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MAINTENANT, IL FAUT MARQUER ! Champion fra.indd 1

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Titre original : Bomber e i scaldapanchine © Philip Osbourne- Almond Project Traduction de l’italien : Mario Cuxac Les illustrations ont été réalisées par une équipe internationale : Beezzzstudio, RR, Studio DG, A.R. Ce livres contiennent des illustrations de : Beezzzstudio, Antonio Rojo, Roberta Procacci et Freepick Impression : Printonweb - Isola del Liri (FR) Copyright : 2018 © GREMESE Editions de Grenelle sas Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, enregistrée ou transmise, de quelque façon que ce soit et par quelque moyen que ce soit, sans le consentement préalable de l’éditeur. ISBN 978-2-36677-183-1 Dépôt légal : novembre 2018 (Imprimé en Italie)

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Philip Osbourne

CHAMPION ET LES CIREURS DE BANC MAINTENANT, IL FAUT MARQUER !

Je dédie ce livre à l’Amour que parfois, de manière injuste, nous laissons sur la touche. À John Hughes qui a changé mon enfance avec ses films et à Messi qui, avec ses gestes magiques, réussit à transformer le stade en un lieu aussi enchanté qu’un film d’Harry Potter.

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Arnoldion Le Champ

Introduction de Philip Osbourne

Q

uand j’étais un jeune garçon, je jouais dans une équipe de football qui n’avait rien d’exceptionnel. « Phil, il nous manque des joueurs, tu veux venir jouer avec nous ? » m’a dit un jour Marcel, un de mes meilleurs amis qui sera toujours dans mon cœur. 4

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« Moi ? Mais c’est un vrai tournoi ? Vous avez un maillot ? Et ton entraîneur me ferait vraiment entrer sur le terrain ? » ai-je demandé, un peu apeuré. Je n’avais jamais joué de match officiel, tout au plus j’avais tapé dans le ballon avec les copains du quartier. Mais c’était différent que de fouler la pelouse lors d’un match officiel avec un arbitre. Et je n’y connaissais rien en tactique.

J’étais vraiment prêt à faire partie d’une équipe ?

J’aurais volontiers joué au foot avec eux, même si l’équipe n’était pas considérée comme la meilleure. Pour tout dire, comme me l’a annoncé Marcel quelques minutes plus tard, c’était même la plus mauvaise du championnat. Mais c’était ma seule occasion de porter un vrai maillot de club et d’acheter des crampons. L’important n’est pas de savoir d’où on part mais où on peut arriver. Il fallait bien que je commence quelque part. « Mon entraîneur est pressé de te rencontrer. Tu vas t’amuser ! » m’a rassuré mon ami. Quand j’ai rencontré le coach, un petit bonhomme qui mastiquait continuellement des chewing-gums et se grattait tout le temps la tête, au point que je pensais qu’il y avait dans ses cheveux un élevage moi je suis Philip Osbourne et je joue au foot... mais sur la playstation!

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de poux, j’ai été pris au dépourvu. Il n’était pas sympathique comme je me l’imaginais et ce n’était pas un grand entraîneur. Il ne donnait pas plus de conseils tactiques que de conseils sur la manière de garder sa position sur le terrain. Peut-être que seuls les poux qui lui sautaient sur la tête l’intéressaient. Moi j’étais déterminé à vivre mon premier match officiel et je pensais uniquement à mon maillot. Avoir un maillot rien qu’à moi était une chose merveilleuse. J’étais enfin un joueur de foot ! Dans l’équipe nous étions 12. Parmi nous, il y avait Danny, le garçon le plus petit du groupe, qui restait toujours à l’écart pour lire les bandes-dessinées de Spiderman. Le foot ne l’intéressait sûrement pas autant qu’il m’intéressait moi. Voilà pourquoi il ne m’a pas été difficile de gagner ma place de titulaire. Nous n’étions pas nombreux dans l’équipe et cela m’a aidé. Je me souviens très bien de mon premier match et, même si je savais que je devais ma sélection à l’absence de concurrence, ce jour-là je me suis senti privilégié. « J’ai l’impression d’avoir des pouvoirs spéciaux ! » ai-je dit à Marcel.

J’étais comme un super héros !

Tu connais Peter Parker ? C’est un rat de bibliothèque qui devient l’audacieux Spiderman dés qu’il enfile son costume. Ou bien Matt Murdock ? Un avocat fragile qui, lorsqu’il bondit d’immeubles en immeubles avec le costume de Daredevil, montre son côté intrépide et courageux. Moi aussi, comme les super héros inventés par Stan Lee, je me suis senti renaître à peine avais-je enfilé le short et 6

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le maillot de notre équipe. Dommage que le coach m’ait mis en défense, sur l’aile droite. « Marque le joueur et ne laisse pas ta zone découverte. Focalise-toi sur le numéro 7 et ne le lâche pas d’une semelle ! » m’a-t-il lancé, en espérant que je sois capable de mémoriser ces informations. Mais je n’étais pas un défenseur et cela n’était pas naturel pour moi de me coller à un attaquant adversaire pour éviter qu’il puisse se déplacer sans problèmes dans notre moitié de terrain. « Ce n’est pas mon rôle ! Je suis un milieu de terrain. J’aime récupérer la balle au centre et lancer l’action d’attaque » ai-je expliqué au coach. Il ne m’a pas écouté, peut-être par ce qu’il n’avait pas beaucoup d’autres alternatives. « Entre sur le terrain, donne le meilleur de toi et fais ce que moi je te dis ! » m’a-t-il rappelé. Je ne me sentais pas à mon aise dans cette partie du terrain et, à la vingtième minute de jeu, j’ai fini par perdre le ballon sur le côté gauche. Le joueur adversaire a sprinté droit devant et, sans être inquiété, il a marqué le but qui a donné la victoire à son équipe. Nous avons perdu le match par ma faute et la semaine suivante j’ai fini sur le banc. J’étais découragé de voir Danny, le garçon qui aimait tant les bandesdessinées et se fichait du football, prendre ma place. J’étais devenu un cireur de banc ! Au bord du terrain, j’ai vu un match différent. J’ai compris qu’il existait deux types de matchs : ceux en tant que titulaire et ceux en tant que remplaçant. C’était comme si je me regardais dans un miroir et que je n’arrivais pas à me reconnaître parce que l’image qui était renvoyée n’était pas

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celle d’un garçon de 13 ans (que j’étais) mais celle d’un nouveau-né, sans défense. Je n’étais plus un acteur du jeu et je ne pouvais plus contribuer à la victoire de mon équipe. J’étais comme une roue de secours et, pour faire partie du jeu, je devais espérer que quelque chose se passe mal pour mon équipe. Je trouvais cela injuste ! Je me suis mis à pleurer, mais sans me faire voir par mes coéquipiers, et j’ai pensé à abandonner l’équipe. « Je suis le plus mauvais de tous ! » je me répétais à moi-même. Je n’allais pas supporter un match de plus sur le banc. Heureusement, mes parents m’ont obligé à continuer. « Si tu abandonnes, tu es vraiment un perdant. Si tu résistes, tu es de ceux qui, peut-être, pourront devenir des champions ! » m’a dit mon père. Durant ces années-là, lors des plus grands championnats on voyait des grands noms de stars comme Platini, Tigana, Paolo Rossi, Tardelli, Zico et Falcao. Je pensai qu’aucun d’eux n’aurait jeté l’éponge après quelques matchs sur le banc. Durant les entraînements suivants, j’ai parlé avec le coach et lui ai montré que j’étais un milieu de terrain. Il m’a fait jouer à mon poste, où j’ai été meilleur et j’ai retrouvé un peu de sérénité. Après un mois, j’ai même retrouvé mon poste de titulaire. J’ai fait un championnat de bon niveau. 8

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Si je me souviens bien, j’avais réussi une vingtaine de passes décisives, marqué 8 buts et bloqué une centaine d’actions importantes des équipes adverses. Je n’avais pas le talent footballistique de Mbappé, ni celui de Dembélé ou de Pogba, sinon je ne serais pas devenu écrivain mais footballeur, mais j’ai réussi à donner le meilleur de moi-même et à m’amuser. Depuis le temps, je ne me souviens plus du nom de beaucoup de mes coéquipiers, mais je me rappelle parfaitement du banc des remplaçants, de la douleur et de la frustration qu’il m’a apportées, et alors il est clair qu’il n’y a pas de différence entre être un cireur de banc ou un champion : au fond, chacun joue pour gagner sa propre bataille… et c’est cette victoire-là qui est la plus importante. e Philip O sbourn

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qui sont-ils

Le looser peureux ?

Je suis le meilleur des champions... quand il s’agit d’oublier comment on tire les penaltys.

ARNOLD

Le Champion

Né à Paris, Arnold a toujours voulu être un attaquant, même s’il cultive aussi une passion pour la magie. Quand il ne joue pas au foot, il passe ses journées à regarder sur YouTube les tours de magie de Penn & Teller. Arnold n’est pas sûr de lui, même s’il ne veut pas l’admettre, et les penaltys sont son cauchemar. Il adore Cristiano Ronaldo et déteste les brutes. 10

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?

PICO

à Tout le monde un talent pour quelque chose… a Mon père en a tellement qu’il le peut-être pris mien ?

Le magicien du ballon Pico est né au Brésil et c’est celui qui sait le mieux dribbler de toute l’équipe. Quand il est entré dans l’A-Team, il réussissait à faire des gestes techniques que même Neymar n’aurait pas pu faire sur Fifa. Un jour, il s’est comme bloqué et il est presque devenu un incapable. Beaucoup ont dit que c’était parce qu’il ne supportait pas la comparaison avec son père : Socrates, un ancien joueur. Son idole est Ronaldinho.

Un talent gâché ? au J’aime jouer on foot… quand e ne me demand pas de courir r ou de décolle n mon nez de mo iPad.

Blasé ?

DiEGO MALDINI

Le champion des jeux vidéo Son père est italien et sa mère américaine. Diego passe la plus grande partie de son temps devant les jeux vidéo. Pour tout le monde c’est un garçon blasé qui n’a pas envie de jouer au foot. Intelligent, résistant, il fantasme quand il voit sur le terrain le défenseur de l’équipe d’Allemagne, Jérôme Boateng.

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Qui sont-ils Peut-être que la magie existe, peut-être même que les rêves existent, mais peut-être que... mais peutêtre que le vrai problème est que ceux qui y croient sont trop peu nombreux.

MICHEL

(Mais tout le monde l’appelle ROD) L’informaticien

Le père de Michel, dans sa jeunesse, était fan d’Éric Cantona, l’attaquant qui a joué au Manchester United, et plus encore de Michel Platini, un des plus grands numéros 10 de l’histoire du foot. Il veut être appelé Rod parce que c’est un vrai nerd, passionné par les œuvres de Rod Serling, l’écrivain d’une vielle série télé intitulée « La Cinquième Dimension ». Rod est un informaticien, un vrai génie, très réservé et cérébral. Il joue en défense et rêve de devenir le nouveau Samuel Umtiti.

Le savant fou ? J’ai encore beaucoup à apprendre et il y a plein de joueuses fortes, presque aussi fortes de moi !

HANNA

La super numéro 10 Décidée et toujours optimiste, Hanna vit dans une banlieue de la ville. Personne ne sait grand-chose d’elle. Elle joue dans l’équipe féminine de l’A-Team et c’est en attaque qu’elle donne le meilleur d’ellemême. Dotée d’une grande technique et d’une détermination extraordinaire, Hanna rêve d’avoir la même carrière que Marta*, sa footballeuse préférée. 12

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Un peu présomptueuse, ou bien tout simplement la meilleure à son poste ? * Marta a été pendant des années la joueuse la plus forte du monde. La seule a avoir gagné cinq fois - de 2006 a 2010 - le titre de meilleure footballeuse FIFA de l’année. Elle peut se vanter d’avoir un palmarès qui peut être envié par ses collègues masculins. De plus, avec la seleçao, elle totalise 83 buts en 73 matchs et elle détient le record de buts en coupe du monde féminine, 15 au total.

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CHAPITRE

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onde

CHAPITRE UN LE PASSÉ Pour tout le monde nous étions quatre jeunes garçons « compliqués ». Nos parents, amis et coéquipiers nous voyaient comme un « looser peureux », « un génie fou », « un blasé », et un « talent gâché ». Ceci est notre histoire…

Arnold le Champion

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Chi sono

« But ! » ai-je exulté, en oubliant que mes cordes vocales n’étaient pas celles d’un chanteur. « Arnold ! Réveille-toi ! » m’a crié ma mère, plutôt inquiète, en me secouant comme si j’étais en transe ou, pire, comme si j’avais à l’intérieur de moi une créature extraterrestre qui me poussait à sursauter sur le lit. « But ! » ai-je répété, cette fois de manière moins enthousiaste, comme un écho à ma jubilation précédente. « C’était un rêve ! » m’a fait remarquer ma sympathique mère. J’ai ouvert grand les yeux et la réalité a commencé à prendre forme. J’étais dans ma petite chambre. En face de mon lit, il y avait mon bureau avec le tiroir rempli de Bicycle, les cartes à jouer pour magiciens, et un peu plus loin, à gauche, il y avait un petit cadre avec la photo de Penn & Teller, mes deux illusionnistes préférés, que j’adore plus encore que Dynamo ou David Blaine. Au milieu de tout cela, trônait le poster de Cristiano Ronaldo. C’est mon idole depuis que j’ai commencé à suivre le football. À chaque fois qu’il dribble avec ce mouvement de ciseau bien particulier, je jubile. Je l’ai analysé des milliers de fois sur YouTube. Pour y arriver, il faut faire tourner son pied autour de la balle et, en même temps, faire une feinte avec le corps comme pour aller de l’autre côté, afin de tromper les défenseurs. Je maîtrise bien ce geste technique. « Tu rêvais que tu marquais un but ? » m’a demandé celle qui, m’ayant mis au monde, se sentait en droit de me construire une vie parfaite, où la déception n’avait pas sa place.

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Le passé

Pourquoi ne s’occupe-t-elle pas de ses affaires ? À douze ans, je ne peux pas rêver tranquillement à ce que je veux, sans devoir lui en parler ? « Tu n’oublieras donc jamais la finale de l’année dernière... ! » m’a-telle rappelé avec insistance, en approchant sa tête à quelques centimètres de la mienne pour me faire des papouilles. Je me suis éloigné d’elle. Mais qui a dit qu’il fallait en parler ? Pas moi ! J’étais en train de rêver, c’est tout. « Tu rêvais que tu marquais le tir au but ? » a-t-elle insisté. On aurait dit une scientifique qui cherche à comprendre ce qui ne tourne pas rond chez son cobaye. Je me suis étiré et me suis assis sur mon lit. J’ai tapé du pied sur le sol, le temps de chercher les mots justes. « C’était il y a six mois, tu devrais passer à autre chose ! » a-t-elle ajouté, dans l’espoir de m’encourager. « Maman, j’étais remplaçant… et c’était la finale. Le titulaire se blesse, je rentre à sa place et qu’est-ce que j’arrive à faire ? Juste à rater le dernier tir ! C’était le tournoi national. Nom d’un chien ! » « Ça peut arriver à tout le monde de rater un but ! » « Et tu sais comment ils m’appellent maintenant ? » Elle a ouvert de grands yeux et toute son appréhension s’est concentrée à l’intérieur de son iris. Elle semblait plus effrayée que curieuse. « Comment ? » « Ils m’appellent “Champion” ! » lui ai-je expliqué. « Et ce n’est pas bien ? »

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Allez Arnold, Avanti Arnold, tu segna marques e et onvinciamo! a gagné !

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L’année précédente.

Les rangers étaient les favoris… Et pourtant ils tremblaient !

Jai dribblé Jackson, un défenseur collant mais médiocre techniquement…

L’A-Team était arrivée en fifinale et à trente secondes de la fifin des prolongations…

Je dois marquer avant le coup de sifffllet fifinal ! C’est mon moment !

J’ai envoyé une frappe dans la lucarne, où il était impossible de l’arrêter.

Thibaut y est arrivé et a bloqué le ballon et mon rêve de victoire avec.

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Le passé Le temps réglementaire était terminé et c’était le moment des tirs au but.

Ils en avaient tirés cinq et marqués trois, nous quatre et marqués deux. Mon tir était décisif.

Ton pourcentage d’échec et très bas.

J’étais déterminé et sûr de moi. Je me sentais fort. J’étais l’attaquant et tout le monde s’attendait à ce que je marque.

J’ai frappé la balle avec l’extérieur du droit.

Le sort de la f ifinale dépendait de moi.

Le gardien s’est jeté du bon côté et a arrêté le ballon.

Hourra ! Nous avons gagné le championnat !

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On aurait dit une fillette de dix ans qui ne comprend pas les discussions des adultes. « Non. Parce qu’ils m’appellent “Arnold le Champion” pour se moquer de moi ! Pas parce que je suis un champion. Je suis un attaquant et je n’arrive pas à mettre la balle au fond des filets ! » J’aurais préféré ne pas parler de ça, mais visiblement elle y tenait plus que moi. « Qui t’interdit de devenir un vrai champion ? Peut-être que cela finira vraiment par devenir le surnom le plus adapté pour toi ! » Je l’ai regardée et me suis levé pour la prendre dans mes bras. J’aimais son enthousiasme et son optimisme que, malheureusement, je n’avais plus depuis ce jour où non seulement j’avais perdu le match, mais mon courage avec. Je n’étais pas comme Ronaldo ni comme Hazard, Pogba, Suarez ou Higuain. J’étais un remplaçant. Mais j’aurais tout donné pour ne plus avoir les jambes qui tremblent à chaque fois que je mettais les pieds sur un terrain. Je voulais me débarrasser des moqueries et montrer ce que je valais. 2 Socrates Junior, le père de Pica, avait joué dans l’équipe du Brésil. S’il ne s’était pas blessé, il serait devenu aussi fort que l’était alors Ronaldinho. D’origine populaire, le père de mon ami a passé son enfance dans le quartier de Vila Nova de Porto Alegre. Il a joué au Grêmio et grâce à l’argent qu’ils lui ont donné, il a pu déménager dans une maison plus spacieuse. Puis il a été acheté par le PSG et il 6 18

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Le passé

est venu habiter chez nous à Paris, où il est devenu un vrai mythe, tout du moins pour mon père et ceux de son âge. Moi je n’avais vu que quelques vidéos, et je dois dire que Socrates Junior avait une technique de balle au pied aussi rare qu’habile : ses dribbles et ses gestes techniques n’avaient pas de rivaux. Sans parler de sa vitesse explosive, son tir puissant et la précision avec laquelle il pouvait faire des miracles lors des coups de pied arrêtés. Il ne joue désormais plus depuis des années et il a ouvert un magasin de sport dans le 20e arrondissement. Nous sommes devenus amis avec son fils l’année dernière, dès le deuxième entraînement. Pico bégaie et pour cela certains se moquaient et se moquent toujours de lui. Le jour où nous sommes devenus amis, c’est Hugo qui s’est moqué de lui. Hugo est un frimeur qui joue milieu de terrain, un gars de treize ans qui ne sait pas sourire, même si tu lui dis qu’il est convoqué en équipe nationale. Hugo a toujours voulu jouer quelques mètres plus en avant par rapport à son poste. Il est généralement au centre du terrain, parce que c’est un milieu récupérateur et que son rôle a toujours été d’enrayer les avancées des adversaires. Il n’arrive pas à toucher la balle avec délicatesse. Il n’a pas la fantaisie de mon ami brésilien et, quand Pico lui a fait le petit pont de trop, Hugo, envahi par la rage qui suit l’humiliation, l’a poussé et fait tomber par terre en disant : « Pousse toi de là… le bègue ! »

Un comportement méchant et déplorable !

Il n’y avait bien sûr pas la vidéo pour revoir la faute et réentendre ses mots, qu’il a niés habillement devant le coach, mais les blessures de 19

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ce geste sont restées gravées dans nos souvenirs. J’ai aidé Pico à se relever et, devant tout le monde, j’ai crié à Hugo, ce que je pensais de lui : « Tu mérites la relégation dans la vraie vie ! » Le frimeur n’a pas compris ce que je voulais dire par là, mais Pico, Diego et Rod ont ri et j’ai alors su que quelque chose me liait à eux plus qu’à d’autres garçons de l’équipe. « Qu’est-ce que ça veut dire ? » m’a demandé Hugo. « Comporte-toi comme ça avec tes amis et tu finiras abandonné… seul… et tu ne pourras rester qu’avec des gens de ton niveau ! » « Arnold le Champion a parlé ! Vous l’entendez ? Le “tremblotant”, le champion qui pense que marquer est un crime ! » s’est-il mis à réciter comme un acteur qui essaye de convaincre le public qu’il est un bon artiste. À partir de ce moment, Pico est devenu mon meilleur ami et Hugo une brute qu’il valait mieux ignorer. Comme son père, Pico a beaucoup de talent et est un vrai meneur de jeu. Rapide et vif, il réussit à passer le ballon à ses coéquipiers comme peu d’autres savent le faire. Malheureusement, il ressent beaucoup la pression des autres : tout le monde

s’attend à ce qu’il devienne le nouveau Socrates Junior.

HUGO

Il est impossible pour Pico de rater ne serait-ce qu’une passe.

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