous Le chasseur avec cet invisible lacs entre deux branches attrape les petits

Et moi, dit le jardinier, pour attraper la lune et les étoiles il me suffit d’un peu d’eau, - et les cerisiers en fleur et les érables en feu, il me suffit de ce ruban d’eau que je déroule. Et moi, dit le poète, pour attraper les images et les idées il me suffit de cet appât de papier blanc, les deux n’y passeront points sans y laisser leurs traces comme les oiseaux sur la neige. Pour tenter les pas de l’Impératrice de la Mer il me suffit de ce tapis de papier que je déroule, prout faire descendre l’Empereur du ciel il me suffit de ce rayon de lune, il me suffit de cet escalier de papier blanc. Paul Claudel

Le Porche du Mystère de la deuxième vertu « La petite Espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance S'avance. Entre ses deux grandes sœurs. Celle qui est mariée. Et celle qui est mère. Et l'on n'a d'attention, le peuple chrétien n'a d'attention 71


que pour les deux grandes sœurs. La première et la dernière. Qui vont au plus pressé. Au temps présent. A l'instant momentané qui passe. Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n'a de regard que pour les deux grandes sœurs. Celle qui est à droite et celle qui est à gauche. Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu. La petite, celle qui va encore à l'école. Et qui marche. Perdue dans les jupes de ses sœurs. Et il croit volontiers que ce sont les deux grands qui traînent la petite par la main. Au milieu. Entre les deux. Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut. Les aveugles qui ne voient pas au contraire. Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs. Et que sans elle elles ne seraient rien. Que deux femmes déjà âgées. Deux femmes d'un certain âge. Fripées par la vie. C'est elle, cette petite, qui entraîne tout. » Charles Péguy, 1912

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« On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, 1943

*** « Peuples! Écoutez le poète ! Ecoutez le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, Lui seul a le front éclairé. » Victor Hugo , Les Rayons et les ombres, 1840

*** « Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant […] Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens.» Arthur Rimbaud, La lettre au Voyant, 13 mai 1871

*** « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. » Charles Baudelaire, ébauche d'épilogue pour la 2ème édition des Fleurs du Mal, 1861


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