Sommaire
NUMÉRO 2018/1 SOMMAIRE
Éditorial Faut-il modifier le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour renforcer les pouvoirs de l’ESMA ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Régis Vabres
Dossier : Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ? Dossier coordonné par Pauline Pailler Propos introductifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Pauline Pailler Initial Coin Offerings and U.S. Securities Regulation: Challenges and Perspectives . . . . 9 Romain Dambre La réglementation des émissions de cryptomonnaies (ICOs) au Canada : la protection des investisseurs et le bon fonctionnement du marché dans le bac à sable réglementaire. 15 Stéphane Rousseau ICOs and Cryptocurrencies from a British Perspective: a Review of the Legislation and a Speculative Analysis. . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Pierre de Gioia Carabellese
– La validité juridique du mandat d’arbitrages – Aspects doctrinaux (1/2) . 34 Georges Cavalier – L’encadrement juridique du mandat d’arbitrages – Aspects pratiques et proposition de formule à l’usage de la France. Aspects de droit comparé (2/2). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Guillaume Hublot
C. Régulation internationale
II. Régulation bancaire A. Régulation européenne Chronique sur les clauses abusives dans les contrats bancaires et financiers. . . . . 58 Mathieu Combet
B. Régulation comparée Le secret bancaire : entre vertu de protection et ordre public dans l’espace UMOA, l’exemple du Mali . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Mamadou B. Dembélé
C. Régulation internationale
III. Régulation assurantielle A. Régulation européenne
Chroniques I. Régulation financière A. Régulation européenne En route vers de meilleures titrisations !. . . . . 32 Alexandre Quiquerez
B. Régulation comparée Mandat d’arbitrages : validité juridique et encadrement contractuel – Analyse française au regard du droit communautaire et comparé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 2018/1
Note sous C.J.U.E. (4e ch.), 21 septembre 2017, Minister Finansow c. Aviva, aff. C-605/15 ; « DNB Banka » AS c. Valsts ienemumu dienests, aff. C-326/15 ; Commission c. RFA, aff. C-616/15. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Pauline Pailler
B. Régulation comparée Le contrôle financier des sociétés d’assurance de la zone CIMA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Pierre-Emmanuel Ombolo Menoga
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Sommaire
C. Régulation internationale Association internationale des contrôleurs d’assurance, « Rapport annuel pour l’année 2016 », novembre 2017 . . . . . . . . 96 Adrien Tehrani
IV. Régulation intersectorielle A. Stabilité du marché B. Intégrité du marché
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V. Fiscalité des services financiers A. Fiscalité directe B. Fiscalité indirecte Note sous C.E., 20 septembre 2017, n° 393271, SA Monte Paschi Banque . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 Sabrina Le Normand-Caillère Note sous C.J.U.E., 16 octobre 2017, Air Berlin, aff. C-573/16. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Régis Vabres
C. Fiscalité comparée
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Éditorial
FAUT-IL MODIFIER LE TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE POUR RENFORCER LES POUVOIRS DE L’ESMA ? Régis Vabres
Agrégé des facultés de droit Professeur à l’Université de Bourgogne CREDIMI
Dans le cadre d’un communiqué de presse en date du 20 septembre 2017 (1), la Commission européenne a annoncé une nouvelle réforme visant à renforcer la surveillance financière en Europe. Cette annonce s’inscrit dans la création de l’Union des marchés de capitaux, pour laquelle la Commission européenne a déjà obtenu un certain nombre d’avancées (2). Ce communiqué précise notamment que les pouvoirs de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) devraient être accrus sur quatre points : surveillance de l’utilisation des indices de référence d’importance critique ; approbation des prospectus comportant une dimension transfrontière ; agrément et surveillance de certains acteurs et notamment les prestataires de services de communication des données ; coordination des enquêtes relatives aux abus de marché. Ces évolutions sont sans aucun doute les prémisses d’une autorité européenne unique de contrôle des marchés de capitaux que certains réclament depuis plusieurs années déjà (3). 1. 2.
3.
Comm. (UE), « Mettre en place une surveillance financière européenne renforcée et plus intégrée pour l’union des marchés de capitaux », 20 septembre 2017. Règlement (UE) n° 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE. Voy. Q. Vreulx, « Le projet de règlement “prospectus”, une première étape vers la concrétisation de l’Union des Marchés de Capitaux (UMC) », R.I.S.F., 2017/1, p. 58. Rapport des cinq présidents, « Compléter l’Union économique et monétaire européenne », juin 2015, spéc. p. 14.
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Cette volonté politique n’est pas sans soulever certaines oppositions et, surtout, pose de lourdes interrogations sur le plan juridique. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne autorise-t‑il une telle évolution ? L’article 114 relatif à la création d’un marché unique constitue-t‑il une base juridique solide pour l’attribution de pouvoirs de surveillance directe à l’ESMA et demain sans doute un pouvoir réglementaire, un pouvoir d’enquête et de sanction ? Certains États en doutent et les débats à venir s’annoncent passionnants. En la matière, il faut admettre que la question n’est pas totalement nouvelle. L’ESMA dispose d’ores et déjà d’un pouvoir de surveillance directe à l’égard de certains acteurs, en l’occurrence, les agences de notation et les référentiels centraux de données, qui peut d’ailleurs conduire au prononcé de sanctions (4). De même, cette autorité dispose d’un pouvoir de décision individuelle qui ne cesse de s’étendre au fil des réformes. Certes, ce pouvoir de décision individuelle a, en principe, une nature subsidiaire et ne peut être mis en œuvre que si les autorités nationales sont défaillantes (5). Cela est perceptible dans le cadre des articles 17 et suivants du règlement AEMF (6). Mais dès lors que l’on reconnaît le pouvoir de surveiller directement certaines entreprises, c’est un véritable pouvoir de décision autonome qui est instauré et qui permet à l’ESMA de décider, sans nécessairement attendre la réaction des autorités nationales. C’est là créer une véritable hiérarchie entre l’autorité européenne et les autorités nationales. Même si le droit 4. T. Bonneau, P. Pailler, A.-C. Rouaud, A. Tehrani et R. Vabres, Droit financier, Paris, LGDJ/Montchrestien, 2017, spéc. nos 213 et s. ; T. Bonneau, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 2016, pp. 82 et s. 5. Ibid., spéc. nos 237 et s. 6. Règlement (UE) n° 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), modifiant la décision 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/77/CE de la Commission, J.O.U.E., n° L331 du 15 décembre 2010.
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Éditorial
Éditorial
positif montre que l’ESMA dispose déjà de pouvoirs proches de ceux que l’on envisage de lui accorder, il n’est pas certain que le traité autorise en lui-même une telle évolution. Les articles 49 et suivants du TFUE relatifs à la liberté d’établissement, les articles 114 et suivants relatifs au rapprochement des législations ou encore les articles 290 et 291 propres aux compétences d’exécution n’appréhendent pas directement les pouvoirs des agences et des autorités de surveillance en Europe. Les textes visant à faciliter l’exercice de la liberté d’établissement ont vocation à simplifier les démarches et les formalités des entreprises. Les textes fondés sur les articles 114 et suivants tentent d’harmoniser des législations qui s’avèrent disparates et ne visent pas à uniformiser les régimes juridiques. Les articles 290 et 291 précisent les modalités permettant de conférer à la Commission et aux États membres le pouvoir de mettre en œuvre le droit de l’Union européenne. Aussi, à titre d’exemple, c’est de manière très discutable selon nous, que les institutions européennes fondent la compétence de l’ESMA à l’égard des agences de notation, sur le fondement de l’article 114 TFUE, en se limitant à affirmer dans les considérants du règlement n° 513/2011 que cette autorité « devrait être exclusivement responsable de l’enregistrement et de la surveillance des agences de notation de crédit dans l’Union », ce qui relève de la pétition de principe et non d’une quelconque démonstration du bien-fondé de ce choix politique. En réalité, c’est grâce à l’interprétation téléologique, et particulièrement extensive des textes précités, retenue par la Cour de justice de l’Union européenne que toutes les réformes présentes et à venir s’appuient. La C.J.U.E. considère ainsi que l’article 114 est une base juridique appropriée pour accorder un pouvoir de décision individuelle à l’ESMA, y compris si les décisions prises ont une portée générale (7). Selon le juge européen, le traité autorise que l’harmonisation européenne passe par des compétences accordées à un organe ou à un organisme de l’Union n’appartenant pas au triangle 7.
4
C.J.U.E., 22 janvier 2014, Royaume Uni c. Conseil et Parlement européen, aff. C-270/12, R.I.S.F., 2014/2, p. 50 et nos obs.
institutionnel. Sur le fondement de l’article 114 TFUE, un texte européen peut conduire à l’adoption d’actes juridiquement contraignants à l’égard des particuliers, « lorsque le rapprochement des mesures générales ne suffit pas à assurer l’unité du marché » (8). Toutefois, cette jurisprudence très favorable à la construction du marché unique ne doit pas être surestimée. En l’état actuel des dispositions du traité, du règlement AEMF et de la jurisprudence, il est impossible de reconnaître à l’ESMA un pouvoir réglementaire autonome. Quant à l’attribution d’un pouvoir de décision individuelle, il est admis par le juge, sous réserve d’être encadré. En effet, si la Cour admet, depuis l’arrêt Méroni du 13 juin 1958, qu’une délégation de pouvoirs soit accordée au profit d’un organe ad hoc, y compris s’il a une nature privée, il n’en demeure pas moins qu’un tel transfert de compétences ne peut conduire à reconnaître un pouvoir discrétionnaire à l’entité concernée, ni à l’autoriser à prendre des décisions de politique économique (9). C’est bien toute la difficulté de la réforme envisagée par le communiqué du 20 septembre 2017. Si l’ESMA est seule compétente pour approuver ou non certains prospectus, approuver ou non l’utilisation de certains indices de références, voire si elle peut recommander de son propre chef (cette recommandation sera-t‑elle contraignante pour les autorités nationales ?) que des enquêtes soient diligentées en matière d’abus de marché, peut-on encore considérer que son pouvoir n’est pas discrétionnaire ? Dans la mesure où il ne s’agit pas pour les institutions européennes d’attribuer à l’ESMA des pouvoirs qu’elles détiendraient elles-mêmes, en vertu du traité, mais bien de préempter des compétences nationales, le raisonnement du juge européen fondé sur la délégation de pouvoirs non discrétionnaire a t-il encore du sens ? Gageons que la Commission européenne prendra soin de clarifier les fondements juridiques de sa réforme, sous peine d’engendrer un nouveau contentieux… C.J.U.E., 9 août 1994, Allemagne c. Conseil, aff. C-359/92, Rec., p. I-3681. 9. L’arrêt Romano a également été l’occasion pour la Cour d’écarter l’attribution d’un pouvoir normatif à une commission administrative créée par le Conseil (C.J.C.E., 14 mai 1981, Romano, aff. 98/80, Rec., p. 1241). 8.
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Dossier Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ? Dossier coordonné par Pauline Pailler Professeur à l’Université de Reims
PROPOS INTRODUCTIFS Pauline Pailler
Professeur de droit privé à l’Université de Reims Coordinatrice du dossier
L’essor actuel des Initial Coin Offerings, qui s’adosse en partie sur celui des cryptomonnaies, pose la question essentielle de la pertinence et des modalités d’un encadrement (1). Cette technique permet à des sociétés de lever des fonds par l’émission de jetons ou tokens, en ayant recours à une blockchain. Elle peut prendre plusieurs formes, mais elle consiste le plus souvent en une offre de tokens, pouvant être souscrits par des investisseurs contre versement de cryptomonnaie (bitcoin, ether, par ex.), certaines opérations prévoyant exceptionnellement un versement en dollars. Ces tokens qui rémunèrent l’investisseur peuvent avoir la nature d’une cryptomonnaie ou d’un droit hybride – un droit de vote permettant au détenteur de faire valoir sa position sur l’utilisation des fonds levés, un droit à l’achat d’un produit commercialisé par l’initiateur, un droit aux revenus du produit, etc. Dans le cas où les tokens constituent une cryptomonnaie, et quand il ne s’agit pas d’une cryptomonnaie propre au réseau de l’initiateur, ils peuvent notamment être utilisés comme monnaie sur les sites qui les acceptent et être ensuite échangés sur des marchés secondaires dédiés, comme par exemple Bittrex, Coinone et Huobi. Les ICOs ne connaissent pas en soi de réglementation, à la différence des opérations de crowdfunding dont elles se rapprochent et qui sont nées elles aussi sur internet (2). Leur fondement est avant tout contractuel : elles se conforment à des livres blancs, qui précisent quels sont les objectifs poursuivis par l’opération ainsi que la nature des tokens et qui ont avant tout la nature de documents commerciaux. Des mécanismes de gou1.
Voy., notamment, S. Shiller, « La blockchain révolutionne les levées de fonds », Actes pratiques et ingénierie sociétaire, nov.-déc. 2017, p. 1 ; D. Legeais, « Regards sur une opération juridique non identifiée : les ICOs », Dalloz IP/IT, 2018, p. 113 ; H. de Vauplane, « Crypto-Assets, Token, Blockchain, ICO : un nouveau monde ? », Rev. Banque, n° 812, octobre 2017, p. 16 ; « Quelle régulation pour les offres publiques en cryptomonnaies », Rev. Banque, n° 810, juillet 2017, p. 16 ; I. Barsan, « Legal Challenges of Initial Coin Offerings (ICO) », R.T.D.F., 3/2017, p. 54 ; P. Pailler, « Alerte sur les “Initial Coin Offerings” ! », RD banc. et fin., 2017, Alerte 65. 2. Voy. J.-M. Moulin (dir.), Dossier « Le financement participatif ou crowdfunding », R.I.S.F., 2016/4, pp. 5‑106. 2018/1
vernance privée peuvent être en outre intégrés dans la blockchain, à partir de la mise en place d’une DAO (Decentralized Autonomous Organization), laquelle fonctionne grâce à un programme informatique fournissant des règles de gouvernance exclusivement privées à la communauté, et qui sont directement inscrites dans la blockchain. Déterminer la nature exacte du token (3), qui peut être hybride, constitue une étape essentielle de l’élaboration d’un cadre pour les ICOs, les deux notions étant imbriquées (4). On peut à cet égard identifier deux types de tokens : les tokens d’usage ou utility tokens, qui octroient un droit d’usage à leur détenteur en leur permettant d’utiliser la technologie et/ou les services distribués par le promoteur d’ICOs, et les tokens offrant des droits politiques et/ou financiers, qui se rapprochent d’instruments financiers classiques (5). Sauf choix d’une interdiction pure et simple, comme en Chine ou en Corée, l’enjeu consiste dans la détermination d’un régime commun. En effet, faut-il rattacher ces opérations à des qualifications existantes, et notamment au régime des Initial Public Offerings, ou doivent-elles bénéficier d’un encadrement sui generis ? Comment promouvoir cette nouvelle source de financement sans porter atteinte à la nécessaire protection des investisseurs ? La plupart des législations sont encore en phase de réflexion. Au niveau européen, l’ESMA a déjà émis deux alertes relatives aux ICOs à destination des investisseurs et des émetteurs, sans prendre position sur leur nature ou sur celle des tokens (6). En parallèle, suivant la même tendance, les trois autorités européennes de surveillance ont en février 2018 publié conjointement, à la demande de la Commission, un avertissement à l’intention des investisseurs et des utilisateurs quant aux risques qu’ils 3. Th. Bonneau, « “Tokens”, titres financiers ou biens divers ? », RD banc. et fin., 2018, Repère 1. 4. P. de Gioia Carabellese, « ICOs and Cryptocurrencies from a British Perspective: a Review of the Legislation and a Speculative Analysis », R.I.S.F., 2018/1, p. 22, spéc. p. 23. 5. AMF, Synthèse des réponses à la consultation publique portant sur les Initial Coin Offerings (ICO) et point d’étape sur le programme « UNICORN », 22 février 2018 : http://www.amf-france.org/Publications/Consultationspubliques/Archives?docId=workspace%3A%2F%2FSp acesStore%2Fa9e0ae85-f015‑4beb-92d2-ece78819d4da. Voy., en particulier, p. 3 ; R. Dambre, « Initial Coin Offerings and US Securities Regulation: Challenges and Perspectives », R.I.S.F., 2018/1, p. 9, spéc. p. 11. 6. ESMA alerts firms involved in Initial Coin Offerings (ICOs) to the need to meet relevant regulatory requirements, ESMA50‑157‑828 ; ESMA alerts investors to the high risk of Initial Coin Offerings (ICOs), ESMA50‑157‑829 : https://www.esma.europa. eu/press-news/esma-news/esma-highlights-ico-risksinvestors-and-firms.
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Dossier
Propos introductifs
Dossier
Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ?
encourent en achetant des actifs cryptographiques (7). Par une communication du 8 mars 2018 relative au Plan d’action pour les technologies financières, la Commission européenne s’engage à poursuivre une réflexion sur le sujet (8). Sans attendre la mise en place d’une régulation au niveau européen, les autorités nationales se sont de leur côté attelées à une analyse de ces nouvelles opérations. En France, l’Autorité des marchés financiers a établi un document de consultation (9), dont une synthèse a été publiée le 22 février 2018. Elle a initié dans le même temps un programme d’accompagnement des start-ups souhaitant avoir recours à ce mode de financement, baptisé UNICORN pour Universal Node to ICO’s Research & Network, qui a donné lieu à un premier rapport d’étape positif (10). La loi Pacte (pour 7.
ESMA, EBA and EIOPA warn consumers on the risks of Virtual Currencies, 12 février 2018, https://www.eba. europa.eu/documents/10180/2120596/Joint+ESAs+Wa rning+on+Virtual+Currencies.pdf. 8. Commission, Communication du 8 mars 2018, « Plan d’action pour les technologies financières : pour un secteur financier européen plus compétitif et plus innovant », COM(2018) 109 final : http://eur-lex.europa. eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52018 DC0109&from=EN#footnoteref25. Voy., en particulier, § 1.1, Encadré 1, 3) : « Au cours de l’année 2018, la Commission continuera, en collaboration avec les AES, la Banque centrale européenne et le CSF, ainsi que d’autres organismes internationaux de normalisation, à suivre les évolutions des actifs cryptographiques et des ICO. En se fondant sur l’évaluation des risques, des opportunités et de l’adéquation du cadre réglementaire applicable, la Commission déterminera s’il est nécessaire de prendre des mesures de réglementation au niveau de l’UE ». 9. AMF, Document de consultation sur les Initial Coin Offerings, 26 octobre 2017 : http://www.amf-france. org/Actualites/Communiques-de-presse/AMF/annee2017?docId=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F5 097c770-e3f7‑40bb-81ce-db2c95e7bdae. 10. AMF, Synthèse des réponses à la consultation publique portant sur les Initial Coin Offerings (ICO) et point
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Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), présentée en Conseil des ministres le 18 avril prochain, devrait prévoir un volet dédié à l’encadrement des ICOs, dont les modalités sont encore incertaines. En Grande-Bretagne, la Financial Conduct Authority a également émis une alerte le 12 septembre 2017 à l’intention des investisseurs (11), et envisage d’examiner plus précisément le fonctionnement de ce type d’opération. Là encore, la régulation achoppe sur l’absence de qualification juridique du token et, plus spécifiquement, de la cryptomonnaie. En Amérique du Nord, où la qualification des tokens est également au cœur des débats, l’approche retenue est pragmatique. Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission privilégie une approche très large de la notion de security permettant d’y intégrer les tokens (12). Au Canada aussi, le pragmatisme prévaut, les tokens pouvant être qualifiés de contrat d’investissement (13). Néanmoins, une telle qualification de security ou de contrat d’investissement suppose une analyse au cas par cas, au vu de la diversité des tokens pouvant être émis, qui n’est pas favorable à la sécurité juridique ; aussi plusieurs modes d’encadrement souples, y compris le recours à la technique de la regulatory sandbox, sontelles envisagées (14). d’étape sur le programme « UNICORN », 22 février 2018, préc. 11. FCA, Consumer warning about the risks of Initial Coin Offerings (« ICOs »), 12 septembre 2017. 12. Voy. R. Dambre, « Initial Coin Offerings and US Securities Regulation: Challenges and Perspectives », préc. 13. S. Rousseau, « La réglementation des émissions de cryptomonnaies (ICOs) au Canada : la protection des investisseurs et le bon fonctionnement du marché dans le bac à sable réglementaire », R.I.S.F., 2018/1, p. 15. 14. R. Dambre, « Initial Coin Offerings and US Securities Regulation: Challenges and Perspectives », préc. ; S. Rousseau, « La réglementation des émissions de cryptomonnaies (ICOs) au Canada : la protection des investisseurs et le bon fonctionnement du marché dans le bac à sable réglementaire », préc.
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Initial Coin Offerings and U.S. Securities Regulation: Challenges and Perspectives
Romain Dambre*
Associate, Kirkland & Ellis LLP, New York
1. Market Overview. Blockchain token sales, often referred to as “initial coin offerings” (“ICOs”), have become an attractive fundraising and investment alternative for entrepreneurs and investors in the field. In 2017 alone, approximately $4 billion have been raised through ICOs, far outpacing venture capital funding in the industry. (1) However, in spite of their potential allure in the eyes of blockchain investors and entrepreneurs alike, ICOs are very much in their infancy. The first major ICO – Mastercoin – only dates back to mid-2013. Since then, a number of well-known cryptocurrencies were developed through ICOs, such as NXT, BitShares and Ether. 2. Economics. Simply put, an ICO is a way to raise money for a new blockchain project by allocating a portion of the initial coin supply to the early backers. Similar to crowdfunding campaigns, ICOs are conducted online and via social media. Although developers generally communicate the key technical features of the project, substantive disclosure is often limited in scope. Developers have the ability to freely design the offering process and set the fundraising parameters as they see fit. Once the ICO is completed, the tokens are listed on cryptocurrency exchanges, and a market price develops as they trade against other cryptocurrencies. In other words, an ICO “has the fundraising campaign of a crowdsale, the product maturity of an early stage angel or VC investment, and the offering of something tradeable like an initial public offering.” (2) *
The opinions expressed are those of the author and do not necessarily reflect the views of the author’s firm, its clients, or any of their respective affiliates. This paper is an overview of the U.S. securities law framework applicable to ICOs as of March 1, 2018. It is for general information purposes, and is not intended to be and should not be taken as legal advice. This paper benefitted from comments by Philipp Hacker and Pauline Pailler. All errors remain entirely my own. 1. CoinDesk, “All-Time Cumulative ICO Funding,” available at: https://www.coindesk.com/ico-tracker/. See also #Token Mania, Autonomous Research (July 2017), available at: https://next.autonomous.com/download-token-mania. 2. Smith and Crown, “What is an ICO?”, available at: https:// www.smithandcrown.com/wp-content/uploads/2016/06/ smithandcrown_ico_handout_v2.0.pdf. 2018/1
Dossier
INITIAL COIN OFFERINGS AND U.S. SECURITIES REGULATION: CHALLENGES AND PERSPECTIVES 3. Regulatory Blur. All securities offered and sold in the United States must be registered with the U.S. Securities and Exchange Commission (“SEC”) – triggering a cascade of costly compliance requirements, such as the obligation to file a lengthy prospectus and provide financial statements (3) – or must qualify for an exemption from such registration requirements, and any entity or person engaged in the activities of an exchange must register as a national securities exchange or operate pursuant to an exemption from such registration. The securities regulatory framework has trouble adapting to the multi-faceted nature and fast pace of ICOs. The terminology itself (“ICO”) draws an obvious parallel to the mainstream – and heavily regulated – initial public offering of stock, or “IPO;” so much that by fear of conflicting with applicable securities laws, many developers have opted for alternative, and less polarizing, terminologies, such as “token sale,” “donation event,” “token generation event” or “software sale.” (4) Investor protection is also a concern, as certain ICOs may take advantage of retail investors in ways that accreditation and other investor protection requirements traditionally help address. (5) Following the frenzy of new ICOs during late 2013 and early 2014, many of the ICOs failed to deliver or turned out to be outright scams. (6) This, combined with an expanding market size and growing involvement of institutional investors, has led to an increased regulatory scrutiny into the field. 4. Roadmap to Compliance. In the United States, compliance with securities law has become an area 3.
4.
5. 6.
Section 5(a) of the U.S. Securities Act of 1933 provides that, unless a registration statement is in effect as to a security, it is unlawful for any person, directly or indirectly, to engage in the offer or sale of securities in interstate commerce. Section 5(c) provides a similar prohibition against offers to sell or buy, unless a registration statement has been filed with the SEC. See 15 U.S.C. § 77e(a) and (c). The nomenclature used by participants has little effect on the qualification under U.S. federal securities laws, as “the emphasis should be on economic realities underlying a transaction, and not on the name appended thereto” (see United Housing Found, Inc. v. Forman, 421 U.S. 837, 849 (1975)). A. Sunnarborg, “CoinDesk Research: Speculation Driving Boom in Blockchain ‘ICOs’”, CoinDesk (March 1, 2017). For instance, after the landmark fundraising campaign by The DAO in 2016 (approximately $150 million raised in Ether), a bug in the smart contract underlying The DAO was exploited to drain a third of all its funds, see N. Popper, “A Hacking of More Than $50 Million Dashes Hopes in the World of Virtual Currency”, New York Times (June 17, 2016).
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Dossier
Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ?
of heated discussions among blockchain enthusiasts, commentators, lawyers and regulators, along with other areas of scrutiny such as tax, anti-money laundering and consumer protection. ICOs have been described as potential “‘workarounds’ that leverage regulatory arbitrage opportunities to execute undercover securities issuances.” (7) IPOs are registered with the SEC, but ICOs are not (yet). And contrary to unregistered offerings made to a subset of “accredited” investors in reliance on exemptions under securities laws, initial coin offerings are made to the general public, reaching out broadly to “Main Street.” (8) As a result of a growing concern in the blockchain and investment community over the securities law framework applicable to ICOs, SEC Chairman Jay Clayton recently identified ICOs as one of the two new priorities for the SEC (the other one being cybersecurity). (9) The announcement in September 2017 of the creation within the SEC’s Enforcement Division of a Cyber Unit that will focus on targeting cyber-related misconduct and the establishment of a Retail Strategy Task Force that will implement initiatives designed to protect retail investors (10) is a signal of the SEC’s intent to carefully oversee the ICO market going forward. The commencement in the second half of 2017 of a number of enforcement actions in the ICO sphere is also living testimony of the SEC’s vigilance and eagerness to protect participants in ICO transactions. (11)
I. Applicability of the Existing U.S. Securities Law Framework 5. What is a Security? The application of the securities rules set forth in the U.S. Securities Act of 1933 (the “Securities Act”), the U.S. Securities Exchange Act of 1934 (the “Exchange Act”), and the cohort of regula7. A. Sehra, “The New Pachinko? Exploring the Economics of Initial Coin Offerings”, CoinDesk (Aug. 20, 2017). 8. An exception is Filecoin, which was structured as a private placement, see the Form D filed with the SEC by Protocol Labs in August 2017. 9. NYU Law News, “SEC Chairman Jay Clayton Identifies Agency’s New Priorities: Cybercrime and ICOs” (Sept. 27, 2017). 10. SEC, “SEC Announces Enforcement Initiatives to Combat Cyber-Based Threats and Protect Retail Investors”, Press Release No. 2017‑176 (Sept. 25, 2017). 11. See, e.g., SEC, “SEC Exposes Two Initial Coin Offerings Purportedly Backed by Real Estate and Diamonds”, Press Release No. 2017‑185 (Sept. 29, 2017); “SEC Emergency Action Halts ICO Scam”, Press Release No. 2017‑219 (Dec. 4, 2017); “Company Halts ICO After SEC Raises Registration Concerns”, Press Release No. 2017‑227 (Dec. 11, 2017); “SEC Halts Alleged Initial Coin Offering Scam”, Press Release No. 2018‑8 (Jan. 30, 2018). 10
tions that have been adopted since then depends on a threshold question: what is a security? By updating throughout the years the definition contained in the Securities Act (and a similar definition contained in the Exchange Act), (12) the U.S. Congress certainly encouraged a broad reading by enumerating virtually all the instruments known to the investment community: notes, stocks, futures, swaps, bonds, debentures, trust certificates, certificates of deposit, puts, calls, straddles and options are among the instruments that are statutorily deemed to be “securities” under U.S. federal securities laws. The definition sweeps even more broadly, by using a “catch-all” concept (“investment contracts”) intended to capture newly-devised instruments and to allow the SEC to expand its regulatory and enforcement authority to the latest financial innovations. (13) 6. The Catch-All “Investment Contract” Construct. Digital tokens are not included in the statutory definitions of a “security.” However, the catch-all concept of “investment contract” and its expansive interpretation by the courts may bring tokens and ICOs into the scope of federal securities laws. This concept, imported from state “blue sky” laws in existence prior to the adoption of the federal statutes, was purposely not defined by the U.S. Congress. It had been broadly constructed by state courts, which disregarded form for substance and placed emphasis on economic reality, “so as to afford the investing public a full measure of protection.” (14) If such interpretations by state courts are not dispositive in federal courts, tasked with decisions involving federal securities laws, the U.S. Supreme Court has had multiple opportunities to give guidance on what constitutes an “investment contract” for purposes of federal securities laws. 7. The Howey Test. The seminal case in the field – dating back to 1946! – is SEC v. W. J. Howey Co. (15) In Howey, the Supreme Court crafted a test that still applies today. Relying on the economic reality analysis, it decided that four elements must all be satisfied before a court will conclude that a “contract, transaction or scheme” constitutes an “investment contract” subject to federal securities laws: (1) a person invests his money (2) in a common enterprise and (3) is led to expect profits (4) solely from the efforts of others. (16) 12. The Supreme Court has stated that the definitions of “security” under Section 2(a)(1) of the Securities Act and Section 3(a)(10) of the Exchange Act are treated as being the same, despite some technical differences. See SEC v. Edwards, 540 U.S. 398 (2004) (citing Reves v. Ernst & Young, 494 U.S. 56, 61 n. 1 (1990)). 13. See Golden v. Garafolo, 678 F.2d 1139, 1144 (2d Cir. 1982) (stating that the “investment contract” concept has been used as a way to classify instruments that do not fit into other categories). 14. SEC v. W. J. Howey Co., 328 U.S. 293 (1946). 15. Ibid. at 301. The Supreme Court has reaffirmed the Howey analysis as recently as 2004 (SEC v. Edwards, 540 U.S. 398, 393 (2004)). 16. Ibid. See also United Housing, 421 U.S., at 852‑53 (the “touchstone” of an investment contract “is the presence
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This definition embodies a “flexible rather than a static principle, one that is capable of adaptation to meet the countless and variable schemes devised by those who seek the use of the money of others on the promise of profits.” (17) In Howey, a company owned large tracts of citrus acreage in Florida and, to help finance its development, offered a large number of acres to the public in exchange for money. In other words, the company offered an opportunity to contribute money and to share in the profits of a large enterprise managed and partly owned by the company, to persons who had no desire to develop the land themselves, but were attracted solely by the prospects of a return on their investment. However, the speculative nature of the investment was not dispositive in itself. The Supreme Court made it clear that a transaction can constitute an investment contract even in cases “where the enterprise is not speculative or promotional in character and where the tangible interest which is sold has intrinsic value independent of the success of the enterprise as a whole.” (18) The consumptive value of a digital token thus has no definitive bearing on its qualification – or not – as a security under U.S. federal securities laws. 8. Are Token Securities? Each of the elements of the Howey test has been discussed in detail by the Supreme Court and federal courts in subsequent cases, and the guiderails for an “investment contract” to be deemed a “security” under federal securities laws are fairly clear. However, the case-by-case nature of the analysis makes it difficult to draw a definitive conclusion with respect to digital tokens sold in ICOs in general. Certain tokens highly resemble the common conception of a security; others do not. For instance, digital tokens offered to solely raise funds for a project without immediate consumptive use may have the attributes of equity securities. Contrary to “utility” tokens, such tokens are not needed to access the services provided by the underlying protocol, and may entitle their holders to certain rights, such as dividends (in the form of revenue sharing or transaction fees) and voting rights, making these tokens look very much like shares of common stock. In any event, all of the prongs of the Howey test must be met for a digital token to be a security subject to federal securities laws. If there is no doubt that the first prong (i.e., an investment of money, bearing a risk of potential economic loss for the buyer) would be met, regardless of the nature of the currency used, (19) the of an investment in a common venture premised on a reasonable expectation of profits to be derived from the entrepreneurial or managerial efforts of others”). 17. Ibid. at 299. 18. Ibid. 19. See, e.g., Uselton v. Comm. Lovelace Motor Freight, Inc., 940 F.2d 564, 574 (10th Cir. 1991) (“[I]n spite of Howey’s reference to an ‘investment of money,’ it is well established that cash is not the only form of contribution or investment that will create an investment contract.”). See also SEC v. Shavers, No. 4:13-CV-416, 2018/1
other prongs are highly facts-sensitive. Only a thorough analysis of the specifics of any given project can determine whether all the prongs of the Howey test are actually met. Some have suggested that a distinction could be made between “securities tokens” that function as securities and “utility tokens” that have a broader utility for a future platform, (20) between tokens constituting “rights” versus “investment interests,” (21) or between “currency,” “utility” or “investment” tokens. (22) 9. Need for Guidance. The principles-based nature of the reference to a catch-all concept in the federal securities laws makes it challenging to think about ICOs and digital tokens in a systematic way, whereas the development of blockchain technologies through ICO funding requires clarity and stability in the applicable securities law framework. While appropriately designed digital tokens may not be deemed “securities” under the Howey test, the case-by-case nature of the analysis creates uncertainty for developers and investors alike. Private actors have proposed frameworks to help market participants navigate the issue. Some have for instance attempted to facilitate the analysis by elaborating a spreadsheet intended to walk developers through the Howey test by using a points-system whereby developers respond to a questionnaire and each response is weighted so that at the end, the developer knows where the project stands in terms of securities compliance risk. (23) In spite of these efforts from the private sector to clarify the applicable framework, multiple calls for official SEC rulemaking have been made, urging the regulator to provide guidance to the FinTech industry on which digital tokens are deemed “securities,” which ICOs will need to be registered, and whether the firms that facilitate the trading of digital tokens must register as broker-dealers, alternative trading systems, or exchanges. (24) The SEC has started addressing 2014 WL 4652121, at *1 (E.D. Tex. Sept. 18, 2014) (holding that an investment of Bitcoin, a virtual currency, meets the first prong of Howey). 20. J. Batiz-Benet, J. Clayburgh and M. Santori, The SAFT Project: Toward a Compliant Token Sale Framework (Oct. 2, 2017). 21. Debevoise & Plimpton, “Securities Law Analysis of Blockchain Tokens” (Dec. 5, 2016). 22. P. Hacker and C. Thomale, Crypto-Securities Regulation: ICOs, Token Sales and Cryptocurrencies under EU Financial Law (Nov. 22, 2017), available at: https://ssrn. com/abstract=3075820. 23. Coinbase, Coin Center, Union Square Ventures and Consensys, A Securities Law Framework for Blockchain Tokens (Dec. 7, 2016). 24. See, e.g., Ouisa Capital, Petition for Rulemaking Regarding Digital Assets, filed by with the SEC on March 14, 2017, available at https://www.sec.gov/rules/ petitions/2017/petn4‑710.pdf. See also J. Rohr and A. Wright, “Blockchain-Based Token Sales, Initial Coin Offerings, and the Democratization of Public
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these requests by providing guidance in the form of enforcement actions, public statements, press releases and reports.
II. The Development of a Dedicated Framework 10. SEC Guidance Through Enforcement Actions. In a number of recent enforcement actions, the SEC has argued that digital offerings are “investment contracts” under the Howey test, and has indicated that, in its view, investment schemes involving digital assets constitute the sale of securities and must be registered under federal securities laws. In Shavers, the respondent was found to have offered unregistered investments of Bitcoin in a Ponzi scheme. (25) In Voorhees, the respondent was found to have improperly raised Bitcoins by means of an unregistered sale of shares in entities that he owned; the SEC stated that “[a]ll issuers selling securities to the public must comply with the registration provisions of the securities laws, including issuers who seek to raise funds using Bitcoin.” (26) In Plexcorps, the SEC argued that the ICO for the PlexCoin tokens “was an illegal offering of securities because there was no registration statement filed or in effect during its offer and sale, and no applicable exemption from registration.” (27) In Munchee, the SEC found that the proposed ICO constituted unregistered offers and sales of securities, and issued a cease-anddesist order effectively stopping the ICO process. (28) 11. SEC Guidance Through The DAO Investigative Report. In connection with an inquiry that the SEC’s Enforcement Division launched into whether an organization known as “The DAO” and associated entities and individuals violated federal securities laws with unregistered offers and sales of DAO tokens in exchange for “ether,” a virtual currency, the SEC issued in July 2017 an investigative report “to advise those who would use […] distributed ledger or blockchain-enabled means for capital raising, to take appropriate steps to ensure compliance with the U.S. federal securities laws.” (29) Capital Markets”, (Oct. 4, 2017), Cardozo Legal Studies Research Paper No. 527; University of Tennessee Legal Studies Research Paper No. 338, available at: https:// ssrn.com/abstract=3048104. 25. SEC v. Shavers, No. 4:13-CV-416, 2014 WL 4652121, at *1 (E.D. Tex. Sept. 18, 2014). 26. In the Matter of Erik T. Voorhees, Release No. 9592 (June 3, 2014). 27. SEC v. Plexcorps et al., No. 17-CV-7007 (E.D.N.Y. Dec. 1, 2017). 28. SEC, “Company Halts ICO after SEC Raises Registration Concerns”, Press Release No. 2017‑227 (Dec. 11, 2017). 29. SEC, Report of Investigation Pursuant to Section 21(a) of the Securities Exchange Act of 1934: The DAO, Release No. 81207 (July 25, 2017). 12
In this report, the SEC made it clear that “the automation of certain functions through [blockchain] technology, “smart contracts,” or computer code, does not remove conduct from the purview of the U.S. federal securities laws,” and stressed that such laws “may apply to various activities, including distributed ledger technology, depending on the facts and circumstances, without regard to the form of the organization or technology used to effectuate a particular offer or sale.” (30) Applying these principles, the SEC found that the DAO tokens offered and sold in 2016 by The DAO in exchange for ether were securities in light of the Howey test. Relatedly, the SEC found that The DAO was an issuer of securities, required to register the offer and sale of DAO tokens, unless a valid exemption from such registration applied. Additionally, the SEC clarified that securities exchanges providing for trading in these securities must register unless they benefit from an exemption under applicable securities laws. 12. SEC Guidance Through Public Statements. The SEC subsequently published an Investor Bulleting summarizing the conclusions of the DAO investigative report, and laying out key points potential participants should consider when determining whether to participate in an ICO. (31) In November 2017, the SEC further integrated ICOs within the existing securities law framework by issuing a public statement guarding market participants against potentially unlawful promotions of ICOs, indicating that endorsements of ICOs by individuals are subject to the anti-touting provisions of the U.S. federal securities laws. (32) In December 2017, SEC Chairman Jay Clayton provided further guidance by laying out risk considerations for Main Street investors considering ICOs, and providing an indicative list of key questions investors should ask before investing in an ICO. (33) In February 2018, during Senate hearings on cryptocurrencies, the SEC Chairman even went further, asserting that “every ICO [he has] seen is a security.” (34) 13. Calls for Rulemaking. Although they constitute helpful clarification as they affirmatively assert the SEC’s jurisdiction over digital token securities, the above-mentioned enforcement actions and publications lack the guidance clarity of formal regulation. (35) The guidance currently provided by the SEC is helpful background, but it requires an intensive facts-based analysis by counsel to determine if a particular class of 30. Ibid. 31. SEC, Investor Bulletin: Initial Coin Offerings (July 25, 2017). 32. SEC, “Statement on Potentially Unlawful Promotion of Initial Coin Offerings and Other Investments by Celebrities and Others” (Nov. 1, 2017). 33. SEC Chairman Jay Clayton, “Statement on Cryptocurrencies and Initial Coin Offerings” (Dec. 11, 2017). 34. See S. Higgins, “SEC Chief Clayton: ‘Every ICO I’ve Seen Is a Security’”, CoinDesk (Feb. 6, 2018). 35. See Ouisa Capital, op. cit.
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digital token is a security under the Howey test, which is costly and can constitute an economic barrier to entry for early stages companies looking to raise funds in the most efficient way possible. Such determination by the SEC also takes time, as participants either need to seek No-Action Letters prior to conducting an ICO, or rely on their own analysis and proceed with the ICO, with the risk of being investigated by the SEC, or even dragged in court by plaintiff lawyers in a private class action lawsuit. (36) This uncertainty could deter future ICOs and therefore slow down the pace of innovation in the U.S. FinTech industry. Certain industry actors have therefore called for regulation of ICOs, in order to provide a level-playing field among blockchain market participants.
III. Policy Challenges and Outlook 14. Public Ordering: A Temporary Alternative. In the absence of a dedicated regulatory regime, and in order to provide comfort to developers desiring to raise funds through ICOs, market participants are elaborating proposals intended to standardize the ICO process and ensure its legality under the existing securities law framework. The launch of the Simple Agreement for Future Tokens (“SAFT”) project (37) has thus been described as a “symptom of regulatory uncertainty.” (38) Developed by industry participants, it aims to provide a compliant frameworks for ICOs by breaking down the ICO process: first, accredited investors enter into a SAFT with developers, and, in exchange for their money, obtain rights to receive tokens upon completion of the project; second, once the project’s basic functionality exists, the developers create the tokens and deliver them to the investors, who can then sell tokens to the public if they so desire. The SAFT framework is built on the predicate that there is a valid distinction under U.S. securities laws between “securities” and “utility” tokens. SAFT proponents argue that, while the SAFT itself is an investment contract constituting a security under Howey and requires compliance with the securities laws, the resulting tokens are functional when they are sold in the secondary market, which makes them consumptive products subject to consumer protection laws but not securities subject to securities laws. The SAFT constitutes an attempt to make ICOs compliant with investor and consumer protection laws, but it remains to be seen whether the proposed construct would be upheld 36. See GGCC, LLC v. Dynamic Ledger Solutions. Inc. et al., No. 5:17-CV-06779 and Gaviria v. Dynamic Ledger Solutions, Inc. et al., No. 6:17-CV-01959. 37. J. Batiz-Benet, J. Clayburgh and M. Santori, op. cit. 38. J. Brito, “The SAFT is a Symptom of Regulatory Uncertainty”, CoinDesk (Nov. 13, 2017). 2018/1
by the SEC and the courts for any given ICO in light of the facts-based Howey test. (39) 15. A “Regulation DA (‘Digital Assets’)?” In the mid1990s, the growth of a number of electronic communications networks seeking No-Action Letters from the SEC prompted the SEC to publish a Concept Release on how to regulate electronic communications networks and other alternative trading systems. Ultimately, industry-wide discussions surrounding such Concept Release and the resulting dialogue with the SEC led to the adoption by the SEC in 1998 of Regulation ATS, (40) which established how electronic communications networks, alternative trading systems and exchanges would be regulated going forward. Certain industry experts are pushing for a similar approach, urging the SEC to publish a Concept Release soliciting the public’s views on the securities law framework applicable to ICOs and digital tokens in general, in the hopes that the resulting discussion would ultimately lead to the adoption of a dedicated body of law, such as a “Regulation DA” (regulation of digital assets). (41) 16. A Regulatory “Sandbox?” With any regulation of an innovation comes the risk of rebuking developers and investors and eventually hampering the innovation process. As an alternative to the adoption of a full-blown regulation that could impede the development of the FinTech industry, the SEC could consider developing a regulatory “sandbox,” similar to the model used in the United Kingdom or Singapore. (42) Regulatory “sandboxes” are growing in the field of FinTech, as a way to “encourage FinTech innovations without creating undue risks to the marketplace or imposing artificial limits on activities.” (43) Such regulatory regime would be designed to permit private actors to experiment without burdensome regulation so long as their operations remain within set limits, while allowing the SEC to develop a supervisory model as the technology evolves. The SEC could capitalize on a number of recent experiences involving “sandbox” regulatory structures (for instance the regulation of crowdfunding portals) (44) to elaborate a regime that would encourage sound innovation while preserving flexible rulemaking. Going in that direction, a bill (the “Financial Services Innovation Act of 2016”) introduced in September 2016 proposed to adopt a two-prong approach to constructing a regu39. Cardozo Blockchain Project, Not so Fast – Risks Related to the Use of a “SAFT” for Token Sales (Nov. 21, 2017). 40. Rel. No. 34‑40760 (Dec. 8, 1998), 63 Fed. Reg. 70844 (Dec. 22, 1998). 41. See Ouisa Capital, op. cit. 42. Ibid. See also R. B. Levin and B. Wenner, “A Potentially Promising Approach to Regulation of FinTech or Should the U.S. Adopt a Regulatory Sandbox?” (Jan. 2017). 43. SEC Commissioner Michael S. Piwowar, “Statement at Financial Technology Forum” (Nov. 14, 2016). 44. Rel. Nos. 33‑9974 and 34‑76324 (Oct. 30, 2015), 80 Fed. Reg. 71388 (Nov. 16, 2015).
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Initial Coin Offerings and U.S. Securities Regulation: Challenges and Perspectives
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latory “sandbox” in the United States: first, creating a government-wide FinTech oversight regime, and second, codifying an exclusive no-action relief mechanism for financial innovators. (45) 17. Perspectives. With proven demand and an expanding investor base, ensuring the compliance of ICOs with the applicable securities laws framework is essential to solidify the basis for this fundraising method and allow digital tokens to become an asset class in of themselves. U.S. securities regulators and lawmakers are faced with the challenge of fostering blockchain innovation and keeping the U.S. at the forefront of the growing ICO market while fulfilling their core mission of investor protection. 45. H.R. 6118, Financial Services Innovation Act of 2016, 114th Congress (2015‑2016).
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In spite of the efforts of market participants to find a private ordering solution by designing an appropriate contractual framework aiming to ensure the legality of these transactions, a regulatory action may be preferable to lay out strong foundations for the long term. Among the options in the regulator’s toolbox, a dedicated regulatory regime could offer the robust framework needed to develop the industry on a legally sound basis. To alleviate the potential costs associated with the regulation of a nascent industry, the best path forward in the short term may be to implement a regulatory “sandbox” or other middle-of-the-road option allowing FinTech fundraising techniques to develop alongside the appropriate regulatory regime, fostering innovation while appropriately protecting investors, before designing an adequate regulatory framework in the long-term.
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La réglementation des émissions de cryptomonnaies (ICOs) au Canada
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LA RÉGLEMENTATION DES ÉMISSIONS DE CRYPTOMONNAIES (ICOS) AU CANADA : LA PROTECTION DES INVESTISSEURS ET LE BON FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ DANS LE BAC À SABLE RÉGLEMENTAIRE
Stéphane Rousseau
Professeur et titulaire de la Chaire en gouvernance et droit des affaires à l’Université de Montréal
Les premières émissions de cryptomonnaies et de jetons (« ICOs ») ont pris d’assaut les marchés financiers à travers le monde et le Canada n’y échappe pas (1). Fondées sur la technologie blockchain (2), les émissions de cryptomonnaies et de jetons ont suscité un engouement auprès d’entreprises en démarrage qui y voient un véhicule attrayant pour lever des capitaux par l’entremise des plates-formes numériques auprès d’investisseurs, souvent individuels. Comme toute innovation, les ICOs mettent à l’épreuve la réglementation financière (3). En ce sens, les ICOs interpellent les autorités de réglementation dont le rôle consiste à instituer des politiques qui soutiennent les bénéfices de l’innovation financière, tout en mitigeant ses conséquences préjudiciables (4). Il s’agit, sans contredit, d’un défi de taille puisqu’il n’est pas aisé a priori de distinguer les « bonnes » et les « mauvaises » innovations financières. De plus, étant donné que leurs effets se font sentir dans différentes sphères du système financier, les innovations interpellent une diversité d’acteurs. 1.
B. Shecter, « “It’s going crazy”: Canadian watchdogs on high alert over Initial Coin Offering ‘mania’ », Financial Post, 18 décembre 2017 ; J. Clayton et J. Ch. Giancarlo, « Regulators Are Looking at Cryptocurrency », Wall St. Journal, 24 janvier 2018. 2. Voy. le « Dossier : La technologie Blockchain et son utilisation en matière bancaire et financière », R.I.S.F., 2017/4, pp. 5‑33 ; International Organization of Securities Commissions, IOSCO Research Report on Financial Technologies (Fintech), février 2017 ; M. Mainelli et M. Smith, « Sharing ledgers for sharing economies: an exploration of mutual distributed ledgers (aka blockchain technology) », [2015] J. Fin. Perspectives 38 (Winter) ; G. W. Peters, E. Panayi et A. Chapelley, « Trends in cryptocurrencies and blockchain technologies: a monetary theory », [2015] J. Fin. Perspectives 92 (Winter). 3. D. W. Arner, J. Barberis and R. P. Buckley, « FinTech, RegTech and the Reconceptualization of Financial Regulation », (2016) 37 Nw. J. Int’l L. & Bus. 371 ; D. Zetsche, « Regulating a Revolution: From Regulatory Sandboxes to Smart Regulation », [2017] UNSWLRS 71. 4. T. Blaikie et autres, A Framework for Responsive Market Regulation, Ontario Securities Commission, 2017.
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Ainsi, l’engouement pour les ICOs a provoqué une réflexion des régulateurs canadiens sur l’adéquation de l’encadrement des produits et des marchés financiers élaboré en regard de titres « classiques » (5). Il en va ainsi en particulier des règles régissant l’appel public à l’épargne, ainsi que les placements privés. Effectuée en mode accéléré face à la vague d’ICOs, la réflexion se poursuit au Canada, comme en témoigne le recours à l’approche du bac à sable réglementaire (« regulatory sandbox »). En mettant en exergue la tension entre les objectifs de protection des investisseurs et d’efficience, les ICOs forcent une révision en profondeur des modèles retenus pour régir les émissions de titres financiers, exercice qui avait été amorcé dans la foulée de la crise financière pour les produits structurés.
I. La qualification juridique des cryptomonnaies et des jetons En août 2017, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM ») ont publié l’Avis 46‑307 dans lequel elles constataient la multiplication des premières émissions de cryptomonnaies et de jetons (6). Dans cet avis, les ACVM notaient que les ICOs pouvaient servir au financement d’entreprises en démarrage pour divers projets, incluant le développement d’une nouvelle cryptomonnaie, technologie distribuée des registres ou plateforme, ou d’un nouveau service. Sans remettre en cause cette forme de financement, les ACVM soulignaient que les ICOs « peuvent aussi susciter des préoccupations en matière de protection des investisseurs, en raison d’enjeux entourant la volatilité, la transparence, l’évaluation, la garde et la liquidité, ainsi que le recours à des bourses non réglementées. De plus, les investisseurs risquent d’être lésés par des pratiques déloyales ou des stratagèmes illégaux, et pourraient ne pas comprendre les propriétés des produits d’investissement qu’ils se procurent » (7). 5. Voy. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Avis 46‑307 du personnel des ACVM – Les émissions de cryptomonnaies, 24 août 2017 ; British Columbia Securities Commission, Notice and Request for Comment – Consulting on the Securities Law Framework for Fintech Regulation, BC Notice 2018/01. 6. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Avis 46‑307 du personnel des ACVM – Les émissions de cryptomonnaies, 24 août 2017. 7. Ibid., p. 1.
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Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ?
Dans cette perspective, un enjeu fondamental soulevé par les ICOs consiste en la qualification juridique de la cybermonnaie ou du jeton faisant l’objet de l’émission (8). Même s’ils sont issus d’une nouvelle technologie, les cryptomonnaies et les jetons s’analysent en regard des principes généraux du droit des valeurs mobilières qui impliquent « une évaluation des réalités économiques de l’opération et une interprétation dans l’optique de la protection de l’investisseur » (9). S’il s’agit d’une forme d’investissement visée par la législation en valeurs mobilières, l’émission sera soumise aux règles relatives à l’appel public à l’épargne.
A. L’interprétation des régulateurs : le rôle des principes généraux Inspiré par le Securities Act of 1933 des États-Unis, le droit canadien délimite le champ d’application de la législation en valeurs mobilières au moyen d’une approche qui combine une énumération de titres, ainsi qu’une notion à texture ouverte, soit le « contrat d’investissement » (10). Cette approche hybride rend compte d’une tension entre deux grands objectifs. D’une part, afin de permettre le bon fonctionnement du marché, l’énumération identifie des titres financiers spécifiques, ce qui contribue à la sécurité juridique en permettant aux participants au marché de circonscrire la portée du champ d’application. D’autre part, se retrouve la volonté du législateur de conférer à la législation un champ d’application suffisamment englobant avec la notion de contrat d’investissement pour assurer la protection des investisseurs (11). Au final, la tension est résolue en faveur de la protection des investisseurs, les tribunaux privilégiant une interprétation libérale de l’ensemble de ces notions. La notion de contrat d’investissement, qui tire ses origines du Securities Act of 1933, est définie par la Loi sur les valeurs mobilières du Québec qui a cherché à 8.
La qualification juridique des cryptomonnaies est un enjeu soulevé dans toutes les juridictions. Voy. Th. Bonneau, « Tokens, titres financiers ou biens divers? », RD banc. et fin., n° 1, janvier 2018 ; Opening Remarks at the Securities Regulation Institute – SEC Chairman Jay Clayton (22 janvier 2018) : https://www.sec.gov/news/ speech/speech-clayton-012218. 9. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Avis 46‑307 du personnel des ACVM – Les émissions de cryptomonnaies, 24 août 2017, p. 4. 10. Voy. S. Rousseau, « L’application de la Loi sur les valeurs mobilières aux prêts et autres montages contractuels », [2017] 2 Cours de perfectionnement du Notariat 215. 11. L’importance de la protection des investisseurs a été soulignée dans Infotique Tyra inc. c. Québec (Commission des valeurs mobilières), 1994 CanLII 5940 (QC C.A.) ; Commission des valeurs mobilières du Québec c. Geyser Informatics Inc., [1990] R.J.Q. 190 (C.S.) ; Autorité des marchés financiers c. Charbonneau, 2009 QCCQ 389 (CanLII). 16
codifier les enseignements de la jurisprudence anglocanadienne et étatsunienne : « Le contrat d’investissement est un contrat par lequel une personne s’engage, dans l’espérance du bénéfice qu’on lui a fait entrevoir, à participer aux risques d’une affaire par la voie d’un apport ou d’un prêt quelconque, sans posséder les connaissances requises pour la marche de l’affaire ou sans obtenir le droit de participer directement aux décisions concernant la marche de l’affaire (12) ». L’interprétation jurisprudentielle de cette définition fait ressortir l’influence de la protection des investisseurs dans l’analyse judiciaire. La Cour d’appel du Québec a statué que la notion de contrat d’investissement devait être interprétée libéralement compte tenu du rôle de protection des investisseurs de la loi : « La loi ontarienne, comme la loi québécoise sur les valeurs mobilières, doivent être interprétées d’une façon libérale puisqu’elles visent à protéger le public en rendant obligatoire la divulgation complète des valeurs offertes aux investisseurs » (13). Plus particulièrement, l’étude de la jurisprudence met en exergue la volonté d’assurer l’application de la loi aux situations où les investisseurs sont vulnérables et ont besoin d’une protection particulière. Cette vulnérabilité se présente notamment lorsque les asymétries informationnelles sont importantes, c.-à-d. lorsque les investisseurs ne possèdent pas les renseignements ou les connaissances nécessaires pour apprécier le projet. Elle existe aussi lorsque les investisseurs ne disposent pas d’un pouvoir de contrôle sur le projet leur permettant de protéger leurs intérêts. La pertinence de la protection des investisseurs dans l’analyse a été fréquemment soulignée dans la jurisprudence qui insiste sur l’importance d’aller au-delà de la forme juridique pour examiner l’opération dans le contexte de l’activité qui y est reliée et de son objet économique réel (14). Dans leur avis, les ACVM soulignent que la qualification d’une cryptomonnaie ou d’un jeton de contrat d’investissement nécessite l’application des critères élaborés par la jurisprudence et codifiés au Québec. Tout en soulignant que chaque titre doit être évalué en regard de ses caractéristiques, les ACVM ont néanmoins signalé que « [d]ans de nombreux cas d’émis12. Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c V-1.1, art. 1 [ciaprès LVM]. 13. Infotique Tyra inc. c. Québec (Commission des valeurs mobilières), 1994 CanLII 5940 (QC C.A.). Voy., plus récemment, Autorité des marchés financiers c. Battah, 2013 QCCQ 10367 ; Doyon c. Autorité des marchés financiers, 2017 QCCA 1157. Voy. aussi Pacific Coast Coin Exchange c. Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, [1978] 2 R.C.S. 112, 128. 14. Pacific Coast Coin Exchange c. Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, [1978] 2 R.C.S. 112 ; Autorité des marchés financiers c. Battah, (2012) 9 BAMF n° 33 (BDRVM), par. 157‑160 ; Geyser Informatics inc. c. Commission des valeurs mobilières du Québec, EYB 1990‑76842, J.E. 90‑499 (C.S.).
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sions […] examinées jusqu’à présent, les cybermonnaies ou jetons représentaient des titres pour l’application de la législation en valeurs mobilières, notamment parce qu’ils constituent des contrats d’investissement » (15). De même, en janvier 2018, dans une mise en garde aux investisseurs, aux émetteurs et aux promoteurs relative aux ICOs, l’Autorité des marchés financiers du Québec soulignait que « [b]on nombre d’ICO, malgré les allégations à l’effet contraire, s’avèrent des offres de valeurs mobilières » (16).
B. L’application des principes généraux par le Tribunal des marchés financiers Au Québec, l’application des principes généraux du droit des valeurs mobilières aux ICOs a fait l’objet d’une première décision du Tribunal des marchés financiers (TMF) en 2017 dans l’affaire PlexCorps (17). En l’espèce, les sociétés en cause, qui n’étaient pas inscrites auprès du Registraire des entreprises du Québec ou de Corporation Canada, regroupaient une quarantaine d’ingénieurs, de programmeurs et de spécialistes des cryptomonnaies « réparties au travers le monde, toutes indépendantes et orientées vers le même objectif, soit d’améliorer l’accessibilité à des cryptoservices » (18). Le site Internet associé à ces sociétés était destiné à offrir au public d’investir dans le « Plexcoin », une monnaie virtuelle permettant d’obtenir un rendement pouvant aller jusqu’à 1 354 %. Appelé à déterminer si l’offre de Plexcoin constituait un appel public à l’épargne, le TMF a eu recours à la grille d’analyse découlant de la définition de contrat d’investissement. Premièrement, le Tribunal a noté qu’il y avait un contrat par lequel une personne s’engageait : « la simple acquisition éventuelle par un individu d’un PlexCoin constituera un engagement au sens de la définition de contrat d’investissement » (19). Deuxièmement, il y avait effectivement l’espérance d’un bénéfice puisque l’expectative de profit et de bénéfice est au cœur du stratagème de commercialisation du PlexCoin. Troisièmement, le public était appelé à participer au risque d’une affaire par la voie d’un apport ou d’un prêt quelconque. Notant la présence d’une mise de fonds, le TMF a souligné que dans le modèle proposé « l’investisseur peut faire moins de 15. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Avis 46‑307 du personnel des ACVM – Les émissions de cryptomonnaies, 24 août 2017, p. 4. 16. Autorité des marchés financiers, L’Autorité met en garde les investisseurs, les émetteurs et les promoteurs – Premières émissions de cryptomonnaie ou de jeton (ICO), 15 janvier 2018 : https://lautorite.qc.ca/grand-public/ salle-de-presse/actualite/fiche-dactualite/premieresemissions-de-cryptomonnaie-ou-de-jeton-ico/. 17. Autorité des marchés financiers c. PlexCorps, 2017 QCTMF 88. 18. Ibid., par. 26. 19. Ibid., par. 103. 2018/1
profits qu’espéré ce qui constitue un risque ou tout simplement perdre son investissement malgré qu’on lui a fait des représentations à l’effet que son investissement était garanti » (20). Enfin, le public sollicité n’avait pas les connaissances requises pour participer à la marche de l’affaire puisque « les acheteurs de PlexCoin reposent entièrement sur l’expertise et la spécialisation des créateurs de la monnaie virtuelle et le montage du produit proposé » (21). De plus, le public n’avait pas le droit de participer directement à la marche de l’affaire : « à notre avis, la seule décision qu’un acheteur potentiel de PlexCoin peut prendre est celle d’investir ou de ne pas investir, donc en aucun temps l’acheteur potentiel ne participe à aucune décision entourant la marche de l’affaire » (22). Comme nous pouvons le constater, sans analyser les détails techniques de la cryptomonnaie, le TMF a constaté que les caractéristiques du produit offert au public dans le dossier Plexcorps concordaient avec les critères de la définition de contrat d’investissement, ce qui l’assujettissait à la Loi sur les valeurs mobilières. Cette approche, qui insiste sur l’importance « d’examiner la réalité économique qui se cache derrière l’offre qui est faite au public pour laquelle le fond l’emporte sur la forme » (23), a été retenue dans le même dossier aux États-Unis par la Securities and Exchange Commission (24). Et, plus récemment, appliquant les principes de PlexCorps, le TMF a qualifié une seconde offre de cryptomonnaie de contrat d’investissement dans l’affaire CreUnite (25).
II. L’impact de la qualification de contrat d’investissement L’application de la Loi sur les valeurs mobilières soumet la forme d’investissement aux régimes édictés par la réglementation pour assurer la protection des investisseurs et le bon fonctionnement du marché, compte tenu des adaptations nécessaires (26). À moins que cette forme d’investissement ne bénéficie d’une dispense des principales parties de la loi en vertu de l’article 3 de la loi, la vigilance est de mise lors de toute opération la visant, et ce, pour éviter de contrevenir à ces régimes qui ont eux-mêmes une vaste portée.
Ibid., par. 126. Ibid., par. 130. Ibid., par. 133. Ibid., par. 126. Securities and Exchange Commission v. PlexCorps, 17 Civ. 7007 (CBA) (E.D.N.Y. Dec. 14, 2017). 25. Autorité des marchés financiers c. CreUnite, 2018 QCTMF 8. 26. Art. 2 LVM. 20. 21. 22. 23. 24.
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La réglementation des émissions de cryptomonnaies (ICOs) au Canada
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Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ?
A. Les obligations de prospectus et d’inscription En particulier, lorsque la loi s’applique, il importe de s’assurer que les activités et les opérations intéressant la forme d’investissement en cause s’effectue conformément au régime de l’appel public à l’épargne ou bénéficie d’une dispense de placement privé prévue par le Règlement 45‑106 sur les dispenses de prospectus (27). Rappelons que le champ d’application du régime de l’appel public à l’épargne est très étendu. En effet, tout émetteur qui procède au « placement » de valeurs doit en principe réaliser l’opération conformément au régime de l’appel public à l’épargne (28). Or, la notion de placement englobe un large éventail d’activités. Elle vise, au premier chef, les activités de financement. Ainsi, consiste en un placement, « le fait, par un émetteur, de rechercher ou de trouver des souscripteurs ou des acquéreurs de ses titres » (29). Remarquons que le verbe « rechercher » indique qu’il n’est pas nécessaire que l’émetteur réalise effectivement une opération avec l’investisseur (30). Il suffit que l’émetteur sollicite des investisseurs. L’application du régime de l’appel public à l’épargne entraîne deux conséquences importantes pour l’émetteur. Premièrement, l’émetteur a l’obligation de préparer un prospectus pour réaliser le placement de ses titres (31). Deuxièmement, le placement de valeurs par l’émetteur constitue une activité de courtage en valeurs mobilières qui ne peut être réalisée que par une personne inscrite comme courtier conformément à la loi (32). L’application du régime d’inscription entraîne des obligations fondamentales envers les investisseurs, telles que l’obligation de connaître le client et l’obligation de convenance. Ainsi, les personnes ou les entreprises qui procèdent à un ICO « doivent vérifier l’identité des investisseurs et recueillir assez de renseignements, y compris sur leurs besoins et objectifs de placement, circonstances financières et tolérance au risque, pour s’assurer que les achats de cybermonnaies ou de jetons leur conviennent » (33). Étant donné la lourdeur et la complexité de ces obligations, la loi prévoit des régimes de dispenses de prospectus et d’inscription qui permettent en toute 27. Règlement 45‑106 sur les dispenses de prospectus, RLRQ c. V-1.1, r. 21. 28. Art. 5, 11 LVM. 29. La notion de titres s’interprète en regard de la définition des formes d’investissement édictée par l’article 1 LVM. Voy. Autorité des marchés financiers c. Fondation Fer de Lance, 2016 QCCQ 1693. 30. Re Dodsley (2003), 26 O.S.C.B. 1799 ; Re First Federal Capital (Canada) Corp. (2004), 27 O.S.C.B. 1603. 31. Art. 11 LVM. 32. Art. 5, 148 LVM. 33. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Avis 46‑307 du personnel des ACVM – Les émissions de cryptomonnaies, 24 août 2017, p. 7. 18
légalité de réaliser des émissions de titres dans un régime allégé, et ce sans nécessité d’inscription à titre de courtier (34). En ce sens, l’Avis des ACVM note que les ICOs pourraient être effectuées en vertu de la dispense de prospectus pour placement auprès d’investisseurs qualifiés ou en vertu de la dispense relative à la notice d’offre. Dans ce cas, ces émissions doivent respecter toutes les conditions des dispenses, à moins de procéder en vertu du bac à sable réglementaire dont nous discutons ci-dessous.
B. Les sanctions en cas de contravention aux obligations À défaut de bénéficier d’une dispense, l’activité ou l’opération ne respectant pas les obligations de prospectus et d’inscription constituent des infractions donnant lieu à des amendes (35), voire une peine d’emprisonnement (36). Ces manquements peuvent également donner lieu à des interdictions de transiger, ainsi que des pénalités administratives qui s’ajoutent aux sanctions pénales (37). Enfin, l’opération effectuée sans prospectus donne ouverture à un recours civil en nullité et en dommages-intérêts prévu par la loi (38). Au Québec, les décisions PlexCorps et CreUnite font bien ressortir les conséquences découlant de la qualification juridique des cryptomonnaies de contrat d’investissement et, en corollaire, du défaut de respecter les obligations de prospectus et d’inscription. Dans ces décisions, le TMF a constaté qu’il s’agissait de placements de contrats d’investissement sans prospectus. Afin de protéger les investisseurs, le Tribunal a décrété des ordonnances d’interdiction de réaliser des opérations sur valeurs à l’encontre des personnes agissant comme fondateurs des sites Internet (39). De plus, 34. Règlement 45‑106 sur les dispenses de prospectus, RLRQ c. V-1.1, r. 21 ; Règlement 31‑103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites, RLRQ c. V-1.1, r. 10. 35. Art. 11, 148, 202, 208.1 LVM. Les infractions pour défaut de prospectus et d’inscription ont donné lieu à une jurisprudence abondante. Voy. A. Létourneau, « Criminalité financière », in S. Rousseau (dir.), Valeurs mobilières, Jurisclasseur Québec, Montréal, LexisNexis, Fascicule 15, par. 37, 43. 36. Art. 208.1 LVM (placement sans prospectus). 37. Art. 273.1 LVM : le Tribunal administratif des marchés financiers peut imposer une pénalité administrative d’un maximum de 2M$ pour chaque contravention. Sur le cumul des sanctions, voy. S. Rousseau, « Le cumul des sanctions pénales et administratives en droit financier canadien », R.I.S.F., 2015/2, 34. 38. Art. 214‑216 LVM. 39. Autorité des marchés financiers c. CreUnite, 2018 QCTMF 8, par. 164‑170 ; Autorité des marchés financiers c. PlexCorps, 2017 QCTMF 88, par. 154 et s. Voy. aussi, en Ontario, A. Posadzki, « Ontario securities watchdog probes cryptocurrency industry following complaints », The Globe and Mail, 6 avril 2018.
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s’adaptant à l’environnement des cryptomonnaies, le Tribunal a ordonné aux fondateurs de retirer toute annonce ou sollicitation faites sur les médias sociaux ou les sites Internet. En corollaire, dans PlexCorps, le TMF s’est appuyé sur son pouvoir « de prendre toute mesure propre à assurer le respect de la Loi [pour] ordonner à Facebook Canada de fermer les comptes de PlexCoin et PlexCorps » (40). Comme l’ont remarqué des observateurs, à la lumière de ces décisions, « il est clair que les autorités de réglementation en valeurs mobilières ne prendront pas les émissions de cryptomonnaies à la légère et qu’elles appliqueront la réglementation au besoin afin de protéger adéquatement les intérêts des investisseurs » (41).
III. Le modèle du bac à sable réglementaire des Autorités canadiennes en valeurs mobilières De tout temps, l’innovation a mis à l’épreuve la réglementation financière (42). Les avancées en intelligence artificielle, la technologie blockchain et les données massives (« big data ») augmentent toutefois la vélocité des changements, donnant lieu à l’innovation de rupture (« disruptive innovation ») (43), ce qui pose de nouveaux défis pour les régulateurs. Dans ce contexte, plusieurs font valoir qu’il est nécessaire de procéder à une révision des modèles d’encadrement afin que la réglementation devienne dynamique, proactive et réactive (44). Si les propositions de réforme sont nombreuses, peu d’entre elles se sont encore imposées. 40. Autorité des marchés financiers c. PlexCorps, 2017 QCTMF 88, par. 177. 41. S. Griffin, F. Bernard et S. Chénard, « Décision de la Commission des Valeurs Mobilières de l’Ontario (CVMO) quant à l’émission de cryptomonnaie (ICO) de Token Founder Inc. : le Canada devient-il une juridiction favorable aux ICO ? », Langlois, 26 octobre 2017, http://langlois.ca/decision-de-la-commission-desvaleurs-mobilieres-de-lontario-cvmo-quant-lemissionde-cryptomonnaie-ico-de-token-founder-inc/. 42. Voy., par exemple, E. Avgouleas, « Regulating Financial Innovation », in N. Moloney, E. Ferran et J. Payne (dir.), The Oxford Handbook of Financial Regulation, Oxford, OUP, 2016, p. 659 ; F. Muniesa et M. Lenglet, « Responsible Innovation in Finance: Directions and Implications », in R. Owen, J. Bessant et M. Heintz (dir.), Responsible Innovation, John Wiley & Sons, 2013, p. 185 ; W. Scott Frame et L. J. White, « Empirical Studies of Financial Innovation: Lots of Talk, Little Action? », (2004) 42 Journal of Economic Literature 116. 43. Ch. Brummer, « Disruptive Technology and Securities Regulation », (2015) 84 Fordham L. Rev. 977. 44. Voy. A. Butenko et P. Larouche, « Regulation for Innovativeness or Regulation of Innovation? », (2015) 7 L. Innovation & Tech. 52 ; C. Ford, Innovation and 2018/1
A. Une présentation du modèle canadien de bac à sable réglementaire Parmi les approches destinées à favoriser une réglementation adaptée à l’innovation, le modèle du bac à sable réglementaire a retenu l’attention dans le secteur financier depuis qu’il a été mis de l’avant par la Financial Conduct Authority britannique en 2016 (45). S’inspirant de ce modèle, en février 2017, les ACVM « ont lancé un bac à sable réglementaire afin d’appuyer les entreprises spécialisées en technologie financière (fintechs) souhaitant offrir des applications, des produits et des services novateurs au Canada » (46). Dans l’Avis 46‑307, les ACVM ont suggéré que le bac à sable réglementaire est particulièrement adapté aux cryptomonnaies. Ainsi, elles invitaient les sociétés projetant des ICOs à communiquer avec leur régulateur pour discuter des « façons possibles de se conformer à la législation en valeurs mobilières » et « éviter des imprévus coûteux sur le plan réglementaire » (47). Concrètement, selon le modèle des ACVM, la société souhaitant avoir accès au bac à sable réglementaire doit entreprendre des discussions avec son régulateur pour présenter son modèle d’entreprise (48). À cette étape, sera examinée l’admissibilité de l’entreprise au bac à sable. En effet, seuls les modèles jugés novateurs du point de vue du marché canadien sont admissibles. Pour les fins de cet examen, les sociétés présentant une demande « pourraient devoir présenter un environnement de production, un plan d’affaires ainsi qu’un exposé des avantages possibles (et des mécanismes d’atténuation des risques) pour les investisseurs » (49).
45.
46.
47. 48.
49.
the State – Finance, Regulation, and Justice, Cambridge, Cambridge University Press, 2017 ; E. Vermeulen, M. Fenwick et W. A. Kaal, « Regulation Tomorrow: Whant happens when technology is faster than the law? », TILEC Discussion Paper, DP 2016‑024, Tilburg University. Ch. Woolard, « FCA Director of Strategy and Competition, Address at the Innovate Finance Global Summit » (Apr. 11, 2016), https://www.fca.org.uk/news/ speeches/innovate-finance-global-summit ; Financial Conduct Authority, Regulatory Sandbox, novembre 2015, https://www.fca.org.uk/publication/research/ regulatory-sandbox.pdf. Voy. D. Zetsche, Regulating a Revolution: From Regulatory Sandboxes to Smart Regulation, [2017] UNSWLRS 71. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Bac à sable réglementaire des ACVM, https://www.autoritesvaleurs-mobilieres.ca/ressources_professionnelles. aspx?id=1588. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Avis 46‑307 du personnel des ACVM – Les émissions de cryptomonnaies, 24 août 2017, p. 8. Autorités canadiennes en valeurs mobilières, Bac à sable réglementaire des ACVM, https://www.autoritesvaleurs-mobilieres.ca/ressources_professionnelles. aspx?id=1588. Ibid.
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Si la société est jugée admissible, le régulateur émet une dispense dite « discrétionnaire » relativement aux obligations de prospectus et d’inscription qui font obstacle au modèle d’entreprise novateur de la société à la condition que la protection des investisseurs ne soit pas compromise. La dispense octroyée demeure ciblée, ayant une durée d’application limitée. De plus, au-delà de celle-ci, la société demeure assujettie à toutes les exigences réglementaires applicables. Par ailleurs, le régulateur peut imposer des obligations particulières dans le cadre de la dispense. La société qui participe au bac à sable réglementaire est par la suite soumise à la surveillance du régulateur à qui elle devra fournir les renseignements requis.
B. Un exemple d’application du bac à sable réglementaire : le dossier Impak Finance Au Québec, le dossier Impak Finance constitue la première émission de cryptomonnaie effectuée dans le cadre du bac à sable réglementaire des ACVM (50). Dans le cadre de l’ICO, Impak Finance a déclaré souhaiter émettre « des “Impak Coin”, une nouvelle monnaie numérique fondée sur la plate-forme de chaîne de blocs Waves (les “MPK”) ». Le placement visait un minimum de 575 000 MPK et un maximum de 14 375 000 MPK, pour une valeur de 500 000 $ à 10 M$. Les fonds recueillis auraient pour objectif de financer la mise sur pied d’impak.eco qui est un réseau social en ligne créé par Impak Finance et dédié à « l’économie d’impact » (51). Plus particulièrement, impak.eco a pour objectif de permettre le paiement de biens et de services offerts par des « entreprises d’impact » au moyen de MPK au moment de leur achat. Ainsi, le MPK ne confère pas à son détenteur un droit de participer aux profits ou à la distribution d’actifs du déposant ou un droit de vote à quelque assemblée des porteurs de titres de la société Impak Finance. L’ICO d’Impak Finance est effectué conformément à la dispense réglementaire de notice d’offre qui permet le placement de titres auprès d’investisseurs qualifiés ou d’investisseurs admissibles, à condition que soit produit un document d’information similaire à un 50. Impak Finance Inc., (2017) 14 Bull. A.M.F. (n° 32) 184. 51. L’économie d’impact est définie ainsi dans la notice d’offre : « Ce segment de l’économie générale qui est en plein essor est composé de personnes et d’organisations qui sont convaincues que l’activité économique ne doit pas tenir compte de ses seuls aspects financiers, mais aussi prendre en considération son effet sur les gens et la planète ». Voy. Livre blanc pour la levée de fond en cryptomonnaie (ICO) de : Impak Coin – Une cryptomonnaie pour changer votre monde, https://mpkico-prod.s3.amazonaws.com/static/files/MPK_Whitepaper_fr.806551308026.pdf. 20
prospectus abrégé (52). En l’occurrence, tout en respectant les exigences de la dispense, la notice d’offre était présentée comme un Livre blanc pour la levée de fond en cryptomonnaie (53). Par ailleurs, en utilisant cette dispense, Impak Finance se soumettait à un régime qui offre une protection supérieure aux investisseurs à celle existant en vertu des autres dispenses, notamment sous la forme d’un droit de résolution et d’un recours en responsabilité civile pour communication d’informations fausses ou trompeuses. Étant donné le caractère novateur du placement, Impak Finance a présenté son modèle d’entreprise conformément au modèle du bac à sable réglementaire tout en déposant auprès de l’AMF une demande de dispense de certaines obligations prévues par la législation en valeurs mobilières. Saisie de cette demande, l’AMF a rendu une décision octroyant une dispense de prospectus et une dispense d’inscription. La dispense de prospectus vise la première opération entre un porteur de MPK et une entreprise d’impact, opération qui constituerait autrement un placement déclenchant l’obligation de prospectus. Autrement dit, la dispense ne vise pas l’émission de la cryptomonnaie puisqu’elle bénéficiait déjà de la dispense de notice d’offre, mais plutôt l’utilisation de la cryptomonnaie par les porteurs. Pour bénéficier de la dispense de prospectus, l’opération doit toutefois se limiter à l’achat de biens ou de services avec une contrepartie en MPK. De plus, l’AMF a octroyé une dispense d’inscription assujettie à plusieurs conditions qui incluent : i) les examens de connaissance du client et de convenance par Impak Finance ; ii) la détermination du statut d’investisseur qualifié ou d’investisseur admissible pour tout investisseur dont la mise de fonds excède 2 500$ ; iii) le traitement équitable, honnête et de bonne foi des investisseurs ; iv) le maintien et l’application de politiques et procédures instaurant un système de contrôles et de supervision capable de gérer les risques liés à son activité conformément aux pratiques commerciales prudentes. Du reste, l’AMF a imposé une obligation d’information continue à Impak Finance exigeant qu’elle donne aux participants un accès raisonnable à l’information trimestrielle précisée dans la décision. Enfin, l’AMF n’autorise pas que les MPK soient inscrits à la cote d’une bourse ni négociés sur une bourse, une bourse de cryptomonnaie ou un marché organisé. La décision de l’AMF, suivie par une décision similaire rendue par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario dans le dossier Token Funder (54), a été 52. Règlement 45‑106 sur les dispenses de prospectus, RLRQ c. V-1.1, r. 21, art. 2.9. 53. Voy. Livre blanc pour la levée de fond en cryptomonnaie (ICO) de : Impak Coin – Une cryptomonnaie pour changer votre monde, https://mpk-ico-prod. s3.amazonaws.com/static/files/MPK_Whitepaper_ fr.806551308026.pdf. 54. Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, Token Funder Inc., 17 octobre 2017 : http://www.osc.gov. on.ca/en/SecuritiesLaw_ord_20171023_token.htm.
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accueillie favorablement par des observateurs pour qui ces dernières, jointes à l’Avis des ACVM, représentent une manifestation claire de la volonté des régulateurs « d’engager un dialogue avec les sociétés cherchant à obtenir du capital au moyen d’émissions de cryptomonnaies » (55). D’autres soulignent toutefois que ces décisions font bien ressortir la portée étendue de la réglementation sur les valeurs mobilières (56), certains questionnant même la qualification de contrat d’investissement des cryptomonnaies en cause dans ces dossiers (57).
IV. Observations finales Comme nous avons pu le constater, les modes classiques d’encadrement du secteur des valeurs mobilières 55. S. Griffin, F. Bernard et S. Chénard, « Décision de la Commission des Valeurs Mobilières de l’Ontario (CVMO) quant à l’émission de cryptomonnaie (ICO) de Token Founder Inc. : le Canada devient-il une juridiction favorable aux ICO? », Langlois, 26 octobre 2017, http://langlois.ca/decision-de-la-commission-desvaleurs-mobilieres-de-lontario-cvmo-quant-lemissionde-cryptomonnaie-ico-de-token-founder-inc/. 56. « Securities regulators provide guidance on cryptocurrency offerings », Dentons, 31 août 2017 : https://www.dentons.com/en/insights/articles/2017/august/31/securitiesregulators-provide-guidance-on-cryptocurrency-offerings. 57. « Canada: Is The CSA Regulatory Sandbox For ICOs Filled With Quicksand? », Norton Rose Fullbright, 24 octobre 2017.
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sont mis à l’épreuve par les innovations financières. L’engouement pour les cryptomonnaies qui se manifeste par la vague de ICOs a fait ressortir les tensions entre les objectifs de protection des investisseurs et de promotion du bon fonctionnement du marché qui sous-tendent la réglementation. Au Canada, cette tension est a priori résolue en faveur de l’objectif primordial du droit des valeurs mobilières, à savoir la protection des investisseurs, comme en témoigne la tendance à qualifier les cryptomonnaies offertes dans un ICO de contrat d’investissement. Conscientes de l’inadéquation du régime de l’appel public à l’épargne et des dispenses de placement privé et d’inscription pour les cryptomonnaies, les ACVM ont eu recours au modèle du bac à sable réglementaire pour moduler les règles applicables aux ICOs, et ce dans un souci de soutenir l’innovation et d’assurer le bon fonctionnement du marché. S’il est attrayant, le modèle du bac à sable réglementaire devrait toutefois avoir une vocation transitoire. Au fur et à mesure que les innovations se cristallisent, les régulateurs devraient élaborer des régimes réglementaires d’application générale dont les exigences sont transparentes et uniformes ex ante pour les participants au marché. Pour reprendre l’expression de l’auteure Allen, le bac à sable réglementaire devrait être vu comme un bac à sable pour la réglementation (58).
58. H. J. Allen, A US Regulatory Sandbox?, 20 octobre 2017, pp. 55‑57, https://ssrn.com/abstract=3056993.
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La réglementation des émissions de cryptomonnaies (ICOs) au Canada
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Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ?
ICOS AND CRYPTOCURRENCIES FROM A BRITISH PERSPECTIVE: A REVIEW OF THE LEGISLATION AND A SPECULATIVE ANALYSIS Prof. Pierre de Gioia Carabellese Chair of Law University of Huddersfield Law School
The debate on Initial Coin Offerings is assessed in this paper from a British perspective. A legal analysis of the ICO is carried out in connection with the underlying product, the cryptocurrency. Through the lenses of the most recent legislation passed in Brussels, the paper suggests that a more ambitious definition of financial instruments is sorely needed to ensure that the cryptocurrency is included in it. Hence, ICOs may move from the current unregulated discipline to a more rigorous process of issuance, the final purpose of which is to better protect investors. This scenario will be applicable to Britain until the Brexit process is finalised, after which any kind of solution will be possible, including the possibility for Britain to be a “crypto-haven” where this area may continue to be unregulated on the assumption of new-liberal theories that ICOs are an effective – and perhaps the only – way to stimulate the economy.
I. Introduction Panta rei, “everything flows”, was once a philosophical teaching of the ancient Greeks. The maxim seems to be the most pertinent one to describe the dynamic events occurring in the last few years as regards cryptocurrencies. Virtual currencies, still undefined and perhaps undefinable from a legal point of view, made their debut less than a decade ago. Nevertheless, they are now at the centre of academic discussion and they represent a conundrum for central governments and central bankers, given their potential revolutionary implications. Against the backdrop of this stimulating phenomenon, the purpose of this paper is to analyse a further evolution of cryptocurrencies, namely initial coin offerings. In more detail, this paper is aimed at assessing how, ICOs may be categorised from a legal point of view. The analysis will be based on the norms existing in the UK. In this analysis, the contribution will discuss both the current legal framework, which is the outcome of EU legislation, and the prospective legislation that, once Brexit becomes effective, will embrace this area of law in Britain. The nature of initial coin offerings will not be disarticulated from a brief discussion of the legal categori22
sation of cryptocurrencies, the underlying phenomenon inextricably connected with the ICO. From this perspective, the paper will try to propose solutions to what, seemingly, is a lacuna in the current financial regulation, not just in Britain but also across Europe.
II. Initial coin offerings: a practical view Initial coin offerings (ICOs) have become more and more common in recent times. It is well known, from a non-legal perspective, that they represent a new form of fundraising used by some categories of start-ups. In brief, these companies operate on a block-chain and they pre-sell crypto-tokens to the public, connected with the block-chain that they are going to issue. The offerees are investors but also lay-people (ordinary individuals) interested in maximising the value of their money, particularly in times like the present where the remuneration on money deposited with a bank is particularly low, given the quantitative easing policy initiated by central banks across the world as early as late 2008, when the financial crises began. The duration of the ICO is limited: the offers have a deadline or, if earlier, they expire when the cap enshrined in the offer is reached. Therefore, the ICO may be reminiscent of an Initial Public Offering, for they aim to offer to the market certain products. However, they are ontologically different from IPOs. In the latter the company (the offeror) does have the real product or service, whereas in the ICO the connected or underlying product (the cryptocurrency) still needs to be issued. On the other hand, they differ from any form of traditional crowdfunding. The latter consists technically of donations, whereas in the ICO participants are merely given a stake – perhaps a form of ownership – in their respective companies and a right to vote on decisions and actions taken in the future. (1) The regulatory risk posed by the ICO is not unknown to the supervisory authorities. On 13 November 2017, the European Securities and Markets Authority (ESMA), followed by a number of local supervisors, such as the Belgian and the Dutch authorities for the markets, expressed their serious concerns about the risk posed 1. For recent authoritative contributions on crowdfunding, see J. Armour and L. Enriques, “The Promise and Perils of Crowdfunding: between Corporate Finance and Consumer Contracts”, ECGI European Corporate Governance Institute (Working Papers No 366/2017, September 2017).
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by ICO to investors. (2) Further worries relate to regulation applicable to firms involved in ICOs, which is something that, from a British perspective, this paper aims to address.
III. Legal nature of the ICO in connection with the legal characterisation of cryptocurrencies The legal nature of ICOs cannot be disarticulated from the analysis of their underlying products, the namely cryptocurrencies. The debate about the categorisation of these new forms of payment is still very inconclusive, not just in Britain but also elsewhere across the world. (3) The matter seems to be even more obscure if attention is paid to the decision of certain governments of major countries to make cryptocurrencies totally illegal. (4) Whether or not this decision to make the cryptocurrency illegal is correct, a discussion of the nature of this new “asset” is necessary and, given the novelty of the matter, rather fascinating. In the recent past the literature has paid attention to the concept of money as “safe asset”, a product that is used by people as a means of purchasing goods and acquiring products. (5) The product at stake is not issued by everyone but exclusively by central banks, entities officially empowered to print money. This is the first striking difference between traditional currencies and cryptocurrencies, for the latter are issued by any private entity which is in a position to organise a safe technological system making the cryptocurrency a reliable system of payment. Additionally, the issuer of the “cryptocurrency” 2. R. Jacobs, “European Union: Virtual Currencies – Warning”, (2018)33 Journal of International Banking Law and Regulation 29, 30. 3. Cryptocurrencies still lie on an obscure limb of the business law discipline. The most rigorous research books in the area of financial law do not necessarily focus on this concept. See J. Armour, D. Awey, P. Davies, L. Enriques, J.N. Gordon, C. Mayer and J. Payne, Principles of Financial Regulation (Oxford University Press, Oxford 2016) ; M. Lamandini and D.R. Munoz, EU Financial Law (Wolters Kluwer, Assago Milan 2016). 4. Without any claim that this is the most scientific source, see for instance B. Stephenson, “5 countries where Bitcoin is Illegal”, 17 December 2017, https://www. lifewire.com/where-is-bitcoin-illegal-4156601. 5. On the fascinating, albeit controversial, concept of safe assets, see A. Gelpern and E.F. Gerding, “Rethinking the Law in ‘Safe Assets’”, in R.P. Buckley, E. Avgouleas and D. W Arner (eds), Reconceptualising Global Finance and its Regulation (Cambridge: Cambridge University Press 2016) 159, 189 ; A. Gelpern and E.F. Gerding, “Inside Safe Assets”, (2016)33 Yale Journal on Regulation 363, 421. 2018/1
does not have an unlimited power to print money, in contrast to any central bank. Each “cryptocurrency” is meant to have an end, although this expiry may be after serval decades. Third, unlike other currencies, cryptocurrencies use decentralised systems instead of central banking and electronic money systems. This decentralised control works through block-chains, which are public transaction databases, and these work as distribution ledgers. In a definition that any curious person may find on the internet, the cryptocurrency is defined as follows: “[A] digital or virtual currency that uses cryptography for security. A cryptocurrency is difficult to counterfeit because of this security feature. A defining feature of a cryptocurrency, and arguably its most endearing allure, is its organic nature; it is not issued by any central authority, rendering it theoretically immune to government interference or manipulation.” More authoritatively, (6) it is pointed out as regards Bitcoin that this “virtual currency” have “all the classic hallmarks of a cryptocurrency in that it is in digital form; is not created by a single (usually state-based) issuer”. Additionally, they originate from a network governed by a special algorithm called mining and finally they are not regulated by any central bank. (7) In the British legislation, as in the rest of Europe, the lack of a definition of the cryptocurrency may also depend on the fact that there is an intrinsic element of investment in it. A cryptocurrency, unlike a traditional currency, is subject to very wide fluctuations. A cryptocurrency is functionally connected with the payment of goods and services, like a normal currency, but its main function seems to be as an investment in an asset – practically virtual – which may vary and change in the same fashion as a security. This paper, written from a British perspective but reaching out to Europe and the rest of the world, and also from a comparative perspective, attempts to corroborate the view that the cryptocurrency should be categorised as a financial instrument, given its main investment nature. Therefore, the analysis of the ICO is linked with a discussion about the categorisation of the cryptocurrency. It is well known that Britain and Europe comply with a legal framework in the area of financial instruments based on a numerus clausus predefined by the legislature. Currently in Britain, as a member of the EU, the legislature is a participant in the MiFID II. (8) Pursuant 6. R. Cranston, E. Avgouleas, K. van Zwieten, C. Hare, T. van Sante, Principles of Banking Law (3rd ed., Oxford University Press, Oxford 2018) 369. 7. Passim. 8. Market in financial Instruments Directive II (MiFID II): Directive 2014/65/EU of the European Parliament and of the Council of 15 May 2014 on markets in financial instruments and amending Directive 2002/92/EU and Directive 2011/61/EU (OJ L 173).
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ICOs and Cryptocurrencies from a British Perspective: a Review of the Legislation and a Speculative Analysis
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Quel encadrement pertinent pour les Initial Coin Offerings ?
to Annex 1 of the MiFID II, Section C, (9) the investment services and investment activities just referred to must relate to “financial instruments”, which are, in essence, divided up between “transferrable securities”, such as shares, bonds and derivatives. (10) With respect to the latter, art. 4 of Section C of Annex 1 contemplates “[o]ptions, futures, swaps, forward rate agreements and any other derivative contracts relating to securities, currencies, interest rates or yields, emission allowances or other derivatives instruments, financial indices or financial measures which may be settled physically or in cash.” Additionally, financial instruments are also, inter alia: “money-market instruments” (such as covered bonds), and “units in collective investment undertakings”. (11) In this respect, although it is undeniable that at the moment the list of financial instruments has not yet been enlarged in order to include cryptocurrencies, it is arguable that their nature, primarily an investment and secondarily a means of payment, may justify a possible updating of the list. It is unclear why the British and EU authorities have not yet done this, although a possible explanation is that the financial crises and the sluggish market ensuing those appalling events have led to this delay. The best modus operandi to achieve this would be either through an amendment to the list, or alternatively, but with greater difficulty, by trying to subsume cryptocurrencies into the current concept of transferrable securities. Although cryptocurrencies, like bonds and shares, are freely transferrable, it is not so obvious to infer that they fit into the concept of securities, for cryptocurrencies lack the element of ownership: they appear to merely represent an abstract value artificially based on an algorithm. Similarly, although cryptocurrencies could be associated with units of collecting funds, given the interest of different investors in the same product albeit pro quota, they may lack an important element of the units: the presence of a management company with a mandate to invest the assets. In this respect the cryptocurrency seems to be less dynamic than the assets managed by a company. The categorisation of cryptocurrencies as financial instruments may have significant implications for the analysis of ICOs that is encompassed within the following section of this contribution.
9.
Also in the MiFID I, “financial instruments” used to be defined under Annex I, Section C. 10. “Security”, rather than “financial instrument”, is the terminology adopted in the US. See sect. 2(a) of the Securities Act (see L.D. Soderquist and T.A. Gabaldon, Securities Law (2nd ed., Foundation Press and Thomson/ West, New York 2004) 2. 11. See M. Haentjens and P. de Gioia Carabellese, European Banking and Financial Law (Routledge, London and New York 2015) 136, 139. 24
IV. Legal framework currently applicable to the ICO in the UK and Europe The discipline that is applicable to ICOs in the UK is connected with the nature of their underlying products. In the previous paragraph, emphasis has been placed on the fact that cryptocurrencies are currently not clearly identified from a legal point of view. This observation does not encounter any exception in Britain, because the legislation of this country, and likewise that of the rest of Europe, has not managed to come up with a clear definition of the cryptocurrency. As things are, the offer of coins or cryptocurrencies may still fall short of the requirements usually applicable to the offer of other financial products. In this respect, it is well known that for financial products or, more technically, financial “instruments”, the offer of securities is preceded by the drafting of a prospectus, to be authorised by the local market authority, in order to ensure that investors are adequately informed of the risks entailed in the investment. The pillar of legislation in the broad area of the public issuance of securities is Directive 2003/71 EC, (12) which offers guidelines on the “prospectus to be published when securities are offered to the public or admitted to trading”. (13) As a result of the above, the legislative framework currently prevailing in this area has up to now been two-fold: (a) guidelines relating to the “prospectus” and enshrined within Directive 2003/71 (“Prospectus Directive”); and (b) guidelines relating to the “listing”, where the relevant rules are those incorporated within Directive 2001/34 (“Listing Directive”). (14) The intention of these two pieces of legislation, alongside a third one, the “Transparency Obligations Directive”, (15) is, ultimately, to promote the concept of a single EU passport for issuers, so that the raising of capital can 12. Directive 2003/71/EC of the European Parliament and of the Council of 4 November 2003 on the prospectus to be published when securities are offered to the public or admitted to trading and amending Directive 2001/34/ EC, OJ L 345. 13. For a broad analysis of the prospectus from a legal point of view, see M. Haentjens and P. de Gioia Carabellese, European Banking and Financial Law (Routledge, London and New York 2015) 19, 39. 14. Ibid., 26. 15. Directive 2004/109/EC of the European Parliament and of the Council of 15 December 2004 on the harmonisation of transparency requirements in relation to information about issuers whose securities are admitted to trading on a regulated market and amending Directive 2001/34/EC, OJ L 390. A brief commentary to the Transparency Obligations Directive can be read in the following chapter. See also H.S. Scott, International Finance (17th ed., Foundation Press, New York 2010) 273, 274.
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be facilitated across the EU, both as regards a listing on the regulated markets and as regards the issue of securities. It is worth noting that on 20 July 2017, after its publication in the Official Journal on 30 June 2017, a new framework in the area of prospectuses, the Prospectus Regulation (the “PR”) (16) came into force. These provisions will begin to apply on a rolling basis, with full application commencing from 21 July 2019. The PR will replace the Prospectus Directive. As the regulations are fully applicable without implementation, these measures will be applied in each EU member state with immediate effect. The aims of the new regime are straightforward: to improve access to finance for companies and to simplify information for investors. Overall, the changes should give more flexibility for companies to raise capital either without publishing a prospectus at all or using a more streamlined document. It is worth noting that, as regards changes applicable from 20 July 2017, companies were previously allowed to admit further shares without publishing a prospectus, on condition that this additional stake represented less than 10% of the same class already admitted to trading (over a 12-month period). However, this has now been increased to securities representing less than 20% of the same class (over a 12-month period). Some additional generous buffers have been introduced for shares resulting from conversion or exchange of other transferable securities to the same market without publication of a prospectus. As from 21 July 2018, further changes will come into force. For instance, small capital raisings of up to €1 million (in total over a period of 12 months) will be exempt and no prospectus will be required. This is an increase from €100,000 under the existing regime and significantly increases opportunities for very small offerings and crowdfunding projects. The threshold at which a prospectus is mandatory for offers to the public will be raised from €5 million to €8 million (in total over a period of 12 months). Member states will be entitled to exempt offers below this threshold of €5 million from the requirement to issue a prospectus. Currently in the UK, an offer of securities does not require the issue of a prospectus for offers below €5 million (in total over a period of 12 months). It will be a matter for HM Treasury to decide whether to increase this exemption threshold. Offers relying on this exemption will not benefit from the EU passporting regime. The remaining changes being introduced by the EU Prospectus Regulation will take effect from 21 July 2019. The EU Prospectus Regulation has a direct effect in the UK. Until exit negotiations have run their course 16. Regulation (EU) 2017/1129 of the European Parliament and of the Council of 14 June 2017 on the prospectus to be published when securities are offered to the public or admitted to trading on a regulated market, and repealing Directive 2003/71/EC, OJ L 168. 2018/1
the UK remains a full member of the EU and must continue to apply EU legislation. It is likely that any EU legislation which applies in the UK at the point of exit will effectively be frozen into UK law, continuing to apply until such time as the UK decides which EU laws to amend, repeal or retain. The UK will have left the EU before the final provisions of the EU Prospectus Regulation take effect in July 2019, and it is not clear whether these will be implemented in the UK. We anticipate that, at least for an initial period, the UK will adopt similar provisions to put UK companies on an equal footing and allow them to benefit from the cheaper, more streamlined regime and any available passporting rights. These rules, originating from the EU, are also applicable to Britain, at least as long as the Brexit process and its multifaceted consequences have not been completed. As things are, given the fact that cryptocurrencies are regarded merely as a form of payment, these two bodies of law (Listing Directive and Prospectus Directive, but not the Prospectus Regulation) would not touch upon the ICO. These pieces of legislation presuppose the existence of securities, whereas cryptocurrencies, closely connected with ICOs, are still outside this definition. However, the stances would be totally different if, as suggested in the previous section, cryptocurrencies were classified as financial instruments.
V. Legal framework applicable to the ICO in the UK and Europe if cryptocurrencies were categorised as financial instruments In a speculative way, a proposal has been put forward in this paper (Section 3), as regards the categorisation of cryptocurrencies as financial instruments. If this view were adopted, this would warrant a completely different solution from how an ICO is regarded at the moment, based on the current European and UK framework. In more detail, if cryptocurrencies were categorised as financial instruments, the ICO would be preceded by a specific application with the market authority, in Britain the Financial Conduct Authority. This application would be required, based on the Prospectus Directive which has been implemented in the UK and, from summer 2018, the new Prospectus Regulation, directly applicable to the UK. If cryptocurrencies, as securities, and a fortiori as ICOs, were offered, a general duty would arise to inform the public of the kind of financial instruments
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ICOs and Cryptocurrencies from a British Perspective: a Review of the Legislation and a Speculative Analysis
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which would thereafter be offered. These instruments, in so far as they were offered to the public, should comply with certain rules so as to ensure that the beneficiary of the securities (the investor) was duly informed of the specific risk entailed in that investment. This objective would be achieved by way of the prospectus: a document that should contain the data the investor might reasonably be expected to rely on as regards both the issuer (the entity offering the securities) and the financial instruments being offered to the market. (17) The prospectus is legislated upon under the Prospectus Directive – a statute reflecting a legislative development which originated in 1980 and, ultimately, came to fruition roughly a decade ago. It still applies, although it has been amended in recent times. (18) Historically, the concept of a prospectus does not have an EU genesis. Rather, its ratio essendi can be tracked back to experience across the Atlantic in the US securities markets, with its legislation enacted there since as early as the 1930s (particularly the Securities Exchange Act of 1934). The underpinning philosophy of the 1934 Securities Exchange Act, despite the highs and lows during its 80-year lifespan, still remains basically the same, and also in its adaptation within the EU financial markets during the 1980s: it is based on the idea that mandatory disclosure of the issuer and its instruments is necessary and that this improves standards of corporate governance of the company. (19) It is argued in the law and economics literature that the more information that is available, the closer to fairness the prices of securities are. (20) However, the latest financial crisis engendered intriguing and, at the same time, dramatic questions as to whether disclosure is actually effective. 17. M. Haentjens and P. de Gioia Carabellese, European Banking and Financial Law (Routledge, London and New York 2015) 32. 18. See particularly Directive 2010/73/EU of the European Parliament and of the Council of 24 November 2010 amending Directives 2003/71/EC on the prospectus to be published when securities are offered to the public or admitted to trading, and 2004/109/EC on the harmonisation of transparency requirements in relation to information about issuers whose securities are admitted to trading on a regulated market, OJ L 327. In the vast literature about prospectuses, see R. Veil (eds), European Capital Markets Law (2nd ed., Hart Publishing, Oxford and Portland 2017). 19. Unfettered reliance on disclosure has been questioned by authors inclined to thinking that this kind of disclosure is far from helpful. See G. Benston, “The Value of the SEC’s Accounting Disclosure Requirement”, (1969) 44 Accounting Review 515; G. Benston, “Required Disclosure and the Stock Market: an Evaluation of the Securities Exchange Act of 1934”, (1973) 63 American Economic Review 132. 20. J. Coffee, “Market Failure and the Economic Case for a Mandatory Disclosure System”, (1984) 70 Virginia Law Review 717. 26
Nonetheless, the EU approach to the matter still remains the same: mandatory, instead of mere voluntary, disclosure will still remain the architrave of the architecture in this area of law, although probably the real challenge in future will be the content of it and its effectiveness in terms of protection of the investor. Investor protection in connection with a specific financial instrument is considered one of the fundamental aims of the Prospectus Directive. (21) As indicated above, the risk attached to any investment is borne by the investor and any investment in securities is intrinsically insidious. The Prospectus Regulation continues to build on this risk, and notes at Recital 3: “Disclosure of information in cases of offers of securities to the public or admission of securities to trading on a regulated market is vital to protect investors by removing asymmetries of information between them and issuers. Harmonising such disclosure allows for the establishment of a cross- border passport mechanism which facilitates the effective functioning of the internal market in a wide variety of securities.” Recital 7 of the PR continues to make stipulations as follows: “The aim of this Regulation is to ensure investor protection and market efficiency, while enhancing the internal market for capital. The provision of information which, according to the nature of the issuer and of the securities, is necessary to enable investors to make an informed investment decision ensures, together with rules on the conduct of business, the protection of investors. Moreover, such information provides an effective means of increasing confidence in securities and thus of contributing to the proper functioning and development of securities markets. The appropriate way to make that information available is to publish a prospectus.” (22) As a result, public companies, or those which aspire to become such, are under an obligation to provide the public (and, therefore, the potential investors) with a minimal level of disclosure to ensure that the risk entailed in the investment is not unknown. The information should be “sufficient” (in terms of quantity of data provided), as well as “objective” (in the way both 21. Recital 16 Prospectus Directive. The Prospectus Directive has therefore also been defined as a “productdriven” piece of legislation. See P. Schammo, EU Prospectus Law (Cambridge University Press, Cambridge 2011) passim. 22. This Recital echoes Recital 19 of the Prospectus Directive: “Investment in securities, like any other form of investment, involves risk. Safeguards for the protection of the interests of actual and potential investors are required in all Member States in order to enable them to make an informed assessment of such risks and thus to take investment in full knowledge of the facts.”
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the securities and the economic circumstances of the issuer are described). (23) Coupled with this is the principle that the information must be disclosed “in an easily analysable, concise and comprehensible form.” (24) (25) It is well known that the Prospectus Regulation, like its predecessor, does not apply to all types of financial instruments, nor are its requirements mandatory for all issuers. As to financial instruments, the PR applies to “securities” defined at art. 2(a) indirectly by way of reference to the MiFID II, more specifically Directive 2014/65/EU. In the latter piece of legislation, “securities” means transferable securities, with the exception of money market instruments as defined in point (17) of Article 4(1) of Directive 2014/65/EU, having a maturity of less than 12 months. (26)
V. Conclusion There is an anomalous coincidence between the start of the financial crisis, in 2008, and the genesis of cryptocurrencies, anecdotally dating back to the same period (2010). It is difficult to confirm whether the two phenomena are connected. Nevertheless, cryptocurrencies, albeit widely utilised, currently occupy uncharted territory. This uncertainty is currently engendering conundrums relating to the consequential categorisation of ICOs, the subject of this paper. The review of the current legislation applicable to Britain, still reflecting the EU Membership of the UK before the inevitable Brexit (either the hard or the soft version) (27) has highlighted the fact that the lack of a clear-cut definition of the nature of cryptocurren23. Recital 26 of the PR, previously Recital 20 of the Prospectus Directive. 24. Recital 27 of the PR, previously, but with some differences, Recital 20 of the Prospectus Directive. 25. In the literature, a proper academic discussion of the Prospectus Regulation is still missing. However, a brief description of the main aspects of the Prospectus Directive can be read in the following: H.S. Scott, International Finance (17th ed., Foundation Press, New York 2010) 268, 273; P.R. Wood, Regulation of International Finance (Thomson/Sweet & Maxwell, London 2007) 117, 124). 26. The concept of securities is thoroughly explained, courtesy of art. 2(b) of the PR, where a definition of “equity securities” is provided as follows: “shares and other transferable securities equivalent to shares in companies, as well as any other type of transferable securities giving the right to acquire any of the aforementioned securities as a consequence of their being converted or the rights conferred by them being exercised, provided that securities of the latter type are issued by the issuer of the underlying shares or by an entity belonging to the group of the said issuer”. A third category of securities, pursuant to the following art. 2(c) of the PR, is “non-equity securities”, in other words securities that “are not equity securities”. 27. See more recently P. de Gioia Carabellese and A. Place, “London and Brexit: Speculative Predictions 2018/1
cies means that ICOs are currently exempt from the robust legislation existing in the area of investor protection, primarily the Prospectus Directive and, from summer 2018 until 2019, the Prospectus Regulation. This inference may pose a threat to the market, given the possibility that ordinary investors may be exposed to products with a high degree of uncertainty and risk. The theory advocated in this paper, going beyond the current state-of-the-art British and EU legislation, is to conceive of a more speculative interpretation of cryptocurrencies as financial instruments. This conclusion, illustrated in Section 3, would lead to a new category to be encompassed within the MiFID II. The rationale behind this is the fact that the main feature of the cryptocurrency is its nature of investment rather than its payment function. In turn, these conceptual stances would warrant a completely different legislative framework applicable to the ICO, both in the EU and in the UK. The conclusions put forward in this paper seem to be very straightforward and perhaps even simplistic. At this point, the following question seems to be more than justified: why do the EU and the British legislatures hesitate to acknowledge the categorisation of cryptocurrencies as financial instruments? One theory, perhaps a conspiracy theory, may suggest that the world economy in the last 10 years, after the financial crisis, has never recovered from the illnesses that caused its near collapse. In the “regulatory furore” that ensued the financial crisis, with hefty legislation passed on banks and financial institutions, to further compress the market with ad hoc legislation in the area of the cryptocurrencies would have been an extra burden on the financial opportunities of the markets. If this exegesis of the events is correct, then it is possible to suggest that the regulator has turned a blind eye to cryptocurrencies and thereby allowed the economy to develop some better opportunities for success. In doing so, though, this area of the financial business has ended up being dramatically under-regulated. Hence, the proposal of this paper is to be more assertive about a legal categorisation of the cryptocurrency, with consequent benefits for the ICOs, a phenomenon which is closely connected. Finally, in analysing this matter from the British shores of the Channel, the final question is the way in which this matter is going to be influenced by Brexit. In essence, the change to the MiFID II and the inclusion of cryptocurrencies as financial instruments is proposed in a context where at the moment Britain is still part of the EU. However, from March 2019 this will not be the case. At that point, depending on the kind of relationship existing between Britain and the EU, the qualification of both cryptocurrencies and ICOs across the in the Banking and Finance Industry”, (2018)1 European Financial Review 32, 35.
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ICOs and Cryptocurrencies from a British Perspective: a Review of the Legislation and a Speculative Analysis
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Channel could significantly change. On the one hand, in a scenario where Britain is part of the EEA, with full adherence to the rules of the single market, the British ICOs should not significantly differ from those of the EU. However, with Britain leaving the single market and
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hopefully agreeing on an ad hoc trade relationship with the EU, the continuing compliance of Britain with the MiFID II will be potentially affected, as will be the idea, progressively suggested in this paper, of a “regulated” rather than over-regulated cryptocurrency and ICO.
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Chroniques
I. Régulation financière Chronique sous la direction de Katrin Deckert
Maître de conférences à l’Université de Paris Nanterre
&
Anastasia Sotiropoulou
Professeur de droit privé à l’Université de Saint-Etienne
Avec la collaboration de
Alexandre Quiquerez
Université Lumière Lyon 2 Laboratoire Droits, Contrats, Territoires (EA 4573)
&
Guillaume Hublot
Docteur en Droit, Diplôme Supérieur du Notariat
Georges Cavalier
Maître de Conférences HDR à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Cette chronique permet aux lecteurs d’en apprendre davantage sur deux sujets dont l’importance n’est pas seulement théorique mais aussi pratique, même si le développement de leur encadrement juridique n’est pas équivalent. La première contribution concerne le règlement européen sur la titrisation. Le 12 décembre 2017, le Parlement européen et le Conseil ont signé le règlement sur la titrisation, qui contient des modifications importantes du cadre juridique actuel en matière de titrisation. Le règlement sur la titrisation introduit le concept de titrisation STS (simple, transparente et standardisée). La seconde traite du mandat d’arbitrages. La validité du mandat d’arbitrages est essentielle à tout un secteur de l’activité de gestion de patrimoine. Des débats ont récemment eu lieu en France, relativement à son encadrement juridique. Celui-ci est relativement peu étudié. Dans ce paysage juridique presque désert, l’étude cidessous analyse la possibilité de recourir aux mandats d’arbitrages et conclut à leur probable validité. Elle incite également à davantage de prudence dans l’encadrement contractuel de ces « mandats » et propose, au regard des obligations des conseillers en gestion de patrimoine, une formule d’acte.
This chronicle allows the reader to discover more about two topics which have not only theoretical but also practical importance, even if their legal frameworks are not equally developed. The first contribution concerns the EU Regulation on Securitisation. On 12 December 2017, the European Parliament and the Counsel signed the Securitisation Regulation, which contains significant changes to the current securitisation regulatory framework. The Securitisation Regulation implements the concept of STS (simple, transparent and standardised) securitisations. The second one deals with “Discretionary Portfolio Management: legal validity and contractual framework. French Legal Analysis With Regard to Community and Comparative Law”. The validity of the discretionary portfolio management (“mandat d’arbitrages” in French) is essential in a whole sector of French financial advisory’s activity. Debates recently took place with regard to its legal framework. This is relatively little studied. In this almost deserted legal landscape, the study below analyzes the possibility of resorting to discretionary portfolio management agreement and concludes in their likely validity. It also incites to more caution in the contractual frame of these “mandates”, and proposes a management agreement template with regard to the obligations of financial advisors. 2018/1
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Chroniques
I. Régulation financière
I.A. Régulation européenne EN ROUTE VERS DE MEILLEURES TITRISATIONS ! Alexandre Quiquerez Université Lumière Lyon 2 Laboratoire Droits, Contrats, Territoires (EA 4573)
À la suite d’un processus nourri de consultations et de négociations engagées depuis février 2015 (1), la Commission, le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord en trilogue sur le « Paquet titrisation ». Mesure phare de cette réforme : les véhicules de titrisation, leurs initiateurs et sponsors pourront utiliser les formules « titrisation simple, transparente et standardisée » ou « titrisation STS » pour désigner leurs opérations, en notifiant aux investisseurs et aux autorités compétentes le fait que ces titrisations satisfont aux exigences STS. En outre, le règlement européen dit « CRR » (règlement UE n° 575/2013) a été modifié, notamment afin de prévoir un traitement prudentiel adapté aux titrisations STS. Les textes adoptés sont les suivants : – règlement (UE) n° 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu’un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées, et modifiant les directives nos 2009/65/CE, 2009/138/CE et 2011/61/UE et les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 648/2012 ; – règlement (UE) n° 2017/2401 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement.
Contexte
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Dans le cadre de son plan
d’action pour l’Union des marchés des capitaux, la Commission européenne a proposé un texte destiné à faire de la titrisation une technique de financement de soutien à
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‘l’économie réelle’.
Dans le cadre de son plan d’action pour l’Union des marchés des capitaux, la Commission européenne a proposé un texte destiné à faire de la titrisation une technique de financement de soutien à « l’économie réelle ». La Commission considère que la titrisation 1.
est une technique importante pour le fonctionnement des marchés financiers et qu’elle est susceptible d’être bénéfique pour les entreprises, y compris les PME, et les ménages. Contrairement aux marchés américains qui se sont rapidement redressés après la crise des subprimes, les marchés européens de la titrisation sont moins dynamiques, malgré le fait que beaucoup moins de produits européens titrisés ont fait défaut (2). Pour y remédier, la Commission a lancé une consultation en 2015 afin de recueillir les points de vue des acteurs du marché sur la manière d’améliorer le cadre juridique européen et de créer un marché de « titrisations de haute qualité ». L’objectif est de relancer de façon durable les marchés européens de la titrisation, d’améliorer le financement de l’économie de l’UE, tout en assurant la stabilité financière et la protection des investisseurs.
Pour l’historique de ce processus : www.europarl.europa.eu/ legislative-train/theme-deeper-and-fairer-internal-marketwith-a-strengthened-industrial-base-financial-services/ file-framework-for-high-quality-securitisation/.
Contenu
Le règlement (UE) n° 2017/2402 prévoit trois grands dispositifs. 2. F. Faure-Dauphin, « La nouvelle ère de la titrisation », Option Finance, 20 mars 2017, p. 63.
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En premier lieu, il pose des exigences applicables à toutes les titrisations :
matière de défaut et de perte, sur une période d’au moins cinq ans.
– des exigences de diligence appropriée (en anglais « due-diligence ») applicables aux investisseurs institutionnels : avant de détenir une position de titrisation, un investisseur institutionnel autre que l’initiateur, le sponsor ou le prêteur initial, doit procéder à certaines vérifications, notamment sur l’attribution des prêts sous-jacents sur la base de critères rigoureux et de procédures clairement établies. Pour ce qui concerne plus particulièrement les titrisations STS, afin de savoir si une titrisation satisfait aux exigences STS, les investisseurs institutionnels pourront s’appuyer sur la notification STS et sur toutes les informations à leur disposition ;
– Enfin, la titrisation « STS » doit respecter des exigences de standardisation, non seulement en ce qui concerne la présentation et le contenu de la documentation, mais aussi par le respect de l’obligation de rétention du risque. Sur l’ensemble de ces exigences, le règlement de titrisation STS prévoit de nombreuses règles particulières pour les programmes de papier commercial adossé à des actifs (ABCP), destinées à prendre en compte leurs particularités : les critères STS intègrent le rôle spécifique du sponsor qui fournit au programme ABCP un soutien en liquidité, particulièrement en fournissant au véhicule de titrisation une facilité de trésorerie.
– des obligations de rétention du risque : la rétention du risque fait référence à l’intérêt dans l’opération de titrisation que les initiateurs, les sponsors des titrisations ou les prêteurs d’origine doivent conserver en permanence afin d’éviter qu’ils se délestent complètement d’actifs à haut risque par le biais de la titrisation. Le Conseil a convenu avec le Parlement européen de laisser l’exigence de rétention des risques à un minimum de 5 %, conformément aux pratiques internationales et aux attentes des opérateurs du marché (le Parlement proposait initialement de relever ce taux à 10 %).
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En deuxième lieu, afin de renforcer la transparence du marché, l’initiateur, le sponsor et le véhicule de titrisation ont une obligation de notifier les informations concernant l’opération à un référentiel des titrisations. Il s’agit d’une personne morale établie dans l’Union européenne et agréée par l’Autorité européenne des marchés financiers. Le référentiel des titrisations est chargé de collecter et de conserver les données détaillées relatives aux titrisations et de les mettre à disposition des autorités européennes désignées. Les titrisations « privées », plus techniquement celles qui ne sont pas soumises à l’établissement d’un prospectus en vertu du droit de l’Union européenne, sont exemptées du recours à ces référentiels. En troisième lieu, le règlement établit des critères pour qu’une titrisation soit qualifiée de « Titrisation STS ». Il s’agit donc d’une forme « d’auto-certification », étant précisé que les acteurs du marché pourront faire appel aux services d’un tiers agréé pour les aider à déterminer si leur titrisation est conforme ou non aux critères STS. – D’abord, une titrisation est considérée comme « simple », si elle est appliquée à des actifs homogènes, tels que des prêts pour l’acquisition d’immeubles à usage résidentiel, et si elle s’opère par cession parfaite. Les expositions sous-jacentes ne doivent pas inclure de valeurs mobilières autres que des obligations d’entreprises qui ne sont pas cotées sur une plate-forme de négociation. – Ensuite, la titrisation répond au critère de la transparence si, notamment, l’initiateur et le sponsor mettent à la disposition des investisseurs potentiels les données relatives aux performances passées en 2018/1
Le règlement établit des
critères pour qu’une titrisation soit qualifiée de
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‘Titrisation STS’.
Quant au règlement modifié sur les exigences de fonds propres, il prend en compte le niveau de risque normalement plus faible des titrisations STS. Celles-ci bénéficieront ainsi d’un traitement prudentiel spécifique. Ce cadre prudentiel vise à ce qu’une opération de titrisation STS pèse moins lourd en capital réglementaire qu’une titrisation « non-STS ».
Perspectives La date d’application prévue de ce « Paquet titrisation » est le 1er janvier 2019. Il s’appliquera donc aux titres émis à partir de cette date, sous réserve des dispositions transitoires relativement aux positions de titrisation existantes. Il convient de s’interroger sur l’impact réel que ce « label STS » aura d’un point de vue pratique. Ainsi que l’AFME l’a souligné (3), les exigences relatives à la transparence risquent de décourager de recourir à la titrisation comme solution de financement. En effet, il ne faut pas occulter que tout ajout d’informations est source de coûts. Ce type d’opération est d’ores et déjà particulièrement coûteux à mettre en place et entre en concurrence avec d’autres techniques de financement, telles que les obligations sécurisées pour les banques et l’affacturage ou l’émission d’obligations pour les groupes industriels et PME. 3. www.afme.eu/en/news/press-releases/20162/afmestn-comments-on-sts-securitisation-vote/.
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Chroniques
I.A. Régulation européenne
Chroniques
I. Régulation financière
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Il convient de s’interroger
sur l’impact réel que ce ‘label STS’ aura d’un point de vue pratique.
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Il sera intéressant de suivre quelle est la part que les titrisations STS occuperont sur le marché afin d’analyser l’attractivité du dispositif pour les créateurs de titrisations et les investisseurs. Les autorités européennes de surveillance publieront des rapports sur la mise en œuvre des exigences STS. Par ailleurs, elles réaliseront une étude sur la faisabilité d’un cadre spécifique pour les titrisations synthétiques STS. Ainsi la construction du droit européen de la titrisation n’en est-elle qu’à ses débuts…
I.B. Régulation comparée MANDAT D’ARBITRAGES : VALIDITÉ JURIDIQUE ET ENCADREMENT CONTRACTUEL – ANALYSE FRANÇAISE AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE ET COMPARÉ La
validité juridique du mandat d’arbitrages
Georges Cavalier
Maître de Conférences HDR à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Certaines compagnies d’assurance-vie, pour distribuer leurs produits, ont recours à des courtiers qui peuvent être des conseillers en gestion de patrimoine (CGP) parfois également conseillers en investissements financiers (CIF). Ces derniers sont missionnés par leurs propres clients pour être accompagnés dans le cadre d’un placement de sommes d’argent, lequel peut être réalisé à travers la souscription d’un contrat d’assurance-vie.
– Aspects
doctrinaux (1/2)
matiques et documentaires. Ceux-ci sont utilisés par le CGP ou le CIF au nom et pour le compte du souscripteur après que ce dernier ait donné à son CGP ou à son CIF une procuration d’arbitrages, encore appelée « Mandat d’Arbitrages » (1). Les autorités de contrôle et de régulation définissent le mandat d’arbitrages comme permettant « au souscripteur de déléguer sa faculté d’exercer des arbitrages entre les supports du contrat » (2). Ces Mandats d’Arbitrages peuvent ressembler, dans leur forme, aux mandats de gestion autorisés par l’article L. 321‑1-4° du Code monétaire et financier, et réservés aux seuls prestataires de services d’investissement (PSI). Relevant entre autres ces similitudes, un débat s’est récemment engagé quant à la possibilité pour les CGP de recueillir un mandat d’arbitrages. Pour certains, un mandat d’arbitrages :
Une fois le contrat d’assurance-vie conclu, le souscripteur est généralement libre d’opérer lui-même des arbitrages quant aux unités de compte utilisées. En pratique, ces arbitrages se font par l’intermédiaire et avec le conseil du CGP ou le CIF, et le plus souvent à l’initiative de ce dernier. En effet, accessoirement à la mission de proposer des contrats d’assurance-vie, le souscripteur requiert de son conseiller un suivi financier.
(i) ne pourrait être conçu que de manière limitée et exceptionnelle, par exemple pour représenter des clients empêchés ou malades ;
Afin de faciliter ces opérations et de gagner en rapidité et en pertinence en matière de gestion, certaines compagnies d’assurance ont développé des outils infor-
1.
34
(ii) ne saurait conduire à des arbitrages de masse, compte tenu de la position ci-dessus exprimée ; et (iii) ne saurait représenter une activité couverte par les assurances de responsabilité de la profession
2.
Un exemplaire de celui-ci est alors adressé aux compagnies d’assurances. AMF-ACPR, Rapport d’activité 2015, Pôle commun, p. 21.
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des courtiers et conseillers en investissements financiers. Une telle position, qui fait l’économie d’une analyse juridique pour éclairer le débat, aurait des conséquences économiques majeures non seulement sur un pan de l’activité des professionnels concernés, mais aussi et surtout sur leurs clients qui recherchent précisément une expertise financière leur permettant de les éclairer, voire de réaliser l’arbitrage en leur nom et pour leur compte. Les courtiers en assurance et CIF peuvent-ils donc, en droit, recourir aux Mandats d’Arbitrages au regard de la réglementation de leurs professions ? Les projets de directives européennes ou le droit comparé pourraient-ils faire évoluer la réponse à cette question ? À titre liminaire, l’étude ci-dessous est limitée à la pratique des Mandats d’Arbitrages dans le secteur de l’assurance-vie en France. Néanmoins, compte tenu des vents venus d’Europe, l’étude de la réglementation française ne peut plus faire l’impasse d’un approfondissement des textes communautaires et d’un regard comparatiste. Dans les limites ci-avant fixées, et afin de répondre aux questions posées, il convient pour commencer de préciser la place du Mandat d’Arbitrages dans les relations contractuelles entre la compagnie d’assurance, le souscripteur et le conseiller, avant d’examiner quelles règles, tant en droit interne qu’en droit communautaire et comparé, pourraient venir limiter ou indiquer une possible future limitation à la liberté du conseiller de conclure de tels Mandats d’Arbitrages. Un travail de qualification du mandat d’arbitrages est donc un préliminaire nécessaire pour répondre aux questions posées. À cet égard, il convient de bien distinguer le Mandat d’Arbitrages donné par le souscripteur aux compagnies d’assurances, et celui donné par le souscripteur au CIF. On passera plus rapidement sur la figure contractuelle encadrant la relation entre la société d’assurance et le courtier et/ou le CIF : celle-ci est en principe un contrat de courtage (3), car son objet est de mettre en rapport la personne désirant effectuer un placement auprès d’une société d’assurance en vue de la conclusion d’un contrat d’assurance-vie. En revanche, l’étude des relations entre la société d’assurance et le souscripteur, et le souscripteur/assuré et le CIF mérite de s’y attarder plus longuement. Société d’assurance vs souscripteur/assuré. La relation entre la société d’assurance et le souscripteur se noue autour du contrat d’assurance-vie, gouverné notamment par les articles L. 132‑1 et s. du Code des assurances. En principe, le texte du Code des assurances attribue à 3. On trouve également d’autres figures comme celle d’agent général d’assurances (mandat exclusif), de mandataire d’assurance et de mandataire d’intermédiaire d’assurance ; voy. généralement les articles L. 511‑1 et s. du Code des assurances qui définissent l’intermédiation en assurance. 2018/1
l’assureur la mission de gérer les actifs. C’est lui qui en est propriétaire et il n’est que débiteur envers les souscripteurs (4). Toutefois, l’assureur laisse souvent à son souscripteur le soin de gérer ses unités de compte ; cette possibilité ne devrait toutefois pas être offerte par mandat, mais par une limitation acceptée des pouvoirs de l’assureur dans le contrat d’assurance-vie lui-même (5). En pratique pourtant, c’est un mandat qui est donné par le souscripteur/assuré à la société d’assurance. Quittons le terrain de la relation « société d’assurance vs souscripteur/assuré » pour pénétrer celui de la relation entre le CIF et le souscripteur. Souscripteur/assuré vs CIF. La relation entre le CIF et le souscripteur peut, elle aussi, être gouvernée par un mandat. En effet, le souscripteur peut toujours mandater un tiers, par exemple le courtier en assurance lui ayant proposé le contrat d’assurance-vie ou le CIF, pour accomplir les actes qu’il s’est réservé le droit d’accomplir. Ceci n’est qu’une application du principe de liberté contractuelle réaffirmé par l’article 1102 (nouveau) du Code civil (6), et au terme duquel le souscripteur devrait pouvoir mandater qui il souhaite (sauf l’assureur) pour accomplir les actes qu’il s’est réservé le droit d’accomplir (7). Lorsque le souscripteur mandate le courtier d’assurance ou le CIF pour arbitrer à sa place et dans le champ laissé libre par l’assureur, l’analyse est alors bien celle du Mandat d’Arbitrages (8). On précisera donc sa première définition issue du rapport d’activité 2015 AMF-ACPR comme la prérogative du souscripteur « de déléguer sa faculté d’exercer des arbitrages entre les supports du contrat » (9). Cette faculté mérite d’être entendue, non pas comme une délégation au sens juridique – article 1348 (10) (nouveau) Code civil – mais plutôt comme un contrat sui generis complexe alliant man4.
Sa dette n’est pas une dette de restitution comme l’est celle d’un dépositaire, mais seulement une dette de valeur. Autrement dit, la compagnie d’assurance doit la contrepartie en argent de la valeur des titres acquis par elle. 5. En ce sens, A. Depondt, « La gestion sous mandat dans les contrats d’assurance-vie en unités de compte : un non-sens juridique », Omnidroit, lettre n° 93 du 7 avril 2010. 6. Rappr. J.-J. Branche, L’approche patrimoniale de l’assurance-vie, IS Édition, 2015, p. 24. 7. Voy. infra. 8. Rappr. F. Lucet et D. Coron, « Les délégations d’arbitrage dans le cadre des contrats d’assurance-vie multisupports, la pratique des mandats croisés », RGDA, 1998, n° 4, p. 656 ; P. Guillier, F. Josselin et J.-C. Naimi, « Délégation d’arbitrage, un mandat de gestion qui ne dit pas son nom », Agefi Actifs, 23‑29 septembre 1995, n° 220 ; A. Depondt, « La gestion sous mandat dans les contrats d’assurance-vie en unités de compte : un non-sens juridique », op. cit. 9. Voy. supra. 10. « La délégation est un contrat par lequel une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur ».
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Chroniques
I.B. Régulation comparée
Chroniques
I. Régulation financière
dat (11) et contrat d’entreprise. Il ne s’agit pas seulement de transférer le pouvoir d’accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte d’autrui. L’opération d’arbitrages est une opération financière complexe combinant la réalisation de prestations d’ordre juridique, mais aussi d’ordre matériel et intellectuel. Le mandat (ou procuration) – article 1984 Code civil – est « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Le pouvoir dont il s’agit est un pouvoir de représentation, c’est-à-dire le pouvoir d’accomplir des actes juridiques (passation d’instructions) au nom et pour le compte du souscripteur. Toutefois, le Mandat d’Arbitrages n’est précisément pas qu’un simple « mandat ». La relation entre le souscripteur et son courtier/CIF déborde de l’unique action de représentation au nom et « pour le compte de ses clients » (12), car le courtier en assurance-vie comme le CIF, « a également vocation à gérer son portefeuille et à défendre les intérêts des assurés » (13). Le mandat dont il s’agit est « d’arbitrages », lequel terme ne doit pas être entendu dans son sens juridique ; il se réfère à son sens financier dans son acception large : arbitrer signifie choisir la plus avantageuse parmi plusieurs stratégies similaires (14). Ce choix implique des prestations matérielles et surtout intellectuelles. Plus précisément, cette vocation à la gestion symbolisée par des prestations intellectuelles a donc pour objet d’arbitrer, c’est-à-dire déterminer la pondération des investissements en fonction de l’aversion au risque du souscripteur ; « l’arbitrage » dont il s’agit porte sur le choix entre les différentes « unités de comptes ». Ces « unités de comptes » sont des monnaies fictives permettant d’exprimer un contrat d’assurance non pas en euros (15), mais en actions de SICAV ou parts de FCP (16). 11. Rappr. B. de Saint-Mars, « Marchés financiers et garantie de ducroire », in Mélanges AEDBF-France II, Banque éditeur, 1999, pp. 387 et s., spéc. p. 395, affirmant que les membres de marché chargés de négocier l’ordre d’un tiers interviennent en pratique en qualité de commissionnaire et non de mandataire. 12. Fédération Française de l’Assurance (FFA), www.ffaassurance.fr/content/les-obligations-informationet-de-conseil-des-intermediaires-assurances?parent= 79&lastChecked=149#Les%20intermédiaires%20 d’assurances%20:%20courtiers,%20agents%20et%20 mandataires). 13. Association Nationale des Conseils Financiers (ANACOFI), Livret des adhérents. 14. L’arbitrage dans un sens financier plus restreint est une combinaison de plusieurs opérations permettant de réaliser un bénéfice sans risque (en théorie au moins !) en tirant partie des seules imperfections susceptibles d’apparaître entre différents marchés (Vernimmen, v° Arbitrage, Lexique financier, 2017). 15. Les fonds euros sont des contrats mono-support (essentiellement des bons du Trésor français ou allemand) dont les rendements à 10 ans sont actuellement très faibles, laissant présager un jour une rentabilité inférieure à l’inflation. 16. J.-F. Piraud, Le contrat d’assurance vie, 7e éd., Éditions de Verneuil, 2007, p. 231. 36
Par l’effet du contrat d’assurance-vie, la possibilité est donnée de procéder, en cours de contrat, à divers arbitrages en offrant la faculté de changer de support. Le Mandat d’Arbitrages est donc bien un mandat, mais mâtiné de contrat d’entreprise. Il s’agit donc d’un contrat complexe reposant sur le mandat, mais incluant également des prestations matérielles et intellectuelles du contrat d’entreprise. Les prestations étant ainsi précisées et la qualification de contrat sui generis étant acquise, on peut alors s’intéresser à la question principale, à savoir si le courtier en assurance et/ou le CIF peut recevoir de tels Mandats d’Arbitrages de la part de souscripteur de contrat d’assurance-vie. Cette possibilité, pour les courtiers d’assurance et/ou les CIF de recourir aux Mandats d’Arbitrages doit être analysée en deux tableaux : dans un premier temps, du point de vue du droit interne et, dans un second temps, de celui du droit communautaire et comparé.
I. En droit interne En droit interne, les principes de liberté qui gouvernent l’esprit du droit français des contrats et des affaires méritent, d’une part, d’être rappelés (A) pour démontrer, d’autre part, qu’il ne semble pas exister d’interdiction de principe venant restreindre cette liberté de recours au Mandat d’Arbitrages en droit positif (B).
A. Le principe de liberté Refuser par principe aux courtiers en assurance-vie et/ ou au CIF le recours au Mandat d’Arbitrages serait susceptible de porter une atteinte disproportionnée et injustifiée d’abord à leur liberté d’entreprendre et, ensuite et surtout, à leur liberté contractuelle. Il est vrai que depuis sa décision de 1982, le Conseil constitutionnel a très souvent été « sommé » par les saisissants d’utiliser la liberté d’entreprendre mais n’a prononcé que très peu de censures à ce titre (17). C’est également le cas s’agissant de la liberté de contracter. Toutefois, une décision récente donne des raisons d’espérer et paraît être le point de départ d’une protection, par exemple des CIF et courtiers en assurance-vie, dans leur liberté de conclure des Mandats d’Arbitrages. Originairement récalcitrant (18), le Conseil constitutionnel s’est peu à peu éveillé à la liberté contractuelle, dans une première décision du 19 décembre 2000, relative à la loi de financement de la sécurité sociale 17. Il ne s’agit pas de mesurer l’importance d’une liberté au nombre des censures mais celles-ci peuvent être un indice de ce que cette liberté ne joue pas un rôle équivalent à celui d’autres principes comme, par exemple, le principe d’égalité. 18. Décision du 3 août 1994.
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pour 2001. Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel devait connaître de dispositions « encourageant » à la conclusion de conventions, en prévoyant une contribution pénalisante en cas contraire. Pour le Conseil constitutionnel, « s’il est vrai que le dispositif institué par le législateur a notamment pour finalité d’inciter les entreprises pharmaceutiques à conclure avec le comité économique des produits de santé, en application de l’article L. 162‑17‑4 du Code de la sécurité sociale, des conventions relatives à un ou plusieurs médicaments, visant à la modération de l’évolution du prix de ces médicaments et à la maîtrise du coût de leur promotion, une telle incitation, inspirée par des motifs d’intérêt général, n’apporte pas à la liberté contractuelle qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen une atteinte contraire à la Constitution ». Il ne s’agissait pas d’interdire la conclusion d’un Mandat d’Arbitrages. Il s’agissait d’« inciter » à la conclusion de convention avec le Comité Économique des Produits de Santé. Reste que cette décision est intéressante pour le sujet qui nous occupe car elle fait de la liberté contractuelle une norme constitutionnelle « en elle-même ». Cette norme a depuis lors été consacrée à diverses reprises dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (19).
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Reste que cette décision
est intéressante pour le sujet qui nous occupe car elle fait de la liberté contractuelle une norme constitutionnelle ‘en
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elle-même’.
Mais c’est la décision du 13 juin 2013 qui nous paraît particulièrement intéressante ici parce qu’elle retient une violation de la liberté contractuelle, dans son aspect de libre choix du cocontractant et du contenu du contrat, ce qui est particulièrement rare. Elle met sur un même plan la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle. Que l’on en juge : 19. Voy. not., décision 2006‑486 DC du 11 décembre 2003 et 2003‑487 DC du 18 décembre 2003 ; décision 2004‑497 DC du 1er juillet 2004. Pour une étude générale, voy. P.-Y. Gahdoun, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 2008. 2018/1
« Il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ». La formule utilisée par le Conseil constitutionnel rappelle si besoin était que le législateur doit seul pouvoir limiter la liberté contractuelle et qu’une association professionnelle non dotée de pouvoir législatif ne saurait le faire. Il nous faut donc examiner si la loi réglementant le courtier en assurance ou le CIF restreint leur liberté d’entreprendre (20) ou leur liberté contractuelle (21). À défaut, comme toute entreprise, le courtier en assurance et/ou le CIF devrait pouvoir se prévaloir, dans une société démocratique, du principe de liberté, chaque fois qu’une disposition législative ne vient pas contredire cette liberté. Or il n’a pas été identifié de disposition législative interdisant la conclusion, par les courtiers d’assurances et/ou les CIF, de Mandats d’Arbitrages.
B. L’absence de disposition interdisant la conclusion de Mandats d’Arbitrages L’absence de disposition interdisant la conclusion, par les courtiers d’assurances et/ou les CIF, de Mandats d’Arbitrages est confirmée par l’étude de leurs statuts (1). Elle s’explique précisément par les différences existantes entre le Mandat d’Arbitrages et le mandat de gestion conclu par un souscripteur avec un prestataire de services d’investissement (PSI) (2). Il nous semble que trois autres arguments, l’un technique et les deux autres d’ordre déontologique, confortent l’analyse. Le premier rejetant l’interdiction de recourir au Mandat d’Arbitrages puise sa source dans les contraintes techniques de la profession en ce qu’il allongerait de manière excessive la chaine d’exécution des ordres (3). Le second ordre de raisons se situe dans l’information (4) et les dispositifs mis en œuvre pour prévenir les conflits d’intérêts potentiels : ces dispositifs rendent non pertinente l’interdiction des Mandats d’Arbitrages (5).
1. Statuts Les statuts tant du courtier d’assurance que du CIF ne semblent pas interdire le recours aux Mandats d’Arbitrages. Premièrement, le courtier d’assurance. Celui-ci est un intermédiaire d’assurance au sens de l’article L. 511‑1 du Code des assurances. Celui-ci définit son activité comme celle consistant à « présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance ou à réaliser d’autres travaux prépa20. Cons. const., 16 janvier 2001 ; Cons. const., 24 mai 2013. 21. Voy. déjà Cons. const., 14 mai 2012.
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I.B. Régulation comparée
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I. Régulation financière
ratoires à leur conclusion ». Même si cette définition ne précise pas la possibilité, pour le courtier, d’opérer des arbitrages, il faut reconnaître avec J. Bigot et D. Langé que « cette activité orientée vers la conclusion du contrat, implique une finalité : la prise en compte de l’intérêt du donneur d’ordres » (22). Or ce donneur d’ordre, quel qu’il soit (souscripteur ou assureur), ne cherche pas uniquement à se voir transmettre le bénéfice du contrat d’assurance, mais aussi à être mis à même d’en permettre sa réalisation (23). Cette réalisation du contrat d’assurance-vie autorisant des arbitrages par un souscripteur souvent incapable de les effectuer (soit par manque de temps, soit par incompétence) nécessite le recours au courtier. Le courtier en assurance a donc la mission principale de « placer » l’assurance, c’est-à-dire non seulement de trouver l’assureur mais aussi et surtout le produit d’assurance-vie correspondant aux besoins du donneur d’ordre, ce qui suppose qu’il les ait analysés (24). Bien entendu, comme le relève les auteurs précités, « le courtier peut accepter d’élargir l’étendue de ses prestations chaque fois que cela apparaît nécessaire » (25). Or tel est bien le cas en matière de placement d’assurance-vie. Bien que le Code des assurances n’opère aucune distinction ou presque dans le rôle spécifique du courtier dans la vente de ce type de produit, pour des raisons principalement historiques, la souscription d’un contrat d’assurance-vie doit être considérée comme une opération juridique à part. Pour ces contrats en unités de compte, une gestion active est nécessaire et implique un accompagnement du courtier tant sur l’allocation d’actifs initiale que sur son évolution. Ainsi, « le preneur peut solliciter du courtier des prestations complémentaires pouvant faire l’objet de conventions d’honoraires » (26). On pourrait même rattacher la proposition de Mandat d’Arbitrages faite par le courtier à son client à son obligation légale et jurisprudentielle de conseil, cette dernière ne cessant pas à la conclusion du contrat (27). Il est donc vain de chercher une interdiction statutaire dans les dispositions régissant le courtier d’assurance. C’est également le cas s’agissant du CIF deuxièmement (28). 22. J. Bigot, D. Langé, J.-L. Respaud, Traité de droit des assurances, t. 2, L’intermédiation d’assurance, 2e éd., 2009, § 15. 23. Voy. aussi N. Dissaux, La qualification d’intermédiaire dans les relations contractuelles, Paris, LGDJ, 2007, n° 1074. 24. Rappr. J. Bigot, D. Langé, J.-L. Respaud, Traité de droit des assurances, t. 2, L’intermédiation d’assurance, 2e éd., op. cit., § 758. 25. Ibid., § 769. 26. Ibid. 27. Ibid., §§ 1100 et s., et 1110 et s. 28. Les CIF peuvent également exercer l’activité de conseil en gestion de patrimoine (CGP), notamment dans le domaine de l’assurance (voy. T. Bonneau, F. Drummond, Droit des marchés financiers, 3e éd., Paris, Economica, 2010, § 238). La profession de CGP ne dispose pas d’une réglementation légale : seul un arrêté du ministère de la Justice leur reconnaît en 1990 « la compétence 38
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On pourrait même
rattacher la proposition de Mandat d’Arbitrages faite par le courtier à son client à son obligation légale et jurisprudentielle de conseil, cette dernière ne cessant pas à la conclusion du contrat.
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La profession de CIF est encadrée depuis la loi de sécurité financière de 2003. Le « conseil en investissement » y est défini comme le fait de fournir des recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l’initiative de l’entreprise qui fournit le conseil, concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers (29). Les CIF sont soumis à une régulation à deux niveaux : ils adhèrent à une association de CIF qui est agréée par l’AMF. Mais l’AMF dispose aussi d’un pouvoir de contrôle des CIF. On trouve ainsi des règles dans le Livre III du Règlement Général AMF (« RG AMF ») relatif aux « Prestataires », et plus précisément dans le chapitre V du Titre II intitulé « Autres Prestataires ». Il semble même que l’on puisse trouver dans le 2° de l’article L. 541‑8-1 du Code monétaire et financier un soutien à la possibilité de recourir à un Mandat d’Arbitrages. Il dispose que les CIF doivent : « Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ». juridique appropriée » à la consultation juridique et à la rédaction d’actes sous seing privé, et la dernière tentative d’introduction du concept de CGP en 2007 a été avortée. En fait, la profession de CGP correspond davantage à une activité qu’à un statut : cette activité est plus large que celle du CIF qui vise le conseil concernant des transactions portant sur des instruments financiers. Le CGP peut en effet également donner des conseils juridiques et fiscaux (sous le statut d’avocat ou au titre de la compétence juridique appropriée), de conseiller immobilier (sous le statut d’agent immobilier), de conseil en assurance (sous le statut de courtier en assurance), de conseil en stratégie et en organisation patrimoniale (sans statut ?). 29. Art. D. 321‑1 C. mon. fin.
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Ainsi, les CIF devraient pouvoir pratiquer le Mandat d’Arbitrages qui est la meilleure manière pour « délivrer » l’exécution du conseil donné, « au mieux des intérêts de leurs clients ». On le voit, aucune disposition législative des statuts de courtier en assurance et/ou de CIF ne vient interdire la pratique du Mandat d’Arbitrages. À cette première conclusion, il faut en ajouter une seconde : la jurisprudence, dont il ne sera pas discuté son statut de source du droit, confirme qu’il convient de donner un effet utile à la faculté d’arbitrages laissée au souscripteur.
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Priver l’assuré de la possibilité de donner mandat à son courtier ou CIF pour lui confier le soin d’effectuer, en son nom
On relèvera au surplus que les niveaux de garantie du contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle des CIF ne sont que des niveaux minimums (31), et qu’ils peuvent toujours être relevés contractuellement. On le voit, aucune de ces dispositions ne tend à limiter la possibilité pour les courtiers ou CIF d’accepter des Mandats d’Arbitrages. Tout juste note-t‑on dans le rapport 2015 du pôle commun AMF-ACPR une préconisation, à savoir l’encadrement des conditions d’accès à l’activité d’arbitrages en fonction de la nature des sous-jacents des unités de compte. Si ces préconisations visent à limiter les arbitrages sur des supports du type « organismes de placement collectif » et pour les seuls intermédiaires d’assurances (32), elles n’ont pas de valeur législative et impliquent, qu’en droit positif, les intermédiaires d’assurances ont bien la possibilité de conclure avec leurs clients des Mandats d’Arbitrages.
arbitrages, revient pour la
De telles conventions ne sont donc contraires ni à une disposition particulière du droit des assurances, ni aux règles générales du mandat, ni au statut des courtiers en assurance et/ou des CIF. Elles sont aussi permises en raison de leurs différences avec le mandat de gestion.
majeure partie des assurés
2. Différences avec le mandat de gestion
et pour son compte, ces
qui sont novices en matière de gestion financière, à les priver d’effectuer un arbitrage utile, ou de l’effectuer dans un laps de
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temps pertinent.
Priver l’assuré de la possibilité de donner mandat à son courtier ou CIF pour lui confier le soin d’effectuer, en son nom et pour son compte, ces arbitrages, revient pour la majeure partie des assurés qui sont novices en matière de gestion financière, à les priver d’effectuer un arbitrage utile, ou de l’effectuer dans un laps de temps pertinent. Ils auront toujours, en droit, la possibilité d’effectuer euxmêmes cet arbitrage, mais seront démunis des connaissances techniques et notamment financières pour que cet arbitrage soit potentiellement profitable. On repren2018/1
dra ici cette idée de « l’effet utile ». Cette effectivité de l’arbitrage nous semble en effet devoir être maintenue. Au soutien de cette position, on relèvera que la Cour de cassation a jugé qu’un assureur qui prive l’assuré de la possibilité de placer ses fonds sur les supports en actions les plus performants, agit alors dans son seul intérêt et faire perdre à la clause d’arbitrages tout intérêt (30).
Le Mandat d’Arbitrages ne peut être assimilé à un mandat de gestion de portefeuille-titres réservé aux seuls PSI (33). On évacuera rapidement et liminairement la différence au regard des infractions boursières. Dans le mandat de gestion, le risque d’infractions boursières peut être présent. À l’inverse, le Mandat d’Arbitrages porte quasi exclusivement sur un univers d’organismes de placement collectif (« OPC »). Il a un poids économique individuel relativement faible eu égard au marché, et réduit pour les souscripteurs les risques pénaux ou administratifs liés aux délits d’initiés, et a fortiori liés aux manipulations de cours. Pour ces deux infractions en effet, c’est le filtre de l’OPC qui éloigne techniquement le spectre de l’infraction car il est impossible de réaliser un délit d’initié dans la mesure où le conseiller ne peut agir sur le cours de l’OPC qui se forme « automatiquement » par reflet des cours des titres sous-jacents. 30. Cass. 2e civ., 8 novembre 2007, n° 06‑19.765, RGDA, 2007, p. 875, note J. Bigot ; Cass. 2e civ., 7 mai 2009, n° 8‑16.500). Rappr. Paris, 20 septembre 2002, RCA, 2003, n° 153, obs. Courtieu. 31. Voy. art. D. 541‑9 C. mon. fin. 32. AMF-ACPR, Rapport d’activité 2015 du Pôle Commun, p. 21. 33. Sur ce dernier, voy. art. D. 321‑1 C. mon. fin.
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En effet, l’article L. 465‑1 du Code monétaire et financier donne comme champ d’application au délit d’initié une information qui doit porter sur la situation de l’émetteur des titres ou sur les perspectives d’évolution de ces derniers ; elle devrait par suite porter principalement sur un titre vif ou un dérivé. La gestion de l’OPCVM par exemple étant collective et le portefeuille réel n’étant communiqué qu’a posteriori aux porteurs ou aux acteurs, l’information sur la situation de l’émetteur des titres est plus difficile. De plus, l’OPCVM n’ayant pas lui-même de valeur par ses encours, mais seulement par les titres dans lesquels il investit, le risque de manipulation de cours devrait également être éloigné (34). Ainsi, seul le gérant de l’OPC, et non le conseiller, pourrait manipuler les cours des sousjacents et indirectement le cours de l’OPC.
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Ces préconisations n’ont
pas de valeur législative et impliquent, qu’en droit positif, les intermédiaires d’assurances ont bien la possibilité de conclure avec leurs clients des
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Mandats d’Arbitrages.
Il convient donc de prendre garde à l’assimilation parfois un peu hâtive des activités d’assurance et de banque. En dépit de certaines affinités, la gestion d’une assurance-vie en unités de compte et celle de portefeuille-titres diffèrent profondément par la nature de l’objet géré (a). Il résulte de cette différence de nature des objets gérés des divergences quant aux mandats donnés (b).
a) Différences de nature quant aux objets sous gestion Entre un contrat d’assurance-vie et un compte-titre, il n’y a aucune confusion possible : les actifs, les droits et la structure des frais ne sont pas identiques. Ces différences seront reprises successivement. 34. Voy. art. L. 465‑3-1 (nouveau) C. mon. fin. Dans sa rédaction ancienne, la caractérisation du délit demeurait néanmoins rarissime (M.-P. Lucas de Leyssac et A. Mihman, Droit pénal des affaires, Paris, Economica, 2009, n° 747). 40
Actifs. En matière d’assurance-vie, la compagnie n’est pas libre de placer les fonds sur n’importe quel support. Le Code des assurances (35) lui impose une règle dite de « congruence » : la compagnie doit investir les « primes » (c’est-à-dire les sommes qui lui sont confiées) sur des instruments financiers « entrant dans la composition de cette valeur de référence » (c’est-à-dire l’unité de compte) et « dans les proportions fixées par ladite composition » (36). Les contrats d’assurance-vie ne référencent généralement que des OPCVM, parfois quelques fonds d’investissements alternatifs (FIA) via des produits structurés, ou des SCPI. On trouve très rarement des titres vifs. Tout sous-jacent diffusé est dans les faits régulé par les autorités de marché français. Au contraire, le compte-titres donne potentiellement accès à n’importe quel instrument financier, y compris des instruments non régulés. La liste d’OPCVM utilisable est fixée par l’assureur, qui la présélectionne, et opère donc un tri. En conséquence, le contrat d’assurance-vie, du fait de la limitation naturelle de son univers d’investissement, comporte des risques moins étendus. Il devrait en résulter des occurrences de responsabilités moins fréquentes. Droits. Au terme du contrat d’assurance-vie, l’assureur attribue au bénéficiaire la contre-valeur en euros des actifs figurant au compte du souscripteur ou, très exceptionnellement, se libère par la remise de titres (37). Car, à la différence des actifs sous gestion, les supports d’unités de compte ne forment pas l’objet de la prestation de l’assureur, mais un paramètre de son évaluation. Dit autrement, la dette de l’assureur ne porte pas sur ces supports, mais sur leur contre-valeur, dont la fonction n’est que d’exprimer le montant du règlement promis. Le souscripteur n’a donc aucun droit de propriété sur ces actifs sous-jacents qui appartiennent à l’assureur : celui-ci les gère pour son propre compte et non pour le compte de tiers. Au contraire, dans la gestion individuelle d’un compte-titres sous mandat, l’investisseur demeure propriétaire des titres qu’il a confiés au prestataire. Frais d’opérations. S’agissant principalement d’OPCVM, les contrats d’assurance-vie organisent une tarification claire et transparente pour le client. Ce dernier devra acquitter les seuls frais d’arbitrage. Une position de place (38) prohibe généralement la perception de frais d’acquisition des OPCVM. En matière de compte-titres en revanche, des frais d’acquisition d’OPCVM sont perçus à moins que le mandat reçu par le gérant ne l’interdise. Potentiellement, les dérives possibles sont donc moindres en matière de contrat d’assurance qu’en matière de compte-titres.
35. Art. R. 332‑5. 36. Assurances, gestion et analyse financière, L’Argus Éditions, 1994, § 801. 37. Art. L. 131‑1 C. ass. 38. En pratique en effet, on ne constate de frais d’acquisition répercutés par l’assureur sur le client ou directement payés par le client qu’en matière de FIA.
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Lorsque des rémunérations perçues d’avance (de type « up-front ») sont prévues, celles-ci doivent requérir l’accord du client. Dans cette hypothèse, ces opérations échapperaient-elles alors à toute possibilité de représentation par Mandat d’Arbitrages ? Rien n’est moins sûr. En effet, ces rémunérations interviennent dans le cadre d’acquisition de produits dits « structurés », lesquels, au vu de leur complexité, requièrent dans les usages de la profession, une acceptation spéciale. Toutefois, le Mandat d’Arbitrages devrait pouvoir régler ces difficultés, en indiquant par exemple une tarification maximale au-delà de laquelle le conseiller n’a pas le droit d’engager son client ou en interdisant purement et simplement un tel type d’allocation d’actifs. Sous cette réserve, on voit mal la raison pour laquelle tel ou tel autre type d’investissement serait interdit au Mandat d’Arbitrages. Ces différences de nature quant aux objets sous gestion expliquent les divergences quant aux mandats donnés.
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L’arbitrage n’influence
que la gestion externe des unités de compte, et non leur gestion interne qui incombe à l’assureur conformément à sa qualité de propriétaire des
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actifs sous-jacents.
b) Divergences quant aux mandats donnés Gestion externe (assurance-vie) vs gestion interne (comptes-titres). Par gestion externe, on entend la gestion des seules unités de comptes/OPCVM, par opposition à la gestion interne où l’on vise la gestion des sous-jacents, c’est-à-dire des titres gérés par l’intermédiaire de l’OPCVM. Le Mandat d’Arbitrages n’influence que la gestion externe des unités de compte, et non leur gestion interne qui incombe à l’assureur conformément à sa qualité de propriétaire des actifs sous-jacents. C’est la raison pour laquelle la différence entre Mandat d’Arbitrages et mandat de gestion n’est pas altérée par la faculté offerte au souscripteur d’arbitrer entre les différents supports de son contrat. Pour qu’il en soit ainsi, encore faudrait-il que par l’exercice de cette faculté, le souscripteur se comporte dans les faits comme le propriétaire des actifs auxquels son contrat est adossé. Tel serait probablement le cas s’il s’immisçait dans la gestion de ces actifs ou participait aux assemblées d’actionnaires dans l’hypothèse de titres vifs. Ce faisant, il exercerait des prérogatives attachées au droit de propriété de l’assureur. Or en ne s’y opposant pas, l’assureur pourrait sans doute être réputé consentir à un déplacement de son droit au profit du souscripteur. Toutefois, l’arbitrage n’ouvre pas en soi de telles perspectives d’agissements. En effet, il permet uniquement au souscripteur de modifier la répartition de son capital entre les unités de compte de son contrat, et non de gérer leurs supports en procédant directement ou indirectement à des ordres d’achat ou de vente. En d’autres termes, l’arbitrage n’influence que la gestion externe des unités de compte, et non leur gestion interne qui incombe à l’assureur conformément à sa qualité de propriétaire des actifs sous-jacents. Ces différences entre Mandat d’Arbitrages et mandat de gestion se prolongent sur le plan technique dans la mesure où la chaine d’exécution des ordres est plus lente en matière d’assurance-vie qu’en matière de titres de portefeuille. 2018/1
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3. Chaine d’exécution des ordres La chaine d’exécution, déjà naturellement plus lente en matière d’assurance-vie en présence d’un Mandat d’Arbitrages, empêcherait partiellement la réactivité nécessaire en l’absence d’un tel mandat. En présence d’un Mandat d’Arbitrages d’abord, les ordres sont passés généralement sur la place de Paris en J+1, sur cours inconnu. Par exemple, un ordre de vente ou d’achat passé à midi en jour J, sera généralement exécuté par la compagnie d’assurance en J+1, sur le cours de clôture rapatrié le soir (39). La raison est que dans le meilleur des cas, les OPCVM n’ont qu’une valeur de cotation quotidienne établie elle-même en fonction des cours des titres détenus. En pratique, et selon la place de cotation, un délai supérieur à J+1 (jusqu’à J+5 jours) peut être observé. Au contraire, s’agissant des compte-titres, les achats-vente peuvent être opérés plusieurs fois par jour, et l’heure même de passage d’ordre peut avoir une importance. La relative lenteur d’exécution des ordres en matière d’assurance-vie interdit la pratique du trading (40). Bien plus, les durées recommandées de détention d’OPCVM sont généralement comprises entre 3 à 5 ans (41). La lenteur dans la chaine d’exécution nous semble devoir impliquer une responsabilité moindre dans l’acquisition d’OPCVM, et donc dans la gestion sous Mandat d’Arbitrages d’un contrat d’assurance-vie. En l’absence d’un mandat d’arbitrage ensuite, le conseil d’arbitrage donné à chaque client, suivi de son exécution, pourrait requérir, non plus quelques jours comme indiqué plus haut, mais plusieurs semaines, voire plusieurs mois. 39. Des conditions générales peuvent éventuellement fixer des conditions de réalisations moins strictes. 40. Le trading ou négoce recouvre l’activité de spéculation réalisée par les traders. 41. Observation des durées constatées dans les documents d’information clés pour l’investisseur (« DICI »), voy. infra.
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En effet, un envoi par courrier électronique ou postal ne saurait être suffisant ni suivi de suffisamment d’effets, les clients attendant justement de leurs conseils qu’ils les déchargent à la fois de la décision d’investissement mais également des aspects administratifs de celle-ci. Surtout, le courrier électronique demeure encore peu utilisé auprès de clients âgés, alors que d’autres, quel que soit leur âge, souhaitent systématiquement des rendez-vous physiques car la compréhension de l’écrit, y compris chez certains individus fortunés, est parfois faible. Ces données de fait allongent la période naturelle nécessaire aux arbitrages. Prenons l’exemple, pour illustrer le propos, d’un portefeuille de 200 clients, dont la moitié seulement répondrait à un mail ou un mailing, l’autre moitié nécessitant des relances et des rendez-vous : sur ces 100 clients, et en imaginant qu’un CIF organise un rythme soutenu de 4 rendez-vous par jour, l’ensemble du portefeuille ne pourrait qu’être arbitré en 25 jours ouvrés, soit 5 semaines continues. Ce rythme empêche la réactivité nécessaire sur les marchés et ne permet pas au CIF de se consacrer aux autres aspects de son métier (recherche et veille sur l’information financière, veille juridique et fiscale sur les aspects patrimoniaux, monitoring du risque et réaction nécessaire à apporter en cas de dérapage d’une allocation eu égard au profil de risque du client, accompagnement fiscal des clients, parfois juridique, accompagnement des clients dans leurs démarches patrimoniales complexes, animation des dossiers auprès des experts comptables, avocats, notaires ou tout autre professionnel, traitement des demandes liées au rachats partiels, aux versements complémentaires, aux successions, etc., et enfin naturellement, gestion quotidienne de l’entreprise). Pire, l’absence du Mandat d’Arbitrages commanderait de « trier » les clients par ordre d’importance (ceux que l’on voit en premier vs ceux que l’on verrait en dernier). Cette classification semble inacceptable et contraire aux diverses règles de bonne conduite fixées tant par le Code monétaire et financier que par les associations représentatives. Et si l’on poussait la logique à son terme, cette lenteur donnerait lieu à des dérives, que l’on semble avoir observé par le passé, et qui consistent pour le souscripteur à remettre à son courtier ou CIF des bulletins arbitrages « en blancs », c’est-à-dire vierges d’instructions d’arbitrages mais néanmoins signés par le souscripteur, en prévision d’un arbitrage futur. Cette pratique interdite et répréhensible ne saurait apporter que de l’opacité et une absence totale de contrôle ultérieur. La présence d’un Mandat d’Arbitrages est non seulement utile en termes d’égalité et d’optimisation du service au client, mais elle devient nécessaire pour lutter contre les pratiques frauduleuses. C’est l’une des raisons qui permettrait au droit positif de continuer à autoriser les Mandats d’Arbitrages. Au surplus, en forçant nécessairement la méthodologie du professionnel, le Mandat d’Arbitrages semble permettre une meilleure information du client.
4. Information Traditionnellement, lorsque le courtier ou CIF conseille à son client d’arbitrer son contrat, il lui remet un « document d’information clé pour l’investisseur » (DICI). 42
Ces fiches d’informations synthétiques sur les fonds d’investissements conseillés (42) doivent être analysées comme un document pré-contractuel remis à l’investisseur préalablement à sa souscription. Dans le cadre d’un Mandat d’Arbitrages, ces informations ne peuvent être portées à l’attention du souscripteur avant l’arbitrage. Au mieux le seront-elles après l’arbitrage. Une analyse sommaire pourrait alors laisser penser que le Mandat d’Arbitrages entraînerait une absence d’information a priori du client sur les investissements réalisés : l’information ne serait pas délivrée a priori, mais reportée dans le temps, c’est-à-dire une fois la transaction réalisée par le CIF au nom et pour le compte de son client. En d’autres termes, l’information ne serait seulement transmise au client qu’a posteriori. Il nous semble pourtant que cette analyse mérite discussion. En effet, en dépit de la mise en place du Mandat d’Arbitrages, le client reste informé a priori des critères et du processus d’investissement qui permettra à son CIF d’opérer l’arbitrage. Le travail même d’écriture de ce processus rend le conseil plus systématique et justifie la décision d’arbitrage pour éviter qu’elle ne soit commandée par d’autres intérêts que ceux des clients eux-mêmes. Par exemple, ce processus peut être issu d’études menées en interne (comité de gestion, synthèse de rapports de gestion des sociétés de gestion) ou en externe (achat ou réception de conseils spécialisés permettant la réalisation de cet arbitrage). De même encore, le client sera toujours informé a priori selon que le processus relèvera plutôt de l’analyse qualitative, ou plutôt d’une méthodologie quantitative. La justification de l’arbitrage effectué trouve son siège dans cette mécanique portée préalablement à la connaissance du client, et dans le contrôle initial (et continu) de l’adéquation de l’allocation d’actifs au profil de risque (43). L’information a priori reste donc préservée et opérante. Le client adhère donc avant toute opération d’arbitrage à une méthodologie, un processus, et ceci dans un environnement bien délimité. Si des questions de responsabilités apparaissent, elles ne pourront l’être qu’au regard du degré d’exigence dans le processus effectif, et dans le respect du profil de risque. Bien plus, le Mandat d’Arbitrages devrait limiter l’opacité soulignée plus haut et aider à la systématisation du conseil. En effet, dans le cadre d’une pratique de Mandats d’Arbitrages permettant de procéder à des arbitrages de masse, le courtier ou CIF aura nécessairement élaboré une méthodologie qui sera portée à la connaissance du client avant tout arbitrage. L’information portée au client n’est pas vraiment déplacée. 42. On y trouve un résumé des objectifs et de la politique d’investissement, du profil de risque et de rendement, des frais et des performances passées : voy. www.amffrance.org. 43. P.-G. Marly, « Le mythe du devoir de conseil (à propos du conseil en investissement assurantiel) », in Mélanges J.-J. Daigre, 2017, p. 561, qui défend l’idée selon laquelle un conseiller en gestion de patrimoine indépendant (CGPI) n’exerce pas la même activité de distribution qu’un bancassureur (spéc. p. 568).
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L’information a priori
reste donc préservée et
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opérante.
En outre, la liste des supports utilisables peut être définie en amont et mise à jour périodiquement. D’ailleurs, il est souvent remis à la souscription du contrat la liste des unités de comptes éligibles. Une dernière raison milite pour le maintien de la pratique des Mandats d’Arbitrages. L’interdiction qu’un courtier en assurance et/ou un CIF puisse recourir à un Mandat d’Arbitrages n’améliorerait pas la prévention des conflits d’intérêts, laquelle est déjà bien assurée, à la condition toutefois de les désigner par une information donnée au client.
5. Conflits d’intérêts Un dernier ordre de raison explique l’inutilité d’interdire les Mandats d’Arbitrages chez les courtiers en assurance et les CIF. Il trouve son siège dans la bonne prévention de situations de conflit d’intérêts. Un CIF est en conflit d’intérêts lorsque, en procédant à un achat, il doit arbitrer entre son intérêt personnel (ou celui de son employeur) et l’intérêt du souscripteur au contrat d’assurance-vie (44). Les CIF sont presque toujours exposés à de tels conflits, du fait de la pluralité de métiers. Une société d’assurance demande à un CIF de vendre les produits qu’elle a sélectionné, et le CIF perçoit des commissions de courtage à chaque fois qu’un de ses propres clients achète le produit d’assurance. Plus spécifiquement, la pratique du Mandat d’Arbitrages peut soulever des conflits d’intérêts, par exemple quant au choix des OPCVM (choisir les OPCVM sur lesquels le courtier et/ou le CIF perçoit la plus forte commission/rémunération), ou quant à des rotations excessives motivées par des seules considérations de rémunération du courtier et/ou CIF. De façon synoptique, la profusion des textes frappe lorsque l’on s’attèle à rechercher les normes applicables aux courtiers d’assurance et au CIF. On les recensera rapidement, avant de rechercher comment ils s’efforcent de lutter contre les conflits d’intérêts. Quitte à le répéter, le contrat d’assurance-vie protège contre l’aléa d’un risque pesant sur la vie de l’assuré. Le contrat d’assurance-vie protège aussi parfois exclusivement la fiabilité d’un placement et l’assureur, comme l’assuré/bénéficiaire, n’en44. Sur la question, voy. généralement J.-B. Galvin, Les conflits d’intérêts en droit financier, t. 77, IRJS Éditions, 2016, spéc. §§ 172 et s. (« conflits d’intérêts et représentation »), et 188 et s. (« conflits d’intérêts et contrat d’entreprise »), et en particulier le § 191 qui traite de l’activité de conseil en investissements financiers. 2018/1
court alors aucun risque de perte (45). Outre les enjeux humains pour les assurés, les enjeux financiers sont tout autant considérables pour les assureurs. Face à une clientèle souvent inexpérimentée et perdue dans les arcanes d’une technique difficile d’accès (46) et d’une fiscalité changeante, la déontologie en matière d’assurance-vie est impérative (47). Très tôt, les organismes professionnels de l’assurance ont développé des recommandations au sein d’un recueil de règles déontologiques (48). En 2005, le rapport de M. J. Delmas-Marsalet ajoute d’autres préconisations, mais on y cherche en vain celles qui viseraient à limiter le recours au Mandat d’Arbitrages. En revanche, les règles prévenant les éventuelles situations de conflit d’intérêts existent d’abord à travers les codes de bonnes conduite, ou codes professionnels, qui ont été mis en place, comme requis par l’article L. 541‑4 du Code monétaire et financier. La différence avec les règles applicables aux PSI réside dans le fait que, pour ces professionnels, ces principes émanent surtout de l’AMF (49). Pour les CIF, ce sont les associations agréées qui les déclinent en des règles précises, si bien que le détail de leur contenu peut varier d’une association à l’autre (50). La règle phare est de mettre en œuvre des processus internes visant à justifier, par exemple, les rotations et la sélection des OPCVM (51). Ce processus passe par un classement des fonds selon des critères financiers neutres et décorrélés de toute rémunération. La présence en interne d’un comité d’investissement est envisageable. À défaut, la réception d’un conseil externe et une conservation de ses recommandations par écrit doivent être organisées : celles-ci doivent être laissées à la libre disposition des clients par tout moyen, ou doivent leur être directement adressées. À la suite de ce « droit mou », le législateur directement ou par l’intermédiaire de l’AMF a développé un corps de règles « dures ». Il (i) interdit aux entreprises d’assurances qui proposent des garanties décès ou invalidité de prendre en compte les résultats de l’examen des caractéristiques génétiques de l’assuré (52), (ii) soumet 45. Y. Lambert-Faivre, L. Leveneur, Droit des assurances, 14e éd., Paris, Dalloz, 2017, § 996. 46. Voy. les « exercices corrigés » de P. Petauton soulignant la financiarisation des techniques d’assurance-vie : P. Petauton, Théorie et pratique de l’assurance-vie, 3e éd., Paris, Dunod, 2004. 47. Ibid., § 907 ; voy. aussi J. Bigot (dir.), Traité de droit des assurances, t. 4, Les assurances de personnes, Paris, LGDJ, 2007, §§ 72 et s. 48. J. Landel, « La déontologie a encore de l’avenir », Tribune assur., mai 2003, p. 58. 49. Voy. notamment RG AMF, art. 313‑1 qui pose le principe du dispositif de conformité (la fameuse « compliance » en langue anglaise) et la position AMF n° 2012‑17 (« Exigences relatives à la fonction de conformité »). 50. Ph. Arestan, Démarchage bancaire ou financier & Conseillers en investissements financiers (CIF) – Aspects juridiques et pratiques, RB édition, 2013, §§ 272 et s., spéc. § 274. 51. Voy. supra. 52. Loi du 4 mars 2002 ; art. L. 133‑1 C. ass.
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Chroniques
I.B. Régulation comparée
Chroniques
I. Régulation financière
les assureurs-vie à la lutte contre le blanchiment de capitaux (53), ou contre le financement du terrorisme. Cette préoccupation du législateur s’étend aux intermédiaires et conseillers financiers qui participent au recueil des fonds (54). Surtout, c’est le RG AMF qui pose clairement aujourd’hui le principe : « Le conseiller en investissements financiers doit se doter des moyens et des procédures écrites lui permettant de prévenir, gérer et traiter tous conflits d’intérêts pouvant porter atteinte aux intérêts de son client » (55). Les CIF ont donc une obligation de conformité/« compliance » active. À l’évidence, cette méthodologie commande de lister au sein même du contrat de mandat les conflits potentiels, de manière à en informer le mieux possible le client, et décrire comment ces derniers sont supprimés. À ce titre, la description du processus, sa formalisation et la conservation des justifications sont déjà obligatoires. Des sources multiples et abondantes montrent donc l’importance attachée depuis quelques années à la déontologie des courtiers en assurance et des CIF ; du droit dur et du droit mou, du droit interne et du droit communautaire (56), du droit étatique et du droit élaboré par les autorités de marché et du droit produit par les professionnels eux-mêmes… Réglementation, régulation et autorégulation. À ce stade de la démonstration, il convient de s’attacher au droit vivant, c’est-à-dire aux faits tels qu’ils peuvent ressortir notamment de l’examen de la jurisprudence. Or il résulte d’une étude rapide de celle-ci, qu’il s’agisse de celle de la Cour de cassation ou des Commissions des sanctions de l’AMF ou de l’ACPR, que la pratique des Mandats d’Arbitrages ne révèlerait pas de mise en cause de la responsabilité d’un CIF. S’agissant de la jurisprudence de la Cour de cassation, on relève en juin 2017 sur le site « Légifrance », 750 occurrences concernant le « courtier en assurance » et 36 le « conseil en investissements financiers ». S’agissant du courtier en assurance pourtant, lorsque l’on ajoute comme entrées recherchées l’expression « mandat d’arbitrage », aucune occurrence n’est alors trouvée. Quant au CIF, seules certaines décisions méritent d’être rapportées ici (d’autres ont traits à l’obligation de 53. E.g. loi du 15 mai 2001. 54. Art. 421‑2-2 C. pén. : « Constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte ». Voy. généralement, « La déontologie en assurance-vie », in Y. Lambert-Faivre, L. Leveneur, Droit des assurances, 12e éd., 2005, n° 907. 55. Art. 325‑8. 56. Voy. infra. 44
conseils de banques, dans le cadre d’investissements ; d’autres encore à des questions de droit du travail). Les arrêts pertinents concernent des responsabilités de conseillers en matière d’investissement immobilier (57). Au sein de ces décisions, on trouve celles ayant pour objet des plaintes pénales pour faux et usage de faux, et escroquerie de CIF (58), mais aussi d’autres relatives aux mandats de gestion confiés à une banque (59) ou la mise en cause de gérant d’OPCVM (60). Aucune ne concerne des Mandats d’Arbitrages au sens où nous l’entendons ici (61). De même, lorsque l’on examine la jurisprudence de la Commission des sanctions de l’AMF et juridictions de recours pour la période 2003 à 2015, on peut certes extraire un certain nombre d’affaires portant sur des infractions commises par des CIF (62). Par exemple l’obligation d’agir avec compétence, soin et diligence (63). Ou encore la formalisation des conseils du CIF dans un rapport écrit (64). Mais aucune affaire ne porte sur la pratique des Mandats d’Arbitrages. Une conclusion identique paraît devoir être tirée de la consultation de la jurisprudence récente de la Commission des sanctions de l’ACPR, s’agissant des courtiers en assurances : aucune occurrence n’apparaît de la recherche de l’expression clé « mandat d’arbitrage » (65). Dans les limites rappelées ci-dessus, l’absence de contentieux remontant à la Cour de cassation ou aux Commissions des sanctions peut être un indicateur pertinent, au-delà de la seule étude du droit positif, de l’utilité du Mandat d’Arbitrages. Une telle conclusion semble également confirmée par une analyse de droit communautaire et comparé. 57. Cass. 1re civ., 11 mai 2017, n° 16‑16.022 (CGP) ; Cass. 1re civ., 25 janvier 2017, n° 15‑21.186 (CIF) ; Cass. 3e civ., 7 avril 2016, nos 14‑25.164 et 14‑25.446 (CIF). 58. Cass. crim., 8 mars 2017, n° 16‑81.863. 59. Cass. com., 5 avril 2011, n° 10‑14.916 ; voy. aussi dernièrement Cass. 2e civ., 2 février 2017, n° 16‑10.838, JCP E, 25 mai 2017, n° 1278, note M. Leroy. 60. F. Bussiere, « Conflits d’intérêts et gestion d’OPCVM », Journal des Sociétés, n° 62, février 2009, p. 30 ; S. Tandeau de Marsac, « Conflits d’intérêts et distribution de produits financiers », Journal des sociétés, n° 62, février 2009, p. 63. 61. Lorsqu’on ajoute le mot-clé « arbitrage », on ne trouve plus que 2 affaires dont une seule mérite d’être ici reportée : elle a donné lieu à deux arrêts (Cass. com., 5 avril 2011, nos 10‑14.917 et 10‑14‑917) qui concernent un mandat d’arbitrage donné à une banque et non à un CIF. 62. Principes directeurs issus de la jurisprudence de la Commission des sanctions de l’AMF et juridictions de recours pour la période 2003 à 2015, disponible sur www.amf-france.org/Sanctions-et-transactions/ Recueil-de-jurisprudence (consulté le 10 juin 2017), pp. 443 et s. 63. AMF CDS, 9 juillet 2015, SAN-2015‑14. 64. AMF CDS, 28 octobre 2013, SAN-2013‑23. 65. Voy. https://acpr.banque-france.fr/commission-dessanctions/recueil-de-jurisprudence.html (consulté le 11 juin 2017).
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II. En droit communautaire et comparé En droit communautaire et comparé, l’analyse nous semble confirmer la conclusion initiale de la première partie de cette étude. En effet et d’une part, le souffle venu du législateur européen éclaire sur les évolutions à venir (A) comme, d’autre part, la possibilité de recourir au Mandat d’Arbitrages dans d’autres pays européens disposant d’un secteur financier comparable à celui de la France (B).
A. Législation communautaire La directive sur les services d’investissement de 2004 définit le conseil en investissement comme « la fourniture de recommandations personnalisées à un client, soit à sa demande soit à l’initiative de l’entreprise d’investissement, en ce qui concerne une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers ». Son exposé des motifs précise que « s’ils effectuent de la gestion de portefeuille pour compte de tiers, ils devront satisfaire aux conditions d’exercice de cette profession telles que prévues par le Code monétaire et financier ». La directive sur les marchés d’instruments financiers du 15 mai 2014 (dite MiFID2) a étendu aux produits d’investissements fondés sur l’assurance une telle prévention et gestion des conflits d’intérêts. La technique a été de modifier la directive sur l’intermédiation en assurances (DIA1) du 9 décembre 2002. L’article 91 MiFID2 insère dans la directive DIA1 un chapitre sur les exigences de protection des consommateurs sur les conflits d’intérêts susceptibles de surgir lors de la commercialisation des produits d’investissements fondés sur l’assurance (« PIA »). Ces dispositions visent à obliger les intermédiaires en assurances qui distribuent des « PIA » à « prévenir et gérer les conflits d’intérêts pouvant se présenter entre eux-mêmes, y compris leurs dirigeants, les membres de leur personnel et leurs intermédiaires liés, ou toute personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle, et leurs clients ou entre deux clients, lors de l’exercice d’activité de distributions d’assurances ». Et si ces conflits d’intérêts ne peuvent être évités, l’article 91 de la directive MiFID2 impose d’en « informer clairement les clients avant d’agir en leur nom » avant la réalisation de toute opération. Par ailleurs, l’article 91 MiFID2 exige de ce même intermédiaire en assurances qu’il agisse d’une manière « honnête, loyale et professionnelle, et ce dans le meilleur intérêt de ses clients » et qu’il adresse à ses clients des informations, y compris commerciales, « correctes, claires et non trompeuses ». De même, la directive sur la distribution d’assurances du 20 janvier 2016 (DIA2), et qui devait être transposée en droit français avant le 23 février 2018, continue 2018/1
d’autoriser la rémunération des intermédiaires d’assurances par un système de commission. Son considérant n° 57 énonce clairement les objectifs de l’article 27 de la DIA2 : « Afin de veiller à ce qu’aucun honoraire, aucune commission ou aucun avantage non monétaire lié à la distribution d’un produit d’assurance fondé sur l’investissement payé ou à payer par toute partie, exception faite du client ou d’un représentant du client, n’ait d’effet négatif sur la qualité du service fourni au client, le distributeur de produits d’assurance devrait mettre en place des mesures appropriées et proportionnées permettant d’éviter cet effet négatif. À cette fin, le distributeur des produits d’assurance devrait mettre au point, adopter et revoir régulièrement des politiques et des procédures en matière de conflits d’intérêts, dans le but d’éviter tout effet négatif sur la qualité du service fourni au client et de veiller à ce que le client dispose d’informations adéquates quant aux honoraires, commissions ou avantages » (66). La Commission européenne a demandé à l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) son avis technique pour préparer les actes délégués prévus à la DIA2 pour sa mise en œuvre. L’EIOPA a rendu cet avis technique le 1er février 2017 (67). Dans ce document de 150 pages, elle évalue plusieurs options pour mettre en œuvre DIA2 et préconise, s’agissant de la rémunération des intermédiaires, une option 4.3 ; celle-ci prévoit en substance qu’une rémunération incitative peut être acceptée dès lors qu’elle remplit deux conditions cumulatives : « (1) ne pas empêcher l’intermédiaire (…) de se conformer à son obligation d’agir de façon honnête, loyale et au mieux des intérêts de ses clients, et (2) ne pas avoir d’effet négatif sur la qualité du service rendu (en langue anglaise “adversely affecting the interests of its customers”) » (68). 66. Directive 2016/97 sur la distribution d’assurance (refonte), J.O.U.E., n° L 26/19 du 2 février 2017. 67. EIOPA, Technical Advice on possible delegated acts concerning the Insurance Distribution Directive, EIOPA-17/048, en date du 1er février 2107, disponible sur https://eiopa.europa.eu/Publications/Consultations/ EIOPA%20Technical%20Advice%20on%20the%20IDD. pdf. Rappr. EIOPA, Final report on Public Consultation on Preparatory Guidelines on product oversight and governance arrangements by insurance undertakings and insurance distributors, EIOPA-BoS-16‑071, en date du 6 avril 2016, https://eiopa.europa.eu/Publications/ Reports/Final%20report%20on%20POG%20Guidelines. pdf (ligne directrice n° 14) et P. Pailler, « Distribution de produits d’investissement assurantiels : haro sur les conflits d’intérêts », R.I.S.F., 2015/2, p. 83. Voy. aussi l’« Application Paper » de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance (IAIS) qui fournit un intéressant panorama de droit comparé des moyens visant à lutter contre les conflits d’intérêts : IAIS, Application Paper on Approaches to Supervising the Conduct of Intermediaries, Novembre 2016, 39 p., spéc. §§ 112 et s. sous l’intitulé « 4.2.2. Conflicts of interest » et A. Tehrani, « La surveillance de la bonne conduite des intermédiaires d’assurance », R.I.S.F., 2017/1, p. 100. 68. EIOPA, Technical Advice (préc.), p. 116.
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Chroniques
I.B. Régulation comparée
Chroniques
I. Régulation financière
Or prohiber de manière brutale et systématique la pratique du Mandat d’Arbitrages aurait pour effet induit de réduire la qualité du service rendu à son client par l’intermédiaire, ainsi qu’il a été démontré ci-dessus : en résumant, le client du CIF, comme celui du courtier, requiert de son conseil une certaine proactivité, non seulement dans le conseil, mais également dans la manière dont ce conseil peut être exécuté. Le Mandat d’Arbitrages prend ici tout son sens, car l’interdire aurait nécessairement un effet négatif sur la qualité du service rendu. Au vu des règlementations européennes adoptées ou à venir, il y a même lieu de considérer le Mandat d’Arbitrages non seulement comme une option, mais comme une pratique professionnelle souhaitable, devant à l’évidence faire partie du quotidien de l’activité professionnelle du courtier en assurance-vie et conseil en investissement financier. Ceci ne ferait qu’entériner l’état de la pratique observée en droit comparé.
B. En droit comparé Il ressort d’une rapide analyse empirique des pays européens que les derniers n’opèrent généralement pas de distinction entre Mandat d’Arbitrages et mandats de gestion. Il s’agit donc pour eux de savoir si les CIF locaux peuvent recevoir ou non de leurs clients l’autorisation d’arbitrer de manière discrétionnaire, et cela quels que soient les instruments financiers utilisés. Le droit comparé, limité à quelques pays d’Europe, force à s’intéresser d’abord à l’Independant Financial Advisor (IFA) anglais, compte tenu de la place du secteur financier britannique en Europe. L’IFA dispose de trois niveaux de qualification. Selon le troisième niveau de qualification, l’IFA est habilité à exécuter des arbitrages, avec deux sous-niveaux : « OPCVM » ou « tous titres ». En pratique cependant, le marché anglais est composé davantage sous forme d’une distribution de produits que de conseils financiers, la plupart des IFA n’ayant que des habilitations de niveau 1 ou 2. Reste que l’Angleterre n’interdit pas les Mandats de gestion. Loin de là, elle les a organisés. L’Italie et les pays de l’Est autorisent également les mandats de gestion. Pareillement, les mandats semblent être acceptés en Allemagne, en Belgique ainsi qu’au Luxembourg (69), ce dernier pays intervenant le plus souvent dans un contexte international, et se référant à la règle locale applicable aux conseillers financiers avec lesquels ils travaillent. Ils reconnaîtront ainsi à un IFA anglais le statut de DFM (70) s’il présente les habilitations requises. 69. Consultation informelle d’un membre de la Fédération européenne des conseils et intermédiaires financiers (FECIF). L’information a été recoupée auprès de différents prestataires de services d’investissements luxembourgeois, ouvrant notamment des mandats (DFM) à des conseillers financiers anglais et allemands, pour opérer sur tous types de titres. 70. Discretionnary Fund Manager, ou parfois DPM pour Discretionnary Portofolio Manager. 46
En Suisse enfin, le tiers gérant – gérant de fortune indépendant – opère des arbitrages sur tout type d’investissement. Leur compétence est réputée suffisante à partir du moment où leur organe de contrôle, l’organisme d’autorégulation (« l’OAR »), les a référencés en tant que tiers gérant, de même qu’une ou plusieurs banques. Chaque année, l’OAR contrôle leur probité et la loyauté de leur pratique. Le Mandat de gestion y est l’unique norme. Arrivé au terme de cette étude, on constate que les deux tableaux – interne et communautaire – n’interdisent pas expressément le recours au Mandat d’Arbitrages. Tous ceux qui sont attachés à la liberté, notamment dans la vie des affaires, peuvent donc être pleinement rassurés. Au bout du compte, on retiendra les éléments suivants. En droit interne, il nous semble possible pour les courtiers en assurance et CIF de recourir aux Mandats d’Arbitrages au regard de la réglementation de ces professions ; les premiers arguments identifiés sont les suivants : a) le principe constitutionnel de liberté contractuelle devrait impliquer que les courtiers d’assurance et/ ou les CIF puissent conclure des contrats avec des tiers, et notamment des Mandats d’Arbitrages qui sont des contrats complexes sui generis. Il en serait autrement en cas d’interdiction expresse par le législateur. Or l’absence d’interdiction semble confirmée par l’étude des statuts de ces intermédiaires ; b) cette absence d’interdiction s’explique également par les différences existantes entre le Mandat d’Arbitrages conclu par un souscripteur avec un courtier en assurance et/ou CIF, et le mandat de gestion conclu par un souscripteur avec un PSI.
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Il nous semble possible
pour les courtiers en assurance et CIF de recourir aux Mandats d’Arbitrages au regard de la réglementation de ces
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professions.
Deux autres arguments, l’un technique et l’autre d’ordre déontologique, pourraient conforter l’analyse ainsi menée : c) le premier puise sa source dans les contraintes techniques de la profession en ce qu’il allongerait
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de manière excessive la chaine d’exécution des ordres ; d) le second ordre de raisons se situe dans les dispositifs mis en œuvre pour prévenir les conflits d’intérêts potentiels : ces dispositifs devraient rendre non pertinente une interdiction des Mandats d’Arbitrages, puisqu’il convient toujours de travailler dans l’intérêt de son client. En droit communautaire, la directive sur la distribution d’assurances (DIA2), qui devait être transposée en droit français avant le 23 février 2018, pourrait très bien suivre l’avis technique de février 2017 de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA). Celle-ci estime en substance qu’une rémunération incitative peut être acceptée par un intermédiaire d’assurance dès lors qu’elle remplit deux conditions cumulatives : « (1) ne pas empêcher l’intermédiaire (…) de se conformer à son obligation d’agir de façon honnête, loyale et au mieux des intérêts de ses clients, et (2) ne pas avoir d’effet négatif sur la qualité du service rendu ». Or cette dernière condition devrait permettre d’asseoir la pratique du Mandat d’Arbitrages.
L’encadrement
Au vu de ce qui précède, priver les CIF et courtiers en assurances de pratiquer des Mandats d’Arbitrages serait susceptible de contrarier l’analyse économique la plus élémentaire. Dans un Mandat d’Arbitrages, une des préoccupations économiques majeures du courtier en assurance ou du CIF est, en général, le gain pour son client sans lequel sa fidélisation paraît plus difficile, comme la rémunération du conseiller. Ce motif économique supplémentaire est également là pour asseoir un constat de bon sens : la réglementation de la profession ne peut avoir pour effet de priver le client des raisons pour lesquelles il vient voir un conseiller. À défaut, l’activité de ce dernier n’a plus de raison d’être… car à la lettre des articles L. 511‑1 et s. du Code des assurances (courtier en assurance) et 325‑1 et s. RG-AMF (CIF), doivent s’ajouter la justice et l’utilité sociale pour que leurs interprétations fassent œuvre de droit vivant !
juridique du mandat d’arbitrages
de formule à l’usage de la
Docteur en Droit, Diplôme Supérieur du Notariat
Le mandat d’arbitrages est un outil juridique hybride, empruntant à la fois à la procuration civile et au contrat de services. Différent du mandat de gestion du fait de référentiels juridiques totalement différents et financiers partiellement divergents (1), il n’en est pas moins son cousin. Cette parenté explique à la fois ses similitudes et ses différences. S’adressant à une catégorie particulière de professionnels du monde financier (l’usage veut que seuls les courtiers ayant la qualité de conseil en investissement financier puissent y prétendre) (2), le mandat d’arbitrages nécessite une rédaction qui lui est propre, assez éloignée des modèles proposés par les compagnies d’assurance. Ces derniers ne sauraient
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– Aspects
pratiques et proposition
France. Aspects de droit comparé (2/2)
Guillaume Hublot
1. Voy. supra, G. Cavalier, 1 partie. 2. La question ne se pose pas pour les Sociétés de Gestion ou pour les PSI, qui peuvent contracter des mandats de gestion, dont l’étendue est naturellement plus large que celle du mandat d’arbitrages. 2018/1
Celle-ci ne semble pas davantage être contredite par une rapide étude de droit comparé. En effet, prohiber cette dernière de manière brutale et systématique aurait pour effet induit de réduire la qualité du service rendu par l’intermédiaire à son client, voire même de voir se développer des pratiques de contournement.
couvrir en effet l’ensemble des obligations contractuelles du mandataire. Avant d’en proposer une formule cadre (2), il nous faut rappeler quelles sont les obligations du conseiller en gestion de patrimoine (1).
1. Les obligations du conseiller en gestion de patrimoine 1.1. Les statuts et les obligations du Conseiller en Gestion de Patrimoine Le conseiller en gestion de patrimoine, ou CGP, a traditionnellement des obligations renforcées, qui lui viennent tant de son statut de courtier ou d’intermédiaire en assurances, que de celui de conseil en investissement financier (CIF). Au regard des intermédiaires en assurance, le Code prévoit qu’ils doivent préciser « les exigences et les besoins exprimés par le souscripteur ou l’adhérent ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un contrat déterminé. Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d’information communi-
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Chroniques
I.B. Régulation comparée
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I. Régulation financière
qués par le souscripteur ou l’adhérent concernant sa situation financière et ses objectifs de souscription, sont adaptées à la complexité du contrat d’assurance ou de capitalisation proposé » (3). Le Code des assurances définit ainsi une obligation de conseil, s’appuyant sur une connaissance du souscripteur, dont le degré est à adapter à la complexité du contrat proposé. L’obligation de conseil déplace ainsi naturellement la relation juridique du professionnel : d’intermédiaire de la compagnie d’assurance, il devient naturellement représentant du souscripteur. Son acte ne peut en effet s’arrêter à la présentation d’une offre commerciale, comme le laisse supposer l’article L. 511‑1 du Code des assurances (4). La jurisprudence ne s’y est pas trompée. Elle rappelle que le courtier n’est pas le mandataire de la compagnie, mais celui principalement de son client, en conséquence de quoi la responsabilité d’une information erronée ou d’un mauvais conseil donné ne saurait porter sur la Compagnie, mais sur le courtier lui-même (5). À ce titre, le mandat d’arbitrages apparaît comme une simple extension, dans les limites de la loi, du mandat naturel confié par le client à son courtier. Ce devoir d’information est renforcé par l’article L. 541‑8-1 du Code monétaire et financier, régissant les obligations professionnelles des CIF. Ainsi ceux-ci doivent-il se conduire « avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ». On notera à cet égard que le devoir d’information, comme le devoir de loyauté, aurait pu découler directement de la théorie générale des obligations. En effet, le consentement doit être libre et éclairé (6). Et le nouvel article 1112‑1 du Code civil rappelle que « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Or pour parvenir à cette fin, le professionnel, mandataire de son client, ne peut lui cacher aucune information d’une telle importance qu’elle pourrait remettre en cause l’accord donné. Ces obligations de conseils, d’informations et de loyauté sous-tendent donc toute la relation du conseiller et de son client, et permettent de préciser quelles sont les obligations générales du CGP et quelles seraient
3. 4.
Art. L. 132‑27‑1 C. ass. par renvoi de l’art. L. 520‑1. L’article définit l’intermédiation en assurance comme « l’activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ». La présentation, la proposition ou l’aide à la conclusion d’une opération d’assurance sont quant à elles définies au premier alinéa de l’article R. 511‑1 du Code des assurances comme « le fait […] de solliciter ou de recueillir la souscription d’un contrat […] ou d’exposer […] les conditions de garantie d’un contrat ». 5. Civ. 2e, 14 janvier 2010, n° 09‑10.220. 6. Art. 1109 C. civ. 48
ses obligations plus spécifiques en cas de mandat d’arbitrages.
1.2. Les obligations du Conseiller en Gestion de Patrimoine au regard d’un mandat d’arbitrages L’article L. 541‑8-1 du Code monétaire et financier prévoit notamment que les CIF doivent « être dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités, et mettre en œuvre ces ressources et procédures avec un souci d’efficacité » (7). Cette règle prend un aspect particulier en matière de mandat d’arbitrages. En effet, le mandat d’arbitrages se révélant être un véritable contrat de services, au contraire de la simple procuration, il convient de concevoir quelles seront les moyens et ressources spécifiques à mettre en œuvre. En effet, le mandat d’arbitrages bouscule nécessairement le processus habituel. Ordinairement, l’épargnant reçoit une proposition d’arbitrage motivée et détaillée dont il prend connaissance avant de l’accepter par sa signature. Chaque arbitrage constitue ainsi une sorte de mini-contrat, inscrit dans une relation-cadre plus large. Bien souvent, cette démarche prend la forme d’un rendez-vous physique, rendant le processus lent et inadapté aux marchés financiers dès lors que le conseiller suit plusieurs clients. À l’évidence, le mandat d’arbitrage, si l’on veut lui conserver une quelconque efficacité, reporte l’information à la signature du mandat lui-même, ainsi que dans des rapports d’activité qui seraient livrés au client. Dès lors, les moyens, les procédures mais aussi l’information doivent être adaptés.
1.2.1. L’écriture d’un processus d’allocation d’actifs Les buts de mandat d’arbitrages peuvent être divers. Nous en voyons cependant un principal : celui de systématiser l’arbitrage pour l’ensemble des clients, tant dans sa période d’exécution que dans l’homogénéité des unités de comptes sélectionnées. La temporalité de la décision change de manière fondamentale, puisqu’avec les mandats, elle s’assoit sur une stratégie appliquée à tous, dont les variations ne dépendent que des profils de risque de chacun. Une stratégie d’ensemble doit donc être pensée. Cette stratégie nécessaire peut s’exprimer de manières différentes. En fonction de la taille de sa structure et de ses moyens financiers, le CGP disposera d’un choix entre trois voies principales : – il pourra ainsi choisir de mettre en place un véritable comité d’allocation d’actifs, lequel sera chargé de manière récurrente, d’analyser une liste plus ou moins large de fonds d’investissements sélection7.
Art. L. 541‑9, 3°, C. mon. fin.
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nés en fonction de critères préétablis. L’analyse récurrente de cette liste naturellement évolutive, couplée par exemple à des informations macroéconomiques, pourra permettre de prendre des décisions de réaffectation de l’épargne mise sous mandat ; – il pourra également avoir recours à une méthode plus quantitative que qualitative, utilisant des logiciels algorithmiques d’analyse des portefeuilles et des OPC (8) présents sur un contrat d’assurance-vie. Le re-balancement des allocations sera alors commandé par une information au moins partiellement indépendante de la volonté du mandataire ; – il pourra enfin déléguer cette décision à une entreprise spécialisée dans le conseil en allocation d’actifs, qui lui remettra périodiquement des recommandations. À l’évidence, les deux premières solutions nous semblent requérir une structure de taille importante. Le processus décisionnel étant interne à l’entreprise, celle-ci devra être en mesure de se doter d’une source d’informations économiques et financières suffisantes, ainsi que des moyens humains et/ou informatiques, pour les traiter. Au sujet des informations économiques et financières, on constate que les sociétés de gestion indépendantes effectuent un travail formidable et communiquent généralement bien au-delà d’une simple démarche commerciale, livrant chacune des analyses approfondies des indicateurs de marché. Cette source de connaissance permanente pourra sans doute servir de socle à la réflexion qui sera menée, à condition d’en systématiser l’analyse et la synthèse. À travers l’écriture du processus d’investissement, le mandataire fixe ainsi les règles et les contraintes qui présideront aux décisions d’arbitrage. Il s’oblige ainsi à rationaliser son conseil et éloigner l’arbitraire. Cette pratique, souhaitable même au-delà de la prise de mandat, devrait permettre d’améliorer le conseil donné et le service apporté au client.
1.2.2. Le devoir d’information à l’épreuve du mandat L’écriture de ce processus, ainsi que la rédaction des décisions d’investissement (et leur conservation), apparaît d’autant plus nécessaire que les modalités du devoir d’information du conseiller auprès de son client se trouvent altérées par la présence du mandat. Comme nous avons pu le souligner, la relation contractuelle classique est construite sur la remise de la recommandation d’arbitrage. Lorsqu’elle vise des OPCVM, celle-ci s’accompagne notamment de la remise des DICI (9), précédant la signature par le client du document d’arbitrage, transmis par le conseiller et exécuté 8. 9.
OPC : Organismes de Placement Collectifs, subdivisés en deux catégories, les OPCVM (OPC en valeurs mobilières) et les FIA (fonds d’investissement alternatifs). DICI = Document d’Information Clé pour l’Investisseur.
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par la compagnie d’assurance. Le DICI et la recommandation permettent ainsi au client de prendre la responsabilité de l’arbitrage lui-même, en signant le document nécessaire à son exécution. Au contraire, en présence d’un mandat, le conseiller prend lui-même la décision d’arbitrer les contrats de ses clients et signe en leurs lieux et places. La remise a priori de la recommandation et des DICI n’est matériellement plus possible, pas plus qu’elle n’est souhaitable. En effet, dans un processus d’arbitrages de masse, l’exécution du service par le conseiller peut prendre plusieurs jours, en fonction à la fois du nombre de ses fournisseurs d’assurance et des procédures d’exécution que ces dernières mettent à sa disposition (10). L’envoi d’une information préalable ajouterait ainsi un délai supplémentaire au traitement de l’arbitrage lui-même et pourrait entraîner une certaine confusion. Le client recevant l’information pourrait penser qu’il peut (ou doit) choisir de la suite à donner à la décision d’arbitrage, alors même qu’il s’est volontairement partiellement dessaisi de ce pouvoir, soit qu’il ne veuille pas s’en occuper, soit qu’il souhaite une plus forte efficacité. L’envoi de cette information (la recommandation et les DICI associés) postérieurement à l’arbitrage n’a pas plus d’utilité. Celle-ci était en effet conçue pour permettre d’éclairer la décision finalement prise par l’épargnant. L’arbitrage étant passé, elle n’a plus lieu d’être. Le client en sera naturellement averti par la compagnie d’assurance, chargée de notifier toute réorientation d’épargne à son client. Il ne faut pourtant pas conclure qu’aucune information ne doit être adressée au mandant. Mais cette information prendra plus la forme d’une reddition de comptes périodique, comme le commande le droit civil notamment en matière de mandats de protection future ou de mandats posthumes. En cela, elle ressemblera à des rapports de gestion, délivrés périodiquement. L’information principale donnée au client s’inscrit donc nécessairement en amont, au moment de la conclusion du mandat lui-même. Cette information ne porte plus sur l’opportunité momentanée d’arbitrer, ni sur la sélection qui en découle d’un OPCVM, mais sur le principe général du pouvoir d’arbitrer quand il le faut. Dans ce cadre, la remise de l’ensemble des DICI serait bien entendu inepte, ceci d’autant plus que la liste pourrait être sans fin (11). La délégation résulte donc nécessairement de la compréhension du proces10. Dans les faits, relativement peu de compagnies d’assurance prévoient un extranet techniquement suffisant pour permettre l’exécution d’arbitrages de masse. Certains arbitrages de masse requièrent parfois une segmentation ou une individualisation des ordres. Dans la pratique, une fois la décision d’arbitrage prise, on constate que la transcription de l’ordre et sa transmission requièrent environ une demi-journée à une journée par Compagnie. 11. Certaines compagnies d’assurances référencent jusqu’à 2.000 OPC.
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sus de gestion et de la corrélation entre le profil de risque et les différents profils de gestion élaborés par le conseiller. Il nous semble que le mandat devrait alors reprendre la description du processus de gestion, celle-ci étant suffisamment précise et étayée pour que le mandant donne un accord éclairé. De même, le mandat devrait rappeler quel est le profil de risque du client et tenter de renforcer la compréhension que celui-ci pourrait en avoir. En droit comparé : ◦ La position anglaise : Le modèle anglais de type DFM ne prévoit généralement pas de description spécifique du processus d’investissement. Le contrat signé entre le client et son conseiller confère à ce dernier une habilitation générale à procéder à tout achat ou cession d’instruments financiers ou à donner tout ordre en ce sens, sans consultation préalable du client. Cette autorisation peut être très large et n’est limitée que par les objectifs d’investissement du client (12). Aucune référence n’est ainsi faite aux méthodes mises en place pour permettre la gestion. L’objet du contrat est ici celui de délimiter les pouvoirs conférés à l’IFA/DFM. Le devoir d’information, tel que nous l’entendons dans les lignes ci-dessus, a donc disparu. Il n’est organisé qu’à travers le devoir de remettre un rapport de gestion de manière régulière. Sur ce dernier point, aucune obligation précise de périodicité ne semble exister. La récurrence de l’information, comme son étendue, semble dépendre principalement de la volonté du prestataire (13). 12. Exemple de clause bancaire : « (a) In relation to the Discretionary Portfolio Management Services, the Portfolio Manager shall independently manage the Funds of the Client in accordance with the provisions of this Agreement and with a view to achieving the Investment Objectives as set out in the Application and the Mandate(s). (b) The Portfolio Manager shall have complete discretion in managing the Assets and the decision and discretion of the Portfolio Manager for the purposes of making any investments, disinvestments or any other matter as above shall be final and binding ». Autre exemple de clause d’un IFA anglais : « c) The Advisor is authorized, without prior consultation with the Client, to buy, sell, and trade in stocks, bonds, mutual funds, and other securities and/or contracts relating to the same, on margin (only if written authorization has been granted), including Assets in short term money market instruments when we deem necessary, or otherwise, and to give instructions in furtherance of such authority to the registered brokerdealer and the Custodian of the Assets; d) The Client acknowledges that the Advisor may, in accordance with the Client’s investment objective(s), determine to allocate all or a portion of the Assets among various individual debt and/or equity securities and/or mutual funds, or among one or more of the Advisor’s proprietary mutual fund asset management programs; ». 13. Le modèle bancaire consulté prévoit à cet effet l’envoi d’un rapport mensuel assez détaillé, alors que le modèle IFA se borne à énoncer qu’un rapport sera adressé périodiquement : « 10. Reports. The Advisor and/or the 50
◦ La position suisse : Les mandats de gestion suisses semblent plus précis en la matière que le mandat anglais. Les règles déontologiques commandent en effet que la stratégie de placement soit déterminée par écrit dans le contrat de gestion de fortune. Néanmoins, cette détermination demeure souple, en ce sens qu’il est précisé que « le contrat de gestion de fortune préserve la liberté du gérant de fortune quant aux choix des moyens nécessaires (allocation d’actifs) à l’atteinte des objectifs de placement définis avec le client » (14). La stratégie de placement visera en réalité à interdire éventuellement tel ou tel instrument financier, l’utilisation de telle ou telle devise, ainsi qu’à définir si une répartition géographique ou sectorielle est nécessaire ou recommandée dans l’allocation d’actifs qui est faite. La reddition des comptes est également organisée, mais sa périodicité est laissée à la libre appréciation du gérant. À défaut de stipulation plus stricte, celle-ci doit a minima avoir lieu de manière annuelle. Il est intéressant à cet égard de noter que ce rapport peut inclure, à la demande du client, le montant des prestations reçues de tiers. L’article vise ainsi les rétrocessions, interdites dans le marché anglais, autorisées presque partout ailleurs en Europe. Une forme de transparence est donc ici recommandée. Toutefois, la Suisse fait preuve à cet égard de pragmatisme : cette obligation n’existe que dans la mesure où cette comptabilité est possible en « déployant un effort raisonnable » (15).
1.2.3. L’adéquation avec le profil de risque Les conseillers, courtiers comme CIF, doivent s’enquérir des éléments patrimoniaux de leurs clients ainsi que de leur psychologie du risque. Ces informations sont recueillies à travers un profil de risque et un questionnaire patrimonial. Ces deux éléments doivent permettre au conseiller de proposer des recommandations adaptées aux particularités de chacun. Dans le cadre d’un mandat, le respect du profil de risque prendra toute son importance. La résultante de ce questionnaire est de déterminer avec le client ses espoirs de gains et de perte. Le conseiller a toujours l’obligation de conseiller sa clientèle dans les bornes financières ainsi délimitées, à moins que son client ne l’autorise spécifiquement à en sortir (16). Cependant, dans une proposition d’arbitrage classique, il revient au client de Account Custodian shall provide the Client with periodic investment reports for the Account ». 14. Polyreg – Règles de déontologie § 9, fondées sur la circulaire FINMA 09/1 du 18 décembre 2018. 15. Polyreg – Règles de déontologie § 12. 16. Il arrive ainsi que des clients aient des profils de risque prudents, mais que, pour une raison qu’il leur appartient, ils souhaitent opter pour une gestion dynamique. Dans un tel cas, le rôle du conseiller est d’attirer leur attention sur l’inadéquation de leur souhait et de leur profil, et de s’assurer que le souhait énoncé n’aura pas d’impact majeur sur le patrimoine de son client.
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prendre la décision de la réorientation de l’épargne. Si cette décision est subordonnée au conseil qui lui est donné, en acquiesçant, le client n’en partage pas moins une part de responsabilité. Il ne peut alors rechercher la responsabilité de son conseiller qu’au cas où le conseil donné est inadapté à son profil d’investissement. En présence de mandat, cette responsabilité partagée est un peu plus abandonnée au mandataire. De ce fait, la responsabilité de ce dernier s’en trouve renforcée. Le conseil délivré, c’est-à-dire la décision d’arbitrage issue du processus mis en place, devra être conforme avec les profils de tous les clients. Dès lors, le conseiller devra avoir les outils lui permettant de surveiller les allocations d’actifs, et de s’assurer que les critères définis sont respectés. La mise en place d’un mandat requiert donc également des moyens de contrôle d’ensemble de l’activité. Cette recommandation pourra paraître évidente à la plupart des professionnels. Elle demeure cependant nécessaire. À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler les mots du rapport Deletre, constatant : « des délégations d’arbitrage entre unités de compte en assurance-vie, qui ont parfois conduit à un accroissement significatif de l’exposition au risque en cours de vie des contrats sans information suffisante du souscripteur » (17). En droit comparé : Partout en Europe, le respect du profil de risque apparaît comme la norme et la base de toute pratique financière. Les termes peuvent varier et les mandats y font référence directement ou indirectement. Les contrats anglais préfèrent à cet égard utiliser la notion dérivée d’objectifs financiers. Ces derniers découlent naturellement du profil de risque lui-même et du KYC (18). Généralement, ils seront définis dans un document annexe au mandat, auquel il sera fait référence. S’agissant de la pratique suisse, le « contrat de gestion de fortune » doit spécifiquement faire référence au profil de risque, soit directement dans ses articles, soit en annexe au contrat. Il est prévu que ce profil de risque expose la situation de fortune du client, son revenu ainsi que les conditions de vie économiques et sa capacité objective à supporter une perte (19). La posi17. Rapport B. Deletre, Le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle dans le secteur financier, juillet 2009, n° 2009-M-040‑03, p. 6. 18. KYC est l’acronyme pour la règle « Know Your Customer ». En matière financière, le KYC regroupe la plupart des éléments patrimoniaux du client. Ils complètent ainsi utilement le profil de risque en permettant au professionnel de détecter les anomalies et les contradictions entre les faiblesses patrimoniales éventuellement et le profil de risque renseigné par le client. Voy. P.-G. Marly, « Le mythe du devoir de conseil (à propos du conseil en investissement assurantiel) », op. cit., spéc. p. 567. 19. Règle de déontologie Polyreg – guide de rédaction du contrat de gestion de fortune : « Le profil de risque du client se compose de l’appétit au risque du client ainsi que de sa capacité à le supporter d’un point de vue 2018/1
tion suisse est intéressante en ce qu’elle souligne le fait que le profil de risque est établi en coopération avec le tiers gérant. Il ne s’agit pas d’un document émanant du client seul, mais d’un diagnostic élaboré à partir des faits patrimoniaux et de l’échange avec le tiers gérant. Au regard de cette recommandation, les textes français semblent laisser une plus grande place à la passivité du CIF, recevant de son client le profil de risque, et n’en vérifiant que l’absence d’incohérence avec les éléments patrimoniaux. Une certaine souplesse est également constatée, puisque le profil de risque peut être modifié sur simple accord oral du client, à condition toutefois que l’exposition au risque s’en trouve réduite et que ladite adaptation fasse l’objet d’une confirmation écrite adressée au client (20). Le gérant de fortune peut en outre recevoir tout ordre de mouvement du client par oral, à condition de le consigner par une note dans son dossier et de notifier cette note audit client si l’instruction orale venait à modifier la stratégie de placement.
1.2.4. Information sur les conflits d’intérêts Pour réaliser enfin le principe de loyauté, le mandataire devra exposer à son client les conflits d’intérêts qui découleraient de cette mise en place. Ces derniers peuvent être principalement de trois ordres : – le mandataire perçoit une rémunération du fait de l’arbitrage. La rotation elle-même l’enrichit donc, indépendamment de la pertinence de la réorientation de l’épargne (21) ; – le mandataire choisit les OPCVM sur lesquelles les taux de rétrocessions sont les plus élevés (22) ; – le mandataire sélectionne un fonds d’investissement dédié à sa société. À défaut de pouvoir supprimer ces conflits, l’information donnée au client en permettra la transparence. Néanmoins, on notera qu’une partie du conflit est naturellement résolue par la rédaction et la mise en œuvre du processus de gestion, véritable colonne vertébrale du mandat. objectif. Le profil de risque est défini par le gérant de fortune avec le client, compte tenu des expériences et des connaissances du client ». 20. Polyreg – Règles de déontologie § 5. 21. Rapport B. Delettre, préc., p. 28 : « les faits soulevés le plus fréquemment par l’ACAM dans ses rapports de contrôle (…) relèvent de manquements à l’obligation d’information des assurés. Il peut s’agir par exemple : (…) de l’insuffisance des procédures de gestion des conflits d’intérêts en cas de délégation de mandat d’arbitrage ; (…) ». 22. Le courtier comme le CIF sont généralement rémunérés par rétrocession de frais de gestion du contrat d’assurance, mais aussi des unités de compte elles-mêmes. Or une grande disparité peut exister entre les frais des OPCVM.
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En droit comparé :
***
◦ La position anglaise : Les contrats anglais ne prévoient aucune clause rappelant le devoir de loyauté. Les mandats anglais ne réservent pas plus de place aux conflits d’intérêts découlant de l’exercice du mandat lui-même. Seuls sont prévus ceux que le conseiller doit adopter face aux parents du client signataire, ou à des intérêts indirects spéciaux du mandant. À cet égard, les contrats stipulent que la révélation de ces conflits d’intérêts relève de la responsabilité du client (23). Si la RDR (24) a supprimé les rétrocessions, rendant le marché sans doute plus transparent, il ne nous semble pas qu’elle ait supprimé pour autant tous conflits d’intérêts. Dès lors, il nous semble dommage qu’une forme d’autorégulation contractuelle de ces derniers soit absente des contrats étudiés. ◦ La position suisse : Le contrat suisse rappelle les obligations de fidélité, de loyauté et de diligence du Tiers Gérant. À cet égard, la circulaire FINMA 09/1 du 18 décembre 2018 rappelle que le tiers gérant prend toutes les mesures organisationnelles adéquates pour prévenir les conflits d’intérêts. Lorsque ces derniers existent et que le client risque d’être lésé, le gérant de fortunes doit alors attirer l’attention de ses clients sur les points potentiellement litigieux. En outre, il s’interdit de procéder à des transactions sur les dépôts de ses clients, dénuées d’intérêt économique pour ces derniers. De ce fait, les potentiels conflits d’intérêts devraient être inscrits dans le mandat lui-même, lorsqu’ils sont connus à l’avance. Les conflits d’intérêts ultérieurs pourront faire l’objet d’avenants, ou même être mentionnés à l’oral pour les moins graves. 23. Exemple de clause bancaire : « (a) The Client shall (promptly on gaining knowledge of the same) disclose to the Portfolio Manager in writing the details of any interest of the Client in any listed entity that may enable the Client to obtain unpublished, price-sensitive information in respect of such listed entity so that a conflict of interest will not arise when the Portfolio Manager purchases or sells securities of that listed entity on behalf of the Client. (b) The Client shall disclose to the Portfolio Manager in writing where there are any restriction on the Client purchasing or selling any Securities. In the absence of any such disclosure, the Portfolio Manager shall be entitled to presume that there are no restrictions on the Client purchasing any such Securities ». Autre exemple de clause d’un IFA anglais : « 19. Client Conflicts. If this Agreement is between the Advisor and related Clients (i.e. husband and wife, life partners, etc.), Advisor’s services shall be based upon the joint goals communicated to the Advisor. Advisor shall be permitted to rely upon instructions from either party with respect to disposition of the Assets, unless and until such reliance is revoked in writing to the Advisor. The Advisor shall not be responsible for any claims or damages resulting from such reliance or from any change in the status of the relationship between the Clients ». 24. RDR : Retail and Distribution Review. 52
Si des similitudes apparaissent entre droit français, droit anglais et droit suisse, la logique sous-tendant les textes nous semble relativement différente. La contractualisation anglaise apparaît très légère, le contrôle principal étant porté en amont, sur l’habilitation elle-même, et une partie des conflits d’intérêts ayant été supprimés par la RDR. À cet égard, il convient de noter que les pratiques antérieures à la RDR présentaient nombre de dérives importantes. Bien souvent, tout devoir de loyauté avait été oublié et le marché anglais pouvait parfois présenter un échantillon des plus mauvaises pratiques du secteur financier, certaines ayant été bannies depuis longtemps par d’autres pays. On pensera par exemple à la technique des frais précomptés, véritable prison pour les clients trop confiants. La RDR venait ainsi corriger les dérives de certains, devenues inacceptables. Le droit suisse ne semble pas avoir connu de telles pratiques, aussi la règlementation est-elle infusée par un principe de probité, de savoir-faire et de confiance mutuelle. Cette présomption aboutit à une règlementation réduite quoique suffisamment précise, formant un ensemble cohérent, et, par conséquent, à un formalisme simple et réduit. Le nombre de sinistres semble faible, seules 133 procédures étant pendantes en 2016, pour les activités confondues de banque et d’assurance, tout type d’acteurs confondus (25). La confiance n’excluant pas le contrôle, chaque OAR est chargé de contrôler annuellement les bonnes pratiques de ses membres gérants de fortunes, en opérant au cours d’une journée quelques sondes dans les dossiers clients. Le droit suisse semble à cet égard avoir échappé à la tendance européenne consumériste, consumérisme dont le principe est de considérer la préexistence d’un rapport de force entre le client et son conseiller. La France semble se situer à mi-chemin, n’ayant pas ou peu connu les dérives anglaises du fait d’un marché très structuré, mais n’ayant jamais travaillé sur la reconnaissance d’un véritable statut unifié du conseiller patrimonial. De ce fait, ce dernier se trouve soumis à divers textes dont la cohérence est parfois délicate à trouver. La proposition faite ci-dessous de mandat cadre tend néanmoins à introduire une sorte de « Meilleure pratique », renforçant ainsi à la fois le professionnalisme et la confiance nécessaire à l’exercice de ce métier. En décrivant précisément les processus mis en place au sein de l’entreprise, en énonçant les conflits d’intérêts un par un, et les méthodes mises en place pour en limiter la portée, le mandat d’arbitrages ainsi pensé, met à distance une partie du formalisme galopant décrié par la pratique autant que par une clientèle noyée sous la documentation. En contractualisant les objectifs financiers et les modalités opératoires, le mandat permet ainsi de replacer les valeurs de la profession si bien décrites en Suisse (Fidélité, Loyauté, Diligence), au cœur d’une relation de confiance.
25. Rapport d’activité FINMA 2016.
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2. Proposition de rédaction d’acte MANDAT D’ARBITRAGES Entre (…) Ci-après dénommé(e) « le Mandant », Et La société (…), SARL (SA, SAS, etc.) au capital de X €, dont le siège social est à (…), représentée par (…), dûment habilité aux fins du présent acte en qualité de gérant. Ci-après dénommée « Le Mandataire », Préambule Le Mandant a souscrit auprès de différentes compagnies d’assurance les contrats d’assurance-vie ou contrats de capitalisation qui suivent, par l’intermédiaire du Mandataire en sa qualité de courtier d’assurance : 1) contrat n° 00000000 ouvert auprès de la compagnie X ; 2) contrat n° 00000000 ouvert auprès de la compagnie Y. Ci-après dénommés « les Contrats », Il a été convenu ce qui suit : Aux termes du présent mandat, le Mandant conclut avec le Mandataire une procuration s’appuyant sur les dispositions des articles 1984 et suivants du Code Civil, conformément aux dispositions ci-après. Article I – Objet Le présent mandat s’applique aux contrats d’assurance-vie ou de capitalisation cités ci-dessus, le Mandataire en étant par ailleurs courtier. Le Mandant donne pouvoir au Mandataire, d’effectuer en son nom et pour son compte, dans le respect des Conditions Générales des Contrats visés ci-dessus : – La sélection des différents supports d’investissement, et l’arbitrage permettant de réaliser l’allocation d’actifs calculée selon les modalités ci-après définies (délégation + service d’allocation). Article 2 – Orientation de gestion Pour la réalisation des opérations d’arbitrage que lui confie le Mandant, le Mandataire s’engage à respecter l’orientation de gestion financière telle qu’elle résulte du profil de risque, et du profil d’investissement ci-après annexés. Annexe 1 Le respect de l’orientation de gestion s’entend de manière globale, et non pas fonds par fonds. La présence de certains fonds comportant des risques supérieurs aux tolérances du client pourra ainsi arriver, sous réserve que leur pondération dans l’allocation globale ne remette pas en cause le profil de risque. Article 3 – Sélection des supports d’investissement et opérations d’arbitrage autorisées Article 3.1 – Service d’allocation d’actifs et d’arbitrages Dans le cadre de ce mandat d’arbitrage, le Mandant autorise le Mandataire à sélectionner les différents supports d’investissement et à exécuter de sa propre initiative, sans consultation préalable, toute opération d’arbitrage entre les différents supports des Contrats, dans la limite toutefois du nombre d’arbitrages délégués maximal éventuellement imposé par chaque compagnie d’assurance, ce nombre étant fixé dans les conventions de mandat d’arbitrage annexes propres à chaque compagnie. Article 3.2 – Opérations d’arbitrage effectuées par le Mandant Le Mandant s’interdit tout arbitrage personnel. Néanmoins et pour le cas où il effectuerait un arbitrage directement et sans en informer le Mandataire, ce dernier ne pourra être tenu responsable des conséquences dudit arbitrage, ni d’une réallocation nouvelle qui serait faite pour rétablir l’intégrité du processus d’allocation.
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Article 4 – Processus d’allocation d’actifs Le processus d’allocation d’actifs s’articule en plusieurs phases successives, permettant de rationaliser l’ensemble des décisions. 4.1 Exposé du processus d’allocation Première phase : (…) Seconde phase : (…) Troisième phase (quantitative) : (…) Une fois la troisième phase devenue définitive, il est procédé à l’établissement des bulletins d’arbitrages et au passage des ordres. 4.2 Rotation de l’allocation (exemples) Les arbitrages peuvent avoir lieu pour les deux séries de raisons suivantes : – modification de la pondération des classes d’actifs : • cette modification peut être commandée pour des raisons macro-économiques ; • cette modification peut être commandée par la nécessité de maintenir une volatilité cible correspondant au profil de risque et d’investissement défini ; – modification des fonds : • cette modification résulte du classement des OPC dans une classe d’actifs. Elle peut résulter de la dégradation trop importante d’un fonds par rapport aux autres de la même classe d’actifs ; • cette modification peut également résulter d’opportunités macro-économiques. 4.3 Assiette de l’allocation (exemples) L’allocation d’actifs a lieu de s’appliquer à la globalité des actifs détenus au sein des contrats d’assurance-vie et s’applique indépendamment contrat par contrat. Néanmoins, dans un certain nombre de cas, le processus d’allocation d’actifs pourra avoir une assiette partielle seulement. Il en ira ainsi notamment dans les cas suivants, sans que la liste ci-dessous soit exhaustive : – présence de SCPI/SCI/OPCI : ces titres ont une vocation à être conservés sur un long terme, sauf constatation d’une plus-value importante et d’un rendement décroissant ; – présence de Fonds structurés : les produits structurés correspondent à des stratégies particulières et spécifiques, généralement fonction d’opportunités de marché. Ces produits contiennent eux-mêmes leur propre logique de dénouement. Le plus souvent, aucun arbitrage ne doit avoir lieu sur ces éléments ; – présence de fonds datés : les fonds datés sont des fonds obligataires ne pouvant être souscrits que sur une certaine période, et dont la clôture est également prévue. L’arbitrage de sortie de ces fonds est commandé par les ratios de rentabilité restant à attendre avant la période de dénouement. Leur arbitrage ne peut ainsi rentrer dans la logique précédemment exposée. 4.4 Périodicité (exemples) Les arbitrages peuvent être déclenchés de la manière suivante : – à échéance régulière (expliquer à quelles échéances et pourquoi, en fonction du processus d’allocation) ; – sur opportunité : il s’agit de l’hypothèse dans laquelle une analyse macro-économique particulière commanderait une action ponctuelle, principalement de protection contre un risque de marché. 4.5 Conservation des décisions Chaque décision d’arbitrage fait l’objet d’une note écrite. Elle est conservée par le Mandataire et peut être demandée à tout moment par le Mandant. 4.6 Modification du processus d’allocation En cas de modification du processus d’allocation d’actifs, le mandataire s’engage à en informer le mandant dans les meilleurs délais possibles. Article 5 – Délais d’exécution Le Mandataire informe le Mandant que des délais de traitement des arbitrages peuvent avoir lieu, principalement pour les causes suivantes : – nécessité de validation des décisions et de préparation des documents d’arbitrage ; – méthodologie de transmission des ordres aux compagnies d’assurance ; – passage d’ordre par la compagnie elle-même en cours inconnu, le plus souvent en J+1 ; – dates de valorisation de certains fonds d’investissement. Quelques jours peuvent ainsi séparer une décision d’arbitrage de son exécution finale. Le Mandant déclare avoir conscience de ces délais éventuels et ne pourra rechercher la responsabilité du Mandataire pour cette cause. Le Mandataire s’engage à mettre tout en œuvre pour traiter les arbitrages dans les meilleurs délais.
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Chroniques
I.B. Régulation comparée
Article 6 – Responsabilité du Mandataire Le Mandant reconnaît avoir pleine connaissance de l’étendue des risques financiers pouvant découler de l’exécution des opérations d’arbitrage faisant l’objet du présent mandat. Le Mandant reconnaît, en particulier, avoir été informé qu’il supporte intégralement les risques liés aux opérations d’arbitrage réalisées par le Mandataire en exécution du présent mandat et notamment les risques en capital. Le Mandant reconnaît, en effet, avoir été informé que la valeur de ses supports d’investissements n’est pas garantie, mais est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse, dépendant en particulier de l’évolution des marchés financiers. Le Mandataire s’engage à mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne réalisation de son mandat. Le Mandataire n’est pas tenu à une obligation de résultat. Article 7 – Intervention des Compagnies d’assurance – Responsabilité Le Mandant et le Mandataire dégagent, en toute hypothèse, les Compagnies d’assurance, de manière totale et irrévocable, de toute responsabilité relative au bien-fondé de l’opération d’arbitrage qu’elles seront amenées à effectuer sur instruction du Mandataire. Les Compagnies d’assurance demeurent, en effet, étrangères à la relation contractuelle entre le Mandant et le Mandataire et ne peuvent être tenues de procéder à une quelconque vérification du bien-fondé et de l’opportunité de la demande d’arbitrage émanant du Mandataire. Article 8 – Prise d’effet – Durée 8.1 Effet du mandat Le présent mandat prend effet à compter du __/__/____ pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Si des évolutions législatives ou réglementaires interviennent, le Mandataire peut être amené à modifier le Mandat. Le Mandataire informera préalablement le Mandant de la modification. 8.2 Fin du mandat 8.2.1 Par la volonté des parties La fin du Mandat, à l’initiative du Mandant ou du Mandataire, devra être signifiée par une lettre recommandée avec avis de réception, en respectant un préavis d’un mois. À défaut, la cession de mandat sera inopposable au Mandataire. Le Mandataire pourra cependant prendre acte de toute demande reçue par d’autres voies que celles du recommandé. La fin du Mandat, à l’initiative du Mandataire ou du Mandant, prend effet le mois suivant la date de signature de l’avis de réception, après qu’un délai de 30 jours se soit écoulé. Dans tous les cas, la résiliation devra également être notifiée par la partie à l’initiative de la résiliation, aux Compagnies d’assurance par une lettre recommandée avec avis de réception. À défaut, conformément à l’article 2005 du Code civil, cette cessation de mandat serait inopposable aux Compagnies d’assurance. Le Mandataire s’interdit, en toute hypothèse, de donner instruction aux Compagnies d’assurance d’effectuer toute opération d’arbitrage à compter de la date d’effet de la résiliation du présent mandat. 8.2.3 Résiliation par cause de décès, tutelle, curatelle Le Mandat est résilié de plein droit pour cause de décès, mise sous tutelle ou curatelle. Article 9 – Responsabilité du Mandataire Le Mandataire s’engage à mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution du présent mandat. Il est rappelé que le Mandataire n’est tenu qu’à une obligation de moyens et que le Mandant supporte seul les conséquences des opérations effectuées en application du Mandat. Article 10 – Autorisation du Mandant Le Mandant autorise le Mandataire à transmettre aux compagnies d’assurances visées la copie de la présente procuration, pour qu’elle lui soit opposable. Article 11 – Effets de la révocation À compter de la date d’effet de la révocation, le Mandataire s’interdit toute opération de réorientation de l’épargne dans le cadre du présent Mandat. Article 12 – Rémunération du Mandataire Le présent mandat est conclu à titre gratuit, conformément au principe fixé à l’article 1986 du Code civil. Le Mandataire rappelle toutefois au Mandant, qu’il est rémunéré au titre du courtage, par une quote-part des frais de gestion du ou des contrats d’assurance ainsi que par une quote-part des frais de gestion des OPC sélectionnées. 2018/1
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Chroniques
I. Régulation financière
Le Mandataire rappelle également qu’il est rémunéré sur une partie des frais d’arbitrage. Cette rémunération est expliquée dans les conditions générales de chaque contrat d’assurance. Article 13 – Politique de limitation des conflits d’intérêts 13.1 Conflits d’intérêts 13.1.1 Frais de gestion des unités de compte Énoncé du conflit S’agissant des réversions d’une quote-part des frais de gestion sur les unités de compte, le montant des frais de gestion ainsi que la quote-part reversée dépendant de chaque unité de compte, le Mandataire pourrait avoir intérêt à ne sélectionner que les unités de comptes sur lesquelles son commissionnement est le plus important. 13.1.2 Frais d’arbitrage Énoncé du conflit S’agissant de la rémunération sur frais d’arbitrages, le Mandataire pourrait avoir un intérêt à opérer des arbitrages non motivés par l’intérêt financier du client. 13.1.3 Utilisation du fonds X Énoncé du conflit S’agissant de la sélection du fonds X, le Mandataire a un intérêt indirect à utiliser ce fonds, à la fois pour en avoir conçu le cahier des charges, pour en être le promoteur principal et pour bénéficier d’une convention particulière de distribution. 13.2 Politique de prévention et limitation des conflits d’intérêts 13.2.1 Limitation des conflits d’intérêts par un processus d’allocation d’actifs + Le Mandataire a élaboré un processus d’allocation d’actifs (rappel du procédé). Le processus employé réduit en lui-même le conflit d’intérêt inhérent au Mandat. 13.2.2 Limitation spécifique des conflits liés aux frais de gestion (exemple) + Dans un esprit de transparence, le Mandataire tient à la disposition du Mandant la grille de rétrocession des frais de gestion des diverses unités de compte. + Le Mandataire dispose d’outils informatiques lui permettant de comparer les performances passées des unités de comptes. Le choix de celles-ci est fait essentiellement par croisement de ces données statistiques et par la confrontation aux discours tenus par les sociétés de gestion gérant les unités de compte en question. Enfin, la sélection peut également résulter du fait d’un souci de cohérence entre différents contrats d’assurance ne référençant pas les mêmes unités de compte. 13.2.3 Limitation spécifique des conflits liés aux frais d’arbitrage (exemples) + Les compagnies fixent généralement des limites au nombre d’arbitrages annuels, permettant de fournir une première réponse à une rotation trop importante des unités de comptes. Cette limite pousse naturellement à mesurer la pertinence de l’arbitrage effectué. + À l’initiative de certains partenaires (liste), une nouvelle politique de tarification a été convenue visant à supprimer les frais d’arbitrage sous la condition de voir les frais de gestion majorés d’un maximum de 1 %. Cette solution est proposée à nos clients qui le souhaitent. + Le Mandataire s’engage à tenir à disposition du Mandant, à tout moment, un arrêté des comptes et la motivation des arbitrages effectués. Cette motivation est commandée par la tenue régulière de réunions avec les sociétés de gestion, par la réception de rapports écrits de sociétés de gestion et par la réception régulière d’informations concernant les grands flux financiers et les meilleures performances des fonds. Fait en deux (2) exemplaires À …………………………………………………………………… le……………………………………………………………
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II. Régulation bancaire Chronique sous la direction de Anne-Claire Rouaud & Agrégée des facultés de droit Professeur à l’Université de Reims Champagne-Ardenne Directrice du CEJESCO
Sébastien Adalid
Professeur à l’Université Le Havre Normandie (Normandie Univ, UNIHAVRE, LexFEIM
Avec la collaboration de
Mathieu Combet
Maître de conférences en droit privé Faculté de droit – Université Jean Monnet de Saint-Etienne Membre du CERCRID UMR-CNRS 5137
&
Mamadou B. Dembélé
Docteur en Droit privé Enseignant-chercheur à la Faculté de Droit privé de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako
Au plan européen, ce numéro de la chronique de Régulation bancaire présente et analyse trois décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne en 2017 concernant les clauses abusives dans les contrats bancaires et financiers tels les prêts libellés en devises étrangères, dans lesquelles la Cour apporte des précisions sur le champ d’application de la directive 93/13 ainsi que sur l’office du juge et l’appréciation du caractère abusif des clauses. En droit comparé, ce numéro offre une étude sur le secret bancaire et son articulation avec l’ordre public dans l’espace UMOA (Union Monétaire Ouest Africaine), à travers l’exemple du Mali.
At the european level, this issue presents and discusses three judgments of the Court of Justice of the European Union from 2017 regarding unfair terms in banking and financial contracts such as foreign currency loans, in which the Court provides clarification on the scope of the 93/13/EEC Directive and on the role of the judge. In a comparative perspective, this issue offers a view on bank secret and how it relates with public policy in the West African Monetary Union and in particular in Mali.
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Chroniques
II. Régulation bancaire
II.A. Régulation européenne CHRONIQUE SUR LES CLAUSES ABUSIVES DANS LES CONTRATS BANCAIRES ET FINANCIERS
Mathieu Combet
Maître de conférences en droit privé Faculté de droit – Université Jean Monnet de Saint-Etienne Membre du CERCRID UMR-CNRS 5137
sante qui sera juste mentionnée est l’affaire Bachman du 27 avril 2017 (4) qui a été l’occasion pour la Cour de justice de se prononcer à nouveau sur la notion de consommateur. En effet, la Cour a reconnu dans son ordonnance qu’« une personne physique qui, à la suite d’une novation, s’est engagée, par contrat, envers un établissement de crédit, à rembourser des crédits initialement accordés à une société commerciale aux fins de son activité, peut être considérée comme un consommateur ».
Cette nouvelle chronique sur les clauses abusives dans les contrats bancaires et financiers se propose d’analyser la législation et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur une année. Les arrêts et les textes retenus pour cette période (janvier-décembre 2017) témoignent de l’importance de la matière et de l’actualité des questions traitées par le droit européen des contrats. Si la protection du consommateur constitue un objectif énoncé par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (art. 169 TFUE), la jurisprudence portant sur les clauses abusives dans les contrats montre qu’il s’agit d’un enjeu majeur dans l’avènement d’un véritable marché intérieur. Certains arrêts rendus par la Cour de justice ont pu avoir pour effet de limiter l’exercice de certaines compétences nationales, la jurisprudence étudiée dans cette chronique semble montrer une stabilisation de celle-ci.
L’arrêt Banco Primus rendu le 26 janvier 2017 a été l’occasion pour la Cour de justice de réaffirmer sa jurisprudence selon laquelle la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (5) a pour objectif d’assurer une protection effective des droits des consommateurs qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels. De facture classique, cette affaire a été l’occasion pour la Cour de justice de réaffirmer les grands principes qui régissent les contrats européens.
Trois affaires ont retenu notre attention pour cette chronique. L’arrêt Banco Primus du 26 janvier 2017 (1) permet à la Cour de justice de rappeler les grands principes qui régissent l’office du juge dans le cadre de contrats contenant des clauses abusives et les critères permettant de déterminer le caractère abusif de celles-ci. La Cour de justice s’est également prononcée sur la problématique des contrats de crédits libellés en devises étrangères avec l’affaire Andriciuc e.a. du 20 septembre 2017 (2). Enfin, l’affaire Banco Santander du 7 décembre 2017 (3) permet à la Cour de justice de déterminer l’étendue de la protection accordée aux consommateurs dans le cadre d’une procédure portant sur l’exercice de droits réels acquis à la suite de l’exécution d’une garantie hypothécaire. Autre affaire intéres-
Le litige portait sur un prêt immobilier assorti d’une hypothèque. Suite à des incidents de paiement, le prêteur a demandé le paiement intégral du capital restant dû, des intérêts ordinaires et moratoires. L’emprunteur étant dans l’incapacité de rembourser les sommes réclamées, le prêteur a fait procéder à la vente du bien aux enchères qui, faute d’acquéreur, a acquis lui-même le bien pour 50 % de la valeur estimée de celui-ci. Par conséquent, le prêteur a demandé à entrer en jouissance du bien sans y parvenir en raison de plusieurs incidents portant sur le caractère abusif d’une clause contenue dans le contrat, suspendant la procédure d’expulsion. Si l’emprunteur a formé opposition à la procédure judiciaire d’expulsion, c’est sur un plan procédural que la Cour de justice est saisie.
C.J.U.E., 21 janvier 2017, Banco Primus, aff. C-421/14, ECLI:EU:C:2017:60 ; E. Daniel, « Clauses abusives », Europe, n° 3, mars 2017, comm. 118. 2. C.J.U.E., 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., aff. C-186/16, ECLI:EU:C:2017:703. 3. C.J.U.E., 7 décembre 2017, Banco Santander, aff. C-598/15, ECLI:EU:C:2017:945. 1.
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I. Office du juge et appréciation de la clause
La juridiction de renvoi s’interrogeait, dans un premier temps, sur la compatibilité de la loi nationale avec la directive 93/13. Dans un deuxième temps, la juridic4. C.J.U.E., ord., 27 avril 2017, aff. 535/16, ECLI:EU: C:2017:321. 5. J.O., n° L 95, 1993, p. 29.
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tion se demandait si, dans une procédure d’exécution hypothécaire complexe, la directive 93/13 l’obligeait, en dépit de la loi nationale, à procéder à un examen d’office des clauses d’un contrat qui a déjà fait l’objet d’un tel examen dans le cadre d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. Enfin, et dans un troisième temps, cette juridiction cherchait également à obtenir des précisions quant aux critères d’appréciation du caractère abusif des clauses du contrat en cause au principal, et aux conséquences à tirer de ce caractère abusif. Partant, la Cour de justice devait se prononcer sur un problème d’application de loi dans le temps. En effet, le droit national imposait un délai de forclusion d’un mois, calculé à partir du jour suivant la publication de la loi. Or, en l’espèce la procédure de saisie hypothécaire avait été ouverte mais n’avait pas été clôturée avant la date d’entrée en vigueur de cette loi. Il s’agissait donc de déterminer si la directive 93/13 s’opposait à une disposition de droit national qui soumet l’exercice par les consommateurs de leur droit d’opposition à cette procédure d’exécution forcée sur le fondement du caractère prétendument abusif de clauses contractuelles. La Cour de justice rappelle que cette question avait déjà été examinée dans l’affaire BBVA de 2015 et qu’elle avait déjà sanctionné la disposition nationale en cause sur ce point (6). Le problème était de savoir si la directive 93/13 s’opposait à une règle nationale qui lui interdisait d’examiner d’office certaines clauses d’un contrat qui avaient déjà fait l’objet d’un examen juridictionnel clôturé par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée. Après avoir rappelé les enjeux que présente la protection des consommateurs au sein du marché intérieur, la Cour de justice rappelle les principes qui régissent l’office du juge national en matière de clauses abusives. Faut-il faire primer les règles procédurales internes ou la primauté du droit de l’Union européenne ? La réponse apportée par la Cour de justice n’est pas surprenante et doit être approuvée bien qu’elle procède une nouvelle fois à un débordement du droit de l’Union européenne sur l’exercice des compétences nationales. Pour ce faire, la Cour rappelle sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle « le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet » (7). Or l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Il s’agit effectivement d’une disposition impérative qui tend à substituer à 6. C.J.U.E., 25 octobre 2015, aff. C-8/14, EU:C:2015:731. 7. Point 43. En ce sens, C.J.U.E., 14 mars 2013, Aziz, aff. C-415/11, EU:C:2013:164, point 46 ; C.J.U.E., 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., aff. C-154/15, C-307/15 et C-308/15, EU:C:2016:980, point 58. 2018/1
l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers. Pour la Cour de justice, cette disposition « doit être considérée comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public » (8). Il fallait donc déterminer si le juge national pouvait revenir sur une décision dotée de l’autorité de la chose jugée. Sur ce point, la Cour de justice a toujours reconnu l’importance que revêt le principe de l’autorité de la chose jugée. Elle avait déjà admis dans les arrêts Reynier et Erba de 1964 (9) et Kapferer de 2006 (10) que ce principe permettait de « garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, [et qu’]il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour l’exercice de ces recours ne puissent plus être remises en cause » (11). Pour la Cour de justice, le droit de l’Union ne peut pas imposer à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation d’une disposition, quelle qu’en soit la nature, contenue dans la directive 93/13 (12). Cette conception traditionnelle du principe de l’autorité de la chose jugée vise à le considérer comme ayant un caractère d’ordre public (13). Cependant, la Cour de justice considère également que le droit procédural national ne peut pas porter atteinte à la substance du droit que les consommateurs tirent du droit de l’Union et par conséquent, ils ne peuvent pas être liés par une clause réputée abusive (14). C’est la raison pour laquelle la Cour de justice considère qu’il revient à la juridiction nationale d’apprécier les clauses qui n’ont pas fait l’objet d’un contrôle dans une décision dotée de l’autorité de la chose jugée puisqu’« en l’absence d’un tel contrôle, la protection du consommateur se révélerait incomplète et insuffisante et ne constituerait un moyen ni adéquat ni efficace pour faire cesser l’utilisation de ce type de clauses, contrairement à ce que prévoit l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 » (15). 8. Point 42. 9. C.J.C.E., 9 juillet 1964, Reynier et Erba, aff. 9/63 et 82/63. 10. C.J.C.E., 16 mars 2006, Kapferer, aff. C-234/04, ECLI:EU:C:2006:178. 11. Point 46. 12. C.J.C.E., 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, aff. C-40/08, EU:C:2009:615, point 37, et C.J.U.E., 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., aff. jtes C-154/15, C-307/15 et C-308/15, EU:C:2016:980, point 68. 13. C. Nourissat, « L’autorité de la chose jugée des décisions de la C.J.C.E. », Procédures, n° 8‑9, août 2007, étude 20. 14. Point 51. 15. Point 53.
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Chroniques
II.A. Régulation européenne
Chroniques
II. Régulation bancaire
La Cour de justice était interrogée plus précisément sur l’interprétation de la notion de « clause abusive ». Effectivement, la juridiction de renvoi chercherait à obtenir des précisions sur les critères à prendre en compte afin d’apprécier l’éventuel caractère abusif de clauses telles que celles en cause au principal, portant sur le calcul des intérêts ordinaires et sur la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée. Elle commence son raisonnement en rappelant que la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui permettent d’établir les caractères abusifs d’une clause (16). Ainsi, elle procède à une analyse assez poussée de la notion de « déséquilibre significatif » qui permet d’établir qu’une clause est abusive. C’est alors qu’elle donne des indications assez précises afin d’établir si une clause crée un tel déséquilibre. Ainsi, elle rappelle qu’il faut tenir compte des règles applicables en droit national. Pour ce faire, il revient au juge de déterminer si le consommateur se trouve dans une situation moins favorable que celle prévue par le droit national et d’apprécier les moyens qui sont offerts au consommateur (17). La Cour va également rappeler les circonstances dans lesquelles un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi » conformément à la directive 93/13. Sur ce point, il s’agit d’apprécier le comportement du professionnel afin de déterminer s’il a traité le consommateur de manière loyale et équitable (18). En outre, elle avait déjà admis dans les affaires Kásler et Káslerné Rábai de 2014 (19) et Bucura de 2015 (20) qu’une clause qui portait, d’une part, sur l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération et, d’autre part, sur les services ou les biens à fournir en contrepartie ne pouvait échapper au contrôle du juge que si elles avaient été rédigées de façon claire et compréhensible. Au regard de ces éléments, la Cour estime que la clause relative au calcul des intérêts ordinaires doit être appréciée par la juridiction nationale afin d’elle détermine si elle ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment d’un consommateur dans la mesure où elle n’était pas rédigée de façon claire et compréhensible (21). Mais elle ne s’arrête pas là puisqu’elle va concrètement expliquer comment cette clause doit être interprétée. En effet, elle considère que la juridiction de renvoi « devra » apprécier « le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le montant effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et le taux d’intérêt légal ainsi que les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la 16. Point 58. 17. Point 59. 18. Point 60. 19. C.J.U.E., 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, aff. C-26/13, EU:C:2014:282, point 41. 20. C.J.U.E., 9 juillet 2015, Bucura, aff. C-348/14, EU:C:2015:447, point 50. 21. Point 64. 60
date de la conclusion du contrat en cause au principal pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux du contrat de prêt considéré » (22). D’ailleurs, la juridiction nationale devra déterminer si le fait de calculer les intérêts sur une année de 360 jours, au lieu de l’année civile de 365 jours, est susceptible de conférer à ladite clause un caractère abusif (23). Pour ce qui est de la clause portant sur la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, la Cour de justice va adopter la même méthode. Selon elle, il faut que la juridiction nationale établisse la place de la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dans le rapport contractuel, mais aussi si cette faculté est prévue pour « les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt » et enfin si cette faculté « déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national confère au consommateur des moyens adéquats et efficaces lui permettant, lorsque celui-ci est soumis à l’application d’une telle clause, de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt » (24). En se prononçant de la sorte, la Cour de justice laisse en réalité très peu de marge de manœuvre à la juridiction nationale. Ceci est d’autant plus vrai qu’elle souhaite s’assurer de la bonne application du droit de l’Union européenne. En effet, dans la mesure où certaines notions ne sont pas clairement définies, la Cour offre aux juridictions nationales une grille de lecture précise des dispositions de la directive 93/13 s’assurant une application uniforme de celle-ci. Il revenait à la Cour de se prononcer sur la nullité d’une clause et de l’écarter lorsque, dans les faits, le professionnel ne l’a pas appliquée, mais a respecté les conditions prévues par cette disposition de droit national. Depuis l’arrêt Asturcom de 2009, le juge national est tenu d’apprécier le caractère abusif d’une clause qui entre dans le champ d’application de la directive (25). En l’espèce, la Cour estime que cette clause entre bien dans le champ d’application de celle-ci (26). Or, la question était de savoir si le juge devait écarter cette clause 22. Point 65. 23. Ibid., in fine. 24. Point 66. 25. C.J.C.E., 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones SL / Rodríguez Nogueira, aff. C-40/08, ECLI:EU:C:2009:615. En effet, la Cour de justice rappelle clairement dans une formule constante que « le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet » (C.J.U.E., 14 mars 2013, Aziz, aff. C-415/11, EU:C:2013:164, point 46). 26. Point 70.
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alors qu’elle n’avait pas été utilisée dans les faits. Au regard de l’importance que constitue la protection du consommateur qui se trouve nécessairement dans une situation d’infériorité, le juge doit pouvoir supprimer une clause puisque les États doivent mettre en place des moyens appropriés pour assurer cette protection. D’ailleurs, la Cour avait déjà admis dans l’affaire Banco Bilbao Vizcaya Argentaria de 2015 que « les prérogatives du juge national constatant la présence d’une “clause abusive”, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ne sauraient dépendre de l’application ou non dans les faits de cette clause » (27). C’est la raison pour laquelle la Cour estime que la « circonstance que cette clause n’a pas été exécutée ne saurait, en soi, faire obstacle à ce que le juge national tire toutes les conséquences du caractère abusif de ladite clause » (28). Sur ce point, la Cour va suivre les conclusions de son avocat général qui avait considéré que le fait de lancer « la procédure de saisie hypothécaire qu’après le défaut de paiement de sept mensualités, et non, comme la clause 6bis du contrat en cause au principal le prévoit, à la suite de tout impayé, ne saurait exempter le juge national de son obligation de tirer toutes les conséquences du caractère éventuellement abusif de cette clause » (29). Par conséquent, une telle clause doit être déclarée nulle et être écartée.
II. Prêts libellés en devises étrangères L’affaire Andriciuc e.a. du 21 septembre 2017 a permis à la Cour de justice de se prononcer sur un contentieux particulièrement nourri qui porte sur des contrats de prêt libellés en devises étrangères. En l’espèce, il s’agissait d’emprunteurs roumains qui avaient souscrit à différents crédits immobiliers, de refinancement ou à la consommation, octroyés et remboursables en franc suisse. Suite à une hausse du franc suisse par rapport à la monnaie roumaine, les charges liées à ces prêts avaient presque doublé. Partant, les emprunteurs estimaient que les clauses qui prévoyaient le remboursement des prêts en franc suisse étaient abusives puisqu’elles avaient fait peser sur eux le risque de change. Par conséquent, ces clauses devaient être déclarées comme nulles. Ayant été déboutés de leurs demandes en première instance, les emprunteurs ont fait un recours devant la juridiction d’appel qui a décidé de surseoir à statuer afin de saisir la Cour de justice dans le cadre d’une question préjudicielle. La juridiction de renvoi souhaitait savoir si le déséquilibre significatif qu’une clause abusive crée entre les droits et les obligations 27. C.J.U.E., ord., 11 juin 2015, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, aff. C-602/13, EU:C:2015:397, point 50. 28. Point 73. 29. Concl. av. gén. M. Szpunar, 2 février 2016, aff. 421/14, ECLI:EU:C:2016:69, point 85. 2018/1
des parties découlant du contrat, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, devait être examiné uniquement au moment de la conclusion de ce contrat. Deux autres questions portaient sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. La première portait sur les notions d’« objet principal du contrat » ou d’« adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part ». La juridiction nationale souhaitait savoir si ces notions couvraient une clause insérée dans un contrat de crédit conclu dans une devise étrangère entre un professionnel et un consommateur sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, aux termes de laquelle le crédit doit être remboursé dans cette même devise. La seconde question portant sur cette disposition concernait le point de savoir si cette même clause qui devait être rédigée de manière claire et compréhensible impliquait que celle-ci devait uniquement indiquer les raisons de son inclusion dans le contrat et la manière dont elle était mise en œuvre, ou si au contraire elle devait également mentionner toutes les conséquences qu’elle était susceptible d’avoir sur le prix payé par le consommateur. Ainsi, il fallait déterminer également si le prêteur devait seulement informer l’emprunteur des conditions de crédit ou si l’éventuelle hausse ou dépréciation du cours d’une devise étrangère relevait de cette obligation. Après s’être prononcée sur la recevabilité du renvoi, la Cour procède à une analyse assez poussée des questions. Reprenant sa jurisprudence Kásler et Káslerné Rábai de 2014, la Cour rappelle que cette obligation de remboursement dans une devise étrangère fait partie de l’« objet principal du contrat » à condition que cette clause fixe une prestation essentielle dudit contrat de prêt (30). Déjà l’avocat général Wahl, dans ses conclusions sur cette affaire, avait clairement expliqué cela (31). Selon lui, deux éléments permettent d’établir le caractère essentiel de cette obligation. D’une part, les contrats de prêt en devise étrangère en cause dans l’affaire au principal se voient généralement appliquer un taux d’intérêt plus bas que ceux en monnaie nationale, en contrepartie précisément du « risque de change » qu’ils peuvent induire en cas de dévaluation de la monnaie nationale et, d’autre part, la banque a concrètement accordé les prêts en franc suisse et est donc en droit d’obtenir les remboursements de ces prêts dans la même devise (32). Ainsi, pour la Cour de justice, le fait d’imposer au débiteur de procéder au remboursement dans une devise étrangère constitue bien « un élément essentiel 30. C.J.U.E., 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, aff. C-26/13, EU:C:2014:282, point 59. 31. Concl. av. gén. N. Wahl, 27 avril 2017, aff. C-186/16, ECLI:EU:C:2017:313, points 46 et s. 32. Points 49 et 50.
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II.A. Régulation européenne
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II. Régulation bancaire
du contrat » (33). Elle précise tout de même que cette clause ne pourra « pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu’elle soit rédigée de façon claire et compréhensible » (34). En ce qui concerne la seconde question qui portait sur le niveau d’information de l’emprunteur, la Cour de justice rappelle que le consommateur est dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel et que le professionnel se doit donc de rédiger des clauses claires et compréhensibles. Pour la Cour, cette obligation à l’égard du professionnel constitue également une exigence de transparence qui « doit être entendue de manière extensive » (35). Partant, le professionnel ne doit pas s’assurer uniquement que la clause respecte des conditions formelles et grammaticales. Il doit s’assurer que le consommateur comprenne sur la base de critères « précis et intelligibles » (36) les conséquences économiques dans la mise en œuvre d’une telle clause. Pour l’avocat général, cela impose au professionnel de « tenir compte du niveau d’attention pouvant être attendu d’un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (37). Ainsi, ce consommateur moyen doit être en mesure de comprendre les conséquences économiques d’une telle clause au regard des informations qu’il a reçues. En d’autres termes, il doit comprendre qu’une hausse ou une dépréciation de la devise étrangère peut avoir « des conséquences économiques potentiellement significatives » (38). Partant, l’indexation sur une monnaie étrangère constitue incontestablement une caractéristique essentielle du contrat. En adoptant une telle position, la Cour de justice offre une excellente grille de lecture de ces clauses aux juridictions nationales qui font face à un contentieux nourri sur les prêts libellés dans une devise étrangère comme c’est le cas de la France (39). Certes, si le contentieux français porte sur des prêts en franc suisse remboursables en euro, un parallèle peut être tout de même fait en raison des risques de change qui sont supportés dans tous les cas par le consommateur. C’est la raison pour laquelle l’analyse de ce type de clause repose sur les informations qui sont délivrées au consommateur puisque celles-ci devront être « suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause » (40). Enfin, la dernière question portait sur l’éventuel déséquilibre significatif existant entre les droits et les obligations du consommateur et du professionnel et s’il devait être apprécié uniquement au moment de 33. Point 38. 34. Point 41. 35. Point 44. 36. Point 45. 37. Point 63. 38. Point 51. 39. Voy. not. : Cass. 1re civ., 29 mars 2017, n° 15‑27.231 et Cass. 1re civ., 29 mars 2017, n° 16‑13.050. 40. Point 51. 62
la conclusion du contrat. Conformément à son arrêt Bucura de 2015, la Cour rappelle que le juge national doit tenir compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat tout en se référant au moment de la conclusion du contrat à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion (41). La Cour précise que cette appréciation doit tenir compte de l’ensemble des circonstances qui entourent la conclusion de celui-ci. Pour autant, elle précise également qu’il reviendra à la juridiction nationale d’apprécier, d’une part, « l’expertise et les connaissances du professionnel (…) en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère » et, d’autre part, « l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif ». D’ailleurs, elle précise, conformément à sa jurisprudence Aziz de 2013, qu’au-delà de cette exigence de bonne foi qui incombe au professionnel de traiter « de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle » (42). On retrouve ici cette volonté de la Cour de justice de rétablir un équilibre réel entre le consommateur et le professionnel alors même que le rapport contractuel est parfaitement juste sur un plan formel. Une fois de plus, la Cour montre une volonté d’assurer aux consommateurs un exercice effectif des droits qu’ils tirent du droit de l’Union européenne.
III. Clause abusive et droits réels L’affaire Banco Santander de 2017 concernait une emprunteuse qui avait conclu un prêt immobilier assorti d’une garantie hypothécaire. Par la suite, le prêteur fait jouer la garantie et la procédure s’est achevée par la vente du bien qui a acquis le bien pour près de la moitié de sa valeur évaluée dans la garantie. Par la suite, le créancier a fait une demande en vue de l’obtention d’une décision ordonnant la « mise en possession » du logement en cause à son profit et l’expulsion de l’emprunteur en raison de son titre obtenu dans le cadre d’une procédure extrajudiciaire d’exécution de la garantie hypothécaire. Or, l’emprunteuse ne s’est pas présentée devant la juridiction de renvoi doutant de la compatibilité des dispositions de droit national organisant la procédure extrajudiciaire d’exécution de la garantie hypothécaire ainsi que de la procédure de « mise en possession » avec la directive 93/13. Par ailleurs, selon le droit national, le juge national est compétent dans le cadre de ces procédures pour déclarer d’office ou sur demande d’une partie le caractère abusif d’une clause figurant dans le contrat de prêt dont l’hypothèque a été réalisée. 41. Point 53. 42. C.J.U.E., 14 mars 2013, Aziz, préc., point 69.
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C’est dans ce cadre que la Cour de justice a été saisie par la juridiction de renvoi. Si plusieurs questions ont été formulées par cette dernière, la question fondamentale portait sur le fait de savoir si la procédure de « mise en possession » était conforme au droit de l’Union alors que la législation nationale ne prévoyait aucune procédure permettant au débiteur de contester les procédures en invoquant l’existence d’une clause abusive au sein du contrat de prêt hypothécaire qui a fait l’objet de l’exécution extrajudiciaire. La Cour de justice commence sa démonstration en rappelant les grands principes qui régissent la protection des consommateurs contre les clauses abusives. Reprenant une formule constante dans sa jurisprudence, le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (43). C’est en raison de ce postulat que le consommateur ne saurait être lié par les clauses abusives contenues dans les contrats conclus avec des professionnels et que les États doivent avoir un rôle actif dans la protection de leurs droits puisqu’ils doivent « mettre en place des moyens adéquats et efficaces existant afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel ». Or, comme la Cour l’a reconnu notamment dans son arrêt Finanmadrid EFC de 2016, « en l’absence d’un contrôle efficace du caractère potentiellement abusif des clauses du contrat constituant le titre à exécuter, le respect des droits conférés par la directive 93/13 ne saurait être garanti » (44). D’ailleurs, la Cour avait reconnu dans l’affaire ERSTE Bank Hungary de 2015 qu’une procédure d’exécution d’une garantie hypothécaire menée devant notaire n’était pas un moyen adéquat et efficace pour assurer la protection des consommateurs en ne leur offrant pas la possibilité d’attaquer en justice le contrat liti43. Point 36. 44. C.J.U.E., 18 février 2016, Finanmadrid EFC, aff. C-49/14, EU:C:2016:98, point 46.
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gieux (45). Cependant, la Cour explique, à juste titre, que le litige ne porte pas sur le contrat de prêt initial mais sur la protection des droits réels de propriété qui ont été acquis par le créancier à la suite d’une vente par adjudication (46). Cette approche lui permet d’établir que la demande judiciaire « vise à garantir la protection des droits réels enregistrés au registre immobilier, indépendamment de leur mode d’acquisition » (47). Cela lui permet d’établir clairement que le litige ne concerne pas la procédure d’exécution forcée de la garantie hypothécaire prévue par le contrat de prêt mais la protection des droits réels liés à la propriété légalement acquise par cette dernière au terme d’une vente par adjudication (48). Partant, la Cour écarte du champ d’application de la directive une action portant sur des droits réels sur un bien immeuble acquis à l’issue d’une procédure extrajudiciaire d’exécution hypothécaire. En permettant d’opposer à l’acquéreur des exceptions tirées du contrat de prêt hypothécaire, cela risquerait d’affecter la sécurité juridique de rapports de propriété établis (49). En outre, la Cour avance deux arguments afin de justifier sa position. D’une part, en l’absence d’indice concordant quant à la présence d’une éventuelle clause abusive dans le contrat ayant fait l’objet d’une procédure d’exécution extrajudiciaire, il n’est pas possible d’invoquer la directive 93/13 (50). D’autre part, il ressort des faits que la débitrice avait l’opportunité de s’opposer à la procédure extrajudiciaire de cession du bien permettant au juge saisi de se prononcer sur l’éventuel caractère abusif des clauses contenues dans le contrat (51). En se prononçant de la sorte, la Cour de justice rappelle que si les professionnels et les États sont tenus à des obligations à l’égard des consommateurs, cela ne dispense pas ces derniers d’exercer activement les droits qu’ils tirent du droit de l’Union européenne. 45. C.J.U.E., 1er octobre 2015, Erste Bank Hungary, aff. C-32/14, EU:C:2015:637, point 59. 46. Point 40. 47. Point 42. 48. Point 44. 49. Point 45. 50. Point 48. 51. Point 49.
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II.A. Régulation européenne
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II. Régulation bancaire
II.B. Régulation comparée LE SECRET BANCAIRE : ENTRE VERTU DE PROTECTION ET ORDRE PUBLIC DANS L’ESPACE UMOA, L’EXEMPLE DU MALI Mamadou B. Dembélé Docteur en Droit privé Enseignant-chercheur à la Faculté de Droit privé de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako
L’activité bancaire est encadrée par une législation beaucoup plus stricte que celle des autres acteurs intervenant dans la sphère des affaires. Contrairement aux autres professions commerciales, celle du banquier demeure plus « une autorisation qu’une liberté » (1). Le contrat bancaire, support de la relation banque/ client, paraît par nature déséquilibré en faveur du banquier. Le rééquilibrage est assuré par de multiples obligations auxquelles le banquier est assujetti, parmi lesquelles figure le secret bancaire, lui-même issu du mécanisme général du secret professionnel. Celui-ci renvoie à une « obligation, pour des personnes qui ont eu connaissance de faits confidentiels dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions, de ne pas les divulguer hors les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » (2). La combinaison de certaines dispositions (3) fait du banquier un professionnel, qui, 1.
L’accès à la profession commerciale est marqué par une liberté : la liberté d’entreprendre, protégée par l’article 14 de la Constitution du 25 février 1992 au Mali. « Elle est essentiellement le droit pour toute personne physique ou pour toute société de se livrer au commerce ou à l’industrie de son choix, soit en faisant l’acquisition ou en prenant le contrôle d’une entreprise déjà existante, soit en créant de toutes pièces et en implantant au lieu de sa convenance une entreprise nouvelle » (M. Pedamon et H. Kenfack, Droit commercial, commerçants et fonds de commerce ; Concurrence et contrats du commerce, 3e éd., Paris, Dalloz, 2011, p. 130). Cependant, même ayant satisfait aux conditions de capacité juridique, l’accès à la profession bancaire exige la preuve des moyens financiers, d’une planification d’exploitation et surtout d’un agrément. Voy. M. R. Tcheumalieu Fansi, Droit et pratique bancaire dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2013, pp. 67 à 167. Néanmoins, la profession bancaire n’est pas la seule soumise à la condition d’agrément, c’est le cas également de celle de l’assureur, du transporteur, etc. 2. G. Cornu, Vocabulaire juridique, 8e éd., Paris, PUF, 2010, p. 850. 3. Les différentes dispositions sont issues d’instruments différents. Il s’agit, d’abord, des articles 2 et 3 de l’Acte
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dès lors, n’échappe pas au secret professionnel. Mais, pendant un temps, l’interrogation a eu cours dans certains pays de savoir si le banquier faisait partie des professionnels astreints au secret ou s’il n’était tenu que d’un simple devoir de discrétion. Cela a été le cas, notamment, en France, contrairement à d’autres pays où « l’équivalent » a été consacré assez tôt, un bon exemple étant fourni par la Suisse (4). Ce débat n’a pas eu lieu au Mali en raison de l’absence d’écrits doctrinaux sur la question. Le secret bancaire, manifestation particulière du secret professionnel, se distingue du secret des affaires. Celui-ci couvre toute information permettant à une entreprise d’obtenir ou de conserver un avantage concurrentiel (5). Dans la conduite des affaires, la sauvegarde des informations susceptibles d’être exploitées par un concurrent est primordiale. Ces informations concernent entre autres les procédés de fabrication des produits, d’inventions, les méthodes de vente, les projets d’investissements. Le respect du secret des affaires s’inscrit dans l’intérêt propre des entreprises (6), alors que le secret bancaire constitue une mesure de protection prioritaire des clients de la banque. Sous des formes plus ou moins visibles et variées, le secret bancaire a toujours été protégé. Néanmoins, son origine historique reste mal connue. L’obligation de confidenuniforme du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général. Le premier définit le commerçant tandis que le second range les opérations de banque parmi les actes de commerce par nature. Ensuite, l’article 6, alinéa 2, de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE. Enfin, les articles 3 et 4 de la loi n° 08‑043/AN-RM du 1er décembre 2008 portant règlementation bancaire au Mali qui donnent la définition de la banque et établissements assimilés. 4. C. Kleiner, « Les droits de l’homme et le secret bancaire : opposition ou subsomption ? », Journal du Droit International (Clunet), n° 4, octobre 2014, doctrine 15, pp. 2 et s. 5. Le Parlement européen a adopté le 14 avril 2016 la directive relative à la protection des secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite. Voy. J. Lapousterle, « Le secret bancaire à l’épreuve de l’harmonisation européenne », D., 2014, p. 682. Il n’existe pas un texte similaire dans l’espace UEMOA. Cela ne signifie nullement que le secret des affaires ne soit pas l’objet d’une protection. Le secret bancaire participe dans une certaine mesure à la défense du secret des affaires. 6. J. Lasserre Capdeville, Le secret bancaire – Approches nationale et internationale, Édition RB, 2013, p. 14.
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tialité du banquier est née consécutivement à l’exercice de l’activité bancaire (7), car la discrétion du banquier par rapport aux informations à lui confiées est naturellement et consubstantiellement inséparable de l’exercice de sa profession. De manière générale, le secret correspond à un instinct profond de l’être humain. Par tempérament, l’Homme aime entourer d’un voile opaque tout ce qui touche à sa personne, à ses faits et gestes, ou encore à son patrimoine (8). Le secret donne lieu à des approches variées quant à sa définition, mais il constitue étymologiquement un dérivé du latin secretum, qui signifie soit « un lieu écarté », soit une « pensée ou fait qui ne doit pas être révélé » (9). Ironiquement, Michel Audiard (1920‑1985) disait que garder un secret consiste à ne le répéter qu’à une seule personne à la fois (10). Appliqué dans le domaine bancaire, le secret présente une signification légale. Le secret bancaire est « une institution de droit, un mur juridique érigé par la loi autour de la relation entre la banque et son client » (11). La réglementation malienne de l’activité bancaire assujettit les personnes qui concourent à la direction, à l’administration, à la gérance, au contrôle ou au fonctionnement d’établissements du crédit au secret professionnel. Les informations reçues dans ces contextes ne peuvent être divulguées que dans les conditions prescrites par les dispositions de l’article 53 (12), dernier alinéa, de la loi bancaire. Il est interdit aux mêmes personnes d’utiliser les informations confidentielles dont elles ont connaissance dans le cadre de leur activité, pour réaliser directement ou indirectement des opérations pour leur propre compte ou en faire bénéficier d’autres personnes (13). L’incertitude de cet article serait la détermination des personnes débitrices du secret et des informations de nature confidentielle. De toute évidence, cette disposition légale ne contient que des formulations vagues. Les deux problèmes ainsi identiPour le cas de la Suisse, voy. I. Augburger Bucheli, « Le secret bancaire suisse à travers des pans choisis de son histoire », in I. Augburger Bucheli et B. Perrin (dir.), Les enjeux juridiques du secret bancaire, Paris, L’Harmattan, p. 19. 8. J. Carbonnier, « Transparence », in Flexible droit, 10e éd., Paris, LGDJ, 2001, p. 320. 9. Voy. A. Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, t. 2, Paris, Le Robert, 2006, pp. 3434 et s. 10. J. Lasserre Capdeville, Le secret bancaire – Approches nationale et internationale, op. cit., pp. 13 et s. 11. S. Besson, Le secret bancaire, la place financière suisse sous pression, 2e éd., Presses polytechniques et universitaires romandes, 2009, p. 15. 12. L’article 53, alinéa 4, de la loi n° 08‑43/AN-RM du 1er décembre 2008 portant réglementation bancaire au Mali dispose que : « Le secret professionnel n’est opposable ni à la commission bancaire, ni à la banque centrale, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre de la procédure pénale ». 13. Art. 30 de la loi bancaire du Mali, préc. Cette loi est issue de la loi cadre qui règlemente la profession bancaire dans l’espace de l’UEMOA. C’est une loi uniforme qui s’applique dans tous les États membres de l’UEMOA.
fiés restent entiers. Il existe quasiment un vide à la fois doctrinal et jurisprudentiel au Mali sur la question du secret bancaire. L’activité bancaire est fondée sur une relation de confiance. Sa légitimité et sa pérennité découlent de ladite confiance. Le déposant n’attend pas seulement qu’il lui soit restitué les fonds déposés, mais aussi qu’il y ait une discrétion du lien contractuel qui l’unit au banquier ; deux exigences sur lesquelles le client demeure intransigeant. Les lois et les pratiques bancaires doivent permettent d’assurer au client la confiance et la confidence. Disons-le, le mécanisme de protection du secret bancaire a toujours été tributaire de la politique économique de chaque État. Dans certaines juridictions, « le secret bancaire est un principe quasi absolu, opposable même aux intérêts supérieurs de l’État et que le banquier doit pouvoir défendre par tous les moyens, y compris la force » (14). Ainsi, l’information reçue du client par la banque est si religieusement gardée que la sphère contractuelle devient opaque. Cette opacité traduit le mystère du secret bancaire. Par mystère, nous faisons allusion à « une chose tenue cachée, secrète » (15). Il paraît inconcevable que le contrat bancaire puisse demeurer dans une opacité totale, car face aux menaces nouvelles insidieuses et globales, le verrou du secret bancaire doit céder. Ceci soulève l’épineuse question de l’ordre public. Si le secret bancaire constitue un mythe, voire une sorte de culte sous certains cieux, les États parties de l’UMOA (16) se montrent, à travers l’histoire de leur législation, plus réceptifs à sa levée dans un souci de protection de l’ordre public. L’ordre public a été et demeure toujours le principe directeur de l’encadrement juridique du secret bancaire dans l’espace UMOA (17) en général et au Mali en particulier. Ainsi, le législateur permet la levée du secret bancaire, lorsque celui-ci est opposé à l’intérêt général et exceptionnellement à l’intérêt d’un particulier. À défaut, son respect est exigé sous la menace de sanctions civiles et pénales.
7.
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14. S. Besson, Le secret bancaire, la place financière suisse sous pression, 2e éd., op. cit., p. 28. 15. A. Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, t. 2, op. cit., p. 2332. 16. L’UMOA, Union Monétaire Ouest Africaine, est un espace communautaire créé le 12 mai 1962. Elle regroupe 8 États membres : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, www.bceao.int/Presentation,2338. html, consulté le 28 octobre 2016. 17. L’UMOA, devenu UEMOA depuis le 10 janvier 1994, se caractérise par la reconnaissance d’une même unité monétaire, le Franc de la Communauté Financière Africaine (F.CFA), dont l’émission est confiée à la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest). Le Mali se retira de l’Union le 30 juin 1962 et la réintégra le 17 février 1984. « Le besoin d’une grande harmonisation des politiques économiques fut en effet une des principales raisons de la transformation de l’UMOA en UEMOA » (R. Medhora, « Les leçons de l’UMOA », in R. Lavergne (dir.), Intégration et coopération régionales en Afriques de l’Ouest, Karthala, 1996, p. 252).
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Chroniques
II.B. Régulation comparée
Chroniques
II. Régulation bancaire
Tout comme il s’érode au nom de l’ordre public, le secret bancaire survit au nom de ce même ordre public. À l’évidence, le secret bancaire a une signification et une valeur différentes dans l’espace UMOA de celles attribuées par certains États. Néanmoins, l’existence de menaces nouvelles qui a éveillé la conscience de la communauté internationale, se traduisant par l’adoption d’un arsenal juridique, a considérablement influencé la législation de l’Union. Qu’il soit mieux encadré par-ci, démystifié par-là ou subisse des atteintes ailleurs, c’est la raison d’ordre public qui fait secouer tous azimuts le secret bancaire. L’ordre public dans le domaine contractuel a pour vocation de soumettre les contractants au respect de certaines règles supérieures visant le maintien de l’organisation sociale, au détriment de leur liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté. Ainsi, pour l’accès à la vie juridique, le contrat doit être conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs (18). En aucun cas, « les contractants ne peuvent déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs » (19). Mais l’ordre public n’est pas que protecteur de la chose publique, il vise également, parfois, l’intérêt particulier (ordre public de protection). C’est ainsi que le législateur édicte des règles pour régir les relations juridiques des cocontractants dont la force économique est inégale afin d’assurer une certaine protection à la partie économiquement la plus faible (20). « L’ordre public apparaît comme l’horizon de l’État légal fixant les bornes de ce qui est possible et de ce qui est interdit, comme le rappel des limites qu’il ne faut pas franchir afin de conserver ce vouloir vivre ensemble qui fait une nation » (21). De ce point de vue, l’ordre public restreint la liberté contractuelle (22). Il a donné lieu à une abondante doctrine en France (23). L’étude du secret bancaire, entre sa vertu de protection et l’ordre public, se montre particulièrement intéressante dans la mesure où elle tente d’apporter une 18. L’article 62 de la loi n° 87‑31/AN-RM du 29 août 1987 fixant le Régime général des obligations sanctionne de nullité absolue le contrat qui violerait l’ordre public et les bonnes mœurs. 19. Art. 26 de la loi n° 2011‑87/AN-RM du 30 décembre 2011 portant code des personnes et de la famille. 20. V. Karim, « L’ordre public en droit économique : contrats, concurrence, consommation », disponible en ligne : http://id.erudit.org/iderudit/043548ar. 21. G. Drago, Avant-propos de l’étude de l’ordre public, Rapport 2013 de la Cour de cassation, p. 1, disponible en ligne www.courdecassation.fr/publications_26/ rapport_annuel_36/rapport_2013_6615/, consulté le 21 octobre 2016. 22. F. Terre, P. Simler et Y. Lequette, Droit civil : les obligations, 11e éd., Paris, Dalloz, 2013, p. 418. 23. En plus du Rapport 2013 de la Cour de cassation française, l’on peut retenir entre autres : B. Beigner, Th. Revet, L’ordre public à la fin du xxe siècle, Paris, Dalloz, 1996 ; M.-J. Redor (dir.), L’ordre public : Ordre public ou ordres publics ? Ordre public et droits fondamentaux, Actes du colloque de Caen, coll. Droit et justice, Bruxelles, Bruylant, 2001. 66
réponse aux conflits entre la protection du secret bancaire et la sauvegarde de l’ordre public. L’arbitrage est d’ores et déjà difficile à mettre en œuvre. Le secret bancaire n’est-il pas aussi un élément de l’ordre public ? La réponse affirmative s’impose. Faisant partie intégrante de la vie privée, le secret bancaire constitue, de ce point de vue, un élément de l’ordre public. Le secret bancaire ayant pour finalité la protection de la vie privée, il peut aussi constituer un instrument pour l’accomplissement d’activités frauduleuses. Comment alors concilier le besoin de sauvegarde de la vie privée tout en luttant contre les activités illicites ? Garantir la stabilité du système bancaire, assurer la sécurité des déposants et créanciers des banques, mais aussi et surtout lutter contre les activités criminelles sont autant de facteurs qui justifient que soit portée atteinte au secret bancaire. Mais l’intrusion de l’État au cœur des relations privées (banque-client) crée des polémiques constantes, voire des abus dans l’exercice des prérogatives qui lui sont dévolues. La notion de secret bancaire varie en fonction des temps et des lieux. Qu’il en soit ainsi, de toute évidence, la levée du voile sur le secret bancaire se justifie par la nécessité de protection des intérêts de l’État et ceux des particuliers. Quoique l’on estime, le secret bancaire survit à l’érosion et à l’usure du temps en tout lieu. Dans l’espace UMOA, la notion, toujours relative à cause de l’ordre public (I), se consolide sous l’influence des instruments juridiques internationaux (II).
I. La relativité du secret bancaire : une exigence de l’ordre public La confidentialité du banquier dans ses relations avec ses clients était, pendant longtemps dans certains États, érigée en une sorte de culte (24). Néanmoins, le contrat bancaire, support de la relation entre la banque et son client, ne saurait aujourd’hui être enveloppé dans une opacité totale, et cela face à la prise en compte de l’intérêt public (A) et de ceux des particuliers (B).
A. Le secret bancaire opposé à l’intérêt public Les années 1970 et 1980 ont été particulièrement marquées par une profonde crise du secteur bancaire dans 24. La Suisse, le Luxembourg sont cités comme les fervents États défenseurs du secret bancaire. Cependant, les États parties de l’UEMOA n’ont pas connu la même histoire relative à la protection du secret bancaire. Ces États à travers l’histoire de leur législation bancaire se montrent plus réceptifs à la levée du secret bancaire dans un contexte de prise en charge de l’intérêt général et d’autres intérêts liés au compte bancaire.
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les États de l’Afrique de l’Ouest, provoquant la faillite en cascade des établissements financiers (25). Cette crise était principalement due à la gestion déficiente de ces établissements. La nécessité de redonner alors une nouvelle dynamique au secteur se posait avec acuité. Dans cette mouvance de redynamisation, le secret bancaire connaîtra une nouvelle orientation. Ainsi, la loi bancaire prévoit des hypothèses d’inopposabilité (1°) et de levée du secret bancaire (2°).
1°) Les inopposabilités du secret bancaire L’inopposabilité du secret bancaire signifie que le banquier ne peut, sous son prétendu respect, refuser de communiquer les informations confidentielles relatives au compte bancaire de son client. Les organes auxquels le secret bancaire est inopposable sont : la banque centrale, la Commission bancaire, le pouvoir judiciaire (agissant dans le cadre d’une procédure pénale), l’administration fiscale et douanière. Les deux premiers sont des organes supranationaux, tandis que les derniers sont des institutions nationales.
• Les organes supranationaux : la BCEAO et la Commission bancaire La BCEAO, institut d’émission commun de l’Union, élabore le règlement prudentiel et exerce pour son propre compte ou celui de la Commission bancaire une mission de surveillance du système bancaire (26). De même, il est dévolu à la Commission bancaire de veiller notamment à l’organisation et au contrôle des banques et établissements financiers (27). Cette mission importante des organes susdits n’est possible que si le secret bancaire ne peut pas leur être opposé. C’est ainsi que pour l’accomplissement de leur mission, les établissements de crédit sont tenus de fournir aux organes susdits les renseignements, éclaircissements, justifications et documents jugés utiles pour l’examen de leur situation, l’appréciation de leurs risques, l’établissement de listes de chèques et effets de commerce impayés et d’autres incidents de paiement, et généralement tout ce qui rentre dans le cadre des attributions de la BCEAO et de la Commission bancaire (28). L’alinéa 3 du même article 53 assujettit le commissaire aux comptes de l’établissement de crédit aux mêmes 25. 27 banques au total ont fermé leurs portes, voy. B. Powo Fosso, Les déterminants des faillites bancaires dans les pays en développement : le cas des pays de l’union économique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), Centre de recherche et de développement économique, Université de Montréal, Québec, janvier 2000, Tableau 1, p. 12. 26. Les articles 9 et 10 prévoient respectivement les missions fondamentales et spécifiques de la Banque centrale. 27. Art. 1er de la convention régissant la commission bancaire de l’UMOA. 28. Art. 53, al. 4, de la loi bancaire du Mali, préc. L’article 20 de l’annexe de la convention régissant la commission bancaire de l’UMOA reprend quasiment les mêmes termes contenus dans l’article 53 de la loi bancaire, préc. 2018/1
obligations de communication d’informations. Les institutions de supervision de l’activité bancaire exercent leurs missions à travers deux types de contrôle : sur pièces et sur place (29). S’appuyant sur des investigations ciblées, le contrôle sur place permet de compléter le contrôle sur pièces (30). En aucune façon, la banque ne peut se cacher derrière son obligation de discrétion pour refuser de communiquer les informations confidentielles communiquées à elle par son client. Cependant, le pouvoir d’investigation très étendu reconnu à la BCEAO et à la Commission bancaire est indispensable pour la stabilité de l’industrie bancaire. Il y va de l’intérêt des déposants. Concevoir une inopposabilité du secret bancaire, de ce point de vue, à l’égard de ces structures se justifie aisément. Il s’agit là d’une réglementation opportune qui a su tirer des leçons du passé. En effet, les années 1980 et 1990 marquèrent une crise sans précédent du secteur financier dans la zone UMOA, due à plusieurs facteurs. La littérature fait notamment état de la conjoncture économique difficile, de la mauvaise pratique de la gestion du crédit ou encore de la surveillance déficiente du système bancaire (31). Il est important de s’attarder sur ce dernier volet. En effet, il serait erroné de croire à l’absence de législation encadrant l’activité bancaire tant dans l’espace UMOA (32) qu’au Mali pendant les années antérieures à la crise, aussi bien qu’au moment de celle-ci. 29. Art. 17 de l’annexe de la convention régissant la commission bancaire de l’UMOA. Ces missions de contrôle ont pour vocation de s’assurer du respect des dispositions qui sont applicables aux établissements de crédit. En effet, le contrôle sur pièces permet de mettre en évidence les premiers signes de difficultés d’un établissement en termes de liquidité et/ou de solvabilité ou encore, d’accroissement non maîtrisé de ses risques, qui justifieraient la prise de décision appropriée. Rapport de la commission bancaire de l’UMOA 2006, p. 86. 30. Ibid. 31. R. Medhora, « Les leçons de l’UMOA », op. cit., p. 261 ; B. Powo Fosso, Les déterminants des faillites bancaires dans les pays en développement : le cas des pays de l’union économique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. ; A. Angora et A. Tarazi, Crises bancaires dans les pays de l’UEMOA : un système d’alerte avancée fondée sur une approche logit multinomiale ; J. Anne, « La réforme du secteur financier en Afrique », document élaboré dans le cadre du programme de recherche, centre de développement de l’OCDE, www.oecd.org/fr/developpement /pdm/2771291.pdf, consulté le 31 octobre 2016. 32. Les articles 24, 27 et 28 des Statuts de la BCEAO annexés au Traité de l’UMOA du 14 novembre 1973 disposent respectivement : « La banque centrale est habilitée à se faire communiquer par les établissements bancaires et financiers tous documents et renseignements qui lui sont nécessaires pour exercer ses fonctions… » ; « La banque centrale assure dans chaque État l’application des dispositions légales et règlementaires prises par les autorités nationales conformément à l’article 22 du Traité constituant l’Union Monétaire et relatives à l’exercice de la profession bancaire et au contrôle du crédit. Les demandes tendant à l’autorisation de création ou d’ouverture d’établissement de banques ou
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II.B. Régulation comparée
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II. Régulation bancaire
Le problème, conjoncturel et non structurel, n’était pas donc lié à l’absence de textes mais plutôt à l’application du dispositif prudentiel régissant les établissements de crédit. Une partie de la crise était imputable à l’interventionnisme poussé de l’État dans tous les domaines de la vie économique, y compris la gestion des banques (33). Ce phénomène n’est pas sans incidence sur le secret bancaire et la confiance des citoyens dans l’industrie bancaire. Le laxisme de l’État au niveau du contrôle des procédures, tout comme de la sanction des infractions aux lois et règlements bancaires, existait. Le contrôle de l’État aurait permis d’éviter la crise ou du moins de limiter ses effets. Une telle entreprise était difficile à mettre en œuvre, compte tenu du fait que l’État était lui-même l’actionnaire principal de la plupart de ces banques. « L’on ne saurait être juge et partie ». Un dénouement de la crise est intervenu suite à la prise de conscience par les institutions de l’UMOA de la nécessité d’une règlementation efficiente et de son application correcte. Cette affirmation est constatable à travers l’inopposabilité du secret bancaire à certains organes étatiques.
• Les organes nationaux : la justice pénale, l’administration fiscale et douanière La justice, institution de stabilisation sociale, est investie d’une mission de répression des infractions. Accomplissant ce devoir, elle bénéficie du droit à l’inopposabilité du secret bancaire. Le banquier (34), aussi bien que la Commission bancaire (35), ne peuvent lui opposer leur devoir de confidentialité. L’inopposabilité du secret bancaire à l’égard de la justice pénale n’est que le corollaire des pouvoirs qui lui sont conférés dans les différents États de l’Union, dont le Mali. En effet, elle apparaît, non pas l’unique, mais plutôt l’ultime recours pour la protection de l’ordre public. Cette configuration exige de trouver des points d’équilibre d’établissements financiers sont instruites par la banque centrale » ; « La banque centrale propose, en tant que de besoin, au conseil des Ministres de l’Union toutes dispositions imposant aux banques et établissements financiers la constitution de réserves obligatoires déposées auprès d’elle, le respect d’un rapport entre les divers éléments de leurs ressources et emplois… Elle assure l’exécution des décisions en ces matières du conseil des Ministres de l’Union ». 33. J. Anne, « La réforme du secteur financier en Afrique », op. cit., p. 14. 34. Art. 53, al. 3, de la loi bancaire. 35. Les attributions de la Commission bancaire lui permettent d’obtenir des informations confidentielles entre les mains du banquier. Cet organe, astreint au secret professionnel, ne peut opposer celui-ci à la justice pénale. L’article 7 de l’Annexe à la convention régissant la commission bancaire de l’UMOA dispose que : « Les membres de la commission bancaire et les personnes qui concourent à son fonctionnement sont tenus au secret professionnel. Ce secret n’est pas opposable à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre de la procédure pénale ». 68
entre la protection de l’ordre public et la sauvegarde des intérêts privés liés au respect du secret bancaire. Le pouvoir judiciaire est appelé à jouer un rôle essentiel pour assurer cet équilibre (36). Il lui revient aussi de droit de contrôler l’exercice du droit à l’inopposabilité du secret bancaire de l’administration fiscale et douanière. La relativité du secret bancaire est constatable aussi à travers les exceptions qu’il tolère face à l’administration fiscale. L’analyse du Code général des impôts (37) permet de déterminer quatre régimes d’exception : le rapport entre l’administration fiscale, les établissements de crédits et les dépositaires de deniers (38) ; le fisc et d’autres organismes (39) ; le fisc et la justice (40) ; le fisc national et étranger (41). Cependant, il est à noter que si le banquier est tenu de communiquer les informations confidentielles à lui confiées par son client au fisc, celui-ci peut aussi à son tour livrer ces informations reçues du banquier à d’autres organes ou personnes, même s’il faut convenir que lesdits organes sont aussi tenus du secret professionnel. Celui-ci liant également la douane (42), il peut, dans l’exercice de ses 36. Voy. 2e partie pour les cas d’application jurisprudentielle du secret bancaire. 37. La loi n° 06‑67/AN-RM du 29 décembre 2006 portant code général des impôts, modifiée par la loi n° 2014‑56/ AN-RM du 26 décembre 2014 portant loi de finances pour l’exercice 2015. 38. Les articles 482 et 483 déterminent les pouvoirs de l’administration des impôts relatifs à l’inopposabilité du secret bancaire. Ces articles disposent respectivement : « La demande adressée à un tiers aura l’effet d’une saisie-arrêt… que le contribuable pourra posséder à l’encontre du tiers… » ; « Les banquiers, fermiers, locataires, receveurs, économes, notaires, commissairespriseurs et autres dépositaires des derniers, provenant du chef des redevables et affectés du privilège du Trésor seront tenus sur la demande qui leur sera faite, de payer sur l’acquit des redevables et sur le montant des fonds qu’ils doivent ou qui sont en leurs mains jusqu’à concurrence de tout ou partie des contributions dues par ces derniers, sous peine de se substituer au débiteur concerné et/ou de poursuites judiciaires ». 39. Dans le cas d’espèce, bien que tenue au secret professionnel, les articles 497, 498, 499, 500 et 501 permettent à l’administration fiscale de communiquer les informations confidentielles concernant les contribuables, ces informations proviennent-elles des banquiers. 40. Les articles 502, 503, 504, 505, 506 et 507 permettent à l’administration fiscale de se délier de son secret professionnel pour communiquer les informations relatives à la situation fiscale du contribuable même si ces informations sont issues du banquier qui les a communiquées au fisc. 41. Le 4e régime dérogatoire concerne l’échange d’informations fiscales entre l’administration fiscale malienne et son homologue étranger ayant conclu avec le Mali une convention d’assistance réciproque en matière fiscale. 42. L’article 51 de la loi n° 01‑75/AN-RM du 18 juillet 2001 portant code douanier au Mali dispose que : « Sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues par le Code pénal, les agents de douanes ainsi que toute personne appelés à l’occasion de leurs fonctions ou de leurs attributions à exercer, à
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attributions, exiger des banques la levée du secret bancaire, mais aussi saisir les comptes bancaires (43). Ce faisant, le Code général des impôts et le Code douanier offrent une ouverture large de la levée du secret bancaire. En effet, si cette extension du secret bancaire a pour but d’accroître les recettes fiscales et douanières, néanmoins, le pari est risqué, car elle peut être source de méfiance des investisseurs étrangers, voire compromettre le droit à l’opacité des citoyens. Il appartient alors au juge de chercher un compromis entre le souci de lutter contre les fraudes fiscale et douanière et celui de la sauvegarde du droit au secret bancaire. Un tel compromis est aussi nécessaire en matière de répression de certaines infractions spécifiques.
2°) Le secret bancaire limité par la répression de certaines infractions spécifiques L’interconnexion des marchés économiques et la compétition des systèmes juridiques ont favorisé l’émergence des criminalités tous azimuts à l’échelle mondiale. La lutte contre cette criminalité internationalement organisée avait nécessité la création de plusieurs structures et l’adoption d’instruments juridiques divers. Les infractions visées sont : le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La répression des infractions susdites nécessite l’application d’un régime dérogatoire au droit commun.
• Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme Les banques et assimilées sont des organismes financiers centralisant les mouvements de capitaux d’origines diverses. Les fonds placés dans ces établissements financiers proviennent souvent d’activités criminelles. Dans l’objectif de lutter contre ce fléau dans le contexte de protection de l’économie légale de chaque État membre, la directive de l’UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme exige la levée du voile du secret bancaire : « L’enjeu majeur de cette règlementation est de freiner l’utilisation abusive du système financier à des fins criminelles et d’assainir les bases du financement de nos économies » (44). Les lois n° 06‑066/ AN-RM du 29 décembre 2006 et n° 10‑062/AN-RM du 30 décembre 2010 portant respectivement lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement quelque titre que ce soit, des fonctions dans l’administration des douanes, ou à intervenir dans l’application de la réglementation douanière ». 43. L’article 59 du Code douanier prévoit que : « En aucun cas… les banques, de même que tous les établissements ou organismes quelconques ne peuvent opposer le secret professionnel aux agents de l’administration des Douanes… Au cours des contrôles et des enquêtes… les agents des douanes peuvent procéder à la saisie… des comptes en banque ». 44. Rapport annuel de 2006 de la commission bancaire de l’UMOA, p. 7. 2018/1
du terrorisme posaient les bases juridiques des restrictions apportées au secret bancaire dans le contexte de lutte contre les infractions susdites. Ces lois ont été modifiées par la loi n° 2016‑008/AN-RM du 17 mars 2016 portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La 1re catégorie d’infraction consiste à donner une apparence légale à des capitaux qui en réalité sont issus d’activités illicites (45). À l’inverse, le financement du terrorisme consiste en la réunion et l’utilisation de fonds en vue de commettre un ou plusieurs actes terroristes par soi-même ou par une organisation terroriste, par un terroriste ou un groupe de terroristes (46). Comportant 167 articles, répartis en 8 titres, la loi nouvelle prend en charge les recommandations du Groupe d’Action Financière Internationale. Elle apporte aussi quelques innovations, entre autres : la lutte contre le financement et la prolifération des armes de destruction massive ; la limitation de l’utilisation des espèces dans les transactions ; la prise en compte des déclarations de transport d’espèces… La mise en œuvre du dispositif de lutte contre ce fléau à dimension internationale débouche sur un régime dérogatoire. Un tel régime est fondé sur deux principes : l’obligation de déclaration de suspicion du banquier et l’irresponsabilité de celui-ci en cas de déclaration de bonne foi.
• Le régime dérogatoire au droit commun Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme s’accroissent et se banalisent. Cette banalité est surtout liée à l’essor des technologies de l’information et de la communication. C’est pourquoi la loi uniforme met à la charge du banquier une obligation « de déclaration de suspicion ». Il est tenu de s’assurer de l’identité de l’ayant droit économique (47) ; en cas 45. L’article 7 de la loi n° 2016‑008, précitée, dispose que : « sont considérés comme blanchiment de capitaux, les agissements, ci-après, commis intentionnellement : – la conversion ou le transfert de biens, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ou d’aider toute personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ces actes ; – la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement de la disposition, du mouvement de la propriété réels des biens ou des droits y relatifs, par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit ; l’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens, dont celui qui s’y livre, sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à un crime ou délit… ; le fait de s’associer pour le commettre, de tenter de le commettre, d’aider ou d’inciter quelqu’un à le commettre ou de le conseiller, à cet effet, ou de faciliter l’exécution d’un tel acte… ». 46. Art. 8 de la loi n° 2016‑008, préc. 47. L’ayant droit économique est la personne pour le compte de laquelle le mandataire agit ou pour le compte de laquelle l’opération est réalisée. Art. 1er de
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de doute, une déclaration de soupçon doit être portée auprès de la Cellule Nationale de Traitement des informations financières (CENTIF) (48). La communication des pièces et documents relatifs aux obligations d’identification prévues aux articles 7, 8, 9, 10 et 15 peut être demandée par les autorités judiciaires et les agents de l’État chargés de la détection et de la répression des infractions liées au blanchiment de capitaux, agissant dans le cadre d’un mandat judiciaire, les autorités de contrôle, ainsi que la CENTIF (49). Celle-ci peut, sous réserve de réciprocité, échanger des informations avec les services de renseignements financiers des États tiers, chargés de recevoir et de traiter des déclarations de soupçons, lorsque ces derniers sont soumis à des obligations analogues de secret professionnel (50). Par voie de suite, le banquier est aussi amené dans certaines situations à dénoncer son propre client lorsque celui-ci réalise des opérations de nature douteuse (51). Les dénonciations faites sont confidentielles et ne peuvent être communiquées au propriétaire ou à l’auteur des sommes. Les déclarations faites de bonne foi exemptent les personnes assujetties de la responsabilité pour violation du secret professionnel (52). La responsabilité découlant des déclarations de bonne foi incombe à l’État (53). Il est à noter que le faible taux de bancarisation constitue une faiblesse dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans l’espace UEMOA. En somme, le secret professionnel ne peut être invoqué par les personnes visées à l’article 5 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment pour refuser de fournir les informations aux autorités de contrôle, ainsi qu’à la CENTIF, ou de procéder aux déclarations prévues par la loi. Il en est de même en ce qui concerne les informations requises dans le cadre d’une enquête
48.
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la loi n° 06‑66/AN-RM du 29 décembre 2006 portant loi uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Art. 9 de la loi n° 06‑66/AN-RM du 29 décembre 2006, préc. Néanmoins, lorsque le client est un organisme financier soumis à la loi, les établissements financiers ne seront pas tenus aux obligations d’identification. Art. 12 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Art. 24 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Art. 26 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent : « – les sommes d’argent et tous autres biens qui sont en leur possession, lorsque ceux-ci pourraient provenir du blanchiment de capitaux ; – les opérations qui portent sur des biens, lorsque celles-ci pourraient s’inscrire dans un processus de blanchiment de capitaux ; – les sommes d’argent et tous autres biens qui sont en leur possession, lorsque ceux-ci, suspectés d’être destinés au financement du terrorisme, paraissent provenir de la réalisation d’opération se rapportant au blanchiment de capitaux ». Art. 30 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, préc. Art. 31 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, préc.
portant sur des faits de blanchiment, ordonnée par le juge d’instruction ou effectuée sous son contrôle, par les agents de l’État chargés de la détection et de la répression des infractions liées au blanchiment de capitaux (54). Toutefois, l’opacité du contrat bancaire pouvant pervertir le meilleur des systèmes, il est justifié de prendre en compte d’autres intérêts.
B. Le secret bancaire opposé à l’intérêt privé Face à des intérêts antagonistes, il est indispensable de procéder à une pondération des intérêts en présence. L’instrument de cette pondération se traduit par l’utilisation de mesures d’exécution forcée au profit des tiers, la protection des droits des héritiers, ou encore l’octroi de pouvoirs aux organes de contrôle et de gestion des sociétés commerciales.
1°) Les mesures d’exécution forcée au profit des tiers Il est évident que le recouvrement de créance (civile ou commerciale) ne laisse pas indifférent le secret bancaire. Les articles 161 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) permettent la saisie du compte bancaire. En effet, l’acte uniforme susdit a institué une procédure spécifique permettant aux créanciers disposant d’un titre exécutoire (55) de pratiquer une saisie-attribution, ou une saisie conservatoire de créance pour ceux dépourvus d’un tel titre. Dans l’un ou l’autre cas, le secret bancaire se trouve limité.
• La saisie des créances bancaires La saisie-attribution implique généralement trois personnes : le créancier poursuivant, le débiteur et le tiers saisi ; et deux créances : la créance, cause de la saisie et la créance, objet de la saisie (56). Le tiers est le débiteur du débiteur saisi. Il ne peut sous peine de sanction faire obstacle aux procédures de recouvrement de créances. D’ailleurs, ils doivent apporter leur concours lorsqu’ils 54. Art. 34 de la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, préc. 55. L’article 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution cite la liste des titres exécutoires. Ce sont notamment : « Les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ; les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision juridictionnelle… ; les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties… ». 56. Pour plus de détails, voy. N. Diouf, A.-M. H. AssiEsso, OHADA-Recouvrement de créances, Bruxelles, Bruylant, 2002.
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sont légalement requis (57). Les articles 153 à 160 comportent les conditions de cette saisie, tandis que les articles 161 à 163 prévoient la procédure spécifique applicable aux banques et assimilés. La saisie effectuée entre les mains du tiers met à sa charge une obligation de déclaration, prévue à l’article 156 (58), cet acte de saisie le rend également personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation (59). Dans l’hypothèse où la saisie est pratiquée entre les mains d’un établissement de crédit, celui-ci est tenu de déclarer la nature du ou des comptes du débiteur ainsi que leur solde au jour de la saisie (60). Il est à remarquer que le compte joint peut aussi faire l’objet de saisie. À cet effet, l’article 163 prévoit : « Lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte ». La dénonciation est un acte par lequel l’huissier porte à la connaissance du ou des débiteurs l’existence de la saisie. Elle est règlementée par les dispositions de l’article 160 de l’Acte uniforme susvisé. À compter de la date de la saisie et à peine de caducité, la dénonciation doit être faite dans un délai de 8 jours (61). Il y a aussi lieu d’ajouter l’existence d’une procédure spéciale pour la saisie des rémunérations (62). À l’heure de la bancarisation des salaires, cette saisie présente aussi une importance particulière en ce qui concerne le secret bancaire. En raison de la nature et de l’importance particulières du salaire, l’Acte uniforme a exclu toute saisie conservatoire (63) et institue une tentative de conciliation obligatoire (64). 57. L’article 38 de l’AUPSRVE précise que : « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Tout manquement par eux à ces obligations peut entraîner leur condamnation à verser des dommagesintérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur ». 58. « Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur… Ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l’huissier… ou au plus tard dans les 5 jours si l’acte de saisie n’est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts ». 59. Art. 154, al. 3, de l’AUPSRVE, préc. 60. Art. 161 de l’AUPSRVE, préc. 61. L’article 160, alinéa 2, prévoit les mentions exigées sur l’acte de dénonciation en ces termes : « Cet acte contient, à peine de nullité : – une copie de l’acte de saisie ; – en caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d’irrecevabilité, dans un délai d’un mois qui suit la signification de l’acte… ». 62. Les articles 173 et suivants organisent la saisie des rémunérations. 63. Art. 175 de l’AUPSRVE, préc. 64. Art. 174 in fine, 179, 180, 181 et 182 de l’AUPSRVE, préc. 2018/1
L’Acte uniforme a aussi prévu la possibilité pour les créanciers non munis de titre exécutoire de pratiquer une saisie conservatoire de créances. Tandis que les articles 54 à 61 contiennent les dispositions générales, les articles 77 à 84 règlementent les conditions spécifiques de la saisie conservatoire des créances. Pour pratiquer une telle saisie, il faut satisfaire à deux conditions de fond et une condition de forme : d’une part, se prévaloir d’une créance fondée en son principe et justifier de risques liés à son recouvrement ; d’autre part, obtenir une autorisation judiciaire. Toutefois, celle-ci n’est indispensable que si le créancier poursuivant ne dispose pas de l’un des actes ci-après : un titre exécutoire, une lettre d’échange acceptée, un billet à ordre, un chèque ou un contrat écrit de bail d’immeuble.
• Influence des saisies conservatoires et attribution sur le secret bancaire En permettant au créancier de pratiquer une saisieattribution ou conservatoire, le législateur OHADA se soucie d’un recouvrement rapide des créances dans les États parties. Cette consécration du législateur communautaire n’est que la confirmation de la législation qui existait déjà au Mali en la matière, sous l’appellation de saisie-arrêt (65). Cependant, le souci de célérité du législateur ne l’emporte pas sur la sécurité, car celui-ci a exigé le respect des formalités strictes pour pouvoir pratiquer lesdites saisies. Les multiples formules « à peine de nullité » témoignent de cette volonté du législateur de ne pas sacrifier les droits du débiteur à l’autel de son créancier. Au Mali, l’huissier chargé d’exécuter les saisies est assujetti au secret professionnel, ce qui laisse présager la protection du secret bancaire. Une conclusion dans ce sens semble toutefois être trop hâtive. En effet, l’huissier instrumentaire, assermenté soit-il, fait exécuter généralement la signification des actes par ses clercs. Cette situation ne va pas sans soulever des problèmes quant à la protection effective du secret bancaire, lorsqu’il s’agit du compte bancaire. Dans de telles hypothèses, le banquier doit-il refuser de communiquer au clerc les informations confidentielles ? À l’évidence, dès la signification de l’acte de saisie à la banque, celle-ci est tenue de livrer les informations confidentielles séance-tenante et de confirmer ses dires par écrit sous huitaine (66). Une autre question est alors de savoir qui demeure responsable de la violation du secret bancaire ? L’AUPSRVE et le statut des huissiers (67) du Mali prévoient la responsabilité de l’huissier en cas d’une exécution fautive lui imputable. Néanmoins, dans ce cas, la responsabilité du banquier ne saurait aussi être épargnée. Le banquier doit au moins vérifier, chez le clerc porteur de l’acte, l’existence d’une carte profession65. Décret n° 94‑226/P-RM du 28 juin 1994 portant code de procédure civile commerciale et sociale du Mali. 66. Art. 163 de l’AUPSRVE. 67. Loi n° 95‑69 /AN-RM du 25 août 1995 portant statut des huissiers.
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nelle, ce qui lui permettra d’échapper à sa responsabilité en cas de divulgation des informations couvertes par le secret.
3°) L’octroi de pouvoirs aux organes de contrôle et de gestion des sociétés commerciales
2°) La prise en compte des droits des héritiers
En dehors des personnes ci-dessus citées, l’analyse ne saurait être complète sans évoquer le cas des sociétés commerciales, notamment à travers leurs organes de gestion et de contrôle. Les gérants dans les sociétés de personnes, les administrateurs généraux ou les présidents directeurs généraux, les directeurs généraux, les commissaires aux comptes ou encore les organes intervenant en cas de procédure collective ne peuvent se voir refuser par le banquier l’accès aux informations confidentielles. Cette restriction du secret bancaire se conçoit non seulement dans l’intérêt de l’entreprise, des associés, mais également des créanciers.
Les parents et les conjoints survivants sont saisis de plein droit des droits et actions de leur auteur défunt (68). De ce fait, le compte bancaire de celui-ci en tant qu’un des éléments de son patrimoine passe à ses héritiers. L’accès au compte bancaire du de cujus exige l’accomplissement de quatre formalités préalables. Ces formalités sont : la détermination des héritiers, la procuration, l’attestation de déclaration de succession et la lettre du notaire. Au Mali, lorsque s’ouvre une succession, il convient de déterminer les héritiers. Le Code des personnes et de la famille offre la possibilité aux héritiers d’accepter la succession pure et simple (69), de l’accepter sous bénéfice d’inventaire (70) ou de renoncer (71). Le de cujus peut disposer de ses biens par testament (72). Celui-ci détermine alors les successibles. À défaut de testament, la détermination des héritiers s’effectue par un jugement du tribunal civil. Les héritiers ainsi déterminés sont saisis des droits et actions du défunt. En plus du jugement d’hérédité, il faut une procuration en la forme authentique, rédigée par le notaire au profit d’un mandataire. Celui-ci peut être un héritier ou toute autre personne, jouissant de sa capacité. Ce mandataire est soumis au régime du mandat. Dans la pratique, les héritiers exigent souvent la constitution de deux mandataires. La 3e formalité est celle de l’attestation de déclaration de succession, délivrée par les impôts que les héritiers doivent se procurer. L’intérêt de cette déclaration est de permettre à l’État de prélever ses impôts, mais elle est aussi indispensable pour accéder au compte bancaire du défunt. Les différents documents ci-dessus cités doivent être accompagnés par une lettre du notaire demandant au banquier de permettre au mandataire d’accomplir les opérations sur le compte bancaire désigné. Les opérations visées sont les suivantes : avoir la position du compte ; prendre le relevé ; faire des retraits des fonds et procéder à la clôture du compte. Le mandataire pourra même demander des relevés du compte remontant à plusieurs années. En somme, il n’existe pas de difficultés d’accès au compte bancaire du défunt au Mali, lorsque toutes les formalités décrites ont été respectées par les héritiers. Le contentieux est quasiment absent en la matière.
68. Art. 756 de la loi n° 2011‑87/AN-RM du 30 décembre 2011, préc. 69. Art. 808 à 816 du CPF. 70. Art. 826 à 844 du CPF. 71. Art. 817 à 825 du CPF. 72. Art. 945 et s. du CPF. 72
Il convient de préciser que la nécessité de protection du secret bancaire dans l’espace UMOA ne l’a jamais emporté sur le souci de sauvegarde de l’ordre public. D’ailleurs, c’est au nom de ce dernier que le relativisme l’a emporté sur l’absolutisme du secret bancaire. Quoi qu’il en soit, le maintien du secret bancaire constitue une autre exigence de l’ordre public.
II. La survie du secret bancaire : une autre exigence de l’ordre public Le secret bancaire, loin de disparaître ou de devenir caduc, recèle encore de nombreuses potentialités à explorer. Inhérent et consubstantiel à la profession du banquier, la disparition totale du devoir de discrétion du banquier emporterait celle de l’activité bancaire. Si un tel secret survit à l’érosion et à l’usure du temps, c’est parce qu’il est aussi un élément de l’ordre public (A) ; de ce fait, son noyau dur se renforce (B).
A. Le secret bancaire comme élément de l’ordre public L’affirmation selon laquelle le secret bancaire est d’ordre public, ou doit être considéré comme tel, intrigue la doctrine. Toute la difficulté est de déterminer le sens précis de la notion d’ordre public. Cette « tâche relève de l’impossible » (73) : « Tous les essais de définition sont des tautologies dont la formulation n’échappe pas toujours au ridicule » (74). La notion, fonction des temps et des lieux, est purement fonctionnelle, permettant d’établir une gradation du caractère obligatoire 73. A. Serebriakoff, « Le caractère d’ordre public du secret bancaire : conviction ou réalité ? », in Droit bancaire et financier au Luxembourg, Recueil de doctrine, ALJB, 2004, p. 286. 74. F. Rigaux, Droit international privé, n° 482.
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des textes (75). Elle permet d’indiquer à ceux qui veulent accomplir un acte juridique ce qu’ils peuvent écarter et ce qu’ils ne peuvent pas (76). Cette idée transposée dans le domaine des activités législatives signifierait que le pouvoir législatif est limité dans sa règlementation du secret bancaire. Le législateur pourrait prévoir des dérogations au secret bancaire, mais en aucun cas, il ne pourrait porter atteinte à sa substance en raison de son caractère de droit fondamental (1°), et de ce qu’il est le support du bon fonctionnement du système économique (2°).
1°) Le secret bancaire, un droit fondamental Le devoir de discrétion du banquier « participe à la protection de la sphère privée » (77). Le secret bancaire est une émanation de la vie privée. Celle-ci est une notion véritablement obscure : « Ce que l’on appelle aujourd’hui le respect de la vie privée fut longtemps le droit d’être laissé tranquille, que la langue parfois emphatique de notre société appelle une liberté fondamentale » (78). Si la protection du secret bancaire fait l’objet de controverse doctrinale, en revanche, la quasi-totalité de la doctrine s’accorde sur le lien existant entre vie privée et secret bancaire : « Le secret bancaire est un secret professionnel qui protège la sphère privée des clients d’une banque contre l’immixtion des tiers » (79). La connexité entre ces deux expressions se lit à travers quelques passages d’écrits doctrinaux. L’avocat genevois n’affirmet‑il pas que « le secret bancaire fait partie des droits de l’homme » (80) ? Celui-ci va plus loin en faisant du droit à l’opacité, une condition d’une société libérale en ces termes : « L’État doit laisser à chacun un espace à l’intérieur duquel le droit à l’opacité prime sur toute autre considération. Une société dans laquelle ce type de refuge n’existe pas est une société totalitaire » (81). La vie privée est l’un des concepts fondamentaux d’un État libéral. Au Mali, la vie privée fait l’objet d’une protection constitutionnelle (82) et les juridictions n’y 75. A. Serebriakoff, « Le caractère d’ordre public du secret bancaire : conviction ou réalité ? », op. cit., p. 286. 76. J. Hauser et J.-J. Lemouland, Encyclopédie Dalloz, Droit civil, v° « Ordre public et bonnes mœurs », n° 2. 77. M. Bonnant, « Éloge du secret bancaire », Médium, 2013/4, n° 37‑38, p. 208. 78. P. Malaurie, Dictionnaire d’un droit humaniste, Paris, LGDJ, 2015, p. 253. 79. N. Bruchez, J. Galli, R. Lavizarri, Projet de groupe sur le secret bancaire, Cours d’économie nationale du Professeur Jean-Christian Lambelet, HEC de Lausanne, 2002‑2003, p. 3. 80. L’avocat genevois Michel Halperin cité par S. Besson, Le secret bancaire, la place financière suisse sous pression, 2e éd., op. cit., p. 15. 81. Ibid., p. 17. 82. Art. 6 de la Constitution du 25 février 1992 qui affirme que : « Le domicile, le domaine, la vie privée et familiale, le secret de la correspondance et des communications sont inviolables. Il ne peut être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi ». 2018/1
manquent pas d’exiger son respect (83) mais sans pour autant délimiter son contenu ni en fournir une définition. L’argument de base pour faire du secret bancaire un droit fondamental repose sur l’inviolabilité de la vie privée (84). La question est alors de savoir quelle vie privée le secret bancaire vise à protéger. Il est possible d’opérer une distinction entre vie privée familiale et vie privée économique, bien que celle-ci puisse être emboitée dans celle-là. Dans tous les cas, il serait illusoire de rattacher le secret bancaire uniquement à l’un des deux concepts. Ainsi, la protection du secret bancaire intéresse à la fois la vie économique et familiale du titulaire. Finalement, le secret bancaire est un élément de la vie privée, celle-ci constitue une liberté fondamentale, ce qui permet à l’État de limiter son exercice. Ainsi, le secret bancaire comporte en lui une valeur pécuniaire (sa violation donne lieu à l’allocation de dommages et intérêts) mais il protège aussi dans certains cas un droit pécuniaire.
2°) Le secret bancaire, un support du bon fonctionnement du système économique Si l’activité bancaire occupe une place de choix dans le bon fonctionnement du système économique, cependant, elle doit sa pérennité à l’obligation de confidentialité à laquelle le banquier est astreint. Celle-ci constitue un facteur de consolidation de l’industrie bancaire, en même temps qu’un support du secret des affaires. Le secret bancaire est généralement considéré comme l’un des « piliers du crédit et le garant d’une économie saine » (85). Il n’y a pas de confiance en l’absence d’obligation de confidentialité du banquier. D’ailleurs, « [l]’industrie bancaire s’est solidement construite fondamentalement autour de la protection du secret bancaire » (86). Pendant longtemps, le banquier était défini à l’aune d’un triptyque d’opérations : la réception de fonds du public, les opérations de crédit et la mise à disposition de la clientèle et la gestion de moyens de paiement (87). L’obligation de confidentialité, pourtant nécessaire à la réalisation de ces opérations, semble être traitée comme secondaire à celles-ci. « L’attractivité d’un système bancaire est largement tributaire de l’application effective et même absolue du secret bancaire dont peuvent bénéficier les clients de tous les horizons » (88). D’ailleurs, il a été soutenu que l’insuffisance de la protection de la confidentialité bancaire 83. CSM. Civ. 2e, 20 février 2006, O.K c. Officine National des Postes. 84. M. R. Tcheumalieu Fansi, « Le secret bancaire : l’entrée d’un principe au purgatoire », Banque & Droit, n° 160, mars-avril 2015, p. 6. 85. R. Farhat, Le secret bancaire – Études de droit comparé (France, Suisse, Liban), thèse, Paris, LGDJ, 1979, p. 53. 86. M. R. Tcheumalieu Fansi, « Le secret bancaire : l’entrée d’un principe au purgatoire », op. cit., p. 4. 87. Art. 2, al. 2, de la loi n° 08‑043/AN-RM du 1er décembre 2008, préc. 88. M. R. Tcheumalieu Fansi, « Le secret bancaire : l’entrée d’un principe au purgatoire », op. cit., p. 4.
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constitue le facteur déterminant donnant lieu à l’ouverture à l’évasion bancaire et fiscale. « Dans une société d’aujourd’hui où l’interventionnisme de l’État s’étend et se fait toujours plus pénétrant, l’individu ressent de plus en plus intensément la nécessité de soustraire les éléments de sa vie privée à la curiosité de la foule et aux investigations des pouvoirs publics. L’élément patrimonial prend, dans cette perspective, une importance particulière puisqu’il conditionne la satisfaction des besoins et rend possible l’évasion » (89). À l’évidence, l’attractivité des déposants bancaires est fortement tributaire du degré de protection du secret bancaire dans un État. Plus la protection de celui-ci est véritablement importante, plus les déposants sont attirés par le système. Cette situation aura pour conséquence la santé de l’industrie bancaire et par conséquent celle de l’économie entière. Plus la protection est faible, plus il y a risque d’évasion fiscale et de méfiance des déposants bancaires. La pérennité de l’industrie bancaire est ainsi tributaire du respect du devoir de confidentialité, c’est pourquoi son noyau dur se renforce.
B. Le renforcement du noyau dur du secret bancaire Le secret bancaire est un mur qui fut un jour érigé et qui depuis n’a cessé de subir des assauts (90). Qu’il en continue ainsi, le secret bancaire ne pourra jamais disparaître. La loi permettant sa levée exceptionnelle impose son respect en tant que principe. Le juge veille à l’application correcte de ces mesures.
1°) La protection légale du secret bancaire Le Mali, à l’instar des autres États membres de l’UMOA, dispose d’une législation bancaire beaucoup plus récente que celle des États occidentaux. Les premiers textes sur la règlementation bancaire prenaient d’ores et déjà en charge la question du secret bancaire. L’adhésion du Mali à l’Union monétaire en 1984 a eu pour conséquence le renforcement de sa législation relative au secret bancaire. Mais en dépit de la diversité des textes, on constate encore des insuffisances.
• Les instruments juridiques La protection du secret bancaire au Mali résulte aujourd’hui de textes d’origine nationale et communautaire. Son origine remonte aux années 1960, juste après l’accession à l’indépendance, et il est important de rappeler quelques textes. La loi de 1962 portant 89. Albert Dondelinger cité par A. Lorang, « Le secret bancaire en droit luxembourgeois », Droit et patrimoine, n° 46, février 1997, p. 44. 90. P.-Y. Frei, La chute du secret bancaire : ce que cela va changer concrètement (américains et européens contre la Suisse), Lausanne, Favre, 2009, p. 77. 74
création de la banque de la République du Mali prévoit que : « Tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, participent à la direction, à l’administration, au contrôle et à la gestion de la Banque de la République du Mali sont tenus au secret professionnel ; ils ne peuvent avoir aucun intérêt ni exercer des fonctions rémunérées dans aucune entreprise ou société » (91). Un an plus tôt, le Code pénal fut adopté, le 3 août 1961, pénalisant la révélation du secret. L’article 195 de ce Code dispose : « Tous ceux qui, étant dépositaires, par état ou profession, des secrets qu’on leur confie, auront, hors le cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, révélé des secrets, seront punis d’un emprisonnement de six mois à deux ans et, facultativement, d’une amende de 20.000 à 150.000 francs » (92). Quarante ans plus tard, le Code pénal de 1961 a fait l’objet d’une réécriture. L’article 130 du nouveau Code pénal (93) a reconduit les termes utilisés par l’article 195 de l’ancien Code pénal, mais en introduisant cette fois-ci des circonstances aggravantes de la révélation du secret. Ainsi, lorsque le coupable est un fonctionnaire ou un agent de l’administration, la peine sera de 3 mois à 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 20.000 à 240.000 francs (94). Aussi, en 1987, le Mali a adopté la loi sur le régime général des obligations (95), alors que jusqu’à cette date était applicable le Code civil français dans ses dispositions relatives aux obligations. L’article 113 de la loi de 1987 définit à la fois la responsabilité contractuelle et civile. Il y a lieu d’ajouter la loi n° 08‑43/AN-RM du 1er décembre 2008 portant réglementation bancaire, la loi n° 2016‑008/AN-RM du 17 mars 2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. D’autres textes peuvent être cités, notamment les statuts de la BCEAO (96), la convention régissant la Commission bancaire de l’UMOA (97). Cependant, l’article 30 de la loi bancaire mérite quelques commentaires en raison de son importance et son imprécision. Il dispose que : « Les personnes qui concourent à la direction, à l’administration, à la gérance, au contrôle ou au fonctionnement des 91. Art. 48 de la loi n° 62‑55/AN-RM du 30 juin 1962 portant création de la banque de la République du Mali. 92. Loi n° 61‑99/AN-RM du 3 août 1961 portant Code pénal en République du Mali. 93. Loi n° 01‑079/AN-RM du 20 août 2001 portant Code pénal en République du Mali. 94. Il est à noter que le Code pénal abrogé (art. 30 et 32) et celui en vigueur (art. 34 et 36) condamne de la peine capitale la révélation d’un secret défense, dont font partie les renseignements économiques, qui par leur nature ne doivent être connus que des personne qualifiées pour les détenir, et doivent dans l’intérêt de la défense nationale, être tenus secrets à l’égard de toute autre personne. 95. Loi n° 87‑31/AN-RM du 27 août 1987 fixant le régime général des obligations en République du Mali. 96. Art. 5 et 34 des statuts de la BCEAO. 97. La commission bancaire de l’UMOA a été créée par une convention le 24 avril 1990. Cette convention a été ratifiée par le décret n° 90‑369, J.O.R.M., n° 18 du 30 septembre 1990.
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établissements de crédit, sont tenues au secret professionnel… Il est interdit aux mêmes personnes d’utiliser les informations confidentielles dont elles ont connaissance dans le cadre de leur activité, pour réaliser directement ou indirectement des opérations pour leur propre compte ou en faire bénéficier d’autres personnes ». En conséquence, deux questions principales se posent : quelles sont les personnes assujetties au secret ? Et quelles sont les informations couvertes par le secret bancaire ? Ni les textes nationaux ni ceux de l’UMOA n’apportent de réponse. La doctrine, quasiment inexistante en la matière, n’en dit mot. C’est pourquoi il est important de faire la glose de l’article 30 ci-dessus. L’alinéa 1er de l’article 30 commence par l’utilisation du verbe concourir en visant « les personnes qui concourent » (98) : – « à la direction » : l’organisation de la direction d’une banque varie en fonction de la nature et la taille des banques. Elle comporte généralement : la direction générale et les directions spécialisées. La première fixe la politique de l’établissement de crédit et coordonne l’activité de l’ensemble des directions. Les secondes appliquent cette politique ; – « à l’administration » : l’administration est une activité consistant à gérer des affaires publiques ou privées (99). En réalité, l’expression « administration » est une notion large englobant toutes les directions d’une banque : l’administration de la direction générale, l’administration du personnel (s’occupant des ressources humaines), l’administration de la comptabilité, l’administration des risques. Bref, la banque est organisée en administration, de telle sorte que chaque employé se trouve rattaché à une administration, y compris le stagiaire. Néanmoins, tous les employés n’ont pas la faculté d’accéder aux données confidentielles. Mais si par hasard, cela se produisait, l’obligation de discrétion leur incomberait ; – « à la gérance » : cette expression renvoie au mandat confié à une personne d’administrer une affaire au nom et pour le compte d’une autre personne, ici la personne morale. Les gérants peuvent être les responsables des différentes administrations ; – « au contrôle » : deux types de contrôle : interne et externe. La banque organise au niveau interne des contrôles de l’exécution des tâches confiées aux agents. Ce sont les mêmes agents de la banque qui exécutent cette mission de contrôle. Au niveau externe, il existe aussi des contrôles et supervision des banques ;
98. Le verbe concourir selon le Dictionnaire Petit Robert évoque l’idée de participer, collaborer, coopérer ou encore contribuer avec d’autres à un résultat commun, voy. Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, v° concourir, 1998. 99. A. Van Lang et autres, Dictionnaire de droit administratif, 6e éd., Paris, Dalloz, 2012, p. 20. 2018/1
– « et au fonctionnement des établissements de crédit » : cette formulation permet finalement de soumettre au secret bancaire tous ceux qui participent d’une manière quelconque à la mise en œuvre des activités internes des établissements de crédit. Il y a lieu de distinguer deux catégories d’agents : les agents internes à l’établissement de crédit et ceux qui lui sont externes. Ces derniers sont la banque centrale, la Commission bancaire, la justice pénale, l’administration fiscale et douanière (100). Elles doivent taire les informations confidentielles reçues du banquier dans l’exercice de leurs attributions. La formulation de l’alinéa 1er de l’article 30 permet d’élargir le champ d’application du secret bancaire à tous les agents de l’établissement de crédit, y compris les plantons, les chauffeurs, les femmes de ménages. Néanmoins, sous d’autres cieux, certains auteurs estiment que les personnes ci-dessus citées ne sont pas assujetties au devoir de discrétion du banquier, mais plutôt à l’obligation contractuelle de discrétion dont la violation est réprimée civilement et disciplinairement (101). Cette position nous semble discutable, bien qu’en principe, ils n’aient pas accès aux informations confidentielles. Cependant, à l’occasion de l’exercice de leur activité, ces agents subalternes peuvent accéder, ne serait-ce qu’accidentellement, aux informations confidentielles. Nous mesurons mal pourquoi ces mêmes individus pourraient être dispensés du secret bancaire. L’alinéa 2 précise qu’il est « interdit aux mêmes personnes d’utiliser les informations confidentielles… ». On se pose donc la question de savoir quelles sont les informations relevant du secret et celles qui en sont écartées. Monsieur Lasserre Capdeville dégage cinq critères permettant de déterminer les informations confidentielles en ces termes : « L’information confidentielle doit ainsi : avoir été confiée, constatée, déduite ou apprise de tiers ; avoir été reçue à titre professionnel ; être ignorée du public ; être suffisamment précise ; malgré l’existence de ces critères, la volonté du créancier du secret permet d’évaluer la nature confidentielle du secret » (102).
• Les insuffisances au niveau de la réglementation juridique L’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication a eu pour corollaire l’essor des banques, mais également de nouveaux risques, notamment la cybercriminalité. Cette situation a considérablement fragilisé la protection du secret bancaire qui demeure encore plus problématique et préoccupante. Il est alors important d’adapter la législation pénale pour faire face à ces menaces nouvelles. La loi sur la cybercriminalité est encore en gestation au Mali. 100. Voy. 1re partie. 101. J. Lasserre Capdeville, Le secret bancaire – Approches nationale et internationale, op. cit., pp. 24 et s. 102. Ibid., pp. 34 et s.
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2°) L’encadrement juridictionnel du secret bancaire Le juge, gardien des droits et libertés garantis aux citoyens, dispose de pouvoirs adéquats pour protéger le secret bancaire. Il peut selon les cas exiger du banquier la levée du secret ou au contraire sanctionner ce dernier en cas de non-respect du secret. Bref, le juge contrôle sa levée conformément à la loi et sanctionne sa violation.
• Le contrôle de la levée du secret bancaire par le juge Le système bancaire est un secteur potentiellement à risque d’abus criminels et de blanchiment des produits de la corruption (103). Les instruments juridiques mis en place permettant la surveillance des établissements de crédit font du secret bancaire un principe flexible (104). Dans le souci du respect de ses obligations, le banquier ne manque pas de dénoncer son propre client. Ainsi, de 2008 (105) au 31 décembre 2016, la CENTIF a reçu des banques 192 déclarations de soupçons (106) ; 27 dossiers ont fait l’objet d’enquête. Les établissements de microfinance, assujettis au secret professionnel du banquier, n’ont pas fait de déclarations. Certaines dénonciations ont été suivies de poursuites judiciaires. Quelques décisions rendues par les juridictions permettent de confirmer ces propos. C’est le cas notamment de l’affaire Mark Robert et autres (107). Les accusés avaient créé le 30 novembre 2010 une SARL ayant pour objet social la collette, la vente et l’exploitation de l’or. Un compte bancaire fut ouvert au nom de cette société. Le 6 décembre, deux autres associés ouvrent à leur tour chacun un compte bancaire. Entre le 13 et le 23 décembre 2010, ces trois comptes ont été alimentés d’un montant d’environ 363 millions de FCFA grâce à des virements internationaux. Ce montant a été intégralement retiré en espèces. La banque a alerté la CENTIF. Sur le rapport de celle-ci, la justice a déclenché des poursuites contre les auteurs présumés de blanchiment d’argent.
• La responsabilité du banquier pour violation du secret bancaire La violation du secret bancaire par les personnes assujetties est susceptible d’entrainer des conséquences 103. Rapport d’assistance technique – Anti-corruption et lutte contre le blanchiment de capitaux au Mali, n° 15/185 du Fonds Monétaire International, juillet 2015, p. 16. 104. Voy. 1re partie. 105. À noter que 2008 fut la date du démarrage effectif des travaux de la CENTIF, bien que la loi uniforme date de 2006. 106. Rapport d’assistance technique – Anti-corruption et lutte contre le blanchiment de capitaux au Mali, p. 33. 107. CAB, 5 février 2011, Ministère public c. Mark Robert et autres, arrêt n° 67. 76
administratives et professionnelles. L’employé responsable peut se voir licencié, et la banque en tant que personne morale peut encourir plusieurs types de responsabilité, délictuelle, contractuelle ou post-contractuelle. La violation du devoir de discrétion du banquier peut s’analyser comme une atteinte au droit de la personnalité, notamment de la vie privée ; de ce point de vue, le banquier encourt une responsabilité délictuelle, soumise aux exigences du Régime général des obligations (108). Il est évident aussi que le secret bancaire constitue une obligation accessoire au contrat bancaire, de sorte que sa violation entraine la responsabilité contractuelle du banquier. Au-delà de ces deux formes de responsabilité, le banquier peut être tenu responsable de la violation du secret bancaire dans deux autres hypothèses : d’une part, lorsque des pourparlers ont été entamés mais qu’ils n’ont pas abouti à la conclusion du contrat. C’est le cas notamment pour une personne qui désire contracter un crédit bancaire. D’autre part, en cas de nullité ou de résiliation du contrat bancaire entre le client et sa banque (109), le devoir de discrétion survit à la cessation du contrat. En effet, la détermination des différentes formes de responsabilité est importante au plan procédural, car l’action en responsabilité pour violation du devoir de discrétion est susceptible de prescription. Fallait-il se prononcer en faveur de la prescription de 5 ans (110) ou de celle de droit commun (111) ? Il est évident que le secret bancaire protège un double intérêt : général et particulier. D’ailleurs, c’est ce double intérêt qui fonde la levée ou le maintien du devoir de discrétion du banquier. La banque est aussi tenue responsable du fait de ses employés même si elle n’a pas commis de faute dans le choix ou la surveillance de son préposé. L’obligation de discrétion est de résultat et non de moyens. Néanmoins, pour tout régime de responsabilité, il est concevable de soulever des faits justificatifs susceptibles d’ôter à l’acte son caractère illicite. Ces circonstances justificatives peuvent-elles être invoquées par le banquier, échappant ainsi à sa responsabilité ? C’est le cas notamment de la légitime défense, de l’état de nécessité, de l’ordre de la loi et du commandement de l’autorité légitime. Pour ce qui concerne ces deux derniers, l’analyse a été déjà faite, la loi bancaire permet la levée du secret bancaire mais dans des cas limitativement prévus.
Conclusion Qu’il alimente cycliquement des débats passionnés, ou que des discours alarmistes annoncent son déclin, le 108. Art. 113 et s. de la loi n° 87‑31/AN-RM du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations au Mali. 109. M. Aubert et autres, Le secret bancaire suisse, Berne, Staempfli & Cie, 1976, p. 75. 110. Art. 64 du RGO. 111. Art. 254 du RGO.
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secret bancaire, émanation de la personnalité, résiste à l’érosion et à l’usure du temps. À l’heure actuelle, on a souvent l’impression que le secret bancaire livre sa dernière bataille. Loin de là, il se renforce, bien que des menaces nouvelles liées à l’essor de la technologie aient une influence sur sa protection effective. Ces menaces s’étendent aux formes nouvelles de criminalité organisée telles que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Face à ces menaces nouvelles, le secret bancaire ne saurait être absolu. Il subit des atteintes en raison de la nécessité de protec-
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tion de l’ordre public. Ainsi, sa levée aussi bien que son maintien se justifient par l’exigence de sauvegarde de l’ordre public. Finalement, « [l]e secret bancaire ne constitue point une institution figée, vouée à préserver des privilèges, pire, à faciliter la gestion discrète des biens acquis par des moyens douteux, mais il est une part vivante d’un ordre juridique qui laisse s’épanouir les libertés individuelles » (112). 112. A. E. Sarasin, Préface à la 1re édition française de l’ouvrage M. Aubert et autres, Le secret bancaire suisse, op. cit., p. 27.
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Chroniques
II.B. Régulation comparée
III. Régulation assurantielle Chronique sous la direction de Pauline Pailler
Professeur de droit privé à l’Université de Reims
Avec la collaboration de
Pierre Emmanuel Ombolo Menoga Cadre Supérieur d’assurances, Diplômé de l’Institut International des Assurances de Yaoundé, Enseignant vacataire à l’Université de Dschang (Cameroun)
Adrien Tehrani
Maître de conférences à la Faculté de Droit et de Science Politique de Montpellier, Centre du Droit de l’Entreprise
Par plusieurs arrêts, la Cour de justice a clarifié en 2017 le régime fiscal des groupements autonomes de personnes dans le secteur des services financiers, précisant qu’ils ne bénéficient pas d’une exonération de TVA. Cette solution était auparavant discutée. Au niveau comparé, cette chronique propose une analyse des contours du contrôle financier des entreprises d’assurance de la zone CIMA. Enfin, sur le plan international, l’Association Internationale des Contrôleurs d’Assurance a établi son rapport annuel pour l’année 2016, lequel permet d’avoir un bon aperçu des nombreuses initiatives de l’Association dans le domaine.
The European Court of Justice issued several decisions in 2017 which clarify a disputed issue regarding the fiscal treatment of independent groups of persons in the financial services area. The ECJ decided to exclude them from the benefit of VAT exemption. From a comparative law standpoint, this chronicle provides an analysis of the applicable outlines of insurance undertakings’ financial control in the CIMA area. Finally, at an international level, the annual report for 2016 issued by the International Association of Insurance Supervisors shows a good outlook on numerous actions taken by the Association in this field.
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Chroniques
III. Régulation assurantielle
III.A. Régulation européenne LES GROUPEMENTS AUTONOMES DE PERSONNES EXERÇANT DANS LE DOMAINE DE LA BANQUE ET DES ASSURANCES NE BÉNÉFICIENT PAS D’UNE EXONÉRATION DE TVA C.J.U.E. (4e ch.), 21 septembre 2017, Minister Finansow c. Aviva, aff. C-605/15, concl. de l’avocat général Mme Juliane Kokott C.J.U.E. (4e ch.), 21 septembre 2017, « DNB Banka » AS c. Valsts ienemumu dienests, aff. C-326/15, concl. de l’avocat général Mme Juliane Kokott C.J.U.E. (4e ch.), 21 septembre 2017, Commission c. RFA, aff. C-616/15, concl. de l’avocat général M. Melchior Wathelet(1)
Pauline Pailler
Professeur de droit privé à l’Université de Reims
Le régime fiscal applicable aux groupements autonomes de personnes est à l’honneur devant la Cour de justice. Par trois arrêts du 21 septembre 2017 (2), la Cour se prononce ainsi sur le régime fiscal des groupements autonomes de personnes (GAP) exerçant leur activité dans le domaine de la banque et des assurances. Elle se prononce en particulier sur l’interprétation de l’article 132, § 1, sous f), de la directive 2006/112/CE, lequel pose un principe d’exonération des prestations de services fournies à leurs membres par des GAP. Toute la question, à laquelle la C.J.U.E. n’avait pas encore eu l’occasion de répondre, était de savoir si les GAP, qui sont des groupements de moyens de fait, devaient, pour bénéficier de l’exonération, poursuivre des activités d’intérêt général, ce qui restreignait automatiquement son champ d’application à certaines catégories professionnelles et excluaient le secteur de la banque et de l’assurance. Cette position restrictive était notamment défendue par l’Alle1.
2.
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Notes et observations : Bull. Joly Sociétés, 2017, § 117b9, note L. Chetcuti ; J.-C. Bouchard, M. Wolf, S. Dorin, « Groupements autonomes de personnes : Eile Mit Weile (“hâte-toi lentement”) », Rev. dr. fiscal, 2017, comm. 543. C.J.U.E. (4e ch.), 21 septembre 2017, Minister Finansow c. Aviva, aff. C-605/15 ; C.J.U.E. (4e ch.), 21 septembre 2017, « DNB Banka » AS c. Valsts ienemumu dienests, aff. C-326/15 ; C.J.U.E. (4e ch.), 21 septembre 2017, Commission c. RFA, aff. C-616/15.
magne, qui réserve ce régime de faveur aux prestations de services de GAP dont les membres exercent des activités ou des professions dans le domaine de la santé. L’article 132, § 1, sous f), précité dispose que : « Les États membres exonèrent les opérations suivantes : f) les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ». L’article 135, § 1, de la même directive ajoute, pour le domaine des assurances, que : « Les États membres exonèrent les opérations suivantes : a) les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance ». La Cour de justice était donc saisie de la question suivante : l’exonération s’applique-t‑elle à tous les GAP dont les membres exercent une activité exonérée de TVA, ainsi de ceux qui exercent une activité économique dans le domaine des assurances (arrêt Aviva) ou dans le domaine des services financiers (arrêt DNB Banka), ou s’applique-t‑elle uniquement aux GAP dont les membres exercent une activité d’intérêt général ? La C.J.U.E. fait le choix d’une interprétation stricte du domaine de l’exonération de TVA en matière de GAP, écartant de son bénéfice les groupements constitués dans le domaine des assurances et de la banque. Elle confirme la tendance initiée dans un précédent arrêt
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du 4 mai 2017 (3), dans lequel elle avait déjà exigé que l’exonération, pour être admise, concerne des prestations de services directement nécessaires à l’exercice des activités exonérées des membres du GAP ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti (4). Ainsi, si « les services rendus par un GAP dont les membres exercent également des activités imposables peuvent bénéficier de cette exonération, [c’est] seulement dans la mesure où ces services sont directement nécessaires pour les activités exonérées desdits membres ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti » (5). Dans les trois arrêts adoptés le 21 septembre 2017, elle précise encore le champ de l’exonération, toujours dans une dimension stricte, en retenant que celle-ci « ne vise que les GAP dont les membres exercent des activités d’intérêt général » (6). Elle soulève plusieurs arguments au soutien de son analyse. Notamment, elle souligne la finalité de la disposition, destinée à faciliter l’accès à certaines prestations ainsi que la fourniture de certains biens, en évitant les surcoûts qui découleraient de leur assujettissement à la TVA (7). Elle invoque également un argument textuel, relevant que la directive distingue les exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général et les exonérations en faveur d’autres activités, ainsi des opérations d’assurance et de réassurance ou des services financiers, ce qui plaide en faveur d’un traitement différencié. En outre, elle rappelle que le champ d’application des exonérations visées est d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (8). Dès lors, l’exonération prévue à l’article 132, § 1, sous f), « ne vise que les C.J.U.E. (4e ch.), 4 mai 2017, Commission c. Luxembourg, aff. C-274/15, R.I.S.F., 2017/4, p. 114, note S. Le Normand-Caillère. 4. Ibid., point 51. 5. Ibid., point 53. 6. Arrêt Aviva, point 25. 7. C.J.U.E., 5 octobre 2016, TMD, aff. C-412/15, EU:C:2016:738, point 30. 8. Ibid., points 31 à 33.
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GAP dont les membres exercent des activités d’intérêt général mentionnées à cet article. Partant, les services rendus par des GAP, dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des assurances qui ne constitue pas une telle activité d’intérêt général, ne bénéficient pas de cette exonération » (9). Cette position pouvait susciter la discussion. Par une décision antérieure du 20 novembre 2003, adoptée dans le secteur de l’assurance, la C.J.U.E. avait même semblé prendre position en faveur de la solution inverse, reconnaissant que les transactions d’assurances qui étaient exonérées en vertu de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive, tombaient sous le coup de l’exonération sur le partage des coûts, étendant l’exonération à des activités qui ne sont pas à objectif médical ou social (10). Ainsi, la Cour souligne que si cet arrêt n’avait pas tranché la question de savoir si cette exonération était limitée aux services rendus par un GAP dont les membres exerçaient des activités d’intérêt général, certains États membres s’en étaient prévalu pour exonérer les prestations de services effectuées par des GAP constitués par des entités telles que des compagnies d’assurance (11). Le doute suscité par cette décision justifie selon la Cour de retarder les effets des décisions du 21 septembre 2017 : ainsi, pour les périodes fiscales définitivement clôturées, l’exonération ne peut être remise en cause et, pour les périodes fiscales qui ne sont pas encore définitivement clôturées, la Cour relève que les principes de sécurité juridique et de nonrétroactivité empêchent le juge national de se référer au contenu d’une directive pour opérer une interprétation contra legem du droit national (12). Par conséquent, ces décisions ne produiront d’effet que pour l’avenir pour les États membres reconnaissant la possibilité d’une exonération dans les domaines de la banque et de l’assurance. 9. Arrêt Aviva, point 32 ; arrêt DNB Banka, point 37. 10. C.J.U.E., 20 novembre 2003, Taksatorringen, aff. C-8/01, EU:C:2003:621. 11. Arrêt Aviva, point 34. 12. C.J.U.E., 15 avril 2008, Impact, aff. C-268/06, EU:C:2008:223, point 100.
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Chroniques
III.A. Régulation européenne
Chroniques
III. Régulation assurantielle
III.B. Régulation comparée LE CONTRÔLE FINANCIER DES SOCIÉTÉS D’ASSURANCE DE LA ZONE CIMA Pierre Emmanuel Ombolo Menoga
Cadre Supérieur d’assurances, Diplômé de l’Institut International des Assurances de Yaoundé, Enseignant vacataire à l’Université de Dschang (Cameroun)
Introduction Le secteur de l’assurance est un vecteur de développement économique (1), social (2) et financier (3) durable (4) et 1.
2.
3.
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À ce titre, nous faisons nôtre l’une des définitions économiques de l’assurance qui consiste à retenir qu’il s’agit d’une « Fonction économique dont la finalité est de permettre l’indemnisation des dommages survenus aux biens et aux personnes grâce à la prise en charge d’un ensemble de risques et à leur compensation moyennant le paiement d’une prime ou cotisation à l’assureur » (A.-C. Martinet et A. Silem (dir.), Lexique de gestion et de management, 8e éd., Paris, Dunod, 2008, p. 51). La fonction sociale de l’assurance est essentiellement illustrée par la qualité d’employeurs des organismes d’assurances. Elle est accessoirement mise en exergue par la responsabilité sociale et environnementale qui fait de plus en plus partie des contraintes de ces acteurs économiques. Cette fonction n’est pas citée par certains auteurs qui ne retiennent que la fonction commerciale, la fonction administrative et la fonction financière. Voy. F. Couilbault, C. Eliashberg et M. Latrasse, Les grands principes de l’assurance, 4e éd., Paris, L’Argus, 1999, p. 132. La fonction financière de l’assurance est déduite principalement de la qualité d’investisseurs institutionnels ou d’investisseurs qualifiés des entreprises d’assurances et de réassurance que le législateur contraint à employer une part importante des primes collectées en placements sous forme de titres financiers ou de valeurs immobilières. Mieux encore, ces organismes gèrent des actifs correspondant à leurs fonds propres, d’une part, et aux primes ou cotisations collectées, d’autre part, qu’ils mettent en réserve sous forme de provisions, en couverture de leurs principaux engagements : les engagements réglementés. Cette durabilité se justifie par le fait que les entreprises d’assurances et de réassurance sont créées pour survivre aux hommes et femmes qui les constituent. Elle est également acquise par de nombreux exemples d’entreprises d’assurances et de réassurance qui existent depuis plusieurs décades.
fiable (5). Il est aussi pourvoyeur de sécurité pour divers acteurs et agents économiques. C’est pour capitaliser les atouts de son énorme potentiel que quatorze États africains (6) ont décidé de la création (7) d’une Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances, en abrégé CIMA (8). Il s’agit d’une organisation internationale, reconnue dans le monde en général et en Afrique en particulier, et qui se présente à la fois comme un marché et une organisation. À la lecture du préambule du Traité instituant la CIMA, elle se présente comme une « organisation commune dotée de compétences et d’organes propres » d’envergure supranationale qui à travers une législation unique (9) et un contrôle unique (10) favorise la constitu5.
La fiabilité est la caractéristique voulue et défendue par les organismes d’assurances en tant qu’ils revendiquent d’être des réservoirs de sécurité, les premiers et les plus crédibles parmi les autres organismes de mutualisation des risques. 6. Ces quatorze États africains sont : la République du Bénin, le Burkina Faso, la République du Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, la République de Côte d’Ivoire, la République gabonaise, la République de Guinée équatoriale, la République du Mali, la République du Niger, la République du Sénégal, la République du Tchad, la République togolaise et la République fédérale islamique des Comores. 7. La création de la CIMA n’a pas été soudaine. Elle s’appuie sur des textes par lesquels les États membres avaient déjà matérialisé juridiquement leur commune volonté d’œuvrer ensemble dans le secteur des assurances. C’est notamment le cas des conventions en matière de contrôle des entreprises et opérations d’assurances signés à Paris le 27 juillet 1962, d’une part, et le 27 novembre 1973, d’autre part. 8. L’article 1er, alinéa 1er, du Traité CIMA dispose que : « Les Hautes Parties Contractantes instituent entre elles une organisation intégrée de l’industrie des assurances dans les États africains dénommée Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances, en abrégé CIMA… ». 9. Il s’agit, conformément à l’article 3 du Traité instituant la CIMA, du Code des assurances (ci-après Code CIMA). Ce Code comprend actuellement huit livres. À côté du Code CIMA, il faut citer le Traité CIMA lui-même, les règlements, les décisions, les recommandations et les avis qui constituent l’ordonnancement juridique de la CIMA dans une logique de supranationalité normative. 10. Ce contrôle unique est assuré par la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA) qui travaille en étroite collaboration avec les directions nationales des assurances des États membres de la CIMA.
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tion dans l’ensemble de ses pays membres, d’un marché élargi et intégré (11).
financier occupe une place de choix parmi ces types de contrôle et fera l’objet de nos développements.
Elle doit remplir les huit objectifs (12) que lui assigne le Traité instituant la CIMA et surtout « faciliter les conditions d’un développement sain et équilibré des entreprises d’assurances » (13). Elle doit alors mettre en œuvre des outils et mécanismes appropriés (14) parmi lesquels on retrouve en bonne place le contrôle des sociétés d’assurances (15).
Nous sommes conscients que les types de contrôle que nous avons cités plus haut ne sont pas isolés au plan pratique. Leur exercice est souvent cumulatif et non alternatif. Mais nous mettons l’accent sur ce volet au regard de son caractère incontournable.
Il existe à cet effet plusieurs types de contrôle : le contrôle administratif, le contrôle technique et le contrôle financier. La gestion administrative et la gestion technique, qui renvoient respectivement au contrôle administratif et au contrôle technique, sont, à notre avis au service de la bonne santé financière (16) d’une société d’assurance. C’est pourquoi le contrôle 11. Le préambule du Traité instituant la CIMA parle de la « transformation progressive des marchés d’assurances en un grand marché disposant de règles et d’une autorité communes ». 12. Ces objectifs sont énumérés par l’article 1er du Traité instituant la CIMA. 13. Argument tiré de l’article 1er, alinéa 1er (au point numéro 6), du Traité instituant la CIMA. 14. Par exemple, le Conseil des ministres des assurances de la zone CIMA a pris, en date du 4 octobre 2017, le Règlement n° 004/CIMA/PCMA/CE/SG/2017 modifiant l’article 329‑7 du Code des assurances. Dans cette disposition intitulée « Prise de participation, autorisation du ministre en charge des Assurances », le volet modifié est formulé comme suit : « En outre, toute participation atteignant 10 % dans le capital social d’une société anonyme d’assurance d’une personne agissant seule ou de concert avec d’autres personnes, doit faire l’objet, de la part de cette personne ou de ces personnes, d’une notification à la Commission Régionale de Contrôle des Assurances et au Ministre en charge des assurances de l’État membre dans un délai de deux (02) mois à compter de la date de réalisation de l’opération. La Commission ou le Ministre peut demander toute information nécessaire à l’évaluation de l’opération ». 15. L’article 301 du Code CIMA prévoit deux principales formes de sociétés d’assurances : les sociétés anonymes d’assurances et les sociétés d’assurances mutuelles. Sur ces dernières, voy. F. Roth, « La gouvernance des entreprises d’assurance : les atouts des formes mutuelles », Revue d’économie financière, n° 67, 2002, L’avenir des institutions financières mutualistes, pp. 81 à 192. 16. Pour la bonne santé financière des entreprises d’assurances (sociétés anonymes d’assurances et sociétés d’assurances mutuelles), le Conseil des ministres des assurances de la zone CIMA a pris en 2016 six règlements : – Règlement n° 001/CIMA/PCMA/CE/2016 modifiant et complétant le régime financier et les règles comptables applicables aux organismes d’assurance ; – Règlement n° 002/CIMA/PCMA/CE/2016 portant obligation d’information de la Commission Régionale de Contrôle des Assurances par le Commissaire aux comptes des sociétés d’assurances et de réassurance ; – Règlement n° 003/CIMA/PCMA/CE/2016 portant autorisation d’exercer des experts en évaluation immobilière auprès des entreprises d’assurances, de microassurance et de réassurance ; 2018/1
La question centrale à laquelle nous allons répondre est celle des contours dudit contrôle. Dans une approche à la fois théorique et pratique, nous analyserons ses bases, sa mise en œuvre et son dénouement, en nous limitant au cas des sociétés d’assurances de la zone CIMA.
I. Les bases du controle financier À travers ses socles, son champ d’application et ses éléments clés, nous serons fixés sur les bases du contrôle financier des sociétés d’assurances en zone CIMA.
A. Les socles du contrôle financier Sous cet intitulé, nous voulons mettre en lumière les fondements et les caractères du contrôle financier.
1. Les fondements du contrôle financier Les fondements du contrôle financier sont tantôt d’ordre technique, tantôt d’ordre juridique, tantôt d’ordre statutaire. La justification technique de ce contrôle repose essentiellement sur l’inversion du cycle de production (17). En effet, contrairement à une entreprise classique qui connaît son prix de revient avant même de déterminer le prix de vente de ses produits et services, une entreprise d’assurance fixe d’abord les primes des contrats d’assurances qu’elle commercialise et ne sera tenue d’exécuter ses engagements qu’après avoir perçu ces – Règlement n° 005/CIMA/PCMA/CE/2016 modifiant et complétant les dispositions de l’article 308 du Code des assurances portant assurance directe à l’étranger ; – Règlement n° 006/CIMA/PCMA/CE/2016 modifiant et complétant le Règlement n° 0004/CIMA/PCMA/ CE/SG/2009 du 28 septembre 2009 définissant les modalités de la facturation au réel des conventions d’assistance technique conclues avec les sociétés d’assurances ; – Règlement n° 007/CIMA/ PCMA/CE/2016 modifiant et complétant les articles 329‑3 et 330‑2 du Code des assurances relatifs au capital social des sociétés d’assurances et au fond d’établissement des sociétés d’assurances mutuelles. 17. Pour cette expression : A.-C. Martinet et A. Silem (dir.), Lexique de gestion et de management, 8e éd., op. cit., p. 357.
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Chroniques
III.B. Régulation comparée
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III. Régulation assurantielle
primes. Son prix de revient n’est donc pas connu en amont. Elle ne peut le connaître que lorsqu’elle a exécuté ses engagements, notamment à travers les charges qu’elle a exposées dans la gestion des sinistres. Il y a ainsi un décalage dans le temps entre l’exécution de ses engagements (le paiement des sinistres) et les sommes d’argent qu’elle reçoit à ce titre. Ce qui fait qu’elle dispose en amont d’une masse de sommes d’argent que le législateur lui demande de mettre en réserve (les provisions techniques) afin d’honorer par la suite ses engagements (les sinistres survenus mais non encore payés et les sinistres à venir). Le contrôle financier a également un fondement juridique. Il s’agit non seulement du Traité CIMA (18), du Code CIMA (19) et de certains règlements (20). Le fondement d’ordre statutaire joue car les sociétés d’assurances sont des investisseurs institutionnels. En cette qualité, elles sont tenues d’employer une part notable des primes qu’elles ont collectées en placements (actifs financiers divers dominés par les valeurs mobilières).
2. Les caractères du contrôle financier Le contrôle financier a plusieurs caractères que nous déduisons des textes juridiques de la CIMA : – le caractère obligatoire : les sociétés d’assurances ne s’y soumettent pas de leur plein gré. Elles le font parce qu’elles sont tenues par des dispositions juridiques impératives dont le non-respect peut conduire à l’application des sanctions tant disciplinaires, administratives que pénales ; – le caractère permanent : ce contrôle s’exerce à partir de la demande d’agrément de la société d’assurances. Il continue après l’agrément de cette société et se poursuit même à la liquidation de l’entreprise concernée, après le retrait de son agrément ; – le caractère contradictoire : il fait appel à l’obligation qu’ont les vérificateurs de permettre à l’entreprise contrôlée de faire des observations sur les constatations et les conclusions figurant dans leur rapport de contrôle qu’ils communiquent obligatoirement aux entreprises contrôlées. Ce caractère se manifeste aussi quand la CRCA entend prononcer des injonctions ou des sanctions à l’encontre d’une société d’assurances (21) ; – le caractère documentaire : comme nous allons le voir dans la suite de ce travail, le contrôle financier, qu’il soit réalisé a priori, a posteriori, sur pièces ou sur place, nécessite toujours la mise à disposition des documents par les sociétés contrôlées aux contrôleurs. Il ne s’agit pas d’un contrôle verbal. Il a pour base des écrits qui sont analysés par des contrô18. 19. 20. 21. 84
Articles 16, 17, 20, 21 et 30, alinéa 2. Les livres 3 et 4 du Code CIMA dans leur ensemble. Voy. la note 289. Article 314 du Code CIMA.
leurs qui produisent un rapport au terme de leurs vérifications.
B. Le champ d’application du contrôle financier Nous aurions pu étudier le champ d’application sous les angles ratione materiae, ratione loci et ratione personae. Ces points étant considérés de part et d’autre dans notre travail, nous analysons ici les périodes dudit contrôle et soutenons qu’il existe un contrôle financier a priori à côté d’un contrôle financier a posteriori.
1. Le contrôle financier a priori Le contrôle financier a priori est celui qui est préalable au début de l’exercice des opérations d’assurances par une société anonyme ou une société mutuelle. Le contrôle financier a priori a trait à deux principaux aspects : l’agrément préalable et les prises de participation (changement dans la structure de l’actionnariat). Pour ce qui est de l’agrément, l’article 326, alinéa 1er, du Code CIMA prévoit que : « Les entreprises soumises au contrôle par l’article 300 ne peuvent commencer leurs opérations qu’après avoir obtenu leur agrément ». Cet agrément est une autorisation administrative de pratiquer les opérations d’assurances. Les étapes de la délivrance de cet agrément sont reprises dans le schéma ci-après.
Constitution de la société d’assurance
Dépôt du dossier de la demande d’agrément
Pré-étude de la demande d’agrément au sein de la Direction Nationale des Assurances
Décision d’octroi d’agrément par le ministre en charge des Assurances
Avis favorable de la CRCA
Examen du dossier de demande d’agrément par la CRCA
Parmi les critères d’octroi de cet agrément, on retrouve : – les moyens techniques et financiers dont la mise en œuvre est proposée par l’entreprise demanderesse et l’adéquation desdits moyens avec le plan d’affaires de cette entreprise ; – la répartition du capital social (pour les sociétés anonymes d’assurances) ou les modalités de constitution du fonds d’établissement (pour les sociétés d’assurance mutuelle). Pour ce qui est des prises de participation, l’article 329‑7 du Code CIMA exige le dépôt d’un dossier comprenant deux types d’informations (celles
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Chroniques
III.B. Régulation comparée
Le régime de la prise de participation dans les sociétés anonymes d’assurances Seuil de participation
De 10 à 19 %
À partir de 20 %
Nature du regime Notification obligatoire
Autorisation préalable
Commentaires Le législateur CIMA parle de « toute participation atteignant 10 % dans le capital social d’une société anonyme d’assurance ». Cette notification doit se faire dans les deux mois qui suivent la réalisation de ladite opération. Pour le législateur CIMA, il est question « soit d’une participation atteignant 20 %, 33 % ou 50 % du capital social, soit de la majorité des droits de vote à l’assemblée générale ». Dans ce cas, l’opération envisagée ne peut valablement se réaliser qu’après l’autorisation explicite ou implicite du ministre en charge du Secteur des assurances dont la décision est subordonnée à l’avis conforme de la CRCA.
relatives à l’opération envisagée et celles relatives à l’acquéreur) auprès du ministre en charge du Secteur des assurances de l’État membre concerné, d’une part, et de la CRCA, d’autre part, pour toute opération ayant pour effet de conférer directement ou indirectement à un actionnaire soit une majorité des droits de vote, soit un certain seuil de participations, soit un droit à l’assemblée générale d’une société anonyme d’assurances exerçant dans un État membre de l’espace CIMA. En fonction du seuil de participations, le contrôle des autorités compétentes (le ministre en charge du Secteur des assurances et la CRCA) prend le sens tantôt du régime de l’autorisation obligatoire soit celui de la notification préalable comme nous pouvons l’observer dans le tableau ci-dessus. Les autres aspects de l’activité des sociétés d’assurances sont examinés à travers le contrôle financier a posteriori.
2. Le contrôle financier a posteriori Le contrôle financier a posteriori s’ouvre sur l’application de l’article 328‑8, alinéa 1er, du Code CIMA d’après lequel l’entreprise qui a obtenu l’agrément doit, pendant les trois premiers exercices de ses opérations, produire chaque semestre à la CRCA un compte rendu d’exécution de son programme d’activités. L’alinéa 2 du même article ajoute que : « Si les comptes rendus ainsi présentés font apparaître un déséquilibre grave dans la situation financière de l’entreprise, la Commission peut à tout moment prendre les mesures nécessaires pour faire renforcer les garanties financières jugées indispensables et, à défaut, procéder au retrait de l’agrément ». Ce contrôle financier a posteriori se poursuit après cette période triennale. Il accompagne toute la vie de l’entreprise d’assurances (22) et s’étend, après le retrait 22. Les contrôleurs s’intéresseront notamment au capital social ou au fonds d’établissement (sa consistance à tout moment et sa concordance avec le niveau exigé 2018/1
éventuel de son agrément, à l’achèvement de ses opérations de liquidation (23).
C. Les éléments clés du contrôle financier Ces éléments se présentent, dans les lignes qui vont suivre, comme des précisions sur le contrôle financier a posteriori, puisque nous avons déjà développé ceux qui ont trait au contrôle financier a priori.
1. Le cadre général du contrôle financier Le cadre général du contrôle financier se réfère à l’examen de la situation financière globale de l’entreprise contrôlée (c’est-à-dire à la fois son actif et son passif dans son ensemble), cet examen nécessitant divers documents, à savoir : – les documents et registres comptables que l’entreprise doit établir en application de l’article 412 du Code CIMA parmi lesquels on peut citer notamment le livre-journal général, le grand-livre général, le livre des balances trimestrielles de vérification, le livre relié des inventaires annuels et les livres de caisse ; – les états statistiques (ce sont par exemple les états C20 [mouvement au cours de l’exercice inventorié des polices, capitaux ou rentes assurés], C11 [marge par la réglementation), aux modalités de partage des risques (coassurance et réassurance), à la capacité de l’entreprise à recouvrer ses créances (dettes des assurés, agents, réassureurs, actionnaires, du personnel de l’entreprise, etc.), au rythme des dépenses et d’exécution des engagements, au rendement des placements, au provisionnement des dossiers sinistres, etc. 23. Le contrôle ne s’arrête pas avec le retrait de l’agrément de l’entreprise. Il se poursuit au niveau des opérations de liquidation, notamment pour se rassurer que les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrats sont préservés.
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III. Régulation assurantielle
de solvabilité], C5 [engagements réglementés] et C10 [ventilation par exercice de survenance des sous-catégories de véhicules terrestres à moteur]) et comptables (où l’on a par exemple le bilan, le compte d’exploitation générale, le compte général de pertes et profits, etc.) énumérés à l’article 422 du Code CIMA ; – les états de surveillance complémentaires listés à l’article 422‑1 du Code CIMA ;
– la provision de prévoyance en faveur des employés et agents destinée à faire face aux engagements pris par l’entreprise envers son personnel et ses collaborateurs ; – les dépôts de garantie des agents, assurés et tiers ; – les provisions techniques suffisantes pour le règlement intégral de leurs engagements envers les assurés et bénéficiaires de contrats ;
– les dossiers des actionnaires ;
– les postes du passif correspondant aux autres créances privilégiées.
– les résolutions des conseils d’administration et des assemblées générales ;
Ces engagements doivent être représentés à l’actif du bilan desdites sociétés par des actifs tels que :
– le rapport de gestion (24) ;
– les dépôts bancaires ;
– les états financiers de synthèse annuels ;
– les espèces ;
– les différents relevés bancaires, etc.
– les prêts hypothécaires ;
Dans leurs investigations, les contrôleurs peuvent s’intéresser, pour ce qui est de l’actif, aux immobilisations, aux valeurs réalisables ou aux disponibilités à court, moyen et long terme. Et pour ce qui est du passif, ils peuvent s’attarder sur la constitution des provisions, la recherche de toutes les créances bénéficiant d’un privilège supérieur à celui des assurés et bénéficiaires de contrats et même sur la part du capital social qui a déjà été effectivement libérée par les différents actionnaires.
– les prêts obtenus ou garantis par les États membres de la CIMA ;
(25)
Mais les éléments qui n’échappent pas à leur vigilance, qu’il s’agisse du contrôle sur pièces ou du contrôle sur place sont les engagements réglementés et la marge de solvabilité.
2. Le cadre central du contrôle financier : les engagements réglementés et la marge de solvabilité Les engagements réglementés et la marge de solvabilité (26) sont les points les plus importants du contrôle financier des entreprises d’assurances en zone CIMA. Les engagements réglementés représentent une liste d’engagements de dettes particulières dont les sociétés d’assurances doivent à toute époque être en mesure de justifier l’évaluation. Ce sont, en application de l’article 334 du Code CIMA : 24. L’exigence de ce document a pour fondement l’article 138 de l’acte uniforme OHADA sur les sociétés commerciales. 25. C’est une liasse qui comprend le bilan, le compte de résultat, le TAFIRE (tableau financier des ressources et emplois) et l’état annexé (il est formé des notes et tableaux supplémentaires servant à donner des détails quant aux informations issues du bilan, du compte de résultat et du TAFIRE). Ces états financiers sont notamment exigés par les articles 137, 139, 140 et 269 de l’acte uniforme OHADA sur les sociétés commerciales. 26. Parmi les états listés à l’article 422 du Code CIMA, sont respectivement les états C4 et C11. 86
– les droits réels immobiliers afférents à des immeubles situés dans le territoire de l’un des États membres de la CIMA ; – les prêts obtenus ou garantis par des établissements de crédit, les institutions financières spécialisées dans le développement et les banques multilatérales de développement ayant compétence en zone CIMA ; – les bons du trésor ; – les valeurs mobilières (actions et obligations) émises par des sociétés commerciales, les entreprises d’assurances ou de réassurance, les collectivités publiques locales ou territoriales des États membres de la CIMA, un ou plusieurs États membres, les institutions financières spécialisées dans le développement et les banques multilatérales de développement ayant compétence en zone CIMA ; – les actions et parts des Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) ; – les dépôts en espèces constitués par les réassureurs pour les provisions techniques relatives aux affaires cédées (27) ; – les primes arriérées de moins d’un an. Les contrôleurs s’assurent toujours que ces actifs sont cumulativement : – diversifiés par type ; – limités et dispersés (28) par rapport au total des engagements réglementés ; – évalués correctement (c’est-à-dire suivant des méthodes pertinentes et claires) ; – valablement localisés (c’est-à-dire placés et localisés sur le territoire de l’État membre sur lequel les risques ont été souscrits) ; 27. Article 335‑5 du Code CIMA. 28. Pour cette dispersion : article 335‑4 du Code CIMA.
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– appuyés par des justificatifs conservés au sein de l’entreprise contrôlée.
Les principes de l’admissibilité des placements sont plus nombreux et sont retracés dans le tableau ci-après.
Les principes relatifs à l’admissibilite des placements Libellé
Contenu
Observations
Principe de sûreté
Il renvoie à l’idée suivant laquelle la valeur du placement ne doit pas être soumise à une volatilité trop forte.
Principe de liquidité
Il implique la réalisation rapide sans décote trop importante du placement concerné afin de faire face le moment venu à l’engagement contracté.
Ces trois principes anticipent en quelque sorte les principaux risques financiers auxquels peuvent être soumis les placements (risque de taux, défaut de contrepartie obligataire, impossibilité de trouver une contrepartie pour un actif mis en vente, etc.).
Principe de rentabilité
Il se rapporte au rendement positif que doit générer en moyenne un placement.
Principe de limitation
Les placements admissibles sont restrictivement énumérés par le législateur CIMA (art. 335‑1 du Code CIMA) qui prévoit en plus des limitations (pourcentage) par catégorie.
Principe de dispersion
La valeur des actifs admissibles, inscrite au bilan, et rapportée au montant total des engagements réglementés, ne peut dépasser par émetteur les seuils maximums édictés par le législateur CIMA (art. 335‑4 du Code CIMA).
Principe de localisation
Selon ce principe, les engagements réglementés doivent à toute époque être représentés par des actifs équivalents, placés et localisés sur le territoire de l’État membre sur lequel les risques ont été souscrits.
Si ce principe admet une exception (dans une quotité maximale de 50 %, l’entreprise peut faire des placements dans d’autres pays de la CIMA), le but est que les primes collectées contribuent au développement économique des pays membres de la CIMA.
Principe de congruence
Lorsqu’une entreprise prend des engagements dans une monnaie donnée, elle doit les couvrir par des actifs libellés ou réalisables dans cette même monnaie.
L’objectif recherché est essentiellement le risque de change qui existerait forcément si la monnaie dans laquelle les engagements sont pris est différente de celle des actifs qui couvrent lesdits engagements.
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Il s’agit d’une manière générale des placements qui peuvent facilement remplir les conditions de sûreté, liquidité et rentabilité.
Si la CRCA peut accorder des dérogations dans certains cas, ce principe a pour but de limiter le risque de concentration auprès d’un même émetteur. Ainsi, dans le cadre de la politique de placement, les allocations d’actifs doivent se faire dans une logique de la pluralité des émetteurs.
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III. Régulation assurantielle
Parmi ces principes, deux méritent une attention particulière parce que les contrôleurs s’assurent de leur respect scrupuleux. Il s’agit respectivement du prin-
cipe de la limitation et du principe de la dispersion dont la substance est reprise dans les tableaux qui suivent.
Le principe de la limitation des placements admissibles en couverture des engagements réglementés Catégories d’actifs Dépôts en banque
Pourcentage minimum des engagements réglementés
Pourcentage maximum des engagements réglementés
10 %
– 40 % pour les sociétés d’assurances non-vie ; – 35 % pour les sociétés d’assurances-vie
Obligations et autres valeurs d’État
15 %
50 %
Obligations des organismes internationaux Obligations des institutions financières Autres obligations
40 %
Actions cotées Actions des entreprises d’assurances Actions et obligations des sociétés commerciales Actions des sociétés d’investissement Droits réels immobiliers
40 %
Prêts garantis
20 %
Prêts hypothécaires
10 %
Autres prêts
10 %
Le principe de la dispersion des placements admissibles en couverture des engagements réglementés Catégories d’actifs Pour un même immeuble, les parts ou actions d’une même société immobilière ou foncière Pour l’ensemble des actions, obligations, parts et droits émis par des sociétés commerciales d’un État membre de la CIMA Pour l’ensemble des valeurs émises, des prêts obtenus ou garantis par un même organisme et des dépôts placés auprès de cet organisme
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Pourcentage maximum des engagements réglementés 15 %
2 %
5 %
Observations Une dérogation au cas par cas peut toujours être accordée par la CRCA pour toutes les catégories d’actifs visés. Pour l’ensemble des actions émises par une même société, la limite est de 50 %.
Possibilité d’atteindre 10 % pour un même émetteur, dans la limite de 40 % pour l’ensemble des actifs concernés.
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Pour ce qui est de la marge de solvabilité, l’article 337 du Code CIMA exige que : « Toute entreprise soumise au contrôle en vertu de l’article 300 doit justifier de l’existence d’une marge de solvabilité suffisante, relative à ses activités ». La marge de solvabilité peut être définie comme une contrainte légale par laquelle la société d’assurances est obligée de constituer une réserve de capital supplémentaire pour faire face à des engagements inattendus (29). C’est le rapport minimum entre les fonds propres de la société d’assurances et son activité (30). Les éléments constitutifs de la marge de solvabilité sont notamment le capital social versé (ou le fonds d’établissement constitué pour les sociétés d’assurance mutuelles), la moitié de la fraction non versée dudit capital social ou dudit fonds d’établissement, les droits d’adhésion prélevés sur les nouveaux adhérents (cas des sociétés d’assurance mutuelles), les bénéfices reportés et les réserves diverses (31). Les modalités de calcul de la marge de solvabilité sont clairement définies par le Code CIMA (32). C’est au terme de ce calcul que l’on déduit si elle est suffisante ou pas, ce qui peut avoir un impact important sur le dénouement du contrôle financier de la société d’assurances.
II. La mise en œuvre du contrôle financier La mise en œuvre du contrôle financier suppose une typologie, des acteurs et des contraintes.
A. Les types de contrôle financier
1. Le contrôle sur pièces Le contrôle sur pièces renvoie à celui qui est exercé par les contrôleurs sur les personnes contrôlées, sur la base des documents et informations transmis à travers les procédés et supports prévus par le législateur CIMA (33). Les éléments ainsi transmis sont examinés par les contrôleurs qui en vérifient l’exhaustivité (c’està-dire si les personnes soumises au contrôle ont mis à leur disposition tous les documents et informations obligatoires), la cohérence et la pertinence. Et les résultats de l’analyse d’un contrôle sur pièces aboutissent à un contrôle sur place.
2. Le contrôle sur place Il est souvent nécessaire, surtout lorsque les conclusions d’un ou plusieurs contrôles sur pièces ont révélé des écarts ou des incohérences qui obligent les contrôleurs à venir sur le terrain afin de toucher la réalité du doigt et avoir une information plus pertinente qui leur permettra de donner les orientations qui s’imposent à la gestion de l’entreprise. Le contrôle sur place suppose que les contrôleurs arrivent sur les lieux d’exercice d’activité des personnes contrôlées. C’est une mission de travail effectuée par les contrôleurs au sein des locaux des personnes contrôlées sur plusieurs jours nécessitant souvent non seulement une mise à la disposition des documents et informations mais aussi des échanges formels des acteurs du contrôle.
B. Les acteurs du contrôle financier Les acteurs du contrôle financier sont de deux ordres : les contrôleurs et les personnes contrôlées.
1. Les contrôleurs Nous retenons le contrôle sur pièces et le contrôle sur place comme types de contrôle financier, cette rubrique étant le prolongement du contrôle a priori et du contrôle a posteriori auxquels nous avons déjà consacré des développements. 29. M. Kannou, « Solvabilité et marge de solvabilité », in Le Réassureur Africain, 22e éd., 2007, p. 39. 30. C. Omoko Nkouekoua, Pratique de la réassurance et capacité financière des compagnies d’assurances face aux nouvelles contraintes réglementaires : cas du marché camerounais, mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’Études Spécialisées en Assurances à l’Institut International des Assurances de Yaoundé, 2016, p. 24. 31. Pour une liste complète, article 337‑1 du Code CIMA. Pour les entreprises consolidantes ou combinantes, article 337‑5-4 du Code CIMA. 32. Article 337‑2 du Code CIMA pour les sociétés non-vie et article 337‑3 du même Code pour les sociétés vie. Pour les entreprises consolidantes ou combinantes, article 337‑5-3 du Code CIMA. 2018/1
Lorsqu’on parle des contrôleurs en zone CIMA, on songe avant tout au dispositif de contrôle interne envisagé par les articles 331‑15 et 331‑16 du Code CIMA (34), 33. C’est en substance la mise à la disposition des autorités de contrôle des documents et informations prévus par les articles 425 et suivants du Code CIMA. Dans cet ordre d’idées, et depuis l’entrée en vigueur de la Circulaire n° 0001/CIMA/CRACA/PDT/2011 du 29 avril 2011, ces documents et informations dits « états CIMA » sont transmis sous format numérique via le site web de la CIMA. Il n’empêche qu’ils le soient également et obligatoirement sur support papier. 34. En résumé, ces articles prévoient une obligation pour les entreprises d’assurances de mettre en place un dispositif de contrôle interne en leur sein comprenant notamment un manuel de procédures internes écrites ; ces procédures devant être suivies périodiquement de manière à s’assurer de leur application constante, à en relever l’efficacité et les manquements éventuels. Au moins une fois par an, il est établi et transmis un rapport de contrôle interne au ministre en charge des
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dispositif qui fait forcément référence à la fonction d’auditeur interne (35). On songe aussi, mais un peu moins, à la fonction de contrôleur de gestion(36). On songe enfin à l’assemblée générale (des actionnaires/ sociétaires), au conseil d’administration et aux commissaires aux comptes. Pour notre part, il s’agit de trois principaux acteurs(37) : – les directions nationales des assurances des États membres de la CIMA : l’annexe 2 au Traité CIMA leur permet notamment d’effectuer une pré-étude des dossiers de demande d’agrément, d’assurer la promotion du secteur des assurances, de protéger l’épargne détenue par les compagnies d’assurances en contrepartie des provisions techniques qu’elles constituent ou encore de sauvegarder les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrats. Elles disposent de contrôleurs et d’inspecteurs pour ce faire ; – les Commissaires Contrôleurs de la CIMA : ils font partie d’un corps spécifique constitué au sein du secrétariat général de la CIMA dont les différents membres sont à la disposition à la fois de la CRCA et du secrétaire général de la CIMA, notamment pour les besoins de contrôle ; – la CRCA : c’est le dispositif central de contrôle au sein de la CIMA. Elle a les pouvoirs les plus étendus en la matière qui s’étendent à une possibilité d’édiction des sanctions et injonctions. Ce contrôle ne s’exerce pas exclusivement par l’un des acteurs ci-dessus. Les pouvoirs de contrôle des sociétés d’assurances circulent, pour ainsi dire, entre ces acteurs comme l’illustre le schéma ci-contre.
2. Les personnes contrôlées Au titre des personnes contrôlées, on retrouve d’abord les entreprises d’assurances. Assurances, d’une part, et à la CRCA, d’autre part, ce rapport étant approuvé préalablement par le Conseil d’Administration de l’entreprise concernée. 35. Sur l’auditeur interne, voy. M. Cidre, Audit Interne : Quelle valeur ajoutée pour l’entreprise ?, thèse professionnelle MBA Audit et Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise, École Supérieure d’Assurance, 2012, 93 p. Voy. aussi L. Cappelletti, « Vers une institutionnalisation de la fonction contrôle interne ? », Comptabilité – Contrôle – Audit, 2006/1, t. 12, pp. 27‑43 et E. Musy, Le contrôle interne dans les organismes d’assurances : Rôle, enjeux et perspectives d’évolution, thèse professionnelle ENASS-CNAM, décembre 2007, 116 p. 36. Cette fonction est en général chargée de s’assurer que les ressources de l’entreprise sont utilisées de manière efficaces aux fins de l’atteinte des objectifs fixés. À ce propos : C. Lambert et S. Sponem, « La fonction contrôle de gestion : proposition d’une typologie », Comptabilité – Contrôle – Audit, 2009/2, t. 15, pp. 113‑144. 37. J.-C. Ngbwa, « L’expérience d’un régulateur multinational de l’assurance : la CIMA », Revue d’économie financière, 2014/4, n° 116, pp. 261 à 278. 90
On y retrouve ensuite les principaux organes de gestion desdites entreprises (les membres du conseil d’administration, le président dudit conseil, le directeur général et éventuellement le directeur général adjoint). On y retrouve enfin certaines personnes mentionnées par l’article 310 du Code CIMA (38), d’une part, et les articles 310‑1 (39) et suivants du même Code, d’autre part.
C. Les contraintes juridiques du contrôle financier Aussi bien les contrôleurs que les personnes contrôlées sont soumises à des contraintes juridiques.
1. Les contraintes imposées aux personnes contrôlées En application de l’alinéa 3 de l’article 310 du Code CIMA, les entreprises contrôlées sont tenues de mettre à la disposition des contrôleurs les documents qu’ils jugent nécessaires pour leur mission ainsi qu’un personnel qualifié pour leur donner les renseignements dont ils peuvent avoir besoin tout au long de leur mission, lorsqu’il s’agit d’un contrôle sur place. Pour ce qui est du contrôle sur pièces, elles doivent transmettre les documents et informations dans les formes et délais prévus par les textes en vigueur.
2. Les contraintes imposées aux contrôleurs Les contraintes imposées aux contrôleurs découlent de l’article 25 du Traité CIMA dont l’alinéa 1er prévoit que : « Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres de la Commission ne sollicitent ni n’acceptent d’instruction d’aucun gouvernement ni d’aucun organisme ». Il s’agit, à notre avis, d’un devoir d’indépendance auquel sont tenus tous les membres de la CRCA. Les alinéas 2 et 3 du même article ajoutent respectivement les devoirs d’honnêteté, de délicatesse et la soumission au secret professionnel. Ces contraintes, hormis le cas particulier du devoir d’indépendance, peuvent parfaitement s’appliquer aux contrôleurs des directions nationales des assurances. Si les conditions de la mise en œuvre sont connues, nous pouvons dès lors nous attarder sur le dénouement de ce contrôle.
38. C’est le cas des sociétés mères, des filiales des sociétés contrôlées, des experts et intermédiaires exerçant dans le secteur des assurances. 39. Le cadre est celui de la surveillance complémentaire pour les entreprises faisant partie d’un groupe d’assurances.
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III.B. Régulation comparée
SCHÉMA : LA CIRCULATION DU POUVOIR DE CONTRÔLE DES SOCIÉTÉS D’ASSURANCES
COMMISSION RÉGIONALE DE CONTRÔLE DES ASSURANCES
BRIGADE DES COMMISSAIRES CONTRÔLEURS
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE (DES ACTIONNAIRES/ SOCIÉTAIRES)
SÉCRETAIRE GÉNÉRAL DE LA CIMA
DISPOSITIF EXTERNE
COMMISSAIRE AUX COMPTES
DISPOSITIF AMBIVALENT
III. Le dénouement du contrôle financier Une fois que le contrôle financier est achevé, un rapport doit être rédigé (40), ce qui n’enlève rien aux issues et enjeux dudit contrôle.
A. La rédaction d’un rapport de contrôle La rédaction d’un rapport clôt le contrôle qui a été effectué au sein d’une compagnie d’assurance donnée. Ce rapport a un contenu fondamental et des destinataires.
1. Le contenu fondamental d’un rapport de contrôle À notre connaissance, il n’existe pas de texte juridique réglementant le contenu d’un rapport de contrôle. C’est donc vers les praticiens (41) qu’il faut se tourner pour en avoir un aperçu général. 40. L’hypothèse sur laquelle nous nous fondons ici est celle d’un contrôle sur place. 41. À ce titre, A. Ndiaye, « Cours de contrôle sur pièces et sur place, session de formation à l’intention des étu2018/1
CONTRÔLE INTERNE
CONSEIL D’ADMINISTRATION
DISPOSITIF INTERNE
DIRECTION NATIONALE DES ASSURANCES
DISPOSITIF EXTERNE
Ainsi, les points clés que l’on peut retrouver dans un rapport sont les suivants : un préambule, un résumé de l’activité de l’entreprise contrôlée, un récapitulatif de la situation financière de ladite entreprise et les conclusions auxquelles les contrôleurs sont parvenus. Pour ce qui est du préambule du rapport, il est indiqué qu’il retrace succinctement la démarche ayant conduit au contrôle, le contexte dudit contrôle, la justification du mandat des contrôleurs ainsi que leurs qualités et identités respectives sans oublier la présentation générale de l’entreprise contrôlée (dénomination, date de création, références de l’agrément, etc.). Ce rapport mentionne aussi, à ce stade, les sanctions qui ont été éventuellement édictées à l’encontre de l’entreprise et le climat dans lequel le contrôle dont il s’agit s’est déroulé. En ce qui concerne le résumé de l’activité de l’entreprise contrôlée, il se rapporte notamment aux branches d’activités autorisées, au chiffre d’affaires réalisé sur différents exercices (sur trois ans au moins), à l’organigramme de l’entreprise contrôlée ou encore aux perspectives et difficultés de ladite entreprise. Quant au récapitulatif de la situation financière, il a trait au compte d’exploitation générale, aux principaux diants du cycle MSTA de l’Institut International des Assurances (IIA) », mars 2012, p. 101.
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III. Régulation assurantielle
postes du bilan, au compte de résultat, à la marge de solvabilité et à la couverture des engagements réglementés, tous pouvant faire l’objet de redressement par les contrôleurs. Enfin, en ce qui concerne les conclusions, elles résument la santé financière de l’entreprise contrôlée sur un double plan rétrospectif et prospectif. Elles mentionnent les forces et faiblesses de ladite entreprise et donnent une appréciation claire sur la marge de solvabilité et les engagements réglementés en indiquant s’il y a insuffisance ou excédent, s’agissant de ces deux derniers points. C’est à cet endroit que les contrôleurs donnent leur position sur les orientations à prendre en cas d’écarts constatés. Et une fois que le rapport est établi, il reste à déterminer quels en sont les destinataires.
2. Les destinataires du rapport de contrôle Il suffit de s’approprier les dispositions combinées découlant des articles 313 et 310, alinéa 1er, du Code CIMA pour connaître les destinataires du rapport de contrôle. D’après l’article 313 du Code CIMA : « En cas de contrôle sur place, un rapport contradictoire est établi. Si les observations sont formulées par le vérificateur, il en est donné connaissance à l’entreprise. La Commission prend connaissance des observations formulées par le vérificateur et des réponses apportées par l’entreprise. Les résultats des contrôles sur place sont communiqués au ministre en charge du Secteur des assurances et au Conseil d’Administration de l’entreprise contrôlée et sont transmis aux commissaires aux comptes ». Pour ce qui est de l’article 310, alinéa 1er, du Code CIMA, nous nous limitons à l’extrait dudit alinéa qui prévoit que les constatations utiles à l’exercice du contrôle effectué par les directions nationales des assurances dans le cadre de leurs missions sont communiquées à la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (42). À la lecture desdites dispositions, il s’infère que les destinataires du rapport de contrôle sont : l’entreprise contrôlée, la CRCA, le ministre en charge du Secteur des assurances, le conseil d’administration et les commissaires aux comptes. L’entreprise contrôlée en tant que destinataire, l’est premièrement en raison du caractère contradictoire dudit contrôle. Elle l’est ensuite parce qu’elle est le sujet de droit auquel doivent s’appliquer les conclusions du rapport dont il s’agit. 42. Dans le même sens, l’Annexe II au Traité CIMA (relatif aux missions et statuts des directions nationales des assurances) prévoit que les directions nationales des assurances communiquent à la Commission les résultats des contrôles qu’elles effectuent. 92
Concernant la CRCA, elle est destinataire tant des rapports établis par les commissaires contrôleurs de la CIMA que par les directions nationales des assurances en raison de son rôle central dans la régulation du secteur des assurances et de sa posture supranationale. Quant au Conseil d’Administration et aux commissaires aux comptes, leur qualité de destinataire est justifiée davantage par le fait que de par leur statut, ils doivent prendre acte des conclusions des contrôleurs et contribuer à leur mise en œuvre au sein de l’entreprise contrôlée. Après avoir mis en exergue l’importance du rapport, les issues possibles du contrôle financier méritent d’être présentées afin de mieux percevoir le dénouement dudit contrôle.
B. Les issues possibles du contrôle financier Les issues (43) du contrôle financier sont nombreuses. On peut à cet égard rappeler que les analyses d’un contrôle sur pièces peuvent conduire à un contrôle sur place. Si nous nous focalisons sur le contrôle sur place, ces issues sont de deux ordres, à savoir le redressement de la situation financière et patrimoniale de l’entreprise concernée, d’une part, et la possibilité d’édicter des recommandations ou des sanctions, d’autre part.
1. Le redressement de la situation financière et patrimoniale de l’entité concernée Dans l’hypothèse d’un contrôle sur pièces, les rôles respectifs du contrôleur et de l’entreprise soumise au contrôle sont presque figés. L’entreprise soumise au contrôle est chargée d’envoyer aux autorités de contrôle les documents et informations requis conformément aux exigences légales. Ces autorités reçoivent ces documents et informations tels que conçus par l’entreprise et n’en modifient pas la teneur. Par contre, lorsqu’il s’agit d’un contrôle sur place, ce rôle « passif » des contrôleurs ne s’applique plus. Dans cette perspective, ils ont la faculté, lorsque cela s’impose, de reconsidérer les documents mis à leur disposition. Plus concrètement, ils peuvent de leur propre initiative redresser, c’est-à-dire corriger en tout ou en partie les éléments d’appréciation de la situation financière et patrimoniale de l’entreprise concernée parmi lesquels on retrouve le compte d’exploitation générale, le bilan, le compte de résultat, la marge de solvabilité et la couverture des engagements réglementés. Ces redressements s’imposeront à ladite entreprise qui 43. Nous retenons que les issues sont des conséquences palpables, matérialisables et concrètement observables.
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modifiera la configuration qu’elle avait présentée aux contrôleurs.
2. La possibilité d’édiction des injonctions et des sanctions
En dehors de la possibilité ci-dessus, le contrôle financier peut aboutir soit à des mesures de sauvegarde, soit à un plan de redressement, soit à un plan de financement.
Cette possibilité est prévue par l’article 17 du Traité CIMA et confirmée par les articles 311 et suivants du Code CIMA et n’appartient qu’à la CRCA.
Pour ce qui est des mesures de sauvegarde, elles sont prises lorsque la situation financière d’une entreprise soumise au contrôle de la CRCA est telle que les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrat sont compromis ou susceptibles de l’être (44). Ces mesures de sauvegarde sont : – la mise de l’entreprise sous surveillance permanente ; – la restriction ou l’interdiction de la libre disposition de tout ou partie des actifs de l’entreprise (45) ; – la désignation d’un administrateur provisoire (46) à qui sont transférés tous les pouvoirs nécessaires à l’administration et à la direction de l’entreprise. Elles sont prises par la CRCA ou le ministre en charge du Secteur des assurances après avis conforme du secrétaire général de la CIMA. Elles dérivent souvent des orientations formulées par les vérificateurs (47) au terme d’un contrôle sur place. Le redressement de l’entreprise contrôlée peut aussi conduire soit à l’exigence d’un plan de redressement, soit à celle d’un plan de financement à court terme. Le plan de redressement est exigé soit dans le cas où l’entreprise ne satisfait pas à la réglementation sur les provisions techniques, soit en cas de constat d’une sous-couverture des engagements réglementés. Le plan de financement à court terme quant à lui est sollicité en cas d’insuffisance de la marge de solvabilité. Qu’il s’agisse du plan de redressement ou du plan de financement à court terme, ils doivent être mis en œuvre dans les délais impartis par la CRCA qui en approuve les modalités proposées. À l’inverse, des recommandations ou des sanctions pourront être édictées à l’encontre de l’entreprise concernée.
44. C’est ce qui ressort de la lecture de l’article 321 du Code CIMA. 45. Lorsqu’elle est prononcée, elle donne lieu aux mesures spécifiques de l’article 321‑3 du Code CIMA. 46. Elle s’accompagne, en application de l’article 321‑2 du Code CIMA, de la mise en place d’un conseil de surveillance qui exerce un contrôle permanent de la gestion de l’entreprise. 47. Les contrôleurs de la direction nationale des assurances ou les commissaires contrôleurs de la CIMA. 2018/1
Les injonctions sont édictées soit lorsqu’il y a constatation d’un comportement de l’entreprise mettant en péril les engagements contractés envers les assurés, soit lorsque ladite entreprise n’observe pas la réglementation des assurances (48). Elles consistent à une invitation à prendre des mesures de redressement quand un écart de comportement de l’entreprise est observé. Elles n’ont pas de caractère contraignant. Toutefois, l’absence de proposition ou d’exécution des mesures de redressement liées à une injonction peut entraîner l’application des sanctions. Les sanctions quant à elles peuvent être disciplinaires, administratives ou pénales. Dans le registre des sanctions disciplinaires, on retrouve : – l’avertissement ; – le blâme ; – la limitation ou l’interdiction de tout ou partie des opérations ; – les diverses limitations dans l’exercice de la profession ; – la suspension ou la démission d’office des dirigeants indélicats ; – le retrait d’agrément ; – le transfert d’office du portefeuille des contrats. Les sanctions administratives quant à elles renvoient tantôt aux amendes (49), tantôt aux astreintes (50). Pour ce qui est des sanctions pénales, contrairement aux autres sanctions qui sont du ressort de la CRCA, elles consistent en des infractions comme la banqueroute (51) ou encore le délit d’entrave (52) qui sont de la compétence du juge répressif. Avant d’aborder les enjeux du contrôle financier, nous illustrons avec le schéma ci-après les grandes lignes du déroulement du contrôle sur place effectué auprès d’une société d’assurance.
48. Article 311 du Code CIMA. 49. Les amendes sont édictées, conformément à l’article 333‑1-1 du Code CIMA, si l’entreprise ne produit pas les documents de contrôle sur place prévus par le législateur (notamment les états annuels) ou si elles n’exécutent pas les injonctions de la CRCA. 50. Les astreintes s’appliquent en cas de retard dans le paiement de l’amende. Leur assiette et les modalités de leur recouvrement sont prévues respectivement par les articles 333‑1-2 et 333‑1-3 du Code CIMA. 51. Article 333‑4 du Code CIMA. 52. Article 333‑14 du Code CIMA.
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Chroniques
III.B. Régulation comparée
Chroniques
III. Régulation assurantielle
Notification de la mission de contrôle sur place
Communication des résultats du contrôle sur place (rapport définitif ) au ministre en charge des Assurances, au Conseil d’administration de l’entreprise contrôlée et transmission au commissaire aux comptes de ladite entreprise
Préparation de la mission par les contrôleurs Mise au point au sein de la société en vue de la mission annoncée
Mise en œuvre et suivi des mesures découlant des conclusions de la mission de contrôle
Prise en compte des observations de la société contrôlée et rédation du rapport définitif
C. Les enjeux du contrôle financier Les enjeux (53) du contrôle financier diffèrent en fonction des personnes en présence. Ils varient selon qu’il s’agit des autorités de contrôle ou des entreprises contrôlées.
1. Les enjeux inhérents aux autorités de contrôle Les enjeux inhérents aux autorités de contrôle sont la protection et la régulation. En ce qui concerne la protection, elle permet de rappeler l’objet du contrôle tel qu’envisagé par l’article 300, alinéa 1er, du Code CIMA qui dispose que : « Le contrôle s’exerce dans l’intérêt des assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrat d’assurance et de capitalisation ». Cette protection est à la fois préventive et curative. Sous son angle préventif, cette protection vise à antici53. Dans notre analyse, la notion d’enjeu renvoie à la raison d’être ou encore aux finalités. 94
Arrivée des contrôleurs, réunion avec le management de la société et début de la mission
Fin de la mission et rédaction d’un rapport provisoire
Observation de la société contrôlée sur le rapport provisoire
per toute difficulté de la société d’assurance qui aurait un impact sur les engagements par lesquels elle est tenue envers les assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrat (54). Sous l’angle curatif, elle concerne des difficultés qui sont déjà apparues et qui, si elles se prolongeaient, pourraient entraîner la cessation d’activités de l’entreprise et compromettraient définitivement l’exécution des engagements dus aux assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrats. Dans ce cas, la prévention (55) n’ayant pas eu lieu ou n’ayant pas produit les effets escomptés, nous sommes en
54. À ce titre, M. Hammoud, La protection du consommateur des services bancaires et des services d’assurance, thèse de doctorat en droit, Université Pantheon-Assas et Université libanaise, 2012, spéc. pp. 118 à 122. 55. Sur la prévention, voy. N. Lyazami, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparative entre le droit français et le droit marocain, thèse pour le doctorat en droit privé, Université du Sud Toulon-Var, 2013, 558 p. et A. Toh, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparée de droit français et droit OHADA, thèse pour le doctorat en droit, Université de Bordeaux, 2015, 641 p.
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présence du traitement des difficultés des entreprises d’assurances (56).
Conclusion
Quant à la régulation, elle est plus englobante et tient compte de manière générale du bon fonctionnement du secteur des assurances. Elle existe dans un souci de conformité des sociétés d’assurances aux exigences de la réglementation et de fiabilité des modalités de gestion desdites sociétés.
La question centrale que nous nous sommes posée était celle des contours du contrôle financier des sociétés d’assurances en zone CIMA. À travers trois pistes complémentaires, nous avons pu apporter une réponse graduelle à cette question.
Ces enjeux ne sont pas les mêmes que ceux qui ont trait aux entités contrôlées.
2. Les enjeux inhérents aux entités contrôlées À l’égard des entités contrôlées, le contrôle en général et le contrôle financier en particulier représentent à la fois une contrainte et une aubaine. Le contrôle financier est une contrainte pour les sociétés d’assurances dans la mesure où elles ne s’y soumettent pas de leur plein gré. Elles le font parce que la loi les y oblige. C’est le lieu de souligner la dilution du principe de la liberté du commerce et de l’industrie dans le secteur des assurances. En raison des fonctions qu’elles remplissent, de l’inversion du cycle de production qui particularise leurs activités et du déséquilibre qui peut s’avérer entre elles, les assurés et bénéficiaires de contrats d’assurances, un regard externe permanent des autorités de contrôle est nécessaire. Ce contrôle représente aussi une aubaine pour les sociétés d’assurances car il contribue à la prévention et au traitement des difficultés auxquelles ces sociétés peuvent faire face. C’est donc un dispositif qui concourt à la pérennité des sociétés d’assurances. Dans ce sens, le contrôle accompagne l’industrie des assurances et participe à sa bonne santé financière. 56. Au titre de ces mesures de traitement, l’article 322 du Code CIMA prévoit que : « Si les circonstances l’exigent, la Commission de Contrôle des Assurances peut ordonner à une entreprise de suspendre le paiement des valeurs de rachat ou le versement des avances sur contrats ». C’est la problématique de la gestion des actifs des entreprises d’assurances-vie en période de crise. Voy. B. Germain, La gestion d’actifs des assurances-vie français en période de crise, thèse professionnelle ENASS-CNAM, mars 2010, 73 p. Voy. aussi E. Severin, « La renégociation financière des entreprises en difficulté », Revue française de gestion, 2006/7, n° 166, pp. 33‑49.
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Après avoir passé en revue ses fondements, son champ d’application, sa typologie, son quadruple caractère obligatoire, permanent, contradictoire et documentaire, ses éléments clés et son dénouement, nous retenons qu’il peut être effectué sur pièces ou sur place, a priori et a posteriori par des acteurs bien identifiés. Les écosystèmes normatifs (57) et institutionnels (58) de ce contrôle ne peuvent pas se réduire à une grille de lecture pyramidale. C’est la logique de réseau de normes et d’instituions qui gouverne le contrôle financier des sociétés d’assurance en zone CIMA. En substance, il contribue à la régulation prudentielle des sociétés d’assurances (59) en détectant ou limitant les sources potentielles d’instabilité financière desdites sociétés qui peuvent remplir plus efficacement leur rôle social, économique et surtout financier. Les contours ainsi présentés ne sont pas exactement les mêmes en ce qui concerne d’autres acteurs de l’industrie des assurances en zone CIMA, à savoir les intermédiaires d’assurances (60), les entreprises de réassurances (61) et les entreprises de microassurance (62).
57. Nous entendons par écosystème normatif un complexe dynamique de normes qui s’appliquent à une réalité, à un ou plusieurs faits. 58. Nous entendons par écosystème institutionnel un complexe dynamique d’acteurs qui peuvent se saisir d’un fait, d’une problématique, d’une ou plusieurs situations données. 59. P. Trainar, « Assurance et stabilité financière », Revue de stabilité financière, n° 5, novembre 2004, pp. 74 à 90. 60. Seuls les courtiers et sociétés de courtage sont véritablement soumis à un contrôle financier qui s’exerce sur la base des états modèles prévus aux articles 555 et suivants du Code CIMA. 61. Leur contrôle a pour base le livre 8 du Code CIMA. 62. Elles sont tenues en particulier de produire des ratios de performance listés à l’article 729 du Code CIMA comprenant entre autres le ratio de revenu net, le ratio des charges de gestion, le ratio de solvabilité, le ratio de croissance et le ratio de liquidité.
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Chroniques
III.B. Régulation comparée
Chroniques
III. Régulation assurantielle
III.C. Régulation internationale ASSOCIATION INTERNATIONALE DES CONTRÔLEURS D’ASSURANCE, « RAPPORT ANNUEL POUR L’ANNÉE 2016 », NOVEMBRE 2017 Adrien Tehrani
Maître de conférences à la Faculté de Droit et de Science Politique de Montpellier, Centre du Droit de l’Entreprise Moins d’un an après la publication de son dernier rapport annuel, l’Association internationale des contrôleurs d’assurance (AICA ou, selon le sigle anglais, IAIS), association de droit suisse créée en 1994, publie un nouveau rapport. Il est vrai que le précédent, paru en janvier 2017 et relatif à l’activité de l’association du mois d’octobre 2014 au mois de décembre 2015, accusait un retard inhabituel. Le présent document retrace les travaux menés par l’association pour l’année 2016, suggérant que l’association entend modifier sa période de référence, désormais calquée sur l’année civile. Il faut maintenant souhaiter une publication à date régulière, et au plus près de l’année dont le rapport rend compte. Sa lecture s’avère d’autant plus intéressante qu’elle permet d’avoir un aperçu rapide de l’ensemble des initiatives récentes de l’AICA, naturellement bien plus nombreuses que les quelques études sur lesquelles cette chronique choisit de s’attarder. Ces initiatives peuvent être ordonnées autour des trois grandes activités de l’association (p. 10) : l’élaboration de normes (standard-setting), la contribution à la stabilité financière (financial stability) et la mise en œuvre des recommandations (implementation). L’élaboration de normes. L’AICA le souligne, il s’agit là de son activité centrale, d’où procèdent les autres activités. Il importe néanmoins de rappeler qu’il ne s’agit pas en tant que telles de normes juridiquement contraignantes mais de recommandations. Si la terminologie utilisée par l’AICA dans les documents qu’elle publie entretient parfois une certaine ambiguïté sur ce point, le rapport annuel commenté est remarquablement clair : « It is important to point out that the IAIS is a stand-setter, not a legislature. Members do not pass laws; through agreement, they recommend principles and standards and provide supervisory guidance. It is the prerogative of the appropriate sovereign authorities to implement or not implement IAIS core principles, standards or policies ». L’AICA ne légifère pas, ce qui n’enlève rien à l’intérêt de ses travaux, qui peuvent inspirer l’élaboration du droit positif par les 96
autorités législatives et réglementaires nationales ou supranationales. Concernant l’élaboration des normes, le principal outil est constitué des principes de base de l’assurance (les Insurance Core Principles, ci-après « ICPs »), qui concernent potentiellement la supervision de toutes les entreprises d’assurance. Ces principes sont régulièrement revus. Par exemple, en 2016, ont été entreprises les révisions du principe de base n° 3 (exigences en matière d’échange d’informations et de confidentialité) et du principe n° 25 (coopération et coordination entre contrôleurs), l’AICA souhaitant en améliorer la rédaction et éviter les chevauchements. Cependant, de 2010 à 2013, l’AICA a aussi élaboré un cadre commun pour la surveillance des groupes d’assurance internationaux (Common Framework for the Supervision of Internationally Active Insurance Groups ou ComFrame), qui s’appuie sur les principes de base de l’assurance mais tient compte des problématiques propres à ces groupes internationaux. La phase de tests sur le terrain, commencée en 2014, a été poursuivie. Parallèlement, les travaux de l’association ont notamment consisté à modifier la structure du ComFrame pour rendre davantage compte de ses liens avec les ICPs, et à entreprendre d’intégrer le premier dans les seconds (pp. 18 et 42). Enfin, comme certains groupes présentent une importance systémique au niveau mondial (Global Systemically Important Insurers – GSIIs), l’AICA travaille aussi sur un ensemble de mesures additionnelles centrées sur la question du risque au sein de ces groupes. Cependant, en juillet 2016, l’AICA a estimé qu’elle n’avait pas assez de données à ce stade pour formuler des propositions de normes minimales communes relatives à la capacité d’absorption des pertes qui devrait être celle des GSIIs en cas de résolution (« loss absorbing capacity in resolution », p. 28) (1). En complément, l’association publie des documents de travail dont il est régulièrement rendu compte dans cette chronique. Deux grands types de documents sont distingués par l’association. D’un côté, il y a les Issues Papers, des documents de réflexion fournissant des éléments de problématique sur des sujets ciblés, qui se veulent plus descriptifs que prescriptifs et qui peuvent servir de travaux préparatoires à l’élaboration des futures recommandations de l’AICA. D’un autre 1. Au sujet du droit applicable aux assureurs en difficulté, il faut signaler en droit français l’ordonnance n° 2017‑1608 du 27 novembre 2017 relative à la création d’un régime de résolution pour le secteur de l’assurance (J.O., 28 novembre 2017).
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côté, il y a les Applications Papers, qui ont pour objet, à partir d’exemples ou de bonnes pratiques développées par les superviseurs nationaux, de faciliter l’application concrète des recommandations formulées. Ainsi, en 2016, un Issue Paper a été publié sur le cyber-risque dans l’assurance (2) et un Application Paper sur la surveillance de la bonne conduite des intermédiaires en assurance (3). L’association a par ailleurs préparé un document sur le mutualisme et l’accès à l’assurance, publié en 2017 (4). La contribution à la stabilité financière. Ainsi que le montrent les développements qui précèdent, une partie des travaux de normalisation a plus particulièrement pour objet de contribuer à la stabilité financière mondiale et ce, de deux manières. D’une part, l’association explique qu’elle participe, avec d’autres normalisateurs, des banques centrales et des contrôleurs du secteur financier, à l’identification des institutions d’importance systémique, sous l’égide du Conseil de stabilité financière et du G20, en se concentrant naturellement sur les groupes d’assurance dont la faillite pourrait entraîner d’importantes perturbations du système économique et financier international. À ce propos, l’AICA a revu sa méthodologie en 2016 pour renforcer la qualité de l’analyse du caractère systémique des institutions (pp. 12 et 16). D’autre part, l’association explique qu’elle travaille au renforcement des outils de surveillance macroprudentielle. Pour cela, elle s’appuie notamment sur l’ICP 24, qui donne aux régulateurs nationaux des indications sur ce point. Plus particulièrement, l’AICA a publié en 2016, comme chaque année depuis 2012, son rapport GIMAR (Global Insurance Market), qui rassemble des données relatives à l’activité des principaux assureurs et réassureurs et aux principales évolutions d’ensemble du marché, en se concentrant sur les performances du secteur et les risques clés. Dans ce rapport, l’association soulignait en substance que le secteur de l’assurance et de la réassurance était stable et fonctionnait bien. Le rapport suivant, préparé en 2016 et publié en 2017, couvrait un certain nombre de sujets particuliers, comme le lien entre le changement climatique, l’assurance et la régulation, ou encore les résultats des stress tests menés par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (p. 26). Il faut également mentionner que dans le cadre de ses travaux sur le ComFrame, l’association travaille à l’élaboration de normes appelées Insurance Capital Standards. Ces normes concernent le niveau minimum de fonds propres à exiger pour les IAIGs et sont fondées sur une approche par les risques. En juillet 2016, un second document de consultation a été publié sur ce point. 2. 3. 4.
R.I.S.F., 2016/3, p. 65. R.I.S.F., 2017/1, p. 100. R.I.S.F., 2017/4, p. 107.
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La mise en œuvre des recommandations. En complément des Application Papers mentionnés ci-dessus, et dans le cadre d’un plan adopté en 2013 (le Coordinated Implementation Framework), l’AICA entend toujours faciliter davantage la mise en œuvre concrète de ses travaux de normalisation (p. 12). Pour cela, l’AICA cherche par exemple à comprendre les besoins de ses membres en termes de contrôle, à renforcer leur aptitude à exercer une surveillance efficace, notamment par l’organisation de formations et de conférences, ainsi qu’à accroître la coopération et les échanges entre ses membres. À cet égard, le nombre de signataires de l’accord multilatéral sur la coopération et l’échange d’informations rédigé en 2007 (signataires qui sont nécessairement membres de l’AICA), continue d’augmenter. L’association est également à l’origine d’exercices d’auto-évaluation et d’évaluation par les pairs pour mesurer le degré de mise en œuvre des principes de base de l’assurance. Ainsi, en 2016, une évaluation a été initiée concernant justement l’échange d’informations et la coopération, résultant des principes 3 et 25 mentionnés plus haut (p. 30). En revanche, l’AICA le dit clairement, elle n’a ni vocation à fournir elle-même une assistance technique ni à assumer les fonctions d’un organisme de formation. C’est la raison pour laquelle elle travaille en étroite collaboration avec des organismes tiers, comme l’A2ii (Access to insurance initiative) pour l’amélioration de l’accès à l’assurance. Ce dernier organisme a par exemple organisé au printemps 2016 une semaine de formation en Égypte sur ce thème (p. 32). On terminera en observant que, tout au long du rapport, l’AICA insiste sur l’importance qu’elle attache à travailler en toute transparence, au moyen notamment de consultations publiques, et en lien avec les différentes parties intéressées (les « stakeholders »). D’ailleurs, un projet de plan pour renforcer leur implication dans les activités de l’association a été publié fin 2016. Il s’agit en particulier de mieux comprendre les besoins des uns et des autres et de promouvoir l’échange d’informations, d’expériences ou d’expertise (5). C’est un moyen efficace d’être à jour des évolutions qui peuvent avoir une influence sur le secteur de l’assurance même si elles mobilisent des compétences non assurantielles. À cet égard, en juin 2016, un groupe de travail sur les FinTech a été créé par l’AICA, ce qui a conduit à publier en février 2017 une étude sur le développement des FinTech dans le secteur de l’assurance, permettant de faire le point sur les innovations pertinentes et de réfléchir aux conséquences des évolutions technologiques sur la régulation et la supervision des assureurs (6). 5. 6.
Voy. la version définitive, publiée en mars 2017, par IAIS, Stakeholder Engagement Plan, spéc. p. 5 et p. 9. R.I.S.F., 2017/3, p. 67.
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Chroniques
III.C. Régulation internationale
V. Fiscalité des services financiers Chronique sous la direction de Régis Vabres
Professeur de droit privé à l’Université de Bourgogne CREDIMI
&
Georges Cavalier
Maître de conférences HDR à l’Université de Lyon III
Avec la collaboration de
Sabrina Le Normand-Caillère
Maître de conférences à l’Université d’Orléans Co-directrice du Master 2 Droit des affaires et fiscalité
Cette chronique vise à commenter deux décisions intéressantes. D’une part, le Conseil d’État décide que dans le cadre d’une cession de créance, le cessionnaire peut agit pour obtenir le remboursement d’un crédit de TVA. D’autre part, la C.J.U.E. considère que la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, doit être interprété en ce sens qu’elle s’oppose à la taxation d’une opération de transfert d’actions par laquelle la propriété juridique d’actions nouvellement émises a été transférée à un service de compensation dans le seul but de proposer ces actions nouvelles à l’achat.
The purpose of this column is to comment two instructive court decisions. On the one hand, the French Administrative Supreme Court (Conseil d’État) rules that under an assignment agreement, the assignee has standing to claim reimbursement of the input VAT paid. On the other hand, the CJEU considered that the Directive 2008/7/EC of 12 February 2008 concerning indirect taxes on the raising of capital must be interpreted as precluding the taxation of a transfer of shares whereby the legal title to shares that have been newly issued has been transferred to a clearance service for the sole purpose of offering those new shares for purchase.
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Chroniques
V. Fiscalité des services financiers
V.B. Fiscalité indirecte REMBOURSEMENT DE CRÉDITS DE TVA ET CESSIONS DE CRÉANCES DAILLY C.E., 20 septembre 2017, n° 393271, SA Monte Paschi Banque
Sabrina Le NormandCaillère
Maître de conférences à l’Université d’Orléans Co-directrice du Master 2 Droit des affaires et fiscalité À l’occasion d’un arrêt rendu le 20 septembre 2017, le Conseil d’État est revenu sur la question du remboursement de crédits de TVA en matière de cession Dailly. L’intérêt majeur de cette décision est de prendre position sur la question de la qualité à agir du cédant et du cessionnaire devant le juge de l’impôt pour obtenir le paiement des crédits de TVA lorsque la cession de créances professionnelles intervient avant la présentation de la demande au tribunal. En l’espèce, une banque (SA Monte Paschi) a acquis des créances professionnelles représentatives de crédits de TVA régies par les articles L. 313‑23 du Code de commerce par conventions du 12 juin et du 1er août 2007 pour un montant total de 452.883 euros. Le cédant (la société SDP) a sollicité auprès de l’administration fiscale le remboursement des crédits de TVA des mois de juin et de juillet 2007 sur le fondement de l’article 271-IV du Code général des impôts et conformément aux modalités prévues à l’article 242‑0C de l’annexe II dudit Code. L’administration fiscale s’est abstenue de répondre à cette demande au motif qu’elle le soupçonnait de participer à un système de fraude à la TVA. Le cédant et le cessionnaire ont dès lors saisi, par requêtes distinctes, le tribunal administratif de Marseille. Celui-ci, comme la cour administrative d’appel de Marseille, ont débouté le cessionnaire des créances professionnelles de sa demande en remboursement des crédits de TVA. Il s’est dès lors pourvu en cassation. Saisi du litige, le Conseil d’État a dû rechercher si le cessionnaire d’une créance professionnelle avait qualité pour agir lors d’une action devant le juge de l’impôt tendant à la restitution d’un crédit de TVA ou si ce droit était seulement réservé au contribuable initial. 100
Sur le fondement des articles L. 313‑23 et suivants du Code monétaire et financier et de l’article 6 du décret du 31 juillet 1993, les hauts magistrats ont jugé que non seulement la cession de créances professionnelles dites « Dailly » transfère à l’établissement de crédit cessionnaire la propriété des créances cédées mais également que ce transfert est opposable aux tiers à compter de la date portée sur le bordereau sans aucune autre formalité. Selon les juges, la notification prévue à l’article L. 313‑28 du Code monétaire et financier a pour effet de garantir le débiteur du caractère libératoire de son paiement. La souscription par le débiteur de la créance cédée, à la demande de l’établissement de crédit cessionnaire, de l’acte d’acceptation prévu à l’article L. 313‑29 du Code monétaire et financier a pour effet de créer à l’encontre du débiteur une obligation de paiement vis-à-vis du détenteur du bordereau, détachée de la créance initiale de l’entreprise et contre laquelle il ne peut faire valoir des exceptions tirées de ses rapports avec l’entreprise cédante. Lorsque la cession de créance intervient avant la présentation de la demande au tribunal, le cédant comme le cessionnaire ont qualité pour agir devant le juge de l’impôt afin d’obtenir le paiement de cette créance cela, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d’acceptation de cette cession par le débiteur. En conséquence, pour les hauts magistrats, les juges du fond ont commis une erreur de droit en jugeant que le cessionnaire n’avait pas qualité à agir devant le juge de l’impôt pour le remboursement des crédits de TVA. Par ailleurs, ils ont estimé que le refus de reconnaître le cessionnaire comme étant le titulaire d’une créance sur le Trésor sur le seul motif que l’administration fiscale ait refusé le remboursement de TVA demandé par le cédant ne peut être valable dans la mesure où la contestation par l’administration fiscale du bien-fondé de la créance ne saurait avoir en elle-même d’incidence sur l’existence d’une telle créance ou encore sur la qualité pour agir du cessionnaire. Créée par la loi du 2 janvier 1981, le bordereau Dailly constitue un écrit par lequel une personne (le cédant) transfère en un seul acte à un établissement de crédit (le cessionnaire) la propriété de créances professionnelles à l’encontre de plusieurs débiteurs (les débiteurs cédés) et dont les échéances peuvent être différentes. Codifiée aux articles L. 313‑23 et suivants du Code monétaire et financier, la cession Dailly permet ainsi le transfert
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de créances professionnelles, à titre d’escompte ou de garantie, sans avoir à respecter le formalisme de la cession de créances prévues par le Code civil. Ces créances peuvent être de nature contractuelle ou extracontractuelle comme des créances fiscales sur l’État consistant en des remboursements de crédits de TVA (1). Si le bordereau remplit les conditions de forme exigées par les articles L. 313‑23 et suivants du Code monétaire et financier, la cession prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau. Entre les parties, le cessionnaire acquiert la propriété des créances cédées : il en devient ainsi le créancier exclusif. À compter de cette date, le cédant n’a plus qualité pour disposer des créances ou encore pour recevoir le paiement des créances cédées. En matière de procédures collectives, la Cour de cassation a ainsi pu en déduire que le cédant n’a plus la qualité pour déclarer sa créance à la liquidation judiciaire ouverte contre le débiteur cédé à compter de la cession Dailly (2). Toutefois, tant que la cession n’a pas été notifiée au débiteur cédé, celui-ci peut valablement, sur le fondement d’une lecture a contrario de l’article L. 313‑28 du Code monétaire et financier, se libérer de sa dette en procédant au paiement entre les mains soit du cessionnaire, soit du cédant. Seule la notification de la cession Dailly empêche le débiteur de se libérer de sa dette entre les mains du cédant : le cessionnaire aura toujours le droit d’exiger du débiteur cédé qu’il procède à nouveau au paiement. Si la notification a en conséquence des effets vis-à-vis du débiteur cédé, elle n’est en revanche pas une condition de validité de la cession de créance par bordereau Dailly. Dans cet arrêt, le Conseil d’État s’appuie sur le régime civiliste de la cession de créance Dailly pour en déduire les conséquences fiscales en matière de TVA. Selon les juges, l’absence ou la présence de la notification de la cession Dailly ou encore l’acceptation par le débiteur cédé ne préjuge pas de la recevabilité de l’action introduite par le cessionnaire devant le juge administratif. La recevabilité de l’action relève donc uniquement des effets attachés dès la date apposée sur le bordereau Dailly. Une fois tranchée la question de l’influence de l’acceptation et de la notification de la cession de créance Dailly en matière fiscale, le Conseil d’État ne s’arrête pas là. Il a dû répondre à la question de savoir si l’établissement bancaire pouvait, en sa qualité de cessionnaire Dailly, engager un contentieux d’assiette pour faire reconnaître le bien-fondé de sa créance fiscale cédée, c’est-à-dire admettre le caractère déductible et remboursable du crédit de TVA cédé. En l’espèce, comme le démontre le Rapporteur public, trois analyses étaient envisageables. La première consisterait à juger que seul le contribuable pouvait engager un contentieux d’assiette devant le juge de l’impôt et cela en présence ou
C.E., 24 septembre 2003, n° 233084, Sté Banca Intesa, Dr. fisc., 2004, n° 9, comm. 286. 2. Cass. com., 1er mars 2005, n° 03‑05.862, RTD com., 2005, p. 392, obs. M. Cabrillac. 1.
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Chroniques
V.B. Fiscalité indirecte
Lorsque la cession de
créance intervient avant la présentation de la demande au tribunal, le cédant comme le cessionnaire ont qualité pour agir devant le juge de l’impôt afin d’obtenir le paiement de cette créance cela, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d’acceptation de cette cession par le
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débiteur.
non d’une cession de créance antérieure à la demande du tribunal. Cette première analyse semble conforme à celle adoptée par le Conseil d’État dans sa décision du 10 décembre 2012 dite Société Rhodia (3) adoptée toutefois dans un contexte différent dans la mesure où la cession de créance Dailly avait eu lieu après la saisine du tribunal administratif par l’entreprise. Dans cette affaire, les hauts magistrats avaient consacré de manière générale la qualité pour agir du contribuable et fait de celui-ci le détenteur ès qualité du droit de saisir le juge de l’impôt d’un contentieux d’assiette. Une deuxième approche consisterait à réserver le droit de saisir le juge de l’impôt au seul cessionnaire. Le cédant perdrait ainsi la qualité et l’intérêt à agir devant le juge 3.
C.E., 10 décembre 2012, n° 317074, Min. c. Sté Rhodia, Dr. fisc., 2013, n° 10, comm. 184, concl. N. Escaut, note J.-L. Pierre.
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de l’impôt, le cessionnaire se trouvant subrogé dans les droits du cédant, notamment celui de présenter une réclamation contentieuse et de saisir le juge de l’impôt. Cette analyse donnerait le plein effet à la cession de créance Dailly et serait conforme à celle adoptée par la Cour de cassation, laquelle a déjà jugé que le cédant ne peut agir pour le compte du cessionnaire en vue du paiement d’une créance à l’encontre du débiteur cédé en l’absence de mandat spécial (4). Toutefois, réserver la qualité pour agir au seul cessionnaire serait difficilement compréhensible dans la mesure où le cédant reste garant solidaire du paiement des créances cédées (5). Par ailleurs, une telle solution semblerait en opposition avec la décision adoptée par le Conseil d’État dans 4. 5.
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Cass. com., 27 mai 2014, Sté Carnot A6, n° 13‑1673. C. mon. fin., art. L. 313‑24 : « Même lorsqu’elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d’un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. Sauf convention contraire, le signataire de l’acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement ».
son arrêt Société Rhodia. Une troisième analyse, choisie par les hauts magistrats dans cette affaire, consiste à reconnaître au cédant comme au cessionnaire le droit de saisir le juge de l’impôt. Cette analyse avait été conseillée par le Rapporteur public désigné dans cette affaire. Selon lui, celle-ci permettrait de concilier, d’une part, « la consécration de la spécificité du contentieux d’assiette et de la qualité persistante pour agir reconnue au contribuable » par la décision Société Rhodia et, d’autre part, « la reconnaissance des droits du cessionnaire et des effets du transfert de la créance dans son patrimoine. Elle permet de donner à celui-ci une voie de recours pleine et entière devant les juges de l’impôt, identique à celle du créancier d’origine, et ainsi, de préserver l’attrait et les facilités de fonctionnement des cessions Dailly en ne rendant pas les banques frileuses à l’égard de telles cessions par risque de ne pas pouvoir aboutir à un contentieux si l’administration fiscale contestait le bien-fondé des créances cédées ». Dans cette affaire, les hauts magistrats semblent en conséquence avoir opté pour la solution la plus sage et cela sans bouleverser aucun principe juridique.
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TAXATION DE L’ADMISSION AUX NÉGOCIATIONS SUR UN MARCHÉ : NONCONFORMITÉ AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE C.J.U.E., 16 octobre 2017, Air Berlin,
aff. C-573/16
Régis Vabres
Professeur de droit privé à l’Université de Bourgogne CREDIMI
Le droit de l’Union européenne prévoit de longue date (1) et précisément, depuis l’adoption de la directive 69/335 du Conseil du 17 juillet 1969, aujourd’hui refondue par la directive 2008/7/CE du Conseil du 12 février 2008 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, des dispositions spécifiques visant à harmoniser la taxation des apports au sein de l’Union européenne. L’article 5 de la directive 2008/7 prévoit expressément que les États membres doivent exonérer les sociétés de capitaux de toute forme d’imposition indirecte sur les apports de capital (création de sociétés, augmentation de capital). Seuls les droits de mutation portant sur certains biens (immeubles, fonds de commerce) sont admis (directive 2008/7, art. 6, 1, b). De même, le même texte prévoit que les États membres ont l’interdiction de soumettre à quelque imposition que ce soit « la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation d’actions, de parts ou autres titres de même nature, ainsi que de certificats représentatifs de ces titres, quel qu’en soit l’émetteur » (directive 2008/7, art. 5, 2, a). Cette interdiction présente un champ d’application particulièrement large, mais elle ne doit pas être mal perçue pour autant. Elle vise essentiellement le processus de création de titres ainsi que l’admission aux négociations sur un marché. Toutefois, elle ne s’applique pas aux opérations de transmissions de titres, pour lesquelles les États membres conservent la possibilité de prévoir une taxation. C’est au regard de ces dispositions que la C.J.U.E. a été amenée à se prononcer sur le régime fiscal applicable au Royaume-Uni. Dans cet État, une taxation des opérations de transmission de titres est prévue, qu’elles soient constatées par un acte écrit ou non. Toutefois, parce que la mise en œuvre des taxes frappant les transactions financières soulève des difficultés de recouvrement (2), lorsqu’une chambre de compensation s’interpose ou lorsque des opérations en sens inverse de 1. A. Maitrot de la Motte, « Le rôle de l’Union européenne dans l’harmonisation des taux des droits d’apport », Dr. fisc., 2017, 278. 2. R. Vabres, « Propriété et taxe sur les transactions financières », in Mélanges AEDBF VII, 2018, à paraître. 2018/1
celles initiées sont exécutées, un dispositif particulier est prévu par la réglementation du Royaume-Uni. En l’occurrence, au lieu de mettre en œuvre une taxation à chaque transfert de propriété des titres concernés, le droit national autorise le paiement d’un droit de timbre ou d’un droit additionnel de 1,5 %, lors de l’admission initiale des valeurs dans le système de compensation. L’impôt ne vient plus ici frapper la transmission, mais l’admission aux négociations. Par dérogation, sur agrément des autorités fiscales, le service de compensation peut opter pour une perception frappant tout transfert des actions au sein de ce service et permettant une exonération de l’opération d’admission. Dans l’arrêt commenté, la société Air Berlin a lancé une opération d’introduction en Bourse sur le marché de Francfort en 2006. Cette offre publique initiale a nécessité d’inscrire à la cote toutes les actions de la même catégorie, y compris celles qui n’étaient pas destinées à être vendues lors de l’introduction en Bourse. C’est ainsi que la propriété des titres a été transférée à Clearstream Banking AG, en tant que chambre de compensation de la Bourse de Francfort. Cette opération de transfert d’actions a donné lieu à la perception du droit de timbre prévu au Royaume-Uni, soit 1,5 % de la valeur de marché des actions au moment du transfert. En revanche, les actions nouvellement émises à l’occasion de l’offre publique initiale n’ont donné lieu à aucune taxation. Une nouvelle émission de titres opérée en 2009 a également donné lieu au paiement du droit de timbre. Pour chacune de ces opérations, c’est la société Air Berlin qui s’est acquittée de l’impôt concerné, la société Clearstream n’ayant pas utilisé l’option prévue par les règles nationales. C’est également la société Air Berlin qui a entrepris d’exercer un recours pour obtenir la restitution des taxes versées. Dans le cadre de celui-ci, les juges britanniques ont soumis à la C.J.U.E. plusieurs questions préjudicielles ayant trait à la conformité du régime fiscal britannique avec les dispositions précitées des directives 69/335 et 2008/7. Sur ce point, la C.J.U.E. rappelle d’abord une jurisprudence constante. Les dispositions des directives 69/335 et 2008/7 doivent faire l’objet d’une interprétation large afin que les interdictions édictées ne soient pas dépourvues d’effet utile (3). La Cour s’interroge ensuite sur la nature même des opérations en cause. Dès lors que le transfert de propriété opéré au profit de Clearstream ne constitue pas en soi une opération de rassemblement de capitaux doit-on considérer que la taxation 3.
Voy. déjà, C.J.U.E., 15 juillet 2004, Commission c. Belgique, aff. C-415/02, spéc. n° 33.
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de ce transfert viole les interdictions prévues par les directives européennes ? Ne relève-t‑il pas plutôt des opérations de transmission susceptibles d’être taxées ? Le juge européen n’adhère pas au raisonnement mené par le Royaume-Uni. Il écarte, en premier lieu, l’argument selon lequel le transfert des titres au profit du système de compensation constitue un véritable transfert de propriété. Le transfert des titres à la société Clearstream est une opération préalable permettant de faire fonctionner le système de compensation. Mais en réalité, ce transfert ne modifie pas la propriété juridique des titres et n’affecte pas les prérogatives des propriétaires. Il s’agit là de simples écritures comptables qui n’affectent pas l’exercice des droits découlant de la propriété des titres. Dès lors, ce transfert ne constitue pas une opération de transmission taxable. Le juge retient ensuite une approche globale de l’opération d’admission aux négociations et montre à nouveau qu’il n’hésite pas à appliquer la directive à des situations non envisagées par celle-ci (4). Dès lors que le transfert des titres à la société Clearstream est une exigence posée par le droit allemand pour être coté sur le marché de Francfort, il n’y a pas lieu de considérer que cette opération est détachable du processus d’admission. L’inscription des titres dans les comptes 4.
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C.J.U.E., 9 octobre 2014, Gielen, aff. C-299/13, R.I.S.F., 2015/1, p. 132 et nos obs.
gérés par Clearstream participe du processus d’admission et ne peut donc pas constituer le fait générateur d’un impôt au regard des dispositions des directives européennes. La même conclusion est retenue par la C.J.U.E. à l’égard de l’émission d’actions nouvelles réalisée en 2009. Certes, l’acquisition de ces nouveaux titres constitue une opération de transmission, puisque la société émettrice voit la détention de son capital être modifiée. Toutefois, taxer la première acquisition revient à taxer l’émission elle-même. Aussi, selon la Cour, l’émission de titres, au sens de la directive 2008/7, inclut également la première acquisition des titres nouvellement émis, conduisant ainsi à lui faire bénéficier de l’exonération prévue par l’article 5, 2, a). Cette approche extensive des notions employées par la directive et le souci d’appliquer un régime fiscal cohérent conduisent également la Cour à ne pas prendre en compte l’option ouverte au service de compensation. La possibilité pour celui-ci d’opter pour une taxation des transmissions, exonérant par la même occasion l’inscription à la cote ne change pas la solution. L’option n’a pas vocation à être utilisée systématiquement de sorte qu’elle ne permet pas d’assurer une conformité totale au droit de l’Union européenne. Le régime fiscal britannique est donc jugé contraire aux directives 69/335 et 2008/7, ce qui conforte le mouvement européen et l’œuvre du juge en faveur de la suppression des droits d’apport.
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